Il ne le connaissait pas trop au final, ce jeune homme qui l'avait aidé à échapper à des brigands, à une multitude d'emmerdes avec la garde à cause de son passif de criminel et surtout à quitter le port qui englobait un tas de souvenirs dont il avait toujours eu envie de se séparer. Deux ans déjà qu'il avait rejoint la capitale, mais qu'il était resté au même niveau, globalement. La rumeur quand à la présence du fils d'Arpheos dans l'enceinte du palais avait donné l'envie un peu folle au fantôme de tenter une excursion nocturne pour le voir, peut-être dans l'attente qu'une idée lumineuse vienne éclairer son esprit égaré. Il n'avait pas vu le dragon blanc si caractéristique de Newt dans le ciel de la capitale, pourtant, mais cette idée ne le travailla pas tant que ça ; si le projet de fiançailles était réel, il devait être discret étant donné qu'aucune annonce n'avait été faite. Un dragon dans le ciel aurait été effrayant. Bref.
Nevra n'avait pris que le strict minimum quand il s'était dirigé d'un pas décidé en direction du palais ; s'introduire dans les demeures des nobles, il l'avait déjà fait par le passé, la différence étant juste que la barrière d'anti-magie ne lui permettrait pas d'utiliser son pouvoir. La nuit était tombée déjà et seul l'astre lunaire ainsi que quelques cristaux lumineux éclairaient les alentours. Ce n'est qu'avec son habituelle discrétion que le fantôme avait escaladé un des murs d'enceinte du palais avant de finir dans les jardins. Étonnamment, il n'avait croisé la route d'aucun garde, mais ça ne l'empêchait pas de rester attentif au moindre mouvement qui pouvait se faire.
Il trouva son chemin parmi une petite allée bordée de buissons taillées strictement avant de tomber sur une statue éclairée par la lumière de la lune. Planté là, le jeune homme finit par oublier sa quête principale pour se perdre dans ses pensées, remettant en cause un bon nombre de décisions qu'il avait dû faire, dont celle de venir ici ce soir...
J’étais apparu de nulle part. De nulle part, oui. Pas très loin derrière l’inconnu à qui j’avais adressé la parole comme si de rien était. Le ou la pauvre devait être en panique totale parce qu’il ne devait pas s’attendre à ce qu’une personne débarque comme ça, derrière lui. On aurait même pu me confondre à un maitre espion, carrément et c’était devenu un peu le cas vu que je prenais toutes mes précautions pour m’échapper du palais pour aller me promener en pleine capitale, tout seul, sans aucun garde. C’était non seulement bien plus fun comme ça, mais ça me changeait en plus de la vie lassante de la royauté à laquelle ma femme était habituée puisqu’elle baignait dedans depuis sa naissance.
- « J’ai toujours trouvé qu’elle mettait plus en relief les formes d’Allys plus que ses traits. On voit qu’elle est callipyge, taillée comme une déesse, mais les sculpteurs ont vraiment été simplistes dans la conception de son visage. C’est dommage non… ? »
Le pire dans tout ça, c’est que je causais comme si de rien était. Oui parce que l’intrus ne devait pas être bien méchant ou sinon, pas bien dangereux. Avec la barrière qui entourait le palais, il ne pouvait absolument rien faire, là où j’avais tout le loisir de me draper de flammes et de le carboniser rapidement. Mais plutôt que de penser à enflammer l’intrus, je me mis tranquillement à tirer sur ma pipe que j’avais déjà allumée, profitant des taffes du tabac dont j’abusais volontiers. Un petit plaisir personnel que je m’autorisai quand j’étais seul, bien loin de la populace. Oh, le roi de ce royaume pouvait sans doute fumer en public sans que cela ne soit gênant pour quiconque, mais lui aussi avait ses petites lubies.
- « Alors, qui êtes-vous ? Et que recherchez-vous dans la cour du palais à cette heure ? »
Dans un mouvement qui se voulait détendu, le fantôme reposa les yeux sur la statue avant d'oser prendre la parole :
« Je sais pas ce que ça veut dire callipyge, mais je trouve ça osé, surtout si c'est la reine qui est représentée. »
Parce que oui, bon, Nevra n'avait pas une éducation poussée, mais il avait déjà été amené à rencontrer des oeuvres de ce genre quand il devait aller voler les nobles au grand port. Une statue de la reine à moitié nue en train de regarder son propre postérieur grâce au reflet de l'eau, il trouvait ça limite ; mais bon, les nobles, ils étaient prêt à payer n'importe quoi avec leurs cristaux...
« Ehm... Eh bien, je me suis un peu paumé, en fait... » La bonne blague ; personne ne se retrouvait au milieu du palais en se perdant, mais il parlait plus du fait qu'il ne savait pas trop à quoi penser en ce moment qu'à s'être littéralement perdu en errant dans la capitale. Il réfléchit à ses mots, tout en se passant une main dans les cheveux.
« J'ai entendu dire que le fils du gouverneur d'Arphéos était là ; c'est un ami, mais jvais pas chercher à déranger plus, je crois. Ça sera mieux. » Il ne venait pas chercher les emmerdes, à la base et la présence de l'homme ne le rassurait guère, même si ce dernier était parfaitement détendu à fumer la pipe.
J’eus un sourire affable bien visible. Cependant, intérieurement, j’étais plus qu’amusé par les réponses du gamin qui cherchait une échappatoire. Inutile de dire qu’il était mal barré avec moi parce que je n’allais pas le laisser s’en tirer à si bon compte ! Non pas parce que j’étais protocolaire, à cheval sur la sécurité ou que je craignais quoique ce soit, non ; mais bien parce que le gamin était à lui tout seul une source d’amusement peu commune que je ne comptais pas gâcher. Il était malheureusement tombé sur la mauvaise personne et j’allais le faire balader un peu ! Il y avait des jours où je remerciais vraiment Lucy pour sa grâce ! Et dire que je comptais m’enfuir du palais à la base hein…
- « L’héritier d’Arphéos doit surement se trouver encore dans les parages. C’est le filleul du roi alors m’est d’avis qu’il doit certainement être logé ici. »
Sur ces dires, je me mis à tirer de nouveau sur ma pipe. Newt était effectivement dans le coin et j’eus un rire en pensant également à ma propre fille, ainsi qu’à la rumeur qui les liait. Des fiançailles hein ? Le roi que j’étais n’attendait que ça ! A défaut d’avoir mon ainé fiancé comme il faut, voir ma gamine être casé à un homme comme Newt ne me dérangeait absolument pas. D’ailleurs, j’étais persuadé qu’ils me feraient de beaux petits-enfants et la perspective d’être papy me faisait presque rougir et sourire comme un gros con. Ceci dit, je fis très vite de l’ordre dans mes pensées avant de m’avancer vers l’intrus qui était très calme, là où j’aurai pensé que ma présence l’aurait quasiment effrayé…
Du reste, il semblait même ne pas avoir reconnu son roi. Pas de quoi m’offusquer cependant…
- « Oh, callipyge, ça veut vulgairement dire une femme qui a de jolies fesses. Un gros cul quoi. Et faut avouer que la reine est plutôt bien foutue hein… »
J’eus un petit rire en jetant un regard espiègle au « fantôme ». Ce n’était peut-être pas digne d’un roi et d’un mari de surcroit, mais j’aimais vanter la beauté de mon épouse de façon brute, sans édulcorer mes mots et ma façon de voir. La statue qui représentait Allys était clairement osée, diablement sexy, horriblement perverse pour beaucoup, mais elle m’amusait moi. D’ailleurs, j’étais toujours étonné de voir qu’elle était encore en place ici. Si ma femme était une diablesse au lit (et heureusement d’ailleurs !), elle était un symbole de droiture, de rigueur et de sérieux aux yeux des autres. C’était la reine quoi. Tout à fait normal, dirons-nous. Je finis par me rapprocher du jeune gars et je tapotai l’une de ses épaules.
- « Ah… Je t’avoue gamin, que j’m’en payerais bien une tranche avec elle ! Avec un cul pareil et les nichons qu’elle a, on doit pas s’ennuyer avec elle ! T’es pas d’mon avis ?! »
Et sans même m’en rendre compte, j’étais passé du vouvoiement au tutoiement.