Ce n'est pas si souvent que c'est Carciphona qui se joint à moi pour mes activités d'enchanteresse, c'est bien plus souvent des sorties entre nous ou pour des aventures d'aventuriers comme les expéditions de la Couronne. Pas souvent sans conséquences au final… La Cité Enfouis, Labyrinthia, la croisière… Il y a bien le désert qui ne s'est pas si mal fini quand même. Pour une fois, c'est mon travail qui nous amène dans un coin perdu du royaume ! Aucun risque à l'horizon, pas de monstres à exterminer ou d'île volante à explorer.
Nous sommes parties il y a quelques jours de Capitale, direction Forteresse par les portails de téléportation. Puis à l'ouest pour rejoindre les contreforts des montagnes. Là-bas se tient un marché un peu particulier : le Marché aux Monstres. Il ne se tient pas aussi loin des grandes villes pour rien. On y vend des monstres et des ressources introuvables ailleurs. Mais la présence de certains monstres un peu dangereux ne lui permet pas de se tenir en ville ou près des habitations. Bien sûr, on n'achète pas ces créatures dangereuses comme ça, la garde veille au grain. Mais on ne se rend pas là-bas pour des monstres, j'y vais pour acquérir des matériaux spécifiques : corne d'Unicorn, griffe de Gevaudan… Le nécessaire pour fabriquer des objets ou des ingrédients pour l'infusion.
Ca va K'awill ? Tu as bien du courage de nous porter toutes les deux.
La brave loutre nous porte toutes les deux sur ce trajet. L'une ou l'autre descend régulièrement pour marcher à côté de K'awill pour ne pas le fatiguer de trop.
Il faudrait que je prenne du temps pour trouver une gentille monture comme toi. Tu m'aideras à lui apprendre à être un bon partenaire ?
Je flatte la loutre sur le flanc. K'awill est un amour même si Jack lui a appris un peu trop de bêtises à mes yeux…
Et toi, tu m'aides à choisir hein ? On ne sait jamais ce qu'on peut trouver au Marché aux Monstres.
Peut-être que je trouverai une monture correcte, il faudrait que j'y pense. K'awill ne râle jamais de nous porter toutes les deux mais ce n'est pas idéal pour lui…
J’avais prévenu la guilde que je prenais quelques jours de vacances. Pas de mission pour la lune entière, je consacrais tout mon temps à Lin mais aussi à l’entrainement de K’awill pour diverses choses. Que ce soit en forme humaine ou loutre, il fallait qu’on améliore quelques points. Quand nous étions en mission, je ne pouvais pas aisément le faire. Généralement pressés, il fallait qu’on avance à marche forcée pour le bon plaisir du commanditaire. Là, notre “ cliente “, c’était une enchanteresse de renom drôlement sexy. C’était ma chérie qui nous avait demandé une faveur. L’accompagner dans la vallée de l’Astrophel pour le fameux marché aux Monstres. J’ai déjà entendu de nom, c’était l’endroit idéal pour acheter certaines reliques ou ingrédients rares mais je n’ai jamais mis les pieds. Je pense que mes quelques trouvailles en quête ont fini là-bas. Certaines personnes nous demandaient de chercher tout et n’importe quoi mais je ne savais jamais où ils pouvaient bien vendre ça. Maintenant, j’allais voir de mes propres yeux le fruit de notre travail, nous les aventuriers.
Le temps était donc clément et K’awill s’amuse à nous porter toutes les deux. J’avais quelques pendentifs plumes pour alléger grandement tout le poids de nos affaires et nous arrivait de marcher près de lui. Lin avait raison, elle avait besoin d’une monture pour qu’on puisse se balader plus loin et plus rapidement. Ma loutre se prend au jeu et donne son avis sur le futur compagnon que pourrait avoir la blanche.
- Moi aimer panda roux géant. Pas loutre, moi déjà Kaname. Trop de loutre, nul. Panda, rigolo
- Attention K’awill, il pourrait être plus mignon que toi tu sais.
- Moi MIGNON ! pas panda !
- Alors qui veux-tu d’autres comme ami ?
Lin ne m’avait jamais dit ce qu’elle pourrait bien prendre. Je crois qu’elle veut garder la surprise et qu’elle avait déjà son idée en tête depuis longtemps. Moi je galérais à deviner mais si on va au marché aux monstres, ça ne va pas être un truc aussi mignon qu’un panda roux…
- Catosorus gros. Ronronne trop. Moi veut Majine. Majine beau.
- Un majine.. Oui pourquoi pas et pas un phobou ?
- Non tête pas drôle.
C’est vrai que cette bestiole ne reflétait pas l’intelligence.
- Tu ne vas pas nous dire alors Lin ?
Elle sourit, elle veut nous laisser miroiter pendant tout le voyage. Je me contente alors de m’approcher d’elle et de glisser un baiser sur ses lèvres. Ca me faisait du bien de pouvoir profiter d’elle sans aucune mission qui nous oblige à nous presser. La théorie voudrait que rien ne nous arrive mais ça fait bien longtemps que Lucy me fait des blagues alors je laisse couler.
- Moi apprendre tout nouveau copain. Petit frère ou petite soeur ?
- Alors mon grand, ça ne sera pas un petit frère ou petite soeur mais ça sera ton ami, c’est certain. Tu feras en sorte de toujours le protéger d’accord ?
- Moi loutre saphir, moi toujours protéger gens. Moi fort tout comme maîtresse.
- On le sait et peut-être qu’on te trouvera des nouveaux trucs pour toi au marché !
- Moi vouloir chariot magique. Moi pouvoir aider comme ça.
K’awill avait vu cette charrette magique une fois derrière un Tsi’ly, depuis il voulait faire pareil pour aider à porter les blessés si nécessaire. A chaque fois, on devait faire un brancard d’urgence, laissant à désirer le confort du blessé mais c’était une bonne idée d’investir dans ce genre d’objet.
- On verra ce qu’on trouve alors mais avant il nous reste encore quelques kilomètres pour arriver à destination. Bon, on continue d’apprendre l’histoire du royaume ?
C’était comme ça que j’apprenais à ma loutre la culture générale. L’histoire, les mathématiques et même à lire les panneaux. Certes, je n’étais pas très calée non plus mais Lin m’aidait sur certains points. Elle a même expliqué quelques concepts des enchantements de manière très simple. Je pense que l’exercice était très dur pour elle car c’est comme si elle devait expliquer ce genre de choses à un gamin de cinq ans mais elle s’est prêté au jeu. Le lien entre mon familier et elle s'agrandit de jour en jour. Ça faisait du bien au cœur de les voir si proches. Nous étions une famille et j’espère que la monture de ma chérie pourra s’intégrer dans le petit cocon que nous avons créé depuis maintenant plusieurs saisons.
Le soleil était à son zénith quand on est arrivé au Marché. Des stands étaient dissipés un peu partout. Des petites étales, des énormes tentes qui permettaient certainement de cacher des créatures mystérieuses. Il y avait plein de tous ici surtout quand on voit les carrosses avec certaines armoiries. Ça nous donne du boulot, les quêtes d’escorte payaient très bien.
- Tu as réservé une auberge pour nous ?
- Bien sûr, je pense à tout mon coeur.
Lin et sa prévoyance. Je l’aimais pour ça. J’avais l’habitude de dormir sous la tête mais un bon lit ne nous fera pas de mal surtout après tous les kilomètres qu’on s’est tapés.
- Elle se trouve au nord du marché. Elle est temporaire mais elle a tout ce qu’il faut.
Cela veut dire que des enchantements ont permis de créer cet établissement dans un temps record et je pense qu’elle avait aidé un peu. Le patron reconnut aussitôt Lin et nous invite à le suivre.
- Je suppose qu’on va avoir la meilleure chambre non ?
- Le minimum après tous les enchantements que j’ai fabriqué pour eux.
- Allons poser nos affaires, j’ai hâte de visiter les environs.
K’awill était dehors. Il attendait qu’on revienne pour que lui aussi profite des évènements. Je lui ferai bien vérifier tous ses harnais et autres. Les protections se sont un peu abîmées par endroit et certains artisans aimaient bien avoir l’animal à porter de main pour faire du sur-mesure.
- Prête mon amour ?
On se prend dans les bras pour un petit calin avant de quitter la chambre. Nos doigts entrelacés, on quitte l’établissement pour se retrouver dehors.
- Ma Dame, je vous sers d’escorte aujourd’hui. Je suis à votre entière disposition.
Une révérence digne de ce nom et je me laisse guider par ma compagne.
K'awill et ma compagne ont l'air d'avoir bien leur idée concernant ma potentielle future monture. Certains noms me parles mais certains pas du tout… c'est quoi un Majine ? Le bestiaire du royaume, c'est pas à moi de le connaître…
Nan, j'en sais vraiment rien… On verra bien si je trouve quelque chose qui me plaît.
K'awill est très motivé pour former ma monture… Pas que cela me dérange mais moi, je suis pas aventurière, j'ai pas besoin d'une monture saphir… Par contre, Carciphona devrait trouver de quoi faire le bonheur de la loutre.
Tu devrais trouver un chariot sans trop de difficulté… Si besoin, je te ferai l'enchantement mais on devrait pouvoir trouver du bon matériel. Je connais un enchanteur qui bosse dans cette zone, il fait du bon travail, il va sûrement être là pour vendre ses productions.
La fin du trajet est animée par l'apprentissage de K'awill. Je le plaindrais presque d'être ainsi embêté avec des trucs qui ne concernent que les humains… On a pas idée de torturer cette pauvre loutre avec le noms des différents rois morts depuis des dizaines d'années. Le pire est que Carciphona a trouvé le moyen de m'inclure là-dedans… Comment pouvais- je dire non à une loutre larmoyante trop motivée pour apprendre l'enchantement ?
A l'arrivée sur le marché, l'activité n'a pas encore vraiment débutée. Il n'a commencé que ce matin et doit encore durer plusieurs jours. On prend directement la direction de l' "auberge" que l'on pourrait plutôt appeler un amoncellement de tentes confortables. Il y a bien des années, j'ai réalisé plusieurs enchantements pour le propriétaire. Le tout gratuitement en échange de services. Service que j'ai réclamé au patron pour ce passage au marché. L'auberge est surveillée par une troupe de mercenaires, pour assurer la sécurité des habitants mais aussi de nos biens. On peut ainsi se permettre de laisser des affaires dans notre tente.
Aller, on est partit. J'ai ma petite liste d'achats pour mes enchantements et toi, K'awill a reequiper.
Le séjour va certainement être bien chargé malgré tout. On file faire un premier tour du marché et de ses nombreux stands. On commence par la partie "matériaux" par rapport à ma liste d'achat et de la recherche de chariot de Carciphona. Je prends mon temps pour faire mes choix, je ne veux que de la bonne qualité pour mes enchantements. Sabot de Talbuk Alpha, corne de Kirin ne sont que quelques ressources tirées de monstres plus ou moins dangereux. Je n'achète pas la quantité totale nécessaire, des marchands vont et viennent durant tout le marché donc c'est important de diversifier l'approvisionnement. On finit par arriver vers les quelques marchands d'équipements magiques.
On devrait trouver de quoi faire le bonheur de K'awill ici.
Il y a pas mal de choses à disposition, il faut chercher c'est tout. Mais on m'interpelle, une vieille voix pas inconnue.
Mais si, c'est la petite Lin ! J'ai eu un doute mais c'est bien la dernière apprentie de ce vieux débris d'Alcan.
Je me retourne vers l'autre côté de l'allée. Il me faut quelques secondes pour reconnaître le visage d'un enchanteur vieil ami de mon maître.
Messire Darmine ! Cela fait bien longtemps effectivement, l'enterrement d'Alcan de mémoire. Je pensais que vous aviez pris votre retraite peu de temps après le décès de mon maître.
Ah, c'est que je l'ai prise mais que veux-tu, quand la passion est encore là. Ma vieille carcasse est encore capable de transmettre ce savoir alors autant continuer. Mais assez parler des vieilles biques ! Qu'est-ce que tu deviens, je me souviens qu'Alcan ne tarissait pas d'éloges sur ton travail ?
Je suis retourné chez moi à la Ville Aquatique pour monter mon laboratoire. On peut dire que les choses tournent bien maintenant. Je suis venue pour m'approvisionner en matériaux monstrueux. J'ai même pris ma première apprentie récemment.
Je jette un coup d'œil à ma compagne qui cherche le futur chariot de K'awill pendant que je discute avec une vieille connaissance.
A tout hasard, vous n'auriez pas un chariot enchanté ?
Alcan ? Qui est cet homme dans la vie de ma chérie ? Je sais qu’elle a plein de secrets, une enfance difficile mais je ne me rappelle pas une seule fois d’avoir entendu ce nom. Je sais qu’elle avait un maître mais sans connaître son nom. Je pensais au vieux machin avec une longue barbe, digne d’un maître quoi.
Bon aussi, je ne savais pas qu’elle avait perdu son mentor tiens. Au final, il y a peu de choses que je connais d’elle. Je connais son présent mais pas son passé. Peut-être qu’elle n’a jamais voulu rentrer dans ce genre de détails quand on était en tête à tête. On avait d’autres gloots à fouetter à ce moment-là.
Bref, ils discutent alors je fouille dans les chariots présents. Moi j’y connais rien à ces machins. Je fonctionne au style. Certains avaient des roues rouges, d’autres des flammes peintes sur les côtés au plus grand bonheur de K’awill. C’est vrai, je trouvais ça amusant mais je préfère partir sur quelque chose de plus…. Discret !
- Mon grand, on voyage en voyage. Le but est tout de même de se camoufler un peu non ?
- Moi aimer rouge
- Je sais que tu aimes le rouge mais tout de même. Tu ne veux pas aller vers un truc vert ? Couleur arbre, forêt.
- Moi voir alors.
Alors ma loutre fouille derrière, regarde un peu quand Lin finit par nous interpeller. Elle avait trouvé notre bonheur à ce qui paraît.
- K’awill, viens !
Le marchand râle un peu maintenant que ma loutre avait tout défait mais le client était roi non ? Puis il avait qu’à mieux ranger tout ça. L’homme qui parlait à Lin me montre un chariot. Certes, il n’était pas de tout beauté mais il avait une explication.
- Ce chariot a bénéficié de nombreux enchantements ma petite dame. Je sais qu’il n’est pas tout jeune mais les essieux et les roues sont tous neufs.
- Lui solide ?
- Oh, une loutre qui parle. Lin, tu y es pour quelque chose ?
Ma compagne fait un signe négatif de la tête.
- Moi parler tout seul. Moi Saphir aussi. Moi fort.
- Quel grand garçon. Tu as quel âge.
- Moi avoir six solstices. Moi être grand et moi porter chariot.
- Il adore papoter. Si vous le laissez faire, il pourrait vous embêter jusqu’à la tombée de la nuit.
J’entends Lin émettre un petit sourire en coin. Oui, bon, je l’avoue je parle beaucoup mais tout de même.
- Moi essayer ?
- Oui vas-y. Laisse ma vieille carcasse chercher ce qu’il faut.
- Attendez, je vais vous aider.
K’awill trépigne d’impatience. C’était la première fois qu’il allait avoir une si grosse chose pour lui. Il avait plein de petits gadgets mais ça. On risque d’en parler souvent.
- Merci bien jeune fille.
- De rien.
Je fis le plus grand sourire commercial que je pouvais faire. En réalité, il était sincère pour ma part. J’aimais aider les gens et puis, la jeunesse servait à ça non. On tire le chariot, il me montre comment adapter à ma loutre et K’awill se place.
- Lui parfait. Moi adorer. Moi prendre.
- Attends mon grand, on n’a pas encore parlé du prix.
Lin intervient en me disant que c’était déjà tout vu. Le vieil homme sourit. Je regarde tour à tour les deux enchanteurs. Bon je crois que le message est clair, nous venons de gagner un chariot.
- Vous allez voir, un vrai bijou.
- Moi garder, Lin moi porter affaire.
Il prenait déjà à coeur sa nouvelle mission. Je préfère lui laisser les choses insignifiantes pour éviter de nous faire voler notre marchandise.
- Tu as encore des choses à voir mon coeur ici ou on part chercher la suite de ta liste ?
C'est -à -dire, récupérer un familier ! J’avais hâte de trouver le compagnon idéal pour ma chérie mais aussi pour K’awill.
Attends, je devrais avoir ça quelque part…
Il se penche sur son étale continuant la discussion en même temps qu’il cherche sa marchandise.
C’est un produit parfait pour ce genre de marché, je crois en avoir prévu quatre ou cinq… Ma mémoire n’est plus ce qu’elle était, la vieillesse me guette… Pourquoi ne pas faire l’enchantement toi-même, ce doit être largement dans tes cordes ?
Si j’en avais le temps lorsque je suis au laboratoire… Fort heureusement, mes enchantements se vendent bien mais cela me laisse peu de temps pour des créations plus personnelles. Même mes recherches en pâtissent. Cela ira mieux lorsque Fedora sera suffisamment formée pour réaliser quelques commandes simples.
Former un apprenti prend du temps mais c’est une fierté de voir son apprenti voler de ses propres ailes ensuite. C’est du temps bien investi… Ah, les voilà !
Il me tend un des cubes magiques pouvant devenir un chariot. C’est un bon objet pour partir à l’aventure. Utile pour transporter de quoi établir un campement sur zone ou pour ramener une proie de bonne taille… J’active la magie du cube pour étendre le chariot et le montrer à ma compagne et sa loutre. Le chariot n’est pas neuf mais c’est de la fabrication de qualité, je n’en doute pas. Darmine est un enchanteur qui entretient un certain niveau de qualité. Pour avoir côtoyé plusieurs de ces anciens apprentis, c’est une qualité qu’il met un point d’honneur à transmettre. En attendant que Carciphona vienne voir le chariot, j’ai un petit point à voir avec Darmine.
Tu les vends combien ?
Trente cristaux gris, mais pour toi, ce sera moitié prix en mémoire pour mon vieux collègue.
Je lui donne la somme nécessaire plus quelques cristaux. Ce n’est pas parce que je n’en fabrique pas que je ne connais pas la valeur d’un de ces chariots magiques. En l'occurrence, je doute qu'il rembourse la matière première à ce prix.
Une fois le chariot adopté par K’awill, je salue l’enchanteur pour que l’on continue les achats prévus. Comme il a envie de se rendre utile avec son tout nouveau jouet, je m’assoie à l’arrière du chariot.
En route sieur K’awill, nous avons encore beaucoup de travail !
Ma liste d’achat est encore loin d’être vide. Mais Carciphona a d’autres idées en tête visiblement, elle dirige K’awill vers le secteur des familiers. L’idée de me trouver une monture ne semble pas l’avoir quittée… Puisque l’on est là jusqu’à demain, autant prendre un peu de temps pour voir ce que les spécialistes du marché proposent. Ils sont un peu à l’écart du reste des marchands à cause du boucan produits mais aussi du risque en cas de fuite d’un de ces monstres. Avec un K’awill et son chariot, le chemin n’est pas très fatiguant, il faut bien le reconnaître. La zone “familier” est nettement plus bruyante, comme le marché n’a pas commencé depuis longtemps, il y a encore la grande majorité des monstres. Et il est clair que certains n’aiment pas leurs voisins vu les hurlements qui retentissent régulièrement. Je reconnais quelques monstres pour les avoir déjà croisés comme ces Donyst. Ce sont de belles créatures mais je n’ai pas spécialement de coup de cœur pour eux. Il y a aussi des familiers plus adaptés au combat… Mais cela ne m’intéresse pas, j’ai déjà Furozun pour garder maison et laboratoire. On divague dans les larges allées regardant chaque stand. Carciphona et K’awill y mettent du cœur pour trouver une fidèle monture qui m’irait. Il faut un bon moment avant que je ne repère un spécimen qui me parle. C’est une sacrée bête qui paisse tranquillement derrière un stand. C’est un grand monstre, une bête de puissance à la ramure imposante…
Carciphona, tu connais ce genre de monture ?
Avec une monture aussi imposante, nul ne viendra me chercher des noises… Je doute que j’aurai à craindre le moindre bandit de grand chemin sur le dos d’un tel monstre.
Je vous déconseille ce bougre, jeune dame…
Je me tourne instinctivement vers le stand d’où venait la voix. Un homme bien charpenté nous regarde avec insistance. Il a dû entendre notre conversation.
Pourquoi donc si cela n’est pas indiscret ?
Pour votre sécurité… Cette tête de mule est une brute, trois hommes ont tenté de le dominer… Ils ont tous péri sous ses sabots. Et pour les autres qui ont envisagé de l’amadouer, ils ont pris leurs jambes à leur cou face à ce monstre. Si personne n’arrive à le dompter durant le marché, il ira voir le boucher.
Cela me semble dommage d’envoyer une si jolie bête à la mort parce que personne n’arrive à lui faire entendre raison. Je me tourne vers ma compagne espérant avoir son avis sur la question.
K’awil se prend au jeu et nous transporte dans ce chariot dans tout le marché. Il faut dire que ça faisait carrosse. Du moins, carrosse de la gamme d’une simple aventurière. Pas de dorure ici, ni même d'assise agréable mais bien ce qu’il faut pour nous deux. On finit par tomber dans la zone des familiers, je dirais un zoo où ça sentait comme à la foire des bouctons. Peut-être même plus fort à certains endroits.
Arrêtant notre convoi, je tends la main à ma dulcinée pour l’aider à descendre. On passe devant de nombreux stands quand l’un intéresse plus qu’un autre. Le vendeur était un éleveur de montures de type équidé, bovin. Bon, je n’étais pas une pro dans les familles et autre taxon. Moi, je me renseigne comment on peut l’utiliser et basta !
- Un sceral… c’est pas très mignon ça !
Elle va être comment ma crédibilité moi avec une loutre et elle, un truc aussi grand ? Je voulais faire le duo de choc de la mignontitude.
- Mis à part ça, j’ai des collègues qui ont ce genre de monture. Fidèle, un peu tête de mule.
Je n’ajoute pas comme toi avant de me faire foudroyer sur place.
- Endurante et imposante. Parfait pour les chemins de grands chemins. Elle s’adapte bien à tout. Son point faible, je dirais sa maniabilité mais je ne pense pas que tu as besoin de ça. Le plus dur sera le dressage mais tu es téméraire.
Chaque animal avait ses points forts et ses points faibles. Il faut surtout savoir ce qu’on veut, connaître ses besoins et voir si c’est acceptable. L’affect joue beaucoup dans ce genre de choses et ce sceral semble lui taper dans l'œil. Par contre quand j’entends le commentaire de l’homme, je m’inquiète un peu. Pourquoi est-il si violent ? Ca m’étonne. Maltraitance ? Est-ce un vendeur recommandable et pas un braconnier, voleur de bêtes ? Des réactions aussi vives sont rares sauf si il avait toutes les raisons pour. Je reste donc sceptique et je demande à K’awill d’avancer vers la bête. S' il s’attaque aussi à lui, c’est qu’il a un problème avec tout le monde. Certainement capturé contre son gré, il ne souhaite que la liberté et veut approcher personne.
La loutre s’approche et celui-ci ne dit rien. Il se renifle à distance et K’awill juge un peu l’animal. Finalement, il risque peut-être d’être ami dans le futur. Est-ce qu’on rentrait dans l’équation ? Il faudrait qu’il accepte pas une mais plusieurs personnes, notre petite escouade qui parcourt souvent la route ensemble. Il rentrerait dans cette famille qui se construit au fil du temps. D’ailleurs, je vois déjà où je pourrais mettre sa monture dans ma grange car je pense qu’elle vivra certainement chez moi. Je devrais trouver un petit garçon d’écurie pour passer quand je ne suis pas là. Je vois déjà le petit Boggs pour faire ça. Je sais que son rêve c’est de s’occuper des familiers. Je peux le prendre comme “ stagiaire “ et ça soulagerait les vieux.
- Je croyais que cette pratique était arrêtée ?
Certes, ils sont invendables mais de là à les manger. Je ne suis même pas sûre que ce soit bon.
- Oui mais cet abruti est un danger sur pattes ! Il m’a cassé de nombreuses barrières et autres enclos. C’est sa dernière chance, voilà tout. Ce n’est pas vous qui va faire quelque chose de vos petits bras frêles.
Cet homme était un commercial né dis donc. S' ils parlent à tous ses clients ainsi.
- Alors si on arrive à faire quelque chose de lui, vous nous le vendez à un bon prix ?
- Je suis bien curieux de voir ça, mes petites dames ! Je vous fait moitié prix si vous arrivez à le toucher sans qu’il vous crache dessus.
- D’accord !
Il m’avait chauffé celui-là et moi les défis, ça me tente bien. Bon c’était pour Lin mais il va vite comprendre que nous n’étions pas des jeunes femmes sans défense ! Il a en face de lui, la grande enchanteresse de ce pays et d’une Saphir.
- Alors, on a peur ?
- Non, du tout.
K’awill m’indique que le sceral n’avait pas bougé plus que ça, il n’était pas si violent que ça. Je prends Lin à part pour qu’on parle stratégie.
- Ma chérie, je sais, je me suis emportée mais je suis sûre que ça va le faire.
Je la sens un petit peu tendue mais explique mon raisonnement.
- Je suis sûre qu’il est maltraité et c’est pour ça qu’il n’est pas doux avec les gens. Je m’aide souvent de K’awill pour connaître les réactions des autres.
K’awill était presque à sa portée, assis sur son séant à converser par les yeux. Il était calme et persévérant. La monture était perplexe mais laissait l’envahisseur de son espace vital dans son coin. Un bon signe quoi.
- Donc, toi, tu as juste à t'approcher de K’awill, avancer peu à peu dans son espace vital et prendre la place de la loutre. Tu verras immédiatement si il est hostile à toi. Tu n’es pas armé, bon il ne sait pas que tu peux lui exploser la tête mais tu vois que tous les hommes autour de nous ont une épée à la ceinture.
Il était rare qu’ils voyageaient sans dans ce genre d’endroits. Malgré qu’une épée ne peut pas facilement atteindre l’encolure des scerals sans finir sous ses sabots mais c’était un bon moyen de dissuasion.
- Allez, vas-y avance. Je suis sûre que ça va bien se passer.
Bon, je prépare tout de même ma sarbacane qui était accrochée à ma cuisse au cas où….
Suis-je vraiment étonnée de voir Carciphona se chamailler avec le marchand et finir avec un pari ? Pas du tout… C'est dans sa nature mais on ne parle pas de son familier là, ce n'est pas un gentil familier comme K'awill. Le passé que le marchand nous a décrit est violent, très violent. Une telle violence ne vient pas au hasard… prise à part par ma compagne, je l'écoute me donner son hypothèse et son plan.
Maltraité, je ne suis pas certaine mais cela n'a guère d'importance. On va bien voir ce que ça donne.
Il a laissé K'awill s'approcher, le problème n'est pas avec tous les mâles mais visiblement avec les humains. Espérons que ce ne soit qu'avec la partie un peu trop bête de notre espèce. Je commence à escalader la barrière et m'arrête au moment de passer de l'autre côté pour héler ma compagne.
Puisque c'est ton défi, tu paieras ma chère.
Puisque nous en sommes là grâce à son côté un peu vantard, il faut bien qu'elle assume. Je passe de l'autre côté de la barrière et commence à m'avancer vers le Sceral. Celui-ci relève la tête pour me fixer alors que je m'avance d'un pas lent et et assuré. K'awill n'a pas bougé de sa position et le sceral ne semble pas lui accorder plus d'importance que cela. Trois pas de plus, le monstre s'ébroue. Mal à l'aise ou menace ? Difficile à dire mais je parie plutôt sur le mal-être… Ce regard froid et figé, je le connais… c'est le regard du trahis, celui dont la confiance a été trop écrasée et bafouée. Il n'a pas été maltraité, juste abandonné et laissé seul. On arrivera à se comprendre, nous avons tous les deux subi un passé dur et douloureux. Deux pas de plus et je me retrouve à côté de K'awill. Le sceral n'est qu'à quelques pas de moi mais c'est à lui de venir vers moi maintenant.
K'awill, retourne vers Carci. Je peux m'occuper de ça.
Je caresse la tête de la loutre avant qu'elle ne reparte vers sa maîtresse. Le sceral surveille le départ de la loutre mais ne bouge pas d'un pouce. Bien, maintenant qu'il n'y a que nous deux, je lui tends une main délicate. C'est à lui de choisir maintenant : me faire confiance ou rester seul. Il faut un moment avant qu'il ne fasse un mouvement : juste baisser la tête vers moi… Et un temps encore plus long pour qu'il s'approche et pose ses nasaux sur ma paume. Tout doucement, je déplace ma main sur sa tête pour lui caresser le front.
Tu es prêt à faire un bout de chemin avec moi ?
Il ne se détourne pas de moi, je le prends donc pour un accord entre lui et moi. C'est un grand mâle Sceral, il pourra fièrement me porter et m'accompagner sur les routes.
Tu me laisses monter mon grand ?
Voyons maintenant s'il accepte de me porter sur son dos.
Comment je vais payer ! Mais je ne suis pas d’accord moi. C’est de l’arnaque totale !
- Avant de parler de ça, va dompter la bête toi !
Je rigole, je rigole mais elle a intérêt de réussir sinon je vais devoir calmer cette pauvre bête qui n’a rien demandé. K’awill attends mon approbation de quitter Lin quand elle se trouve proche du Scéral. Ma chérie avait l’air sûre d’elle, je ne pouvais que lui faire confiance alors d’un ordre télépathique, il s’éloigne et je regarde la scène avec prudence.
Comme dans une pièce de théâtre, l’animal s’approche tout doucement de l’enchanteresse. Même le vieux lourdaud de vendeur ne disait rien. Il voyait surtout ses cristaux s’envoler au fur et à mesure que le museau s’approchait de le main de la blanche. Je retiens mon souffle encore et encore lorsque Lin demande de faire une ballade avec lui. Non, elle ne va pas faire ça ? Le marchand ricane dans son coin.
- Elle va se briser la nuque tout simplement.
Je tourne la tête vers l’homme et lance un regard noir. Qu’il essaye de répéter et je lui pète les dernières dents qu’il lui reste, non mais. Lin s’approche encore plus, pose la main sur l’encolure du familier. Celui-ci remue la tête mais pas d’agacement. Automatiquement, K’awill se redresse, au cas où. Est-ce qu’il y a un problème ? Je ne comprends pas tout de suite lorsque que Lin enfin sur le dos de l’animal que le marchand arrive par l’autre côté. K’awill voit aussitôt la scène et fonce vers l’individu. Mais la réaction la plus surprenante c’est que le sceral ne prends pas peur, non bien au contraire, il garde ses appuis pour ne pas désarçonner Lin et montre ses bois en avant. Grattant son sabot contre le seul, il se met en position défensive face à l’homme, son persécuteur.
- Hey calmos !
Il secoue la tête et essaye de faire reculer l’homme ou du moins qu’il n’approche pas plus de sa “ maîtresse “.
- C’est moi ton maître, tu ne vas pas faire ce que tu veux toi !
Puis il souffle, avance d’un pas, toujours en position défensive mais un seul faux pas de la part de l’homme et je pense qu’il l’embroche. Mais je restais immobile, peut-être que je me rendrais invisible au cas où, je pourrai attraper Lin ou sinon attraper l’homme. Mais il n’avait fait rien de mal encore, je ne pouvais l’attaquer sans raison sans que ça me tombe dessus !
- Une pauvre jeune femme qui va me montrer mon travail ?
Il continue à avancer, prêt à prendre les rennes si nécessaire mais le familier se dresse légèrement sur ses pattes arrières, cabrant pour faire fuir l’intrus.
- Lin, attention !
Je me prépare à courir dans sa direction pour l’attraper avant qu’elle tombe au sol mais elle arrive à se maintenir. Au lieu de ça, je préfère voir le marchand, attrape quelques cristaux dans ma bourse, la somme nécessaire pour l’achat.
- Laisse les tranquille, nous avons réussi le pari. Ton argent et donne moi le bon d’achat.
Je lui attrape sa main et dépose les quelques cristaux dans sa main.
- Ne nous embête pas plus sinon tu vas le regretter, monsieur le mauvais joueur.
K’awill arrive aussitôt et heureusement que j’avais rangé le chariot enchanté car on va pouvoir faire une sortie épique. Je grimpe sur ma loutre géante et l’homme me tend le fameux papier. Ca prouve que l’animal est bien à ma chérie et c’est tout ce qui compte.
- Je crois qu’une ballade nous attend non ?
Il n’est pas si vilain que ça en fait, il a surtout besoin d’un peu d’attention et de douceur. C’est un grand gaillard au grand cœur, je n’en doute pas. On n’approche pas ce genre de caractère en se croyant invincible. Une chance qu’il ne me considère visiblement pas comme une menace ou un rival. le sceral me fixe un moment du regard lorsque je lui demande le droit de monter sur son dos. C’est le moindre des respects non ? C’est un être qui a sa propre intelligence, il me paraît normal qu’on avance à la même vitesse. Lentement, il se met à terre pour me permettre de monter sur lui. Il a certainement déjà porté quelqu’un pour savoir faire cela aussi calmement. Et pas quelques secondes… Je m’installe délicatement sur lui essayant de ne pas lui faire mal. Sans selle, ce n’est pas des plus simples mais il faut bien essayer. Il n’attend même pas que je lui indique que je suis prête pour se relever, m'effrayant un peu mais pas au point de me faire crier. Je me rétablis tant bien que mal avant de faire un signe à ma compagne. C’est qu’on est loin du sol en fait… Mauvaise idée que de faire signe à Carciphona plutôt que de me tenir car le sceral se décide à faire quelques pas sur le côté et à faire face au marchand venu jusqu’à nous. Je jette un regard noir à l’homme qui dérange l’animal et la prise de contact entre lui et moi, tout en parlant au grand monstre.
Tout va bien mon grand, ce n’est rien. Je suis là…
Mais l’un comme l’autre ne semble pas prêt à faire la moindre concession… Le marchand trop embrumé par son honneur puéril et le sceral par sa mauvaise estime de l’homme.
Retournez là-bas, vous voyez bien que vous le déranger !
Forcément le marchand prend mal mon ordre… Ah les mâles et leurs honneurs à deux sous… Sentant les muscles du sceral se mettre en tension entre mes cuisses, je me raccroche à un de ses bois en m’étalant sur son dos. Juste à temps pour éviter d’être éjectée par la ruade du monstre énervé par la tentative du marchand d’attraper les rênes laissés balland. Le temps qu’il se calme, Carciphona est en pleine action pour terminer la transaction à ma place et mettre un terme à ce petit jeu débile du marchand. Avec Carciphona entre lui et l’homme, le sceral est un peu plus calme, pas assez à mon goût mais suffisamment pour ne pas se remettre à ruer.
ça va aller, on va partir mon grand… Tout ira bien maintenant. Va un peu par là.
Je lui tapote le flanc de la main pour lui indiquer sa gauche et l’inviter à prendre de la distance avec cet homme détestable. Au bout de quelques pas, il est plus calme même s’il reste tendu. Je suppose qu’il le sera jusqu’à s’être rendu compte que je ne vais pas l’abandonner. Carciphona et K’awill finissent par nous rejoindre invitant à faire une petite ballade. Pas sûr que cela soit le meilleur des plans vu que je montre à crue, les premiers pas ont été quand même rudes… Mais il faut bien éloigner mon nouveau compagnon de cet endroit où il n’est pas à l’aise. Et puis, il faudrait que je trouve des friandises pour ce grand garçon pour l’amadouer un peu plus.
Allons par là ! Il faut qu’on trouve une selle et des fruits pour lui, monter à crue, c’est pas le plus agréable…[/color]
Je propose de contourner le gros du marché pour rejoindre une autre zone du marché aux monstres. On devrait pouvoir y glaner quelques friandises en premier lieu.
Aller, on va suivre K’awill, d’accord mon grand ? Ouvre la marche ma chérie.
Il faut un peu de temps avant qu’il emboîte le pas à la loutre. Je suis certaine qu’il a déjà eu un cavalier par le passé pour si bien réagir à des consignes basiques. Cela facilitera les choses. Pour cette première marche, on prend le temps nécessaire pour que tout se passe bien. En particulier pour moi qui n’ait pas vraiment d'accroche ou un support confortable. Une fois loin du vendeur, on prend le temps de s’arrêter pour faire quelques achats de friandises pour K’awill et mon sceral. Ne sachant pas trop quoi prendre, je lui propose un à un plusieurs fruits pour qu’il choisisse au grand damn de la vendeuse mais qui ne proteste pas pour autant. C’est un peu long mais, il finit par jeter son dévolu sur des poires bien sucrées. J’en prend un bon paquet histoire de ne pas en manquer d’ici ce soir avant que l’on reprenne notre déambulation, cette fois sur le plancher des vaches, juste en tenant les rênes à la mains.