Vous savez ce qui serait pire que de devoir être affecté à la visite estivale des enfants d’officier ? Être affecté à la visite estivale des officiers à la retraite. Je sais c’est horrible, normalement là tout de suite en lisant ça vous devriez pleurer. Si vous n’êtes pas en train de le faire, faites le.
Quoi qu’il en soit, cette visite a pour but d’honorer ces anciens militaires du Village Perché et permettre à de nouvelles générations de les rencontrer, le tout dans un cadre plus festif et moins guindé qu’habituellement. Malheureusement pour vous, toutes ces personnes âgées sont des champions d’espièglerie et malins comme des singes.
Je pourrais vous dire que tout doit bien se passer, mais ne nous voilons pas la face. On sait tous que c’est impossible.
Participants : @Amaryllis Tylwaen & @Nikolaos Lehnsherr
Thème actuel : Festival d'été
Est-ce que j’appréhende pour autant ? Pas le moins du monde. Je vais être en duo sur ce coup-là, avec quelqu’un qui vient d’ailleurs. J’aime bien rencontrer de nouvelles têtes, surtout que j’ai l’habitude de -trop- parler. Je me demande qui ça va être. Homme, femme ? Je commence à faire des paris dans ma tête. Un homme blond, environ trente ans, plus petit que moi et qui bosse à la Capitale. Impossible de savoir si j’ai raison pour le moment, quand j’arrive, il n’y a qu’une petite femme rondouillarde pour m’accueillir.
- Vous êtes la jeune recrue belluaire ?
- Euh… Ouais, comment vous avez deviné ?
- L’expérience, mon garçon ! Près de trente ans d’expertise ! Vous arrivez toujours la bouche-en-cœur, ça fait plaisir à voir. Et puis, vous avez toujours l’air frais et quand vous repartez, c’est autre chose ! Nikolaos, c’est ça ?
- Euh… Oui, oui, Nikolaos… C’est… Autre chose ?
- Oui, un peu plus fatigué ! Faut pas croire que c’est parce qu’ils sont à la retraite qu’ils ont pas plus d’un tour dans leur sac !
Je lève un sourcil interrogateur, mais je comprends que ce n’est pas la peine de plus argumenter car elle s’est déjà retournée pour me faire rentrer dans le bâtiment. Sommaire, rien de bien particulier et de notable. De toute façon, l’action a surtout l’air de se dérouler de l’autre côté de celui-ci dans un petit jardin. Au loin, j’aperçois plusieurs personnes, des tables, des chaises, des ballons… Une véritable fête, hein ?
- Votre collègue est pas encore arrivée. Je vous laisse faire connaissance avec vos camarades du jour en l’attendant. Je serais en cuisine si vous me cherchez.
- D’accord, merci.
Je ne sais pas si elle m’a entendu puisqu’elle a déjà filé. Je me retrouve plantée devant le seuil de la porte, en sachant pertinemment que je suis observé par une dizaine de vieillards. Je fais un pas en avant et je commence à essayer de discuter avec eux. On verra bien ce qui va en ressortir, le temps que mon collègue arrive. Alors, y’en a un qui s’appelle Balthazar, un autre Gérard, elle là-bas c’est Pimprenelle… Ah, je vois que y’a des yeux qui pétillent. J’ai un truc dans les cheveux ou quoi ? Je viens à peine d’arriver, pourtant.. Ils me disent aussi que Charlie n’est pas encore arrivée. Apparemment c’est leur bonne copine et elle adore les myrtilles. La journée va être plus longue que prévu, je crois. Alors que je m’apprêtais à répondre à Gérard, surtout en essayant de le rassurer et en lui disant que Charlie ne va sûrement pas tarder à arriver, je vois du rouge dans mon champ de vision. Je me retourne, et j’aperçois une ravissante jeune femme. Sa tenue et sa posture ne laissent pas de place au doute, elle n’est pas ici par hasard. C’est probablement celle qui va faire équipe avec moi. Mince, je me suis trompé sur quasiment toute la ligne. Je délaisse les petits vieux pour m’approcher d’elle, afin de la saluer et de me présenter.
- Soldat Lehnsherr. Ou Niko. Comme vous préférez. Enchanté, dis-je en tendant ma main pour serrer la sienne. Un peu d’aide sera la bienvenue. Je ne savais pas qu’ils étaient autant en forme.
Amaryllis était arrivée par le portail de téléportation, comme souvent quand elle voyageait vers les différents régiments du pays. Elle ne pouvait pas dire qu’elle avait beaucoup mis les pieds au Village Perché, alors qu’il y avait des choses à y voir, surtout depuis le départ du vieux Nottsen. Un ancien qui était bien chic de ce qu’elle savait bien qu’elle ne l’ait jamais croisé, et qui avait bien mérité sa retraite, même si son tempérament n’était sûrement pas trop aligné avec celui de la rouge. Quoi qu’il en était, Amaryllis se présenta à l’heure, et rentra dans le bâtiment qui les attendait. Elle ne savait pas trop à quoi s’attendre, puisque d’habitude, c’était plutôt des gradés qui faisaient ce genre de choses. Ou des gens du coin qui les connaissaient un minimum.
« Vous êtes la dame de la commission, c’est bien ça? Entrez, entrez, votre équipier est déjà arrivé. »
Hochant la tête, toujours assez droite, elle supposait qu’elle était attendue de tout de façon, et un jeune aux cheveux bruns se dirigea vers elle pour se présenter comme le Soldat Lehnsherr. Niko, elle allait sûrement éviter, ils n’avaient pas élevé les cochons ensemble, après tout. Enfin, pas besoin de passer pour une personne avec un balai dans le fondement non plus. Elle lui rendit sa poignée de main, se disant qu’elle avait déjà entendu ce nom chez un des ministres. Pas le plus intéressant des ministres, clairement, mais ce n’était pas rien.
« Amaryllis Tylwaen, consultante pour la Commission. »
Pas de soldat, de lieutenant, ou de titre de façon générale, car elle n’était pas une militaire mais bien une civile. Elle restait évidemment professionnelle dans ce genre de rencontres qui l’étaient, et cela lui permettra aussi de voir comment son partenaire de mission réagissait. Elle avait d’ailleurs haussé un sourcil à sa dernière remarque.
« Et bien, tant mieux s’ils sont en forme, non? Si vous n’arrivez déjà pas à avoir assez d'endurance physique à votre âge pour rivaliser avec celle de retraités, j’ai peur pour votre avenir. »
Après, l’expérience jouait beaucoup, mais bon, ça restait des vieux. Dans deux heures, on leur filera une tisane, et on les mettra au lit pour leur sieste journalière. Et puis elle pourra repartir à des activités plus enrichissantes. A moins que les anciens aient vraiment une expérience intéressante et importante à tirer de leurs années de service. Ce n’était peut-être pas ceux avec le meilleur recul ou les meilleures idées, mais il y avait sûrement des faits et des constats qui pouvaient être intéressants. Amaryllis s’avança donc vers le petit groupe de vieux.
« Bonjour à tous, et bienvenue à cette journée de rencontre inter-générationnelle des anciens de la Garde. En espérant rendre ce moment un moment enrichissant des expériences et des moments passés, et peut-être faire naître des vocations chez les plus jeunes. »
S’interrompant un petit instant alors que certains gloussements se faisaient entendre, Amaryllis suivit une petite moitié de regards qui se dirigeaient vers le soldat Lehnsherr qui avait une petite fleur qui avait poussé sur le haut de son crâne. Et, à en remarquer l’autre moitié des regards des vieux qui gloussaient, Amaryllis porta sa main jusqu’en haut de son crâne et y cueillit la marguerite qui s’y trouvait. Evidemment, il y avait un responsable, mais vu comment ils semblaient tous copains comme cochons et exempts de la moindre responsabilité, bon courage pour aller leur tirer les vers du nez. Elle soupira légèrement, cette journée risquait d’être plus longue que prévu.
« Lehnsherr, sur le haut de votre crâne. »
- Je n’aurais pas mieux parlé, Madame la Consultante. J’ai encore un problème avec l’étiquette. Je ne sais jamais comment je dois m’adresser aux autres. Consultante pour la Commission, ça veut dire qu’elle n’est pas militaire mais elle a peut-être un grade particulier et je lui dois autant le respect qu’à mes supérieurs hiérarchiques ? Je reprends. Je n’ai pu me présenter que très brièvement, mais je suis arrivé au Village Perché il y a quatre lunes. Jeune recrue, j’ai récemment intégré le régiment des Tortugrams et…
- Ah, c’est bien ça ! Les murs ont jamais été aussi bien gardés que d’puis qu’ils existent !
- Pfff, tu dis ça parce que tu y étais Gérard. Rien ne vaut les Tsi’lys.
- Haha, l’année dernière on a eu une jeune recrue de ce régiment… Elle était sympathique, quel était son nom déjà… Renchérit un troisième.
- Concentrons-nous sur le présent ! m’exclamais-je en tapant dans mes mains.
Je jette un regard vers la rouge. Pour l’instant, je n’ai aucun avis sur sa personne mais elle semble plutôt être du genre à tout faire filer droit. Elle en a sûrement besoin, dans son métier. Je dois aussi dire que mon regard s’est attardé sur ses cornes un long moment, me demandant à quelle hybridation elles sont liées. Je n’ai pas une vaste connaissance de la faune du pays et elle n’est peut-être qu’un croisement très léger avec une de ces espèces. En croisant son regard une nouvelle fois, je joins mes mains derrière mon dos et je me redresse. C’est instinctif. Elle dégage une aura qui ne me donne pas envie de faire un pas de travers.
- Donc ! Nous allons tous ensemble nous rendre aux festivités du Village pour passer du temps ensemble. Je le sais parce que c’est celle qui m’a accueilli qui me l’a appris. Ensuite, nous reviendrons ici pour le goûter puis on procédera à un échange de… Qu’est-ce qu’il y a, Pimprenelle ?
Elle semble presque gênée d’avoir voulu prendre la parole et tous les autres la regardent en ayant l’air de l’encourager.
- C’est que… On s’inquiète vraiment pour Charlie… On pourrait pas aller la chercher ?
- Et où est-ce qu’elle est censée être ?
- La dernière fois que je l’ai vue… C’était dans les jardins, ceux en hauteur !
- Ah oui, celui avec le labyrinthe. Elle adore se rendre là-bas !
- Il faut trouver Charlie, on peut pas faire cette journée sans elle !
Et, à cette réclamation, ils commencent tous à parler dans tous les sens. La cacophonie ambiante me permet de me rapprocher de Tylwaen pour lui glisser quelques mots. En m’approchant, je manque de glisser sur une peau de banane et je me retiens in extremis pour ne pas tomber. Évidemment, je ne remarque pas les regards hilares des responsables -pour moi, elle a même toujours été là. En réalité, ils ont même réussi à réveiller la part du soldat enfoui qui veut sauver la veuve et l’orphelin ; en l'occurrence, la retraité.
- Ils m’ont déjà parlé d’elle tout à l’heure. Peut-être qu’on pourrait aller voir de quoi il s’agit ?
Pour l’instant, j’ai du mal à me dire qu’ils pourraient tenter un mauvais coup. Ils aiment juste un peu blaguer, c’est sûr et certain. Alors, j’essaie de mettre toute ma persuasion de mon regard pour convaincre la Consultante de partir à la recherche de Charlie, surtout si c’est une des résidentes.
Amaryllis écouta calmement cette histoire de jardins, même si elle lui fit intérieurement lever un sourcil. Quel genre de coin construisait un labyrinthe dans son jardin pour que les vieux aillent s’y perdre et mourir de soif sous une canicule estivale si soudaine. Amaryllis, de son côté, n’en avait pas grand chose à faire, de Charlie, surtout parce-qu’un garde, retraité ou non, qui n’arrivait pas à être à l’heure à un rendez-vous ne méritait même pas vraiment le titre de garde à ses yeux. Quant aux vieux un peu trop blagueurs, si ça ne dépendait que d’elle, elle leur aurait bien réinculqué la discipline comme on devrait le faire à l’Académie. C’est à dire mieux qu’actuellement.
Néanmoins, le brun, lui semblait vraiment motivé à aller investiguer cela. Après tout, si Charlie avait envie de sécher cette sortie de groupe, autant la laisser prendre le soleil jusqu’à ressembler à un pruneau trop cuit. Et ça coûtera moins cher au Royaume, aussi. Mais elle préféra donc partir sur l’entrain du brun - non sans un petit soupir.
« Très bien, allons voir. Dix minutes, pas plus. »
Montant donc jusqu’aux jardins, assez bien entretenus heureusement, ils les trouvèrent désertés. Profitant d’un petit tour du propriétaire sans y voir la moindre âme qui vive, ni le moindre pruneau séché, Amaryllis était sur le point de demander à son camarade d’abandonner la recherche, et de lui dire que ce n’était pas si grave que ça, avant qu’elle ne le voit s’enfoncer dans le labyrinthe végétal de l’endroit. Nouveau soupir. Ils n’avaient pas le temps pour un jeu de piste.
Elle s’y engagea à sa suite.
« Lehnsherr! Je pense pas qu’on ait le temps pour un jeu de piste, dans l’immédiat. »
Elle avait crié à moitié pour qu’elle l’entende, avant de prendre une nouvelle inspiration.
« Charlie? Vous êtes là? »
Elle avait crié un ton plus fort, sans particulièrement obtenir de réponse. Même pas un râle lointain ou un autre cri. Haussant les épaules, et sentant peut-être le coup fourré, elle décida donc de rebrousser chemin tandis que le brun, lui, semblait visiblement concerné par l’état de santé de cette Charlie. Amaryllis, laissant s’afficher une petite moue, prit plutôt la décision de se diriger vers l'accueil pour revérifier la liste des participants et des pensionnaires de l’endroit.
« Bon, je ne pense pas qu’elle soit aux jardins, je vais vérifier la liste des participants. Ne traînez pas trop… »
Reprenant le même virage qu’à l’aller, elle trouva néanmoins l’entrée remplacée par un mur tout à fait végétal. Pourtant, elle était certaine d’être arrivée par là…
« Lehnsherr? L’entrée était ici, non? »
Elle l’avait interpellé, juste pour en être sûre et être certaine qu’elle n’avait pas raté un virage - au pire ce serait juste un peu ridicule. Mais là encore, elle n’avait pas ce sentiment de s’être trompée, mais bien celui que ce mur n’était effectivement pas ici avant. Vu que l’un des anciens avaient semblerait-il un pouvoir végétal, avec les fleurs d’avant, ce n’était pas impossible que ce dédale soit magique, et donc puisse les y retenir indéfiniment. Si le labyrinthe était mouvant, les techniques classiques pour en sortir sans fautes risquaient de ne pas fonctionner. Pendant un instant, elle considéra de dégainer sa lame rouge pour débroussailler toute cette mauvaise herbe - et la brûler dans le même temps. C’était certainement le moyen le plus simple pour sortir, et le moins chiant.
Le labyrinthe est grand. Je ne savais même pas qu’on en avait un. Il n’est pas si loin de la Caserne et ses terrains d’entraînements. Bien que je fronce les sourcils, un peu circonspect, je m’engage dans la première allée. Les haies sont hautes, très hautes. Je suis grand, mais elles me dépassent encore d’une bonne tête. Elles paraissaient plus petites, avant que je m’y engouffre. Je me repère, mémorise le chemin que j’emprunte pour avancer. Une fois à droite, puis à gauche, j’avance encore un peu, j’entends la voix de ma collègue qui appelle Charlie. Je tends l’oreille, mais je ne capte aucun son en retour. L’idée que ce que je cherche ne soit pas humain me traverse l’esprit, durant un millième de secondes à peine. Je suis vite rattrapé par la voix, ferme et autoritaire, de la Consultante. Je me retourne pour faire marche arrière, mais je me retrouve dans un cul-de-sac.
- C’est quoi ce bordel ? maugréais-je en plongeant ma main à l’intérieur du buisson pour essayer d’écarter les branches.
Impossible. Elles semblent solidement attachées les unes aux autres et j’arrive à peine à arracher quelques feuilles vertes, qui tombent à mes pieds. Interloqué, je sors la petite dague que je dissimule toujours dans ma botte droite et je commence à essayer de sectionner les petites branches que je vois. Ça ne sert à rien, une minute plus tard, rien n’a cédé et je suis sûr que ce n’est pas ma lame qui est à mettre en cause. J’essaie de lever la tête pour essayer de voir quelque chose et, là encore, ça ne sert à rien. C’est trop haut. Je soupire, range ma dague et place mes mains en porte-loin pour communiquer avec mon alter.
- Euh… Madame la Consultante ? Je suis bloqué aussi. J’ai rien pour faire brûler ce feuillage et il résiste à ma lame. Essayons de trouver une autre sortie !
Est-ce que je songe au fait que ce soit un des résidents qui soit responsable ? Absolument pas. Je me dis que ce labyrinthe est peut-être magique depuis le début. Qu’est-ce qui n’est pas magique, dans notre monde ? J’allais ajouter quelque chose lorsque j’entends la voix d’une femme. Plus douce et aiguë que celle de la flamboyante, je fronce les sourcils et, avant de faire quoi que ce soit, je crie, en espérant être entendue par la Consultante.
- J’entends des pleurs… Ils ont l’air féminins. Vous les entendez ? Je vais aller voir.
Et qu’importe si les pleurs m’entendent. Au mieux, la personne saura que je viens l’aider. Au pire… Hé, qu’est-ce qu’il peut y avoir de pire ? Je sais me défendre et je vais être sur mes gardes. Alors, je m’avance vers la localisation du bruit, sans savoir si Tywalen -ou qu’importe son nom-, m’a entendue.
Le silence s’épaissit autour de moi. J’ai l’impression que les haies sont vivantes et bougent autour de moi, qu’elles se calquent sur mes déplacements pour former et reformer d’autres passages. J’ai repris ma dague en main. Au détour d’un chemin, je tombe sur la rouge et je m’arrête in extremis pour ne pas lui foncer dessus. Un groupe de moineaux s’envolent, juste à côté de nous. Je range mon arme, le regard toujours en alerte.
- Je n’ai rien trouvé, dis-je en la regardant.
Mais, il y a quelque chose qui cloche. Elle ne me répond pas et son regard semble étrangement vide. Soudain, elle disparaît et soit je deviens fou, soit je crois clairement avoir entendu des rires étouffés non loin de moi, derrière l’une des haies.
Oh. Ok. Les résidents ne sont peut-être pas aussi innocents et simplement farceurs que ce que je pensais.
Je ne sais pas quoi faire des pleurs que je continue d’entendre. Est-ce que je dois aller dans cette direction ou tenter de trouver une autre sortie ? Et, surtout, est-ce que je vais réussir à retomber sur la vraie Consultante ?
En attendant, le brun reparti vers une nouvelle quête vertueuse de trouver la source de pleurs après avoir échoué à s’échapper de cette prison végétale. Amaryllis, dans un premier temps, essaya de le suivre, mais l’endroit venait encore de bouger et le chemin par lequel elle était certainement que le brun était passé était maintenant complètement bouché. Heureusement pour la rouge, qui ne s’était pas encore trop enfoncée vers le centre du labyrinthe animé, et si son sens de l’orientation mis à mal ne lui jouait pas des tours, la sortie la plus proche était sur sa droite. Laissant échapper un soupir, elle décida qu’elle en avait assez de cette farce, et, dégainant sa lame enchantée à deux mains, fonça vers le mur la séparant de la sortie avant d’asséner un coup rapide et net de toutes ses forces, puis de plonger dans la végétation abîmée par le passage d’une lame très bien aiguisée - ce qu’elle ne manquait jamais de faire même maintenant que son quotidien était bien plus calme.
Bien plus solide et dense que prévu, elle arriva tout de même à y faire du dégât, et, plongeant dans la brèche qu’elle venait de créer, elle fut tout de même rapidement assaillie par une végétation repoussant à une vitesse qui n’avait rien de naturelle. Arrivant à se faufiler au travers, elle se retrouva alors en dehors du labyrinthe, même si sa chevelure était en désordre et était pleine de branchages et de feuilles, un peu comme le reste de ses vêtements. Prenant quelques secondes pour remettre un minimum d’ordre dedans - bien que ce n’était largement pas parfait pour être à nouveau entièrement présentable, Amaryllis eut le temps de voir les résidents qui s’étaient approchés du labyrinthe. Elle devinait encore des traces d’hilarité chez certains, même si le fait d’avoir vu la rouge s’en échapper de cette manière les avait visiblement calmés. Son sceau magique indiquait d’ailleurs que la source était un petit vieux ayant mis ses mains dans des buissons du labyrinthe, très certainement celui qui était en cause du caractère mouvant de celui-ci. Heureusement bien équipée pour détricoter ce mystère, Amaryllis posa simplement une main ferme avec un grand sourire qu’elle avait voulu volontairement faux sur l’épaule du retraité.
« Monsieur, allons-y, le but de la journée n’est pas de traîner dans le jardin après tout, et les buissons ont l’air changeants, ce serait très dommage que quelque chose arrive à vos mains. »
Propos appuyés de façon tout à fait innocente par sa lame qui retrouvait son fourreau grâce à la main libre de la consultante. Le soldat Lehnsherr sera sûrement bien moins distrait sans les vieux et leurs pouvoirs prêts à le tourmenter comme la bonne poire qu’il était. Pour Amaryllis, si le doute était présent assez rapidement, le fait était qu’elle était maintenant certaine après cette sortie surprise qu’ils étaient tous de mèche - et de bien piètres vétérans par-dessus le marché.
« Mais, ne devrions-nous pas attendre votre collègue? »
Bien maigre tentative de sauver leur plan et de retarder l'échéance pour les torturer encore plus, Amaryllis haussa simplement les épaules.
« Il vérifie simplement qu’il n’y a pas de retardataires dans le jardin ou que Charlie ne s’y est pas perdue, il nous rejoindra après, avec elle. »
Sans les vieux pour le tourmenter, il devrait réussir à sortir de l’endroit et de comprendre que cette Charlie n’est sûrement qu’un mirage. Et réussir à les rejoindre ensuite - un petit jeunot pareil n’allait pas se faire distancer par des vieux, non plus. Si?
« Mais, on ne peut pas partir sans elle et sans lui! »
« Mais si mais si. On peut, et on va. »
N’ayant pas spécialement envie de plaisanter avec ces vieux croulants qui ne méritaient même pas le titre de vétéran et n’avaient plus la moindre once de respect à ses yeux, Amaryllis sonna donc le départ en retirant les mains des buissons du vieux, rendant certainement d’un coup le labyrinthe bien moins mouvementé.
« Maintenant, en route. »
Même si après quelques mètres de marche, l’un des vieux fit déjà mine de faire un malaise, visant peut-être à gagner un peu de temps pour tourmenter encore un peu plus le brun.
« Et voilà, vous restez au soleil trop longtemps et des choses pareilles arrivent. Je vous avais dit qu’on devait se dépêcher d’y aller. »
Contrôlant rapidement ses constantes et déterminant sans surprise aucune qu’il allait parfaitement bien, elle passa son bras au-dessus de son épaule et le traîna jusqu’à l’intérieur, où elle le coucha et interpella un homme du personnel pour qu’il s’en occupe - avec comme consigne de bien contrôler que tout va bien et qu’il a l’air d’aller particulièrement mal. Qu’il allait devoir rester en observation pour la journée et qu’on ne pouvait clairement pas prendre le risque de l’exposer à la suite des évènements qui seraient mauvais pour lui. Elle n’était peut-être pas médecin, mais elle l’avait dit avec assez de conviction pour convaincre l’aide-soignant.
Un en moins.
Plus qu’une vingtaine.
Je sors du labyrinthe sans problème et je rejoins, non pas la flamboyante et les petits vieux à notre point de départ, mais la petite dame qui m’a ouvert les portes de l’établissement. J’ai une longue discussion avec elle et, une fois que j’en ai fini, je rejoins le groupe. Lorsque les résidents s’aperçoivent que j’ai Charlie sur l’épaule, ils se donnent des coups de coude les uns et les autres. Je ne m’en occupe pas tout de suite. Je dois d’abord échanger quelques mots avec la Consultante. Je la tire à part et je tente de mettre les choses au clair.
- Bon… On est d’accord que c’était eux ? J’ai eu le temps sur le chemin du retour de faire des liens avec plusieurs avertissements que j’avais déjà reçus. J’ai aussi parlé à Madame Makina Des Usecks, celle qui nous a accueilli, la petite rondouillarde. Bon, elle savait que les petits vieux avaient prévu des tours de passe-passe et elle m’a fait la liste de tout ce qu’ils comptent encore nous faire. Je l’ai juste ici. Et une copie. On pourra les contrecarrer bien plus facilement maintenant.
J’ai sûrement une pointe de fierté dans le regard, mais encore faut-il vérifier que les informations de cette dame sont avérées. Le glooby balance quelques mots. Probablement qu’on lui a enseigné une de ces magies pour familiers à la mode. Puisqu’il était sur mon épaule, je le récupère délicatement dans le creux de mes mains et je le montre à Tawylaen - oui, j’essaie mais j’y arrive pas. Un sourire sur les lèvres, je lui explique.
- Charlie, c’est elle. Au moins un point où ils ne nous ont pas menti.
Il est maintenant temps de retourner auprès de nos vieux. Ils attendent, trépignent d’impatience mais Pimprenelle est ravie de retrouver leur glooby. Je le leur remets et je réussi à esquiver l’une des farces prévues par Balthazar. Elle a donc dit vrai. Avec une arme pareille entre nos mains, la journée va se dérouler bien plus facilement que prévu. Je vais aussi pouvoir faire preuve de tout le sérieux dont je suis capable. Je me permets un clin d'œil en direction de la Consultante, histoire de lui dire que tout est désormais sous contrôle. Nous allons pouvoir procéder aux activités de la journée, comme prévu initialement.
- Je suis ravi de voir que nous n’allons pas être tournés plus en ridicule que nécessaire, avouais-je à la cornue.
Les retraités récupéraient leurs affaires. Nous allions nous diriger vers le petit festival où nous devions les accompagner pour la journée.
- Dites-moi, je voudrais en profiter pour vous poser une question qui me titille depuis que vous vous êtes présentée.
J’essaie de réfléchir soigneusement à mes mots. Je ne veux ni la froisser, ni la brusquer.
- Mais… Vous avez fait le déplacement d’aussi loin pour vous récupérer une recrue comme moi et des petits vieux farceurs. Quelqu’un vous en veut, à la Commission ?
Je ne peux pas retenir le sourire qui vient ponctuer ma question. J’ai pas pu m’en empêcher, mais cette interrogation a sûrement de quoi être posée et je mettrais presque ma main à couper qu’elle s’est aussi interrogée sur les motivations de ceux qui lui ont confié cette tâche.
- M’enfin, vous en faites pas. On est pas comme ça, à la Caserne. On est bien plus disciplinés. Je suppose qu’ils ont simplement besoin de réussir à passer le temps comme ils peuvent !
Heureusement, le soldat revint avec un plan détaillé. C’était qu’ils étaient plus organisés que prévu, ces petits malins. Mais comme toujours, l’information était reine. Cela devrait rendre la suite bien plus supportable. Elle était même surprise que le brun ne soit encore un peu naïf quant à la responsabilité de leurs protégés.
« Oui, c’était eux. Qui d’autre, aussi? Bon travail tout de même, pour le document. »
Peut-être un peu lent d’esprit, mais au moins efficace sur la solution. C’était déjà ça. Toute cette histoire pour récupérer un stupide glooby en plus. Elle aurait été plus heureuse dans le jardin à grignoter des arbustes, cette limace. Néanmoins, Nikolaos semblait assez perspicace vis-à-vis de la Commission. Elle n’y avait pas que des amis. Elle soupira légèrement.
« Le trajet a eu le mérite d’être rapide grâce au pass de téléportation que me fournit la Couronne. Mais oui, sûrement, j’ai dû hérisser les poils de certains… »
En même temps, à ce niveau administratif, à traiter avec ce genre de conseil, il y avait forcément des différences d’opinions, des rivalités, et, évidemment, tous ne voyaient pas forcément d’un bon œil les externes comme elle.
« Après, je m’attendais aussi à autre chose. Les anciens combattants que j’ai pu connaître étaient… très différents. »
Vieux, jeunes ayant poursuivis une autre voix, ou blessés plus capables de se battre. Même s’ils n’avaient pas gardé les principes de la Compagnie avec eux dans leur vie de tous les jours, ils avaient toujours montré respect et déférence pour l’organisation qui les avait accueillis en son sein. Ils en parlaient avec nostalgie, fierté, ou au moins respect, et affichaient même parfois un garde à vous en présence des dirigeants qu’ils ne servaient pourtant plus. Une autre mentalité.
« Je passerai, un de ces jours. Surtout avec la promotion de la nouvelle Capitaine, hm? Elle n’est pas spécialement connue pour sa discipline martiale et son manque de dérapages, il me semble. »
Il avait l’air sûr de lui, en tout cas. Savait-il vraiment ce qu’elle pensait par discipline? D’un côté, il avait certainement raison : La caserne ne pourrait pas faire pire que ça. Ou bien si elle y arrivait, c’était vraiment grave. Et ce ne serait clairement pas un dossier qu’elle aurait envie d’avoir entre les mains. Mais chaque chose en son temps. Encore fallait-il en finir avec ces vieux, les ramener chez eux, et ne plus jamais en entendre parler. Le calvaire serait bientôt fini, et vivement les verres qui allaient suivre ce soir. Elle en aurait bien besoin.