- Ma tante va commencer à s’inquiéter si je ne reviens pas bientôt. Pensa Tessia en remarquant l’heure tardive.
Dans son assurance et insouciance habituelle, la cuisinière progressa dans les ruelles de la ville, persuadée d’être sur la bonne voie. Elle marchait tranquillement, Tessia se rappelait vaguement du chemin qu’elle avait emprunté plus tôt et prit malencontreusement quelques détours, qui rallongèrent sa route vers son domicile. Soudain, la campagnarde arriva au milieu d’un croisement qu’elle reconnut, l’une de ses branches était en fait un escalier qu’elle se rappelait avoir gravit plus tôt dans la journée. La jeune femme descendit les marches précipitamment, elle levait légèrement sa robe de sa main gauche afin de ne pas se prendre les pieds dedans, tandis que de sa main droite elle tenait un panier remplit de fraises. Partie toute la journée, Tessia en avait profité pour se procurer les fruits rouges afin de cuisiner une tarte pour sa tante et la remercier de l’avoir accueillie chez elle. Arrivée en ville la veille, la campagnarde s’était tout de suite parfaitement entendue avec la sœur de son père, qui affirmait vouloir l’héberger jusqu’à ce que la jeune femme trouve un travail. Les pensées ailleurs, Tessia dévalait les marches de l’escalier, elle réfléchissait à la nouvelle vie qu’elle allait mener dans la capitale, au rêve qu’elle avait promis de réaliser, mais aussi à son village qu’elle avait abandonnée … Quand tout à coup, en posant son pied droit une marche humide qui venait à elle, la jeune femme sentit sa semelle glisser vers l’avant. Se sentant déséquilibrée, Tessia s’arrêta soudain sur un seul pied, attrapa à deux mains son panier pour ne pas perdre une seule fraise. Elle avait tellement hâte de préparer une tarte pour sa tante, que la cuisinière était prête à risquer une chute pour préserver le précieux contenu de son panier. Mais debout sur un seul pied, l’autre en avant en plus de ses mouvements de panique, cela acheva l’équilibre précaire de sa position. La campagnarde tomba sur ses fesses avant de dégringoler la dizaine de marches qui restait à parcourir, elle tenta de ralentir sa chute avec son pied gauche mais sans grand succès.
- Aïe ! Aïe ! Gémit doucement Tessia, sentant la douleur provenant de son postérieur endolori.
Deux enfants se moquèrent de la cuisinière en la voyant tomber sur ses fesses et dévaler ainsi l’escalier, ils la laissèrent plantée ainsi avant de partir en éclatant de rire. Tessia s’appuya sur le mur d’une maison pour se redresser et sentit les picotements dans sa cheville gauche. La jeune femme ne se laissa pas démonter, elle ignora les deux garnements et la douleur, c’était une fille de la campagne et elle en avait vu d’autre. Heureusement le contenu du panier semblait intact ...
Chute de fraises.
Il était tard, mais il était à la fois tôt. Dernièrement, tu avais beaucoup de travail à faire et rare était les fois que tu avais la chance de quitter ton cabinet avant la tombée du soleil. Aujourd’hui, c’est avec un soupir de soulagement que tu quittes enfin tes papiers avant la tombée de la nuit. Il faut dire que c’est toujours plus plaisant de pouvoir se promener dans la capitale lorsque celle-ci est encore un peu vivante. L’air est rempli d’odeur variée, les tavernes sont ouvertes, mais pas encore pleines à craquer. Certaines familles ont déjà mangé, d’autre prépare encore le repas. Tu vois des enfants encore à l’extérieur profitant de leur jeunesse. Tu ne t’ennuies pas vraiment à être un enfant. Tu entends parfois tes collègues se plaindre de ne plus avoir autant d’énergie qu’avant. « On n’a plus vingt ans. » Tu n’as peut-être que 24 ans, mais tu n’as jamais été quelqu’un avec énormément d’énergie lorsque tu étais plus jeune. Pourquoi aller courir dans les bois lorsque tu peux lire ?
Tu n'es pas particulièrement pressé de retourner chez toi, mais tu ne prends aucun détour. Tu connais le chemin vers ta demeure par cœur. Ton pas est ni lent ni rapide, mais il est égal. Enfin, c’était avant que tu entendes les enfants rire et courir et que ton regard se pose sur la jeune femme au sol. Ton cerveau analyse la scène en moins d’une seconde. Elle devait avoir tombé des escaliers. Même à l’extérieur de ton cabinet, tu restes un docteur. Il ne serait pas étique de laisser la jeune dame seule sans au moins lui demander si elle va bien. Tu accélères le pas et cherches du regard des blessures. La cheville te saute aux yeux. Il va être difficile de marcher sur celle-ci pendant un moment.
« Bonjour mademoiselle. Je m’appelle Lovis et je suis docteur à l’astre de l’Aube. Vous semblez être blessé, est-ce que je peux vous aider ? »
Tu n’en dis pas plus et tu ne la touche pas. Tu attends un peu pour jauger sa réaction. Peut-être s’est-elle blessée à la tête. Et puis ce n’est pas tout le monde qui aime se faire approcher par des étrangers. Tu lui offres un sourire chaleureux tout de même pour la rassurer.
« Est-ce que votre cheville vous fait mal ? Avez-vous mal ailleurs ? »
Tu te doutes que si elle a tombé des escaliers elle doit avoir d’autres blessures. Vu son état, elle ne semble pas avoir déboulé l’escalier entier. Une chance. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que tu traites un patient pour ce genre de chose. Ce passage est redoutable durant la saison froide. Lorsque les marches sont couvertes d’une fine couche de glace, cet endroit devient un vrai danger. Et lorsqu’il pleut, les marches deviennent glissantes. Peut-être faudrait-il faire quelque chose pour éviter d’éventuelles blessures ? Sûrement, mais pas maintenant.
« J’ai des baumes et des bandages qui peuvent aider. »