Soufflant rapidement sur la dernière page qu’elle venait de terminer, laissant l’encre sécher un peu avant de refermer la reliure en cuir toute neuve qui sentait excessivement bon, elle rassembla ce livre avec quelques autres ouvrages du temple qui se trouvait dans la pièce, avec comme objectif d’aller placer tout ceci à la grande bibliothèque. Sortant avec sa petite pile de livre sous le bras, elle passa silencieusement dans la nef garnie de nombreuses offrandes et de multiples fleurs qui sentaient toutes délicieusement bon également, même de loin. Certains fidèles ou des frères et soeurs de Lucy priait en ce moment, comme à n’importe quel moment de la journée, bien que le trafic dans la nef restait encore assez faible. Il fallait dire que s’enfermer dedans pendant une si belle journée était assez triste.
Sortant sur les plate-forme de la ville vêtue de sa robe longue blanche et bleue habituelle, prenant une nouvelle grande bouffée d’air frais en profitant de la végétation et de la nature omniprésente dans ce cadre qui lui semblait encore plus magique que dans le temple, son regard suivait l’activité humaine tant qu’animale partout autour d’elle alors qu’elle enchaînait les plateformes en direction de la grande bibliothèque. Des petits stands de nourriture qui faisaient grogner son ventre, des moineaux virevoltant entre les branches et les feuillages verts filtrant une partie des rayons de l’astre solaire, tombant entre les branches et les feuilles comme autant de bénédictions de la déesse. Un rouge-gorge passa d’ailleurs juste à côté d’elle, attirant son attention une nouvelle fois. Une nouvelle fois de trop.
Une planche mal ajustée sur cette plateforme attrapa le pied droit de la sœur de Lucy surprise, qui laissa échapper un petit cri alors qu’elle perdait son équilibre, essayant de sauvegarder l’intégrité de sa pile de documents en vain. S’étalant de tout son long sur le sol boisé du Village Perché, tout comme ses documents qui se répartissaient partout autour d’elle, elle eut tout de même le temps de voir son ouvrage glisser lentement sous la rambarde de sécurité… Avant de chuter dans les feuillages des dizaines de mètres plus bas. S’y précipitant à quatre pattes, elle eut le temps de voir la belle reliure de cuir disparaître entre les feuillages verts bien dense de l’endroit…
« Oh… Non… Par tous les Saints, Soeur Meredith va me tuer… »
Venir lui dire qu’elle venait de perdre l’ouvrage sur lequel elle travaillait depuis deux jours maintenant, et elle était assurée de subir une sacré correction une fois de plus. Sans compter tous les ouvrages qui venaient de tomber au sol. Retournant vers ceux-ci, elle commença à les collecter, tentant de les empêcher de décoller au moindre coup de vent pour les plus légers d’entre eux, un peu paniquée. Elle s’était même légèrement ouverte à la main droite et au genou gauche même si ces blessures étaient vraiment secondaires. Un peu paniquée, elle ne vit pas une personne arriver, et sursauta alors que sa main se posa sur celle d’un brun qui avait l’air d’être un garde, et avait visiblement eu l’idée de retenir le même document qu’elle des affres d’Éole. Beau, ténébreux, musclé, assez jeune, leurs mains l’une contre l’autre. Sabia se mit à virer couleur pivoine en laissant échapper un petit cri, retirant sa main de surprise.
« Euhm… Je… Bl..Bonjour? »
Cette nuit encore, je n’y ai pas échappé. J’ai alors pris la décision d’essayer d’en finir avec tout ça. Peut-être serait-il temps de commencer à m’intéresser à l’homme que j’ai été ? Du moins, d’essayer de comprendre d’où je viens réellement. Je n’ignore pas que l’enfant qui meurt dans mes bras n’est autre que ma sœur, Violette Lehnsherr. Je n’arrive pas à me résigner à prendre contact avec elle. J’ai l’impression que… J’ai l’impression qu’elle me haït, que j’ai fait quelque chose de mal. C’est sans doute parce que je n’ai pas su protéger notre mère de cet horrible mercenaire qui l’a assassinée, deux ans auparavant. C’est sans doute pour cela qu’elle a fui sur les routes et qu’elle est devenue aventurière. Me croirait-elle, si je la rencontrais un jour et que je lui avouais ne pas avoir eu le temps ? M’attend-elle seulement ?
Et, outre cette sœur, est-ce que j’ai d’autres membres d’une potentielle famille qui m’attendent quelque part ?
Il est encore tôt, beaucoup de villageois dorment encore. Je frotte mes yeux lourds de sommeil en enjambant l’une des plateformes qui permet de rejoindre la Grande Bibliothèque du Village Perché. L’avantage, quand on réside ici, c’est que le savoir est à portée de main. Enfin… D’échelles, d'ascenseurs et de montes-charges, entre autres moyens de locomotion. J’ai peut-être moyen d’en apprendre un peu plus sur mon passé en trouvant quelques archives que je pourrais feuilleter. Je vais profiter de mes quelques jours de permission pour faire ça, puisque je peux faire une croix sur un sommeil réparateur. À quelques pas de moi, sur une plateforme adjacente, j’entends soudain un grand fracas. Instinctivement, je me précipite vers cet endroit. J’aperçois une demoiselle, visiblement dans le plus grand embarras puisqu’elle vient de faire tomber une multitude d’ouvrages. Du coin de l'œil, j’en aperçois un qui chute… J’espère qu’il ne rencontrera pas le crâne de quelqu’un. Le meurtrier était un livre, qui pourrait y croire ?
Un genou sur le sol, ma main effleure celle de la jeune femme et son petit cri me fait moi-même sursauter. Je m’approche davantage d’elle, posant ma main sur son épaule pour l’obliger à relever la tête et voir si elle n’est pas souffrante. Déformation professionnelle.
- Vous allez bien ? Vous n’êtes pas blessée ?
Je relâche la pression sur son épaule pour l’aider à rassembler les diverses feuilles et bouquins éparpillés ici et là. Elle saura mieux que moi s’il en manque et j’espère bien que d’autres ne sont pas tombés. Je suis en repos, je n’avais pas prévu de devoir prendre du service aujourd’hui.
- Vous avez tout ? Tenez, vous allez à… À la Grande Bibliothèque ? Une bibliothèque, des livres, une jeune femme, j’imagine qu’il ne faut pas être le couteau le plus affûté du tiroir pour le deviner. J’y allais aussi, je peux vous aider à tout porter par contre, hmm, pour le bouquin qui est tombé… À moins que vous ne possédiez le pouvoir de faire pousser vos cheveux ou d’allonger vos bras à volonté, je veux bien… Descendre, pour vous le rapporter. Après avoir déposé ces bouquins-là, hein.
J’ai l’impression que la moindre bourrasque de vent serait capable de la faire tomber. Et puis, ce n’est pas vraiment du travail de proposer ça, c’est simplement être serviable. Ou alors je suis encore en train de me chercher des excuses ? Qu’importe, tenant ce que je considère être le fruit de son travail -ou de ses recherches- sous un bras, je lui tends ma main libre pour l’aider à se relever. Mon regard croise le sien une nouvelle fois et, sans que je puisse le contrôler, dérive vers son buste car il me semble avoir aperçu quelque chose…
- Vous ferez attention, un livre a dû s’accrocher à votre robe durant la chute et le haut de celle-ci est légèrement… de travers.
Par Lucy, heureusement qu’on ne voit rien. Je serais sûrement aussi rouge qu’elle dans le cas contraire. Je tourne donc aussitôt la tête vers la bâtisse où, visiblement, nous voulions tous les deux aller.
« Euh… Oui, je… vais bien. Je crois? »
Pouvait-elle vraiment le dire sans bredouiller alors qu’elle était couleur pivoine et que son cœur était en train de battre à toute vitesse dans sa poitrine, alors que la main du brun se trouvait sur son épaule? Non, elle en était clairement incapable. Elle fut même assez confuse pour ne pas se remettre à rassembler les ouvrages éparpillés immédiatement, s’étant perdue quelques instants dans ses pensées. Et en plus, il lui proposait même de descendre récupérer son livre qui avait chuté? Quel genre de gentleman était ce type? Même au village perché elle ne se serait pas attendue à tant de dévouement!
« Oui oui, la Grande Bibliothèque et, euh… Vous y alliez aussi? Pour lire quoi, si ce n’est pas trop indiscret? Il y a vraiment de tout entre les fictions, les livres scientifiques ou de théologie! D’ailleurs je ne sais pas si le dernier recueil des familiers de compagnie de Hubert Neum est déjà arrivé là bas ou pas… »
Autant dire que la lancer sur les livres pouvait être une mauvaise idée, même si évidemment, si c’était en plus un littéraire, ils étaient clairement faits l’un pour l’autre. Il y avait bien une chose par contre qui la dérangeait.
« Je… n’ai pas souvenir vous avoir déjà croisé à la Grande Bibliothèque, par contre. »
Une phrase qui ne voulait pas dire grand chose en temps normal, mais qui avait bien une signification toute différente dans le cas de Sabia. Peut-être s’étaient-ils manqués ou bien ne l’avait-elle pas vu, ou bien était-il arrivé au Village Perché depuis peu? Pour la verte qui était capable de se rappeler d’un visage d’un inconnu qu’elle avait croisé dans la rue il y a dix ans, beaucoup pouvaient lui être rapidement familiers. Et cela pouvait aussi la faire rapidement passer pour une psychopathe qui observait un peu trop les gens, alors que pas du tout.
Baissant le regard à la remarque du brun, elle laissa échapper un nouveau petit cri en reprenant rapidement des couleurs écarlates, réajustant sa robe rapidement bien qu’elle n’avait rien révélé. Si son regard s’était posé ici c’était bien qu’il la trouvait un minimum attirante, d’ailleurs, non? C’était bon signe! Enfin, il n’avait pas vraiment l’air d’être un obsédé. Pas trop, du moins.
« Je.. Désolée! Je n’ai pas fait exprès, je n’essaye pas de griller les étapes! »
Les étapes de la séduction et de la construction d’une relation, évidemment. Il n’y avait bien qu’elle pour penser ainsi, mais après tout, elle allait aussi devoir avoir l’air d’être normale et une partenaire acceptable et désirable si elle voulait y arriver. Et la verte n’était pas certaine de ne pas déjà être passée pour une folle…
« Euh… Allons-y! »
Détournant le sujet avec chacun une demie pile de livres, ils rejoignirent rapidement la bibliothèque pour déposer le tout dans un endroit habituellement réservé aux employés de la bibliothèque - dont Sabia faisait partie avec d’autres frères et sœurs du Culte. Ils n’étaient pas les seuls, mais ils étaient réputés pour gérer les nombreux ouvrages de l’endroit. D’ailleurs, Soeur Meredith s’y trouvait déjà, et se rendit compte assez vite du bouquin qui manquait, et du fait que Sabia venait accompagnée par un jeune homme qu’elle n’avait sûrement jamais vu non plus, ce qui lui fit aussi un sourcil. Soeur Meredith était une vieille carne aigrie qui arborait ses cheveux blancs en un chignon strict et une paire de petites lunettes aux bords acérés et élancés qui lui donnaient un air mesquin qui lui correspondait parfaitement. Typiquement le genre de personne qui allait vous engueuler dans la bibliothèque dès que vous faites grincer une chaise comme quoi vous faites trop de bruit. Pas vraiment la meilleure incarnation du Culte qu’il ait offert au village perché, mais il fallait bien que ces gens se rendent utiles aussi…
« Soeur Mahun? Vous n’auriez pas oublié quelque chose? »
Pas comme si elle le pouvait, mais tout le Culte était loin d’être au courant de ses capacités mentales. Meredith savait de tout de façon très bien que sa collègue possédait une mémoire formidable, mais ce n’était pas cette mémoire qu’elle reprochait ici. Il fallait dire que le sort du bouquin était passé au second plan avec les derniers évènements. La verte hocha donc négativement la tête, un peu fébrile, émettant un petit rire gêné.
« N…Non, pas du tout. Héhé. Euh… Je… Le livre a encore besoin que je peaufine quelques petits détails et que je contrôle que la copie est conforme à l’originale en tous points! »
« Et bien… Allez-y alors au lieu de vous balader avec votre… ami. »
« O.. Oui ma soeur! »
Sentant un tas d’ondes négatives, Sabia attrapa rapidement le bras du brun avant qu’il ne se fasse tabasser par la bibliothécaire, et détala en dehors de l’endroit, retrouvant le soleil radieux de l’extérieur, le souffle un peu court alors qu’elle avait couru sur moins de cent mètres. Relâchant le brun un court instant pour se tourner vers elle, elle laissa échapper un petit soupir de soulagement.
« Fiou, j’ai cru qu’elle allait me tuer et vous avec! Mais je dois vraiment récupérer le livre qui est tombé… Mais je n’ai vraiment pas de quoi descendre par contre. Enfin, rien d’autre que les ascenseurs… »
Après tout, il s’était proposé pour l’aider… Et c’était une excuse parfaite pour continuer de traîner avec lui. Alors elle n’allait pas s’en priver.
« Et, euh… Vous êtes? Parce-que comme j’ai dis avant je n’ai pas souvenir de vous avoir déjà croisé dans les environs… »
Je n’ai pas le temps de creuser pour en savoir plus. Nous sommes interpellés par une dame d’âge mûr, à l’allure stricte et qui ne semble pas enchantée de me voir aux côtés de la plus jeune. Mon regard, qui s’est un instant perdu sur les très nombreuses étagères contenant un nombre encore plus impressionnant d’ouvrages, accroche le sien tandis que l’autre demoiselle s’empourpre et s’excuse auprès d’elle.
- Ne la blâmez pas. Je porte l’entière responsabilité de son retard.
Je ne sais pas pourquoi j’ai choisi de prendre sa défense. Sûrement à cause de son ingénuité. J’étais un peu comme ça, lorsque je suis revenu à la vie quelques lunes auparavant. La bibliothécaire darde un regard orageux sur moi et j’ai l’impression que le sol va s’ouvrir sous mes pieds pour me faire disparaître. Cette femme-là ne doit pas être contrariée et elle vient de me le faire savoir. L’autre le savait déjà, sa main m’emporte déjà loin des bouquins de cette section et des grands piliers qui soutiennent le bâtiment. Je heurte une plante, elles sont tout autant présentes à l’intérieur qu’à l’extérieur, me retiens d’éternuer lorsqu’une autre me chatouille les narines et nous nous retrouvons dehors en moins de temps qu’il n’en faut pour dire « Balthazar ».
Je remets en place quelques mèches dans mon chignon, sans pour autant réussir à capturer les mèches plus courtes -rebelles - qui s’obstinent à rester sur mon front. J’essaie de les plaquer en arrière, on verra bien combien de temps elles peuvent tenir. Par acquis de conscience, c’est à mon tour d’attraper le bras de la littéraire pour qu’on s’éloigne encore plus de l’endroit. J’espère que la bibliothécaire n’est pas LA bibliothécaire. Au pire, je pourrais sûrement demander de l’aide à Miss Lecture ? Elle a l’air d’en connaître plus d’un rayon, sans mauvais jeu de mots.
- J’ai bien cru aussi qu’on allait y passer. J’ai eu la sensation que le sol s’ouvrait sous mes pieds. Bien déplaisant, si tu veux mon avis.
À l’abri sous l’un des grands feuillages du Village, je m’appuie contre la rambarde pour jeter un coup d'œil en contrebas. Il y a une multitude de ponts, de tyroliennes et autres moyens de locomotions qui s’enchevêtrent les uns avec les autres. Il y a aussi quelques bâtiments et, du coin de l'œil, il me semble aussi apercevoir une étendue d’eau. J’espère que le bouquin n’a pas fait le grand plongeon. Il n’y a qu’une seule façon de s’en assurer, c’est de descendre jusqu’en bas. Je commence à maîtriser le rouage, à la fois simple et complexe, des chemins imbriqués du Village.
- Nikolaos. Mais tu peux m’appeler Niko. J’ai commencé à la tutoyer sans même m’en rendre compte, je poursuis sur ma lancée. Il vaudrait sûrement mieux qu’on évite les ascenseurs et qu’on se contente de prendre les escaliers et autres moyens de descendre plus lents. Pour ne pas le louper. J’ai pas un pouvoir très pratique dans cette situation…
En fait, j’ignore même quel est mon pouvoir mais on ne va pas le révéler maintenant. Je désigne de ma senestre l’un des escaliers, en colimaçon, qui descend vers l’étage inférieur.
- On peut commencer par celui-là. J’ai vu ce qui ressemble à une piscine, ou une fontaine, je sais pas trop, bien plus bas. J’espère que ton bouquin a pas fini dedans. Mais, t’en fais pas, ajoutais-je en voyant sa mine scandalisée, y’a plein d’autres obstacles qui ont pu arrêter sa course avant. Avec un peu de chance, il ne sera même pas abîmé !
Je ne peux rien lui promettre mais j’affiche un sourire qui se veut rassurant et encourageant tandis que je l’entraîne à ma suite sur les premières marches de cet escalier assez étroit. Je jette un regard en arrière, pour établir un contact visuel avec Miss Lecture pendant que nous démarrons notre péripétie.
- Et toi, tu viens du Village Perché ? Parce que je pourrais aussi dire que je t’ai jamais vu par ici. T’as fais le déplacement exprès jusqu’à la biblio ?
« E..euh… Moi c’est Sabia! Ou Soeur Mahun! Mais euh… Je n’ai pas vraiment de surnom par contre mais tu peux m’en donner un! »
C’était un peu un mensonge, parce-que sa grande sœur lui en donnait parfois un, de surnom, mais il prolongeait son prénom au lieu de raccourcir, en plus de lui être réservé à elle exclusivement. Intolérable qu’il finisse dans la bouche de quelqu’un d’autre - même si c’était un candidat parfait!
« Mais si tu cherches des informations sur tes ancêtres, le plus efficace c’est les registres de mariage du Culte et du Royaume! Ils sont souvent bien classés, complets, et permettent de remonter de plusieurs siècles en arrière. D’ailleurs, c’est quoi ton nom? Tu es noble?! C’est souvent un truc de nobles, de regarder ce genre de trucs! »
Et puis, elle s’y connaissait bien sur ce genre de documents, simplement parce-qu’elle était aussi en charge de les organiser, et qu’elle y jetait aussi parfois un petit coup d’oeil en s’imaginant quelles magnifiques histoires avaient liés ces deux âmes ensemble rien qu’en regardant leurs noms, s’imaginant des histoires de romances palpitantes sur fond de conflits familiaux et de problèmes complètement dingues.
Descendant les escaliers de bois, regardant un peu autour d’elle dans la verdure même si son regard revenait invariablement vers le brun sur qui elle avait encore une foule de questions, son esprit n’était pas vraiment concentré à récupérer le livre - alors qu’il devrait l’être. Mais comme souvent, il virevoltait dans un peu toutes les directions, espérant tout de même de tout son cœur que le fruit de son labeur ne venait pas de chuter dans une fontaine. Alors que la descente continuait, Sabia s’immobilisa un instant, faisant un petit signe au brun de s’arrêter. Mains jointes, yeux fermés, sa bouche récitait un psaume dédié à la déesse de la chance qu’elle connaissait évidemment par coeur, s’investissant dans une prière à la déesse qui avait clairement toute sa place pour répondre favorablement à sa demande : Qu’une branche ait réussi à capter l’ouvrage et lui ai épargné une fin aqueuse aussi horrible qu’immédiate. Revenant assez rapidement à elle-même, elle se retourna vers le brun pour répondre à une de ses précédentes questions.
« J’ai grandi dans une ville assez proche du Temple de mon côté, mais je voyage beaucoup! Vu que je suis en charge de la plupart des ouvrages du Culte et que je peux aider dans toutes les bibliothèques du Royaume, je passe souvent au Village Perché, vu que c’est la plus grande du Royaume! Mais je peux dire que je t’y ai jamais vu dès que j’y étais! J’oublie jamais de visages. »
Même plus grande qu’à la Capitale ou que celle du Temple étant elle-même assez impressionnante aussi. Dans tous les cas, elles hébergeaient toutes un nombre d’ouvrages impressionnant, sur des thèmes plus ou moins passionnants ou plus ou moins surprenants. Autant était-elle déjà une sacré bibliothèque sur pattes, autant elle était loin d’arriver au niveau de ces trois-ci, et n’était pas sûre d’avoir le temps dans toute sa vie de réussir à rivaliser avec elles. D’un autre côté, ses capacités pouvaient aussi l’aider à être un index des plus redoutables pour aider les gens dans le besoin à tomber sur l’ouvrage rare qu’il leur fallait. Ce qui était tout aussi pratique que de pouvoir leur réciter un livre par cœur.
« Et… Euh… Petite question! Tu es céli… OH! »
Désignant de la main la reliure de cuir de son livre qui s’était coincé entre deux branches, elle fut interrompue dans sa question par la découverte de ce qu’elle était venue récupérer. Il était, par contre, loin de la plate-forme, et inatteignable en tant que tel. Le récupérer allait être presque impossible sans matériel ou outil adapté. Néanmoins, cela ne l’empêcha pas de vouloir se précipiter, et, comme souvent, de faire un fameux faux pas qui s’était heureusement produit vers le bas de l’escalier. Largement assez tôt pour la voir tomber droit sur le garde qui avait prit les devants. Heureusement, et bien que ce fut sûrement surprenant, son poids plume ne fut pas suffisant pour le voir tomber, mais fut assez pour qu’il se retrouve contre la rambarde de la petite plate-forme, faisant légèrement vibrer la structure alors que Sabia s’était accrochée à lui, ses bras autour de son torse et sa poitrine serrée contre son dos dans un gros câlin qui lui fit elle-même monter le rouge aux joues - fortement.
« D…Désolée! J… J’ai pas fais attention, j’étais trop concentrée sur le livre! Mais il est là! Il est pas tombé! »
Rectification : Il n’était pas encore tombé. Car en effet, juste en-dessous de lui, passé quelques branches qui ne sauraient certainement pas le retenir, se trouvait la fontaine annoncée par Nikolaos.
- Mahun, un lien avec la Grande Prêtresse ou je me trompe ?
Et puis, si je me trompe, je pense qu’elle ne me blâmera pas. Je ne dois pas être le premier à dire ça. Après tout, si je rencontre un autre Lehnsherr, ça ne veut pas forcément dire qu’on est de la même famille. Peut-être que l’orthographe est différente et que c’est le cas aussi pour Mahun.
On a déjà bien entamé la descente, lorsqu’elle me parle de sa mémoire et, vu ce qu’elle m’a dit, je veux bien croire qu’elle est impressionnante. Je m’apprête à lui répondre sur mes origines quand elle s’apprête déjà de nouveau à poser une question et qu’un cri perturbe toute la conversation. Et moi qui me pensais bavard, ce n’est rien à côté d’elle. D’ailleurs, en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire je me retrouve tout empêtré avec ses bras autour de ma taille et sa tête écrasée contre mon torse. Je l’attrape aussitôt par les épaules, non pas pour la dégager mais pour la soutenir et la rattraper, le reste de mon corps étant arrêté par la rambarde de sécurité qui est assez résistante pour supporter nos poids et l’impact.
Je remonte ma main jusqu’à son menton et je l’attrape pour qu’elle relève son visage. Je regarde si elle n’a rien, m’en inquiétant même à haute voix mais, ne constate rien d’inhabituel si ce n’est le rouge sur ses joues. Sûrement une bouffée de chaleur provoquée par la peur de la chute. Je lui souris pour lui signifier que tout va bien et qu’elle est saine et sauve.
- Je sens que je vais avoir besoin de tes services, si tu en as le temps et l’occasion, une fois que j’aurais récupéré ce bouquin. Tu m’as l’air très renseignée et très douée dans ton domaine.
Une poussière me fait soudain cligner un seul œil. Je relève ensuite la tête vers la branche où est posée l’ouvrage, en équilibre précaire. Je confie mes affaires à Sabia, elles pourraient me gêner pendant que je compte jouer les acrobates.
- Je vais en avoir pour deux minutes, attends-moi sur la plateforme, juste là!
Je lui désigne la plateforme avec mon doigt, en fait on y était presque, elle n’a que trois marches à descendre pour y être. Nouveau sourire, puis je m’approche du tronc d’arbre et je l’examine pour savoir où je vais m’accrocher et quelles prises je vais bien pouvoir utiliser. Je m’élance. Heureusement, j’ai bien visé et je m’agrippe fermement à plusieurs branches bien épaisses. Je grimpe jusqu’à atteindre la fameuse branche et je suis extrêmement précautionneux pour ne pas faire de gestes brusques et ne pas provoquer la chute du livre. J’ai bien vu que, juste en-dessous, il y a l’étendue d’eau. Je tends le bras, la sueur perle sur mon front mais je n’y fait pas attention. Je dois réussir. J’y suis presque.. Encore un petit effort.
- Je l’ai ! m’exclamais-je en brandissant le livre, à califourchon sur la branche.
J’aurais dû être un peu plus vigilant. En moins de temps qu’il n’en faut pour dire « Balthazar », je sens mon perchoir bouger et je perds instantanément mon équilibre. C’est probablement une bestiole un peu trop grosse qui est venue voir ce qui se tramait près de son nid. J’ai le temps de jeter le livre dans la direction de Sabia. Espérons qu’elle l’attrape. Puis, je tombe. J’atterris dans l’eau, à peine trois à quatre mètres plus bas, qui est suffisamment profonde pour que j’y plonge entièrement et, sur le coup, je ne me pose aucune question. Je ne me dis pas que j’ai dû m’exploser le crâne, non non. Je me relève, je frotte le haut de ma caboche sur laquelle y’a un résidu de bosse et mes fesses. Je me suis fait mal mais je réussis à nager jusqu’au rebord et à l’enjamber pour sortir de là.
- Fais chier… marmonnais-je en essorant mes cheveux, avant de les plaquer fermement vers l’arrière de mon crâne.
Je dégouline d’eau. Pas le choix, je retire mon t-shirt et je me retrouve torse nu. Heureusement qu’il fait beau, parce que je ne sais pas ce qui aurait été plus désagréable encore entre le « me les peler torse nu » ou « me balader avec des vêtements trempés ». Pour le pantalon, j’ai encore un peu de respect pour les autres alors je le garde. Mais j’aurais bien aimé le retirer aussi, pour qu’il puisse sécher. J’essore mon t-shirt et je passe ma main sur mon torse pour essayer de retirer les gouttelettes que j’y aperçois. Je ne vais pas pouvoir rentrer dans la Grande Bibliothèque dans cet état… Oh, et le livre alors ?
- Sabia ? appelais-je en levant la tête vers le ciel, essayant de deviner les contours de la chevelure verte de la demoiselle.
Bon, ça devait arriver, mais là, dans son cas, il avait l’air de pas en avoir grand chose à faire. Il fallait dire que ce n’était qu’en général les fidèles qui se retrouvaient concernées par cela, mais, au final, elle était une Soeur de Lucy tout à fait classique, malgré son lien de parenté un peu original. Enfin, classique, ce n’était pas vraiment le bon terme, mais son originalité n’avait pas grand chose à voir avec la Grande Prêtresse.
« C’est… euh… Ma grande sœur. Notre famille a toujours servi la Déesse depuis des générations, après tout. »
Pas chaque membre de celle-ci, évidemment, il y avait bien la sœur aînée qui était partie vivre son amour loin du Culte, ce que Sabia respectait parfaitement, contrairement au reste de sa famille. Surtout plus parce-que c’était une histoire d’amour dramatique qu’autre chose, à vrai dire. Mais elle ne pouvait clairement pas lui jeter la pierre, il fallait suivre son coeur et ses rêves!
Enfin, si on parlait de son coeur à elle, il était réellement mis à rude épreuve en ces moments. Surtout que les derniers événements avaient clairement grillé quelque chose dans son esprit. Il ne restait que le rouge à son visage qui avait viré pivoine, alors qu’une colonne de vapeur s’élevait entre les feuillages du Village Perché qui pourrait certainement alerter tous les pompiers des alentours… Toujours était-il que Sabia - si elle avait enregistré à moitié sa dernière phrase - avait vu son esprit l’abandonner alors qu’il s’était mit à crapahuter sur les branches sans le moindre regard pour sa sécurité. Certainement que si elle n’avait pas été dans un tel état, elle l’aurait réprimandé, d’une façon ou d’une autre.
Autant dire que ce n’est que le passage d’un livre à côté de son visage qui la ramène à la réalité, ça, et la chute du brun dans le vide qui lui arrache un petit cri paniqué. Attrapant rapidement le livre sur le sol en bois, elle descend les marches quatre à quatre - heureusement sans se casser la figure cette fois. Elle arriva, évidemment, en bas, devant un spectacle qui l’immobilisa à nouveau quelques instants - Après tout, pourquoi se priver d’une belle vue pareille? Elle retrouva néanmoins cette fois-ci assez rapidement le contrôle de soi, principalement à cause de l’inquiétude sincère qu’elle ressentait. A vrai dire, même si elle ne le connaissait pas du tout, elle aurait certainement été très inquiète et aurait réagi de cette façon.
« Tu vas bien? Tu ne t’es pas fait mal? C’était une sacré chute, tu devrais faire un peu plus attention, ça aurait pu mal finir! Tout ça pour un simple livre que j’aurais pu refaire! »
Se rapprochant pour contrôler que tout allait bien, à nouveau presque contre lui, il n’avait heureusement pas l’air d’avoir la moindre plaie, certainement sauvé par l’eau en-dessous. Cela n’aurait pas été le cas qu’il aurait clairement pu en mourir, surtout de la façon dont il était tombé! Passant derrière lui, inspectant aussi son crâne comme son dos - ayant déjà bien profité des abdos - elle contrôla tout de même que ce n’était rien de grave, remarquant tout de même qu’il avait reçu un sacré impact au niveau de sa tête.
« Attends, tu t’es quand même cogné! Ça peut être grave, ou bien ça peut rester très douloureux si ce n’est pas soigné. On a des baumes au Temple, et de quoi soigner ça! »
Elle aurait parfaitement pu partir dans une myriade de termes techniques, mais avec l’habitude de devoir parfois s’occuper de blessés quand elle officiait au temple, elle avait appris à garder des mots simples. Parce-que certaines personnes étaient effrayées par les mots compliqués qu’ils ne comprenaient pas et pensaient qu’ils avait quelque chose de très grave, alors qu’au final, pas du tout. Cela valait aussi évidemment pour toutes les âmes perdues en quête de conseils en tous genres.
« Se changer peut attendre, avec ce temps ce sera sec en un rien de temps de tout de façon! »
Une remarque tant professionnelle, que personnelle.
« Et… euh… On verra comment je pourrais t’aider quand on sera sûr que tout va bien! »
- Je vais bien. Alors, à moins que tu aies tout ton attirail de pro avec toi… J’accepterai d’ailleurs volontiers que tu me soignes, hein, mais je n’ai qu’une seule journée de permission aujourd’hui et… Je comptais vraiment aller à la biblio pour, euh, mes recherches. Tout ça pour dire, t’embête pas à me soigner. J’ai la tête dure, ça va guérir tout seul !
Bien qu’elle vient de marquer un autre point sur la météo, je n’ai pas envie de devoir attendre que les tissus daignent sécher. Il faut que j’aille me changer. Je réfléchis rapidement. Je n’ai pas envie de la faire poireauter, surtout qu’on vient juste de récupérer son ouvrage, intact je l’espère, et que la bibliothécaire l’attend. J’essaie de me représenter mentalement le Village, ses chemins alambiqués et ses transports aériens, pour savoir si la caserne est accessible rapidement depuis l’endroit où nous sommes. Après une dizaine de secondes de réflexion, mes lippes s’animent pour livrer le fond de ma pensée.
- Ça t’embête si on passe par ma chambre avant, pour que je puisse aller chercher un autre pantalon au moins ? Enfin, euh, je ne veux pas te manquer de respect et que tu penses que, euh, enfin… Je vis à… À la Caserne. tentais-je d’expliquer en bafouillant à chaque mot à mesure que je m’embourbais dans mes explications. On perdra plus de temps à attendre que je sois sec et qu’on m’autorise à rentrer dans la bibliothèque.
Et puis, ma décision est prise. Malgré les protestations potentielles de mon interlocutrice -ou bien peut-être a-t-elle perdu la parole lorsque j’ai évoqué ma chambre-, je l’entraîne une nouvelle fois dans les entrailles du Village Perché. Nous empruntons plusieurs escaliers et marchons sur de nombreux ponts en bois, jusqu’à atteindre l’un des plus grands ascenseurs. D’une légère pression exercée sur le bas de son dos, je l’invite à se placer sur la plateforme et j’active le levier qui permet au mécanisme de s’activer et de débuter une lente ascension vers notre destination.
- Je ne t’ai pas demandé, mais le bouquin va bien ? T’as dis que tu pouvais le refaire, ça veut dire que c’est… C’est toi qui l’a recopié, entièrement ? demandais-je en insistant sur le dernier mot. De quoi parle-t-il ?
Je n’ai pas eu l’occasion de beaucoup lire depuis que je suis ici. Mes entraînements m’épuisent et, lorsqu’arrive le soir, je ne prie Lucy que pour une chose : rejoindre mon lit et dormir du sommeil du Juste. Même si les cauchemars sont, bien trop souvent, au rendez-vous. Le monte-charge finit par s’arrêter à destination et je l’invite à me suivre. Nous apercevons rapidement les bâtiments qui composent la caserne des Belluaires. Mes pensées s’égarent et, de fil en aiguille après m’être rendue compte de l’apparence plutôt frêle de Sabia, j’en viens à m’interroger sur un point.
- À moins que mes leçons de géographie n’aient servi à rien, il me semble que le trajet Village Perché - Temple, ça fait une sacré trotte ? Tu serais venue toute seule ?
J’ai formulé la question avant même d’y penser. Un élan de curiosité que je n’ai pas su réfréner. Je mords ma lippe inférieure un bref instant. Cette question est à double tranchant. Je pourrais très bien l’avoir offusquée de penser qu’elle n’est pas capable de se défendre seule sur ce trajet ; ou bien passer pour un idiot pour considérer qu’un membre de la famille Mahun n’ait pas une escorte personnalisée de prêtres ou que sais-je pour faire ses grands déplacements. Décidément, il faut encore que j’apprenne à garder ma langue dans ma poche dans certaines situations. Je racle ma gorge, reprenant la parole.
- Enfin, nous voilà. Tu me raconteras ça plus tard, si tu veux ! Tu peux m’attendre ici. J’en ai pour quelques minutes tout au plus. Si tu rentres, il faudra signer tout un tas de paperasses pour signaler ton entrée et ta sortie. Et juste après on pourra passer par ici. C’est un autre raccourci pour rejoindre la bibliothèque.
Pour éviter de nous faire attendre davantage, je cours jusqu’au dortoir, où je trouve de quoi me changer. Je ne croise personne, ce qui m’évite de perdre du temps. Je reviens rapidement près d’elle, avec des vêtements secs sur le dos. Un énième sourire sur le faciès, je lui montre la direction en inclinant légèrement le buste, comme si j’effectuais une sorte de petite révérence.
- Nous y allons ?
« Hein? Que…? »
Visiblement, il était pressé de se changer, alors il partit comme une fusée. Ne s’était-il pas trop cogné sur la tête pour lui sortir des énormités pareilles? Elle suivit tout de même un peu bêtement, comprenant tout de même que ce n’était que pour se changer. La Caserne n’avait rien d’étonnant pour un garde à vrai dire, c’était certainement le logement le plus économe et il n’y avait pas forcément de quoi se loger efficacement au village perché pour un bon prix. Après, elle était tout de même flattée qu’il s’intéresse ainsi à ses activités - ce qui était très certainement le signe qu’il s’intéressait à elle tout court.
« E…euh… Et bien, oui? Il faut bien que quelqu’un fasse des copies des ouvrages, non? Sinon ils finissent par se détériorer, et se perdre, et c’est tragique. Et la scribouilleuse n’est pas tant plus rapide que cela… Mais c’est un recueil d’anciens psaumes et pratiques du Culte de l’époque! Même si ça pourrait être n’importe quoi à vrai dire, n’importe quel ancien livre rare et abîmé doit être recopié. »
Le temps qu’il aille donc se changer, et le revoilà, ce qui laissait aussi à la verte l’occasion de rebondir sur la question du temple.
« Oh, en général les frères et les sœurs de Lucy se greffent à des convois marchands ou rejoignent simplement des charrettes pour passer un voyage calme et assis. En général, ils sont assez généreux pour nous laisser faire le voyage gratuitement - et cela leur permet aussi d’avoir un acolyte de Lucy pour le voyage. Je suis venue avec un marchand de bijoux et autres orfèvreries d’ailleurs, qui réapprovisionnent sa boutique du village perché. Très sympathique! »
Mais avant qu’elle ne se perde dans des détails bien trop précis sur le voyage et le marchand dont elle se rappelait évidemment, le fait qu’il était sûrement blessé lui revint à l’esprit. Croisant rapidement les bras, le toisant une nouvelle fois, elle parla d’une voix un peu plus forte et autoritaire - même si elle était très loin d’être impressionnante, au contraire, même.
« Par contre tu as toujours besoin de soin, et quand je parlais du temple, je parlais du temple local du Village Perché, banane! On ne va pas aller jusqu’au Grand Temple à l’autre bout du Royaume, tu aurais le temps de mourir 5 fois sur la route! »
L’attrapant par le bras, elle commença donc à le traîner - enfin, à l’inviter à la suivre, elle n’avait pas la force pour ça de tout de façon - jusqu’au temple. Bien plus modeste que le grand temple, il restait très beau, au milieu des arbres, orné de décorations et autres effigies de la Déesse, avec les rayons du Soleil filtrant entre les feuillages qui bougeaient sous une brise légère, faisant osciller les rayons du soleil comme un spectacle lumineux finement orchestré par la Déesse elle-même.
Elle passa sans hésiter l’entrée de l’endroit, l’amenant directement vers l’arrière du bâtiment aux yeux de la plupart des fidèles présents dans le cœur de l’édifice, en prière ou en attente d’un rendez-vous avec un acolyte de Lucy. Arrivant dans une salle calme et presque déserte, une sœur de Lucy qui avait l’air d’être sexagénaire leva des petits yeux ornés de lunettes dorées vers les deux arrivants. Entourée de flacons divers, la salle sentait bon les plantes médicinales, et restait ornée de différentes décorations et autres symboles religieux. Un nécessaire médical de base se trouvait là, peut-être pâle en comparaison du grand hôpital de l’Astre de l’Aube de la Capitale, mais cerrtainement suffisant pour les blessures ne nécessitant pas d’opérations trop lourdes.
« Soeur Jolma! Je… euh… »
Remarquant qu’elle le tenait encore par le poignet, elle le lâcha un peu précipitamment, un peu gênée en se rendant compte que ça avait peut-être l’air un peu bizarre, comme manière de ramener un malade.
« Il euh… a fait une chute! Sur la tête, de plusieurs mètres! Il a l’air d’aller bien mais… Vu que c’est un peu ma faute… J’aimerais m’assurer qu’il va bien et qu’il soit soigné. »
A la fois compréhensive, pas vraiment surprise que Sabia provoque des catastrophes pareilles, mais aussi un peu inquiète, elle intima donc au garde de s’installer sur un fauteuil, avant d’aller observer à son tour.
« Bonjour, vous vous sentez bien? Quel est votre nom? Vous avez chuté de quelle hauteur? »
Ses questions étaient posées lentement, sa voix douce, un peu comme une grand-mère envers son petit enfant. Mais elle était aussi professionnelle, cela servant bien à confirmer la santé de son interlocuteur, alors qu’elle regardait cette fameuse blessure, et que Sabia regardait la scène avec une légère pointe d’inquiétude tout de même.
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