Escorte, gloire et camping

─ avec Carciphona

Carci, tu m'entends ?

Ma boule de cristal resta silencieuse avant qu'un froissement ne se fasse entendre.

Naë, toi être dans boule ? K'awill veut aller dans boule, maîtresse ! Cria la loutre géante, moi pouvoir rejoindre Naë dans boule ?

Un nouveau frottement, puis une chute.

Oups, pas fait exprès maîtresse, pas fâcher !

J'entendis le rire de mon amie qui semblait reprendre l'objet en main.

T'inquiète pas mon grand, c'est pas grave mais fais plus attention la prochaine fois, c'est fragile.

Je patientais encore un peu le temps que les deux lurons m'accordent leur attention.

Carci, ça te dirait une mission en partance du Village Perché vers la Capitale ?
Mission ? Ah oui maîtresse K'awill fort ! K'awill partir en mission avec Naë !

Attends mon grand, faut demander avant de quoi il s'agit.

Silence.

Naë ! reprit-elle, c'est quoi la mission du coup !

Avec les incessantes interventions du familier je ne savais pas trop à qui je m'adressais au final.

C'est simple, repris-je de ma voix grave. Accompagner une femme sur les routes pour qu'elle puisse rejoindre ses petits-enfants. Madame Clampin n'est plus toute jeune et elle doit ramener quelques affaires de valeurs à sa famille, elle craint d'être attaquée.

K'awill protéger Madame Lapin !

Clampin K'awill.

Lampion ?

Bref, la garde m'a relaté de plus en plus de vols sur les routes, ils ont beau sécuriser au maximum les grands axes ils ne peuvent être partout. A croire que le détroussage est le nouveau métier à la mode.

J'attendis une demi-seconde le temps que mon amie assimile les information qui lui parvenaient au compte goutte. Il y avait parfois un décalage de communication via la boule de cristal.

Partante ? conclus-je.

Maîtresse dire oui !

Attends K'awill on ne sait même pas si on est là.

Maîtresse préférer partir avec Lin ?

C'est quand beau gosse ta mission "sauvons mamie" ?

Elle aimerait partir dans trois jours, je peux négocier un peu plus si tu as besoin. Ne prenons pas à la légère les menaces des pilleurs, il faudra s'équiper.

Je ne me faisais pas trop de soucis à ce niveau là, Carci était une Saphir aguerrie après tout, je savais qu'elle avait tout ce qu'il faut. Cette requête pouvait bien paraître ennuyeuse, c'était un petit moment de partage et de retrouvaille avec ma coéquipière préférée.

Tu lui dis mon gros ?

Nous partir avec Naëëë ![/color] Entendis-je suivi de bruits sourds de sauts de loutre géante.

Je crois qu'il est heureux.

Comme un poisson dans l'eau,me répondit Carci. On arrivera dans trois jours vas.

Nous manger poisson ? se stoppa l'animal glouton.

Ha ha non grand guerrier, c'est une expression, je t'expliquerai.

Moi être grand guerrier, s'émerveilla encore la loutre.

Bon, je vous laisse, c'est que j'ai quelques préparatifs à faire. A dans trois jours les Saphirs.

Après la déconnexion de nos cristaux je ne perdis pas plus de temps et sortis ma clé dimensionnelle pour accéder à mon antre d'aventurier. Je récupérais une pelletée d'affaires avant d'en faire l'inventaire pour compléter ce qui pourrait manquer les jours à venir.

____________________________

Jour J

- Et votre amie elle est comment ? J'espère qu'elle sait manier les armes car vous savez, on a beau dire, la force d'une femme n'égale pas celle des hommes, n'est-ce pas ?

Je n'eus pas le temps de rétorquer que la petit vieille enchaîna.

- Comme je vous disais j'ai ... elle baissa le ton pensant que je serait le seul à l'entendre, clairement pas. J'ai des objets de valeurs à ramener ! On a vraiment besoin d'hommes forts pour protéger tout ça ! C'est pas que ...

Cette fois je lui coupais sans ménagement la parole.

- Ma coéquipière est Saphir Madame, et son familier également. On ne fait pas mieux au sein de la guilde. J'élevais un peu plus la voix voyant qu'elle allait repartir dans un monologue. Croyez moi, vous êtes entre de bonnes mains. Car non, il n'y a pas que la force qui compte et oui, celle d'une femme peut égaler la force d'un homme. Vous seriez surprise.

Et là voilà repartie sur un débat, le voyage risquait d'être long, très long ... Vite Carci, dépêche toi d'arriver qu'on quitte le village au plus tôt !

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- Lussat-Loup ? N’est-ce pas un village de brigands?

Il est vrai que le bourg n’avait pas une réputation des plus fleurissante mais de là à le catégoriser de ville malfrat.

- Non Madame Clampin, loin de là, ce ...

La bourrique me coupa la parole sans ménagement.

- Pourquoi ne pas passer par le grand axe ? La garde y patrouille régulièrement, ce sera bien plus prudent! s’agaça-t-elle.

Stoïque je fis signe au cocher de démarrer la calèche avant de répondre.

- Justement parce qu’il est plus fréquenté et attire la sale vergogne d’Aryon. Vous avez fait appel à la guilde il va falloir nous faire confiance maintenant!

- Né vous inquiétez pas Ma Dame, avec moi, impossiblé dé vous perdre.

- Qui parle ? Chercha la femme du regard.

- ’scousez moi Ma Dame, yé souis Marco lé jépé-esse d’Aryon.

- Le quoi?

J’attrapais la carte roulée pour la présenter à mamie Clampin histoire de couper court à cette discussion futile.

- Une âme artificielle qui n’est autre que ce  planisphère d’Aryon. dis-je agacé en agitant le rouleau sous ses yeux.

- Et y-a-t-il moyen de connaître notre itinéraire exact jusqu’au bout ? Mes petits-enfants aiment savoir où je suis en temps réel.

- Notre itinéraire dépendra de notre avancée, Madame Clampin. Et ce n’est pas en tergiversant que nous allons arriver en sept jours. Nous vous le dirons au fur et à mesure.

Elle se renfrogna.

- Guéret et Lussat-Loup donc pour aujourd’hui?

- Oui c’est bien ça le programme Madame Clampin! intervint Carci mi-amusée et mi-exaspérée par le caractère tatillon de la vieille.

- Je vais contacter mes petits-enfants par cristal, si vous pouviez disposer ...

Avec plaisir songeai-je pour moi-même, appuyant mon talon sur le flan d’Asti pour la faire avancer plus vite, nous plaçant à l’avant du cortège. K’awill et Carci se placèrent à mes côtés, la Saphir soufflant un « Eh beh! » des moins discrets.

- Alors, raconte moi tout, comment ça va depuis ...

Elle laissa sa phrase en suspens pour ne pas nommer le passage difficile de l’année passée. Je souris devant sa délicatesse avant de répondre.

- Mieux, bien mieux. Comme tu peux voir j’ai agrandi la famille avec Despé, la Grognedent que j’ai récupéré suite à un braconnage, sa mère a malheureusement été tué par ces connards de rabatteurs. J’ai une nouvelle maison, à l’occasion il faudra que vous veniez avec K’awill, elle est plus spacieuse que le studio que j’avais à la Capitale. Faut que je finisse deux trois travaux. Jack m’a bien aidé pour tout retaper.

- Nous venir ?! Maîtresse, quand nous voir maison Naë?

- Ha ha mon grand bientôt j’espère.

La poivre et sel m’invita à continuer mon récit.

- Je suis co-directeur de la clinique aussi tiens. dis-je avec détachement comme si ce n’était qu’un petit passe-temps qui m’avait pourtant bien occupé ces dernières lunes. La mine surprise de Carci me fit sourire.

- Je travaille avec Chrystielle, la vétérinaire. Elle avait pour horreur toute la paperasse qui est pourtant indispensable. J’ai remis un peu d’ordre dans tout ça, dans les comptes aussi. On a embauché un salarié pour tenir le côté adoption, et fait appel à des bénévoles pour des coups de pouces ponctuels. Je me forme au passage pour être soigneur animalier, vu ma tendance à vouloir porter secours à ces âmes en détresse.

- Rien que ça ?! Et cette Chrystielle, c’est juste une collègue? commença à fouiner Carci. Je stoppais net son imagination débordante.

- Oui Carci, t’emballe pas, nous travaillons juste ensemble crois-moi.

Je me remettais de ma déchirure amoureuse, retrouver Luz après notre déchirante séparation avait été un nouveau souffle.

- Bon et toi ? Avec Lin ça va toujours ? Toujours assoiffée de quêtes incroyables?

La route déroulait sous nos pas sans accroc, la vieille fit la sieste nous laissant du répit jusque Guéret où nous fîmes halte pour le déjeuner. En espérant qu’elle dorme tous les jours ainsi !

- C’est pas trop tôt, ne put-elle s’empêcher de lâcher. Je commençais à avoir des escarres.

Je préférais ne pas répondre, concentré sur les tavernes pour nous restaurer. C’est que mamie ronchon allait nous faire un scandale encore de l’amener dans une vieille bicoque. Nous enfonçant un peu dans le village nous trouvâmes une enseigne simple à la décoration fleurie. Une terrasse aux tables rondes et aux sièges moelleux nous faisait de l’oeil.

- Ça a l’air pas mal ici non? dis-je à l’attention de ma coéquipière qui acquiesça aussitôt.

Nous laissâmes les montures à l’écurie avant de nous installer, donnant pour ordre à mes familiers de veiller sur le coche où se trouvait les trésors de notre employeuse. Je payais le repas pour tout le monde en ce début de voyage bien que j’aurais bien laissé mamie se débrouiller seule. Évidemment, elle trouva des imperfections à chaque met, je lui aurais bien fait manger son assiette, rester zen, ne pas réagir. Carci, elle, finit par dire le reste à « Madame Clampin ».
Le reste du repas fut soudainement plus silencieux suite à son intervention, mamie se renfrognant dans des grognements de mécontentements.


- C’est bizarre ... coupai-je le silence. Vous ne trouvez pas que ça sent une drôle d’odeur?

Je sentis soudain l'agitation d'Asti et vis débouler Loupiac dans un vol frénétique à notre encontre. Le palefrenier sortit en trombe dans un cri de jeune adolescent qui mue. Ce n’était pas bien glorieux dois-je avouer.

- Le feu ! Le feu ! La calèche!

Ni une, ni deux, Carci et moi étions déjà debout à courir vers les écuries où un début d'incendie enveloppa le coffre de la diligence. J'aperçus aussitôt Kir tourner autour d'une masse sombre en proie avec Despé et K'awill ...

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Comme tout le monde je m’attelais à éteindre le feu en sortant la Manta Pist’. Ce jouet était efficace sur les petites flammes et finissait le travail derrière K’awill. Je sommais Kir de s’éloigner pour ne pas créer un incident électrique. Il ne manquerait plus que ça !
La masse sombre que trimballer maintenant Despé n’était autre qu’une veste en piteux état. Ce torchon était-il déjà là ou avions-nous à faire à un incendie criminel – chose que je soupçonnais fortement de par ma méfiance naturelle – créé par le détenteur de ladite veste.
Mes soupçons furent confirmés par K’awill qui nous apprit également que Madame Clampin avait parlé du feu dans son cristal de communication.

- Quand est-ce qu’elle en a parlé K’awill?
- Quand nous marcher et dame dans boîte à grandes roues, elle parler à boule magique.

Nous échangeons brièvement sur les intentions de notre commanditaire avant que je ne rajoute.

- Restons prudents sur nos interprétations, elle aurait bien pu parler d’un feu dans un autre contexte. Son caractère nous amène vite à la détester, nous pourrions être influencés. Il nous faudra des preuves plus solides, voyons comment la suite va se dérouler.

Je laissais Carci s’occuper de la femme et de notre départ anticipé et je fis le tour de la calèche endommagé à la recherche d’autres preuves. En vain. Je vérifiais que le cryptex magique était toujours accrochée à la selle d’Asti.

- Personne ne s’est approché de la selle? demandé-je à la Casse Noisette.
- Non Monseigneur ! Sieur Loutre a raison, un vil scélérat s’est approché avant que les flammes ne viennent dévorer l’arrière de la diligence. J’ai ouï dire par le fidèle compagnon qu’il avait une pierre à feu. Le bougre eut la chance de se tenir hors de ma vue, je ne puis que relater les sons qui me sont parvenus.

Asti renâcla d’approbation.

- Merci Lady Théa. Il était important de bien nommer son Titre, l’âme artificielle était quelque peu susceptible à ce sujet là.

- C’est qué yé ou chaud moi! se plaignit Marco qui était resté sur une sacoche de la scelle.
- Tu vas rester avec moi avec le Crysptex dorénavant. Et tu vas nous concocter un petit trajet bien à toi Marco.
- Yé souis ton homme, Hombré!

J’interpellais le palefrenier.
- Vous n’avez rien vu je suppose?
Il nia de la tête.
- J’ai vu de la fumée, j’ai alerté directement pour ne pas que le feu se propage ... dit-il de sa petite voix.
- Prévenez la garde, nous devons repartir. Voici la veste du bandit qui aurait allumé le feu. Je peux vous faire confiance? demandais-je en glissant un petit cristal dans sa main.
L’homme acquiesça, j’insistais même si je ne croyais pas en mes paroles.

- C’est pour vous aussi, le malfaiteur peut revenir à tout moment et cette fois il réussira éventuellement son larcin.
Le lad fronça des sourcils prenant conscience du risque.
- Je le ferais. Promit-il.

Madame Clampin avait réussi à obtenir un nouveau véhicule, je profitais que l’homme soit là pour transférer les affaires sur celui-ci. La caisse contenant les effets personnels de la femme me sembla un tant soit peu plus légère. Sûrement me trompais-je.

Je retrouvais Carci à l’avant du convoi qui me proposa d’envoyer un de mes familiers en espion.

- Très bonne idée, Loupiac est notre informateur parfait.

J’envoyais par un ordre télépathique le chantelune s’immiscer dans un recoin de la cabine de la coche. Il s’installa dans les petits rideaux, calé dans le nœud permettant à la lumière de pénétrer tout en gardant l’intimité de l’habitacle.

Préviens-moi lorsqu’elle parlera à travers son cristal. J’envoyais une image télépathique au chantelune pour qu’il comprenne bien de quoi je parlais.

- En route! énonçai-je.

La vieille ne put s’empêcher de se plaindre de l’inconfort de son siège mais s’arrêta à cette seule remarque. Kir vrombissait d’impatience, je le laissais vadrouiller sur la route, sentinelle de nos pas, tandis que Despé fermait la marche, batifolant la langue pendante de bave. Cette fois le chemin se fit plus silencieusement, nos sens en alertes. Concentré sur les alentours je finis par percevoir un long moment plus tard un appel de mon familier. Je me rapprochais de Carci.

- Elle communique avec le cristal, je vais partager mon ouïe avec Loupiac, s’il se passe quelque chose touche moi le bras, je ne t’entendrai plus. Sauf si tu cries Loupiac et donc moi t’entendront.

Ni une ni deux je me concentrais, ça faisait un moment que je n’avais pas fait l’exercice avec le chantelune. Les sons s’assourdirent et des voix me parvinrent plus nettement.

- Nous sommes repartis pour rejoindre Lussat-Loup, un incendie a bien failli avoir raison de notre convoie. Ils ont été réactifs tous.
- Ouais, tu l’as échappé belle. énonça une voix agacée depuis le cristal, un souffle en fond.
- C’est l’aventurier qui garde mes objets les plus précieux, dans son étui magique, je crois que lui seul peut l’ouvrir. Je lui demanderais de vérifier que tout y est. Les voleurs sont rusés de nos jours, n’est-ce pas?!
- Mais oui mamie, mais oui. T’inquiète, tout va arriver à bon port.
- De ce que j’ai compris, on passe par un chemin de traverse mais la route est assez large et praticable, je pense que ...

Un soubresaut de la calèche, Loupiac fut déstabilisé. Il sortit de sa cachette pour voleter près de la vieille Clampin qui bas des bras pour chasser mon pauvre chantelune. Le partage de sens cessa aussitôt, un léger vertige me prit lorsque mon ouïe revint. On entendit clairement un râlement dans la cabine, je rappelais mon familier en prise avec la femme. Il ne se fit pas prier pour se blottir dans les tissus de Momie Fier.
Le regard insistant de Carci m’invita à prendre la parole, doucement.

- Elle a relaté les faits de l’incident à une voix masculine, son petit fils peut-être ? Lui confirmant au passage notre trajet. Je ne suis pas totalement certain que ce soit elle la responsable de tout cela, l’homme lui semblait agacé. Difficile de juger cependant.

Quelque chose me taraudait, après quelques secondes de réflexion je partageais ma pensée avec la Saphire.

- Je suis étonné par contre de la manière dont il lui parlait, un peu sec et pas très délicat. Plus étonné encore que mamie ronchon ne réagisse pas… Peut-être se donne-t-elle des manières avec nous qu’elle oublie totalement avec sa famille ? Enfin bref, restons sur nos gardes, on démêlera cette affaire plus tard peut-être.

Le soleil commençait à descendre sur l’horizon lorsque Lussat-Loup se profila à travers les arbres de la grande forêt. Ici les habitations avaient été construites à la place des arbres bien qu’une grande partie de la végétation se retrouvait à travers les maisons. K’awill avait occupé une partie du trajet en racontant ses exploits et ses rêves de Loutre super Héros pour impressionner encore et toujours Kaname. Je ralentis la cadence pour me mettre proche de la fenêtre du coche.

- Nous arrivons dans une vingtaine de minutes Madame Clampin, j’espère que vous aurez fait meilleur voyage malgré l’inconfort de votre voiture.

Elle sortit son visage plein de rides, les yeux noirs rétrécis par l’agacement.
- Je n’ai pas le choix de toute façon ! Vous n’avez pas été capable de protéger ma calèche ! Croyez-moi, ça ne restera pas sous silence!

Pourquoi avais-je réveillé le monstre ?

- Je n’en doute pas, grommelais-je en pressant le pas d’Asti.

Un cri roque nous parvint des fourrés :
- Aïe ça brûle !
- Grouille toi, tire ! Ils vont nous échapper!

Une flèche siffla à mon oreille, j’activais mon bouclier télescopique et sa magie verte.

- A couvert! Alertais-je Carci.
- AÏÏÏÏE!! re-cria la voix. Mais c’est quoi c’t’animal de m**de!

Je vis alors passer Kir prêt à recommencer ses méfaits d'électrocution.

- Kir ! Invisibilité ! Despé cherche ! Loupiac, survole ! Prudence tous !

Il ne fallut pas longtemps aux familiers pour trouver les coupables qui se trouvaient sur notre flanc gauche, déjà Loupiac m’informa du nombre de malfrats.

- Ils sont quatre, non, cinq ! Avec montures. Signalais-je à ma coéquipière. Restait à savoir les armes qu’ils possédaient.

Une autre flèche ricocha sur mon bouclier, Lady Théodora grandit pour prendre taille humaine, protégeant Asti de son bouclier, faisant barrière sans le vouloir devant la calèche de par mon emplacement entre les brigands cachés et notre convoi. Le cochet fit claquer les rennes pour accélérer la cadence et échapper à l'attaque.

- Ça sent lé roussi ... commenta Marco.

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Kir et Despé avaient formé un bon duo sur ce coup-là, attirant l’attention sur eux ce qui permit à K’awill et Carci d’intervenir rapidement et efficacement. Lady Théa stoppa un carreau de son bouclier, protégeant Asti de la lame. La scène se termina aussi vite qu’elle nous avait surpris. Les trois badauds attachés à l’arrière du coche, nous repartîmes aussi sec.

- Il est hors de question que ces vils individus restent sur ma voiture! s’invectiva Mamie ronchon. Ils sont dangereux ! Comment osez-vous les trimballer avec nous!

- Parce qu’ils sont justement moins dangereux lorsqu’on garde un œil sur eux Madame Clampin. Ils vont pouvoir discuter gentiment avec la garde à notre arrivée, ça leur remettra peut-être un peu de plomb dans la tête, n’est-ce pas messieurs?!

- Tu paies rien pour attendre toi! menaça le fameux Sven.

- C’était pas le plan ... Gémit l’adolescent tandis que le troisième malfrat se mua dans un silence douloureux.

- Croyez pas qu’nos compagnons nous abandonnent ! Ils vont revenir, oh oui, croyez-moi ! Avec des renforts ! Et vos bêtes là elles vont pas faire long feu ! On va vous AÏÏÏÏE!

Kir venait de faire taire la grande bouche de Sven.

- Je ne veux plus vous entendre, le premier qui parle aura le droit à une décharge. Kir ? Je te laisse les surveiller.

Le teisheba vrombit de bonheur, il allait pouvoir s’amuser en toute impunité.

- N’exagère pas Kir tout de même. Dis-je à l’animal qui se gonflait d’électricité.

- C’est inadmissible! S’énerva encore Clampin.

Je m’éloignais de la troupe pour retrouver ma coéquipière à l’avant, lui chuchotant mon inquiétude.

- Je sais pas s’il dit vrai mais il va falloir se méfier, s’ils reviennent plus nombreux ce ne sera peut-être pas la même histoire.

La Saphir acquiesça toujours sur le qui-vive.

- Marco ? Tu peux nous trouver un nouvel itinéraire jusque Lussat-Loup? demandai-je à l’âme artificielle en la sortant du sac.

- Yé oune carte dans la tête, souivez moi!

Les rayons du soleil avaient cessé de nous réchauffer lorsque nous arrivâmes dans le village arboré, l’obscurité commençait à poindre le bout de son nez. Le trajet s’était déroulé sans autre accroc, seul le bruit de douleur des mécréants - tantôt éprouvés par leurs blessures tantôt par Kir - et les plaintes de notre commanditaire avaient animé le chemin.

- Carci, je te laisse gérer la garde, j’accompagne Madame Clampin à l’auberge ...

La poivre et sel ne se fit pas prier, j’aurais bien inversé les rôles mais notre mamie de l’enfer avait le don de mettre nos nerfs en pelote et j’avais encore assez de patience pour supporter ses commentaires quelques heures de plus. J’aurais bien glissé un somnifère dans un bon jus de pruneaux pour mémé malheureusement l’éthique m’en empêchait.

- Nous logerons ici pour la nuit. Lui dis-je en arrivant à l’auberge d’Eugénie.

- La guilde entendra parler de cette escorte désastreuse ! J’en aurais pas fini avec vous deux ! Des dangers!

- Pas de problème Madame Clampin ! Gardez bien tout ça pour nos supérieurs, ça tombe bien, le berceau de la guilde est à la Capitale ! En attendant, profitez ! Mangez, buvez, dormez ! Nous veillerons contrairement à ce que vous pouvez croire. Sur ce, bonne nuitée ! m’agaçais-je en quittant la salle de réception.

- Je veux le cryptex! M’oronna-t-elle.

- Non! Répondis-je catégoriquement. Il reste avec moi, je vous vois mal le protéger. Alors arrêtez vos simagrées et laissez nous faire notre travail. Je tournais les talons avant de refaire demi-tour. En tranquillité!

- Quel grossier personnage! se plaignit-elle à l’aubergiste.

Parfait, de nouvelles oreilles vont souffrir, tant que ce n'étaient plus les nôtres. J’invitais notre cocher à prendre un bon repas, lui glissant quelques cristaux dans la paume de la main.

- Pouvez-vous garder un œil sur elle tant que vous êtes tous deux dans la salle?

Il accepta avec un regard las, je compatissais mais nous devions tous la supporter jusque la Capitale. Et ce n’était que le premier jour… A l’écurie, je donnais mes ordres aux familiers.

- Despé et Kir, ne laissez personne approcher de la valise. Je reviens vite vous chercher vous avez bien travaillé aujourd’hui vous mérité du repos.

Le teisheba exprima son contentement en tournant autour du bagage, Despé vint se coller à ma jambe me gratifiant d’un grand coup de langue baveux.

- Lad ?

Une jeune fille se présenta à moi.

- Pouvez-vous ramener des bassines d’eau pour cette petite troupe ? Ne vous approchez pas trop de la coche si vous ne voulez pas que ces deux là attaquent. Conseil d’ami.

Elle s’exécuta en contournant bien le véhicule, inquiète de la menace.

- Lady Théa ? Je vous laisse avec Asti, si quoi que ce soit d’anormale s’est passé d’ici à mon retour je compte sur vous pour me le relater.

La Casse-Noisette accepta sa mission avec engouement. Je gardais le cryptex bien serré contre moi avant de rejoindre Carci à la caserne de Lussat qui m’accueillit d’un grand sourire.

- C’est lui le grand dadais dont je vous parlaits ! Naë voici nos amis de la garde, messieurs, voici Naëry, aventurier qui m’a embrigadé dans une mission pas calme du tout !

- Si j’avais su ...

- La commandante de cette caserne accepte de nous laisser un homme nous accompagner jusque mi-chemin à la prochaine étape.

- Mais j’ai besoin de connaître votre itinéraire. coupa l’intéressée. Je ne peux détacher plus d’hommes, nous n’avons pas assez d’effectifs pour le permettre. Je ne me fais pas trop de soucis vu la prise que vous nous avez faite.

- C’est déjà bien que vous puissiez nous laisser un de vos subordonnés, notre cliente sera davantage rassurée ...

- Attendez-vous à ce qu’elle vous trouve tous les défauts du monde, c’est une vraie peau de vache celle-là ! commenta Carci tendit que je déroulais Marco.

- Ah ah, non, oui, pas comme ça. Tou mé chatouille Hombré!

- Tu es douillet Marco ! Avez-vous une table où le poser? m’adressai-je ensuite à la Commandante.

Elle nous fit signe de la suivre pour nous amener à son bureau où je déposais l’âme artificielle.

- Marco, prochaine étape la ville de Burth. Quels chemins nous préconises-tu ? Pas les grands axes.

La carte artificielle nous conseilla quelques itinéraires différents, la Commandante nous invita à prendre le plus praticable en calèche avant d’informer son coéquipier de sa mission du lendemain. Une fois le plan achevé je pris le premier tour de garde, restant avec mes familiers à surveiller la coche et son contenu, laissant la joie à Carci de s’assurer que Madame Clampin était toujours en forme est prête à faire un bon gros sommeil. Chacun son tour !
Je m’installais près de Despé l’invitant à s’installer sur mes genoux le temps que leurs repas soient servis.

- C’est bien mes grands, vous avez tous fait un sacré travail aujourd’hui. Reposez-vous, vous l’avez mérité.

K’awill s’approcha de moi.

- Nous grands aventuriers ! Moi Saphir, moi aider Naë à surveiller trésor!

- Merci K’awill, penses à bien manger, un Saphir a besoin de force!

- Oh oui, moi bien mangé ! Moi aime manger !

Je caressais la Loutre géante souriant. Les muscles me tiraillaient légèrement, plus qu’à prier Lucy que notre changement d’itinéraire nous évite d’autres mésaventures !

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Deuxième jour … Aller encore quatre ! Essayais-je de me motiver sur le dos de ma monture en tête de cortège. Les yeux rivés sur la route j’observais les fourrés, les aspérités du sentier, je tentais de deviner d’où viendrait le prochain danger, naturel ou non, il me fallait anticiper. Le calme régnait, j’entendais Carci discuter lointainement avec le garde qui nous avait été concédé pour la route jusque Burth. J’aimais le silence, j’appréciais tout particulièrement notre cocher qui respectait cet art avec brio. Je me demandais même s’il n’était pas muet à force de ne pas l’entendre. Par contre en fond, une voix râpeuse ne cessait de gâcher mon plaisir. Je l’ignorais un long moment jusqu’à ne plus y tenir.
Je fis demi-tour à Asti au moment où le jeune garde arrivait à ma hauteur.

- Vous tombez à pique, garder la tête, surveiller bien les alentours. Je n’en ai pas pour longtemps.
- Ah euh ...
- Surtout guettez bien les fourrés!
- Euh … Compris. Finit par articuler le dit Elton prit au dépourvu.

Je me rapprochais de la fenêtre de la diligence de fortune pour aborder Madame Clampin.

- Que vous arrive-t-il Madame Clampin ? Je vous entends ronchonner depuis que nous sommes partis ...
- Et ce n’est que maintenant que vous vous inquiétez de mon état?
Je ne pris même pas la peine de répondre la fixant un long moment avant de vouloir ma pôle position.
- Et vous partez ?! Sapristi vous êtes le pire des deux! Votre collègue au moins à le culot de me répondre !
Je ralentis à nouveau, le visage impassible.
- Que ce soit bien clair Madame Clampin, je ne fais pas dans le social. Je vous ai posé une question, vous ne voulez pas répondre, soit. Ça m’arrange même. Je ne vais pas batailler avec vous, je pense que nous en faisons déjà assez.
La vieille fit mine de s’étrangler de stupeur.
- Si ça c’est votre maximum ! M’étonne pas que vous soyez seul!
- Pardon?!
- J’ai entendu l’autre fanfaronne le dire au petit roux là. Vous n’êtes qu’un ours mal léché!

Il va falloir que je mette les points sur les « i » avec Carci en ce qui concerne ma vie privée. En attendant c’était avec notre chère mamie que je le fis.

- Vous savez ce que nous allons faire ? Se mêler de nos vies respectives. Nous vous amenons à la Capitale, point. Le voyage aurait pu être plus agréable pour tout le monde mais vous en avez décidé autrement. Vous vous plaindrez à la Guilde si cela vous chante, en attendant je ne veux plus vous entendre. Nous vous communiquerons ce qui est nécessaire. Je vous demanderai de faire preuve de courtoisie et de faire de même.

Elle ouvrit la bouche que je m’éloignais déjà, j’étais assez agacé pour continuer cette mascarade.

- Et toi?! Hélais-je le jeune garde. Il se retourna surpris.
- Euh, Elton Monsieur !
- Oui Elton, viens par là s’il-te-plaît.

Le roux ne se fit pas prier et me rejoignit tout sourire.

- Je suis ravi de pouvoir discuter avec vous Na...
- Ce n’est pas pour parler que je te demande d’être là, mais pour rester près de notre … protégée. Surveille bien le flanc de la calèche et viens me rapporter les propos utiles que pourra bien te grogner Madame. Tu peux garder les reproches qu’elle ne cessera de déblatérer.
- Euh oui, bien reçu.
- Merci. Conclus-je en partant.

La déception se lisait sur son visage, il est vrai que la mission n’était pas très motivante. Je rejoignis Carci, courroucé.

- Carci!
Son sourire s’étirait d’une oreille à l’autre.
- Il t’a fait sa déclaration?
- Quelle déclaration ? Je ne la laissais pas répondre que je continuais. J’aimerais qur ma vie reste privée, je n’ai pas besoin que l’on me rappelle que ma relation avec Luz a été un échec. C’est un inconnu Carci ! m’agaçais-je en montrant le rouquin de la main. Comment en êtes-vous arriver à ça?

Je n’attendais aucune réponse et je ne voulais même pas le savoir. Les nerfs en pelote à cause d’une vieille peau acariâtre et d’une pipelette, je repartis en tête de convoi.

- Surveille bien les arrières. lui commandais-je pour ne pas qu’elle me rattrape.

Asti renâcla, sentant la tension monter Kir gronda sourdement, Despé … resta égale à elle même, la langue pendouillant sur le côté.

- Naë pas content. S’inquiéta K’awill. Lui fâcher ? Nous avoir fait bêtise?
- Non ne t’inquiète pas mon grand, ça va lui passer. Il a le cœur encore blessé.
- Comment nous soigner cœur Naë?
- Avec du temps.

La loutre géante ne dit plus rien, réfléchissant à ce que pouvait signifier la dernière phrase de sa maîtresse. La route jusque Burth se déroula sans problème, je me calmai au fur et à mesure de la journée, restant seul au maximum. Elton tenta plusieurs fois de venir me parler, j’éludais chaque ébauche de discussion. Heureusement la Saphir le prit avec lui, le trajet leur paraîtrait moins long ensemble. La ville que nous atteignions en fin d’après-midi était plus grande que Lussat-Loup, nous en profitâmes pour faire un réapprovisionnement, Carci insista pour me faire quelques emplettes pour me remonter le moral.

- Tu as fini d’être bougon?
- Oui désolé. La vieille m’a un peu énervé, mon humeur a pris le dessus.
- Tu devrais aller boire un verre avec Elton pour le remercier de nous avoir accompagné. me dit-elle avec le regard pétillant.
- Pourquoi moi plus que toi ? Buvons un verre tous les trois.

Elle haussa les épaules en guise d’approbation. Lorsque le moment vint, Carci s’éclipsa au bout de quelques dizaines de minutes prétextant un ventre barbouillé sous un sourire complice pour le jeune garde. Leur petit jeu ne m’échappa évidemment pas, la raison oui. Je me retrouvais en tête à tête avec le dit Elton John. Je n’avais pas spécialement envie de faire la causette, vue mon humeur de la journée je lui devais au moins ça.

- Ça fait longtemps que tu es dans la garde?
- Non M’sieur, ça fait trois Lunes que je suis à la caserne de Lussat-Loup.
- Ça te plaît j’imagine?

Il me parla de sa passion militaire, sa famille, ses camarades. Plus nous échangions des banalités, plus je le vis se dandiner sur sa chaise. Il finit par me dire.

- Je retourne à Lussat demain matin ... Je le sentais dans l’attente de quelque chose. Voulait-il une récompense pour le travail ennuyeux qu’il venait d’effectuer ?
- Oui c’est cela, votre Commandante ne pouvait vous détacher plus longtemps, merci pour vitre aide même si la journée a été plutôt calme. Ça n’aurait pas été du luxe que vous puissiez rester avec nous tout le long.

Son regard s’illumina, il hésita un instant avant de demander.

- Je me disais … Peut-être que … Enfin …

Je le fixais, ce qui ne dû pas l’aider à s’exprimer. Je finis par sortir un « Quoi ? »

- Peut-être pourrions-nous passer la nuit ensemble?

Je restais immobile mes yeux ne le lâchant pas un instant. Seuls mes doigts posés sur la table se mire à tapoter le bois de celle-ci. Il se mit à gigoter plus encore, mal à l’aise.

- Je … euh … enfin …

Personne ne pouvait le sauver de moi à part … moi. J’espère au moins que Carci surveillait le matériel, ce n’était pas du tout un cadeau qu’elle venait de me faire. Je comprenais mieux les révélations qu’elle lui avait fait le matin même – que je ne cautionner toujours pas.

- Comme Carci te l’as dit, je sors d’une relation à laquelle j’étais très attaché. Désolé.

Je pensais qu’il comprendrait le message, un refus cordial. Au lieu de cela il insista.

- Justement, ça te fera peut-être du bien de penser à autre chose et de relâcher la pression, je suis un excellent masseur tu sais.

Lui qui me vouvoyait jusque là … Aux grands maux les grands moyens.

- Non. Je ne suis pas intéressé.

Je me levais, laissant seul le rouquin.

- Tu remercieras ta Cheffe encore une fois de notre part, prend garde à toi au retour et … Je m’en fais pas, tu trouveras à masser quelqu’un d’autre. dis-je en quittant la taverne.

La journée fut longue … trop longue.

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Escorte, gloire et camping

─ avec Carciphona

Une nouvelle attaque ? Coïncidence ? La suite des événements vous le révélera.

Carci fut très vite happée par une attaque frontale tandis que je couvrais les arrières. Là où nous nous fîmes avoir fut la cible de cette attaque. Ce n’était pas la diligence, bien qu’elle fut immobilisée par le jet sur la roue, non, cette attaque visait une personne qui ne se trouvait pas dans le transport. Où était Madame Clampin alors me demanderez-vous ? Dans la calèche … Ah, vous ne comprenez plus ? Bon je vais vous aidez. La personne visée n’était autre que moi. Je ne le compris que lorsqu’un filet fut projeter non pas vers les biens de notre commanditaire, mais sur moi. Un filet de fer bien lourd projeter par une force mécanique, ou magique ? Toujours est-il que le piège se referma sur moi et avant que je ne réagisse je me sentis happé puissamment en direction des fourrées. Je déployais mon bouclier m’en servant comme d’une luge. J’étais traîné à même le sol à grande vitesse, sûrement tracté par une monture. Je tentais de ralentir la course en plantant ma dague à même le sol, en vain. Je m’en servais au mieux comme levier pour ne pas me prendre les troncs et autres obstacles qui pourraient raccourcir mon état de conscience d’un choc malencontreux.

Lorsque la course se termina mes membres étaient presque tétanisés de crispation. Deux hommes se présentèrent devant moi avant de m’assener un coup à la tête dans le but de m’évanouir. Le poids du filet de métal m’empêcha d’esquiver le coup que je pris sur la tempe. Je venais de gagner un bon mal de crâne mais j’étais toujours conscient. Un peu sonné il fallait l’avouer. Je simulais l’inconscience évitant ainsi d’être battu en vain, ce n’était pas de trop pour me remettre du choc.

- Idiot ! déclara une voix féminine. On a besoin de connaître le mot de passe pour ouvrir son cryptex ! On a pas beaucoup de temps !

Personne ne répondit, on m’enleva le filet avant de me soulever, m’attachant les mains. L’objet de leur désire fut retirer de mon épaule. Deux options : continuer à faire le mort en espérant une meilleure occasion pour fuir, ou compter sur l’effet de surprise pour les bousculer et partir.
J’entrouvris d’un millimètre mes paupières pour analyser la situation. Ils étaient quatre dans mon champs de vision, peut-être d’autres se cachaient ailleurs.
Ils étaient séparés puisqu’une partie du groupe occupait Carci. J’espérais qu’elle allait bien, elle n’était pas Saphir pour rien, et K’awill non plus, je pouvais compter sur eux. Je réfléchis à mon équipement, mon sac venait de suivre le même chemin que le cyptex et ils entreprirent de désarmer mon harnais. Discrètement mes doigts se refermèrent sur le sablier gousset à ma ceinture et activèrent papyrus vitae. Mon écharpe de papier se mit à se mouvoir tel un serpent  à ma volonté avant de filer droit sur les jambes de mes agresseurs, entravant leurs pas.

- C’est quoi ce truc?! s’affola l’un d’eux. Les chevaux hennirent, apeurés, et lancèrent des coups de cul à tout va, envoyant valser l’un des malfrats au sol, inconscient de douleur.

J’ouvris totalement les yeux, toujours allongé au sol, pour manœuvrer momie fier. La femme donna un coup d’épée à mon pantin, j’activais à temps mon anneau papyrus titanium, rendant l’écharpe aussi rigide que du métal. La surprise joua largement en ma faveur, plus personne ne me prêta attention ce qui me permit d’arracher les liens sur mes poignets grâce à la lame d’une de mes armes sur mon harnais. Je désactivais l’anneau pour permettre à momie fier de  se mouvoir à nouveau, faisant tomber un homme d’un croche papier et faisant paniquer le troisième. Seule la femme garda son sang froid et riva ses yeux sur moi. Grillé … Je me levais d’un coup, la tête me tournait, ce n’était pas le moment. Je me jetais sur mon sac sans fond dans l’espoir d’y attraper un fumerolle.

- Attrapez-le!

Le type qui était affolé quelques instants plus tôt répondit à l’ordre aussitôt, ses grosses paluches tendues sur moi. Mon anneau tazer l’accueillit et il finit au sol, immobilisé deux secondes largement suffisante pour me permettre de lui arracher le cryptex.
Une lame frôla ma joue lorsque je l’esquivais, la truande ne comptait pas me laisser m’échapper. Ma main se leva pour guider Momie fier le long du corps de la femme avant d’enserrer son cou. Elle lâcha son épée pour attraper l’écharpe de ses mains, suffocant. Ses yeux devinrent rouges, la peur envahit ses prunelles qui finirent par disparaître sous ses paupières, son corps tombant lourdement contre le sol. Je relâchais aussitôt la pression de mon objet de pouvoir, elle avait perdu connaissance par manque d’oxygène. Je n’avais pas le temps de m’inquiétais de sa santé que le bandit qui était tombé à cause de mon écharpe prit le relais. Je lâchais le fumerolle sur lui avant de prendre la fuite. Les chevaux étaient trop affolés pour que je puisse les monter, je partis en courant, sac sur une épaule, cryptex sur l’autre. Je rabattit la capuche de mon chaperon en tissus caméléon sur ma tête espérant échapper aux regards si d’autres malfaiteurs venaient à leur porter secours. Je fonçais dans la direction de la diligence sans savoir combien de temps m’en séparer à pieds. Je sentis une vague d’energie provenant de mes semelles me redonner de l’endurance. Du sang coulait de ma tempe sans que je ne m’en rendis compte. Ce n’est qu’au bout d’une dizaine de minutes que je ressentis un lien que je connaissais bien, Asti n’était plus très loin. La Tsi’ly, douée d’un entraînement de pistage, avait suivit ma trace après l’assaut. Je la rassurais d’un élan d’émotion, encore quelques minutes et je l’aperçus accompagnée de Kir et Despé qui s’élancèrent vers moi à grande vitesse. Ils ne dépassèrent pas Asti qui utilisa son déplacement rapide pour me rattraper. Juste derrière eux, Carci sur K’awill, j’étais soulagé.

Essoufflé je m’exprimais à l’arrivée de mon amie :
- Tout le monde va bien?

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Escorte, gloire et camping

─ avec Carciphona

Loupiac s’infiltra discrètement dans la chambre du cocher, son petit cœur affolé. Il se lova sur un perchoir derrière le paravent qui séparait lit de la toilette. Il avait reçu pour ordre d’observer l’homme au visage émacié, prévenir son paternel dès que celui-ci sortirait la boule parlante. Son maître aussi en avait une, il lui était arrivé d’entendre les voix de personnes qu’il connaissait en sortir. Il les avait cherchés, en vain. Quand il avait réussi à faire comprendre à Naëry qu’il ne les trouvait pas, ce dernier lui avait expliqué qu’ils n’étaient pas là, physiquement. Les humains étaient difiicile à comprendre, Loupiac avait fini par passer à autre chose. Luz ou bien Calixte, Carciphona ou le grand bonhomme guilleret qui aimait boire – Jack pour les humains – n’étaient pas là, point.
Il sentait quand son maître partageait ses sens, et cela le rassurait. Il entendit sa profonde résonner dans son crâne, prononçant des mots réconfortants qui l’apaisèrent quelque peu. Il était devenu un chantelune courageux, son père ne cessait de le lui dire. Il resta là, blottit, observant sans relâche l’homme dans le plus grand des silences.
Ses paupières s’alourdirent au fur du temps qui filait, l’immobilité et le silence l’enveloppaient dans une douce torpeur.

- Ils l’ont!

Loupiac ouvrit grand les yeux, la boule grésillait. Il se concentra pour trouver l’esprit de son maître qui se connecta aussitôt au sien. Au delà de la télépathie il ressentit l’esprit de l’aventurier quelque part en lui, il savait qu’il était devenu ses yeux et ses oreilles.

- Merveilleux ! Bien joué Monsieur Calliopas, quand est-ce que vos mercenaires nous l’apporteront ?
- J’attends qu’ils me contactent pour définir de la date et du lieu de rendez-vous.
- Je dois avouer que je commençais à douter de votre réussite, si nous récupérons les titres de propriétés de la vieille vous aurez votre bout de terre comme promis.

Le sourire de notre guide s’étira en un rictus difforme à travers les yeux de mon familier. Carci avait raison, notre agresseur n’était autre que cet homme discret engagé par la guilde. Comment avait-il autant pu berner nos supérieurs et nous même ? Il n’était pourtant pas le commanditaire de cette galère, il n’était que l’outil – espiègle et efficace – que l’homme avec qui il venait de communiquer.
Cette voix ne m’était pas inconnue, quoique plus roque quand dans mes souvenirs, je mettrais ma main à couper qu’il s’agissait du même homme avec qui madame Clampin avait parlé quelques jours auparavant. Celui qui l’avait appelé « Mamie ». Les pièces du puzzle s’emboîtaient.

- Où êtes-vous?

Le cocher parlait de nouveau dans son cristal, une autre voix en sortit que je reconnus tout aussi bien que la précédente. Un timbre féminin et dur, la mercenaire qui m’avait fait kidnapper.

- Nous sommes retournés au quartier, nous sommes désolés il nous a donnés du file à retordre …

Loupiac ! Distrais-le, j’arrive!

- Peu importe, l’important c’est le cryptex, gardez le bien en sûreté, rejoignez moi avec à la Capitale.

- Mais nous n’avons pas ...

- Le mot de passe pour l’ouvrir, j’en fais mon affaire puisque vous ne faites les choses qu’à moitié. Clampin doit le connaître!

- Non mais le ...

L’oiseau s’envola dans la chambre piaillant de plus belle faisant sursauter notre homme qui lâcha son Cristal de surprise.

- Qu’est-ce que tu fais là toi?

Loupiac joua les chantelunes affolés, quoique ce n’était pas de la comédie, il l’était. Il vola vers la fenêtre comme piégé.

- Sort de là sale piaf! s’énerva le fameux Calliopas en ouvrant les volets pour libérer le volatile.

Le souffle court je toquais à la porte.

- Tout va bien Monsieur?

Il m’ouvrit, son visage habituellement impassible était crispé. Entre ses mains, le Cristal fissuré venait de perdre de sa magie de communication.

- Il l’a cassé … C’est votre familier!

Je fis mine de ne pas comprendre.

- Pouvez-vous être plus explicite?
- Votre oiseau Monsieur, reprit-il professionnellement après une longue inspiration, était dans MA chambre. Il s’est mis à virevolter dans tous les sens je ne m’y attendais pas. Comment m’attendre à ce qu’un animal se trouve ici ? Dans MA chambre?|/color] insista-t-il.
- Oh … Je vois … Je suis navré pour votre Cristal … Je demanderai ) mes supérieurs de vous en dédommager d’un, Loupiac a confondu sans nul doute nos couches, je suis juste en face. Je comptais me reposer avant le tour de garde, je dois avouer que la journée a été éprouvante …

Se rappelant de l’agression qu’il avait orchestré le cocher se radoucit.

- Il est vrai monsieur que vus avez eu de la chance. J’espère que vous retrouverez votre bien, votre collègue m’a signalé la disparition du cryptex. une lueur de malice s’alluma dans son regard. Une chance que vous l’ayez gardé, sans nul doute que notre affable voyageuse leur aurait cracher le mot de passe au bout de quelques secondes. Les chiens qui aboient trop sont souvent les plus couards.
- Nous ne le saurons jamais, Madame Clampin ne connaît pas le mot de passe de mon cryptex. J’en suis le seul détenteur.

C’était faux, la bougresse avait tellement insisté avant le départ que nous nous étions mis d’accord sur un mot de passe de son choix que j’avais également révélé à Carciphona en cas de problème. Il était évident qu’il ne devait rien en savoir, surtout s’il organisait une nouvelle attaque, je serai ainsi la seule cible.

- Je vous prie d’excuser encore mon familier, je vous laisse, la tête me cogne encore. Bonne nuitée.

Il acquiesça avant de refermer la porte de sa chambre. J’ouvris la porte d’en face où je retrouvais une Carci cachée derrière son éventail. Une tête dépassa de la cloison pour me lancer des éclairs du regard.

- Tu ne peux pas toquer?! Je sais que tu aimes me voir nue mais je suis prise, il fallait te réveiller avant !
- Pourquoi ne fermes-tu pas la porte dans ces moments là? chuchotai-je pour ne pas nous faire remarquer par notre vil voisin d’en face.
La Saphir se mit à faire de même.
- Au cas où il y ait une urgence grand nigaud ! Tout cela ne t’a pas suffit pour être en alerte?

Elle ressortit de nouveau habillée.

- Pourquoi on chuchote au fait?

J’ouvris la fenêtre pour récupérer un Loupiac paniqué.

- Viens là mon grand, l’accueillis-je dans ma paume. Tu as été un vrai champion ce soir!

L’aventurière me fixa attendant que je lui explique la situation, chose que je fis sans tarder.

- Nous ne pouvions pas espérer mieux que son cristal fêlé, il ne pourra plus communiquer par voie rapide.
- Il va forcément essayer de t’extorquer le mot de passe, tu aurais dû lui dire qu’elle le connaissait … Ça nous aurait réglé un autre problème.
- Plus sérieusement, arrivés à la Capitale il faudra se rendre à la garde avec lui. Nous n’avons rien de concret. Il faut à tout pris éviter qu’il communique avec qui que ce soit, s’il apprend la vérité … Tu t’en charges ?
- Je ne le lâcherai pas d’une semelle.

J’approuvais de la tête.
- Je te laisse, je vais au premier tour de garde. Je ne pense pas qu’il tentera quoi que ce soit seul.

Et j’avais raison, notre retour à la Capitale se fit sans l’ombre d’une entourloupe, Marco nous conduisant toujours par ces chemins de traverse.

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