Une fois arrivés au campement, le groupe d’une quinzaine de personnes qui sortait du ballon volant se dirigea vers ce qui ressemblait le plus à la place de ce village qui prenait de plus en plus forme. Cassia et Aven n’étaient pas les seuls scientifiques sur place. Trois autres groupes avaient été créés et devaient partir à peu près en même temps que le leur. Un homme d’une quarantaine d’années s’approcha d’eux et, après avoir une énième vérifié l’identité de tout ce petit monde, invita Cassia et Aven à s’approcher d’un petit groupe de quatre personnes qui se tenaient non loin de là. Il leur expliqua que c’était leur escorte. Ils hochèrent la tête. Ils avaient été briefés sur la mission et ils étaient d’avis que ces braves gens ne seraient pas de trop pour s’aventurer jusqu’au cristal dont ils étaient en charge. Cassia avait lu tous les rapports qui mentionnaient les cristaux. Elle était aux faits de nombre de données sur ce sujet. Elle avait également hâte de débuter cette mission et le duo s’était longuement préparé à une expédition dans ce nouveau biome. Elle fut tirée de ses réflexions par Aven qui commençait à lui expliquer qui étaient les quatre personnes qui allaient les accompagner.
La première était une aventurière, Carciphona Ixchell. Saphir, elle avait beaucoup d’exploits à son actif et l’un n’était pas des moindres : elle avait fait partie d’une des escouades d’exploration et avait vu l’un de ces cristaux de ses propres yeux. Le deuxième également. Il s’agissait de WhiskeyJack Callahan. Conseiller de la Guilde des aventuriers qui avait su montrer l’exemple à ceux qu’il aimait considérer comme étant sa grande famille. Il avait aussi permis de ramener un nombre non négligeable d’écrits sur l’utilité et le fonctionnement de ces cristaux. La troisième était une aventurière, Sarah Jefferson. Elle s’était déjà illustrée dans plusieurs quêtes mais n’avait encore jamais mis les pieds dans le désert. Elle était aussi à la tête d’une des branches de la Compagnie Althaïr. Visiblement, son sens des affaires était aussi aiguisé que ses armes. La quatrième personne était un garde, Nikolaos Lehnsherr. Il n’y avait pas grand-chose à dire sur son sujet, si ce n’est que c’était un Belluaire et qu’il était capable de les défendre contre les dangers que leur expédition pourrait rencontrer. Ils étaient tous les quatre capables de les protéger, ils ne se seraient jamais retrouvés ici dans le cas contraire.
« Cassia Tasi, enchanteresse envoyée par la Royauté pour mener à bien cette mission. Et voici Aven Starnut, mon assistant. Nous sommes d’ores et déjà prêts à partir. »
« B-b-bonjour… »
Aven semblait bien plus timide que la grande brune à la peau foncée qui l’accompagnait. Cette dernière toisait les trois aventuriers et le garde, s’estimant plutôt satisfaite de l’escouade dans laquelle ils se retrouvaient.
« D’après mes informations, nous sommes ceux en charge du cristal que vous avez trouvé, Saphir Ixchell et Monsieur le Conseiller Callahan. Il s’agit de celui le plus au sud. »
Présentations faites et objectif en tête, il était maintenant temps de quitter le campement et de s’enfoncer dans les terres hostiles du désert pour partir à la recherche de ce cristal enfoui dans les souterrains et que deux membres de cette expédition connaissaient très bien.
Evidemment, Carciphona est présente. Comment ne pas se sentir en sécurité en compagnie de l’élite de la guilde ? Surtout qu’il y a des bruits de couloirs comme quoi le groupe des Saphir va prochainement perdre l’un de ses membres en la personne d’Arya. Une perte regrettable, mais ainsi est la vie. Un bon point par rapport à la fois précédente, Carciphona n’est pas accompagnée de Lin. D’un certains point de vue, sa dulcinée en connait davantage sur le cristal pour en avoir subi des conséquences fâcheuses, mais certainement que sa déposition a été lu par les représentants de la couronne. Sa présence n’est donc pas indispensable. Le point positif dans son absence, c’est qu’il y a toujours une sorte de tension entre elle et moi, comme si elle ne m’aimait pas. Et ce n’est jamais très agréable. Même encore à la fête du nouvelle an, le sentiment restait. Si je peux avoir l’occasion d’en causer avec mon amie afin de clarifier la situation, ça ne serait pas de refus. Les relations dégradés ne doivent pas nous empoisonner la vie à long terme.
Je ne connais pas les autres membres de l’escouade. On a troqué Nivix Orgrin par Sarah Jefferson est au vue des états de service de Nivix, j’ai moins confiance en cette Jefferson pour assurer notre sécurité, même si les rapports de la Guilde à son égard ne relève aucune lacune. Dans un autre registre, cette mission devrait être moins dangereuse. Le chemin est connu et les nombreuses missions réalisées sur le terrain par des aventuriers, des gardes et des citoyens courageux d’Aryon ont permis d’apporter davantage de paix et de sécurité à la région. Il y a toujours des menaces, certes, mais certainement pas autant que lors de notre première visite du Désert. Aujourd’hui, nous savons à quoi nous attendre et l’absence du presque Saphir Orgrin ne sera pas un regret. Au contraire, troquer l’aventurier pour la fraiche beauté de l’Aventurière est plutôt agréable. Je me n’en suis tenu qu’à quelques regards coulés en douce, discrètement, parce que lorgner sur ses subalternes, ce n’est une chose qui doit être encouragé. Après, ça fait jaser, ça créée des problèmes et ça entache les réputations ; les laver est une chose bien compliqué pour s’y risquer.
Et puis il y a un garde. J’ai tiqué sur son nom, mais je lui en parlerais plus tard. Peut-être un membre de la famille de Violette avec qui j’ai eu l’opportunité de faire quelques missions pour la guilde. A part ça, je ne peux vous en dire grand-chose si ce n’est comment il s’est présenté. J’imagine qu’il est important d’avoir un représentant de la garde pour ce genre de mission diligenté par la Couronne. Et qui dit garde dit quelqu’un de capable de protéger les envoyés de la couronne. Probablement. On ne va pas quand même mettre un quidam sur ce genre de mission importante. Faut pas oublier que les documents que l’on a trouvés ; et que j’ai livré aux autorités ; évoquaient la possibilité que l’ile s’écrasent dans la mer, provoquant un ras de marée des plus destructeurs. Echouer parce qu’on a mis des bleus sur l’affaire, ça ne serait vraiment pas très professionnel.
Du coup, à l’arrivée des deux envoyés, je prends les choses en mains. C’est ce qu’on attend généralement d’un poste à responsabilité tel que conseiller. Il faut mériter son titre, surtout que je représente aussi la noblesse dans cette histoire.
-Bienvenue à vous. Voici Sarah Jefferson et K’awill de la Guilde et Nikolaos Lehnsherr de la garde pour nous épauler dans cette expédition. J’espère que tout se passera pour le mieux. Nous serons guidés par mademoiselle Ixchell sur l’ensemble du voyage, même si la première partie du trajet a été balisé par de précédentes missions d’explorations dans les environs. On ne devrait pas avoir de souci à retomber sur notre piste.
Ce n’est pas forcément évident de revenir sur ses pas après une année, mais j’ai confiance en Carciphona pour nous ramener à notre destination. Déjà, lors de la première expédition, alors que nous venions à peine de nous relever de notre accident de ballon, elle a eu les reflexes de nous sortir les outils pour nous repérer dans cette inconnue de sable à l’aide de ces nombreux objets récupérés au grés de ses pérégrinations.
-Je dois vous rappeler de vous équiper en conséquence en gourde. Le principal ennemi du désert, c’est le soleil.
J’en sais quelque chose, j’en ai subi un peu les contrecoup à certains moments. Au vue du matériel apporté par les deux représentants, ils ont l’air plutôt prévenant. Ils n’auront pas cette erreur.
-En route ?
Qu’est-ce que je fiche ici encore ? Ah oui, finir ma mission de l’autre fois sauf que cette fois-ci, on m’a promis qu’il ne m’arriverait rien. Ouais, ouais, les trucs de la Couronne, c’est toujours la même. Allez sauver le monde, blablabla. Bon je me dis que ça doit être vrai car nous devons escorter des riches, donc ça ne craint pas trop puis depuis quelques lunes, la colonisation est en route et on m’a dit qu’il n’y avait plus d’accident de ballons depuis.
Encore une fois, on a servi de cobayes ! On pense à des trucs, il y a une urgence, on essaye rien, on se dit que ça passe mais on n’a pas fait de tests concrets et on se dit, ça passe, ce sont des aventuriers, ça ne pleure pas pour rien. Mais nous sommes des humains nous ! Comme si on disait aux vieux d’essayer une nouvelle potion qui les rendrait plus forts contre la maladie qui fait trembler ! Non, on ne fait pas ça ici à Aryon mais aux aventuriers si ! Rebellion moi je dis. Bref, ce n’est pas le sujet. Soit disant, je connais la route pour rejoindre la grotte au gros cristal. Alors oui sur le papier, je le sais mais on va dire que j’ai juste oublié de sortir ma boussole des cinqs lieux à ce moment-là. Je sais, je sais, erreur de débutante mais attendez, j’avais du sable dans les godasses et dans des endroits improbables. Vous vous rendez compte, même trois jours après, j’en retrouvais dans mes bas ! Sérieux, je suis sûre que j’en trouve encore dans mes sacoches là.
Arrêtons de râler, ça va être génial comme mission d’escorte. Jack sera là et je pourrais enfin papoter avec mon ami. Bon aussi lui dire que donner de l’alcool a de pauvres loutres innocentes n’était définitivement pas l’idée de l’année ! Heureusement, pas d’énormes bêtises enfin à ma connaissance. Il y avait une aventurière avec nous, Sarah, je crois qu’elle est surtout basée à l’annexe de Grand-Port, jamais travaillée avec elle mais ça sera l’occasion. C’est surtout les potes qui m’ont dit “ tu verras, elle est trop bonne “. Oui, les aventuriers et la finesse, ça ne va pas ensemble. Bien entendu, ce genre de détail, je ne l’ai pas dit à Lin, sinon elle m’aurait fait une scène pas possible. Elle serait bien venue mais elle avait beaucoup de travail en retard mais elle était contente que je poursuive l’enquête. Elle était vraiment intéressée par la magie de ses cristaux. Oui, en gros, j’avais cette mission secrète au fond de ma besace, faire parler ses chercheurs et récupérer le maximum d’informations.
Nous étions arrivés avec le voyage d’avant pour prendre nos marques, récupérer notre matos avant d’avoir nos fameux clients. J’espère qu’ils seront cools sinon la mission va être un enfer pour moi, pour eux. Enfin, on verra bien.
K’awill avait pris tout ce qu’il fallait et maintenant qu’il avait son chariot magique, ça pouvait être utile mais ça, je ne le dirais pas, c’est mort, il ne sert pas de mule pour les autres. C’est au cas où, c’est ma loutre, point ! Cette fois-ci, j’avais prévu mon coup. Guêtre pour empêcher ce foutu sable de rentrer dans mes bottes, tissu anti-climat, anti-canicule, anti-tout quoi. Le bandeau magique était autour de ma tête, en bandana. Il était bien utile contre la tempête, moi je pouvais voir pendant qu’ils prendraient tout dans la figure, chacun son destin mais il n’y aura pas de tempête, c’est certain. Lucy avait fait assez de blagues l’autre fois. K’awill avait son voile, cadeau de Jack et il était certain qu’il voulait plaire au moustachu. Maintenant, il avait aussi ses merveilleuses lunettes de soleil pour familier et sa petite casquette. Oui il avait une dégaine de folie mais au moins, ça le protège. Vous savez, au bout d’un moment, on privilégie le pratique au beau, moi, je suis à ce stade, voilà ! J’avais dans mes divers sacs sans fond, tout le matos à l’expédition, vivres, eau, gourde magique, etc. Avec Jack, je peux assurer que le premier repas risque d’être parfait, il savait y faire en convivialité.
Je n’ai pas eu le temps de trop me présenter avec les deux autres personnes. On aura le temps sur le chemin et il y avait ce garde. Je n’aime pas la Garde en général, sauf Zahria mais voilà, elle était différente des autres, elle ! Mais peut-être qu’il me fera changer d’avis.
La métisse qui se dit enchanteresse se présente. Blablabla, amène nous là-bas, blablabla, plus vite que ça. Digne de ce genre de gens mais bon son assistant, lui, va faire dans sa culotte, c’était certain ! Peut-être qu’on lui fera une petite blague. Jack prend le relais, il sera le chef de file, le médiateur de la troupe. Je vais juste m’assurer de la spécialité de mes deux autres camarades. Bon, un Belluaire dans le sable, je ne pense pas que ce soit son terrain de prédilection mais il sait se servir d’une épée. En tout cas, mieux que notre cher conseiller mais ce n’était pas bien difficile ! Ne lui répétez pas. Il reste la jeune femme aux formes aventageuses. Les gars avaient raison, elle était agréable à regarder et je vais devoir regarder ailleurs pendant toute la mission.
K’awill bombe le torse à son nom. Il était au même niveau que l’autre aventurière. Est-ce que ça va lui plaire ? Aucune idée mais je pouvais ressentir sa joie d’une telle présentation. Je lui dis télépathiquement de ne pas dire qu’il était Saphir, ce n’était pas encore le moment, on fera les présentations plus tard. C’était à mon tour de jouer.
- Bien le bonjour, oui, nous avons déjà fait ce chemin lors de notre dernière venue avec Sir Callahan et K’awill. Cette fois-ci, nous avons la chance que le ballon atterrit à destination près du camp. Nous pouvons donc faire le chemin de retour de notre expédition. J’ai parlé avec quelques personnes, le chemin est facile au début, seuls la première lieue a été aménagée, ensuite, il faudra prendre son mal en patience dans le sable.
Et moi, j’ai prévu mon coup. Ils vont comprendre la joie du désert.
- J’ai une carte sommaire avec un cap, nous allons pouvoir retrouver l’entrée mais là-aussi, j’espère que les éléments seront avec nous. Une tempête de sable est à craindre et pourra soit nous ralentir, soit recouvrir l’entrée. J’ai pris quelques pelles pour dégager tout ça sur place, ma loutre porte ce genre de matériel.
Et tout le monde va prendre une pelle, peut-être pas l’enchanteresse mais le jeune assistant se fera un peu de muscle pour l’occasion.
- J’espère que vous avez tout ce qu’il faut car on ne peut pas faire demi-tour ensuite, nous devons prendre la route n°3 puis faire cap au Sud-Est.
Je n’avais pas ma carte d’origine, celle qu’on avait fait à l’époque Lin. Avec le travail acharné de nombreux cartographes, de nouvelles cartes plus étoffées ont vu le jour. Je sais que notre route n’est pas la plus empruntée mais on pourra compléter certaines choses, je suis juste définitivement nulle en dessin mais ma gemme de position pourra nous aider lui ! Puis j’ai hâte d’attendre la mise à jour du cube holographique moi. Puis maintenant que j’avais ma boussole contres les dangers, même pas en rêve on se tappe un serpent géant, un scorpion ou autres bestioles dont je ne veux pas croiser la route. D’habitude, j’ai toujours un Nivix pour être devant, là quand je regarde les deux autres, je ne suis pas sûre qu’il puisse prendre le rôle de tank, le garde.
- Moi je suis prête et K’awill va ouvrir la route !
- Moi montrer chemin !
Lunettes de soleil sur le nez, il se met en tête de convoi d’une démarche joyeuse. Dandinant des fesses pour amuser la galerie. Je m’approche alors de Sarah et Nikolaos.
- Enchantée, prêts pour cette nouvelle aventure ? Vous verrez, on s’habitue au sable mais bon, vous voulez qu’on s’organise comment pour cette escorte. Je suis à votre écoute !
HRP
- Résumé :
- présentation et démarrage du convoi.
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Sarah n’avait pas eu une minute à elle ces derniers temps à part quelques quêtes sporadiques dans des régions reculées des montagnes. Bien entendu, son entreprise l’avait empêché de participer à l’exploration de l’île tellement il y avait eu d’occasion de faire des marges pendant cette période. Et puis ensuite il y avait eu l’incendie criminel, la transformation d’Oscar et puis … bref, l’aventurière n’avait qu’une envie, c’était de reprendre du poil de la bête et de retourner en exploration. Il y avait un putain de caillou volant inexploré qui lui faisait de l’ombre le matin à sa fenêtre et elle n’avait pas encore mis un pied dessus ? Cela était inadmissible !
C’est comme ça qu’elle avait sauté sur l’occasion quand la guilde avait annoncé chercher des aventuriers pour une mission d’escorte tous frais payés en plein désert accompagné par la crème des saphirs et un conseiller en personne. Sarah avait hâte de voir l’une de ses aînées à l’œuvre et elle était assez satisfaite d’être accompagnée du conseiller le plus cool de la guilde. Imaginez, ils auraient pu tomber sur l’autre vioc qui ne pouvait s’empêcher de faire des réflexions sur tout ce que faisait les jeunes … là ce … Mestr. L’archonte était arrivée la veille, l’occasion pour elle de faire un peu de commerce avec la colonie, signer quelques bricoles, surtout des bons de livraison pour Althaïr, et enfin ouvrir un portail pour faire venir son familier tout en haut. Car oui, son grognedent Warlen était un gros chien, mais du genre bien bien lourd. Une petite tonne au bas mot, de quoi clouer le ballon au sol. Elle avait dû le laisser à terre le temps de monter pour ensuite lui ouvrir un portail et qu’il la rejoigne. Le petit familier était aux anges. Le sable semblait être la chose la plus incroyable qu’il n’est jamais vu et Sarah avait eu beaucoup de mal pour le faire tenir en place alors qu’il s’amusait à dévaler les dunes comme un petit fou, manquant de percuter des ouvriers qui travaillaient en bas. Et croyez-le ou non, mais percutez un grognedent à pleine vitesse, c’était un aller simple pour Lucy.
Le lendemain, Sarah avait rejoint son groupe, découvrant par la même occasion le beau gosse de garde qui allait les accompagner. Elle lui adressa un signe de tête quand le conseiller fit les présentations avant d’écouter attentivement le discours de la saphir au nom impossible à épeler. Sarah lui faisait toute confiance pour diriger cette mission et elle lui laissa bien volontiers la lourde tâche de gérer ce petit groupe. Ça allait la changer des missions foireuses avec Oscar, ou de ses visites dans les villages les plus arriérés des montagnes où on pouvait kidnapper une gamine sans que personne ne lève le petit doigt pour aller la chercher. Secrètement, elle priait la déesse pour qu’une de ses aventures ne soit pas une suite inopinée de catastrophes, et que la présence d’une saphir allait enfin faire briller sa bonne étoile. On peut toujours rêver …
« Je suis une archère donc je préfère plutôt être à l’arrière pour vous couvrir, mais au milieu de ce désert sans fin, j’ai pas l’impression que cela changera grand-chose. Si jamais on a besoin de faire demi-tour, je peux nous téléporter directement au camp ou ailleurs en Aryon, mais il me faudra me reposer jusqu’au lendemain pour nous faire revenir à notre endroit de départ. Donc, ne me faites pas ouvrir un portail pour vous chercher une bière, d’autant que j’ai déjà tout ce qu’il faut. »
Elle tapota son sac sans fond qui contenait son coffre réfrigéré qu’elle avait garni de boissons et de provisions fraîches pour le voyage. De quoi survivre à cette chaleur infernale et ce soleil cuisant. Sarah rabattit la capuche de sa cape caméléon pour se protéger des rayons meurtriers du soleil. Heureusement que les colons lui avaient dit de bien se préparer, sinon elle serait partie comme une habitante du grand-port habitué au soleil et avec peu de protections. Warlen débarqua et courut jusqu’à la loutre géante pour lui baver sur les pattes.
« Oh et lui c’est Warlen, ne faites pas trop attention, il bave tout le temps quand il voit … des choses intéressantes pour son cerveau de petit chien. Faites gaffe qu’il vous saute pas dessus, c’est un gros lourd..»
Cette mission, parlons-en. Une demande officielle de la Couronne. J’ai cru comprendre que je serais accompagné de trois autres aventuriers, dont deux qui se sont déjà rendus sur place. L’aventure promet d’être palpitante, j’ai aussi entendu dire que ce nouveau biome réservait encore son lot de trésors et de surprises. En attendant l’arrivée de Cassia, on a largement eu le temps de papoter un petit peu, au moins pour décliner nos identités aux uns et autres. Lorsqu’elle arrive, je suis en train de boire une énième gorgée de ma gourde fontaine. J’écoute ce que tout le monde a à dire sur le sujet. Chacun a ses compétences et on est même accompagné d’une loutre géante et d’un truc à quatre pattes avec la gueule pleine de dents. Le Conseiller de la Guilde - j’viens de comprendre que c’est ce type moustachu à l’allure très sympathique - a fait les présentations, il est temps de partir.
Avant de prendre le large vers la route numéro trois, je vérifie une dernière fois mon équipement et mes effets personnels. La gourde, j’ai. De quoi me défendre, j’ai. La tête, bien en place. Enfin, j’crois. Je jette un dernier coup d'œil circulaire sur les environs puis sur chacun des cinq membres de l’escouade avant de prendre la route - et la parole - à mon tour.
- Hé bé, tout c’sable change du Village Perché et de ses arbres.
Je vois que Warlen a déjà la langue qui pend. Un moyen de se ventiler, peut-être ? Je suis un peu méfiant alors je m’éloigne de quelques pas de lui lorsqu’il commence à me toiser, par peur qu’il me saute dessus, et je préfère m’approcher de sa maîtresse. Nous sommes vite rejoints par la Saphir.
- Une archère sera un atout indéniable durant notre excursion. J’ai cru comprendre qu’il y avait également des prédateurs aériens dans l’coin. Et une saphir aussi, bien évidem…
- C’est exact, les dangers peuvent aussi bien venir du ciel que de la terre, voire même de sous la terre, réplique Cassia qui s’est incrustée dans la conversation.
- C’est bon à savoir, rétorquais-je en me mettant à scruter le sable sous mes pieds.
J’ai une sensation étrange, en le voyant. Il m’attire. J’ai envie de plonger mes mains dans cette pluie dorée et de le manipuler. Le soleil doit me taper un peu trop fort sur la tête. Je remets en place mon casque spécialement conçu pour l’occasion. Depuis que certains gardes sont revenus de l’expédition, on s’est mis à concevoir des armures un peu plus aérées pour nous permettre de respirer dans ce paysage aride. Je me reconcentre sur la question de Ixchell, mais j’en ai aussi d’autres à poser.
- Vous qui êtes allés dans le désert, auriez-vous des conseils à nous prodiguer ? Des éléments dont il ne faudrait surtout pas s’approcher ? D’autres que nous pourrions approcher sans crainte ? Il va sans dire que votre expertise sera un allié précieux ici.
Mes bottes s’enfoncent dans le sable et je commence à comprendre que marcher dans cette fournaise et dans ces conditions ne sera pas aisé. Si nous pouvons au moins avoir quelques informations supplémentaires par des vétérans…
- Vous voyez ces étranges arbres verts qui semblent couverts d’épines ? On les appelle les cactoto. Il paraît même que leur fruit est source d’eau dans ce d…
- Excusez-le, soldat, Aven est… Particulièrement bavard. Il doit tenir ça de moi.
Ça m’en fait bouger une sans secouer l’autre. Tant que les informations sont là, c’est ce qui compte non ? Je vois Aven baisser les yeux et se concentrer de nouveau sur ses pieds. J’en viens à me demander de quelle façon l’enchanteresse traite son apprenti. Je préfère tout de même ne rien dire et je me contente de regarder les autres pour connaître leur ressenti sur ce qui vient de se passer.
- Pour ma part, je privilégie le combat au corps-à-corps. J’ai aussi été formé à la traque. Plus d’humains que de créatures et la plupart des bêtes d’ici sont probablement encore inconnues dans nos registres mais… Si besoin, j’suis là.
J’évite d’évoquer mon pouvoir, que je ne connais tout simplement pas.
- Je peux prendre les devants avec la Loutre géante. A-t-elle des spécificités ? Est-elle douée de ses deux pattes pour combattre ?
C’est vrai que le spectacle de ce familier, dont j’ai oublié le nom parce que je suis une bille pour les retenir, pour prendre la tête de la petite troupe était plutôt cocasse et m’a arraché un sourire. J’pose ma main sur la garde de mon épée en scrutant l’horizon devant nous. Le chemin semble, pour l’instant, dégagé.
- Qu’est-ce qui vous a incité à revenir ici, d’ailleurs ? demandais-je au moustachu et à la saphir.
C’est quand même un sacré témoignage de bravoure de venir ici en pionniers et de revenir pour sauver la vie menacée de centaines de personnes.
Qu’est qui m’a incité à revenir ? Le devoir, évidemment. C’est ce que j’ai répondu. L’existence de ces cristaux est une grande source de préoccupation pour la couronne et les experts mandatés sur le sujet sont nombreux. Une des principales raisons de la colonisation, dans une vision courtermisme, c’est de pouvoir envoyer des missions d’experts directement sur le terrain avec le maximum de sécurité. Une fois cette problématique réglé, les infrastructures serviront à la vraie colonisation. A long terme. S’il est certains que ces cristaux vont provoquer une catastrophe, on n’investirait pas autant à civiliser ce territoire abandonné de ces précédents habitants. Logique. Cette partie-là, je la garde pour moi. Le devoir d’apporter mon expérience pour guider les experts suffit. Il ne sert à rien d’apporter davantage d’inquiétude à moudre à des gens insouciants, éloignés des complexes problèmes politiques et sécuritaires. J’aurais pu laisser Carciphona se débrouiller seul, mais en ce qui concerne le Désert Volant, j’ai une volonté de montrer l’exemple. Pas que parce que je suis conseiller de la guilde, mais parce que j’ai été anobli. Et à mes yeux, même si c’est une vision que peu semble partager, c’est une responsabilité plus qu’une récompense. Et je me dois de m’y conforter.
J’échange quelques banalités avec les scientifiques. Je reste un gars assez terre à terre, loin des problèmes de sciences et de magie de ces gens-là. Ils parlent de choses que je prends pour argent comptant, n’ayant pas la capacité de leur opposé une réflexion avancée, mais ça permet d’échanger un peu. De faire connaissance. On vient de partir, alors nous ne sommes pas vraiment seul. La piste n’est pas non plus très empruntée, mais il y a de nombreuses missions à réaliser aux abords de la colonie qui concerne la logistique, la sécurité et même des projets de recherches. Le Désert, sa faune, sa flore et son sol sont pleins de secrets qui mettront des années à révéler tous leur mystère. On aperçoit à plusieurs reprises des individus travaillant à différentes tâches. Difficile d’être menacer avec une présence humaine très marqué. Sans compter que plus loin, il y a encore des groupes d’aventuriers et de gardes qui repèrent, détournent, voire éliminent les menaces avant qu’elle n’entre dans le périmètre de la colonie. Pour la sécurité de tous. A peine une demi-heure après notre départ, on voit passer à distance une troupe d’une dizaine de coureurs, passant à bonne distance des différents groupes humains, sans hostilité. Si à l’arrivée des humains, ils étaient plutôt curieux, ils se sont habitués à notre présence sans nous faire totalement confiance. Leur physionomie les rendant totalement aptes à servir de montures, les captures de spécimens ne se font pas forcément dans la douceur et cela doit finir par se savoir entre les différentes meutes. Aven s’extasie à leur vue et se met à réciter tout l’Aryonpédia les concernant. Je ne vous fais pas de résumé, vous savez où aller.
-Oubliez pas de vous hydrater.
On ne le dira jamais assez. Surtout qu’à un moment, il n’y aura plus rien à dire. Juste à mettre les pieds devant l’autre et avancer. Ça fait un peu de sport. C’est agréable. Parce que rester derrière un bureau à gérer toute l’activité des aventuriers dans la région, c’est quelque chose, vous pouvez me croire.
- Alors comme tu peux le voir, c’est une loutre. C’est une monture qui, avec tous les efforts du monde, ne va pas terrasser un Gévaudan. Mais t’inquiète le Garde, elle pourra toujours te rafraîchir si tu le souhaite.
K’awill sautille quand il comprend qu’on parle de lui. Il avait acquis un pouvoir qui lui permettait de tirer de l’eau depuis ses pattes. En pouvoir offensif, c’était pratique mais je vois ça comme quelque chose pour dégager les ennemis et après on s’enfuit comme tout aventurier qui se respecte. Moi, je ne suis pas là pour souffrir. Puis franchement pour ses deux scientifiques, ils sont venus en tout état de cause, je peux faire le minimum mais je ne me suis pas engagée pour que mon corps serve de bouclier mais je peux montrer le chemin, c’était totalement dans mes capacités.
- Sinon pourquoi je suis là, c’est simple. Le devoir bien entendu.
Puis la prime mais aussi pour que Lin en apprenne plus. Après, une nouvelle terre à visiter, ce n’est pas tous les jours qu’on a ça. Carciphona Ixchel, pionnière de l’île volante, ça claque non ? Je vais finir par me trouver un petit lopin de terre et j’aurai laissé ma trace sur cette contrée étrangère.
- Puis je ne vais pas laisser Jack affronter ça tout seul. Notre vénérable conseiller est quelqu’un d’important à la guilde et c’est aussi mon ami. Il faut que je le surveille un peu, du moins, K’awill va le faire !
- Oui moi protéger tête d’oeuf !
- Mais si on pouvait éviter de faire n’importe quoi, ça m’arrangerait. Allons-y avant qu’on se tape une tempête de sable.
Mais cette fois-ci, je suis équipée pour affronter tout ce bazar. D’ailleurs un petit coup de gourde fontaine pour ne pas me déshydrater comme le propose le moustachu.
- Mais comme l’a dit Sarah, pour mériter notre pique-nique et le petit apéro, il faut qu’on se bouge un peu.
La marche est difficile dans le sable et j’entends les scientifiques râler derrière nous. Il ne faut pas longtemps avant qu’on croise les Jipins. Cette sorte de lapin-chien.
- Qu’est-ce ?
- On appelle ça des Jipins, enfin on a trouvé ce nom quand on les a vu l’autre fois. Il reste à bonne distance mais ne semble pas hostile. Je ne dirais pas que c’est comme des Lapins-fromage mais bon, tant qu’on ne s’approche pas, on n’a rien à caindre.
- Pourquoi des Jipins, vous n’avez pas réussi à capturer cette bête ?
- Alors notre nacelle a fini au milieu d’un désert suite à une avarie, je n’avais pas spécialement de la place pour ramener quoi que ce soit. Puis personne n’a pu les approcher à moins de cinq mètres, imaginer s' ils sont venimeux. Mais bon, ce n’est qu’une question de temps avant qu’on trouve les rebeccarpions.
- Vous parlez de ces scorpions qui sont mentionnées dans les rapports ?
- C’est bien eux et sachez qu’on va certainement les croiser à l’approche de la grotte pour accéder au cristal magique. Je ne pense pas que ce soient les gardiens de ce temple mais je suppose que les grottes, c’est un peu leur tanière.
- Et c’est là… qu’on va ?
La scientifique faisait moins la fière sur le coup.
- Si on en croise qu’un, ça se gère. La garde est avec nous non ? Si c’est plus, je propose qu’on prenne nos jambes à notre cou !
Je n’avais pas Nivix pour servir de tank mais la dernière fois, il n’a pas été le plus efficace avec son catosorus était blessé. Mais on va gérer, je le sens bien.
- Mais tant qu’il fait jour, je pense qu’on ne croisera pas leur chemin, il faudrait donc se dépêcher.
Après ce petit avertissement, l’escouade se met en route. Le vent se lève car le désert sans tempête, bah ce n’est pas drôle du tout.
- Faut continuer à avancer. Protégez vous le visage et les yeux.
Je sors ma boussole des cinq lieux pour voir quel type de danger nous attend. La grande aiguille indiquait la direction qu'on prenait avec comme information que c’était la tempête. Pas de créature et tant mieux. Mais qu’elle serait la force de la tempête ?
- On se serre, il ne faut pas qu’on se sépare !
Je mets le cache-tempête sur les yeux pour que je puisse voir encore. Une trouvaille qu’on a obtenue lors de notre précédente exploration ici. J’attrape aussitôt les deux scientifiques qui s’éloignaient beaucoup trop.
- Tenez les sangles des harnais de ma loutre. Vous avez interdiction de les lâcher, compris ?
Pourquoi on continue, le sable est de plus en plus fort !
- Ma…dame ! Ma…Dame, prenez cette sangle ! Sinon, on va être perdue !
- Oui, oui, je vais faire ça, Aven.
J’envoie un message télépathique à K’awill pour qu’il me dise si l’un d’eux s’éloigne beaucoup trop. Il va s’occuper de ces deux là. Maintenant m’assurer que Jack ne prenne pas le large. Mais je pars dire un petit mot à Sarah.
- Sarah ! Garde toujours un oeil sur notre conseiller ! Il a le don de se perdre vite.
Je reprends ma gemme de position et observe la carte. Le vent ne m’aide pas et encore moins le sable mais je sais que je tiens le bon cap.
- Nous approchons de ruine, on pourra se protéger là-bas. Il faut encore marcher une vingtaine de minutes. Prenez votre mal en patience !
Toujours en tête, je marche dans ce sable affrontant les éléments me demandant pourquoi j’ai encore accepté cette mission.
HRP
- Résumé :
- On marche depuis deux heures. On croise des Jipins et la tempête se lève (comme de par hasard)
.
- Jipin:
- Rebeccarpion:
« Ah ouai j’en ai entendu parler de ces créatures souterraines. Des espèces de gros vers carnivores bien dégueulasses non ? L’autre jour j’étais à la taverne et il y avait un frère de Lucy traumatisé qui racontait son voyage au désert volant lors de la première exploration. Il avait pas l’air bien du tout le pauvre type. Il nous avait raconté qu’un de ses vers avait englouti sa tente d’une bouchée avant de gober un type qu’il essayait de sauver. Tout ça parce qu’un noble avait trouvé cool l’idée d’explorer une galerie ! Donc franchement, je crois que je préfère encore les scorpions quitte à choisir comment mourir. »
Sarah eut un air mystérieux, comme pour faire peur aux deux scientifiques qu’ils accompagnaient, puis elle partit dans un large éclat de rire en voyant leur mine déconfite. Elle se donnait un genre, mais elle non plus n’était pas très rassurée. Elle manquait d’information sur la faune locale et s’en remettait totalement à Carciphona. Si la saphir lui demandait de sauter d’une falaise parce que c’était plus sécurisant, elle le ferait sans hésiter. Beaucoup trop de personnes avaient disparu mystérieusement dans ce désert, à commencer par la garde royale qui avait perdu beaucoup d’éléments lors de la première expédition. Leur capitaine aussi s’était mystérieusement éclipsé, mais il était revenu comme une fleur après que tout le monde se soit débrouillé sans lui. Elle avait entendu dire qu’il était parti tout seul pour faire Lucy c’est quoi. C’était une Valkyrie qui en parlait à la taverne l’autre jour. Moralité, il valait mieux connecter ses trois neurones avant de venir dans ce désert.
La tempête de sable fut un formidable avertissement. Sarah avait suivi la demande de Carci et regardait le conseiller qui marchait devant elle comme s’il allait se faire souffler par le vent, mais cette tâche devint de plus en plus compliquée. Les trombes de sables les ralentissaient énormément, un peu comme s’ils étaient en train de marcher avec de l’eau jusqu’au genoux. Sarah devait faire un effort beaucoup plus important pour parcourir 10 m et la visibilité était complètement nulle. Si bien qu’elle du rattraper Jack pour être sûre de ne pas le perdre. De toute façon, il était inutile qu’elle reste en retrait comme elle l’avait proposé au début puisqu’elle ne voyait rien à plus de 2 m.
En plus de la force du vent, la tempête était une sorte de hachoir à viande à ciel ouvert. Tous les petits grains de sable étaient comme autant de petites lames qui arrachaient une infime partie de sa peau à chaque fois. Elle se couvrit sur tout son corps comme l’avait demandé la saphir, mais l’assaut des grains sur le tissu n’en restait pas moins très désagréable. Après une vingtaine de minutes, Sarah aperçut enfin une formation rocheuse à moitié ensevelie dans le sable. Heureusement qu’ils avaient une carte, car il était bien difficile de se repérer sur un terrain qui s’effaçait en un coup de vent. Elle essaya de crier, mais le sable se glissa dans sa bouche la faisant tousser. Elle opta alors pour la télépathie. Utilisant sa bague, elle signifia la position des ruines à Carci qui guida alors sa loutre dans la bonne direction, accompagné des deux scientifiques. Quant à elle, elle attrapa la main de Jack et Nikolaos pour attirer les guides.
Ils durent sortir les pelles pour déblayer l’entrée, mais ils purent rapidement se mettre à l’abri en attendant que la tempête passe. Sarah retira son turban et cracha le sable qui s’était infiltré dans sa bouche avant de prendre une gorgée d’eau pour se rincer les dents.
« Pouah, il y avait vraiment des gens qui vivaient ici à la merci de ses tempêtes ? Vous imaginez un peu, vous vous couchez le soir et le lendemain il fait nuit parce que votre maison est enterrée sous le sable ! C’est dingue la quantité que ces vents peuvent soulever ! »
L’aventurière s’assit dans le cercle formé par ses compagnons.
« Je comprends mieux pourquoi on a couru vers cet abri. Carci, elle dure combien de temps en moyenne ces tempêtes ? »
Probablement un moment. Sarah décida alors que quitte à faire une pause, autant prendre un peu de plaisir. Elle ouvrit son sac sans fond et en sortit un énorme coffre de pierre qui émettait une légère bruine autour de lui. Elle ouvrit le couvercle, dévoilant une série de bouteilles diverses et variées.
« Aller en attendant que ça passe je vous propose de boire un coup, c’est moi qui offre. Bière artisanale, jus de fruits ou alors vous pouvez mettre votre gourde dedans pour la refroidir si vous voulez, c’est vous qui choisissez. »
Sarah laissa les autres prendre ce qu’ils voulaient et prit quant à elle sa bière qu’elle avait ramenée des archipels avant de se poser dans un coin. L’entrée était presque déjà totalement ensevelie par le sable et elle dut allumer sa lampe pour continuer à y voir clair.
Tous ? Pas vraiment. Tandis que la majorité a commencé à s’asseoir en cercle et que les bières et autres boissons rafraîchissantes commencent à circuler de main en main, je fais le lien entre le cri que j’ai entendu quelques minutes plus tôt et…
- Aven ?!
La scientifique vient aussi de remarquer son absence. Une patte poilue s’approche de moi en me tendant une gourde fontaine. Kawa ? Kaway ? J’ai oublié son nom mais je le remercie avec un grand sourire et je me permets même une tape sur sa tête. J’ai ma propre gourde fontaine. Je ne vais pas utiliser celle des autres. Je l’utilise pour me débarrasser du sable que j’ai dans la bouche, sur le visage et les mains. Pas besoin de retirer le reste. Et puis, il y a plus urgent. Cassia est déjà retournée vers l’entrée de la caverne mais c’est inutile. La tempête n’est pas terminée et, dans ces conditions, inutile d’espérer trouver Aven. J’ai beau vouloir faire mes preuves, je ne suis pas non plus suicidaire. Puis, je suis en équipe. Il faut toujours consulter l’équipe avant de prendre une décision.
Je m’assois à côté des aventurières. Mon rythme cardiaque s’est apaisé après l’urgence de la situation qu’on vient d’affronter et ne plus avoir le soleil au-dessus de nos têtes est tout aussi salvateur. Je suis embêté pour Aven, mais bon… La grotte où nous nous sommes réfugiés semble plus profonde qu’au premier abord -même si j’en ai pas vu grand-chose, au premier abord. En tout cas, il y a un petit renfoncement qui indique que nous pouvons pousser l’exploration plus loin. Pas de traces de nids ou d’autres créatures ayant élu domicile ici. Du moins, pas de traces dans l’immédiat. On est pas à l’abri, une fois la tempête passée, que les propriétaires de l’endroit reviennent. Mais, quelles sont nos options ? Seule la saphir semble pouvoir se balader à sa guise à travers ce déplacement massif de sable et, de mon point de vue, hors de question de la laisser y aller seule. C’est bien trop dangereux. On est pas autant pour escorter ces deux scientifiques pour rien ; c’est bien parce que les dangers de cette contrée sont présents.
- Pas le choix. Faut qu’on attende que la tempête se termine.
Cassia n’est pas d’accord. Elle a envie de partir maintenant à la recherche de son petit protégé. Tiens, elle semble tenir à lui, finalement. Bien loin de l’image que j’avais imaginée au début. Mais, force est de constater qu’à part ajouter de potentiels cadavres à l’expédition, on ferait mieux de ne pas s’y risquer. Je jette un coup d'œil à mes trois autres partenaires humains. J’aimerais bien avoir l’occasion de parler un peu plus longtemps à ce moustachu. Il dégage quelque chose qui me plaît ; mais je refuse de partager une bière avec le reste du groupe. Je veux rester sobre et professionnel. Je suis garde, pas aventurier.
- Vous avez déjà essuyé des tempêtes de sable ? Vous savez combien de temps elles peuvent durer ?
Ils m’expliquent qu’ils en ont déjà traversé une, qui a duré moins longtemps. C’est d’ailleurs avec celle-ci que la brune au bandeau a deviné comment ce bout de tissu fonctionnait. Curieux artefact que j’aimerais beaucoup posséder en cet instant. Et puis, le temps de finir de me raconter une partie de leurs péripéties, parce que j’ai été bien trop curieux pour ne pas demander, la tempête se calme dehors. On le remarque tous à peu près en même temps. Je me redresse, débarrasse mes cheveux et mes vêtements des grains de sable restants et prends une dernière rasade d’eau.
- Bon, comme je vous le disais ; j’ai entendu un cri, pile lorsque le passage a été dégagé. Pas eu l’occasion de voir quoi que ce soit. J’pense que…
Je m’arrête net de parler. En fait, un peu sur la droite devant l’entrée de la grotte, y’a un énorme trou. Aucun doute, c’est là qu’Aven est tombé. Cassia vient de reconnaître le chapeau qu’il avait mis sur sa tête durant le trajet. Et puis, étalé de part et d’autre, y’a le matériel que portait Aven qui est dispersé, cabossé voire même complètement pété, et qu’on a pas pu l’aider à porter avec les autres.
-Ça ne va pas être plaisant, mais il va falloir descendre.
-La grotte semble plus profonde. Peut-être que ce trou et la grotte sont reliés d’une certaine façon ?
Je laisse à qui de droit de réclamer la paternité de cette déclaration pertinente, mais qui doit se confronter à une dure réalité.
-Peut-être bien. Peut-être aussi que non. On ne va pas parier là-dessus. Il est clairement en danger. Il faut agir vite. S’il ne répond pas, c’est qu’il est soit inconscient. Soit encore plus inconscient à partir à l’aventure.
-Aven ne ferait jamais ça. Il ne manque pas de courage pour lire des livres, mais pour explorer seul des grottes pleines de dangers, c’est toute une autre histoire.
-Espérons alors qu’il est toujours là-dessous pour nous confirmer vos dires. Carci !
J’appelle la Saphir parce qu’elle est parfaitement équipée pour ce genre de missions. On peut même dire qu’elle est équipée pour tout et n’importe quoi, mais on risque de mal l’interpréter. Je sors moi-même ma corde enchantée tandis que je sais que mon amie possède des crocher foreurs très utiles pour garantir une descente ; ou une ascension car il faut penser à la suite ; des plus commodes. Si la cavité descend dans une pente pas trop raide, il faut veiller à ne pas prendre trop de vitesse et progresser à tâtons. On peut rapidement manquer un croisement et prendre le mauvais passage si on n’y fait pas gaffe. Ou foncer à grande vitesse sur un mur de pierre qui vous assomme. Peut-être le destin d’Aven. Ça serait clairement le moindre mal. J’en vois un qui regarde autour du trou comme s’il pouvait trouver des indices, mais avec la tempête, difficile d’obtenir quelque chose d’utiles. Puis, en quelque sorte, trouver quelque chose de notables, c’est inquiétant. Si on est dans la tanière d’une créature, ça ne rassurerait personne.
Carciphona descend la première.
-Surveille bien le reste du groupe K’awill !
-Oui !
La Loutre prend alors son rôle très à cœur, dévisageant presque tous les autres chacun leur tour. Je lui emboite le pas, une minute après, le temps qu’elle prenne un peu d’avance. Me tenant fermement à la corde enchantée, je descends progressivement sans me laisser emporter. On n’a pas décidé de si des gens devaient rester à la surface. On avisera. Pour ne pas perdre contact, on a partagé nos cristaux de communications avec Sarah qui en avait justement un. C’est satisfaisant de pouvoir compter sur des aventuriers bien équipés. C’est là tout le succès de la Guilde. Ça me rend fier. Et ça me rend tellement fier que je glisse sur une prise prévue à l’origine pour retenir. Je perds l’équilibre et j’ai le malheur de lâcher ma prise. Je bats des bras pour tenter de me ralentir, mais je prends instantanément de la vitesse dans cette sorte de toboggan géant plongeant vers les profondeurs. J’hésite à crier. Je ne voudrais faire paniquer personne, mais c’est peut-être mieux de prévenir au moins Carciphona qu’est juste devant.
Alors je gueule.
-J’ARRIIIIIIIIVE !
Dire qu’on aurait pu tranquillement boire un verre dans la superbe collection de Sarah qui avait même de l’ambrée d’Ollainbourg. Faut toujours qu’on tombe avec des gens un peu trop incompétent pour nous gâcher nos aventures.
Comment ça il arrive ? Je crois que dans ma tête, j’ai tous les scénarios possibles qui passent quand l’un d’eux se réalise en face de moi. Jack vient encore de faire des siennes à mon plus grand désarroi et je vais me le prendre en pleine face.
- JACK RALENTI !
Autant parler à un ouragan qui ne souhaitait que tout détruire sur son passage. Là c’était un peu pareil sauf que l’ouragan ça s’appelait Sir Whiskeyjack Callahan.
- TENDS LES BRAS, FAIS QUELQUE CHOSE.
Trop tard, le boulet de canon était presque à ma portée mais j’actionne mon arbalète de poignet pour qu’elle se déploie et lance le premier carreau pour qu’il se plante dans le paroi. Je vais me déboiter l’épaule, c’est certain mais je m’accroche de toutes mes forces quand le conseiller me rentre dedans. Je sais que ça ne va pas nous empêcher de tomber mais ça a le mérite de nous ralentir pendant quoi… une micro-seconde ? On continue alors notre descente alors que la corde enchantée qui me servait de sécurité pendouille près de nous sur ce toboggan géant mais même pas en rêve j’essaye de m’accrocher avec sinon je vais perdre ma main. Placer entre les jambes de mon cher ami, on continue notre descente à une vitesse trop importante. A chaque caillou ou autre racine ou que sais-je, on crache tous les jurons possibles sur les tourments de nos postérieurs.
- Jack, je vais te donner l’un de mes crochets foreurs. Tu vas t’en servir comme frein en même temps que moi. Je n’ai pas envie de savoir si la fin de la descente se termine dans un trou avec les flammes de l’enfer qui nous attendent ou pire…
Genre le vide et on tombe du ciel. Ça serait une chouette idée ça. Je lui tends l’objet en question. Compte jusqu' à trois et on plante respectivement le crochet dans le sol alors que je m’accroche le plus fort possible à la jambe du moustachu. Bien entendu, on ne fera aucun commentaire sur la position que j’avais avec lui. Digne d’une position qu’on pouvait accomplir dans l’intimité mais là, je ne vais pas réfléchir où se trouve ma tête. Il fallait qu’on s’arrête.
Nos bras souffrent mais au bout de quelques secondes, on arrive à presque s’arrêter et je dis à Jack de faire un dernier effort.
- Surtout, ne lâche pas ce crochet d’accord !
Je pense que pour le conseiller, le message était clair, on ne va pas avoir une nouvelle chance de si tôt.
- J’espère que K’awill fera attention en descendant. Je vais lui dire qu’on le range dans sa bulle de rangement. Le garde va pouvoir faire ça si on décide d’explorer ce trou.
Je transmet le message à K’awill et je lui dis d’attendre encore un peu avant de descendre mais qu’il doit continuer à monter la garde.
- Bon, tu crois que notre cher scientifique a fait la même chute que toi ?
- C’était tout de même très glissant.
- Oui on peut dire ça. Mais on est descendu trop vite pour voir si il y avait des traces de notre scientifique.
- Tiens, je suppose que c’est à lui ça.
Non loin de nous, on trouvait un petit carnet. Cette couleur rouge cramoisie ressemblait au bien de notre compagnon de voyage.
- Sauf si quelqu’un avant lui avait le même carnet.
- ça serait un curieux hasard, tu ne trouves pas.
- Tu sais, les scientifiques doivent se fournir au même endroit
- Et il y avait une promotion pendant que tu y es ?
- Tu m’ôtes les mots de la bouche.
- Bon, ce n’est pas tout mais je vais devoir me décoller de toi mais j’ai peur qu’on part de plus belle.
- Je ferai attention
- Comme tout à l’heure ?
- Une mauvaise prise, voilà tout.
- Garde ce crochet et vérifie tous tes points d’appuis, d’acc ?
Le conseiller hoche la tête et transmet ses salutations à ceux d’en haut par cristal. On prends un rythme très lent et énumérant les points dangereux à Jack. Il marchait dans mes pas alors que K’awill commençait à s’inquiéter depuis le bord. Je me contente de le rassurer et aussi de s’occuper de notre cliente. Elle était en panique, elle voulait qu’on lui ramène son Aven chéri. Ouais, si on pouvait remonter aussi, ça serait cool.
- C’est sans fond ce machin non ?
Il commençait à faire bien sombre mais heureusement ce petit sac sans fond à ma taille contenait des dizaines de merveilles. Je lance donc un verumiscent pour voir si ça va aboutir à quelque chose. Ma boussole des dangers ne m'indique rien donc je ne risque pas d’éveiller une monstrueuse bête. La lumière du bâton magique finit par s’arrêter. Il y avait donc un fond et d’où on était on voyait des formes, c’était donc jouable. On continue alors notre descente mais le toboggan s’arrêtait net alors que nous étions à quatre-cinq mètres du sol.
- Non mais abusez ! Ils auraient pu finir cet escalier.
Je n’avais pas envie de faire de l’escalade mais je suis donc obligée.
- Je descends la première, je garde les crochets foreurs avec moi si je dois remonter en urgence.
Jack assure la sécurité avec la corde même si j’ai plus peur qu’autre chose, je ne sais jamais à quoi m’attendre avec lui. Je pose doucement les pieds au sol, attrape mon épée et faire le tour du fameux trou. Pas de corps, pas de Aven mais deux couloirs dont l’un avec des traces au sol avec de la lumière au fond.
- Jack, je crois savoir où est parti notre scientifique… Appelle les autres, voir si on y va ensemble ou pas.
Quitte à se perdre, autant y aller ensemble. Peut-être que quelque chose nous attends là-bas. Une autre grotte à cristaux et le scientifique est en train de baver devant l’un d’entre eux…
HRP
- Résumé :
- Après cette superbe attraction. On finit par arriver en bas avec Jack, les fesses endolories. Mais bon en fin de compte, un couloir semble amener vers une salle secrète.
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Reste plus qu’à décider quel couloir on va explorer. Je ne suis pas un expert trappeur, mais au vu des traces humaines qui vont vers la lumière, je me dis que c’est par là qu’on doit aller et on se met tous ensemble d’accord pour y aller. Cassia fait preuve de courage. Elle est devant nous, les yeux grands ouverts à la recherche de son petit protégé. Je finis par l’attraper par le bras pour la forcer à reculer et je dois lui rappeler qu’on est là pour la protéger elle en priorité. Puis Aven, même si c’est mal barré ça. J’espère qu’elle comprend qu’elle doit rester entre nous, au milieu du groupe. Même si ses sourcils se froncent et que son air se fait désapprobateur, mon regard à moi se durcit pour lui indiquer que ce n’est pas négociable. Elle abdique. Je prends donc les devants avec qui veut bien me suivre.
On avance sur quelques mètres. Le chemin est légèrement tortueux, plus étroit par endroit mais, surtout, on a toujours des traces de pas devant nous et aucune tâche de sang ou de quoi que ce soit qui pourrait y ressembler ou nous indiquer qu’Aven s’est retrouvé en fâcheuse posture. Au loin, j’entends un sifflement strident. Je me tourne vers les autres pour savoir s’ils l’ont aussi entendu, un sourcil en arc-de-cercle pour exprimer ma surprise. Est-ce que je me fais vieux ou y’a vraiment quelque chose qui s’approche ?
- Des… Des sangsues… Il faut… marmonne Cassia en attrapant mon bras pour que je m’arrête et l’écoute. Elle se tourne vers tout le monde, presqu’affolée. ... Nous taire. Arrêtez de marcher, d’parler…
- Et respirer si nécessaire, m’entends-je ajouter en me prenant un regard noir de la scientifique.
On reste immobiles pendant un bon moment, jusqu’à ce que les sifflements cessent. Soupir de soulagement unanime. Manquerait plus qu’on se fasse dévorer par des sangsues maintenant.
- Bon allez, fini de plaisanter, on avance maintenant.
Quelque part, Aven nous attend. Le bout du couloir et la lumière se sont finalement révélés être une grotte. Elle est plutôt petite, mais jonchée de dizaines d’ossements sur le sol. Haut de quelques dizaines de mètres à première vue, un trou qui filtre les rayons du soleil et dont certains se reflètent sur les minéraux présents. Je crois voir au loin une silhouette humaine, roulée en boule contre l’un des murs de la caverne. Je prends soin de prendre mes lames courtes en main avant de m’approcher de lui, sait-on jamais. Je reconnais alors le bon vieux Aven. Il est dans un sale état, avec ses vêtements déchirés et ses yeux gonflés de larmes. Je lui tends ma main, pour l’aider à se relever et je lui demande des explications. Il me les donne, m’expliquant qu’il est tombé il ne sait trop comment dans un trou pendant qu’il essayait d’avancer avec nous et qu’il a avancé jusqu’ici en essayant de trouver une sortie plus accessible que la première cavité dans laquelle on est tombés. C’est pas gagné, ça.
Pendant qu’il nous parle, je fais un rapide tour d’horizon des lieux, un peu préoccupé par les ossements sur le sol. C’est qu’ils ont l’air humains et qu’ils sont peut-être le signe qu’une bête a élu domicile juste ici avec le reste de sa troupe.
- Merde mais… Mais c’est des restes de maisons, ça.
J’ai pas pu retenir mon hoquet de surprise. En réalité, tout autour de nous et construit à même les murs de la grotte, s'étend un vaste réseau d’anciennes habitations. Recouvertes par la végétation locale au fil des années, je ne m’en étais pas rendue compte immédiatement. Je me demande ce qu’on va y trouver. C’est répertorié sur une carte ou pas encore ? Cassia, qui s’est précipitée vers Aven pour s’assurer qu’il allait bien, reprend vite sa casquette de scientifique et commence à gribouiller tout un tas de choses et de schémas.
Bon, c’est pas parce que c’est un ancien village -ou une ancienne ville- qu’il n’y a plus âme qui vive maintenant. Je fais un signe de tête à Sarah, la plus proche de moi.
- Un petit tour des lieux, de ce côté, pour s’assurer qu’il n’y a pas de danger avant de réfléchir au chemin qu’on prend ?
J’attends sagement sa réponse, même si je commence à m’éloigner de quelques mètres pour jeter un premier coup d'œil à ce qu’il y a autour de nous. A priori, pas de traces de monstre pour l’instant. Pour combien de temps ?
Sarah leva les yeux de son petit carnet où elle notait des informations qu’elle donnerait ensuite à l’Ordre à son retour. La voix du beau gosse l‘avait sorti de ses réflexions et l’avait stoppé dans sa tentative de faire un croquis des habitations qu’elle voyait dans la pierre. Elle jeta un coup d’œil derrière elle pour vérifier où en était les autres, la saphir explorait du regard les quelques tunnels qui donnaient sur la grande grotte et essayait de repérer celui qui les mènerait à leur destination. Pendant ce temps, Jack était auprès de Kawil, Cassia et Aven. Il avait une espèce d’aura magique ce conseiller. Aven était blanc comme un linge pendant que sa tutrice s’occupait de ses écorchures en lui tamponnant la peau comme s’il était en porcelaine. Pendant ce temps, Jack utilisait son incroyable bagout et ses phrases joviales pour essayer de lui redonner un peu de courage. Elle le vit sortir une bouteille de son sac qu’il avait du piqué dans son coffre. Elle ne lui en voulait pas, tout ce qu’elle avait apporté leur était offert et Aven en avait bien besoin, excellente initiative Jack.
« Pourquoi pas, j’avoue que je suis curieuse d’explorer un peu plus ces vestiges ! »
Son âme d’aventurière reprenait le dessus à la vue de toutes ces antiquités. Elle n’avait pas pu participer à la première vague d’exploration, mais elle n’avait pourtant pas abandonné l’idée d’explorer cet endroit comme ‘lavait fait les autres. Inaros lui avait raconté son voyage au désert, probablement l’un des seuls moments où elle avait véritablement prêté attention à ce qu’il disait. Ils auraient pu y aller ensemble … Pas qu’elle avait envie de l’avoir en sa compagnie, mais parce que c’était quelqu’un de fiable tant qu’il ne glissait pas sur une flaque de sable. Elle avait hurlé de rire en entendant cette anecdote.
Le village troglodyte se trouva être … décevant. Si ce n’est quelques objets rouillés et des poteries détruites, les maisons étaient désespérément vides. On aurait dit que tout avait été emporté ou réduit à l’état de poussière par le temps. Sarah retourna le sable à plusieurs endroits, mais ne trouva rien qui puisse la renseigner sur la vie qu’il y avait eu entre ses murs. Ce n‘était pas une grande surprise, la plupart des rapports publics d’exploration mentionnaient des villes fantômes quasiment vides de toute trace d’activité humaine. Ce devait en être une parmi tant d’autres.
« Je me demande pourquoi les habitants de ses cités sont partis. Vu qu’ils n’ont rien laissé, on pourrait se dire que c’était prévu. Qu’ils ont fait le choix de quitter le désert non ? Si une catastrophe les avait emportés, il resterait plus de traces de leur vie d’avant, figée dans le temps après leur mort. »
Sarah pensait à voix haute, espérant que son compagnon éclaire ses réflexions de ses propres connaissances. Mais elle n’en espérait pas temps, il avait beau être beau gosse, elle avait tout de suite remarqué qu’il n’était pas le couteau le plus affûté du tiroir, mais on ne sait jamais, sur un malentendu c’était peut-être un mordu d’anthropologie.
Ils arrivèrent bientôt devant une maison un peu plus grande que les autres dont la porte, en métal cette fois, était solidement coincée. Sarah et Nikolaos tentèrent de la pousser en vain. Elle ne bougeait pas d’un centimètre. Soudain un aboiement se fit entendre derrière eux. Warlen qui les suivait depuis un moment se tenait à leur pied en agitant sa petite queue dans tous les sens. Sarah s’écarta d’un geste gracieux.
« Si vous voulez bien monsieur Warlen … »
Le petit grognedent, tout content de servir enfin à quelque chose, recula de quelques mètres avant de courir à toute jambe et de percuter la porte avec son épaule. Un son retentissant se percuta sur les parois de la caverne faisant tiquer Sarah à mesure que l’écho se dissipait dans le néant. La porte bougea de quelques centimètres de quoi aider Nikolaos et l’archonte à l’entrouvrir suffisamment pour pouvoir entrer dans le bâtiment. Il faisait noir comme d’un four, seule une mince traînée de lumière filtrait par la porte entrouverte. L’intérieur tait inondé de sable et Sarah compris que c’était cette masse de silice qui les avait empêchés d’ouvrir la porte. Ce bâtiment contenait enfin des objets. Des sortes de chandeliers et autres objets de cultes sortaient du sable par endroit. Cet endroit-ci avait été totalement abandonné contrairement au reste.
« Eh viens voir ça, dit-elle au garde en pointant une fresque sur le mur tout en l’éclairant avec sa lampe magique. »
On avait utilisé des pigments pour représenter une scène de prière. Plusieurs personnes étaenit agenouillées devant un centipède des sables absolument colossale. Entre les deux se tenait un autre homme auréolé de lumière qui semblait être là pour servir de pâture à la créature.
« Ça explique une partie des ossements, murmura Sarah. »
Tout d’un coup, les deux explorateurs sentirent le sol trembler. Ils sortirent précipitamment pour voir ce qu’il se passait. Carciphona s’était précipitée sur son familier afin de regrouper tout le monde et les protéger, elle fit de grands signes à Sarah pour qu’elle la rejoigne, mais avec la distance elle ne pouvait pas comprendre ce qu’elle lui disait. Elle lui pointait une galerie du doigt, sûrement la suite du chemin. Une autre secousse les frappa tous, faisant tomber Sarah et Nikolaos sur leur derrière. Une fissure se forma dans le plafond et en une fraction de seconde, la roche explosa révélant un centipède géant qui tomba dans l’immense grotte comme une baleine qui plonge ans l’eau.
« À l’intérieur, VITE. »
Elle poussa Nikolaos dans le bâtiment, ainsi que Warlen. Du coup de l’œil, elle aperçut les autres s’enfuirent dans un tunnel. Elle se cacha derrière le mur, épiant la créature par l’entrebâillement de la porte. Le vers ne semblait pas le savoir vu ni eux ni le reste du groupe. Cela étant, il se trouvait entre eux et la sortit que pointait la saphir tout à l’heure. Un hurlement retentit et Sarah vit un Guttmur volé dans les airs avant de se faire broyer par le prédateur. La créature venait sûrement de finir sa chasse et s’était enterré pour dîner. L’archonte arrêta son observation et se colla au mur à côté de Nikolaos.
« Il est en train de manger, pas sûr qu’il bouge de sitôt … il va falloir attendre … »
Et surtout prudent.
Je recule fissa dans le passage indiqué par Carciphona, tirant les deux scientifiques avec moi, dont Aven qui toussote encore à moitié après la rasade que je lui ai servi. Ah ça, c’est du bon alcool qu’elle a en stock, cette Sarah. Faudra que je pense à lui proposer une dégustation si elle est aussi bien connaisseuse, en tout bien tout honneur, hein. A côté, Cassia me jette un regard noir. Elle n'a pas été très convaincue par mon argumentaire concernant les bienfaits médicales de l’alcool sur l’organisme après un choc psychologique pareil. Parait qu’elle l’a étudiée, la psychologie. Pas moi. Enfin celle des comptoirs et des rues. Je ne suis pas là pour argumenter laquelle est la meilleure. Surtout avec un monstre d’une dizaine de mètres de long capable de bouffer un cheval en déjeuner. Malgré ça, Cassia est paniquée. Rien ne se passe vraiment comme elle l’avait prévu. Mais n’est ce pas là le propre de la science ? Allait de découverte en découverte ? S’il n’y avait pas de surprise, il n’y aurait aucun intérêt à chercher, non ? L’important donc, c’est de les rassurer et on a la chance d’avoir la meilleure élément de la Guilde parmi nous.
-Carciphona, protège no… les !
Je lui fais confiance. Totalement. Vous allez voir. Dans deux minutes, le centipède des sables ne sera plus que de l’histoire ancienne. Elle va le détruire avec plus d’efficacité que si on s’y était mis tous dessus. C’est pour ça que je ne tente rien. Ce n’est pas parce que je suis passablement inquiet que je sais que je vais la gêner. Il faut laisser le champ libre aux professionnels et jusqu’à preuve du contraire, ce n’est pas moi la saphir. On laisse aussi K’awill devant, parce qu’il est tout aussi Saphir que sa maîtresse. On recule un peu avec les deux autres pour laisser de la place au duo d’élite qu’il fasse le boulot au plus vite. On n’oublie pas qu’on est séparé de Nikolaos et de Sarah et autant je n’ai pas beaucoup d’intérêt pour le garde si ce n’est son nom de famille, j’ai un intérêt tout particulier pour les réserves enivrantes de l'aventurière.
Puis soudain, un sifflement se fait entendre. Je sais, c’est difficile avec le boucan du centipède, c’est que j’ai une ouïe qui s’affine sous la pression. Je crois. Comme si mes amis me rendaient plus fort. Une idée étrange, non ? Enfin, je tends l’oreille et je capte des mouvements dans notre direction. Cette fois, pas de Saphir pour nous protéger. Ils sont occupés. C’est au tour de Whiskeyjack Callahan de faire le boulot et d’assurer la protection des personnes vraiment importantes même si, en vrai, j’en suis une aussi, de part mon rôle de Conseiller de la Guilde. Il n’est guère étonnant que l’ouverture de la porte et l’arrivée du centipède dans les galeries ont fait un vacarme suffisamment important pour mettre en alerte la moindre créature dans les environs. Je suis même sûr que la végétation nous entourant réagit à tout ceci, de quelque façon que ce soit. Enfin, je suis botaniste. Bref, je surveille, sortant mon coupe-chou, prêt à en découdre. Derrière, Aven semble bien trop mal en point pour être d’une quelconque aide et Cassia s’arme d’une dague plus souvent utilisée pour gratter des cailloux ou récupérer des échantillons que pour mettre à mort. On ne s’improvise pas combattant. Moi non plus, même si j’ai fait l’école de la vie.
En tout cas, ça s’approche. ça semble même marquer un arrêt aux environs du centipède pour prendre conscience que la menace est trop grande, mais il y a d’autres cibles dans les environs. Plus petite. plus fragile. Plus goûteuse. Peut-être. Mais je m’imagine qu’on doit être tous des friandises pour les monstres du coin. On a pas beaucoup de désagréables morceaux qui dépassent et qui sont difficiles à avaler. Mais l’heure n’est pas aux métaphores car un monstre jaillit d’une paroi de sable pour se jeter sur moi. Je la poignarde en vol, mais déjà d’autres arrivent dans une attaque brutale qui se veut rapide pour profiter au maximum de la diversion du centipède sans à devoir servir de friandises à leur tour. Il s’agit de Sangsues des sables. J’en ai jamais croisé auparavant, mais je me suis quand même documenté dans l’Aryonpédia, on y trouve plein de choses utiles, comme par exemple les fruits des arbres comestibles.
Même si parfois, le destin vous en veut.
Pour l’instant tout va bien. Le ver géant a bouffé sa créature, on ne fait plus de bruit, elle nous oublie et je dis aux deux loustics qui ont comme par hasard filer vers cette petite cabane pour se peloter en douce et me laisser les boulets. Mais bon, je ne vais rien dire, laisser le doute à ce garde qui a trouvé le moyen de garder la bombe pour lui. C’est rien, je vais mon taff de saphir et lui comme tout garde qui se respecte, rien faire et laisser les pros, donc les aventuriers faire le reste. J’ai l’habitude, ils sont tous comme ça ses gardes. Pas un pour rattraper l’autre surtout que si il y a un problème sur l’un des deux invités, ça sera de ma faute. Car voilà, les aventuriers ne savent pas se tenir, blablabla, aucune discipline, blablabla mais lui, il roucoule avec Sarah là ! Non je ne suis pas énervée, pas du tout. Je boudine, voilà.
Bon, sinon comment ça se tue ce machin. C’est dur, une carapace, ça voit que dalle, beaucoup de dents. Ce n’est pas un gévaudan, c’est sûr mais son point faible, là tout de suite. Je ne le vois pas trop surtout que je ne sais même pas si les deux loustics vont m’aider ou rester planqués. Allez Carci, ajuste tes lunettes de jour, prends tes bottes enchantées, on va aller à la baston, comme toujours. Le plan était relativement simple, je passe en mode invisible, il m’entends plus, je reste à une distance raisonnable, je vise toujours le même endroit pour briser sa carapace et hop, le tour est joué. Enfin, ça fonctionne bien sur le parchemin, la réalité est tout autre quand je finis de lacer mes bottes enchantées.
- K’awill, lance des jets d’eau, vite !
Il n’a pas beaucoup de jet disponible mais ça va me permettre de neutraliser une partie de ses sangsues des sables. Épée à la main, j’en neutralise quelques-unes mais ce n’était pas ça le pire qui nous attendait. C’était le bruit qu’on faisait.
- Jack, K’awill, je vous laisse une minute.
J’attrape mon cristal de comm pour appeler le garde. Il a intérêt à décrocher cet abruti. J’entends le clic caractéristique et hurle dans le cristal.
- ÉLOIGNE LE VER DE NOUS, MAINTENANT. NOUS SOMMES ATTAQUÉS.
Je raccroche et range aussitôt le cristal. J’approche aussitôt des deux scientifiques et me met devant eux pour contrer le maximum.
- K’awill, reste derrière et dis moi pour le ver.
- Moi surveiller !
- Jack, ne faiblis pas.
Je ne pouvais pas me permettre de tirer une flèche explosive car nous allons faire effondrer la galerie mais l’envie me démange de plus en plus.
Jack faisait son possible avec sa machette mais son taux d’efficacité n’était pas important mais au moins, il arrivait à se protéger, ça faisait déjà une personne en moins à protéger.
- Prenez un bâton vous aussi, protéger les côtés. On ne peut pas contrôler tous les angles morts.
- Maîtresse ! Ver vient !
- Mais qu’est-ce qu’ils font, le message n’était pas assez clair ?
- Maîtresse, Ver stop.
- BAH ENFIN !
Pour libérer toute cette rage, mon épée vient de couper en deux cette vilaine sangsue avec ce liquide chaud qui vient éclabousser les vêtements de la dame. Tant pis, elle ira au pressing une prochaine fois.
- Mais, mais, qu’est-ce que…
Voilà qu’elle tombe dans les pommes.
- Aven, attrapez là.
C’est de pire en pire cette histoire mais j’ai l’impression que nous avons presque atteint la fin de cette vague.
- Maîtresse, ver furieux. Ver tout cassé !
- Pas grave, on s’occupe de ça et j’arrive.
Plus facile à dire qu’à faire. Mais le flux diminue un peu.
- Jack, j’espère que tu diras à tes anciens collègues examinateurs que j’ai fait mon maximum et que je n’ai pas cassé la dame.
- Les aventuriers font toujours de leur mieux Carci. Ne t’en fais pas, rien n’entachera ton beau dossier.
- Même pas un trou au milieu d’une plaine ?
- De l’histoire ancienne non ?
Une bestiole vient s’écraser sur le torse du conseiller et je m’approche de lui pour lui arracher pour l’éclater contre une paroi.
- Messire le conseiller, voyons, il ne faudrait pas abimer cette moustache !
- Derrière Maîtresse !
Une sangsue s’accroche à mon dos et K’awill arrive aussitôt pour l’arracher avec sa gueule. Je serre les dents car je sens une vive douleur qui s’échappe aussitôt.
- ARGH, ça m’énerve cette histoire. PLUS JAMAIS JE RETOURNERAI ICI.
Je vais surtout prendre ma retraite de ces trucs idiots surtout. Je jette un œil au duo de scientifiques, recroquevillé dans un coin, Jack et moi empêchons que les bestioles s’approchent trop près d’eux. Aven a pu assommer quelques bestioles.
- Après ça, je fais une sieste, c’est certain. K’awill, derrière.
Ma loutre part regarder et fait son rapport par télépathie. La bestiole cassait les constructions mais semblait chercher une cible. Tant mieux, ils détournent l’attention, c’est tout ce qui compte.
Après un temps qui semble beaucoup trop long, j’ai l’impression que ces bestioles ont fini d’arriver mais nous n’étions pas à l’abri dans cette galerie.
- On recule à la sortie du tunnel. Aucun bruit, le ver n’arrivera pas à nous repérer. Le premier qui fait du bruit, il mourra. Compris ?
Aven secoue la tête et j’espère que Cassia ne fera pas des siennes à son réveil. Au fond, elle est mieux inconsciente.
- Jack, tu restes dans un coin. Je vais affaiblir la bête et je m'arrangerai avec les deux autres. K’awill, tu me feras le rapport.
J’active mon arbalète au poignet, attrape ma sarbacane et passe mon coup de cristal.
- J’arrive les gars.
Mon invisibilité activée, je pars sur le front pour lancer mon premier projectile au niveau du plastron de l’animal, au niveau de la première patte à gauche.
J’espère que Jack ne va pas se faire attaquer de nouveau…
HRP
- Résumé :
- Merci les copains pour les sangsues. On a fait ce qu’on a pu !
.
Il y a quelques secondes, je discutais avec Sarah du sort des potentiels habitants de cette ville. Je l’avais même vannée sur le dessin où elle avait aperçu des créatures à deux pattes -des humains?- vénérant ce qu’elle avait pris pour un centipède géant. Avec des yeux aussi ronds que des soucoupes, je lui avais demandé dans quel monde l’humanité aurait pu faire ça. Pour moi, c’était le temps qui avait déformé le dessin originel. Puis l’instant d’après, nous nous étions réfugiés plus loin dans la salle circulaire pour nous protéger du véritable ver géant qui était venu nous rendre visite.
- Bordel de… C’est quoi ce truc ?
Je parle bien évidemment de la voix qui vient de s’élever du cristal de communication de l’aventurière. Je reconnais seulement que c’est celle de l’autre aventurière lorsqu’elle raccroche. Qu’est-ce qu’elle a dit déjà ? Éloigner le ver d’eux ? Comment on est censés éloigner un mastodonte pareil ? Je me sens minuscule à côté de ce monstre et je ne suis pourtant pas le plus à plaindre sur la taille. Combien est-ce qu’il a de pattes ? Et de dents ? Et d’yeux ? C’est en cherchant à les compter que je m’aperçois qu’il n’en a pas. Notre ennemi est aveugle. La façon la plus logique pour lui de se déplacer est donc avec le son.
J’attrape des fragments de poterie sur le sol, des bouts de verre, les restes d’une table en bois et, avec le tout, j’essaie de faire le plus de bruit possible pour attirer le ver. Je n’ai pas perdu de vue ma mission : protéger les scientifiques et les escorter sain et sauf jusqu’au cristal, qu’importe ma propre vie. Je dois avoir l’air d’un fou, à essayer de jouer un concerto en ré mineur pour quelque chose qui serait capable de me croquer en moins d’une seconde. La brune avec moi semble comprendre ce que je veux faire et, bon gré mal gré, je la vois s’affairer avec moi à essayer d’attirer l’attention du ver pour laisser l’occasion à l’autre partie de l’équipe de se mettre à l’abri. Évidemment, on ignore qu’ils sont assaillis par les jolies sangsues qu’on a évité tout à l’heure et qu’ils font un tonnerre du diable, eux aussi, de leur côté.
Mais je ne lâche rien et je continue. Puis, quand le moment sera plus propice, on sortira nos lames, hein ? Un coup d'œil au corps épais du lombric géant me fait quand même douter de la capacité de nos armes à percer sa carapace. Dans l’hypothèse où on y arriverait, comment est-ce qu’on réussira à découper ses mètres de chair ? Ça en fait des interrogations, pendant qu’on joue de la musique. Je crois que ça fonctionne. Le ver a abandonné l’autre équipe pour se concentrer sur nous. Je vois sa grosse tête qui « regarde » dans notre direction, probablement à la recherche de son dessert. Sans yeux, le monde doit quand même être triste, pour ce pauvre rampant de dix mètres de long.
- Bouge pas, je tente un truc !
Un truc fou, insensé et que j’aurais probablement pas fait si la saphir était arrivée quelques minutes plus tôt. Mais, à ce moment-là, elle finit de se débarrasser des sangsues et ne sera vers nous que quelques instants plus tard… Pile le temps pour me laisser faire une bêtise, puis une grosse en plus. En courant vers le monstre, je fais claquer mes talons sur le sol et je tape dans mes mains. Je veux qu’il se tourne vers moi.
Puis je vois ses grandes dents devant mon visage. La peur me déchire subitement les entrailles pendant une demi-seconde. Qu’est-ce que je fous là ? Je vais me faire bouffer ! Bon, c’était l’idée de base faut dire. Stupide comme idée, mais une idée quand même hein. Mais cette peur disparaît rapidement et j’enfile mes lunettes de jour. Peut-être que la carapace est plus tendre à l’intérieur et je vais pouvoir vérifier ça très vite. Avalé par le centipède, tout devient noir et je me retrouve à baigner dans un liquide et une odeur des plus horribles. Je me rends compte que le ver ne prend pas la peine de croquer ses proies : il gobe. Heureusement que j’ai mis les lunettes, j’aurais été bien en peine de voir où frapper dans le cas contraire. Alors je m’y mets. Je frappe avec ma lame de toutes mes forces de l’intérieur pour aider mes coéquipiers. Avec un peu de chance, ça va suffisamment décontenancer le ver. Je veux dire, il se fait maltraiter depuis l’intérieur de son estomac, ça ne doit pas être agréable.
Puis, si j’ai pas de chance, je crèverai avant de réussir quoique ce soit dans le ventre de ce centipède, perdu au fin fond du Désert Volant.
Quelle vie.