Par une douce et belle après-midi, j’avais accepté de chasser pour un groupe de marchand que j’accompagnais jusqu’en ville. Ainsi, ce fut avec mon carquois et cinq flèches que je m’étais aventuré dans la forêt avec un seul objectif en tête. Pour une fois, je voulais attraper un gibier sans user de mon pouvoir, ça faisait tellement longtemps.
Après tout, une traque n’est pas drôle si elle est trop simple. Même les animaux méritent d’avoir une chance d’échapper à leurs chasseurs. C’est ainsi qu’après avoir erré une bonne demi-heure, je finis par trouver les traces d'un cervidés. Des empreintes et déjections m’indiquant que l’animal était proche, ma proie fut donc toute désignée. Un vieux cerf, parfait ! Je répugnais à tuer des animaux en pleine force de l’âge, ce n’était pas plus mal et je partais aussi du principe que cela rendrait ma chasse un peu moins complexe que prévu.
Il me fallut pas moins de deux bonnes heures et tout autant de flèches dans un premier temps. Je n’étais pas encore parvenu à toucher un point vital de la bête qui me flairait à cause du sens de l’air. Mon troisième tir fut plus efficace, je m’étais camouflé dans l’ombre d’un arbre et cette fois, mon odeur était bien masquée, l’animal bien que suspicieux de ma présence ne l’avait pas vu venir. En plein dans la cuisse arrière. Cette fois, la traque était presque finie, car il me restait dix bons mètres à faire pour rejoindre l’animal boitillant qui avait rejoint une petite clairière dans sa fuite.
Bon, je sais ce que vous vous dites… « On lui demande une histoire à l’autre-là et il nous parle d’un truc tout ce qu’il y a de plus banale »… À ça, je vous répondrais… Fermer là, j’y arrive.
Aveuglé par la lumière du soleil pendant un court laps de temps, je m’aventurais à mon tour en dehors du couvert des arbres quant à ma grande surprise, il n’y avait plus rien. Ma proie n’avait pas pu rejoindre un des autres côtés de la clairière, il était trop diminuée pour ça. Non, le cerf s’était envolée et à ma grande surprise, je lâchais.
- Eh bien, elle est pas mal celle-là…
En faisant fi de ce que je m’étais promis plus tôt, je fis marche arrière jusqu’à mon point d’entrée pour utiliser mon pouvoir. La silhouette dorée de l’animal m’apparut et je la suivis en ralentissant la scène, tout en m’exclamant à voix basse.
- Bon toi ! Tu étais là. Ensuite, tu es allé là ! D’accord, puis tu t’es arrêté en plein milieu… pourquoi ? D’ailleurs, tu ne regardes même plus dans la direction où je suis censé arrivé, mais dans celle-ci… Oh la vache !!!
Lâchais-je avec un cri d’effroi en voyant la silhouette qui techniquement tenait plus du dragon que de la vache ! Je peux vous dire que même sous la forme d’une illusion, l’animal était assez impressionnant. Rapidement, je constatai qu’il ne s’agissait pas d’une grande race de dragon et cet animal ne se priva pas de me faucher mon trophée pour l'embarquer je ne sais ou. Après réflexion, mon arme la plus effrayante aurait à peine suffit pour faire un cure-dent à la bête. C'est donc avec tout mon courage habituel que je pris une décision en ces termes.
- Eh, bah, il y en a qui ne s’embête vraiment pas… Bon ben, il y a plein d’autres animaux ! Je lui laisse, j’espère qu’il s’étouffera avec les bois !
C’est au moment où je laissais mon agacement s’exprimer qu’un bruit m’alerta dans mon dos. Rapide et vif, je me saisis du couteau à ma botte pour faire face à je ne sais quoi. Avant de rester bouche bée l’espace d’une ou deux secondes. Une femme ? Oui, c’était bien une femme. Je me contentais de me redresser doucement, abaissant mon arme pour lui faire comprendre que je n’étais pas hostile tout en avouant, alors que je me massais la nuque pour me remettre de mes émotions juste après avoir passé mon couteau dans l'autre main qui tenait encore mon arc et une flêche.
- Décidément, est-ce qu’il y a un truc dans cette forêt qui ne va pas essayer de me donner une crise cardiaque aujourd’hui ? Vous vous êtes perdu ou quoi ?
Peut-être mon cri qui l’avait interpellé ? J’admets que j’aurais pu être un peu plus poli… j’aurais pu, cette blague !
Qu’est-ce qu’elle faisait ici, déjà ? Ah oui. Chionée. Son laïum. Enfin… Lorsqu’elle avait encore l’esprit du mercenaire, Inaros, coincé dans le sien, le familier semblait surtout s’être attaché à lui et le considérer comme son propre maître. Avec la sculptrice, rien à faire. Il refusait de l’écouter. Seulement, depuis qu’elle était enfin seule dans son propre corps et qu’elle avait récupéré l’intégralité des souvenirs du criminel et une part de sa personnalité, Chionée réagissait différemment avec elle. Elle en avait donc naturellement déduit que c’était le bon moment pour créer un lien fort et durable avec ce mini-dragon. Nessa, son assistante dans sa boutique, lui avait conseillé de se rendre quelques jours dans la Grande Forêt. Elle était certaine qu’en terrain inamical pour Ivara et Chionée, les deux finiraient par s’entraider et, surtout, s’apprécier et se comprendre davantage. Un peu réticente au début, la sculptrice avait fini par accepter et était partie uniquement accompagnée de la créature à quatre pattes. Elle avait loué une chambre d’auberge, située non loin du Village Perché et en plein cœur de la Grande Forêt, pour quelques jours. Le dépaysement était garanti.
Chionée n’avait, pour l’instant, apprit aucune faculté magique. Incapable d’utiliser son langage ou de communiquer grâce à leurs sens, le familier et sa maîtresse avaient passé une bonne partie de la journée à ne pas se comprendre. Battu durant une grande partie de sa vie, le laïum ne montrait pourtant pas le moindre signe de crainte envers Ivara. Elle se disait que c’était là l'œuvre du mercenaire, qui avait au moins réussi l’exploit de montrer à cette âme innocente que tous les êtres humains n’étaient pas mauvais et ne portaient pas la main sur les autres. En totale contradiction avec son comportement, il arrivait aussi à Chionée de montrer des signes d’affection à Ivara ; surtout lorsqu’elle avait fait une grosse bêtise.
Et, pour faire des bêtises, elle était la mieux placée.
Elle venait d’ailleurs d’en faire une belle. Tandis qu’elles marchaient ensemble dans une partie de la forêt que ni l’une ni l’autre ne connaissaient, Chionée se mit soudain à courir à toute vitesse dans une direction totalement aléatoire. Surprise, la sculptrice se mit à courir derrière elle, à grands renforts d’ordre et de cris pour la sommer de s’arrêter. Mais il n’y avait rien à faire. Elle était bien plus intéressée par ce qu’elle coursait que par les tentatives de la sculptrice pour la dresser.
La blonde perdit de vue sa cible et, de colère, mordilla sa lèvre inférieure avec férocité. Où pouvait-elle bien être ? Derrière ce gros arbre vert ? Ou ce gros arbre vert ? Ou ce gros arbre vert-là ? Tout se ressemblait ici. Elle tritura un instant l’anneau doré qu’elle portait à son index. Il lui permettait de localiser l’objet qu’elle désirait le plus à l’instant où elle l’activerait mais elle n’était pas certaine que Chionée soit considérée comme tel. Que pouvait-elle faire ? À quoi lui servait toute la panoplie d’objets magiques qu’elle trimballait dans son sac sans fond si aucun ne lui était d’une quelconque utilité lorsqu’elle en avait le plus besoin ?
Un cri. Elle se précipita dans cette direction.
C’est alors qu’elle tomba nez-à-nez avec un parfait inconnu. Son ton lui déplut instantanément. Il semblait presque lui reprocher de s’être trouvée ici. Les sourcils de la blonde se plissèrent et elle ajusta le col de la tunique légère qu’elle portait pour se déplacer aisément dans cette chaleur étouffante.
- Et bien je m’y serais probablement mieux prise pour vous donner cette crise cardiaque, souffla-t-elle.
Elle ne s’en rendait pas compte, mais c’était typiquement une réplique que le mercenaire qui avait habité son corps aurait pu sortir. Prudente, elle restait à distance de l’étranger. Que faisait-il ici, seul ? Oh, il aurait pu lui retourner la question, certainement mais elle savait qu’elle avait une bonne raison d’être ici. Elle n’était pas un bandit et, encore plus méfiante depuis qu’elle connaissait certaines de leurs pratiques, elle en venait à se demander si cet homme n’était pas seul pour mieux la leurrer et appeler ses compagnons par la suite. La sculptrice avait une imagination débordante lorsqu’elle était en situation inconnue, inventant mille et un périls.
Et si, tout comme elle, il n’était en réalité qu’un honnête homme s’aventurant dans la forêt en cette douce journée ?
- Je cherche un dragon, grand comme ça, long comme ça… Je ne sais pas trop où elle s’est enfouie. Elle porte un talisman glacial pour la protéger des températures élevées du coin. Vous l’avez vu passer ? finit-elle par avouer, tout en mimant ses mots et bien qu’encore un peu méfiante. Et je pense que je suis perdue, oui. Vous êtes du coin ?
Elle répondit presque instantanément à de nombreuses questions que je m’apprêtais à lui poser en m’affirmant qu’elle était à la recherche d’un dragon. Un dragon "de froid" visiblement au vu du détail de sa description. Étant chasseur, je me devais d’avoir au moins un minimum de connaissance sur la plupart des créatures que je pouvais croiser et entre la silhouette que j’avais vu ainsi que les détails de la dame aux cheveux dorée. Mon cerveau avait dû se mettre à fumer en reflexion.
Cependant, il y avait un détail à ce moment-là que la femme n’avait pas encore remarqué. Le sang au sol, celui du cerf bien sûr, se faire attraper par un dragon laisse des traces et les trois flèches que je lui avais prêtées temporairement aussi. Je compris bien vite à cet instant que j’avais intérêt à me montrer convainquant si je ne voulais pas qu’elle se fasse des idées. Mais j'étais déjà prit au dépourvu par sa question.
- Vu… Euh, d’une certaine façon, on peut le dire.
Je n’étais pas vraiment friand de dévoiler mon pouvoir à la première venue dans une forêt au milieu de nulle part. Donc, je me devais de trouver quelque chose d’autre et vite. Il me fallut plusieurs coups d’œil autour de moi, usant de mon pouvoir en évitant son regard pour repérer un endroit où le dragon aurait posé une patte, un coup de queue au sol ou que sais-je d’autre. La providence me sourit sous la forme d’une belle empreinte de pattes. Je parvins enfin à dire d’une voix un peu plus détendue tout en indiquant une direction avec la pointe de mon arc.
- Je chassais un cerf quand cette bête me l’a raflé. Le temps que j’arrive et cet endroit était vide, enfin, jusqu’à votre arrivé. Pardon, simplement, ça fait deux heures que je lui courais après… C’est un peu rageant, vous comprenez ? Vu ses empreintes, votre animal a l’air d’être parti par-là.
Qu’elle sache que je n’étais pas vraiment énervé, juste frustré, car je savais d’avance que mon caractère ne me rendrait pas service en cet instant. La seconde question fut beaucoup plus simple pour moi, avec un sourire plus serein, je lui confirmais.
- Non pas du tout ! J’accompagne un groupe de marchand qui campe dans un village en bordure de route. Je voulais gagner un peu d’argent avant que l’on reparte en ramenant de la nourriture. Et vous ? Vous n'avez pas franchement un équipement pour traquer un dragon, vous savez ?
En tout cas, tout s'expliqué pour moi, je comprenais mieux la situation et sur le moment, j’en oubliais un détail particulièrement important… J’avais bien dit que je n’avais pas vu la bête et je me remettais à parler tout seul, plonger dans mes pensées. Précisément en ces termes.
- Au début, je pensais que c’était un Ange-dragon, même si j’en ai jamais vu à proprement parler, je sais qu’ils peuvent chasser en forêt parfois, sauf qu’ils sont au moins trois fois plus grand. Mais, si vous me dites qu’il est immunisé contre la température actuelle… Laissez-moi quelques secondes que je réfléchisse.
Sans m’en rendre compte, je détaillais la bête à voix basse avec une plus grande précision que ce que m’en avait dit la jeune femme tout en utilisant mon pouvoir, mes yeux me trahissant probablement, le simple fait de vouloir l’aider avait pris le pas sur le reste. Observant l'animal... ou le vide selon le point de vue de chacun, je finissais par conclure en réunissant toutes les connaissances que j’avais récupérées de mes lectures que le dragon en question était potentiellement un Laïum. En me retournant vers la femme avec un regard redevenu gris, je me risquais alors à une théorie.
- Un Laïum ? Elle devrait refroidir sa nourriture si elle veut la manger non ? Sauf que ce n’est pas son habitat naturel… Aloooors… Elle pourrait chercher un endroit d’où elle pourrait avoir un bon point de vue pour repérer tout danger éventuel. Il y a une clairière un peu plus grande dans cette direction si je me souviens bien, j’y suis passé durant ma traque tout à l’heure. On pourrait peut-être y retrouver votre animal. Dans le pire des cas, je peux parfaitement pister votre dragon tant qu’elle ne quitte pas le couvert des arbres. Retrouver les choses, c'est ma spécialité !
Et puis de toute façon, en usant un peu de mon pouvoir, je n’aurais aucun mal à pister le dragon maintenant que je le savais inoffensif. Chargé avec un cerf, l’animal n’aurait certainement pas décollé bien haut et donc encore dans les champs d’action de mon don. Cependant, j’oubliais un détail à cet instant… La propriétaire du Laïum n’avait pas encore accepté que je l’accompagne.
Merci Lucy, elle n’aurait pas pu mieux tomber. Bien que méfiante de prime abord, elle avait bien fait de se radoucir. Il n’était, comme prévu, qu’un honnête citoyen et non pas quelqu’un qui essaierait de la voler. Il n’aurait probablement pas donné autant de détails sur son familier s’il mentait. Ce dragon n’était pas endémique de la région et il existait probablement des dizaines d’espèces de dragons qu’il aurait pu mentionner avant d’en arriver au laïum. C’était une multitude de petites raisons, dispersées ici et là, qui achevèrent de la convaincre. Elle redevint subitement beaucoup plus souriante.
- Je n’ai jamais eu la prétention de chasser un dragon mais… Votre aide me sera utile. Surtout si vous avez des talents de pisteur. Vous dites vrai, Chionée refroidit toujours sa nourriture lorsqu’elle n’est pas suffisamment glacée. Je crois qu’elle subira… Une forte déconvenue avec cet animal au sang chaud.
Elle s’était relevée entre-temps et s’était approchée du chasseur. Une présentation s’imposait.
- Ivara. Je suis ici pour quelques jours, en vacances, pour passer du temps avec Chionée. Ce qui est un peu… Compliqué, vous vous en serez douté.
Un bref rire lui échappa tandis qu’elle lui présentait sa main afin d’échanger une poignée de salutation. Les rayons du soleil qui réussissaient à passer entre les branches faisaient scintiller les iris de cet inconnu et elle profita de cette proximité pour observer ses traits plus en détails.
- J’espère qu’elle n’aura pas rencontré d’animaux sauvages plus féroces qu’elle, souffla-t-elle finalement en se tournant pour jeter un coup d’oeil aux environs, plus particulièrement dans la direction qu’il avait pointé un peu plus tôt.
Si son instinct de pisteur disait vrai, alors ils avaient toutes leurs chances de retrouver le dragon là-bas, autrement… Il leur faudrait poursuivre les recherches. Mais où ? Chaque seconde qui passait les éloignait un peu plus de Chionée.
- Je vous laisse ouvrir la marche ? Je ne voudrais pas faire de bêtises en marchant sur les empreintes, ou un truc du genre.
Autour d’eux, le silence régnait. La forêt semblait si calme et paisible. Qui aurait pu se douter que d’effroyables créatures s’y cachaient aussi ? Instinctivement, elle posa sa main sur le gantelet de cuir qu’elle portait sur son autre bras. Il contenait sa lame secrète, nommée Plan B, qu’elle était prête à dégainer au moindre problème.
La blonde s’était assise pendant que je réfléchissais à une solution, un petit coup d’œil vers elle me faisait comprendre sa détresse. Ce n’était pas le fait qu’elle était belle ou bien que j’attendais quelque chose d’elle. En toute honnêteté mes amis, je n’ai jamais eu ce genre de prétention. Par contre… pouvoir voir un dragon, un vrai dragon ! De mes yeux ! Pour la première fois de ma vie et ça n’aurait rien à voir avec les dragons miniatures qu’on peut croiser parfois !
En cinq ans d’aventure, je n’avais vu des animaux pareils que de loin, qu’ils soient en captivités, familiers ou sauvages. Elle confirma d’ailleurs mes soupçons, restait plus qu’à savoir si j’avais raison ! Je n’avais pas manqué de rire à sa petite note d’humour, ça faisait du bien après tout, mais dans ce qu’elle me dit, je percutais rapidement sur deux mots qui ne me semblaient pas trop… à leur place au vu du lieu où nous nous trouvions.
- En vacance ? … Enfin bref, appelez-moi simplement Fen. Faut voir le bon côté des choses, au moins vous êtes dépaysés.
Je ne pouvais m’empêcher de prendre la situation avec légèreté aussi, un truc que je tiens de ma chère mère pour garder mon sang-froid. Réagir à l’humour et je confirme que ça peut sauver la vie… Où la raccourcir selon le degré de susceptibilité en face. Lorsqu’elle me parla de créature plus dangereuse que son dragon, je me fis une joie de lui annoncer la bonne nouvelle tout en rangeant le couteau dans ma botte et passant mon arc dans le dos.
- Oh, croyez-moi, s’il y a des créatures plus dangereuses qu’elle ici, c’est un peu plus pour nous que je vais m’inquiéter. Mais je vous rassure, ce coin est plutôt sur, je m’en suis assuré avant de venir chercher du gibier. Du moins… en théorie, mais on sera vite fixé !
Oui, c’était une façon de voir les choses. Je pris rapidement les devants, car c’était bien le seul domaine où j’excellais et j’étais presque heureux de pouvoir en faire profiter quelqu’un d’autre que moi-même. M’assurant qu’elle ne me regarde pas pour utiliser mon pouvoir en gardant un bon laps de temps entre chaque pour me reposer les yeux. Traquer une créature de cette taille au milieu des arbres fut moins laborieux que je ne l’aurais cru… Autant dire que l’animal n’avait clairement pas l’habitude de ce genre de zone. Contrairement à moi qui avait l’habitude des plaines et forêts… Du moins pas les forêts trop denses non plus, mais ici, on était encore relativement dans ma zone de confort et je priais déjà très fort que son bestiau ne s’enfonce pas trop profondément.
En passant sous plusieurs branches basses, j’avoue ne pas avoir fait attention et effrayé un jeune Lapillon qui dormait, son premier réflexe fut de s’enfuir sous le coup d’une petite panique, mais rencontra la tête de la pauvre Ivara aussitôt. Sur le moment, dans un sursaut, je m’étais retourné et mon premier réflexe fut de pouffer en voyant la scène avant de récupérer un petit morceau de viande séché dans ma sacoche pour le jeter un peu plus loin, attirant l’attention de l’animal dessus tout rassurant la jeune femme même si ce n'était pas forcement utile, en brisant le silence.
- Ne vous en faite pas Ivara, ils sont plutôt gentils ceux-là, sa famille doit pas être loin. Je m’excuse pour la frayeur mon petit, je sais ce que c'est ! Régale toi bien !
Au point où j’en étais à voir ma nourriture partir dans le ventre des animaux en ce moment… C’était tellement habituel pour moi, parlé avec les animaux au point de peut-être passer pour un fou. Sauf qu’au bout de plusieurs heures à errer tout seul au milieu de petits animaux en tout genre… Croyez-moi, on est rapidement content d’avoir la sensation que quelque chose apporte un peu d’attention à ce qu’on dit. Encore plus quand des humains en sont incapables ! Mais bref, je reviens à mon histoire ! La clairière n’était plus très loin, du moins l’espérais-je. Cependant, j’avais oublié de demander une chose à Ivara et je m’en rendis compte seulement sur le moment.
- Euh dite ? Vous avez au moins quelque chose pour vous défendre ? Sait-on jamais… question de prudence ? Parce que je vais être honnête, je ne suis pas sûr de faire le poids si on tombe sur quelque chose.
Et encore, j’avais dit ça en restant optimiste, ça, vous pouvez en être certain.
- AAAAAAAAAAAAAAAAH !
Elle hurla en sentant quelque chose s’approcher de sa tête et poussa un soupir de soulagement en constatant qu’il ne s’agissait pas d’une horrible créature tentant de la lui arracher. Fen lui confirma qu’elle n’avait rien à craindre, mais elle s’éloigna rapidement de l’endroit où elle se tenait quelques secondes auparavant pour se rapprocher de lui. Il n’y avait rien de pire que les rongeurs, oh ça non ! Elle les détestait, sûrement autant que les insectes et encore plus quand ils étaient dotés d’ailes pour voler. Elle remit rapidement en place ses cheveux derrière ses oreilles et lissa les plis de sa tenue, sans jeter un coup d'œil à Fen. Plutôt mourir que d’avouer avoir eu un moment de faiblesse. Oh oui, le caractère de la jeune demoiselle n’était pas très simple et elle-même se perdait souvent dans ses propres considérations. Elle releva la tête uniquement lorsqu’il la questionna sur son arme de défense. Ivara pouvait bien admettre que son apparence ne laissait pas non plus penser que ses mains avaient tué bien des hommes de sang-froid, mais tout de même !
- Nous ne sommes plus en l’an 400. Évidemment que j’ai de quoi me défendre. Je n’ai rien d’une damoiselle incapable de survivre ici. Et puis, j’ai même tout ce qu’il faut dans ce sac pour survivre trois semaines s’il le faut !
Elle mentait, parce qu’elle ignorait combien de temps elle pourrait vraiment survivre avec ce qu’elle trimballait dans son sac à dos. Elle lui fit signe pour qu’ils se remettent en marche et elle l’observa avec attention tandis qu’il se dirigeait aisément vers la clairière. Ils ne tardèrent d’ailleurs pas à s’en approcher, puisqu’elle distingua, à une vingtaine de mètres, que l’obscurité ambiante de la forêt laissait place à un puit de lumière.
- Dites-moi, Fen, commença-t-elle, dans l’optique de faire la conversation avant qu’ils n’atteignent cette destination, nous pourrions peut-être regarder en chemin pour que vous… Chassiez. Après tout, je ne voudrais pas que ces gens pour qui vous rapportez quelque chose ne puisse pas manger ce soir. Ou alors me laisserez-vous l’occasion de vous verser quelques cristaux, en compensation ?
Elle savait que l’argent était le nerf de la guerre, et surtout de ce genre d’aide. Rien n’était jamais vraiment gratuit en ce bas-monde et, fort heureusement, sans être foncièrement riche elle n’était pas non plus à plaindre et pouvait se permettre de dépenser ainsi ses finances.
- Vous errez donc, là où ces marchands vont ?
Elle lui jeta un coup d'œil interrogateur et elle en profita pour détailler un peu plus les traits de son faciès. Il était légèrement plus grand qu’elle et sa carrure svelte laissait présager qu’il avait sûrement dû passer plus de temps à l’extérieur en train de chasser qu’à l’intérieur. Elle ne pouvait s’empêcher d’imaginer ce que pouvait être sa vie, tandis qu’ils arrivaient aux abords de la clairière. Malheureusement, il n’y avait nulle trace de Chionée dans les environs… Peut-être trouveraient-ils des indices en fouillant un peu ? Chionée ne portait que son talisman glacial et, s’il se retrouvait arraché ou perdu, nul doute que le pauvre laïum ne ferait pas long feu dans cette atmosphère bien trop étouffante pour lui.
- Chionée ! essaya-t-elle de l’appeler. Seul le silence lui répondit.
Elle tourna la tête vers Fen et haussa les épaules, un peu abattue que son dragon ne se trouve pas ici. Allez, ils avaient encore d’autres endroits à explorer et Fen le pisteur avait peut-être plus d’un tour dans son sac ?
Je me contentais alors de dire oui poliment, avec les banalités habituelles en partant du principe qu’elle devait forcément savoir ce qu’elle faisait. Puis l’instant d’après je me souvenais qu’elle avait quand même réussi à « perdre » un dragon pas si petit. Mais bon soit, de toute façon sur le moment, ce n’était pas mon souci. La charmante blonde venait de me proposer alors que je reprenne ma chasse en parallèle. Cependant, et même si l’idée d’une compensation était alléchante… Je devais admettre que c’était indigne de moi de me retourner de la sorte en demandant quelque chose après avoir simplement proposé mon aide. J’ai des défauts certes, mais qu’une parole. J’embrayais donc sur le vif du sujet.
- Ce ne serait pas une bonne idée, votre dragon n’est pas sur son territoire et risque potentiellement de créer un climat de panique dans la mesure ou la plupart des animaux présents ici n’y sont pas habitué. Ça peut aussi attirer des prédateurs, j’en doute dans cette partie de la forêt, mais par sécurité, je préfère qu’on reste sur l’idée de base et qu’on ne se disperse pas.
Puis j’ajouté avec un petit sourire.
- Et puis, garder vos cristaux. C’est moi qui vous ai proposé mon aide donc, vous ne me devez rien. M’assurer que ce voleur de proie soit entre des bonnes mains est une bonne récompense en soi !
Quand on me connaît, on sait pertinemment que je ne sais pas dire les choses gentiment. C’était un peu ma façon de dire « Je n’allais pas vous laissez toute seule » Sauf que, ce n’est pas mon truc ! Elle me posa une autre question à laquelle je pouvais répondre plus facilement. Après tout, ce n’était pas dur en réalité.
- Oui, c’est moins risqué que de voyager seul sur les routes. Une fois à destination pour eux, je trouverais une autre caravane… Tant que je voyage, moi ça me convient parfaitement et c’est toujours mieux que de faire du pain. Et vous ? Pourquoi de telles "vacances" ? Et d’ailleurs… comment vous êtes-vous procuré un tel animal ? On m’a laissé entendre qu’il était assez rare.
La clairière n’était plus très loin et Ivara me passa devant dans l’espoir de retrouver son dragon, mais nulle trace du reptile. La jeune femme m’observa alors comme si j’allais avoir toutes les réponses en un instant. En réalité, j’en étais capable et désormais, je n’avais plus vraiment le choix. Après un profond soupir, je lâchais d’une voix blasée.
- D’accord, on en est là. Si jamais je tombe dans les pommes, vous pourrez me rattraper. Je me suis déjà cogné sur une pierre une fois et bon sang ce que ça peut faire mal au reveil !
Le picotement dans mes yeux lors de l’activation de mon pouvoir m’indiqua facilement que mon iris venait de passer du gris au doré, elle n’aurait aucun mal à voir que j’usais de ma petite magie. La silhouette du dragon m’apparut rapidement, il s’était posé sur le sommet d'un petit talus naturel pour dévorer sa proie, la carcasse en partie froide était simplement masquée par les hautes herbes, mais désormais parfaitement visible en s’approchant. Tout en observant le reste de la scène, je commentais.
- Il était ici, en train de se goinfrer, enfin… non… Avant il crachait du feu ? Ou… autre chose ? Enfin, bref ! Visiblement, il a effrayé un troupeau plus loin qui ne l'ont pas vu avant de s'aventurer ici et s’est mis à les suivres. Là-bas ! Il est parti là-bas !
Je pointais du doigt un coin de la clairière, on pouvait alors facilement voir en se concentrant que les branches s’étaient violemment fait écarter au niveau du sol jusqu'a 1 voir 2 bon mètres de hauteur. Plusieurs animaux et un gros à leur poursuite. Cependant, ma fatigue se cumulait et il me fallait un peu de repos avant de pouvoir réutilisé pleinement mon pouvoir, facillement quelques mintutes déjà. Je me tenais avec un pouce posé sur une tempe, le reste des doigts sur le front au moment où je désactivais mon pouvoir. Le champs d’action était trop large et trop d’info m’apparaissait d’un coup, impactant mon endurance habituelle, ce cumulant à toutes mes utilisations antérieurs même si elle était courte et entrecoupé de petit temps de pause. Cependant, on savait au moins par où aller.
- On est reparti, priez pour qu’il ait attrapé une autre proie, ça pourra le ralentir. C’est bon, j’ai encore de la marge en ce qui me concerne pour le suivre, mais je ne pense pas tenir la journée à ce rythme. Tout ce que je peux vous dire, c’est qu’on est à moins de dix minutes de lui maintenant. Enfin, en gros.
D’un signe, je l’invitais donc à me suivre vers les ouvertures qui désormais me sautaient au visage. Les empreintes de plusieurs bêtes au sol, sûrement d’autres cervidés, le même troupeau d’où venait celui que j’étais parvenu à isoler un peu plus tôt venait confirmer mes dires.
- C’est une longue histoire, finit-elle par répondre tandis qu’ils terminaient leur exploration visuelle de la clairière. Je l’ai trouvée… Dans des cuisines. Elle était le familier du chef. Mais il la maltraitait. Alors, je l’ai puni et Chionée s’est plus ou moins attachée à moi.
Elle préféra esquiver les questions quant à la « punition » qu’elle avait pu réserver à cet homme, et elle se garda bien de stipuler qu’elle avait dû, à l’origine, voler le collier décoratif qui habillait le cou du laïum pour le redonner à une riche employeuse de criminels. Ce n’était pas tout à fait elle qui avait fait ça, c’était lui. Elle n’y était pour rien et elle s’était surtout retrouvée avec une ménagerie de plus en plus grande sur les bras. Bientôt, il lui faudrait sans doute acheter une maison et délaisser le petit appartement qu’elle occupait au-dessus de son commerce. Ses compagnons avaient besoin d’espace pour s’épanouir.
- … Tomber dans les pommes, mais… ?
S’interrogeant sur ce qu’il pouvait bien signifier par là, elle le laissa néanmoins faire et se hâta de réduire la distance qui les séparait, jusqu’à être suffisamment proche de lui pour le rattraper si jamais il tombait inconscient. Prête à réagir au quart de tour, elle fut intriguée en voyant ses iris virer au doré. Comprenant qu’il utilisait son pouvoir, elle resta ébahie de longues secondes. Aryon avait doté chacun de ses habitants d’un don particulier, et elle était toujours émerveillée d’en constater la diversité. Elle comprit rapidement comment agissait le sien. Elle ne savait pas comment, mais il paraissait voir où Chionée s’était rendue quelque temps plus tôt.
- C’est fantastique…, se murmura-t-elle, incapable de savoir si dans cet état Fen pouvait l’entendre.
Elle n’aurait, décidément, pas pu mieux tomber et, durant un court instant, elle se demanda si Lucy ne s’était pas mise à l'œuvre pour placer le chasseur sur son chemin. Ils reprirent ensemble les recherches, suivant des empreintes et des indices qu’ils n’avaient pas remarqué au premier coup d'œil.
- Vous êtes sûr que c’était bien elle ? - comme s’il allait y avoir d’autres laïums perdus dans cette forêt. J’veux dire… Oui, oui, bien sûr. Vous savez que c’était elle. Mais elle ne crache pas de feu ! Ou alors elle m’a caché cette particularité. Je ne suis pas sûre que les dragons de son espèce en soit capable… Mais je la connais si peu, je ne la savais même pas chasseuse…
Peut-être était-ce pour ces raisons, que ça ne fonctionnait pas très bien entre elle et Chionée ? Ivara devait peut-être faire attention à plus s’ouvrir à son familier et la laisser s’exprimer ? Ils s’enfoncèrent dans les bois et, au bout de quelques minutes, elle s’exclama.
- Des traces de sang, là !! Oh !!
Sans pouvoir attendre plus longtemps, elle se mit à courir dans cette direction et, apercevant une forme familière, elle s’écria :
- Hé l’glaçon ! Lâche ça ! Tu vas t’faire du mal !
Chionée, puisque c’était elle, releva la tête et poussa un petit cri de joie en voyant sa maîtresse s’avancer vers elle et semble, surtout, réagir au surnom par lequel elle l’avait apostrophée. À ses pattes, un autre cadavre de biche. Elle écarquilla les yeux. Chionée aurait-elle pu être impactée par l’attitude violente et meurtrière du mercenaire, au point de vouloir la reproduire ?
- Fen ! Feeen ! Elle est là ! Elle a… Elle a attrapé une autre biche, je suis désolée…
Elle fit signe à Chionée de s’approcher et l’animal, visiblement déjà satisfait d’avoir accompli ses méfaits, s’exécuta en délaissant le cadavre déjà entamé. Fort heureusement, il avait toujours son pendentif et Ivara poussa un soupir de soulagement. Elle se retourna pour adresser un sourire à son compagnon du jour.
- Je crois que tout est en ordre. On peut peut-être… Je suis pas sûre que ce soit en bon état pour vous et vos camarades…
Elle devrait, sûrement, conduire le laïum dans le centre de soin pour animaux le plus proche à cause de cette nourriture ingurgitée. Elle n’aimait pas beaucoup cette attitude de sa part.
A vrai dire, ce n’était pas très dur de faire moins mouvementé que moi pour être honnête. Vous savez pertinemment que je ne cours pas après les coups du sort de toute façon et que ce sont plus souvent eux qui me tombe dessus. Quoi qu’il en soit, je vous mentirais si je disais que la seconde partie de son récit me déplut. Pour moi qui adore les animaux, savoir qu’elle n’avait pas hésité à prendre la défense de l’animal me fit même plutôt plaisir. Cependant, je ne savais pas l’avouer et me contentai d’une énième phrase un peu sarcastique. Je n’essayais pas d’être méchante ou contre elle, plutôt de simplement détendre l’atmosphère, maladroitement.
- Attachée à vous ? Mon constat sur le terrain diverge un peu, sans offense.
Après quoi, j’entrepris l’éreintante tache d’utiliser mon pouvoir, non sans avoir prévenu mon interlocutrice des risques qui pendaient au-dessus de ma tête. Rapidement, je remontais la piste de l’animal, une vraie sale bête, il se jouait littéralement de moi et j’avais même la sensation qu’il me narguait. Bon, peut-être que mon esprit me jouait aussi des tours dans cette histoire, mais ce n’est pas une raison ! Lorsqu’elle avoua que c’était fantastique, mon ego ne put s’empêcher de prendre le dessus, tout en prenant une voix pas peu fière.
- Oui, je sais ! C’est tout moi ça !
Trêve de plaisanterie, je reprenais ma tâche aux sérieux en observant la scène et rapidement, Ivara me fit part de son avis. Son dragon ne crachait pas du feu ? Possible, mais j’étais certain de ne pas avoir halluciné, enfin, j’avais certes des visions, mais elle était véridique… Des … Des Verisions ! Ah laisser tomber !
- Ben, vu la température de sa carcasse, ce n'est probablement pas du feu. Elle doit préférer les pains de glace au cerf visiblement. Mais si vous m’avez dit qu’elle craignait les températures ambiantes, j’imagine qu’un animal encore chaud ne doit pas être de son goût non ? Bref, allons-y avant de perdre sa trace.
La chance avait voulu qu’on ne mette pas autant de temps qu’il en aurait fallu. Alors que j’étais concentré sur des empreintes et que je remontais la piste de l’animal, Ivara le repéra rapidement et l’invectiva rapidement. J’admets qu’elle savait bien s’imposer face au dragon qui pouvait décemment l’ignorer si l’envie lui en prenait, ce qui ne fut pas le cas, je vous rassure. Rassuré, je m’étais dit qu’on avait clairement évité le pire. La blonde fit d’ailleurs rapidement un constat qui aurait pu en d’autres circonstances me faire grincer des dents, mais je ne sais pas pourquoi… je me suis senti obligé de la rassurer un peu.
- Bah, j’aurais d’autres occasions de ramener des peaux et de la viande. Ce n’est pas une grande perte, le principal, c’est que votre dragon soit en sécurité… pour le bien de tout le monde, je pense.
Rapidement, j’affichais un sourire plutôt amusé, car j’avais une vague idée de la suite du programme, mon instinct ne me tromper que très rarement. Je commençais à marcher au ralenti vers l’endroit d’où je venais, lui laissant ouvertement le temps de m’arrêter et en appuyant bien évidemment la situation avec mes propos.
- J’imagine que je peux vous laisser désormais. Au milieu de nulle part. Seule avec votre dragon. Sans guide.
Évidemment, que je blaguais, car en me retournant une dernière fois, je lui fis part de mon amusement par le biais d’un sourire. J’avais vu un dragon, un vrai ! Comme ça, sans passer par la case des vendeurs d’animaux dans les rues de la capitale. Donc, Ivara avait largement payé sa dette envers moi. Alors je lâchais d’une voix plus sérieuse, une proposition, un service de ma part pour la remercier, de façon détournée.
- Remarqué, je saurais peut-être plus facilement retrouver mon chemin si j’étais accompagné par une femme errant dans ses bois, probablement perdue et accompagné d’un dragon qui ferait visiblement un bon garde du corps en cas de soucis. Vous connaissez une personne comme ça ?
Ses réflexions furent interrompues par le chasseur, à l’instant même où elle repéra une des écailles de son dragon sur le sol. Elle se baissa pour la ramasser et s’apprêtait à répliquer pour le remercier une nouvelle fois, lorsqu’il fit demi-tour en affichant un large sourire. Il était très communicatif, puisque son visage ne tarda pas à en afficher un à son tour. Elle fit semblant de chercher autour d’elle, avant d’arrêter son petit manège.
- Je pense que nous sommes toutes les deux désignées ! T’en dis quoi, Chionée ? Ce gentil chasseur m’a aidé à te retrouver. C’est grâce à lui qu’on ne te retrouve pas…
Et si une autre bête sauvage était dans les environs ? Est-ce que c’était ça que Chionée essayait de lui dire ? Est-ce que ce que Fen avait vu pouvait être interprété différemment ? Elle préféra chasser ces pensées de son esprit. Désormais elle n’avait plus qu’une envie : quitter cette forêt et rentrer à l’auberge.
- Et puis, je pense bien que, sans l’aide d’un chasseur pouvant voir autre chose que ce qu’il a sous les yeux, on ne réussira pas à rentrer.
Sourire complice, regard pétillant de malice. Elle s’empressa de rejoindre Fen à sa hauteur et lui désigna l’écaille de Chionée qu’elle venait de récupérer. Le laïum sembla comprendre qu’il fallait bouger, mais il n’avait quand même de cesse de donner des petits coups de museau dans le dos d’Ivara.
- Bon, Chionée ! On ne va pas aller jouer. On va rentrer. Ce sera beaucoup plus sûr. Pour nous deux.
Parce qu’Ivara n’avait pas envie d’aller voir ce que Chionée voulait lui montrer. Même si elle pouvait se défendre, elle n’avait pas envie d’entraîner son compagnon du jour dans une péripétie mortelle. Et puis, elle ne savait pas où elle était et, ni elle ni Chionée ne seraient en mesure de les ramener à bon port.
- Excusez-la, j’ai l’impression qu’elle veut m’emmener là-bas mais comme vous n’avez pas l’air de vouloir partir là-bas, je suppose que c’est pas la bonne direction.
Elle haussa les épaules avant de tendre délicatement ce qu’elle tenait entre ses mains à Fen. Il s’agissait de l’écaille qu’elle avait ramassé, quelques instants plus tôt.
- Tenez… Vous ne voulez pas de cristaux mais vous pourrez peut-être tirer un bon prix de cette écaille. Je crois qu’elles sont assez rares, par ici.
C’est en voulant faire signe au laïum de les suivre qu’elle se rendit compte qu’elle boitait. Inquiète, elle s’arrêta pour aller examiner la patte de son dragon.
- Décidément, nous n’allons jamais sortir de cette forêt, dit-elle.
Elle aurait aimé plaisanter, que ce ne soit pas vrai, sortir d’ici. Chionée était blessée et elle n’avait rien vu, rien ne tournait bien rond. Elle caressa affectueusement la tête de son familier, tout en lui murmurant qu’elle devait être forte pour marcher avec eux. Avec une telle végétation, impossible pour elle de voler pour se mettre à l’abri plus rapidement avant d’être rejointe par Ivara pour qu’elle l’emmène se faire soigner.
- Mettons-nous en route. Plus vite on arrivera et mieux ce sera.
- Je n’ai pas besoin d’une seconde vue pour savoir que vous n’allez pas pouvoir vous rendre bien loin sans moi.
Avouais-je avec amusement. Cependant, les réactions de son dragon avaient le don de m’interpeller un peu et petit à petit, un puzzle se mettait doucement en place dans ma tête. D’après vous messieurs/dames, pourquoi un animal chasse-t-il ? Pour se nourrir ? Oui très bien, c’est un peu la base. Par prédation ? Aussi, bonne réponse. Pour s’amuser ? Non rarement, certains animaux oui, les chats notamment, mais là, je doutais que le dragon voulait simplement jouer vu qu’il avait achevé le cervidé trop rapidement. Pour… Chasser … ? Je ne vous connais pas très bien vous, mais vous pouvez sortir s’il vous plaît !
Enfin ! On a l’essentielles des bonnes réponses, Chionée était clairement un prédateur dans cet environnement, mais pourtant, il n’avait pas autant touché à son repas que ce que sa taille aurait dû supposer. C’est en tout cas ce que je remarquais alors qu’Ivara me coupa dans ma réflexion en me tendant une écaille de dragon, de son dragon. Sur le moment, je devais sûrement avoir l’air fin avec mon air un peu décontenancé par la surprise et mon impossibilité à aligner trois mots surtout en la regardant dans les yeux. Non ! Je n’ai pas rougi ! Ok !!! … Enfin un peu…
- Euh … Ben … C’est trop…
Ivara retourna s’occuper de son animal, me laissant un peu de temps pour retrouver de la contenance et reprenant le fil de mes pensées en serrant l’écaille dans ma main. Soudain, tout devint clair… Du moins en partie, Chionée avait pris un risque en s’attaquant à un cerf en bonne santé alors qu’elle avait déjà un cadavre d’un autre cervidé à sa disposition, pourquoi ? Elle ne boitait pas de ce que j'avais vu avant d'arrivé la. Je me risquais à émettre une hypothèse alors que la blonde m’invita à partir.
- Non, attendez. Quelque chose ne colle pas là, je veux dire. Ma proie de tout à l’heure était relativement facile à attraper vu qu’il s’agissait d’un cerf plutôt vieux et probablement malade. Votre dragon s’est jeté sur un autre animal bien portant et n’avait pas touché à l’autre vieux au-delà de la charpie qu’il en avait fait avec ses pattes… Chionée voulait clairement une viande de qualité, mais là encore, c’est bizarre. Elle n’a pas autant mangé que ce qu’elle devrait, du moins, vu son gabarit, le cerf n’aurait même pas dû faire plus que quelques bouchées. Elle n’a pas non plus fait ça par plaisir de la chasse, sinon, elle aurait fait durer la traque.
Je devais admettre qu’un bon mal de tête se profilait à l’horizon.
- Je ne m'y connais pas autant en dragon, mais si je me base avec d’autres comportements que j’ai vu chez d’autres animaux. Je ne peux pas juste croire qu’elle est dépassée par son environnement, non, c’est forcément autre chose.
Et voilà que ma curiosité reprenait le dessus lorsque je lâchais d’une voix songeuse.
- Il y a une bonne raison pour qu’elle tienne tant que ça à aller là-bas. Les animaux ont souvent tendance à en savoir beaucoup plus que nous. Donc, je pense qu’on devrait au moins allé voir.
À ce moment-là, j’avais la sensation de voir un loup qui avait juste pris assez à manger pour retourner dans le terrier de sa louve afin d’y régurgiter de quoi nourrir ses petits. Chionée avait fait vite, prit juste ce qu’il fallait et c’était clairement pour aller dans la direction qu’elle indiquée à sa maîtresse désormais. J’étais encore loin de me douter qu’elle avait eu une très bonne raison de faire tout ça à ce moment-là, quand je proposais à Ivara d’une voix plus détendu tout en vérifiant que mon couteau était bien aiguisé avant de le remettre dans ma botte.
- Vous aviez raison sur un point… On ne va jamais sortir de cette forêt à ce train-là. Mais si votre animal décide d’en faire qu’à sa tête encore une fois, on va perdre beaucoup plus de temps à la retrouver qu’en allant voir directement la source du problème.
Un point de vue plutôt défendable en somme.
- Vous avez raison. Et puis, quelle maîtresse serais-je si je n’écoutais pas un peu plus cette bestiole ? Hein ma belle.
Chionée ne les comprenait sans doute pas, son esprit était celui d’un animal et non pas d’un être humain même si c’était un familier. Pourtant, elle semblait presque hocher la tête de haut en bas pour exprimer son accord… Ou pour obliger Ivara et Fen à observer une direction bien précise. Instinctivement, Ivara fit sortir la lame de son gantelet et la plaça en deuxième position. Le poing fermé sur la garde de cette courte épée, elle était prête à se défendre et planter quiconque viendrait.
- Vous ne pouvez pas refaire votre truc ? Pour qu’on puisse en savoir… Un peu plus ?]
Un grognement se fit entendre à ce moment précis.
Elle fit un signe de tête à Fen, pour qu’il la suive, tout en plaçant son index contre ses propres lippes, chuchotant un bref « Shhhht ! ». Prudemment, pas à pas, le trio s’avança donc vers l’endroit pointé par le museau de Chionée quelques minutes plus tôt. Elle n’entendit pas d’autres bruits. Tout était redevenu silencieux… Jusqu’à ce qu’elle perçoive le sifflement d’une respiration. Sourcils froncés, regard interrogatif, elle regarda Fen un court instant avant de se concentrer une nouvelle fois que cet étrange bruit.
- Vous entendez ça…? chuchota-t-elle, encore.
Ils avaient bien avancé, au moins une quinzaine de mètres et, pourtant, elle n’entendait rien. Il lui semblait bien qu’elle devait voir quelque chose, surtout avec ce qu’elle entendait et Chionée qui n’arrêtait pas de la pousser du bout du museau pour qu’elle fasse tantôt demi-tour, tantôt qu’elle avance de nouveau. Le laïum paraissait même commencer à s’impatienter d’avoir une maîtresse qui ne voyait rien.
Ce qui fit voler en éclats la patience d’Ivara.
- Mais enfin Chionée ! Tu vois bien qu’il n’y a rien ! C’est pas la peine de… AAAAAAAAAAAH ! Y’a du sang ici ! Mais qu’est-ce que…?
Elle releva précipitamment le pied, consciente d’avoir marché sur quelque chose ou quelqu’un. La texture avait été indescriptible et, lorsqu’elle regarda sa chaussure, elle était couverte de sang. Son sang-froid reprenant le dessus, elle se pencha aussitôt pour toucher, avec ses mains cette fois, ce qu’elle avait touché. C’était froid, étrangement froid. Elle avait la sensation que ses mains traversaient de…
- … la brume, marmonna-t-elle, les yeux écarquillés.
- Une maîtresse qui aurait perdu sa bestiole deux fois d’affilé le même jour, je dirais, non ?
Avouais-je en m’amusant de sa remarque. Je tournais la situation à l’humour plus pour cacher mon sentiment d’insécurité grandissant à l’idée de ce que nous pourrions rencontrer dans cette forêt. Ivara me demanda si je pouvais refaire mon truc comme s’il s’agissait d’un simple tour de passe-passe. Malheureusement, je me devais de hocher la tête négativement.
- Entre la dépense en énergie et le fait que ça ne marche pas aussi simplement. Non désolé.
Je rageais intérieurement de mes limitations, car il m’avait fallu bien des années avant d’accepter que ce fût ainsi. Elle n’y pouvait rien, c’était dans ma nature, de ne pas assumer mes faiblesses. Par chance ou malchance, je n’eus pas le temps de me prendre la tête, car un grondement se fit entendre au bout de plusieurs mètres. Ivara ne mit pas longtemps avant de se rendre compte de quelque chose. De la brume ?
- Nom de… d’un Laïum… Ivara ! En arrière !
La brume semblait se condenser peu à peu et une tête en surgit peu à peu. Mon premier réflexe fut de saisir Ivara par une épaule pour l’attirer en arrière par peur d’une attaque. Mais l’animal qui apparaissait semblait beaucoup trop faible pour tenter quoi que ce soit et s'éffondra au sol. D’un regard observateur, je cherchais déjà à comprendre le pourquoi du comment ? Un Mist ? Ma mère m’en avait parlé, elle avait vu un plusieurs fois, selon elle ce ne sont pas des animaux qui se matérialise comme ça devant des humains.
- Il est blessé ? Des animaux l’ont attaqué ? Mais pourquoi tu ne t’es pas enfui ?
Ma réponse ne mit pas longtemps avant de m’être dévoilé. La partie arrière de son corps était prise dans un étrange câble… J’en avais vaguement entendu parler, un objet assez rare et coûteux capable d’empêcher une partie du corps de changer de forme. Il fallut cependant que j’utilise mon pouvoir pour comprendre cela puis ensuite l’expliquer à Ivara.
- C’est… Il est tombé dans un piège. Cette espèce de corde l’empêche de se transformer complétement en brume tout en lui cisaillant doucement la peau pour le saigner… Il est trop faible pour se défendre car d'autres animaux sont parvenu à s'en prendre à lui sans pour autant le toucher car... Chionée l'a protéger. C’est un piège horrible mais ingénieux. Il piège et saigne l’animal pour l’affaiblir afin de venir le cueillir ensuite sans lui causer trop de dommage avec un combat à la loyal. Un Mist doit valoir cher, j'imagine, donc ca serait des braconniers qui ont fait ça ? Je vais remonter plus loin pour ... Aie !
Ma vision choisis ce moment pour me faire défaut et se brouilla. Je fermais les yeux un petit moment, encaissant des picotements pas très agréable. Malgré tout, ce n’était clairement pas le moment de faiblir. J’observais alors Ivara avec mes yeux redevenu gris et probablement rougis par l’usure de mon pouvoir.
- Peu importe ! On ne peut pas le laisser comme ça. Vous pourriez dire à votre dragon d’amener la nourriture qu’il a chassé ? Ce serait un bon début non ? Il faut qu’il reprenne des forces… Et il faut arrêter ce saignement. Je pense que les coupures ne doivent pas être profondes et avec un cataplasme, ça devrait suffire s’il ne reprend pas trop rapidement sa forme de brume.
Je me mis alors à créer une cuve dans la terre avec mes mains avant toute chose, ôtant presque aussitôt ma cape pour la jeter sur des branchages avec le coup de chaud que je prenais. La situation me semblait tellement improbable que je ne savais pas exactement comment réagir. J’essayais de réfléchir, mais dans un premier temps, il fallait hydrater l’animal et faire d’une pierre deux coups en récupérant la boue pour faire un cataplasme. L’intégralité de ma gourde d'eau fini alors dans la cuve de fortune juste sous le nez de l’animal blessé qui plongea le bout du museau dedans dès que je m’étais éloigné. Une bonne chose de faite. Maintenant le câble.
- Une idée pour couper cette foutue corde ? Je suis pas sur d'y parvenir avec ma dague...
Elle semblait assez solide pour retenir un jeune Mist, donc j'avais l'espoir qu'Ivara avec son arme serait plus éfficace.
- Chionée, je sais que c’est ce que tu voulais faire, l’aider. T’es vraiment brave. Elle caressa la tête du laïum, avant de poursuivre. Maintenant, on a besoin que tu nous ramènes ce que tu avais pris pour lui. Tu peux faire ça ? Aller chercher ce… Ce que t’as chassé ? Tu comprends ? Tu me comprends ? Arf, si seulement j’avais pris Néa avec moi…
Un peu d’aide supplémentaire à la communication n’aurait pas été de refus mais, étrangement, Chionée sembla comprendre ce qu’elle voulait dire et elle alla, aussi vite qu’elle le pouvait avec ses blessures, quelques mètres plus loin pour récupérer le fruit de son labeur. La sculptrice ne perdit pas une seconde supplémentaire et sortit sa lame pour essayer de couper le lien qui retenait le dragon.
- Si elle ne le coupe pas, j’avoue que j’vois pas ce qui pourrait l’faire. J’l’ai faite moi-même, avec une précision extrême et… Enfin, qu’importe. J’vais pas parler de ça maintenant.
Et pourtant, elle en aurait été capable. Elle avait mis beaucoup de cœur dans cet ouvrage qui était unique. Enfin, à sa connaissance. Elle ne connaissait pas beaucoup de personnes capables de manipuler le verre et encore moins de personnes ayant eu le droit au même enchantement que le sien concernant la densité de ses créations. Il lui fallut de longues secondes pour réussir à couper la corde. Le mist était trop blessé pour réussir à s’enfuir et il semblait comprendre que les deux humains étaient là pour l’aider. Petit à petit, il avait cessé de gigoter dans tous les sens. Peut-être que la présence du laïum était aussi encourageante pour lui. Chionée venait de revenir avec son butin et elle le glissa délicatement près de la gueule du mist.
- Bravo championne ! Fen, vous vous y connaissez en dragon ? Vous savez comment on peut le soigner ?
En réalité, il était déjà à l’ouvrage et Ivara en apprit beaucoup simplement en le regardant faire. Elle se contentait de garder sa main posée sur le corps de trois mètres de long du mist. Quelques caresses, de quoi l’apaiser si l’animal était réceptif à ses gestes. De fatigue sûrement, il finit par cesser de lutter et ferma les yeux.
- Qu’est-ce qu’on va en faire ? demanda-t-elle en tournant la tête vers Fen, mordillant sa lèvre inférieure de stress. Il faut absolument prévenir la garde si des braconniers sont dans les parages. Peut-être même qu’ils vont bientôt passer pour venir voir l’état de leurs pièges ! Pauvre bête…
Chionée était restée près de la tête du mist et elle semblait presque veiller sur elle.
- Chionée, réveille-le. On va pas pouvoir s’attarder ici toute la nuit et ce mist doit rejoindre sa tannière… Ou qu’importe où ces choses vivent. Puis, se tournant vers Fen pendant que le laïum semblait la comprendre et donnait des coups de tête au mist, elle ajouta. Et on va peut-être enfin pouvoir rentrer…
Déjà nourrir l’animal, lui redonner des forces. Le libérer ensuite ? Ce serait peut-être plus prudent de le libérer avant ? Non ? J’avoue que cette éventualité ne m’avait traversé l’esprit que quelques jours plus tard en réalité. Le Mist se calmant peu à peu, comprenant qu’on ne lui voulait probablement pas de mal. Puis une question fut posée, la pire dans le contexte selon mon point de vue, est-ce que je m’y connaissais en dragon ? Un rire maladroit se fit entendre malgré moi.
- Non pas du tout, j’en ai vu quelques-uns de loin et un de près… Enfin deux maintenant.
Dis-je en indiquant le dragon d’Ivara puis le Mist. Cependant, l’anatomie d’un dragon n’était pas sensiblement différente de celle d’un autre animal. Je me basais aussi sur mes compétences de chasse. Les braconniers n’avaient sûrement pas conçu ce piège pour qu’il puisse tuer le Mist et avait sûrement fait en sorte de pouvoir lui administrer des soins légers pour qu’il s’en sorte. Je n’en étais qu’au premier soin en ce qui me concerne, mais de mon point de vue, ça suffirait. D’une voix plus rassurante, j’admettais.
- Mais j’ai grandi à la campagne et beaucoup aidé les fermes autour de chez moi. Lorsqu’un cheval ou un bovin revenait blessé pour x raison. On utilisait ce genre de cataplasme en espérant, ce n’est pas grand-chose, mais c’est tout ce qu’on pouvait faire, car personne n’avait vraiment des compétences poussées pour soigner les animaux et dans 9 cas sur dix, ça suffisait. Venait m’aider ! On va devoir faire vite avant que ça ne sèche !
Demandais-je à Ivara. Lui indiquant qu’il suffisait d’appliquer le cataplasme sur toutes les plaies qu’elle pourrait voir. Une fois notre travail achevé, je n’avais qu’une crainte, est-ce que le pansement tiendrait si le dragon décidait de se changer en brume… D’ailleurs, saignerait-il encore sous cette forme ? Quoi qu’il en soit, il était encore un peu trop faible. J’eu un rire jaune à la seconde remarque d’Ivara.
- Ils ne feront pas grand-chose, je le crains. Seul les chasseurs et les habitants locaux pourraient intervenir, mais la forêt se trouve être beaucoup trop grande en réalité, c’est un terrain de chasse rêvé pour les braconniers de ce genre même si c’est la première fois que je vois un piège aussi élaboré.
Avouais-je en récupérant des morceaux du câble qui avait retenu le dragon captif. Il fallait de toute façon s’en aller désormais et ne pas laisser le Mist ici.
- Vous pensez que Chionée est capable de le prendre sur son dos ? On va le transporter avec nous. S’il se réveille et s’en va, tant mieux. Sinon, il sera toujours plus en sécurité avec d’autres humains que tout seul ici.
Ce qui était plutôt vrai, au moins, on ne risquait pas de s’en prendre à lui s’il restait avec des personnes n’ayant aucun intérêt à le chasser. Une fois que nous avions trouvé un moyen de le transporter, je retrouvais rapidement mes repères et indiquant le chemin, j’ouvris la marche. Cependant, nous n’avions pas eu besoin d’aller bien loin, car l’animal fini par se réveiller et rassemblant la force du désespoir, s’évanouit dans les feuillages après avoir mis un petit moment pour réaliser ce qu’il s’était passé. Je crois me rappeler que c’était une des premières fois où j’avais eu un sourire vraiment sincère en observant la scène. Admettant alors.
- Eh bien, finalement, ça valait le coup de me faire voler ma proie aujourd’hui, qui l’aurait cru.
Puis en observant Ivara et son Laïum, je proposais d’une voix plus détendue.
- Je vous ramène à la sortie de la forêt, ou ça va aller pour vous ?
Quoi qu’il en soit, après avoir trouvé un moyen de transporter l’animal
- Qu’importe si la garde ne peut rien y faire, il est de notre devoir de citoyen de les avertir.
C’est bien parce que, ce jour-là, elle se sentait plus Ivara qu’Inaros qu’elle disait ça. Le mercenaire en elle aurait ri de l’entendre dire une chose pareille. À ses yeux, la Garde était un ramassis de branquignoles, tous plus incompétents les uns que les autres. Particulièrement lorsqu’ils étaient issus de la noblesse.
- Par contre, nous acceptons volontiers votre aide pour sortir de cette forêt. Vous avez l’air de bien la connaître lui dit-elle avec un grand sourire aux lèvres.
Le mist était parti, sans un autre regard pour les humains qui l’avaient soigné. Qu’il comprenne ou non ce qu’il s’était passé, l’important était qu’il n’était plus dans le piège des braconniers. Chionée était revenue aux côtés de sa maîtresse, qui caressait distraitement le haut de sa tête en regardant Fenrir rassembler ses affaires pour qu’ils puissent prendre le chemin du retour.
- Si vous êtes encore dans le coin quelques jours, n’hésitez pas à passer à l’Auberge des Aguapies. J’y loue une chambre pour encore quelques temps. Et…
Elle s’interrompit quelques instants, le pied empêtré dans une ronce qu’elle n’avait pas vu. Elle s’en dégagea rapidement, revenant aux côtés du chasseur qui les guidait vers la sortie de la forêt.
- … Et vous pourriez peut-être encore nous servir de guide. D’ailleurs, je peux… On peut se tutoyer, non ?
Elle avait relevé des yeux interrogateurs vers lui, en profitant pour mémoriser les contours de son faciès et les marques distinctives qu’il portait sur lui pour pouvoir mieux le reconnaître s’ils étaient amenés à se recroiser. La journée avait été riche en émotions et il leur fallut encore une paire d’heures de marche avant de pouvoir arriver à destination. Ivara s’étira longuement, demandant à Chionée de venir la rejoindre pour vérifier sa patte. Lorsqu’elle avait pu, la jeune laïum avait plané mais avec les arbres, ça n’était pas très évident. Désormais, elle avait un peu plus d’espace pour le faire. Ivara se tourna vers Fenrir.
- Nous pouvons retrouver notre chemin à partir d’ici. L’auberge est par là ! Merci pour ce que tu as fais. Oh… Si tu ne peux pas repasser à l’auberge et que vous devez partir… Imaginons que tu es de passage à la Capitale, n’hésite pas à passer à L’Atelier. Il est sur la place commerçante, rue des crabes. Tiens, je te note ça sur un bout de papier si tu veux.
Chionée, elle, s’était approchée de Fen et, après l’avoir reniflé, lui donna un coup de tête amical pour lui dire au revoir. Ivara sourit à cette vue et leva la main pour faire un dernier signe à Fen.
- À bientôt l’chasseur !