Je crois que j’en avais perdu mes mots, alors que mon visage était devenu aussi livide que la neige qui couvrait le sol de la Forteresse. J’avançai les mains sur le comptoir avec plus d’aplomb qu’à l’accoutumée, dévoilant une facette de moi-même que je ne me connaissais pas. Il y avait des choses qu’il n’était juste pas possible de ne pas prendre en compte, même si Lucy avait décidé de nous mettre des bâtons dans les roues.
Brasier et Lystoir rampèrent sur mon crâne s’étant fait de mes mèches dorées un perchoir qu’ils devaient trouver bien confortable, à mon grand désarroi. Soit, au-delà de mes deux gloobies invasifs, le problème était ailleurs.
“Tu-... Tu veux dire que...”
Satané bafouillage, j’étais un cas désespéré lorsqu’il s’agissait d’aligner deux mots. Une catastrophe. Mais je laissai rapidement de côté mes propres tracas en secouant la tête nerveusement.
“Comment ça Ivan est alité ?”
C’était tout bonnement impensable lorsque l’on voyait la carrure du vieil homme qui ne souffrait d’aucun mal. D’autant plus qu’il n’était pas du genre à s’impressionner pour quoique ce soit. Je me passai une main sur le visage, alors que notre voisin tentait désespérément de me calmer. Je mourrais surtout de savoir ce qu’il avait pu se passer.
“Il s’est fait attaquer par un cerberus sur le chemin d’une livraison.”
J’en restais pantois. Un cerberus ? Sur les routes qui menaient jusqu’aux villages ascendants à la Forteresse. C’était juste impensable, et habituellement bien trop protéger pour que les civils puissent se faire attaquer si ouvertement. Après une pause suffisamment longue, le temps d’assimiler la situation, je me laisse temps d’assimiler la situation, je me laissai tomber sur une chaise.
“Mais ne t’en fais pas, il n’a rien de grave, enfin. Quelques fractures, mais tu le connais, dès qu’il pourra bouger le bras, tu le verras de nouveau ronchonner à la forge.”
Un léger rire nerveux secoua mes épaules, ils allaient probablement devoir l’attacher à son lit pour ne pas qu’il s’échappe entre deux changements de service. Je pouvais déjà l’entendre hurler de là où j’étais. En revanche, le fait qu’un cerberus soit en liberté prêt à attaquer à la moindre occasion, ne me laissait pas indifférent, et si Ivan avait eu de la chance, ce n’était pas sûr que d’autres plus fragiles aient cette chance.
Réarmant sur mon épaule la bretelle de mon sac, j’accrochai chaque sangle de mon armure avec attention.
“Je vais aller voir.
- C’est dangereux, tu ne devrais pas y aller seul.
- Je vais juste vérifier la situation, répondis-je avec un sourire peiné. Ne t’en fais pas j’ai de quoi me défendre.”
Peut-être qu’avec l’approche de la saison chaude, certains s’éloignaient des territoires de leur clan pour se reproduire. Une fois mon épée précieusement accrochée à ma hanche, je pris la direction de l’extérieur. Sans m’attendre à ce qu’une silhouette ne vienne interrompre mon avancée à travers la neige qui avait bien diminuée. Le froid était moins mordant, et le soleil nous éclairait de ses rayons chaleureux.
“Je suis navré, la boutique est fermée pour quelques jours.”
Relevant la tête, je découvris sans peine l’aventurier qui était venu il y a maintenant quelques lunes dans notre forge pour réclamer une nouvelle armure. Sachant qu’il prenait soin de mon amie lorsqu’ils disparaissaient en quête, je lui offris un sourire timide.
“Nous pourrons voir ça à mon retour si cela ne te dérange pas ? Sia n’est pas là aujourd’hui, non plus.”
Et le borgne pense que c'est son jour de chance tandis qu'il finit de traverser la Forteresse pour trouver sa destination. Adam finit tout juste de passer la porte, c'est donc le moment parfait pour lui poser les questions qui lui viennent en tête à propos de sa tenue et de sa résistance au chaud pour les semaines à venir, ainsi que lui demander conseil sur ce qu'il peut bien recommander. Levant la main pour le saluer, il se fait toutefois interrompre par l'air particulièrement concentré pour ne pas dire concerné de l'armurier, et surtout par ses paroles. Sia pas la, la forge fermée quelques jours. Arquant un sourcil, l'aventurier baisse la main pour demander d'un ton un peu plus interrogatif qu'il ne l'avait initialement prévu.
-"Voir la forge vide ? Ce n'est pas quelque chose dont je suis habitué je dois dire, je suis même surpris que Sia soit sortie d'elle même. S'est-il passé quelque chose que tu fermes quelques jours boutique ?"
Se rendant compte que ses paroles peuvent être prises comme une incitation à forcer l'armurier à ouvrir de nouveau malgré sa déclaration, le blond croise les bras sur son plastron en rajoutant bien rapidement d'une voix un peu plus amicale. Après tout, Adam est son armurier et l'ami de Sia, et le blond n'oublie pas qu'il est chroniquement timide. Un tel barrage de question peut facilement le rebuter, bien involontairement de la part du borgne.
-"Non pas que ce soit grave, tout le monde a besoin de se reposer et mes demandes peuvent bien attendre quelques jours. Mais tu as néanmoins l'air particulièrement soucieux, s'est-il passé quelque chose ?"
Finissant sa phrase, le regard d'acier glisse rapidement sur l'homme aux capacités de métamorphe, remarquant l'épée qui ceint sa taille et sa tenue qui ressemble plus à celle de quelqu'un partant en mission qu'allant simplement livrer une commande. Sans être réellement surpris de ce fait -après tout, Sia fait exactement la même chose a mêler travail artisanal et quêtes pour la Guilde-, ce détail pique la curiosité de Sileas qui se demande bien ce qu'il a pu ainsi rater pour justifier une fermeture complète de ce lieu qui semble pourtant vivre en continu, a tel point qu'il est difficile d'en faire partir les occupants pour les forcer à se reposer...
“Rien de grave, Sia est partie quelques jours pour profiter de la Forteresse avec sa sœur.”
Et ça lui faisait du bien de quitter les fours de la forge pour penser à autre chose de temps en temps, sa présence était agréable, mais à force de tenir son marteau, elle s’épuisait. Je resserrai la prise autour de la bretelle de mon sac légèrement pensif, devais-je expliquer la raison de la fermeture de la boutique à un client. Dans le fond, il avait le droit de savoir.
“Ivan a été blessé, il ne peut s’occuper des commandes, et...”
Léger mensonge, mais crier sur les toits que j’allais me confronter à une bête visiblement agressive ne me semblait pas une bonne idée. D’une part, parce que je ne voulais pas qu’on puisse croire que j’étais assez vaniteux pour donner l’impression que j’étais un aventurier orgueilleux, et d’autre part, parce que je ne souhaitais pas me lancer dans des explications sur les raisons de mon départ.
“Et nous sommes en rupture de matériaux pour pouvoir faire la moindre commande. Alors...”
J’inspirai longuement, j’étais très mauvais menteur, et mes baragouinages incessants ne m’aidaient à rendre mon histoire plus crédible.
“Alors, j-je vais...”
Incapable de trouver une excuse valable, je baissai les épaules, vaincu par ma propre incohérence.
“Je vais trouver la créature responsable de l’état d’Ivan.”
J’étais un cas désespéré, et Calcilia me reprochait assez souvent mes incertitudes lorsque je devais m’affirmer. Je fis taire le énième soupir qui manqua de m’échapper, avant de relever la tête vers l’aventurier, détaillant sa carrure avec attention. Parfois je regrettais de ne pas posséder une telle assurance, alors que je repris en passant une main incertaine derrière ma nuque.
“Je ne sais pas encore quand je vais pouvoir revenir, et Ivan est alité jusqu’à la prochaine lune. Il faudra donc attendre que Sia puisse revenir, mais je suis pressé par l’urgence. Je suis navré. Si c’est urgent pour toi, je peux te recommander d’autres établissements qui pourront t’aider.”
Navré de lui imposer mon départ, je m’inclinai respectueusement, alors que Brasier s’était glissé sur mon épaule pour observer le nouvel arrivant. Je glissai mes doigts sur son crâne pour lui offrir une légère caresse avant de rouvrir la porte.
“Tu restes ici, c’est trop dangereux.”
Je le vis remuer nerveusement en m’offrant un regard digne d’une diva, mais il ne rechigna pas lorsque je tendis mon bras vers l’intérieur. Il rampa jusqu’à se trouver dans le bâtiment alors que je refermai à nouveau la porte.
Un peu mal à l’aise, ne sachant pas si je pouvais partir, j’inclinai la tête.
“J-je vais y aller alors... Bonne journée.”
-"Ivan a été blessé ? J'ose espérer qu'il se remettra rapidement. Qu'est-ce qui l'a agressé ?"
L'armurier n'en dit pas plus concernant l'agresseur de son maître. Il veut partir sur le sentier de la guerre pour venger cette blessure, et le blond est obligé de le comprendre, il en aurait fait de même. Après tout, ce n'est pas le dernier a malencontreusement riper avec sa lame quand l'adrénaline ou la colère prend le pas sur le reste. Bien trop gentil, le renard lui offre même la possibilité d'aller voir la concurrence. Un léger rire échappe à l'aventurier qui finit par attendre que son artisan se débarrasse de ses familiers avant de lui répondre.
-"Non, cela peut attendre encore quelques jours, tant que c'est fait avant que je parte pour le Désert. Mais maintenant il y'a quelque chose de plus important à régler. Je ne vais pas te laisser partir seul affronter je ne sais quelle créature pour venger ton maître. Je comprends totalement le pourquoi, mais Sia me tannerait le dos à coup de marteau pour t'avoir laissé partir ainsi."
Lui qui pensait avoir au moins quelques heures, voir jour de répit. Voici que même son artisan attitré part en mission. Quand Lucy veut quelque chose, c'est assez clair. Réfléchissant quelques secondes en passant une main dans son sac sans fond, Sileas se rend compte qu'il a tout ce qu'il lui faut pour enchainer sur une nouvelle mission, si besoin il est. Et si jamais Sia revient avant qu'ils en aient fini, eh bien, difficile de se dire qu'elle lui reprochera d'avoir ainsi veillé sur son ami et avoir assuré la sécurité de son armurier. Après tout, si il se fait blesser voir tuer, qui pourra bien lui faire l'armure parfaite qu'il compte enchanter ?
-"Je compte bien à ce que tu me dises tout ce que tu sais sur cette créature, et si tu es prêt à partir je compte bien t'accompagner. Ce sera plus rapidement réglé comme ça, et au moins tout le monde aura l'esprit tranquille. Je suis quand même curieux de ce qui a pu ainsi forcer Ivan à se reposer. Il donne toujours l'impression de pouvoir regarder la fatigue droit dans les yeux et la faire partir pour continuer sa tâche."
Eh non, clairement, il ne compte pas laisser tomber le morceau si rapidement. Dommage pour Adam qui souhaitait surement avoir son calme.
“C-C’est dangereux.”
Oui Adam, et c’était l’exacte raison pour laquelle il te proposait son aide. J’avais parfois l’envie d’écraser vulgairement la main sur mon visage pour oublier à quel point j’étais doué pour faire des gaffes. Je baissai mon regard au milieu de mes traces de pas dans la neige avec la certitude que le monde finirait par m’oublier si je me faisais discret, mais c’était sans compter que certains avaient des arguments valides à revendre.
J’étais tout de même un solide aventurier, la passion de l’art de l’épée allait au-delà de mes compétences au marteau. Mais sûrement que je donnais l’impression d’être trop frêle pour réussir à me donner une image d’un combattant affirmé.
Finalement, je me décalai sur le côté afin de lui laisser la place pour qu’il m’accompagne sur le chemin.
“Il a été attaqué par un cerberus, ma voix s’était faite soudainement plus fluette, murmurant les quelques mots avec conviction. Je veux juste m’assurer qu’il ne s’attaque pas à d’autres voyageurs. Je ne suis pas inquiet pour Ivan, on le reverra bientôt derrière son fourneau.”
Et cette simple idée me fit brièvement sourire. Oui, le forgeron était un homme aguerri par le temps, je n’avais pas besoin de m’inquiéter pour lui, ni même d’essayer stupidement de le venger. Il serait le premier à m’en arracher les yeux. Mais s’il ne s’était pas retrouvé dans un état plus grave que quelques fractures, c’était que la créature n’était peut-être pas si agressive qu’il n’y paraissait.
Traversant les derniers remparts de la ville, je m’arrêtai tout de même sur le chemin pour m’alourdir de quelques victuailles afin de m’assurer pleinement de mon voyage. Une fois les cristaux échangés, je me tournai vers l’aventurier, non sans un léger sourire.
“Tu as tout ce qu’il te faut ?”
Je le laissai s’affirmer et préparer ce dont il avait besoin avant de reprendre le chemin en direction des glaciers. Marchant d’un rythme soutenu malgré le manque cruel d’oxygène, je traversai le sentier.
“Tu étais venu pour quelles raisons ? L’armure ?”
Armure qu’il portait toujours fièrement, et je n’en étais pas peu fier. C’était toujours agréable de voir que mon travail était reconnu. Mes inquiétudes, elles, avaient fini par s’évaporer alors qu’avec le temps, je réussissais à faire valoir pleinement mes talents.
Je ne sus combien de temps nous avions mis à parcourir l’immense décor neigeux, alors que j’essayais tant bien que mal de tenir une conversation pour ne pas paraître impoli à son regard. Et même si Sileas donnait l’impression d’être assez taciturne, il n’en demeurait pas moins agréable de compagnie. Parfois, nous passions des moments sous des longs silences, sans que ceux-ci ne puissent paraître dérangeant. Je comprenais que Sia apprécie passer du temps à ses côtés.
Se rendre jusqu’au village voisin ne prenait pas plus de quelques heures, j’imaginais que le passage régulier des marchands devait effrayer les créatures environnantes, et ça aurait dû être le cas de ce cerberus. Probablement solitaire.
Cette histoire me tournait inlassablement en tête. Et si un enfant était blessé ? Il fallait vite mettre cette histoire au clair, quitte à ce qu’Harald ne revienne m’enguirlander parce que j’étais encore parti me fourrer dans des problèmes.
Je secouai brièvement la tête pour me défaire de cette idée. J’y réfléchirais plus tard lorsque le moment serait venu. Je m’arrêtai quelques secondes en faisant un signe à l’aventurier. Loin des habitations humaines, il y avait sûrement plus de chances que la créature nous tombe dessus. Entamant ma transformation, des oreilles duveteuses apparurent au sommet de mon crâne, et j’eus la sensation qu’un voile flou se dessina devant mon regard. Je serrai un peu les dents, la transformation était toujours aussi douloureuse, mais au moins l’environnement me semblait plus accessible désormais.
Ma queue remua fièrement dans mon dos, et je fis signe à l’aventurier que j’étais prêt à repartir. Du moins, jusqu’à ce qu’un grognement, suivi de quelques couinements ne fassent redresser mes oreilles. Elles tiquèrent quelques secondes et je levai la tête pour essayer de discerner d’où venait ce bruit.
À la place, je pus apercevoir une masse sombre s’approcher de nous, la neige crissant sous ses larges pattes. Tassé sur lui-même, il était prêt à bondir dans notre direction.
“Pourquoi il est si proche de la route... ?”
-"Un cerberus ? Un seul ? C'est particulier, ces animaux tendent à bouger en meute. Peut être un mâle qui cherche à se faire son propre groupe, mais en ce cas, pourquoi avoir attaqué un humain ? Il doit être particulièrement affamé -mais en ce cas, il n'aurait surement pas laissé Ivan partir-, ou perturbé pour s'approcher de routes aussi visitées et bruyantes."
L'échange est ponctué de leurs arrêts pour qu'Adam finisse de préparer son inventaire. Le borgne lui n'achète rien, ayant déjà pratiquement tout dans son sac. Ou plutôt, il pourrait acheter de nouvelles rations, mais son départ pour le Désert le fait hésiter. Après tout, rien ne dit que ses rations habituelles seront utilisables ou assez rafraichissantes pour tenir la bas, et il n'a nulle envie de dépenser des cristaux en une nourriture qui passerait bien trop rapidement et qui finirait par pourrir dans son sac.
-"Tu fais bien, si il s'attaque sans raisons à des hommes une fois, rien ne dit qu'il ne recommencera pas. Et oui je venais pour l'armure. Je sais pas si Sia t'en a parlé, mais nous allons bientôt partir pour le Désert, et j'aurais aimé une petite vérification pour voir si tout est bon pour une telle expédition, et surtout si tu avais des conseils sur son entretien une fois la bas. Le sable étant particulièrement abrasif et insidieux, je crains un peu de finir par avoir envie de tout arracher car j'aurais des grains brulants dans les vêtements."
Les heures passent ainsi, entre conversations et silences. Les deux vont très bien à l'aventurier, qui apprécie néanmoins les efforts fournis par Adam, lui même essayant d'en faire pour ne pas trop le bousculer dans ses habitudes. Déjà qu'il souhaitait voyager seul, si en plus il lui impose une présence particulièrement insupportable, ce serait un comble.
Les talents animaux d'Adam sont toutefois en cet instant bien plus utiles que les sens particulièrement limités du borgne. Et grâce à eux, la recherche n'est pas particulièrement longue, un grognement se faisant bien rapidement entendre. Sileas n'hésite pas et attrape son arme, pointe sur l'avant. Si le cerberus tente de lui sauter dessus, il n'hésitera absolument pas à activer l'une des runes de son arme pour s'assurer d'un combat bref et sans risques inutiles. Quelques pas lents le rapprochent d'Adam pour qu'il puisse savourer sa couverture, alors qu'il siffle entre ses dents sa réponse.
-"Il ne chasse pas, il ne nous aurait pas prévenus autrement. Cela veut donc dire que soit il a fait de cet endroit son territoire, soit il protège quelque chose... Et si proche de la route, je serais peut être plutôt du second avis."
D'un léger signe de la tête, le blond fait signe à son comparse de reculer lentement, hors de la route, sans jamais quitter du regard l'animal sauvage qui continue de les menacer de ses grognements. Le chien a trois têtes les suit sur quelques mètres, avant de finir par tourner à son tour, semblant préférer rester à la lisière de la forêt. Fronçant les sourcils, le combattant cherche à comprendre ce qu'il peut bien ainsi vouloir défendre ou protéger avec tant d'ardeur, soufflant de nouveau quelques mots.
-"Tu as de bien meilleurs sens que moi, tu arrives à voir ou sentir ce qui pourrait le pousser à agir ainsi ? Nous avons aussi toujours la possibilité de l'éliminer ou de le neutraliser au besoin... C'est toi qui a voulu t'occuper de cette affaire, je suivrais donc tes préférences."
J’étais tenté de sortir mon épée, mais dans le cas présent, ça n’aurait sûrement qu’empirer l’état défensif de la créature, et je ne tenais à devoir tâter de ses crocs avant de découvrir les raisons de sa présence sur les lieux.
“La neige couvre la plupart des odeurs...”
Mes oreilles remuèrent à leur tour pour saisirent la moindre opportunité qui nous apporterait les réponses sur la présence de ce cerberus sur les lieux. Je baissai les yeux sur le sol, attentif au moindre changement dans l’air, puis ce qui devait arriver, arriva. Une odeur de charogne me parvint, hérissant les cheveux dans ma nuque.
« Ça sent la mort... Murmurai-je faiblement. Juste derrière lui. »
C’était maintenant une certitude, il y avait quelque chose qu’il ne voulait pas qu’on approche, c’est alors que je crus discerner une lueur qui m’était bien trop connue dans le regard de la créature. Je n’en étais pas certain, ma vision étant bien trop mauvaise pour que je puisse hautement le clamer à voix haute.
Je fis alors un pas en avant, et le canidé se tassa sur lui-même prêt à bondir. Il émit un hurlement assourdissant avec l’une de ses têtes massives, les autres claquant de leur crocs dans un concert tonitruant. Mes oreilles, elles durent s’aplatir sur mon crâne pour étouffer ses lamentations.
Réagissant à l’impulsion magique qui s’étendit à travers mes doigts, Astrid s’allongeant comme une interminable extension de mon corps. Tant pis pour les dégâts, je n’avais pas le temps d’y penser, j’étais rapide, sûrement suffisamment pour qu’il ne me happe pas dans sa mâchoire meurtrière.
« Je dois aller voir, soufflai-je plus pour moi-même que pour Sileas, mais suffisamment fort pour qu’il m’entende. »
Les liens d’acier fusèrent à travers le vent, maintenant la créature immobilisée. Il se débattait, je le ressentais à travers les vibrations de la chaînes, seulement avant que je ne m’élance, un gémissement de la créature m’arrêta. Il reflétait un désespoir qui m’avait saisi jusque dans la poitrine, et je ne pus traverser cette barrière invisible qu’il maintenait comme s’il protégeait un territoire défendu.
L’étreinte se relâcha, le tentacule d’acier se rétracta jusqu’à moi, et je levai la tête en direction de l’aventurier. Incertain, je m’avançai vers la créature qui semblait avoir repris de l’aplomb. Il grogna davantage, comme un dernier avertissement avant l’attaque.
« Il n’est pas sauvage, finis-je par souffler. »
Il sauta alors dans ma direction, mon corps réagit au quart de tour. Aussi incroyable que cela puisse paraître, je n’avais pas tant perdu à m’entraîner durement à l’académie. Il claqua des crocs dans le vide, l’esquive avait été fluide, simple. Un taureau fonçait toujours droit. Pourtant, ma main gantée trouva sa place au milieu de la fourrure épaisse.
« C’est ton maître que tu gardes derrière toi c’est ça… ? »
Aucune réaction avant qu’il ne s’affaisse dans la neige. Il devait être épuisé à force de veiller sur le cadavre de son maître, tiraillé par la faim, mais incapable d’abandonner la fidélité qu’il avait juré à cet homme qui n’était plus.
Un trait fila, sifflant dans l’air avant de se planter à mes pieds.
« Faut buter le monstre ! Entendis-je hurler. »
-"Je te couvre alors. Tu as raison, ce Cerberus se comporte étrangement. Je n'aurais rien contre l'éliminer immédiatement, mais tu sembles vouloir découvrir le fin mot de l'histoire."
Astrid se montre fort utile pour immobiliser la créature qui s'énerve encore plus, finissant même par attaquer. Mais l'hybride évite d'un geste vif, et Sileas ne peut attaquer sous peine de prendre le risque de le blesser au passage aussi. La lame se retrouve pointée pile vers l'une des têtes du monstre, parée à s'activer et cracher l'une de ses lames d'air. La confirmation sur l'origine de l'animal finit par tomber, et un léger soupir échappe à l'homme.
-"Ce n'est pas une surprise. Mais ça m'inquiète un peu tout de même, car il n'a pas des réactions logiques. Fais attention à ta main."
Mais plus de peur que de crainte tandis que la créature s'affale au sol, suivi rapidement d'un trait qui lui fait redresser la tête et le corps pour échapper un grognement de ses trois gueules. Le Cerberus est toutefois épuisé, et plus qu'agacé d'avoir ainsi vu un trait si proche de celui censé entretenir et réparer son armure, le borgne pivote d'un geste souple pour faire tournoyer Orthos entre ses doigts. Un second projectile file, avant de finir brisé en plein vol par le tranchant de la lame. Face à lui, un trio de chasseur qui, si il était encore il y'a quelques secondes plein de vigueur, semble désormais bien plus hésitant. Sans pour autant cesser de maintenir leurs arcs bandés vers le monstre et Adam, l'un d'eux crie.
-"Pourquoi vous protégez cette créature ? Elle est affaiblie, il faut en profiter pour l'achever ! Elle a déjà attaqué plusieurs de nos marchands !"
Sileas cligne des yeux et fait un effort, grognant alors qu'il sort de cette transe méditative dans laquelle il a du plonger de manière un peu trop précipitée. Durant un instant, ses sens sont perdus et il vacille légèrement en contrecoup, avant de se reprendre. Abaissant légèrement son arme pour montrer qu'il ne veut pas de mal à ce groupe, il s'approche d'un premier pas, puis un second.
-"Je sais que cette créature a attaquée plusieurs marchands. Nous sommes aventuriers, et la raison de notre présence est justement une attaque signalée par un marchand revenu à la Forteresse. Mais c'est un animal domestiqué qui essaye juste de protéger son maître qui est mort."
Un raclement de gorge et un reniflement lui répond, alors que le chauve qui semble servir de chef se rapproche d'un pas à son tour, arc toujours bandé. L'air particulièrement peu commode il laisse échapper entre ses dents.
-"Domestiqué ou non, vous avez vous même la preuve qu'il est intenable ! Il faut l'éliminer tant qu'il est encore temps, et débarrasser tout le monde de ce fardeau ! Son cuir et sa viande serviront à rembourser une partie de nos pertes."
Bien sur l'argent, toujours de l'argent. Se sentant pousser des ailes, l'un des sbire profite de la distraction pour bander son arc et préparer son tir. Le souffle du blond s'accélère soudainement alors qu'il voit très bien où le trait va partir, et le dédain complet du chasseur pour la vie d'Adam qu'il risque si aisément de toucher. Le trait part, la hampe d'Orthos claque sur ce dernier. Si le projectile n'est pas brisé sur le coup, il vient finir sa vie contre un tronc, alors qu'un nouveau grognement échappe au combattant d'avoir du encore une fois si rapidement forcer son état. Et si il ne souhaite pas blesser les chasseurs, cette fois son arme commence à tournoyer dans le vent, laissant échapper des sifflements de plus en plus intenses. Hélas, dans un tel état, il ne peut que difficilement parler, et il faudra surement qu'Adam s'occupe de calmer les tensions certaines qui se font sentir, entre ces hommes qui veulent se rembourser sur le cadavre de l'animal -voir de son maître-, et Sileas qui préfère éviter qu'on tire sur son artisan local...
Je n’étais pas quelqu’un de très bavard, ou encore très courageux, la preuve en était que j’avais tout abandonné pour ne pas confronter père, seulement, les injustices faisaient peser en moi un sentiment désastreux qui faisait se serrer ma poitrine lasse. Mes pieds se plantèrent alors profondément dans la neige alors que je relevai la tête pour quitter la pauvre créature du regard. L’élocution était mon défaut, mais je ne pouvais pas laisser cette histoire s’envenimer, et manquer de planter mes crocs dans la gorge de l’un de ces hommes.
Aussitôt, je fis barrière de mon corps pour la créature qui peinait de toute son âme à se redresser. Une inspiration Adam. Tu n’avais besoin que de ça pour réussir à t’exprimer enfin.
“J-je vous demande de retourner sur vos pas... Nous nous cha-… Chargeons du cerberus.”
Evidemment, d’un talent qui m’était propre, mon élocution était un désastre monumental. Mais j’étais sûr de moi, ils ne toucheraient pas un poil de cette créature. Pas sous mon regard. Mais visiblement, les rires tonitruants des chasseurs me firent bien comprendre que je n’avais impressionné personne. Ma main manqua de s’écraser contre mon visage. Je pouvais le comprendre, alors que je butais sur tous les deux mots. Mais soit, c’était aussi à leur désavantage de me croire si inoffensif.
“Bouge du milieu gamin, sinon, je t’empale avec la créature. On aura qu’à dire que c’est un accident.”
Je n’étais jamais mort de honte, l’humiliation était un quotidien auquel j’avais échappé auparavant. Elle ne me touchait presque plus. Astrid s’étendit dans mon dos, remuant comme une queue métallique mortelle, puis elle fendit l’air. L’arc tomba sur le sol en miettes, son porteur étant maintenu par la chaîne à la gorge, sans qu’il ne puisse s’en défaire.
“Re-reculez ! Réclamai-je d’un ton autoritaire.”
Cette fois-ci, l’un d’eux fit un pas en arrière, mais pas l’autre qui dégaina son épée, et une décharge électrique fusa à travers mon arme. L’homme tomba inerte sur le sol, seulement inconscient, mais ça leur permettrait de réfléchir à l’avenir s’ils s’essayaient à nous menacer davantage. J’étais plus que sérieux. Astrid rampa jusqu’à moi, avant de s’immobiliser dans l’air. Je souhaitais arrêter les frais pour aujourd’hui.
“Nous allons ramener ce cerberus avec nous, et vous allez passer votre chemin.”
Mais l’avertissement ne suffit pas alors qu’une lance s’était pointée dans ma direction, la distance se réduisant jusqu’à ce que la pointe de l’arme ne vienne rencontrer la peau de ma gorge. Je la repoussai du revers de ma lame avant qu’elle ne m’atteigne. Et avant qu’il ne puisse m’atteindre de nouveau, je saisis la hampe d’une main, la tirant d’un coup sec pour lui faire perdre son équilibre. Ce fut mon poing qui accueillit son visage.
“Tu peux appeler ça de la légitime défense si tu as des problèmes, mon chaton.”
Je relevai la tête en direction de la voix familière qui se rapprochait de nous. De surprise, je lâchai l’arme de mon adversaire qui recula, chancelant. La silhouette d’une femme se dirigea vers nous, et je sentis ses bras entourer mon crâne.
“Adam, ça fait longtemps ! Tu vas bien ?”
J’étouffai, mais je me contentai de hocher vivement le crâne pour lui faire signe que j’allais bien en effet. Pris dans le combat, je ne m’étais même pas aperçu de sa présence. Elle s’était toujours montrée discrète mais le fait que je ne la perçoive même pas prouvait que je manquais réellement d’attention.
Puis elle releva la tête vers mon compatriote blond, qu’elle salua d’un grand mouvement de la main.
“Tu as l’air d’aller bien aussi.”
Elle haussa brièvement son épaule en me relâchant, mais avant que je ne puisse complètement me soustraire de son étreinte, elle me colla un vif baiser sur la joue.
“Je suis fière de toi. Tu as encore quelques progrès à faire, mais j’ai espoir que tu finisses par te faire entendre du premier coup, la prochaine fois.”
Et avant que je ne puisse cligner des yeux, elle avait disparu dans le dos d’un des chasseurs, l’écrasant alors de son pied, alors qu’il tomba sur le sol sous nos regards ébahis. Je la vis appuyer douloureusement le talon de sa botte dans le creux du dos de notre assaillant, alors que l’un de ses renards venait de sauter sur le dernier debout.
“Tu veux bien laisser mes amis tranquilles ? Ou je te fais manger la neige jusqu’à ce que tu t’étouffes ?”
Calcilia me surprenait toujours autant, rien ne semblait l’ébranler, comme si elle était un rempart infranchissable. Je baissai le regard vers le cerberus, puis le relevai de nouveau vers la barde qui nous fit un clin d’œil.
“Allez, déguerpissez, je m’occupe de ces imbéciles, ils vont faire un petit détour par un poste de la garde, n’est-ce pas ?”
Son petit rire iconique me fit soupirer de soulagement. Je laissai la créature aux soins de Sileas quelques secondes pour aller récupérer le cadavre enseveli sous la neige. Le cerberus eut beau émettre quelques grognements, il était trop épuisé pour pouvoir nous attaquer. L’odeur de charogne me fit grimacer légèrement, et heureusement que le froid avait conservé la dépouille sinon je ne donnais pas cher de mon odorat. Mon corps s’allongea, pendant que j’entendais la barde s’amuser à traîner les trois hommes plus loin, en nous saluant alors qu'elle disparaissait.
“Chéri, je compte sur toi pour prendre soin de mon petit renard, hein !”
J’achevai ma transformation, il allait être plus simple de transporter le corps, puis je baissai la tête pour observer mes pattes. Heureusement que sous mon pelage il n’était pas possible de voir les rougeurs.
“I-il peut se lever ? Demandai-je à l’aventurier en désignant la créature.”
Mais Calcilia connait tout le monde, n'est-ce pas ? Plus rien ne peut surprendre le blond, et il ne ferait qu'hausser le sourcil si il apprenait un jour qu'elle arrivait à s'incruster au Palais pour partager un repas avec la famille royale. Sortant de sa posture de combat, l'aventurier s'étire en grognant alors qu'il se rapproche du Cerberus au sol, qui renâcle tout autant que le borgne sans avoir l'énergie d'y faire quoi que ce soit..
-"Calcilia, toujours un plaisir de te voir. Mais c'est fou comme tu as le don de débarquer quand il y'a des ennuis. A croire que tu flaires leur trace à des kilomètres. Je vais finir par croire qu'être à proximité de toi fait forcément arriver les problèmes !"
Finalement le blond glisse une main dans le pelage de l'animal, qui grogne, essayant de claquer des dents mais sans grande force. Chacun s'occupe à sa tâche alors que la demoiselle a la chevelure aussi extravagante que ses pensées s'occupe de corriger à sa manière les chasseurs. Et tandis qu'elle repart vers d'autres aventures, Sileas roule des yeux, amusé, et avec un léger rire qui perce de sa voix.
-"Ne t'en fais pas je prendrais soin de ton "petit renard", mais comme tu as pu le constater, il se débrouille assez bien tout seul je trouve. Et depuis quand tu as à te plaindre de mes qualités à protéger mes compagnons de terrain ? Tu es toujours en vie, après tout."
Adam revient avec le cadavre de l'homme, ce qui fait grogner l'animal. Il tente de se redresse, prêt à attaquer, mais il est bien trop épuisé pour cela, et la prise ferme du blond autour de l'une des têtes l'empêche d'agir comme il le souhaiterait. A la question de l'armurier, l'aventurier hausse les épaules en indiquant l'animal d'un signe de la tête.
-"Il a envie de te bouffer pour ce que tu fais à son maître. Mais il n'arrive même pas à se lever. Je présume qu'en le soulevant il devrait arriver à rentrer, mais lentement."
Fouillant dans son sac, Sileas en sort sa corde enchantée. Bien rapidement, cette dernière est passée autour des cous puis de la taille de l'animal, en une sorte de harnais plus que rudimentaire. Une fois cela fait, et l'assurance que la bête est solidement maintenue, le borgne s'attaque à l'aider à se hisser, grognant pour la mettre sur ses pattes. C'est un système bancal, mais qui permet au moins a l'ancien familier de se déplacer et de se tenir sur ses pattes, même si lentement. Observant l'état de l'animal, le blond ne peut toutefois s'empêcher de souffler.
-"Je le vois mal arriver à rentrer dans cet état. Si jamais tu veux l’amener quelque part, je propose de trouver un lieu non loin ou nous pourrons camper et lui se reposer. Il ne sera plus au milieu de la route à essayer de bouffer tout le monde, et ça nous fera du bien aussi... Mais au fait, tu veux en faire quoi au juste, de cet animal ?"
Tout en finissant de parler, Sileas commence à lentement progresser en embarquant la bête avec lui, bien décidé de chercher un fameux lieu où ils pourront se reposer. Car en l'état, le blond ne voit pas comment rentrer sans finir de tuer de fatigue l'animal. Ce dernier au moins ne fait que grogner légèrement, trop amorphe pour réellement présenter une menace. Heureusement pour les deux aventuriers, il n'est guère difficile de trouver un recoin rocheux pouvant servir de petit camp improvisé maintenant que le temps devient plus doux, car cette courte distance est déjà particulièrement difficile à parcourir au vu des conditions. Et c'est avec un soulagement certain que l'aventurier laisse retomber l'animal qui renifle en direction du cadavre de son maître, sans pouvoir en faire plus.
Le camp est rapidement monté, Sileas fouillant dans son sac sans fond pour finir par tendre de la viande séchée à l'animal qui la dévore, affamé. C'est pas réellement ce qu'il lui faudrait, mais c'est mieux que rien pour l'aider à survivre. Grognant en étirant ses muscles endoloris, le blond pose de nouveau le regard vers l'armurier.
-"Car si tu veux l'adopter, tu risques d'avoir un sacré travail sur les bras. Il est pas commode et traumatisé. Et j'aimerais éviter de voir mon armurier perdre un bras, quand même !"
“Ce n’est même pas sûr qu’il accepte un nouveau maître.”
Mes oreilles s’écrasèrent sur mon crâne et je soupirai légèrement. On pouvait bien le laisser à la garde, mais rien n’assurait qu’ils soient capables de s’en charger eux aussi. Nous pourrions bien décider plus tard, une fois de retour à la Forteresse. Je n’aimais pas vraiment être incertain de tout, mais parfois c’était nécessaire. Du moins c’est ce que j’espérais, et que cette créature puisse se relever d’une telle perte. D’une impulsion magique, je repris forme humaine, alors que chaque muscle se reformait douloureusement. Je ne pus retenir une légère grimace, les vêtements revenant à leur place, trouvant la satisfaction de ne pas finir nu pour une fois.
“J’imagine que s’il accepte de me suivre, je l’adopterai... Mais je ne pense pas être le maître adapté pour lui.”
Il risquait de finir encore plus malheureux que ce qu’il ne l’était déjà, et en même temps, peut-être qu’un compagnon de route à mes côtés, pourrait m’aider à m’affirmer. Je ne savais pas vraiment. Mais j’y réfléchirai le lendemain.
À la place, je m’approchai du corps meurtri du cadavre. L’armure en cuir était déchirée, les plaies étaient profondes, tranchées par des serres larges. Il avait dû faire la mauvaise rencontre avec des harpies. La plaque d’aventurier reposait toujours sur le poitrail bleui par le froid et les ecchymoses, et je ne pus m’empêcher d’avoir un pincement dans la poitrine. Peut-être une quête qui avait mal terminée.
Puis ma main rencontra la tête de la créature qui s’était endormie.
“Ton maître devait vraiment être un homme formidable pour que tu le défendes au point de te retrouver dans cet état.”
Je couvris le corps de ma cape pour que l’odeur ne vienne pas nous déranger.
~
La nuit se passa comme un éclair, alors que l’on se relayait mutuellement pour faire des tours de garde. Mais rien, ni personne ne troubla la sérénité de notre quiétude, jusqu’à ce que l’aurore ne vienne tendrement accueillir notre réveil.
Nous n’étions pas vraiment loin de la ville maintenant, mais je craignais que le cerberus se montre moins conciliant maintenant qu’il avait pu reprendre des forces. Mais étonnamment, il ne se montra pas du tout hostile à notre égard, ce qui nous permit de traverser la route sans encombre.
Lorsque les premiers remparts de la Forteresse furent visibles, je me dirigeai vers les vigiles qui gardaient les portes à ce moment. Leur expliquant rapidement la situation et ce que nous avions vécu - avec bien des difficultés je devais l’admettre et l’aide de Sileas – je finis par leur laisser le corps, bien qu’à regret. Le cerberus, lui, avait manqué de sauté au cou du garde alors qu’il prenait en charge les restes du défunt. Je m’étais interposé par réflexe, et aussi étrange que cela puisse paraître, il s’était détourné, nonchalant.
“Vous gardez son familier ou je le prends avec moi, alors ?”
Je me tournai vers le garde avant de secouer tristement la tête.
“Je ne sais pas ... Si je suis incapable de le contenir, il pourra continuer à blesser des personnes...”
Puis cherchant un soutien dans le regard de l’aventurier qui se tenait à mes côtés, puis le cerberus qui attendait en nous tournant le dos. Il s’était vraisemblablement rendu à l’évidence qu’il ne serait plus en mesure de voir son maître. Puis il se retourna vers nous, l’une de ses têtes massives s’approchant du cadavre drapé, il y posa sa tête.
S’il ça lui avait été possible, il se serait mis à pleurer. Mais à la place, ce fut mes propres larmes qui roulèrent sur mes joues comme si sa détresse était subitement devenue la mienne. Je m’empressai alors de le dissimuler en frottant la manche de ma tenue contre mes yeux pour effacer les traces humides. Embarrassé, je baissai la tête pour échapper aux regards des deux hommes. Jusqu’à ce je sente le corps de l’animal contre moi.
“Je crois que nous avons la réponse. Vous verrez bien si vous êtes en mesure de vous en occuper avec le temps. Mais sans essayer vous ne saurez pas.
- Je suppose, oui...”
Retournant jusqu’à la forge en compagnie de Sileas, je fus légèrement surpris de le voir me suivre sans rechigner, et une fois à l’intérieur, il partit se rouler en boule dans un coin de l’armurerie sans un bruit.
“J-je pense que c’est déjà bien...”
Et au moins, je pus m’occuper de l’armure de mon invité sans problème, lui faisant une ristourne pour le remercier de m’avoir aidé.