Examination d'art
Ft. Aurélius Lehnsherr
De toutes les toiles que Cassius avait achetées, le monde peint d'Ultharoth était sa préférée. Il s’agissait d’une grande toile peinturée avec beaucoup d’émotion que l’on pouvait ressentir au travers de chaque coup de pinceau. Du moins, c’est ce que disait Cassius. Si on observait bien la toile, celle-ci prenait vie pour conter une histoire que seul ceux assez ouvert d’esprit pouvait comprendre. Certains traits avaient été tracés avec amour, d’autre avec rage et quelques-uns avec un calme olympien. La peinture était remplie de passion que seuls les grands amateurs d’art pouvaient apprécier. C’était donc pour cette raison que je ne pouvais pas pleinement apprécier cet art phénoménal. En regardant la peinture accrochée au-dessus de l’escalier principal centrer devant la porte d’entrée, ce que je ressentais n’était pas la passion du peintre, mais un certain ennuie. La seule chose que je trouvais intéressante était l’histoire derrière cette peinture. Sincèrement, qui pouvait bien dépenser sans compter pour une toile comme celle-ci ?
Alors que je m’apprêtais à sortir, j’entendis mon père parler avec un nouveau servant. Le pauvre avait commis l’erreur de contempler la toile quelques secondes de trop et mon père remarqua instantanément l’attention que le jeune homme avait porté à l’œuvre. Sa pipe en main, il s’était approché de lui et avait commencer à lui parler. Le pauvre, il allait être là pour des heures si personne n’arrête mon père. Depuis quelques mois, cette œuvre était son obsession. Évidemment, je pourrais le secourir, mais en levant les yeux, il était facile de voir à quel point le servant était intéresser par le monologue de Cassius. Je haussai les épaules me disant que s’ils étaient encore là lorsque je reviendrais, je dirais à mon père de laisser le garçon retourner à son travail.
« Ah ! Nara, bon matin. Tu vas promener les chiens ? »
« Bon matin, papa. Oui, ça fait un moment qu’ils fixent la fenêtre, alors je vais les sortir un peu. »
À mes côtés, Mila et Aeri attendaient patiemment que je termine de parler avec mon père pour courir dans le jardin. Elles avaient été si bien dressées, que je n’avais pas besoin de longe lorsque je me promenais avec elles. Elles écoutaient chaque ordre que je leur donnais et les exécutaient à perfection. Avec un dernier sourire, je souhaitai une bonne matinée à mon père puis me dirigeai vers les jardins. Là, mes deux amies poilues profitèrent de l’air frais. Avec la neige fondante et la saison douce qui s’approche, je pouvais voir le jardinier dans la serre préparer les plants pour que l’on puisse profiter d’une cour resplendissante. J’avais d’ailleurs hâte que le soleil et la chaleur reviennent pour que l’on puisse ouvrir les fontaines.
Au bout d’une ou deux heures, il était temps de retourner à l’intérieur. Si je ne me trompais pas, l’heure du déjeuner était arrivée ou allait bientôt arriver. En traversant la porte, mon regard se dirigea vers le haut de l’escalier pour voir si mon père y était encore. Surprenamment, il n’y était plus. Notre intendante avait sûrement réglé la situation. Tandis que j’observais la toile, une femme m’informa que le déjeuner allait être servi.
À la salle à manger, mon père siégeait déjà au bout de la table avec son café et son journal. Je m’installai à ma place habituelle et un café me fut offert.
« Nara, tu te souviens lorsque j’ai acheté la peinture, je t’avais dit que quelqu’un viendrait pour l’examiner ? L’examinateur sera là dans quelques heures, malheureusement, j’ai d’autres occupations qui m’empêchent de le rencontrer. »
« Ne t’en fais pas, je m’en occuperais. »
« Merci, je vais essayer de me libérer le plus rapidement que possible. »
Si elle ne devait qu’accueillir l’examinateur et le guider jusqu’à la toile pour qu’il puisse confirmer que la toile était authentique, alors il n’y avait aucun problème. Une fois le déjeuner terminé, mon père se leva pour quitter la salle à manger.
« Je compte sur toi pour accueillir le ministre Lehnsherr. »
Accueillir qui !?
La voiture s’arrêta et Aurélius n’attendit même pas qu’on lui ouvre la porte, il n’attendait jamais de toute façon. Pourquoi aurait-il besoin d’un serviteur pour lui ouvrir la porte de sa voiture ? Il était parfaitement capable de la faire lui-même comme il l’avait toujours fait ! Ses serviteurs étaient habitués aux mœurs moins raffinées du ministre et ne se donnaient même plus la peine de le faire rentrer dans le rang. Cela avait quelque chose d’exotique de travailler à son service. Là où le ministre les déchargeait de tâches inutiles comme l’habiller ou le coiffer, il les chargeait d’autres tâches plus farfelues comme de lui trouver l’adresse d’une galerie d’art au dernier moment ou d’écrire une synthèse de leur visite dans un musée lointain. On ne s’ennuyait pas dans l’entourage d’Aurélius.
Tango, le petit lolori de compagnie, sortit sa petite frimousse grassouillette de la poche du ministre et bâilla, visiblement réveillé par l’agitation soudaine de son propriétaire. Aurélius avait dû le traîner avec lui, car il avait besoin de son familier et de leur lien sensoriel pour pallier à son propre handicape lorsqu’il expertisait des peintures. Sauf que le petit chat ne l’entendait pas de cette oreille, et s’était enfui dans le palais avant de s’accrocher, toutes griffes dehors, au papier peint du boudoir préféré de la reine, obligeant Aurélius à l’appâter avec un rubis, tout en offrant un tableau de sa collection à la souveraine pour cacher les marques de griffures. Bref, le lolori avait encore fait des siennes, mais était venu. Il allait cependant falloir qu’il perde ses goûts pour les pierres précieuses.
La porte de la demeure s’ouvrit enfin à l’annonce du ministre.
« Cassius, mon ami, je suis ravi que tu aies pensé à moi pour cette expertise. Tu sais à quel point je suis friand de la période pré-Renmyrth. Si tu savais comme j’ai hâte de … pardon, mais qui êtes-vous mademoiselle ? »
Ce n’était pas son ami qui l’avait accueillie, mais une jeune femme aux cheveux corbeaux. Elle n’avait pas l’air d’une servante, mais il ne l’avait jamais vue. Cassius aurait-il succombé à la crise de la quarantaine et serait allé chez un alchimiste pour se payer un élixir d’apparence ? Non, ça ne tenait pas debout. Soudain, le peintre eut une sorte d’éclair de génie.
« Oh, mais ne seriez-vous pas Nara par hasard ? J’avais entendu dire que Cassius avait adopté une fille. Ravi de vous rencontrer. »
Il afficha un large sourire tout en s’inclinant légèrement pour la saluer.
Examination d'art
Ft. Aurélius Lehnsherr
Il ne faut pas se méprendre. C’était une très bonne chose que ce soit le ministre de la Culture qui nous fait l’honneur d’évaluer les œuvres de mon père. Cependant, j’aurais aimé être au courant avant de m’étouffer avec mon thé. Non seulement le liquide avait passé au mauvais endroit, mais je m’étais brûlé la langue. Après quelques toussotements, je quittai la salle en vitesse. Je n’avais pas de temps à perdre. Au passage, j’ordonnai à notre intendante de s’assurer que le manoir soit impeccable, puis je fis signe à deux servantes de me suivre pour m’habiller plus convenablement. Si une simple chemise avec de simples pantalons était convenable pour prendre l’air avec mes chiennes, ce n’était pas le cas pour recevoir une personne aussi importante que le ministre. Même si mon père m’avait bien dit que j’avais quelques heures avant que notre invité n'arrive, je préférais que tout soit en ordre en avance. Plus rapidement que l’éclair, j’eus le temps de prendre un bain, m’habiller, me maquiller et me coiffer. J’avais de la chance d’avoir des servantes d’une telle efficacité. Alors que Griselda ajusta la broche dans mes cheveux, Elizabeth approcha avec une bouteille de parfum.
« Juste une petite brume. Du parfum, c’est fait pour être découvert, pas pour être annoncé. »
Un frisson de dégoût me parcourut l’échine en repensant à ces vieilles dames n’ayant aucun d’autre passe-temps que de boire une tasse de thé tout en baignant dans un nuage de parfum trop lourd. Difficile de profiter de l’arôme d’un thé parfaitement infusé lorsque Gertrude s’était vidé l’entièreté de son parfum de rose immonde. Une fois prête à sortir de ma chambre, il était temps de vérifier la liste de ce qui devait être examiné. Il serait bête de faire déplacer le ministre pour une seule toile. Cassius avait besoin de l’expertise de monsieur Lehnsherr pour trois toiles et deux sculptures. Et s’il en avait vraiment envie, il y avait même un recueil de poèmes avec les pages jaunies par le temps.
Tout était parfait. Il ne manquait plus que notre invité d’honneur. Je pris une grande respiration pour me calmer tout en repensant au déroulement de la journée. Ce n’était pas une tâche compliquée. Ce n’est pas la première fois que je dois accueillir des personnes importantes au manoir. Tout va bien aller. Lorsque l’on m’informe de l’arrivé du ministre, je sens mon cœur accélérer. Malgré cela, je lui ouvre la porte tout en l’invitant à entrer dans notre demeure.
« Enchanté, sir Lehnsherr. Je suis honorée de constater que vous avez entendu parler de moi. »
À mon tour, je m’incline devant l’ami de mon père avec un sourire accueillant.
« Je suis en effet Nara Dreyer, tout le plaisir est pour moi. J’espère que vous allez bien. Avez-vous fait bonne route ? »
Du coin de l’œil, j’aperçus une servante et je l’invitai à s’approcher d’un geste subtil.
« Si vous le souhaitez, vous pouvez vous délaisser de votre manteau. Mylène prendra le plus grand soin de vos effectifs personnel. Je dois d’ailleurs vous annoncer que malheureusement mon père, Cassius, ne sera pas des nôtres pour le moment et nous rejoindra plus tard dans la journée. Avant de commencer l’examination, souhaiteriez-vous quelque chose à boire ? »
Après s’être déplacé de la capitale à l’archipel, lui offrir un peu de repos était la moindre des choses. Ensuite, il serait temps de commencer à vérifier l’authenticité des œuvres. Au programme, j’avais prévu de commencer par les œuvres un peu moins intéressantes, puis de terminer avec le monde peint d'Ultharoth. D’abord pour garder le meilleur pour la fin, mais surtout pour laisser la chance à mon père de revenir de ses engagements précédents pour discuter avec Aurelius de sa toile préféré. Si le ministre en avait autant à dire que mon père au sujet de cette toile, alors ils allaient discuter toute la nuit…
Le ministre confia volontiers son manteau à la servante, révélant alors l’une de ses tenues dont il avait le secret. Un pourpoint violet orné d’un ascot doré à poids noir. Ses manches en dentelles dépassaient créant une fine collerette autour de ses mains. Un pantalon de velours pourpre venait rajouter une touche de mauvais goût à sa tenue dont le point culminant étant probablement ses chaussures pointues d’un cuir vert olive. Décidément, il s’était amusé avec sa boîte à couleur ce matin … Pour en rajouter une couche, il avait utilisé son peigne pour allonger ses cheveux et les noué en une courte queue de cheval à l’arrière de son crâne. Il n’y avait aucun accord de couleurs, simplement une juxtaposition aléatoire d’envies fugaces sans réel accord général. De l’Aurélius quoi …
« Eh bien, oui le chemin a été assez long depuis la capitale. J’accepterais volontiers quelque chose de frais … un jus de fruits ? J’aimerais profiter de notre proximité avec l’archipel pour goûter quelque chose de plus exotique. »
Les fruits de la passion avaient toujours éveillé la curiosité d’Aurélius. Malheureusement, son pouvoir lui avait fait perdre le goût pour l’instant. Il allait devoir passer sur un autre sens, mais comme il allait avoir besoin de sa vue pour la suite et qu’ils allaient devoir attendre une heure s’il prenait un autre sens, il fallait qu’il passe directement sur la vue et devenir sourd par la même occasion. Il se concentra un instant, laissant les sons disparaître et la lumière l’éblouir. Il papillonna des paupières pour s’adapter un instant. Tango en profita pour explorer la pièce en reniflant tous les recoins. Aurélius dut lui courir après pour l’attraper et le garder dans ses bras malgré les protestations du loloris qui miaulait d’indignation.
« Toi tu restes avec moi, j’ai besoin de tes oreilles.
- MMMMAAAAAOOOOUUUUU, reçut-il comme réponse. »
Aurélius utilisa son partage de sens avec son lolori pour pallier à sa surdité soudaine, puis il sourit à Nara qui lui indiquait le chemin d’un petit salon pour s’installer. Aurélius la suivit, laissant son regard glissé sur les statues et peintures qui étaient exposées sur le chemin. Il avait hâte de jeter un œil à cette collection.
« Vous travaillez à la banque avec votre père ? J’espère qu’il vous a transmis son goût de l’art, Cassius a toujours été un homme de goût et je peux lui faire confiance les yeux fermés lorsqu’il s’agit d’expertise ! »
Aurélius prit place et attendit qu’on lui serve sa boisson avant de continuer.
« Alors qu’avons-nous au programme au juste ? Cassius ne m’a parlé que du Monde peint d’Ultaroth, mais il savait qu’il n’en fallait pas plus pour me faire venir. Il est cependant resté bien mystérieux sur les autres tableaux. »
Examination d'art
Ft. Aurélius Lehnsherr
Je suppose que je ne m’y connais pas très bien en art, car en voyant l’habit du ministre, je dus contrôler mon expression faciale. C’était réellement affreux. Aucune couleur ne s’agençait et je me sentais presque bête d’avoir mis autant d’effort pour avoir l’air présentable. J’avais même demandé à faire attention aux couleurs choisies pour faire bonne impression. Ma robe longue était simple, mais juste assez sophistiquée. Le tissu noir était de haute qualité et une dentelle bleue décorait les rebords de la robe. Même mes bijoux de saphir avaient été choisis pour s’agencer avec la couleur d’accent de la robe. Si de mon côté, j’avais choisi un style élégant, le ministre avait un style… Unique. Si je trouvais que la couleur mauve était jolie, les autres couleurs n’embellissaient pas son pourpoint. Qui donc avait choisi ces vêtements.
D’un regard, Mylène se retira et une autre servant se dirigea dans les cuisines pour informer les chefs de faire du jus. Si le ministre souhaitait goûter à des choses exotiques, alors nos chefs concocteraient des victuailles accompagnant parfaitement les breuvages.
« Très bien, suivez-moi alors. »
Alors que je tournais les talons, la présence d’un animal me surprit. Nous avions que très peu d’animaux au manoir. Autre que mes deux chiennes et quelques poissons vivant dans l’aquarium du bureau de mon père, nous n’avions pas d’autre animaux domestique. Voir ce qui ressemblait à un chat était pour le moins surprenant. Et voir Aurélius courir pour attraper son chat était une scène assez farfelue. Les servants tentèrent d’aider le ministre, mais finalement, il l’attrapa sans avoir besoin de leur aide. C’était une bonne chose que j’ai demandée à notre intendante de s’assurer que Mila et Aeri ne soit pas là pour perturber l’examination.
« Je ne travaille pas avec lui à la banque, mais nous partageons un intérêt pour l’art. Mon expertise se trouve plutôt dans l’histoire et dans la recherche du passé. Il faut dire que toute forme d’art est un témoin indispensable pour comprendre le passé. »
Même si les livres pouvaient raconter en détail certains événements, pour réellement comprendre le passé, il faut se plonger dans l’étude des artefacts oublié de tous. Seul un imbécile croit que toutes les réponses se trouvent dans un livre poussiéreux. Profitant de la présence du ministre, je partageai avec lui mon rêve.
« Tout comme mon père, aime collectionner des chefs d’œuvres des temps anciens, je collectionne aussi des artefacts. Je crois fortement qu’ouvrir un musé pourrait être très bénéfique à la culture du royaume. »
Bien sûr, pour ouvrir un musé, il faudrait sûrement une collection plus grande. Mais c'était le dernier de mes soucis. Alors que la discussion s’allonge, les breuvages arrivent ainsi qu’un plateau de spécialité exotique divers.
« J’espère que le breuvage sera à votre goût. »
Un grand verre de jus jaune brillant fut déposé sur la table au centre du salon. Le mélange de mangue, pêche et fruit de la passion était très rafraîchissant. Parfait pour se désaltérer après un long voyage.
« Alors, nous avons deux sculptures. Le Poids du Changement datant de la période Cavendish par Oroneia Saulimar. Une œuvre abstraite en marbre. Ensuite, nous avons la Découverte de l’existence de la même époque. Une sculpture gravée dans les os d’un dragon de rose. »
De très belles œuvres. Juste ces deux sculptures avaient coûté une fortune.
« Dans les tableaux, nous avons trois toiles. Le monde peint d'Ultharoth comme vous le savez déjà ainsi que le Rythme de l’autorité et la Folie future. Je prévoyais, vous faire examiner le monde peint d'Ultharoth en dernier pour laisser Cassius arriver. Il s’agit de sa toile préférée. »
Aurélius porta le jus à ses lèvres et se délecta de son côté sucré et désaltérant. Un seul coup d’œil au breuvage lui avait confirmé qu’il s’agissait d’un jus fraîchement pressé. Il voyait distinctement les fibres qui flottaient dans le liquide, preuve qu’on ne lui faisait pas l’affront de lui servir une boisson de seconde zone. Le ministre n’était pas dupe, il connaissait son ami par cœur et bien qu’il avait souvent demandé ses services d’expertises, il s’était toujours arrangé pour être là. Or aujourd’hui, il était absent, comme par hasard, et le laissait en compagnie de sa fille. Une jeune femme pleine d’ambition qui voulait ouvrir un musée d’antiquité. Il n’en fallait pas plus pour que le dernier des Lehnsherr comprenne dans quelle histoire il était tombé. Une mise à l’épreuve, sans aucun doute. Cassius donnait une chance inouïe à sa fille d’obtenir une aide d’une personne influente dans le monde de la culture, mais il ne voulait pas non plus le faire à sa place. Il lui en donnait simplement l’opportunité. Aurélius n’aimait pas cette manière très aristocratique de procéder. Si Cassius lui avait demandé des fonds, il les lui aurait probablement accordés sans trop de problèmes, alors pourquoi infliger cela à sa fille ? Il n’en savait rien. Cela étant dit, il allait jouer le jeu jusqu’au bout.
« Oh ! Vous aussi vous vous intéressez à la culture ? Votre famille est décidément d’un grand soutien dans mon travail. S’il ne restait pas des personnes comme vous qui voient l’intérêt de conserver notre patrimoine, j’aurais bien du mal à travailler. J’espère que votre projet de musée verra bientôt le jour ! »
Aurélius faisait exprès de ne rien proposer et d’attendre patiemment qu’elle vienne à lui avec des demandes et des propositions. Si son père voulait la tester en la jetant sans sommation dans les pieds d’un ministre, c’était sûrement qu’elle était parfaitement capable de défendre son projet toute seule. Au moment où Aurélius voulu enchaîner, Tango sauta de ses genoux avant de courir à toute jambe vers la liberté. Aurélius posa son verre et courut après le lolori sans lequel il était frappé de surdité.
« Tango ! Reviens ici ! j’ai besoin de toi pour entendre notre invité, le supplia Aurélius. »
Mais le chat était déjà parti quelque part dans l’immense demeure. Aurélius soupira et se tourna vers Nara qui avait suivi la scène depuis son siège.
« Je suis désolé. Votre père ne vous en a sûrement pas parlé, mais je suis profondément handicapé par mes capacités magiques. Il s’avère que certains de mes sens sont difonctionnels par moment me permettant d’en augmenter d’autres. Et comme vous alliez avoir besoin de mes capacités visuelles, j’ai dû me concentrer dessus en sacrifiant mon ouïe. Et sans mon familier, je suis incapable d’entendre… »
Le ministre avait l’air bien gêné de s’admettre totalement handicapé, mais une servante arriva alors pour les sortir de cette situation compliquée.
« Madame, j’ai trouvé ce chat qui couraient sur votre lit, dois-je le…
— Tango ! s’écria Aurélius en prenant la petite boule de poils des mains de la servante. Ne me refais plus jamais ça, regarde dans quelle situation tu me mets devant notre hôtesse. »
Le chat poussa un long grondement qui devait être quelque chose comme « Je m’en bas les couilles » en langage chat. Aussi, le ministre l’enveloppa dans son écharpe de telle façon à en faire un magnifique œuf félin qui ne pourrait pas courir partout. Il revint ensuite vers Nara.
« Excusez-moi pour cet incident. J’ai beaucoup de mal à contenir mon familier alors qu’il est la seule chose capable de m’aider avec mes handicapes. De quoi parlions-nous ? Ah oui ! Le Poids du Changement. Votre père vous a-t-il parlé de l’histoire de cette œuvre ? Les historiens disent que l’artiste l’avait baptisée à l’origine le Prix du Changement. En effet, il voulait représenter la douleur occasionnée par le passage de la dynastie Cavendish à la dynastie Renmyrth. L’artiste ne prend aucun parti dans cette histoire. Son objectif était de montrer que le prix à payer pour un changement de dynastie et pour ces querelles de gouvernance était toujours payé par le peuple. Avez-vous vu les détails du socle ? La statue se compose de deux personnages qui semblent se combattre, représentant chacun l’une des deux dynasties, mais le socle sur lequel il marche est parsemé de petits détails qui représentent le peuple écrasé par ce combat. »
Aurélius s’était égaré et il ne laissait plus une seule chance à Nara d’en placer une pour parler de ses projets. La jeune femme allait devoir redoubler d’intelligence pour réussir à s’exprimer entre les moments où le ministre était sourd comme un pot et ceux où il partait dans de grandes explications.
Examination d'art
Ft. Aurélius Lehnsherr
Il est vrai que ce n’est pas tout le monde qui aime l'histoire. Lorsque l'on vit dans un monde où l'on peut chasser des monstres, travailler sur des objets enchantés, visiter une ville sous-marine, il est facile d'oublier le passé. Ce n’est pas tout le monde qui aime lire et beaucoup ne peuvent simplement pas, c'est bien dommage. Qui sait dans quel genre de société nous vivrions si tout le monde prenait la peine de s'instruire ? Malheureusement, ceux qui ont la chance d'acquérir une haute éducation préfèrent souvent se tenir à jour sur les rumeurs et les scandales les plus croustillant tout en buvant du thé. Et comme ils préféraient paresser dans leur manoir, peu nombreux sont ceux intéressés par le financement d'un musée. C'était vraiment une chance de rencontrer le ministre. Si je pouvais obtenir son aide, alors mon projet avancerait beaucoup plus vite.
« Je suis heureuse d'entendre que notre famille peut être de service. J'espère que mon projet vous sera utile aussi. »
Avec un sourire, je fis une pause pour boire le jus fraîchement pressé. Parfaitement concocter, ni trop sucré ni trop parfumé. C'était une bonne chose que mon père soit en bonne relation avec cet homme. Non seulement, ils semblaient s'apprécier, mais en plus, il était plus facile de parler à quelqu'un qui pouvait réellement m'aider. Ceci étant dit, il n'a fait aucun commentaire pour offrir son aide. Devrais-je simplement demander ? Ce serait... Un peu trop direct, n'est-ce pas ? En même temps, je n'avais pas particulièrement envie de trop tourner autour du pot.
« Mon père et moi avons une collection que nous sommes prêts à exposer dans le musée lorsqu'il sera ouvert. La plupart des plans et des recherches sont faits, mais j'ai honte de dire que j'ai encore du mal à trouver des partenaires responsables... »
Comprendrait-il l'allusion ? Certainement. Mais alors que j'espérais qu'Aurélius se porterait volontaire, je n'ai vu que le chat sauter et le ministre le poursuivre. Quel animal incommodant.
« Je vois... »
Quelle capacité incommodante. Il n’y a rien de plus à dire, après tout, sans son lolori il ne peut pas m’entendre. D’un coup d’œil rapide, j’alerte une servante pour résoudre la situation, mais heureusement quelqu’un d’autre arriva avec le fameux animal. C’était une bonne chose que ce problème se soit rapidement réglé. Cependant, dès que Tango fut dans les bras d’Aurélius, il commença un monologue sur la sculpture… Bien que très intéressant, il était difficile de trouver un bon moment pour le coupé sans être impoli. Avec patience, et un peu de chance, je sautai sur le court moment de silence.
« Je n’ai malheureusement pas vu tous ces détails sur le socle. Si vous le voulez bien, nous pouvons aller voir la statue et nous pourrons admirer les détails ensembles. »
Et surtout s’assurer qu’il s’agit bien de la sculpture authentique. Les œuvres n’étaient pas bien loin du petit salon. Dans une grande salle à la couleur neutre se trouvait tous les œuvres bien mis en valeur. Le monde peint d'Ultharoth, qui était accroché au-dessus de l’escalier un peu plus tôt, avait été très soigneusement déplacé dans la salle et couvert d’un drap. Le grand dévoilement se fera à la toute fin. Une fois près de l’œuvre Le Poids du Changement, il était beaucoup plus facile de voir et de comprendre de quoi parlait le ministre.
« Je crois que cette sculpture serait parfaite dans un musée pour rappeler le passé à la population. »
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