Tetsuko voulait poursuivre seule un trafic de chapots qu’elle avait vu de ses propres yeux il y avait quelques jours de cela, lors d’une de ses enquêtes. Elle avait dû retrouver un sachet volé, contenant un paquet de cartes qui devait être offert à Jack. Lors de sa recherche, elle avait eu affaire à ce fameux groupe de voleurs trafiquant ces animaux sans aucune retenue. Elle ne pouvait laisser ces animaux souffrir, elle n’en dormait plus la nuit.
Elle était revenue sur place les jours précédents afin de récupérer des informations concernant ce groupe. Visiblement, c’était un trafic connu des gardes qui n’arrivaient pas à mettre la main sur eux. La jeune femme ne voulait pas se mêler à eux et faire ses recherches dans l’ombre. Dans les rues elle avait trouvé plusieurs plantes avec qui elle discuta plusieurs jours, elle réaccueillit pas mal d’informations sur le groupe qui n’était pas vraiment discret. Les chapots semblaient bel et bien leur servir de voleur faisant le sal boulot pour eux.
La jeune femme était clairement sur les nerfs de voir ce trafic continuer sans que justice ne soit faites. Après avoir recueilli un bon nombre d’informations, elle eut connaissance du prochain lieu de vol. Ils avaient pour cible une bijouterie à dix rues du lieu où elle enquêtait. La détective connaissait le lieu, l’heure, elle savait que deux chapots allaient effectuer ce travail. Elle s’était mise en tête d’aller sur les lieux du vol pour récupérer les deux animaux en pensant que ceux-ci la suivraient sans rechigner.
Tetsuko était donc partie dans les lieux, c’était en soirée, avant la fermeture de la boutique. Les chapots avaient pour mission d’agresser le vendeur qui fermerait boutique et ensuite de rentrer et voler les bijoux. La jeune femme eut alors la merveilleuse idée de venir s’interposer durant l’agression.
- "Chapot ! Arrêtez tout ! Je suis venue pour vous sauver, rejoignez-moi !" hurla-t-elle.
Tout se passa ensuite très vite, la jeune femme se retrouva dans le noir complet, un sac sur la tête. Ses mains étaient liées avec une corde qui la serrait douloureusement. Elle venait de se faire kidnapper.
Elle regretta instantanément d’avoir été aussi naïve et de ne pas avoir demandé de l’aide. Tetsuko essayait d’hurler mais les ravisseurs avaient mis un bout de tissu autour de sa bouche, lié à l’arrière de son crâne. Elle ne savait pas où elle allait ni si elle allait s’en sortir.
On s’est mis une sacrée caisse.
On ne fête pas tous les jours son anniversaire. Evidemment, je vais le fêter une paire de fois, fonction des gens. Parce qu’on ne peut pas inviter tous le monde. Là, on a fait juste les petits potes de la Capitale. On était qu’une soixantaine de personnes et heureusement que beaucoup ont des familles, ils ont été raisonnable. Je ne sais pas quelle heure il est. Tard. Surement. Dans la pénombre, je viens tirer un jeu de cartes dans la poche intérieur de ma veste tandis que je palpe mon pantalon à la recherche d’un peu de tabac. Joli jeu de cartes. Un cadeau de Domovoï. Ça m’a touché. C’est que j’aime bien jouer. Il a paru un peu bizarre en me donnant mon cadeau, comme s’il cherchait quelqu’un dans l’assistance. Comme si ce n’était pas qu’un cadeau de lui, mais d’autres gens. Mais personne ne s’est manifesté et si Domovoï s’est éclipsé quelques minutes après ça, il a fini par revenir pour fêter dignement mon année de plus. Par beaucoup d’alcool. Et beaucoup de chanson. Puis, on a fait les cons. Genre on m’a fringué totalement bizarrement, avec une cagoule bariolé de mille couleurs, un veston chic, une cape bleue et des bottes rouges. On m’appelait Capitaine Jack, alors que je ne suis pas garde, évidemment. On disait que j’étais le Capitaine de la soirée et ça, je n’ai pas trop contesté. J’ouvrais les futs et j’ordonnais à mes troupes de les vider. Qu’est ce qu’on a fait les cons. On a cassé des trucs. En temps normal, on bougonnerait. Mais c’est pour l’occaz’. On est entre pote, tant qu’il n’y a pas de mauvais dessein ou de mauvaises raisons derrière tout ça, c’est une façon de manifester sa joie.
On se dirige vers une fin de nuit dans les bras de la nuit, même si je n’aurais pas dit non à des bras féminins, mais c’est loin et puis la flemme. Le calme s’est fait. Je me tourne à quatre-vingt dix degrés vers la gauche pour me poser la tête dans les bras eux-mêmes sur une table branlante. Parfaite position. Je ferme les yeux. Adieu. Je pense que ça dure au moins une heure, mais en réalité, ça ne dure qu’une minute quand alors un type débarqué dans l’établissement, jette un regard perdu au milieu du champ de bataille et avise Domovoï avant de s’en approcher et de le secouer. Ce qui devait arriver arrive et mon pote se retourne mollement avant de lui envoyer une beigne pleine poire avant de se retourner sur sa couche de fortune. Pas décontenance même s’il doit compter les chandelles, le gaillard retourne à la charge et parlant à voix basse, mais j’entends quelques mots.
-…vite… enlevé… jeune femme… que possible…
J’entraperçois entre mes bras que Domovoï cesse de chercher le sommeil et se redresse, attentif. Curieux, je me redresse et d’un pas fébrile, je m’approche dans le dos de Dom’ de sorte qu’il ne se rend pas compte de mon approche.
-Ça s’est passé il y a combien de temps ?
-On sait pas trop. Probable en fin d’après-midi.
-On est sûr que c’est elle ?
-A quatre-vingts dix pour cent, c’est miss Alween.
-Tetsuko ?
C’est moi qui parle. Domovoï se retourne soudainement plus inquiet par ma présence que par les informations qu’il vient de recevoir. Je l’interroge du regard, parce que je n’ai absolument rien entendu parler de la jeune détective depuis qu’on a fait un boulot pour mon pote, il y a plusieurs jours de ça.
-Qu’est-ce qui se passe ?
-Il se passe que ton cadeau, c’est grâce à elle que tu l’as aujourd’hui. Et j’avais mandaté un gars pour l’invité ce soir. Sauf qu’elle n’est pas venue et j’ai missionné ce type pour savoir s’il ne lui était rien arrivé ou s’il y avait quelque que je n’aurais pas compris.
-J’ai enquêté rapidement. Elle n’est pas chez elle et personne dans ses voisins ne la vue de la soirée. En recoupant des informations, elle enquêtait pas mal dans le coin où vous avait mené l’enquête il y a quelques jours et j’ai fini par trouver un saoulard qui m’a informé avoir vu plusieurs gaillards pas très honnête embarquée une jeune femme. J’ai fait confirmer l’informations par deux autres sources et je suis revenu ici aussi vite que possible.
-Tetsuko … enlevé…
La nouvelle me fait décuver rapidement, mon cœur battant Le branle-bas de combat de mon corps. Je revois Tetsuko. Si gentille. Si bienveillante. D’où on se permet d’enlever une si douce personne ? Et ça concerne surement l’enquête qu’on a mené quelques jours plus tôt. Ça me concerne donc. Je suis peut-être même responsable de cette histoire. Alors, j’ai un gros sentiment de culpabilité qui me monte à travers de la gorge, rapidement doublé par une furieuse de volonté de la retrouver et de casser la figure à ceux qui lui ont fait du mal. Je toise Domovoï qui semble comprendre ce qui se trame dans ma petite tête.
-Dom’. Va au QG. Préviens tous le réseau. La moindre information qu’on peut avoir, je la veux. Ratisse large. Tu dormiras quand on l’aura retrouvé.
-Ouai… Compte sur moi.
-Toi, emmène-moi sur place.
-Bien compris.
Pas le temps de me débarbouiller ou d’enfiler un truc correct. Il y a urgence. Urgence que Capitaine Jack foute une raclée dont on se souviendra.
Tetsuko se retrouva dans une voiture filant à toute allure vers un lieu qu’elle ne pouvait déterminer, n’ayant plus sa vue. Les hommes autour d’elle ricanaient de leur prise, il semblait que se tenait à côté du chapot, sentant sa douce fourrure contre elle.
- "Eh Chapot, va falloir qu’on te punisse, tu n’as pas été assez discret pour que cette jolie nana essaye de te sauver. "
Ricana un homme, suivit du reste de la bande. La détective sentie le Chapot contracter ses muscles et trembler légère. Elle essaya de parler mais le tissu dans sa bouche l’en empêchait toujours et seuls des faibles gémissements sortir du sac.
- "Oh, tu pourras gémir comme ça après.. toi aussi on va te punir."
La jeune femme se sentit mal, elle avait fait une grosse erreur. Elle ne s’était pas senti autant en danger que depuis qu’elle avait eu affaire à Vivianne. La capitale était vraiment un endroit infâme. Elle avait peur pour sa vie mais était aussi terriblement attristée par le sort du Chapo, allait-il lui faire du mal par sa faute? Elle n’avait pas assez préparé son plan et cela lui valait maintenant des problèmes mais aussi à celui qu’elle voulait aider.
Des larmes coulaient sur ses joues et mouillaient le sac sur sa tête, l’odeur de celui-ci était d’ailleurs répugnante et donnait la nausée à la jeune femme.
La voiture s’arrêta et Tetsuko fut jetée au sol hors de la voiture avant d’être transporté dans ce qui semblait être une maison, puis une cave, l’odeur d’humidité transperçant les narines. On lui enleva alors le sac et elle vue trois hommes face à elle, l’un tenant le couteau qui venait de rompre la corde.
Il mit le couteau sous sa gorge et la regarda dans les yeux, parlant à deux centimètres de son visage; elle sentit son souffle chaud remplit d’alcool.
- "Alors ma jolie, t’vas devoir parler. T’as donnée les informations à quelqu’un d’autre ou tu étais seule ?"
- "Personne..."
Répondit Tetsuko, la voix tremblente.
- "T’sais que tu as fourré le nez là où tu n’aurais pas dû. J’sais pas qui tu es, mais t’vas le regretter ahahahah. Elle a une tête à jamais avoir touché une plomberie celle la."
Il lança un regard d’une nature que Tetsuko ne connaissait pas à ses hommes et ricana grassement.
-Euh, oui… bien sûr… mais vous êtes gardes ?
-J’en ai l’air ?
-Je ne saurais pas trop dire. Ils sont parfois assez excentriques. Sans offense, hein.
-Je ne suis pas garde.
-Bien ce qu’il me semblait, mais vous paraissez tout de même plutôt sympathique.
-Alors, rendez-moi ce service, décrivez-moi ce qu’il s’est passé.
Lentement, choisissant ses mots avec grands soins comme si une mauvaises utilisations de certains d’entre eux pourraient lui apporter de fâcheuses conséquences, le propriétaire de la bijouterie me raconte l’agression. Une journée comme les autres jusqu’à l’apparition de ce chapot, une sorte de gros chat qui se comporte comme un être humain, se tenant sur ses deux pattes arrière. Pour le coup, la créature l’a attaqué en courant à quatre pattes dans sa direction, toutes griffes dehors dans un déchainement de violence rare pour ce genre de créature qui préfère agir par la ruse en temps normal. Ce comportement contre-nature laisse peu de doute quant à ses conditions de vies qui doivent être bien loin des standards que l’on accorde à ce type de créatures. A l’évocation du chapot, mon cerveau fait rapidement le rapprochement avec ma précédente rencontre avec Tetsuko où l’on a eu à faire avec une bande qui semblait les utiliser pour du chapardage divers. On s’en est sorti sans trop de casse, mais visiblement, la sensible détective ne comptait pas en rester là concernant ces animaux probablement maltraités par ces individus. D’où son interruption, raconté par le bijoutier, dont les détails me tirent un sourire attendri. On reconnait bien là, dans les quelques mots qu’elle a eus, sa gentillesse et son innocence empreint d’une certaine naïveté. Même si lors notre précédente rencontre, la jeune femme a évoqué des souvenirs douloureux avec des individus peu scrupuleux, il faut être conscient que Tetsuko n’a probablement pas encore eu à affronter ce qu’il y a de plus sombre dans l’être humain. Le genre de ténèbres dont personne ne devrait avoir connaissance. Surtout pas elle.
-J’étais encore surpris par son arrivée, indécis à savoir si elle faisait partie de l’attaque. Je tentais de me protéger du chapot même s’il semblait perturber par son interruption. C’est alors que je les ai aperçus. Trois gaillards. Ils se sont approchés à pas feutrés avant de jeter un sac sur la tête de la fille.
-Et que s’est-il passé en suite ?
-J’y viens… J’ai reçu un coup à la tête, je n’étais pas totalement conscient. Je l’ai entendu crier et se débattre, puis plus rien. Je crois que l’un des types a ordonné à l’autre de l’emmener dans la voiture. Ils ont pillé ma boutique rapidement avant de repartir. Quand je suis revenu à moi, la garde arrivait.
La garde est en train de faire les constations à l’intérieur, menant l’enquête avec un zèle que l’on trouve toujours bien trop lent quand on est directement concerné dans l’affaire, même si ça ne semble pas trop prendre le bijoutier qui a raconté que ce n’était pas la première fois. Ça fait partie du métier. Peut-être. Ça ne fait pas partie du métier de se faire enlever. Et si ces kidnappeurs sont les mêmes que ceux avec qu’ils ont eu une embrouille quelques jours plus tôt, il y a tout à croire que c’est une sorte de vengeance. Et de faire disparaitre toutes les traces menant à eux. Malheureusement pour eux, je compte bien relever leur trace le plus rapidement possible, avant qu’il ne soit trop tard. Avant qu’ils en viennent à des outrages qui feraient bouillir n’importe qui. Si c’était moi qui devais me faire casser la figure dans une cave, ça passe, je suis solide, j’ai la tête sur les épaules, j’en ai vu des pires. Je peux tenir. Mais Tetsuko, à quoi elle peut tenir ? Je n’ose pas y penser. Alors faut agir.
Difficile de les retrouver. Mais j’ai ma petite idée.
-Le chapot, il était habillé comment ?
Je ne suis pas expert dans ce genre de bestiole, mais ça m’étonnerait qu’elles aient des garde-robes très fourni. Elles doivent probablement porter les mêmes frusques jusqu’à ce qu’elles tombent en morceau. Après quelques hésitations, le bijoutier me fiat une description plutôt précis. Une sorte de chemise pour enfants blanc délavé avec un trou dans le dos. Une ceinture marron avec un petit sac sur le côté droit. Un foulard sur la tête. Ça devrait suffire. Les chapots sont rares. Il ne doit pas en avoir beaucoup en ville. Et une créature qui s’habille, ça détonne. J’ai toujours mon gars avec moi, alors je lui donne ces informations. Avec l’ordre de transmettre cette description à tous les petits potes. Si on recoupe un maximum de signalement de ce chapot, associé aux quelques information qu’on pourrait récolter sur le trajet de la voiture des ravisseurs, on pourra déterminer un endroit restreint pour la rechercher.
Mais c’est encore bien trop lent pour moi. Ça peut mettre des heures à avoir un quelconque résultat. Je ne vais pas attendre sans bouger alors que la jeune femme est probablement sans défense entre les mains peu galantes de délinquants. Même si je ne connais pas ce milieu, je sais que le milieu criminel se connait bien sans forcément entretenir de relations. Alors, j’abandonne le bijoutier, la rue et la lumière pour me plonger dans les ténèbres des réseaux souterrains. C’est assez facile de frôler cette univers. Pour pratiquer bon nombre de bars en tout genre, on finit par savoir ceux où il n’est pas recommandé de venir pour juste boire un verre, mais qui sert avant tout de repaire à des gens peu recommandable. Alors, faisant usage de ma bonne mémoire, je vais directement vers le plus proche des environs, à ma connaissance. S’il y a un coup qui se préparait contre la bijouterie, ça devrait se savoir, non ?
Je descends les marches, je ne trouve pas grand monde. On se tourne vers moi. Normal. Je suis toujours fringué comme pour ma soirée. Deux gars ricanent dans un coin. J’en fais abstraction. Je vais direct au comptoir et je demande cash ce que je veux.
-Je cherche les gars qui ont fait le coup à la bijouterie tout à l’heure.
On me regarde salement.
-T’es quoi ? un genre de superhéros ? Ou un fouille-merde ? Peut-être les deux ?
-Plutôt le genre de gars qui va détruire ton établissement si tu ne réponds pas.
-Avec tes gros bras ?
-Je pourrais bien, ouai. Alors tu sais un truc ?
-Peut-être bien, mais je n’ai pas envie de te le dire.
-Et qu’est ce qui te fait changer d’avis ? Des cristaux ?
-J’aurais bien dit oui, mais ta tête ne me revient pas.
Il m’énerve.
Alors je luis fous un coup de boule.
Les hommes partirent un instant, laissant Tetsuko seule. Elle n’essayait même pas de se défaire de ses liens, elle savait qu’elle se ferait plus de mal qu’autre chose. Elle pouvait essayer de ronger les cordes autour de ses mains, maintenant qu’elle avait le visage libéré du sac, mais elle savait que ses dents ne seraient pas suffisantes pour y faire quoi que ce soit.
Elle se dit qu’elle avait un certain don pour se retrouver dans ce type de situation, avoir des couteaux sous la gorge serait même presque devenue une habitude depuis son arrivé à la capitale.
Les hommes étaient dehors et fumaient, certainement des substances peu légales, devant leur boutique. La maison avait en effet été aménagée en une sorte de boutique pour vendre des enchantements attrape-touriste, surement un lieu de blanchiment d’argent où les gardes n’aiment pas trop mettre leurs pieds.
Tetsuko regardait autour d’elle, la cave était sale et puait l’humidité et le renfermé. Le chapot était assis dans un coin de la cave et ne disait pas un mot, il semblait avoir été drogué et dormait comme un petit enfant. Enfin, Tetsuko espérait qu’il dormait et qu’il n’était pas dans un coma... ou même mort ?
Une discussion plutôt houleuse au-dessus de la cave réveilla Tetsuko qui commençait à s’endormir, elle ne savait pas exactement combien de temps s’était passé depuis qu’elle était arrivée ici. Elle n’entendit pas les mots, mais ses ravisseurs semblaient avoir des ennuis. Elle cria alors de toutes ses forces, elle savait que ce geste pourrait lui valoir des ennuis mais il fallait tenter le tout, peut-être que quelqu’un dehors, pouvait l’entendre et la sortir de ce pétrin ?
-Si tu crois que je vais te laisser faire !
Je me retourne in-extremis pour éviter le coup de dague d’un des connards qui a enlevé Tetsuko. D’un mouvement vif, j’intercepte le poignet tenant l’arme qu’il lâche sous le coup. Il parvient à me frapper du poing dans le bide et je tousse sous l’effort. Je contre-attaque en le chargeant, passant sous son bras gauche et je l’envoie valser dans l’extérieur de la pièce, pas mieux qu’une cellule de prison, avant de le faire percuter le mur de pierre, l’épaule en avant. L’homme se plie sous l’impact, tout en me labourant le dos de coups pour me faire lâcher prise. J’ai plus ma lame, abandonnée à côté de la détective qui va peut-être pouvoir finir de se libérer, même si je ne parie pas sur le fait d’avoir beaucoup d’aides de sa part pour se frayer une sortie à coup de poing. Pas que je la dénigre, hein. Même si au premier regard, elle ne donne pas l’impression d’être capable de faire le moindre mal à quelqu’un ; ce qui n’est pas un mal, sachez-le, il en faut des gens gentils dans ce monde ; je suis conscient que sa captivité temporaire lui a probablement mis un gros coup à l’esprit et ça ne doit pas être le plus sain là-dedans. Pas les idées claires, ça ne facilite pas à faire ressortir un peu de brutalité de son être bienveillant, juste assez pour se mettre à l’abri.
Je sais ce que vous allez me dire. Comment on est passé d’un coup de boule dans un établissement peu recommandable à moi qui ouvre la porte de la prison de Tetsuko ? Tout vient à ceux qui savent attendre.
Comme maintenant, on s’est battu. Ou plutôt, je me suis défoulé. Parce qu’il faut ça reste entre nous, mais j’ai fait étalage d’une rare violence. Comme jamais auparavant. J’ai presque eu le sentiment, à un moment, que quelque chose s’emparait de moi. Qu’il me remplaçait dans mon propre corps pour frapper et se battre en éliminant toutes mes limites morales. Je l’ai dérouillé sévère en quelques secondes de sorte que les autres types présents sont restés immobiles, choqués par la rapidité de ce qui s’est produit. De la facilité avec laquelle je suis montée dans les tours. Le silence s’est abattu dans le cloaque et un type a posé la question que tout le monde se posait.
-Mec, pourquoi tu l’as défoncé ?
-Il m’a mal parlé.
J’ai relevé alors que le type bavait un filet de bave et de sang sur son comptoir, lui arrachant un grognement d’une gifle sonore pour le réveiller. Puis je l’ai ramené proche de ma bouche pour que lui seul entende.
-Je cherche ces gars pour me défouler et pour l’heure, t’es le seul sur qui je peux me lâcher. Tu piges ?
Il a lâché une longue plainte avant de murmurer des noms. Dont je me contrefous. Un quartier, qui m’intéresse. Une rue, ou deux, qui m’a fait lâcher le corps du gars. Puis je suis parti, sans regarder derrière moi. Il a pu me papoter, mais ça ne servait à rien de dire que je pouvais revenir. Ça tombe sous le sens. Puis j’ai couru. Et plus je courais, plus mes mains se sont mises à trembler alors que je prenais confiance de la violence qui m’avait saisi. Mais le temps présent était bien trop important pour que je m’arrête sur cet événement.
J’ai pas trop le temps de vous raconter la suite, parce que j’en finis avec mon adversaire qui gémit au sol, mal en point. Je me retourne, avisant Tetsuko.
-Faut y aller ! Vite !
Je fais abstraction du Chapot. Je suis venu pour elle. Elle s’est mise dans le pétrin pour lui. Pas sûr qu’on reste là.
Après avoir lâché tout l’air de ses poumons, Tetsuko sentait que son esprit était dans les vapes; elle avait des petits points blancs qui défilaient devant ses yeux et voletait dans la pièce sombre. Elle entendit un bruit sourd, surement la porte derrière elle s’ouvrir, mais tout semblait être dans un autre espace-temps que le sien.
Elle sentit ses mains être libérées, elle crut reconnaître aussi la voix de Jack qui semblait être dans une colère sans limite. Elle se disait qu’elle devait surement rêver, que pouvait-il bien faire ici pour la sauver ? Personne ne savait où elle était. C’était un rêve. La jeune femme essayait de bredouiller quelques remerciements et sa joie de le revoir.
Elle regardait la scène d’une rare violence se passer devant elle, elle remarqua qu’un couteau était à ses pieds. Elle l’utilisa pour défaire un dernier lien qui la retenait et essaya de se lever. Tetsuko fût prise de vertiges et se rattrapa sur le dos de la chaise pour se tenir maladroitement debout.
La détective ne savait pas si elle devait être heureuse; on venait lui sauver la peau, mais elle voyait Jack sous une nouvelle nature, bien plus dangereuse et sauvage et c’était assez terrifiant. Il avait pris des sacrés coups, mais ce n’était rien comparé à ce qu’il faisait manger à son adversaire, c’était un repas cinq étoiles qu’il lui offrait.
- "Jack..."
- "Faut y aller ! Vite !"
- "Pas sans lui, sinon, tout ça ne servira à rien !… "
Dans un élan de courage et sont esprit maintenant un peu plus clair, elle prit la main du chapot, qui était surement en train de visiter un nouveau monde remplit de champignons et de fées. Elle ne savait pas où elle allait, mais elle continua à courir un long moment avant de finir par s’arrêter, sentant le goût du sang remplir sa bouche.
Essoufflée, elle tenait toujours le chapot qui avait suivi la course sans trop vraiment savoir ce qu’il lui arrivait dans le monde des vivants.
- "Désolée, j’ai besoin de lui Jack. Il va m’aider à comprendre ce qu’il se passe et à faire le procès, on pourra sauver les autres chapots. On est tous les deux témoins de ce qu’il se passe là-bas. "
Elle réussit à sortir ce qu’elle avait en tête entre plusieurs quintes de toux.
- "Et merci… Jack… de m’avoir sauvé, je ne savais pas que tu avais autant de force... On peut se cacher où ? Je suis exténuée… "
Parce qu’il a fallu tailler dans le vif pour passer à l’étage. Pour en revenir à l’histoire, j’ai fini par trouver leur repère, en interrogeant les gens du quartier où des témoins ont vu les gaillards embarqués un prisonnier. Personne n’est dupe sur les activités guères licites de ces gredins, mais les voisins préfèrent ne rien dire pour éviter les problèmes. S’ils pouvaient aller ailleurs, ils l’auraient fait. Alors, moins tu fais de vague, mieux ils se portent. C’est sûrement ma sympathie naturelle, probablement ma séduisante moustache et certainement pas ma tête de tête de brutasse qui ne se satisfera pas d’une excuse à la con qui les ont amenés à se mettre à table et à me filer le tuyau. J’ai alors réfléchi une minute ou deux pour élaborer un plan avant de l’envoyer valser quand le dernier témoin en date m’a informé que plusieurs gars étaient sortis récemment, surement pour faire subir à une autre victime un odieux larcin, ou peut-être juste chercher un truc à grailler, parce que même les criminels ont des besoins élémentaires et doivent faire leur course, de préférence pas le samedi, car il y a tous les petits vieux à ce moment là.
Je suis entré, j’ai surpris un type qui a pu le temps de faire un geste vers son arme que je l’ai encastré contre le mur avant de glisser lentement contre celui-ci en poussant une plainte sourde. C’était pas grand et je savais où aller. Généralement, on garde les otages à la cave, c’est plus facile de les garder. S’ils s’évadent, ils doivent passer devant tout le monde à l’étage. Si tu les gardes à l’étage, ils peuvent sauter par une fenêtre et t’as l’air con, s’ils se cassent les pattes en sautant. Bref, je suis allé en bas, et c’est alors que vous retrouvez le récit un peu plus haut. Du coup, il a fallu passer à nouveau par l’étage et si le type que je me suis farci à la cave devait être à l’aisance, ils ne devaient être que deux dans la bâtisse. L’autre que j’ai stoppé d'entrer s’était redressé et barrait le chemin. Il a fallu y aller brutalement et dans les quelques secondes de la mêlée, je suis parvenu à l’envoyer à nouveau mordre la poussière, mais il a eu le temps de me planter sa lame. Pas trop d’inquiétude, ça a ripé un peu et ça m’a juste un peu découpé la viande du torse à sous l’aisselle. Je sens le sang humecter ma tenue qui n’est pas très ortodoxe, il faut le rappeler. Bon à jeter, mais qui s’en fiche maintenant que l’essentiel est là ? Tetsuko est hors de danger.
Évidemment, en sortant, on a aperçu quelques loubards qui semblaient pas très heureux de voir leur proie s'échapper et la plainte de Tetsuko en les voyant m’a fait que confirmer qu’ils n’étaient pas innocents dans l’histoire. On s’est barré comme on a pu et on a fini là où l’on est maintenant, à compter trente secondes, en tout cas, pour ma part. Non, clairement, on les a soit semés, soit ils n'ont pas insisté. Peut-être qu’ils savent comment la retrouver. Peut-être qu'ils ne veulent pas aller à l’improviste et tomber sur la garde. J’sais pas. ça nous arrange.
Je n’ai pas pensé à la suite. Se planquer. Est-ce qu’on a besoin de se planquer ? Probablement pas. Se reposer, sûrement. Je gamberge rapidement dans ma tête, sortant ma cartographie des lieux avec comme points d’intérêts, tous les établissements de boissons que j’ai fréquenté. Comme la vie est parfaite et que les gens ont toujours soif, c’est assez rare de croiser plusieurs rues sans passer devant un bar ou une auberge. Evidemment, il y a les bons et les mauvais. Alors, j’ai un établissement en tête. Manque de bol, c’est pas un petit pote, mais je connais le patron.
-Si on prend cette rue, on devrait tomber sur l’auberge du chat qui dort.
Evidemment, je fais en sorte de dissimuler ma blessure. Faudrait pas qu’elle s’inquiète. Qu’elle pense d'abord. On prend quelques minutes pour y aller, faisant gaffe à ce qu’on tombe pas nez à nez avec les gus qui auraient fait le tour en toute discrétion et on arrive à l’auberge où il y a un peu de monde. On reste proche l’un de l’autre comme si on pouvait se faire attaquer d’un moment à l’autre, tout en faisant profil bas pour pas qu’on nous reconnaisse. J’avise le patron, qui me reconnait, et je lui demande une chambre, probablement pour la soirée, pour pouvoir souffler un coup, faire le point, et traiter avec ce chapot que j’ai pas trop compris ce qu’il faisait dans l’affaire. On monte à l’étage et l’ascension me fait tourner de l'œil, que je dissimule tant bien que mal. A peine dans notre chambre, je sens mes jambes se dérober sous moi et je m’écroule sur le plancher. L’adrénaline s’est tari. Je suis harassé. Épuisé par la blessure qui ne passe plus inaperçu.
-C’pas… grave…
Que je fais dans une effort pour paraître sympathique, mais ça ne va clairement pas du tout.
Tetsuko se retrouve plaqué au mur et extrêmement proche de Jack qui malgré la situation avait des gestes doux. Son visage vire alors au rouge et son cœur, battant déjà la chamade rentre dans un concerto sans fin. Être aussi proche de Jack la mettait fortement mal à l'aise, elle ne savait pas si c'était un malaise positif ou négatif. Il semblait regarder s’ils avaient été suivi, ce qui n'était visiblement pas le cas.
Jack s'occupe de tout, il trouve un lieu pour se reposer, une chambre et voilà nos trois protagonistes seuls loin du danger. Mais à peine arriver, Jack s'effondre devant Tetsuko et le chapot.
Bien évidemment, lorsque Jack lui annonce que tout va bien, la jeune femme se rend bien compte que ce n'est pas le cas, surtout en voyant une tâche de sang grossir sur son torse. Elle n'avait pas spécialement fait attention à son accoutrement et à vrai dire, il y avait d'autres priorités. Elle demanda au chapot de se reposer sur le canapé de la chambre alors qu'elle enlevait les draps du lit; on lui fera sûrement payer les dégâts des taches de sang mais ce n'était vraiment pas le souci pour le moment. Elle enleva le haut de Jack et l'entoura du drap qu'elle sera aussi fort qu'elle pouvait pour couper l'hémorragie. Elle prit aussi un verre d'eau traînant sur une table et le proposa à Jack.
- "Je vais chercher un médecin Jack, je ne pense pas que mon pensement va t'aider longtemps."
Jack proteste et tente de la rattraper en prenant sa manche qui lui glisse des mains. Il insiste plusieurs fois sur le fait que ce n'est pas grave, mais la jeune femme voyant le regard vide de Jack ne peut pas rester sans rien faire. Elle sort alors de la pièce et se rend à l'accueil où le patron se tenait toujours là. En voyant l'état de Tetsuko celui-ci lui fait signe de lui expliquer la situation. La jeune femme expliqua alors que Jack est blessé et qu'il perd du sang, qu'elle a du utiliser les draps pour couper l'hémorragie et s'en excuse. Sa voix est tremblante et elle a énormément de mal à finir ses phrases, mais le patron comprend l'essentiel, par chance, il y a un médecin dans l'auberge. Il indique à Tetsuko de le suivre.
Arrivé à la chambre, le boss tape à la porte et s'excuse de déranger le médecin. Celui-ci ouvre la porte, un pot de cornichons à la main et les lunettes tombantes. Comprenant la situation il rejoint Jack et acquiesce pour le soigner, mais non sans paiement. Tetsuko lui confirme qu'il n'y a pas de soucis, qu’elle s’occuperait de payer les soins. Elle serra tout de même un peu les dents, il faut avouer qu'elle avait un agréable salaire avec son travail pour Haru, mais elle n'était pas très douée pour économiser.
Le médecin déposa Jack sur le lit avec l'aide du patron qui était tout même sacrément costaud, il fait dire que Tetsuko n'était d'aucune aide, ses muscles n'étaient pas ce qu'elle travaillait le plus. Les minutes passent pendant que le médecin nettoie la plaie et lui fait quelques points de suture.
- "Ça va ce n'était pas très profond, mais vous avez bien fait, il aurait pu perdre beaucoup trop de sang. Je vous conseille un long repos monsieur Jack, afin d'éviter d'ouvrir cette plaie. Un bon mois au moins sans bagarre…"
Tetsuko donna la somme à l'homme qui repartit manger ses cornichons dans son appartement. Elle ferma la porte à clé afin que le chapot ne s'en échappe pas et parti déposer le verre d'eau sur la table de nuit. Le chapot s'était endormi sur le canapé; tant mieux, se disait la détective, il aurait besoin d’un bon repos pour l'aider à rédiger la plainte.
La jeune femme prit une chaise et posa sa main sur celle de Jack; le calme dans la pièce était presque reposant suite à tous les évènements qui venaient de se passer. Ceux-ci défilaient dans l'esprit de la jeune femme qui revivait l'entièreté de la journée. L'homme blessé dans le lit venait de lui sauver la mise alors qu'il ne la connaissait que d'un jour, elle demanda comment il avait réussi à la trouver et même comment il avait su qu'elle était en danger. Tout cela tenait du miracle et elle se sentait redevable à vie.
Quelques larmes coulaient sur ses joues, beaucoup trop d'émotions à gérer et la fatigue en prime ne l'aidait pas à contenir ses émotions. Elle regardait le sol et se laissait emporter vers un sommeil certain, c'est alors que son corps tomba de la chaise. Tenant toujours la main de Jack, elle s'endormit, assise sur le sol et la tête posée sur le lit.
C’est encore plus tremblant que je tâtonne dans le noir sur l’ensemble de la surface de la nuit et plus je ne trouve rien, plus je me rassure jusqu’à toucher quelque chose. Des cheveux, une tête. Mes yeux se sont habitué un peu l’obscurité et j’arrive à déterminer qu’il s’agit de Tetsuko, visiblement endormi la tête sur le lit. Mes doutes ne se sont pas envolés pour autant et c’est avec une très grande précision, contrôlant au maximum mes gestes de la tremblote, que je viens taper ses épaules. Habillés. Je pousse un soupir de soulagement, même si je compte bien être totalement sûr de moi. Avec mille précautions, je me lève, serrant les dents en sentant la douleur de ma blessure et je fais le tour pour arriver à côté de la jeune détective. Trois contacts du doigt plus loin et mes doutes sont envolés. Elle est bien totalement habillée.
Il ne s’est rien passé de compromettant.
Vous ne pouvez pas vous imaginer comment ça m’a stressé. On s’en imagine des trucs en se réveillant torse poil dans un lit avec une demoiselle à côté, surtout quand on n’a pas trop les idées en place sur ce qu’il s’est passé la veille. Et la moindre des choses, c’est qu’on veut s’en souvenir. Ce point vérifié, je prends quelques instants pour observer la détective, dormant à poing fermés. Elle a eu une soirée particulièrement éprouvante. Même pour s’occuper de moi. Elle mérite bien de se reposer, mais elle n’a pas la meilleure position pour dormir. Toujours avec milles précautions, je la saisis dans mes bras puissants. Elle n’est pas trop lourde, mais on garde ça entre nous, il ne faut pas parler du poids des femmes. Puis je viens la poser dans le lit et je rabats la couverture sur elle. J’écoute en silence sa respiration qui semble toujours aussi régulière et profonde. Elle doit toujours dormir. Tant mieux.
J’ai envie d’aller voir dehors. C’est que ça me revient à son tour : j’ai laissé en plan Domovoï et les petits potes. Peut-être qu’ils cherchent toujours. Et maintenant, ils doivent me chercher. Du coup, je sors de la pièce à pas feutré et je descends lentement à l’étage inférieur. Il est tard. Mais aussi, on peut dire qu’il est tôt pour d’autres personnes. La limite est toujours difficile entre ces deux univers et pour les aubergistes, ce sont les mêmes types de gens : des clients. Alors il faut être là pour eux. Ce n’est pas la patron, non, il est parti ce coucher aussi. C’est le responsable de nuit, des fêtards et des lèves tôt. Il est un peu surpris de voir débouler un gaillard comme moi avec ma moitié de costumes tachés de sang et plusieurs points de sutures sur le côté, bien en évidence, mais une explication rapide lui suffit. Il en a attendu d’autres. Je déniche un livreur matinale dans les quelques clients qui acceptent de prévenir Domovoï que tout va bien, contre quelques cristaux que j’ai au fond de ma poche. De toute, il connait les petits potes et il a entendu parler de moi. Ma réputation joue en ma faveur. Je l’observe partir en silence avant de remercier l’aubergiste de nuit et de remonter dans ma chambre.
Enfin, notre chambre.
J’ai bien fait gaffe à ce que rien ne sorte de chambre, à ma sortie comme à mon entrée. Mais peut-être qu’il n’avait pas envie de sortir. Assis sur une chaise, le chapot m’observe à mon retour. Il semble indécis. Moi-même, je le suis. Tout ça pour cette créature. Je ne connais pas trop cette espèce, mais est-ce qu’elle mérite qu’on se fasse enlever pour elle ? Je ne sais pas trop. Encore moins de se faire suriner pour elle. Je laisse ces questions à Tetsuko alors que je reviens m’assoir à ses côtés, l’observant en silence. Je la remercie en silence de m’avoir sauvé. Balle au centre, comme on dit. Puis je me dis qu’il va falloir se reposer.
Sauf que j’oublie de bouger et finalement je m’endors à ses côtés.
Tetsuko dormit longuement au côté de Jack dans une position très peu confortable; le mal de dos au réveil serait inévitable. Lorsque Jack la déplace dans le lit afin qu’elle puisse se reposer convenablement sans devenir une grand-mère au réveil, elle ne se réveilla pas d’un pouce. La fatigue était si grande que son sommeil était tout autant profond. On pourrait surement jouer de la trompette qu’elle n’ouvrirait pas un œil. Peut-être lui fallait-il un baiser, comme dans le conte qu’on raconte aux enfants avec la princesse qui dort éternellement ? Mais ce serait lui voler son premier bisou.
Les rayons de soleil passant doucement entre les volets de la chambre réchauffaient le doux visage de la jeune femme. Elle grogna quelques minutes avant de se frotter les yeux et émerger de son long sommeil. Elle s’étire et remarque alors le chapot qui la regarde droit dans les yeux, puis enfin ses yeux se posent sur le torse nu de Jack et enfin le visage endormit de celui-ci. Son pansement de la veille était déjà tâché de sang et ne demandait qu’à être changé. Tetsuko se leva et attendit que Jack ouvre à son tour les yeux.
Elle lui laissa le temps de reprendre ses esprits avant de lui proposer d’aller chercher un déjeuner afin de discuter de la veille et de sa blessure. Il n’avait surement pas entendu les paroles du médecin et la jeune femme voulait lui expliquer tout cela tout en l’aidant à changer le pansement.
Elle descendit alors dans la cantine et prit deux boissons chaudes, des petits pains maison tout juste sorti du four et quelques confitures et fruits; elle rentra dans la chambre, plateau en main qu’elle déposa sur la table. Elle tendit au chapot un bol de fruit et quelques charcuteries et un bol d’eau, ne sachant pas ce qu’il mange elle tenta les fruits. Le chapot se jeta sur la charcuterie et lapa le bol d’eau pour s’hydrater. Elle déposa le reste du déjeuner sur le lit à côté de Jack et s’assit sur celui-ci.
- "De quoi reprendre des forces !! "
Elle expliqua alors doucement les recommandations du médecin et proposa de changer le pansement. Jack refusa plusieurs fois et commença à le faire seul avant de faire une grosse grimace. Il finit par accepter l’aide de la jeune femme qui enleva délicatement le pansement et tendit un gant de toilette à Jack pour laver sa plaie. Elle était bien trop timide et gêner pour le faire elle même.
Le pansement de nouveau en place et le repas finit, la jeune femme se décida à expliquer la situation à Jack.
- "Je ne sais pas si tu es assez réveillé pour m’écouter alors coupe-moi si ça te dérange mais je pense que tu m’hérites des explications après t’être mis en danger pour nous… "
Elle expliqua alors qu’elle avait trouvé l’existence d’un réseau de malfrat utilisant les chapots pour faire leur sale boulot à leur place. Il y avait en tout quatre zones et donc quatre chapots se faisant maltraiter dans cette affaire. La jeune femme ne pouvait pas laisser ça passer, savoir que des animaux souffraient pour faire du travail aussi sale, il fallait qu’elle agisse. Alors elle avait commencé à monter son dossier seul mais il lui manquait les témoins pour compléter la plainte et s’adresser au jury, et quoi de mieux que la victime elle-même.
Visiblement, le chapot ne parlait pas un mot de la langue d’aryon et il allait être difficile de le faire témoigner. Mais pour cela Tetsuko userait de dessin, il suffira alors au chapot de faire un geste pour dire oui ou non. Elle avait encore de nombreux détails à régler et le chapot aurait surement la réponse pour elle.
- "Je pense l’amener directement à la caserne ensuite pour porter plainte et le mettre en sécurité. Ensuite, je finirais mon dossier et demanderais l’aide d’un avocat pour cette affaire; je crois que certains travail bénévolement alors j’espère que cette affaire donnera envie à l’un d’eux. Sans avocats je ne saurais pas me défendre correctement… J’espère pouvoir éclater ce réseau au plus vite pour les mettre en sécurité. "
Préférons écouter les explications de la jeune femme qui semble, dès les premiers mots, très impliqué par la problématique de ces chapots dont l’un des dignes représentants nous observent du fond de la pièce, à se demander pourquoi il ne cherche pas à s’échapper à la première occasion ; Tetsuko a ouvert la porte plusieurs fois pour aller chercher le petit déjeuner, il aurait pu s’enfuir, mais non. C’est qu’il y a quelque chose de particulier avec ces animaux et si je sais pour Tetsuko et les plantes, j’ignore tout d’une relation privilégiée qu’elle pourrait avoir avec eux. Après, on dit que les créatures sentent les choses mieux que nous, humains aveuglés par nos sens. Clairement, il y a des gens qui n’ont aucune considération pour ces animaux, aussi gentils soient-ils. Déjà que pour les humains, ce n’est déjà pas évident, alors c’est possible qu’ils sentent ce genre de chose. On ne sait pas, ils peuvent laisser une odeur sur nous qui est identifiable par tous, comme un message si l’on est quelqu’un de bien ou pas. Et plus y a d’odeurs, moins y’a de doutes. Je dois pas trop avoir de mauvaises odeurs. Avec les écureuils qui servent de messagers pour les petits potes, j’en ai un bon petit paquet dans les mains et ils n’ont pas donné l’impression de vivre un mauvais moment, même si c’est plutôt mon associé, Domovoï, qui est un vrai papa poule pour eux.
Bref, j’en viens rapidement à une question qui me saute aux yeux.
-Mais… les animaux… ça ne témoigne pas dans des procès, non ?
C’est qu’en règle général, ils ne parlent pas. Donc compliqué d’avoir un témoignage. Si Tetsuko sait parler aux plantes, d’autres doivent pouvoir communiquer avec les animaux et il est peut-être possible d’obtenir des informations par leur biais, mais se baser exclusivement dessus, ça me parait, tout de même, assez saugrenue. Sans offense hein, je fais bien gaffe à pas l’être, mettant cette réflexion dans le grand carton de l’innocence bienveillante de la jeune détective. Parce qu’il n’est pas très sympa de critiquer sans proposer en retour, j’expose mes idées, plus pragmatique, mais qui paraissent davantage efficace.
-Si ce sont des malfrats qui les exploitent pour des activités illicites, ils doivent déjà faire l’objet d’une procédure auprès de la garde. Je ne pense pas qu’ils soient encore dans une optique où ils cherchent des preuves pour les arrêter, mais plutôt qu’ils ont besoin d’un coup de pouce pour les arrêter. On devrait leur dire pour leur planque, où ils t’ont enfermé. Séquestration, ce n’est pas rien. D’autres peuvent être dans le même cas que toi. Ils ont surement décampés depuis hier, mais ils ont peut-être laissé des informations, et puis on peut retrouver des noms s’ils sont propriétaires ou locataire. Recouper les témoignages sur les chapots et les crimes commis. Des gens doivent savoir des choses, il faut savoir les écouter. Je vais mettre les petits potes sur le coup. Tu ne seras pas seul, tu auras toute une armée.
Il n’y a pas besoin de se reposer que sur les chapots pour les coffrer, mais peut-être parce que je suis moins sensible à la cause des chapots que Tetsuko et je m’en voudrais de la froisser sur le sujet. A ces yeux, ce sont les victimes alors qu’aux miens, ils sont un outils pour ces criminels. Mais réduire cette espèce à un outil, c’est pragmatique, mais pas très sympathique. Pour eux, il faut plutôt penser plus loin.
-Quand ils seront libérés, tu as penser à quoi pour eux ? Les laisser libre ? Les adopter ? Trouver des gens pour les accueillir ? Il y a toujours le risque qu’ils retombent. Même si c’est en mal, ils se sont davantage habitués à la présence humaine. La réinsertion n’est surement pas une chose aisée. Les libérer est une étape. Il faut penser à l’étape suivante.
Moi, j’en sais rien. C’est elle l’experte. Et disant cela, je m’habille lentement. Il s’agirait de pas trainer. Si je peux aller me promener pour rameuter tous les potes, il reste la question de qu’est ce qu’on fait du chapot qu’on a là. Rien ne dit qu’il veut nous accompagner gentiment.
- "Mais… les animaux… ça ne témoigne pas dans des procès, non ?"
- "C’est vrai que je n’ai pas pensé à ça… comme les chapots ont des allures assez humaine je me suis dis naïvement que son témoignage pourrait passer. Peut-être qu’un avocat s’aurait s’il peut témoigner ou non. "
- "Si ce sont des malfrats qui les exploitent pour des activités illicites, ils doivent déjà faire l’objet d’une procédure auprès de la garde. Je ne pense pas qu’ils soient encore dans une optique où ils cherchent des preuves pour les arrêter, mais plutôt qu’ils ont besoin d’un coup de pouce pour les arrêter. On devrait leur dire pour leur planque, où ils t’ont enfermé. Séquestration, ce n’est pas rien. D’autres peuvent être dans le même cas que toi. Ils ont surement décampés depuis hier, mais ils ont peut-être laissé des informations, et puis on peut retrouver des noms s’ils sont propriétaires ou locataire. Recouper les témoignages sur les chapots et les crimes commis. Des gens doivent savoir des choses, il faut savoir les écouter. Je vais mettre les petits potes sur le coup. Tu ne seras pas seul, tu auras toute une armée."
- "Tu as raison, tu as l’air bien plus au courant que moi de comment ça se passe finalement… je n’ai été au tribunal qu’une seule fois. Qui sont les petits potes ? Je crois que tu ne m’en as jamais réellement parlé. En tout cas je te remercie pour ton aide… tu ne devais pas te retrouver impliquer dans cette histoire et te voilà à être blessé par ma bêtise et à m’aider pour le procès. Est-ce que tu veux un paiement pour tout ça ? Je n’ai pas envie que tu perdes ton temps gratuitement pour moi, tu as surement plein de chose à faire de ton côté !"
Tetsuko était plutôt sérieuse, son but n’était pas d’impliquer Jack dans tout ça. Elle pensait que Jack repartirait chez lui rapidement après tout cela et qu’elle continuerait à gérer cette affaire seule. Mais il est vrai qu’elle était rassurée d’avoir un coup de pouce, elle n’osait simplement pas se l’avouer. Gérer une affaire aussi grosse et seule était une mission suicide, de plus qu’elle manquait cruellement d’argent et de connaissance pour éclater cette affaire à elle seule.
- "Quand ils seront libérés, tu as penser à quoi pour eux ? Les laisser libre ? Les adopter ? Trouver des gens pour les accueillir ? Il y a toujours le risque qu’ils retombent. Même si c’est en mal, ils se sont davantage habitués à la présence humaine. La réinsertion n’est surement pas une chose aisée. Les libérer est une étape. Il faut penser à l’étape suivante. "
- "Je pensais leur laisser le choix… je ne pense pas qu’ils ont une autre personne avec qu’ils étaient avant… à moins qu’ils aient été vendu, il faudrait encore moins qu’il retrouve leur ancien maître du coup. Normalement les chapots vivent par eux-même… mais c’est vrai qu’il y a un risque qu’ils retombent. Je n’ai pas vraiment pensé à la suite, j’avais en tête de les sortir de ce merdier… mais ensuite… je vais faire des recherches sur ce qui est possible de faire… en fait, je n’aurais pas pu m’occuper de tout ça seule… "
La jeune fille se posa sur le lit et regardait dans le vide, elle venait de se rendre compte de son énorme erreur; elle avait foncé tête baisser pour les sauver, s’était mise elle même en danger, avait mis Jack en danger en plus de l’impliquer dans l’affaire et elle n’avait même pas pensé à la suite pour les chapots. Elle se sentait comme une très mauvaise détective et comprenait ce que Vivianne voulait lui dire sur le fait qu’elle n’était pas prête pour ce monde.
- "Vivianne avait raison… je ne suis pas prête pour ce monde, je suis une mauvaise détective, je pense que ce monde tourne rond et que tout est beau, mais la réalité n’est pas comme ça… je suis trop naïve… Je suis désolée Jack, j’ai été incompétente et je t’ai mis en danger. "
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Après avoir quitté l’auberge, Tetsuko quitta Jack et était accompagnée du chapot. Elle retourna chez elle et commença ses recherches afin de trouver une solution pour l’après procès. Il fallait leur trouver une nouvelle vie bien plus sure que celle qu’ils avaient aujourd’hui et ça n’allait pas être facile. En attendant elle s’occupa plusieurs jours du chapot, le nourrit, lui acheta de nouveaux vêtements. Elle trouva une personne pouvant parler aux animaux et elle peut converser avec lui pour récupérer quelques indices qu’elle envoya à Jack. Elle le laissait gérer la suite même si c’était assez désagréable pour elle de l’avoir mis dans cette posture, elle avait la sensation de profiter de sa gentillesse et elle cherchait aussi comment le remercier de tout ça.
Après quelques jours de recherche, elle avait fouillé dans les récits d’anciens procès dans ce type pour jeunes enfants, elle avait discuté avec quelques docteurs pour animaux et avaient finis par trouver un refuge pour animaux en détresse. Celui-ci se trouvait dans la forêt; ça serait alors une bonne occasion pour elle de retourner voir sa famille et prendre un peu de repos après tout ce travail.
Elle voulait en informer Jack et lui avait envoyé un petit courrier lui donnant rendez-vous dans un restaurant assez sympathique et peu couteux.
-Tu n’es pas une mauvaise détective, Tetsuko. Tu n’es pas incompétente. Tu as un grand cœur. C’est une qualité importante. Quelqu’un de plus talentueux à tes yeux peut ne pas avoir ton cœur pour t’attacher à vouloir aider les gens. Ça n’en fera pas un meilleur détective que toi. Tu as tes qualités. Tes défauts. Comme tout le monde. Mais tes qualités sont une force que l’on t’envie. T’es une battante. Pour les aider, les sauver, tu vas tout faire. Tu vas y passer le temps qu’il faudra. D’autres auraient abandonné. Mais pas toi. Tu vas réussir. C’est pour ça que tu es une bonne détective. Il n’y a pas mieux que toi pour cette tâche.
N’allait pas croire que c’est pompeux juste pour la remotiver. C’est une réflexion sincère, de ce que je connais d’elle. Les incapables qui auraient abandonné, c’est peut-être moi. Je vais m’impliquer pour aider une amie. Je suis comme ça. Chacun fonctionne différemment. L’important, c’est d’être droit dans ses bottes et d’être fier de ce que l’on est. Si Tetsuko est sans cesse confronté à des esprits retors et malavisé, il faut lui donner le coup de pouce d’accumuler les succès pour justifier qu’elle n’est peut-être pas comme ces gens le voudraient, mais elle fait ce qu’elle doit faire. Et c’est déjà beaucoup. Je pense que ça la conforte un peu. Elle croit en ce que je dis et ce donne pour mission de réussir dans cette entreprise. Je lui reparle des petits potes, comme elle cherchait ce renseignement : un réseau d’informations au travers des patrons de tavernes et d’auberge de la capitale et dans le reste du Royaume, même, unis dans le partage d’informations pouvant servir à n’importe qui en ayant besoin. Pour le bien de tous. En restant respectueux des gens et de la loi. Ça parle beaucoup dans leur établissement. Leur métier, c’est d’écouter autant que de servir. Alors ils écoutent et parfois, ils entendent des choses utiles. L’humain aime parler et à beaucoup de mal à tenir sa langue. S’il y a des enquêtes sur le sujet, on pourra l’apprendre. S’il on peut avoir des renseignements sur les criminels, c’est un bon moyen. Si l’on peut trouver une solution pour ces chapots, peut-être qu’ils ont déjà entendu parler d’une initiative à ce sujet.
On finit par se quitter avec la promesse de se revoir. De toute façon, il est prévu de l’aider avec les petits potes. Pas forcément moi directement, c’est que j’ai une blessure à récupérer et que malheureusement, je ne suis pas non plus maître de mes pas. J’exerce des responsabilités que je me dois de respecter. Des gens comptent sur moi. Je ne peux pas tout faire alors heureusement qu’il y a des honnêtes gens comme Tetsuko qui ont le cœur suffisamment grand pour s’occuper de ce genre de problème tout en ayant la liberté de le faire. Il n’y a pas eu d’argent dans l’affaire. J’ai refusé tout net. L’amitié ne se monnaie pas. De nous deux, je suis clairement le plus privilégié. Conseiller de la Guilde, on dit pas les chiffres, mais ça palpe pas mal, même si l’essentiel de mes dépenses consistent à boire des coups. Autant dire que j’accumule un peu. Mais du côté de Tetsuko, si elle ne travaille pas, elle n’en vit pas. J’ai donc toutes les raisons pour subvenir à ses besoins le temps de régler cette affaire. Même si elle ne le veut pas. La fierté, évidemment, malgré les difficultés. Mais il y a toujours moyen de parvenir à ses fins avec un peu de discrétion, s’il le faut vraiment. Je m’en voudrais qu’elle se mette mal par culpabilité et parce que je l’ai beaucoup trop motivée.
Je suis donc la suite avec une certaine distance, retournant au travail de la Guilde, justifiant d’une bêtise ma blessure. J’ai prévenu aussi les Petits Potes et Domovoï, mon second, pour signaler aux membres de se renseigner sur les sujets qui pourraient servir à la jeune femme, le tout transmis en main propre par un camarade, qu’elle se concentre totalement à son affaire. Si de loin, je me tiens au courant, c’est avec une certaine satisfaction que je reçois son message sur un beau papier à lettre d’une écriture fine et gracile. Ça change des rapports administratifs, pour sûr. Un restaurant en soirée, que je connais pour y être allé quelques fois. J’y vais après le travail, arrivant même en retard, à cause d’une réunion. Je m’en veux un peu. De lui faire perdre du temps alors qu’elle m’en octroie un peu au milieu de son harassant travail. Je la retrouve donc, visiblement plus joyeuse que quand on s’est quitté. Je m’excuse du retard et je balaie rapidement le sujet de ma blessure qui guérit rapidement. Il n’y a pas eu de douleur depuis un moment. Puis j'embraye sur le sujet principal.
-Comment que ça se passe, alors, avec les chapots ?
Et je fais mine de ne rien savoir.
La détective avait repris sa bonne humeur, surtout sa concentration et c’est cette femme que Jack rencontrerait aujourd’hui dans le restaurant. Elle avait beaucoup réfléchi à ses paroles et avoir réussi ses recherches étaient une bonne source de motivation. C’est alors avec un grand sourire qu’elle accueillit Jack à sa table et lui demanda si tout va allait mieux. Évidemment, tout était en ordre, elle n’en doutait pas, il semblait être un homme solide qui ne se laisserait pas abattre à la première blessure.
- "Alors, j’ai fait plusieurs recherches pour trouver un lieu où les déposer suite au procès, si celui-ci est en leur faveur. Ensuite ils seront mis à l’adoption et finement suivis par les médecins sur place. Ce qui est assez rassurant !"
Une serveuse passa à leur table pour prendre la commande, ayant une faim de chadal, Tetsuko commande une planche de viandes et légumes à griller sur une plaque réchauffée à l’aide d’un feu magique; ce plat était incroyable, on avait devant sois une plaque qui chauffe en permanence et il suffit ensuite de faire une “fondue” des légumes et viandes. C’était assez novateur et la jeune aimait gouter toute sorte de nouveauté. Elle prit en plus un jus d’Ambriosa et de vigne à bulles.
- "Pour le procès, en effet, le chapots ne pourra parler en tant que témoin, pour la justice il n’est vu que comme un ‘objet de preuve’… cette nouvelle m’a un peu mis hors de moi, en quoi un animal est un objet ! Je pense qu’il était totalement en capacité de donner son témoignage, en plus on a toute la technologie pour qu’on puisse le comprendre… mais bon, on ne peut pas changer les choses comme ça en une journée. Dans tous les cas, il reste une preuve, on a pu en récupérer d’autres avec tes collègues, ils ont été d’une aide très précieuse ! Le dossier va être relu aujourd’hui et envoyer demain au tribunal, ensuite le reste ne sera plus de mon ressort. Je pourrais juste assister au jugement. Visiblement, les preuves sont suffisantes pour coincer ces hommes, les gardes s’en chargeront lorsqu’ils auront notre dossier. "
La serveuse déposa une grande assiette composé de toute sorte de légume, courgettes, poivrons, choux, champignons, … et de tranches de bouctons et de Porc-becue; la commande déposée sur la table, Tetsuko se servit avec un grand plaisir et adressa un agréable appétit à Jack. Elle déposa plusieurs tranches sur la plaque, une odeur délicieuse se répandit alors faisant pétiller ses yeux.
- "Olala ça a l’air si bon ! Le cocktail est si bien présenté ! Pas de doute la capitale à beaucoup de curiosité culinaire et je ne m’en lasserais pas. Dommage que la vie n’est pas de tout repos ici."
Après avoir mangé quelques morceaux de légumes commençant à griller, elle revint au sujet principale.
- "Globalement, en fait, je n’ai plus rien à faire… cette affaire ne dépend plus de moi. Merci beaucoup pour ton aide Jack, tes collègues sont vraiment fiables ! 3"
Par contre, je tique un peu ses derniers mots. Cette impression d’avoir tout fait ce qui était en son pouvoir et de prendre la dureté du monde, des lois, des règles et des traditions comme argent comptant. Je ne suis pas d’accord. Alors peut-être que Tetsuko est un esprit bien trop bienveillant, bon et gentil pour se lancer dans une croisade pour les acquis des chapots et autres animaux du même genre, mais il est bon de l'éveiller à cette possibilité. Celle qu’il y a des combats qui méritent d’être menés.
-Ce n’est pas parce que la Justice les considère aujourd’hui comme des objets de preuves que cela le restera indéfiniment. Certes, ça le restera si personne ne milite pour que les choses changent. Le monde change, à tous les niveaux, parce que des gens se battent pour que les choses changent. ça peut prendre des années, des décennies, une vie entière, mais un jour, le monde change et c’est une victoire. Il y a peu de gens qui sont capables de s’impliquer autant. Les autres ne se sentent pas impliqués, ont autre chose à faire, ou pas lâcheté pure. C’est à toi de te demander si tu es prête à faire cet effort. Je dis pas ça pour t’y pousser. Même pas forcément dès maintenant. Mais si ça te tient à cœur, sache que je t’y aiderais, avec mes moyens.
Parce que c’est une amie. Et faut aider les amis. Surtout celles qui ont de nobles causes. Vous allez me dire, je ne me sens pas concerné par la volonté de reconnaître davantage les droits des chapots. Je ne m'en cache pas. Mais c’est pas pour autant qu’il faut abandonner les initiatives de ceux que l’on connaît. Moi, je suis surtout concentré sur les intérêts de la Guilde. ça concerne des milliers de personnes directement et indirectement. C’est aussi important. Il n’y a pas de meilleures ou de pires causes à défendre. On ne peut pas les classer, c’est mauvais. L’important, c’est d’y croire et d’y mettre la juste énergie dedans. Se forcer, c’est desservir sa cause à tous les coups.
Enfin, tout ceci est pour du plus long terme. Toutes ces péripéties sont derrière nous. Les habitudes ont repris leur cours et on se contentera de profiter de ce repas en bonne compagnie. S’il y a encore peu, je ne connaissais pas Tetsuko, on peut dire que l’on a traversé pas mal de choses maintenant. On ne se connait pas tant que ça, mais on aura surement l’occasion, à venir, de se revoir. Les épreuves vécues ensemble forgent des liens invisibles. Puis, ça serait du gâchis de plus se revoir, l’innocence bienveillante de Tetsuko étant une baume salvateur au milieu de cette ville fourmillant d’individus où la méchanceté n’est jamais très loin. Mais ça, ça sera probablement pour une autre histoire tandis qu’on lui laisse le mot de la fin.
Santé.
Vous êtes surement impatient de savoir la fin de l’histoire, les chapots vont-ils avoir justice ? Tetsuko s’est rendu au procès, voir les coupables aligner sur cette table était un plaisir indescriptible pour la jeune détective. Elle voyait le résultat de ses efforts, pour une fois, les méchants allaient payer; mais ils avaient un bon avocat, tout n’était pas encore joué. Ne pas pouvoir utiliser le témoignage des chapots était un sacré désavantage, mais il y avait eu le témoignage de Tetsuko et aussi les blessures qui lui avaient été infligés. Ils avaient de lourdes accusations sur leur dos; de nombreux vols, détention illégale d’animal, maltraitance animale, kidnapping de personne, violence sur personne, non déclaration de biens, etc, etc. Enfin, ils étaient vraiment en très mauvaise posture.
Leur avocat était bon, mais le nombre de preuves, des objets volés retrouvés, les propriétaires des boutiques, les témoins récoltés à la pelle dans la rue, l’état des chapots; le verdict était tombé et ils étaient coupables. La jeune femme était si heureuse d’avoir réussi à aider ses chapots et aussi les personnes victimes des vols; c’était une sacrée affaire. Suite aux accusations qui avaient été faites sur Tetsuko, ancienne histoire avec Vivianne qui avait réussi à disparaître des papiers administratif, les doutes avaient été lavé et la jeune femme avait maintenant une bien meilleure image dans les dossiers des gardes. Son travail acharné lui avait valu un grand mérite.
Mais l’histoire ne s’arrêtait pas là, maintenant il fallait s’occuper des chapots et c’est ce qu’elle fit en retournant dans la grande forêt; elle en profita pour retrouver ses deux mères. Après de longues soirées à expliquer ses aventures et à retrouver la douceur de la maison familiale, la jeune femme s’occupait aussi des chapots. Leur santé montait en flèche et ils allaient bientôt pouvoir être adoptés.