Si les festivités du Solstice de la saison chaude vont bon train un peu partout dans le pays, la Forteresse n'est absolument pas en reste. Malgré l'agitation de la Garde suite au mouvement du Fenrir au nord de la frontière, il était absolument hors de question d'annuler le festival du Soleil qui était prévu de longue date. Au programme, un grand défilé coloré qui parcourt les rues grises de la Forteresse pour les égayer. Tout le monde s'habille de vêtements rouges, jaunes, oranges, quelques costumes déguisés font aussi leur apparition, et la parade, tout en musique, en spectacle et en danse, est participative, si bien qu'on peut décider de la rejoindre ou seulement de la regarder dans le public. Des stands de cadeaux souvenirs, de nourriture et boissons font aussi leur apparition dans toute la ville pour l'occasion.
La nouveauté de cette année est l'élection de la Muse du Soleil. Après un premier vote citoyen anonyme, des candidates sont sélectionnées et doivent faire partie de la parade pour être départagées. Sia, Sofia, surprise ! Cette année vous faites toutes les deux partie des sélectionnées, et la coutume veut que vous prépariez une petite représentation pour le plaisir du public, impossible d'y couper à moins de vouloir se faire bannir des festivités pour les années à venir...
Participants : @Sia Zmeï & @Sofia Nox
Thème actuel : Festival d'été
Une chope de bière vola à travers la pièce et vint s'écraser contre le mur de l'auberge.
"Ah, mais arrête Sofia, tu vas finir par me faire mal !" Lança Bob.
"Mais espèce de crétin ! Quand j'te demande de m'inscrire à la prochaine mission, c'était pas c'que je voulais dire !"
"Mais Sofia, t'es grave bonne, t'as toute tes chances et... ah, non pas le visage !" Supplia-t-il.
"J'en ai rien à foutre ! C'toi qui va y aller à ma place !"
Très colère, j'étais très colère ! Dans ma rage, furieuse, je lui enfonçai une miche de pain dans la bouche en espérant le voir s'étouffer avec. La Muse du Soleil, encore une connerie festive de l'été que les gens aimaient bien. Moi, ce que j'aimais surtout dans tout ça, c'était les stands qui ouvraient et qui proposaient bouffes et alcools assez rares. A aucun moment je n'avais envie de parader comme une princesse au milieu des ploucs. Mais là, c'était trop tard, j'étais foutue.
"Mesdames, Messieurs, le moment du grand tirage va enfin avoir lieu ! Et les deux demoiselles que vous avez décidé de choisir soooont... Sofia Nox !"
Complètement foutue.
"Et... Sia Zmeï !"
Je recrachai ma boisson au visage de Bob, les yeux tout ronds, surprise. J'avais bien entendu !? Sia !? Elle était pas morte celle-là !? Alors ça voulait dire que Lyle devait trainer dans le coin ? J'allais enfin comprendre pourquoi j'avais trouvée portes closes lors de ma dernière visite. Merde, la seule personne encore vivante dans mon entourage, c'était Sia -Et Lyle peut-être du coup- et elle allait me voir dans une tenue colorée à la con, à devoir me pavaner au milieu du village ? Ah mais attention, le pire dans tout ça, c'était que maintenant, si je refusais, paf ! Exclue. Bannie. Terminé ! Plus de festival, donc plus d'alcool, de stand de brochettes de poulet grillé au fromage. J'étais dos au mur, piégée.
"Sofia..." Baragouina Bob, un gros morceau de pain en bouche.
Je le regardai, avec une énorme envie de l'achever. Il avala son pain et s'approcha de moi.
"Comme tu pues la merde en danse... Et que t'es pas très féminine... Ni très courtoise... Ni polie... Ni franchement agréable à côtoyer..."
J'allais le tuer et finir mes jours en geôles. Je voyais pas d'autres solutions, là, tout de suite.
"Bah tu pourrais proposer un poème non ?"
Je déglutis.
"Et tu pourrais te mettre un joli truc dans les cheveux ? Genre un ruban ou une fleur pour faire genre t'es plus féminine quoi...."
"Mais j'veux pas ! J'm'en fou de gagner ou perdre ton truc débile !"
"Mais si tu gagnes t'auras un accès illimité au stand le reste de la fête !"
Sans attendre, j'enfilai un magnifique ruban-fleur dans les cheveux et récupérai la tenue que Bob m'avait trouvée. Un rapide tour dans un endroit discret pour me changer et me voilà, dans une belle tenue à fleurs jaunes.
"Si j'perds, tu me paies toutes mes prochaines visites dans les stands. En attendant, écris-moi un poème, moi j'dois aller voir une amie."
Je sortis de la taverne pour essayer de trouver Sia au milieu de tout ce bordel. Enfin, trouver une fille qui tirait la gueule avec une fleur à la place d'un œil, ça devait pas être difficile à retrouver.
Finissant de préparer ma tenue pour le festival, je ne tourne complètement rouge vers Sileas. J’ai récupéré une robe que ma mère m’avait confectionnée pour une édition précédente. D’un rose pâle, la robe m’arrive au-dessus des genoux. Plusieurs fleurs de tissu alternant entre différentes nuances de roses et descendent depuis l’un des bretelles de la tenue jusqu’à ma taille en une sorte de ruban. J’étais en train de nouer mes cheveux en une queue de cheval particulièrement haute, hornée d’un ruban et de plusieurs autres fleurs que Pyxidis et mes deux gloobies s’amusent à choisir.
« Je voulais juste profiter tranquillement des festivités avec toi… Comme pour un rendez-vous…
- Oh, mais je compte bien avoir mon rendez-vous avec ma charmante forgeronne, ne t'en fais pas. Mais je me suis dit que ça te ferait du bien de participer à ça, et que tu arrêtes de douter quand je te dis que tu es ravissante. »
Comme pour souligner ses propos, il vient m’attirer à lui alors que mon dragon essayait de placer une nouvelle fleur dans ma chevelure, me soustrayant à cette préparation. Je suis complètement rouge en regardant le blond, détournant même légèrement le regard en ne sachant plus que répondre. Pyxidis se met à râler mentalement et cela m’aide à reprendre mes esprits, me dégageant de l’étreinte du blond qui essaye de venir me chercher un baiser. Je pose un index sur ses lèvres, le reculant pour retourner à mes préparatifs.
« Très bien, très bien... Mais si je suis tirée au sort, tu me devras quelque chose en échange.
- Ça me va, si ça me permet d’avoir la chance d’être accompagné de la plus belle femme de la Forteresse. »
J’essaye d’ignorer ses propos, terminant de préparer ma tenue en étant aussi rouge qu’une tomate. Après plusieurs minutes de préparation, je suis enfin prête et nous pouvons rejoindre le festival et son cortège. Nous commençons à profiter des différents stands et festivités ensemble, main dans la main, mes gloobies se cachant dans les fleurs ornant ma chevelure et mon dragon miniature volant à nos côtés. Nous sommes en train de déguster les spécialités d’un étal quand l’annonce du tirage au sort se fait entendre.
« Mesdames, Messieurs, le moment du grand tirage va enfin avoir lieu ! Et les deux demoiselles que vous avez décidé de choisir soooont… Sofia Nox ! »
Je manque de m’étouffer en entendant ce nom. Sofia ? Ici ? Elle n’est pas au Village Perché avec Evelyn ? Elle n’est certainement pas au courant pour Lyle, nous avons complètement perdu contact depuis plusieurs lunes. Il faudrait que je profite de cette occasion pour la retrouver et lui parler.
« Et… Sia Zmeï ! »
Cette fois j’avale vraiment de travers avant de lancer un regard désespéré vers Sileas. Ce dernier souffle un rire qu’il essaye de masquer dans sa nourriture. Je suis entièrement rouge et ne sais plus où me mettre.
« Sileas… Qu’est-ce que je vais faire ?… »
Je suis désemparée, n’aimant pas l’idée d’être ainsi mise en valeur devant tant de monde. Je vais devoir participer au défilé après cette sélection et exécuter je ne sais quoi sur un des chars du cortège. J’ai envie de disparaitre, mais j’ai entendu que refuser de participer suite à l’inscription signifie bannissement des festivités et interdiction de profiter des stands de nourriture. Je lance un regard implorant en direction de mon bien-aimé qui doit avoir l’impression d’avoir un chiot abandonné dans les mains plutôt que la courageuse forgeronne dont il a l’habitude.
Avec un soupir et un nouveau rire de sa part, il vient me récupérer et me trainer à travers la foule jusqu’à gagner la zone à laquelle les participantes doivent se présenter pour gagner le cortège. L’homme s’occupant des festivités est en train d’échanger avec d’autres organisateurs, Sileas en profite pour m’attirer à lui et me prendre dans ses bras et essayer de m’encourager avant de me livrer aux vautours.
« Détends-toi Sia, ça va bien se passer. Tu as juste à monter et à être toi-même, tu vas tous les éblouir. Et si tu doutes, n'oublie pas que moi, je crois de tout mon cœur en toi. »
Il vient ensuite frotter son nez à mon oreille pour y déposer un petit baiser, en profitant pour me faire à nouveau rougir. Je n’ai clairement pas l’habitude de ce genre d’attention, même si je commence doucement à m’habituer que le blond exprime ainsi ses sentiments pour moi. Il vient ensuite récupérer mon menton et m’attirer pour me prendre un vrai baiser qu’il fait légèrement durer. Je m’oublierais presque dans son étreinte si nous n’étions pas interrompus pour l’organisateur qui se racle la gorge et cherche à avoir mon attention. Rougissant à nouveau, je me dégage lentement de l’étreinte de l’aventurier pour me tourner vers l’homme qui fait boucler sa moustache tout en m’inspectant de la tête aux pieds.
« Pas mal, pas mal. Sia Zmeï je suppose ?
- Oui, mais comment…
- Votre fleur à l’œil. La seconde concurrente doit arriver. Ah ! La voilà justement ! »
Je suis le geste de l’homme pour découvrir une Sofia visiblement légèrement mécontente accompagnée de deux organisateurs qui sont certainement allés la chercher. La reconnaissant, je m’avance pour la saluer, un large sourire sur les traits. J’ai du bien changer depuis notre dernière rencontre, sûrement plus joyeuse, me sentant mieux dans ma peau malgré tous les événements des dernières lunes.
« Sofia ! Je suis contente de te revoir. Je pensais que tu serais au…
- Pas le temps pour les salutations. J’espère que vous avez toutes les deux préparez un petit numéro parce que vous devez monter sur le char maintenant. »
Sans ménagement, on nous pousse vers la structure roulante et savamment décorée qui nous attend. On nous aide à monter pour finir sur une sorte de petite estrade improvisée sur le char. Nous sommes ainsi parfaitement mises en valeur alors que le présentateur nous rejoint. Plus moyen de s’échapper désormais, le moustachu s’avançant et préparant son cristal pour amplifier sa voix ainsi que présenter les deux concurrentes de ce concours. Je me penche vers mon amie, chuchotant pour savoir si elle serait tentée de faire une représentation ensemble.
« Dis Sofia… Si on faisait un truc ensemble plutôt que séparées ? Genre un concours de lancer de couteaux ? »
« Sofia ! Je suis contente de te revoir. Je pensais que tu serais au… » Lança-t-elle.
«Pas le temps pour les salutations. J’espère que vous avez toutes les deux préparez un petit numéro parce que vous devez monter sur le char maintenant.» Interrompit l'un des organisateurs.
Il nous poussa assez brusquement vers le char là, le truc débile décoré pour l'été. Euh, merde. Comment ça un petit numéro !? J'avais pas encore récupéré le poème de Bob ! Je me tapais bien l'affiche, là, debout sur l’estrade, déguisée comme une demeurée. Une goutte de sueur perla sur mon front et glissa le long de ma peau, signe d'un profond malaise.
« Dis Sofia… Si on faisait un truc ensemble plutôt que séparées ? Genre un concours de lancer de couteaux ? » Proposa Sia.
Un lancer de couteau ? Là, sur un char en mouvement !? Bordel elle avait toujours qu'un demi-cerveau elle, j'avais oublié ça. Mais je l'aimais quand même hein. Bref, fallait vite trouver un truc sinon on allait se faire huer, on allait nous balancer des tomates et des cacahuètes à la gueule. Et j'aimais pas trop passer comme une débile devant autant de monde. Encore moins dans un endroit comme la Forteresse, je trainais pas mal à la taverne.
"Eeeh.... Sia j'pense pas que le lancer de couteaux c'est très estival et ... Euh... Mais en soit moi j'aime bien ton idée hein. Franchement, alors Sia, franchement, si ça tenait qu'à moi, ouais. Mais là faut penser à un truc qui fasse genre filles, tout ça. Eeeeh..."
Je déglutis et regardai la foule qui commençait à nous regarder d'un air septique, un peu en se demandant ce qu'on foutait là en fait. Bah je me posais justement la même question. Qu'est-ce que je foutais là ? J'allais devoir improviser un truc ridicule, avec une Sia dont la féminité était encore à prouver.
"Bon, eeeh... J'vais réciter un texte et toi tu ..."
Je la regardai, le visage le plus neutre possible.
"Danse. Un truc du genre. J'sais pas. Danse avec des couteaux si tu veux."
Ah... Ah mais pourquoi ce genre de situation merdique ça tombait toujours sur moi ? Inventer un poème, inventer un poème... N'importe qui pouvait faire ça non ? Des rimes, douze pieds par vers, un truc pas trop long, genre trois strophes, emballé c'était pesé, merci au revoir. Perdre ou gagner ce concours m'étais totalement égale maintenant, dans la mesure où Bob allait se toute façon subir ma colère pour m’avoir embarqué là-dedans. Le gros moustachu vint nous voir, pour nous mettre un coup de pression, genre qu'on devait bouger nos jolies petites miches. Ouais, ouais ! J'allais lui coller un pain dans la gueule moi, surtout, s'il voulait autant parler de miche. Ah ! Son cristal qui amplifiait les voix. Je le lui demandai, il me le donna.
J'attends, l'année durant, dans un long soupire las,
L'arrivée de notre Festival de l'été,
Pour enfin, avec mes amis en profiter.
Quand le soleil approche, que la neige disparaît,
Enfin, elle revient, cette belle lumière de gaîté
Qui brille, qui chasse mes petits chagrins, chasse mes pleurs
Car vous êtes là, vous êtes le soleil de mon cœur.
Quand le soleil s'en va, les feuilles d'automne surviennent
Elle aussi, elle revient, ma longue, douloureuse peine
Mais l'esprit, plein de chaleur et de souvenirs
J'attends, sage, l'été prochain pour à nouveau rire."
Le gros malais, bien présent. "vous êtes le soleil de mon cœur". Mon âme venait de quitter mon corps. Cette histoire allait me suivre pendant longtemps et je voyais déjà les camarades de beuveries se foutre de ma gueule toutes les soirées à venir. Le soleil de mon cœur...
La danse n’est pas une mauvaise idée, mais Sofia ouvre le bal. Elle se place, récupère le cristal de l’organisateur et commence à sortir un poème d’une voix hésitante. Je me mords la lèvre quand j’entends les mots prononcés par mon amie, me retenant de pouffer de rire. Visiblement, elle est particulièrement gênée par cette situation et j’ai envie de la sortir de là. La pauvre doit fondre de honte.
L’organisateur cligne un instant des yeux quand l’aventurière semble avoir fini son numéro. Il récupère alors son cristal magique pour continuer son propre rôle.
« Nous remercions chaleureusement Sofia Nox, notre première concurrente pour cette prestation. Nous retenons donc que le peuple de la Forteresse est le soleil de son cœur, de quoi en faire chavirer plus d’un. »
Comme pour accentuer cela, l’homme fait un énorme clin d’œil lourd de sous-entendu, une étrange figure apparaissant au-dessus de sa tête. La forme est ronde, assez grosse pour que tout le public puisse la distinguer et forme un visage qui cligne de l’œil. Cette fois, je pouffe silencieusement dans mon coin, ne pouvant imaginer l’embarras dans lequel se retrouve mon amie.
Le numéro ne s’arrête pas là. Quand le visage géant disparait, le présentateur s’approche de moi avec son cristal. Mon heure a sonné.
« C’est donc maintenant au tour de notre seconde concurrente, Sia Zmeï de vous sa prestation. Qu’avez-vous donc préparé, très chère ? »
L’homme me tend son cristal pour que je m’exprime. Je le regarde puis le public avant de revenir à lui et déclarer de manière particulièrement sincère.
« Absolument rien.
- Pardon ?
- Je n’ai rien préparé. »
J’entends quelques rires légers dans le public alors qu’un nouveau visage gêné apparait au-dessus de la tête de l’homme qui m’interroge. Mon sourire se fait plus large, commençant à me dire que je pourrais simplement chercher à faire rire les gens. Une prestation qui pourrait égaler celle de Sofia, permettant à un maximum de personne de m’entendre et de me ridiculiser autant qu’elle. Peut-être même vais-je réussir à lui faire oublier son embarras ?
« Vous savez, je ne pense pas que Muse du Soleil ce soit vraiment une bonne situation. Pourquoi seulement des jeunes femmes devraient pouvoir concourir ? »
Dans l'assemblée, j’entends des personnes exprimer leur accord et poursuit dans ce sens.
« Pourquoi une muse ne pourrait pas être représentée par un homme mûr ? Vous pourriez même être notre muse ! Regardez-moi cette moustache ! Vous êtes digne de représenter la saison chaude.
- Vous m’embarrassez… »
Au-dessus de sa tête, un nouveau visage rougissant apparait. De nouveau, nous entendons plusieurs personnes approuver, même encourager cette prestation, siffler et applaudir.
« Je propose que pour cette première édition, Monsieur Montagne, vous soyez notre muse. Personne ne pourra mieux faire bouger le public en un rythme endiablé que vous…
- Voyons, ma carrière de chanteur est bien loin.
- Mais je suis sûre que tout le monde s’en souvient ! »
Dans le public, la majorité vient à approuver mes propos. Des cris d’encouragement commencent à se faire entendre, les gens se mettent à frapper en rythme dans leurs mains et scander le nom du présentateur.
« Je pense que nous souhaitons tous entendre votre chanson si célèbre ici… Le soleil des Pics… »
Le public se met alors à scander le titre de la chanson, augmentant l’embarras de l’artiste qui finit par calmer le jeu et offrir au public ce qu’il souhaite.
« Très bien public… Puisque tu le demandes, nous allons te l’offrir. Orchestre… Musique ! »
Le petit groupe présent sur le char et devant créer une petite ambiance pour annoncer l’approche de l’engin arrête soudainement son morceau. Les musiciens se regardent, synchronisant leur rythme avant de commencer à jouer les premières notes de la chanson. Reculant discrètement, je m’approche de Sofia pour lui chuchoter.
« Je sais pas toi, mais moi j’en profite pour partir ! »
Et sans attendre plus, je m’approche du bord du char pour en descendre.
« Nous remercions chaleureusement Sofia Nox, notre première concurrente pour cette prestation. Nous retenons donc que le peuple de la Forteresse est le soleil de son cœur, de quoi en faire chavirer plus d’un. » Lança-t-il.
Ouais, pas besoin d'en rajouter là ! J'avais pas réfléchi, c'était encore un truc à me faire accoster par tous les gros lourds du coin. Pire encore, je vis un visage, bien gros, bien visible, apparaître au-dessus de sa tête. Ah bah ouais, comme ça tout le monde pouvait bien voir le clin d'œil là ! Ah bah c'était bien Nils, super pour m'afficher en gros, génial ! J'te remerciais, ma réputation était foutue, pas grave hein ? C'était vraiment un sale petit con !
« C’est donc maintenant au tour de notre seconde concurrente, Sia Zmeï de vous sa prestation. Qu’avez-vous donc préparé, très chère ? »
Il tendit le cristal de communication vers mon amie. Bon, peut-être que sa danse ridicule allait leur faire oubli-....
« Absolument rien.»
Ah non ! Petite ...!
« Pardon ?» fit Nils -le présentateur- incrédule.
« Je n’ai rien préparé.» Répondit Sia, l'air de rien.
La foule se mit à rire tandis que Nils montra clairement son embarra. Ah, oui ! Voilà ! Le faire passer pour un débile, histoire d'oublier mon truc débile là ! Bravo Sia !
« Vous savez, je ne pense pas que Muse du Soleil ce soit vraiment une bonne situation. Pourquoi seulement des jeunes femmes devraient pouvoir concourir ? »
Contre toute attente, les gens dans la foule semblaient approuver. Et j'étais moi-même d'accord avec Sia. Pourquoi toujours utiliser l'image de la femme pour ce genre de truc ? On valait bien plus que de simple bout de viande agréable aux yeux. De quoi encourager l'aventurière à continuer son numéro, au plus grand dam de Nils.
« Pourquoi une muse ne pourrait pas être représentée par un homme mûr ? Vous pourriez même être notre muse ! Regardez-moi cette moustache ! Vous êtes digne de représenter la saison chaude. Je propose que pour cette première édition, Monsieur Montagne, vous soyez notre muse.»
La foule acclama Sia et Nils Montagne, ils voulaient tous écouter la chanson vedette du chanteur : Le soleil des Pics. Ah oui, je connaissais cette chanson. A vrai dire j'avais pas du tout reconnu Nils Montagne. De toute façon, moi et les célébrités, hein... C'était comme Gérard Debardieu, je savais pas qui c'était. Finalement, le chanteur se laissa emballer par l'idée et, pour cette édition de la Muse du Soleil, il accepta, sous les encouragements du public.
« Je sais pas toi, mais moi j’en profite pour partir ! »
Eeeh... D'accord. Je clignai des yeux, la regardai sauter du char. Je la suivis, l'air encore un peu perdue par tout ça. Mais au moins elle avait réussi à retourner le cerveau des gens. Elle était pas si bête que ça en fait. Ou alors elle avait un objet de pouvoir qui augmentait sa capacité de réflexion... ? Je devrais lui demander le même si c'était le cas.
"Mais Sia... On m'a dit que si j'gagne peux avoir accès aux étales de bière à volontés... Fis-je, un peu penaude. On m'a menti ...?"
Je m'arrêtai justement devant la petite boutique d'un commerçant. Il produisait sa propre bière locale. J'invitai Sia à s'installer sur un tabouret et je fis de même. Je commandai deux pintes, qui arrivèrent rapidement. Bien mousseuse, bien fraîche. Ca avait l'air drôlement bon !
"Bon, j'imagine qu'on a pas mal de truc à s'dire. T'es venu avec Lyle ? Il a été sage avec toi au moins, hein ?"
Je levai ma pinte vers mon amie et trinquai avec elle, toute contente de la revoir. Je lui offris même un beau sourire, c'était pour dire comment j'étais contente de la revoir ! En fait, c'était bien la seule personne qui m'avait réellement manqué et à qui il m'arrivait de penser durant mon absence. A la regarder, elle semblait en forme.
Je n’ai jamais entendu parler d’une telle récompense. Sinon j’aurais bien moins hésité à participer et je n’aurais pas essayé de m’échapper. Il n’en faut toutefois pas plus pour Sofia qui trouve une sorte de bar qui profite du festival et de la météo pour laisser une partie extérieure. D’ici on entend même le chant de Nils et son public visiblement ravi. Les bières arrivent et j’en goûte une première gorgée quand la question gênante est posée.
Il me faut reposer ma chope, me racler la gorge et m’enfoncer dans ma chaise. Que lui répondre exactement ? J’ouvre la bouche pour répondre avant de me raviser, baisser le regard. J’ai la mine particulièrement triste même si je suis loin de pleurer, j’ai versé bien assez de larmes pour lui. Je dois simplement lui dire les choses telles qu’elles sont. Cela ne servira à rien de la laisser dans l’ignorance.
« Oui, on a beaucoup de choses à se dire… Je suis désolée Sofia, je n’avais pas de moyen de te contacter et je n’ai pas pu me rendre au Village Perché ces derniers mois. Mais Lyle est mort. »
Ma voix tremble légèrement en annonçant cela. Même si j’accepte plutôt bien la chose et que Sileas est là pour m’y aider, il est encore difficile de le dire. Cela confirme le fait que plus jamais je ne pourrais le revoir.
« C’est une longue histoire… Il y a plusieurs lunes, j’ai décidé de quitter son apprentissage à travailler avec un ami armurier à la Forteresse. Entre temps, il a quitté sa forge pour partir je ne sais où. Apparemment pour voyager et découvrir le royaume. Et il y a deux lunes, j’ai reçu une lettre pour dire qu’on a retrouvé son corps au désert volant. Je suis allée chercher ses affaires et j’ai hérité de sa forge. Je suis rentrée il y a à peine deux ou trois semaines et j’ai commencé à retaper sa forge même si je ne suis pas certaine de ce que je vais en faire… »
Il est vrai que j’ai dit à Sileas que j’allais créer ma propre forge, avoir ma propre boutique, mais mes insécurités sont revenues depuis. Gagner cette maison pleine de souvenirs m’a créé de nombreux doutes qui ne font qu’augmenter à mesure que le temps passe. Je viens prendre une grande gorgée de bière, buvant presque la moitié de ma chope d’un coup avant de la reposer et de laisser un soupir de satisfaction filtrer. Que ça fait du bien.
Mon regard se redresse vers la blanche et je m’apprête à lui demander des nouvelles de sa bien-aimée quand j’aperçois la silhouette de la montagne de muscles me faisant la cour depuis quelque temps. Enfin, on peut dire que l’on est déjà un peu plus loin que cela, mais je suis encore bien trop timide pour oser aller plus loin. Me repérant, un large sourire sur les traits, Sileas nous rejoint et vient à mes côtés, déposant un petit baiser sur mon front avant de me souffler une taquinerie.
« Alors comme cela mademoiselle détourne l’attention du public pour s’échapper et boire ? Je pensais que tu essayerais de gagner pour avoir droit à ce service que je t’ai promis, ma petite Edelweiss. »
Mon visage devient cramoisi, me sentant fondre tandis que Sofia nous observe. Avec un bégaiement, je me décide à les présenter tous les deux.
« Sileas, voici Sofia. C’est une amie de longue date qui m’a beaucoup conseillée à mes débuts en tant qu’aventurière. Sofia, voici Sileas, mon… »
Je rougis encore plus sans savoir que dire sur la façon de le qualifier, ce qui amuse clairement le blond. Dans mon esprit, les choses s’embrouillent et je pèse chaque terme sans savoir lequel lui convient le mieux. J’ai l’impression que la chaleur de mon visage ne fait qu’augmenter progressivement alors que je balbutie enfin quelques mots.
« Mon ami… Proche. Très proche. »
Il me faut une nouvelle gorgée de bière pour passer le tout pendant que j’entends clairement ce dernier qui se retient de rire à côté de moi.
« Sofia et moi nous connaissons déjà. D’ailleurs, heureusement que tu es plus douée avec tes ombres qu'avec tes poèmes, car les deux peuvent tuer, mais pas de la même manière. »
Je manque de m’étouffer à cette mention, reposant ma chope en toussant doucement. Je suis bête, ils sont tous deux aventuriers depuis des années, ils ont certainement eu l’occasion de se croiser lors d’une mission. Je me racle légèrement la gorge avant de revenir à Sofia et lui poser la question que j’avais en tête plus tôt.
« Et toi alors ? Que deviens-tu ? Evelyn va bien ? Ça m’étonne de ne pas te voir avec elle, même si elle n’aime pas trop la foule… »
Sia les pieds dans le plat. C’est comme ça que l’on devrait m’appeler.
« Désolée Sofia, je crois bien que l’on t’a menti… » Annonça une Sia compatissante.
Elle me connaissait un peu, elle savait toute l'importance que j'attachai à la bonne boisson. J'essuyai une petite larmichette qui perlait au coin de mon œil, sous bon bandeau. Une peine et une colère bien vite oubliées à la première échoppe en plein air. Le temps était aux retrouvailles, ma joie d'avoir Sia face à moi était sincère. Et, même si c'était très rare, j'avais un sourire collé aux lèvres. Un sourire qui, hélas, s'efface bien rapidement...
« Oui, on a beaucoup de choses à se dire… Je suis désolée Sofia, je n’avais pas de moyen de te contacter et je n’ai pas pu me rendre au Village Perché ces derniers mois. Commença-t-elle, comme pour justifier la suite. Mais Lyle est mort. »
D'accord. Rester calme. Ouais. Sia devait souffrir bien davantage et je n'avais pas envie de lui faire passer une sale journée si elle me voyait chialer suite à cette annonce. Parce que oui, mine de rien, je venais de prendre un seau d'eau glacée en plein gueule là. J'appréciais réellement Lyle, sincèrement, avec mon cœur. C'était un chic type, doué en plus de ça. Je réalisai alors que Clotho et Lachésis, mes deux sabres forgés par lui, prirent une toute autre valeur à mes yeux. Lyle n'était plus là pour en prendre soin. C'était à moi de veiller sur mes lames jumelles. Putain...
« C’est une longue histoire… Il y a plusieurs lunes, j’ai décidé de quitter son apprentissage à travailler avec un ami armurier à la Forteresse. Entre temps, il a quitté sa forge pour partir je ne sais où. Apparemment pour voyager et découvrir le royaume» Raconta-t-elle.
Lyle était un ermite puceau qui vivait en solitaire dans sa forge à la montagne. Il n'avait rien d'un explorateur, encore moins d'un aventurier. Il avait probablement mal vécu le départ de Sia. Je savais qu'il l'aimait beaucoup.
«Et il y a deux lunes, j’ai reçu une lettre pour dire qu’on a retrouvé son corps au désert volant. Je suis allée chercher ses affaires et j’ai hérité de sa forge. Je suis rentrée il y a à peine deux ou trois semaines et j’ai commencé à retaper sa forge même si je ne suis pas certaine de ce que je vais en faire… »
C'était assez récent. J'étais dégoutée. Juste bien dégoutée. Fini. Terminé. Plus de Lyle. Difficile à encaisser, surtout que l'ambiance ne s'y prêtait pas. Je laissai ma choppe de coté un instant, un peu chamboulée par la nouvelle. Face à mon silence, Sia releva la tête et s'apprêta à parler, lorsqu'elle fut interrompue par la venue de Siléas.
"« Alors comme cela mademoiselle détourne l’attention du public pour s’échapper et boire ? Je pensais que tu essayerais de gagner pour avoir droit à ce service que je t’ai promis, ma petite Edelweiss. » Lança-t-il.
Je fronçai légèrement les sourcils. Ils se connaissaient... ?
« Sileas, voici Sofia. C’est une amie de longue date qui m’a beaucoup conseillée à mes débuts en tant qu’aventurière. Sofia, voici Sileas, mon… »
Elle rougit. D'acc', je venais de comprendre.
« Mon ami… Proche. Très proche. » Précisa-t-elle.
J'allais lui dire que je connaissais déjà Siléas, mais ce dernier me devança.
« D’ailleurs, heureusement que tu es plus douée avec tes ombres qu'avec tes poèmes, car les deux peuvent tuer, mais pas de la même manière. »
Je soufflai du nez et retint un léger rire, amusée. Ouais, il m'avait entendu et allait bien se foutre de ma gueule maintenant. Il pouvait, venant de lui j'acceptais. J'aimais bien Siléas, je comptais même repartir avec lui en mission. Trop fière pour l'avouer évidemment, mais j'apprenais des choses avec lui.
« Et toi alors ? Que deviens-tu ? Evelyn va bien ? Ça m’étonne de ne pas te voir avec elle, même si elle n’aime pas trop la foule… »
on cœur rata un battement. Forcément, elle allait me demander.
"Ouais... Elle aime pas trop la foule. Elle n'est pas venue. Elle attend mon retour."
Ben j'avais juste pas osée dire la vérité en fait. Car ça serait admettre qu'Evelyn aurait pu terminer comme Lyle et là, j'avais déjà assez encaissé niveau nouvelle. Je ne voulais pas en rajouter une couche. Et... Je voulais encore me voiler la face, sans jeu de mot. De toute façon j'étais sûre qu'elle était là, quelque part, en vie. Evelyn ne pouvait pas mourir aussi facilement. Elle était forte, robuste, elle savait se sortir des situations de merde. Et son pouvoir lui permettait de revenir à la vie. Alors vraiment, pour la tuer, il fallait vraiment le vouloir. Je devais garder tout ça en tête, je devais garder espoir et continuer de la chercher. Si elle n'était plus au camp où nous étions retenues prisonnières, elle était tout simplement ailleurs. Ouais, voilà, c'était ça, forcément. Je devais juste la trouver.
"Siléas est un excellent combattant. Je l'ai vu à l’œuvre, j'ai été impressionnée. Avec ta permission, Sia, j'aimerais partir avec lui plus souvent."
Je lui souris doucement et inclinai ensuite la tête vers Siléas. J'appelai le commerçant, pour lui demander une troisième bière.
"Tu vas rester avec nous alors. On a encore le temps pour s'amuser."
Faire bonne figure même si là, tout de suite, j'avais envie de rentrer pour me mettre mal toute seule. C'était ce que j'aurais fait avant, en fait. A croire que j'étais devenue un peu plus sage ces derniers mois. La journée ne faisait que commencer, Nils Montagne mettait l'ambiance... Pourquoi ne pas en profiter encore un peu ?
Vient ensuite un petit mot sur Sileas, me faisant écarquiller l’œil. J’étire un sourire, ayant envie d’éclater de rire, mais je laisse le blond s’installer à côté de moi avec la chope qu’on lui apporte. Instinctivement, je me rapproche de lui et ce dernier en profite même pour passer un bras dans mon dos, tenant sa boisson de l’autre main. J’ai comme l’impression qu’il attend ma réponse à la demande de mon amie.
« Bien sûr que tu peux ! Tu n’as pas besoin de ma permission. Sileas est adulte et sait très bien se gérer tout seul. C’est à lui qu’il faut demander s’il a envie de partir en mission avec toi, pas à moi. »
J’étire un sourire vers ce dernier qui hausse des épaules en buvant avant de me retourner la taquinerie.
« D’ailleurs, on ne devait pas aller chasser du porc-becue ? Je vais finir par croire qu’il faut que je prenne rendez-vous pour avoir une quête avec toi. »
Je vois bien son sourire, mais j’essaye de faire comme si de rien était, tournant la tête presque vexée.
« Je suis très occupée avec les travaux, et tu le sais bien ! Mais ça me ferait plaisir de refaire une quête à l’occasion. Avec toi aussi Sofia. Ça fait longtemps… Et si Evelyn veut nous rejoindre à l’occasion, dis lui de ne pas hésiter. »
Même si la mention de sa bien-aimée ne semble pas spécialement réjouir mon amie, je lui adresse un petit sourire. Nous levons ensuite nos chopes et trinquons. S’ensuivent plusieurs autres verres et tavernes. Quand des organisateurs de la fête se rendent compte de notre disparition après l’interprétation de Nils Montagne, ces derniers nous recherchent et nous nous mettons à faire un vrai jeu du chat et de la souris. Tous les trois, sous l’effet de l’alcool et des festivités, profitons d’un bon moment, partageons des fous rires et passons un après-midi des plus légers. Quand vient le soir, nous réservons une taverne à la nourriture généreuse, faisant un concours de nourriture tous les trois. Évidemment, c’est Sileas qui l’emporte haut la main.
Nous échangeons des anecdotes, des souvenirs, des moments du bon vieux temps. Même si les souvenirs avec Lyle reviennent aussi, voyant qu’ils attristent Sofia autant que moi, j’ai l’impression qu’ainsi parler lui remonte un tout petit peu le moral. Oui, ce rouquin nous a donné beaucoup de souvenirs, mais en nous retrouvant ainsi nous venons trinquer à sa mémoire. À la mémoire de ses délicieuses bières, de ses petits plats uniques, de son obstination énervante, de sa timidité touchante, de sa maladresse hilarante et de bien d’autres choses.
Quand la nuit est bien noire, que nous devons chercher une auberge pour faire dormir Sofia en sécurité et nous même trouver un moyen de rentrer en sécurité ou de loger sur place, je me retrouve accrochée à son bras. Regardant les étoiles nocturnes en marchant en zigzag, je lâche des petits rires sans raison. Beaucoup de souvenirs reviennent avec la compagnie de Sofia, des bons comme des mauvais, mais je suis sincèrement heureuse de la retrouver.
« Dis Sofia. Quand tu auras récupéré, viens à la forge ! Je suis sûre que Lyle avait laissé des choses pour toi. Même s’il déclarait ne pas te détester et te traiter de tous les noms, il t’aimait bien. Je vais fouiller dans ses affaires et… »
Mes mots semblent être de trop, faisant monter quelques larmes qui perlent sur les joues de Sofia, me faisant aussi pleurer même si je garde le sourire.
« Moi aussi il me manque… J’avais tellement à lui dire. Mais on doit continuer d’avancer, hein ? Alors viens et on regardera ensemble s’il y avait des choses pour toi. Même si c'étaient seulement des plans d’armes, je dois pouvoir honorer sa mémoire et son art. Si tu en as envie… »
Même si elle ne me donne pas de réponse immédiate, je pense que j’ai touché mon amie. Lyle n’est plus là, Sileas est devenue celui qui me soutient à sa manière. Sofia est revenue et maintenant j’espère que nous garderons un peu plus contact.