Le festival d’été bat son plein à la Ville Aquatique et, aujourd’hui, a lieu le concours hebdomadaire d’enchantement dans le quartier d’études. Ce concours a pour but d’exposer divers démonstrations magique de sortilèges et autres enchantements au milieu d’un amphithéâtre. La démonstration la plus impressionnante se verra remettre un trophée et aura également l’occasion de partager un repas prestigieux avec un des éminents invités scientifiques de son choix.
Vous participez chacun à ce concours, et serez de facto… concurrents.
Participants : @Saehlia Kreiss & @Almassar Heckel
Thème actuel : Festival d’été
Et ledit jour arrive bien rapidement, beaucoup de monde étant présent. Il est sur qu'un tel prix ne peut qu'attirer les attentions et les curieux. Participants, membre de la profession et divers curieux sont ainsi installés ou pressés par leurs derniers préparatifs. Almassar lui même s'échine à finir ses derniers mélanges, ceux qu'il ne peut faire à l'avance. Et tout se passait pour le mieux jusqu'aux dernières minutes avant la montée sur scène. Tout le monde court partout, et le jeune homme lui même a besoin de quelques composantes supplémentaires. Heureusement, l'organisation du concours avait prévu son coup et nombre de ressources les plus communes étaient pour ainsi dire en libre service, ou du moins simplement disponibles sur demande. Un petit sachet de poudre est tout ce qu'il lui faut pour finir son mélange, et alors que l'enchanteur se préparait à retourner à son bureau, une demoiselle bien précise attire son attention. Pendant un instant il croit à un mirage, et Almassar cligne des yeux pour s'assurer qu'il n'a pas d'hallucination. Mais cette démarche, cette chevelure. Ce visage, qui, si il est désormais totalement développé ne laisse que trop voir les traits qu'il connaissait déjà. Aucun doute, il reconnait bine Saehlia, celle qui lui a causé tant de soucis durant ses plus jeunes années. Son regard croise celui de la femme durant quelques instants, qui sont déjà de trop. Jurant entre ses dents, l'homme au regard violine se détourne pour retourner à son poste de travail sans finir de s'épancher verbalement pour évacuer le trop-plein d'émotion ressenties.
-"Il fallait qu'elle soit la celle la. Elle m'a pas assez pourri la vie il y'a dix ans, maintenant il faut qu'elle recommence. Elle va voir ce qu'elle va voir, si elle se croit meilleure je vais la remettre à sa place et lui prouver qu'un titre ne fait pas tout, à cette connasse sans cœur..."
Même Ivoire semble surpris de cet accès de colère. Les mains de l'enchanteur tremblent presque de rage, ce qui n'est pas particulièrement bon pour les dosages. Et l'énergie de la haine qu'il gagne sur ses préparatifs risquent de lui couter cher plus tard en erreurs. Presque inquiet de son état, le Grimoire descend un peu plus bas, à hauteur du visage de son créateur.
-"Eh gamin, tu la connais cette femme ? Depuis que tu l'as croisée tu es pas normal, il s'est passé quoi ? Et concentre toi un peu, sinon tu vas rater ta préparation. Regarde, la, tu es en train de mettre trop de cristaux élémentaux pilés."
En grognant entre ses lèvres et silencieusement, le brun retire le surplus qu'il avait effectivement préparé avant de commencer à écraser le tout ensembles, la poudre devenant peu à peu plus fine jusqu’à presque former une pellicule imperceptible. Seul le bruit hargneux du pilon répond au grimoire, qui finit par donner un coup de sa couverture sur le crâne d'Almassar.
-"Bon, tu vas me répondre ou faire la mauvaise tête durant tout le concours ? Si tu continues c'est moi qui vais aller te représenter, et ne t'en fais pas ils se souviendront longtemps de la performance offerte."
Finalement l'enchanteur soupire, redressant la tête vers ce livre volant si insupportable. Son regard jette des éclairs, le visage dur et fermé alors qu'il siffle d'une voix froide et presque mauvaise.
-"La femme que l'on vient de croiser était mon premier amour. Et aussi la première personne à m'avoir brisé le cœur. Elle s'est tellement faite dévorer par son envie d'être la meilleure qu'un jour elle m'a débité un monceau de conneries sans queue ni tête avant de ne plus jamais vouloir me parler. Elle n'a même pas eut le courage d'assumer ce qu'elle voulait, et que seule sa carrière importait, non, elle a du inventer des accusations ridicules avant de ne plus jamais me donner de nouvelles. Je me serais très bien porté de ne jamais la recroiser... Mais si elle est la aujourd'hui, lui montrer à quel point elle peut être conne sera déjà une satisfaction suffisante."
Cela a le don, peut être pour la première fois, de clouer le bec du grimoire qui ne laisse échapper qu'un "Ah." incrédule et dubitatif. Hélas, la colère n'est pas la meilleure des conseillères, et cette démonstration qui s'annonçait flamboyante risque bien de l'être... Mais pour d'autres raisons.
Avec un soupir, la jeune femme observe les différents scientifiques et magiciens qui s’organisent un peu partout autour d’elle. Elle est venue les mains dans les poches, sans aucun plan. Elle va compter sur son pouvoir et rien d’autre. Il faut cependant qu’elle trouve une créature intéressante à exposer. Les plus intéressantes sont les plus rares, et autant dire qu’elle en a rencontré que peu. Pour se plonger dans ses pensées, elle cherche un endroit plutôt isolé.
Après un petit moment de recherche, la verte trouve un lieu où plusieurs enchanteurs font leurs derniers préparatifs, un silence pesant se faisant sentir. Parfait. Elle s’assied dans un coin et commence à sortir son exemplaire personnel de l’Aryon universalis. Ses propres rencontres de la faune du royaume pour essayer de référencer les invocations qu’elle est capable de faire.
Elle hésite entre un Dracaufleur ou Drarbuste quand un mouvement attire son œil. Un grimoire volant. Elle cligne légèrement des yeux avant d’observer l’homme qui accompagne cette création magique. Elle est soudainement prise de nostalgie, ne sachant d’où vient ce sentiment. Le visage qu’elle voit lui est familier, mais en même temps très différent. L’enchanteur qu’elle voit lui est un inconnu complet, mais quelque chose lui rappelle nombreux souvenirs qu’elle n’arrive pas à s’expliquer. La scientifique ouvre la bouche pour appeler ce nom qui lui vient avant de se raviser en voyant le brun et son grimoire se retourner et disparaitre.
Saehlia est complètement bouleversée, n’arrivant plus à organiser ses pensées correctement. Le temps est malheureusement contre elle, un organisateur du concours faisant irruption pour presser les participants.
« Début du concours dans 120 secondes ! Les retardataires seront éliminés. N’oubliez pas de porter votre numéro bien visible sur le torse ou vous serez éliminé. Veuillez vous rendre immédiatement à la file d’attente. »
Plus le temps de réfléchir. La jeune femme récupère son numéro, le 15, l’épingle correctement avant de rejoindre l’endroit qui lui est désigné. Plusieurs autres scientifiques sont déjà présents, tous avec une multitude d’objets servant à leur démonstration. Les dernières minutes s’écoulent et la verte repère à nouveau cet homme avec son grimoire qui s’installe à quelques places devant elle dans la file. Visiblement il passera avant elle et elle compte bien faire attention à entendre son nom et regarder ce qu’il sait faire.
Pourtant, elle n’a pas envie d’attendre. Se penchant en avant pour essayer d’approcher l’homme, elle souffle le nom qui lui brûle les lèvres.
« Almassar ? »
Plutôt que le concerné, c’est son grimoire qui se tourne vers elle en entendant ce nom. Les organisateurs ne laissent pas le temps aux retrouvailles de se faire, les hostilités commençant sans attendre.
« Veuillez vous présenter dès que votre numéro est appelé. Vous aurez droit à 60 secondes pour vous installer et 60 secondes pour votre démonstration. Au-delà, vous serez éliminé. »
On dirait que les organisateurs aiment l’idée d’éliminer des concurrents. Un regard noir étant lancé en direction de la verte qui est en dehors de son rang, elle revient se mettre à sa place et patienter. Est-ce réellement Almassar qui est ici ? Elle a une multitude de choses à lui dire, de questions à lui poser et un flot de sentiments contraire la traverse en cet instant. Ce qui a été brisé il y a dix ans est encore difficile à digérer.
-"Je crois que la femme que tu surnommes de manière si colorée t'as reconnu et souhaite te parler. Donc vas-y champion, gagne le concours pour l'éblouir, et ensuite tu viens la remettre dans ton lit. Tout se règle bien plus facilement une fois l'esprit et le corps légers."
Une rougeur prend les joues de l'homme. Mais pas une de gêne, plutôt de colère alors que son regard se rive sur sa création, et qu'il siffle entre ses dents alors que peu à peu, la file rétrécit et leur tour approche.
-"Pour une fois dans ta vie, mêle toi de tes affaires Ivoire. Après ce qu'il s'est passé, je n'ai guère envie de la voir revenir dans ma vie, qu'importe la place. Elle m'a trahi en tant que collègue d'étude et de travail et en tant que partenaire. Quel genre de vie tu as envie de reconstruire avec ça ensuite ?"
Le livre reste silencieux, sans savoir quoi dire. Le jury est impitoyable, et n'hésite absolument pas à éliminer les candidats à la moindre erreur, de quoi encore augmenter le stress de ceux restants. Trois place, deux places, une place, et enfin c'est au tour d'Almassar. Ce dernier serre le poing avant de le relâcher, d'expirer. Pas une seule fois il n'a regardé derrière lui tandis qu'il vient se présenter face au jury. Une nouvelle inspiration alors qu'il déclare d'une voix qui n'est -presque- pas tremblante.
-"Je suis Almassar Heckel, enchanteur. Mon Don me permet de comprendre naturellement la magie qui habite un objet et ses effets, et je vais essayer aujourd'hui de le montrer à tous."
Un objectif particulièrement difficile. Pour cela, il a du mettre en poudre assez de composantes différentes pour arriver à extérioriser son talent, lui donner vie. Si il y arrive, tous pourront voir les flux qui composent l'enchantement tissé sur l'objet choisi, en l’occurrence sa Gourde Fontaine. Le choix n'est pas important, c'est la réussite qui l'est. Avec une expiration, le brun ouvre les premières fioles qu'il a préparé pour les répandre dans l'air, ces dernières stagnant en lévitation avec un peu d'énergie. C'est un véritable brouillard gris qui se repend ainsi alors que l'homme ferme les yeux pour se concentrer, insuffler son pouvoir dans la gourde, et en même temps dans cette poudre réceptive. Peu à peu, des filaments colorés viennent danser pour détruire le monochrome de cette toile enchantée, tissant en des filins spectraux cette magie qui permet à la gourde de toujours rester pleine. Et ça semble captiver le Jury, jusqu'au moment ou... L'énervement, la colère des dernières préparations frappe. Le tableau gris vire au rouge avant d'éclater en ce qui est plus proche d'un feu d'artifice artisanal que d'une réelle prestation magique. Et un grognement de rage pourrait échapper des lèvres d'Almassar qui voit ainsi ses préparatifs, son idée totalement tomber en fumée alors que le verdict du Jury tombe.
-"C'est mignon, mais nous souhaitions voir de la vraie magie, des progrès dans le monde de l'enchantement. Pas un spectacle prévu pour, au mieux, distraire les enfants. Éliminé, au suivant."
Le brun fume intérieurement alors qu'il encaisse l'humiliation les joues rouges sans rien dire. Une poignée de secondes à peine sont nécéssaire pour jeter tout son matériel dans son sac sans fond, sous les regards compatissants de certains, moqueurs d'autres. Tout en passant à la hauteur de Saehlia, il ne peut s'empêcher de lui siffler, d'une voix basse et acide.
-"Je ne pensais pas te revoir un jour, et encore moins ici. Je vois que ton envie de réussir et de faire progresser ta carrière n'a pas été entamée par le poignard que tu m'as planté dans le dos. "Bonne chance"."
Ces deux derniers mots sont sarcastiques alors que l'homme retourne à son ancien poste pour ranger ses affaires et préparer son départ, ne prenant même pas la peine d'observer ce que la jeune femme a prévu pour son propre tour.
Il ne faut finalement que quelques minutes pour que le tour du brun n’arrive, plusieurs candidats ayant été éliminé avant lui. Il se présente et un frisson traverse la nuque de la scientifique. Elle ne s’est pas trompée, ce dernier l’a juste ignoré. La colère commence à bouillir et à devenir visible sur son visage qui affiche pourtant un léger sourire. Les poings sont serrés, les ongles s’enfonçant légèrement dans sa paume. Elle observe toutefois la prestation de l’enchanteur en arquant un sourcil. L’objectif était intéressant, mais visiblement il manque de pratique et surtout de concentration.
Quand il revient, elle ne peut s’empêcher d’afficher un petit sourire moqueur, croisant le regard violacé et enflammé de l’autre. Elle comprend pourquoi elle a hésité sur son identité, ses yeux ne sont plus les mêmes, ainsi que la façon dont il la voyait. Sa mâchoire se serre cependant à ses mots qu’il siffle entre ses dents. Elle ne répond rien, réfléchissant à ce qu’elle doit faire. Il semble que son concurrent n’a aucune volonté de rester jusqu’à sa prestation et de connaître les résultats, mais elle aimerait bien avoir la discussion qu’ils n’ont pas eu il y a dix ans. Son objectif initial se trouve pourtant dans le jury et elle espérait l’impressionner pour avoir les informations recherchées.
Les candidats devant elles défilent rapidement, son tour arrivant quand elle voit le brun commencer à quitter l’endroit. Un juron filtre entre ses dents, quittant la file sous le regard courroucé d’un organisateur. Le candidat avant elle n’a même pas fini sa prestation qu’elle abandonne déjà.
« Numéro quinze ! Si vous partez maintenant, vous serez éliminée et ne pourrez vous représenter à ce concours pour plusieurs lunes !
- Je n’en ai rien à faire. J’ai d’autres priorités que votre concours à la bave de glooby. »
Et avec une élégance rare, la jeune femme se tourne pour présenter un doigt à l’homme pour l’inviter à se l’enfoncer dans une zone intime de son anatomie. Et c’est avec un large sourire moqueur qu’elle se détourne de l’expression outrée de l’homme qui s’empresse de noter son nom dans les concurrents exclus pour une durée indéterminée. Actuellement, elle jette au Fenrir ses objectifs, choisissant d’affronter celui qui est devenu un traitre à ses yeux.
Elle constate bien vite que ce dernier n’a pas attendu pour fuir comme le lâche qu’il est. S’il y a dix ans, ils n’ont pu s’expliquer que par des lettres, il aurait pu venir la voir pour s’excuser de vive voix. À aucun moment cet homme n’a semblé regretter son acte, mais la jeune femme ne peut s’empêcher de se dire que son geste reste incompréhensible. S’il a volé ses recherches, pourquoi ne pas avoir rejoint l’Académie ? Toutes ces années, elle a continué de se renseigner, de chercher et de surveiller de loin l’activité de l’enchanteur. Pourtant, l’Académie ne parait jamais avoir intéressé Almassar, une totale incompréhension pour elle.
La verte presse le pas, voyant apparaitre son objectif ainsi que son étrange grimoire volant. À l’idée qu’il lui tourne ainsi le dos et ne cherche pas à l’affronter la rend folle de rage. Elle se met à trottiner pour le rattraper avant de commencer à appeler ce nom qu’elle prononçait autrefois avec bien plus de douceur.
« Almassar ! »
L’homme ne réagit pas, pressant même le pas pour éviter son ex. Le rouge lui monte aux joues, la colère pointant de plus en plus férocement.
« Almassar Heckel, je te somme de t’arrêter maintenant ! »
Comme s’il allait l’écouter ! Elle se voit obligée de l’arrêter de force, alors qu’ils gagnent une petite place. Constatant que peu de monde est présent, la majorité des badauds ayant gagné le concours de magie qui est l’attraction hebdomadaire, l’endroit est étrangement calme. Montant le regard un instant vers la bulle qui couvre la ville, la jeune femme se met à visualiser dans son esprit la plus grosse créature que son regard arrive à voir. Une image faite à la va vite qui risque d’avoir des résultats désastreux.
« Baleine, je t’invoque pour empêcher cet homme de fuir. »
Son ordre est des plus impérieux, la rage vibrant dans sa voix. L’énergie magique au bout de ses doigts n’arrivent toutefois pas à créer quelque chose.
« Phoque, arrête cet homme. »
Un nouvel ordre tout aussi puissant, mais déjà plus fatigué. La jeune femme sent bien que son esprit est vague, qu’elle n’arrive pas à se concentrer comme elle l’aimerait. Elle serre la mâchoire, sa démarche ralentissant alors que la migraine commence à poindre. Des larmes de colère lui monte aux yeux et dans un dernier espoir, elle invoque la première image qui lui vient. Sa voix tremble, la fatigue la faisant presque tomber à genoux.
« Flygon, s’il te plait, arrête Almassar. »
Et comme si soudainement sa magie arrivait à se mêler à ses sentiments, un étrange oiseau apparait aux côtés de Saehlia, volant rapidement pour rattraper l’enchanteur et se positionner devant lui. Son vol stationnaire est maladroit, son croassement se faisant soudainement entendre comme pour exprimer un ordre envers l’humain. Si ce dernier s’arrête, il pourra reconnaître l’étrange corbeau à trois yeux que la jeune femme a créée à de nombreuses reprises pour leurs expérimentations communes. Une invocation lourde de sentiments et de souvenirs, dont le nom n’a jamais changé, aux plumes colorées et iridescentes reflétant la moindre source de lumière de manière énervante, dont les cris font presque pitié tant ils sont étranges. Au moins, ce modèle a fini par gagner ses trois yeux aux bons endroits avec les années.
Cette dernière néanmoins a autre chose derrière la tête, et tandis qu'il part du lieu du concours, il entend cette voix qu'il chérissait tant auparavant appeler son nom, puis le crier avec plus de force. N'ayant aucune intention de parler à celle qui est en bonne partie la cause de son cuisant échec du jour, l'enchanteur presse le pas. Derrière lui ça suit le rythme, et un grognement mauvais échappe de ses lèvres. L'ordre fait frémir la nuque de l'homme, d'un puissant mélange de haine et de dégout. A tel point qu'Ivoire lui même finit par demander, tout en suivant l'enchanteur.
-"Écoute Almassar, je ne sais pas ce qu'elle t'as fais, car je ne t'ai jamais vu dans un tel état... Mais tu ne penses pas que tu devrais écouter ce qu'elle a à te dire ? Peut être que ce sont des excuses."
Un rire prend l'homme au regard violacé malgré ses pas rapides. Les ordres fusent, les invocations échouent. En cet instant, il aimerait bien avoir développé certaines de ses recherches et s'être fait poser un tatouage les combinant. Il aurait pu ainsi offrir à la noble une surprise de son cru. Surtout que finalement, une masse hybride et inhumaine finit par atterrir devant lui, chimère qu'il ne connait que trop bien. De colère, sa main se porte à la bague qu'il porte à son doigt, alors qu'un déferlement d'émotions et de souvenirs remontent en voyant la créature. Elle signifie tant de choses. Tant qui a été construit ensembles, puis perdu. Almassar reste immobile quelques secondes, avant de baisser les bras avec un soupir, vaincu par ses propres démons du passé.
-"Tu ne comprends pas Ivoire, tu ne sais pas ce qu'il s'est passé. Enfin, tu le sauras peut être vite..."
La voix est un mélange de tristesse et de douleur. Un long soupir échappe de ses lèvres, alors qu'il pivote lentement vers la femme à la chevelure si colorée. Et le peu de douceur qui était revenu à la vue de cet animal disparait quand leurs regards se croisent. Le sang bats aux tempes de cet homme pourtant habituellement si calme et neutre, alors qu'il vient s'avancer d'un pas vif en sa direction.
-Alors toi, TOI ! Tu ne manques absolument ni de culot ni de déshonneur pour ainsi venir essayer de m'arrêter après tout ce que tu m'as fais subir et tout ce que tu m'as infligé !"
En d'autres circonstances, aurait-il été inquiet voir attentif a la fatigue et la quasi douleur apparente de Saehlia après tous les efforts qu'elle a déployé pour l'arrêter ? Très certainement. Mais en c et instant, toutes les blessures qu'elle lui a infligé rejaillissent, se condensent en une boule d’agressivité et de hargne, cumul d'années de questionnements et d'interrogations sur ce qu'elle lui a fait subir. Finalement, il arrive à sa hauteur et n'hésite absolument pas à poser un doigt accusateur contre son buste, rivant son regard luisant des flammes de la haine et du dégout dans celui de celle qui était autrefois tout pour lui.
-A moins que tu ne viennes te moquer de moi et de mes échecs, encore une fois essayer de me montrer à quel point tu es supérieure à moi ? Après tout, tu es noble, tu n 'as besoin que de ton nom pour obtenir ce que tu désires ! Donc dites moi, Kreiss, que me vaut le déplaisir de votre présence ? Quelle raison obscure allez-vous encore invoquer pour essayer de ruiner ce que j'ai mis des années à construire après votre dernière trahison ?"
Finalement il retire son doigt, comme si il était dégouté à l'idée même de la toucher. Une main glisse vers son sac, alors qu'il doit prendre sur lui pour ne pas se montrer bien plus désagréable encore. La bague à son doigt, le polymorphe enchanté dans son sac. Tant d'outils qui lui permettraient de se venger en cet instant. Personne n'est présent pratiquement, et la femme a épuisée son quota d'invocation. Même pas un reflet de lune ne se ferait voir si jamais il décidait d'en finir avec cette affaire pour de bon. Mais en se rendant compte des pensées qui le traversent, des idées qu'il imagine, lui même se dégouterait presque et s'en veut, alors qu'il recule d'un pas. La voix est moins assurée, perd de son tranchant, même si il perle toujours de chaque mot une douleur rare. Et peut être pour Ivoire qui écoute sans même se cacher mais dans le silence le plus complet les clés pour comprendre leur différence dans la vision des relations humaines.
-Ou alors justement après tant d'années, tu vas enfin m'expliquer pourquoi tu as fais ça, Saehlia ? Donne moi une raison, un moyen de comprendre pourquoi de toutes les personnes, c'est toi qui tente ainsi de m'arrêter et de m'aborder alors que tu m'as arraché aussi froidement ce que je t'avais offert de plus précieux..."
Non, définitivement, reparler à son ex après une telle journée, ce n'est jamais un bon plan. Et l'enchanteur risque de le regretter durant un long moment.
La noble est en sueur, une goutte perlant le long de son front, mais elle essaye de faire bonne figure et se tenir droite. Elle est particulièrement fatiguée d’avoir réussi une invocation, mais surtout d’avoir échoué deux fois auparavant. Sa création s’est mise à voler en rond au-dessus de leurs têtes sans réfléchir. L’oiseau croasse par moment, mais aucune intelligence ne transparait de son être. Au moins, l’image s’est faite plus précise avec les années, la création devenant plus fidèle à la créature d’origine, mais les souvenirs des modifications si particulières sont devenus plus flous.
Maintenant, la concentration est orientée sur cet enchanteur qui s’en prend à la scientifique sans aucun remord. Malgré sa forte fatigue, elle bouillonne. Son regard lance des éclairs et une ambiance des plus froides s’est installée autour d’eux. Les rares passants qui sont présents quittent l’endroit le plus rapidement possible, comme si un terrible orage allait s’abattre.
La jeune femme a laissé le brun débiter son monceau de conneries, l’écoutant en essayant de juste se remettre de l’effort qu’elle vient de produire. La migraine la frappe déjà, son regard devenant légèrement flou. Avec un petit rire nerveux, sa main vient frotter sa tempe, fermant les yeux pour calmer les vertiges la prenant. Elle se masse pour essayer de se calmer, mais elle sent qu’elle bouillonne, son pouls se faisant entendre dans ses oreilles, produisant comme des acouphènes.
« Je t’ai arraché ce que tu m’as offert de plus précieux ? Je t'ai trahi ? C’est la meilleure des blagues celle-là… »
Avec un éclat de rire bien plus sonore, les larmes lui montent aux yeux. Prise d’un étrange fou rire, la jeune femme n’arrive plus à savoir où donner de la tête. Elle recule d’un pas, essayant de reprendre son souffle, se calmer et mettre de l’ordre dans ses idées. Dix ans. Dix ans qu’elle attendait ce moment pour lui demander des explications et voilà comment il la traite ? Cet homme a complètement retourné la situation et cela la blesse autant que cela la fait bouillir de rage.
Après cet étrange fou rire nerveux, le visage de la noble devient bien froid. Elle est seule aujourd’hui, ayant refusé que le moindre serviteur ne la suive. Elle se doute pourtant de la présence d’un des espions de son grand-père dans le coin, observant certainement discrètement la scène. Soit. Elle va lui offrir le meilleur des spectacles, lui prouver que Saehlia Kreiss a grandi de cette histoire. Peut-être qu’ainsi il arrêtera de l’infantiliser ?
À son tour, la jeune femme approche d’Almassar, venant poser son index sur le torse de l’enchanteur, le poussant légèrement et laissant sa voix vibrer de la colère accumulée ces dix dernières années. Oubliant les règles de bonne conduite, la noble en elle s’efface complètement pour laisser place à la jeune femme profondément blessée.
« Tu te fous de ma gueule ? C’est ainsi que tu retournes la situation ? Tu es devenu l’homme le plus pathétique que je n’ai jamais pu croiser, Heckel. Tu n’as absolument pas idée de tout ce que j’ai dû subir par ta faute, à quel point j’ai souffert par ta faute. Ma vie est devenue un enfer, par ta faute. »
Sa voix vibre bien plus sur ces trois mois, son regard s’embrasant d’une colère bien profonde.
« Almassar Heckel, tu es l’homme le plus détestable qu’il puisse exister. Tu es un lâche, un voleur et tu ne fais preuve d’aucune honnêteté. Tu es celui à qui j’ai tout donné, pour qui j’étais prête à tout abandonner. Tu m’as poignardé dans le dos. »
Les larmes de colère reviennent, pour garder un semblant de dignité, la jeune femme recule d’un pas, continuant de le fusiller du regard. Sa voix continue, se brisant avec l’émotion, mais maintenant lancée, elle ne sait plus comment s’arrêter. La douleur d’il y a dix ans qui avait cicatrisée s’ouvre à nouveau et avec elle tout ce qui était accumulé et enfoui au plus profond de son être ressort de la pire des manières.
« Je voulais abandonner mon nom, profiter de ma majorité pour envoyer chier ma famille et prouver que je peux réussir sans l’aide des Kreiss. Mais tu m’as volé mon travail, tu m’as volé ce qu’il me fallait pour gagner cette liberté et tu l’as utilisé de la pire des façons. Le plus horrible dans tout ça ? Tu n’en as même pas profité pour te faire un nom ou devenir quelqu’un… Tu n’es plus l’homme que j’ai connu, tu es devenu un étranger et je ne veux plus avoir affaire avec toi… Je souhaitais juste une réponse à une question. Une seule. Pourquoi as-tu fait cela ? Mais j’ai déjà ma réponse semblerait-il. Je ne vais pas te déranger plus. »
Sans même la saluer, la scientifique s’avance et dépasse l’enchanteur en retenant ses larmes. Sa création reste au-dessus de celui qui était autrefois son bien-aimé, suivant probablement encore l’ordre primaire qu’elle lui a donné à sa création. L’émotion est désormais trop forte, faisant trembler tout son être alors qu’elle essaye de rester digne de son rang, de ne pas fléchir devant ce traitre qui lui a pourri la vie.
Quand enfin elle s'approche de lui, il ne lui cède pas un pouce de terrain. Pire, il se verrait bien lui attraper le doigt et ... Non, ce n'est pas quelqu'un de violent. Si il doit faire du mal à quelqu'un, ce n'est pas de cette façon, il ne sait pas même si il le pourrait de toute façon. Bien sur que poignarder la noble, la faire taire pour de bon est une option séduisante et qui le fait hésiter. Mais Almassar essaye d'être meilleur que cela, de ne pas s'abaisser ainsi. Elle a voulu ruiner sa vie une fois et elle a échoué, aucune raison de lui donner un moyen de le faire une seconde. Donc plutôt que d'escalader physiquement, il préfère le faire verbalement. Est-ce une bonne solution ? Non. Est-ce censé ? Bien sur que non. Est-ce qu'il est blessé au point qu'il ne retiendra aucune parole ? Effectivement.
-"Alors dis moi. Dis moi ce que j'ai subi par ta faute en ne faisant... Absolument rien en fait. Tu m'as largué en sortant la raison la plus obscure et fumeuse que je n'ai jamais entendu. Sans aucune preuve, ni raison. Comme si j'avais pu te lâcher pour quoi ? Pour espérer obtenir une place à l'Académie des Sciences ? C'était le rêve de ton grand père Saehlia, pas le miens. Ni le tiens. Mais les gens changent il faut croire."
Puis elle sort enfin sa tirade finale. Elle, prête à tout abandonner pour lui ? Est-ce une mauvaise blague, ou bien sincère ? Mais si sincère, pourquoi l'avoir ainsi abandonné et traité, l'avoir jeté de la pire des manières ? Alors qu'elle commence à s'en aller, l'homme est à son tour pris d'un rire qui sonne bas, mauvais. Par réflexe, il se tourne pour attraper sa manche et la faire s'arrêter tandis qu'Ivoire se rapproche. Il a beau rester spectateur de la scène, il ne compte pas laisser l'homme agresser quelqu'un sans raisons, même si il ne connait presque rien du passif qui les relie actuellement.
-"Tu veux une réponse ? Eh bien je vais te la fournir, du plus profond de mon cœur, vu que c'était ta place auparavant. Je ne t'ai jamais rien volé, rien. Pourquoi je l'aurais fais ? Tes travaux sont brillants, je ne le dis pas. Mais penses-tu vraiment que je sois si mauvais qu'il me faille user de tes propres connaissances pour me faire un nom ? Vraiment, Kreiss ? Tu me penses ainsi, tu me vois ainsi ? Tu as vraiment su te convaincre au fond de ton esprit de ce monceau de conneries ? Si c'est le cas, tu es peut être réellement aussi conne que ne le laissaient croire tes lettres il y'a dix ans."
Puis il la relâche, repartant en fou-rire tandis que son expression change du tout au tout, comme si il venait soudainement de comprendre quelque chose. Et c'est exactement ce qu'Almassar vient de vivre, alors que sa dernière tirade semble lui ouvrir les yeux. Le rire dure plus longtemps, et si jamais la verte s'est éloignée, il vient la rattraper d'un pas plus vif jusqu’à se poster devant elle pour venir la regarder droit dans les yeux, finissant par reprendre la parole d'une voix moins agressive, même si toujours tranchante et acérée, particulièrement blessée.
-"Non mais tu y crois vraiment Saehlia ? J'ai toujours cru que tu avais inventé cela simplement pour ne pas assumer que tu voulais rompre pour poursuivre ta carrière personnelle, et que tu avais inventé le premier argument qui te venait en tête jusqu’à te convaincre toi même que tu faisais cela pour autre chose que ton gain personnel, que tu couvrais ta lâcheté et ta honte sous un vernis d'explications fumeuses, comme toute bonne noble. Mais tu vas me dire qu'après dix ans, tu n'assumes toujours pas avoir fait passer ta carrière avant tout que tu te caches toujours les yeux d'un faux prétexte ? Je ne t'ai jamais rien volé, je n'avais ni envie ni raison de le faire. Je t'aimais après tout. Pourquoi j'aurais été assez con pour faire la seule chose qui pouvait ainsi te détruire ? Je n'ai jamais visé l'Académie des Sciences, donc encore une fois, explique moi la raison qui aurait pu expliquer un tel geste. Et ne me parle pas de jalousie, d'envie ou encore de mesquinerie. Ça ne ferait que montrer qu'au fond, tu ne me connaissais pas tant que ça et que tu as bel et bien utilisé un prétexte."
Sans réellement lui barrer le chemin, il se tient toujours devant elle, finissant par croiser les bras. A l'un de ses doigts tient toujours la bague tsépi qu'il a obtenu il y'a peu, caressant cette dernière de la pulpe du pouce. Oh qu'il aurait envie de l'utiliser en cet instant. Mais si il souhaite obtenir un jour des réponses, il doit arriver à réprimer les pulsions qui le traversent en cet instant précis...
Le magicien reprend alors la parole, débitant une nouvelle tirade pour « s’expliquer ». Il se défend d’avoir volé quoique ce soit, appelant presque à leur ancienne relation pour se défendre. À l'époque, la jeune femme pensait ainsi, elle ne le croyait pas capable d’un tel acte. Ce sont les preuves incontestables apportées par son grand-père et surtout les lettres qu’ils ont échangées qui l’ont convaincue. Jamais elle n’aurait pu croire que l’homme qu’elle aimait du plus profond de son être soit ainsi, il lui a fallu se rendre à l’évidence.
C’est avec un soupir las et fatigué que la verte se dégage de la prise de son ex, faisant quelques pas pour essayer de partir. Elle a déjà dit tout ce qu’il y avait à dire. L’homme n’en reste toutefois pas là, lui barrant désormais le chemin. Ce qu’il lui sort ensuite ne fait qu’empirer la blessure qu’il a déjà créée il y a dix ans, c’est comme retourner le couteau dans la plaie. Un souffle à la fois amusé et dépité se fait entendre, suivi de la voix brisée et de plus en plus fatiguée de l’invocatrice.
« Je peux te retourner tes propos : tu me penses réellement ainsi ? Tu sais très bien que je me fiche de mon statut, ce n’est pas cela qui m’intéresse. Ce n’était pas mon rêve. Je n’ai jamais choisi de naître noble et je pensais que tu ne me rabaissais pas à cela… Mais je constate que ta haine de ce statut doit être ce qui a justifié tes actes… »
Elle vient à nouveau se masser la tempe, sa migraine empirant rapidement et sa vision se faisant de plus en plus floue. Il faut qu’elle parte et se repose rapidement où elle ne tiendra pas. Il y a des auberges non loin, elle peut en réserver une avant de pouvoir regagner Grand-Port.
« Et si c’est des preuves que tu veux… Rends-toi à la Capitale. Vas à l’Académie et demande à consulter leurs archives, on ne peut pas te le refuser. Tu verras que mon étude a bien été publiée, mais pas à mon nom. À la place, c’est celui de ton ancien maître qui y figure et tu as ta place sur le document comme son assistant. Tu pourras aussi constater par toi-même que je suis loin d’avoir la carrière tant attendue par ma famille, loin de là. »
Un nouveau petit rire, plus fatigué et presque triste. Ses traits deviennent tirés, les vertiges commencent à se faire sentir et la noble ne veut pas poursuivre cette conversation plus longtemps.
« Mais ça tu dois déjà le savoir, tu es celui qui lui a remis ces documents. J’ai même les preuves dans un dossier chez moi. Je ne parle même pas des lettres que l’on a échangées où je te demande des explications et où tu fais l’innocent comme si tu n’avais rien fait. Et crois-moi, j’ai tout vérifié par moi-même parce qu’à aucun moment je n’ai pu croire que l’homme que je chérissais tant pouvait être un tel salopard. Il faut croire que l’amour rend aveugle… Adieu Almassar. Je souhaite qu’on ne se voie plus. »
C’est la mine à la fois triste, résolue et extrêmement fatiguée que Saehlia évite à nouveau son ancien amant pour le dépasser. Elle est à deux doigts de s’évanouir, les vertiges rendant sa démarche plus que précaire. Elle a appris à faire avec, se faire violence pour se mettre dans un endroit en sécurité. Son objectif : se trainer à la première auberge possible, payer une chambre sans discuter et attendre d’aller mieux. Sa création risque de disparaitre sous peu, son état mental affectant dangereusement l’énergie qu’elle déploie habituellement. Son esprit est loin d’être reposé actuellement, la rendant bien trop vulnérable et elle ne souhaite à aucun moment devoir compter sur l’espion de sa famille pour se protéger.
Finalement un élément ressort de tout cela. Aller voir de lui même à l'Académie. Si elle ment, il pourra lui mettre les preuves dans le nez une bonne fois pour toutes. Si elle a raison... Eh bien, cela ouvre a des questionnements vieux d'une décennie. Car le brun, lui, est sur de n'avoir jamais usé des travaux de la demoiselle pour ses propres avancées. Et l'histoire des preuves vient le perturber un peu plus qu'il ne le devrait. Quel genre de preuves peut-elle avoir d'une illusion ? Cela lui taraude l'esprit tandis qu'il finit par soupirer et peu à peu se détendre. Il la déteste pour le mal qu'elle lui a fait, mais elle reste humaine aussi. Profondément humaine et dans l'erreur, mais humaine.
-"D'accord. Nous n'arriverons jamais à tomber sur un point d'entente vu que nous disons deux opposés. Donc pour régler cette affaire une bonne fois pour toutes, dès mon retour à la Capitale, j'irais aux Archives pour voir ce qu'il en est réellement. Mais encore une fois, pourquoi j'aurais voulu ainsi ruiner ton avenir sans même en profiter ? L'Académie ne m'a jamais intéressé."
La biologiste commence à s'éloigner de lui en titubant de plus en plus fort. Un long soupir traverse l'homme alors qu'il voit celle pour qui il avait tant de tendres sentiments s'éloigner aussi pitoyablement. Et ce sentiment est partagé alors qu'Ivoire se rapproche.
-"Dis, Gamin... Je sais bien que tu sembles la détester de toute ton âme, et de ce que j'ai entendu il y'a un sacré malentendu entre vous qui doit être percé... Mais tu vas vraiment la laisser comme ça ramper jusqu’à un hôtel ? Même moi je tombe pas aussi bas que ça."
Second soupir alors que l'enchanteur secoue doucement la tête. La question a le mérite d'être pertinente alors qu'il commence à s'avancer vers Saehlia. Elle risque de détester cela, mais n'est pas réellement en état de discuter alors qu'il répond à son livre.
-"Tu as raison. Elle m'a brisé le cœur, et pas que... Mais elle mérite un minimum de décence. Au moins pour les tendres sentiments que j'ai pu lui porter un jour."
Peut être bien la première fois qu'Ivoire est plus humain que son créateur. De quoi faire réfléchir Almassar plus tard, quand il arrivera à faire le vide dans son esprit. Arrivant au niveau de la femme épuisée, il glisse un bras sous ses épaules pour l'aider à se redresser et se retenir, parlant avant même qu'elle ne puisse dire quelque chose.
-"Tes paroles sont un monceau de conneries Saehlia. Mais je ne me rabaisserais pas à être ce que tu penses et crois de moi. Donc maintenant tu souffles un bon coup, tu te détends et on va te trouver une auberge où te reposer pour la nuit et avant que tu t'évanouisses."
Heureusement pour lui, à force de bouger ces derniers mois et de ne pas rester toujours dans son bureau et son étude, il a pris un peu de muscles. Oh, rien de faramineux et c'est loin d'être un grand athlète, mais c'est assez pour soutenir et redresser la noble sans tousser ses poumons et sentir la brulure de ses muscles. Et maintenant que l'outre de ses sentiments est percée et la colère légèrement retombée, il enchaine.
-"Et même si tu ne veux plus jamais me voir, et que ce vœu est partagé, je tiens à examiner tes "preuves". Car quand je te connaissais, tu n'étais pas femme à te laisser berner si facilement ou à croire a des chimères -ce qui est ironique, vu que tu en invoques-. Et si quelqu'un à usé de mon nom pour te nuire, j'aimerais être au courant, car ça nous concerne tous deux."
-"Tu sais Gamin, c'est pas car tu as enfin cessé de te comporter comme un con et que tu fais le premier bon choix de ta soirée que tu dois revenir à tes mauvaises habitudes de directement reparler boulot. Tu veux pas attendre au moins demain avant de recommencer à plonger le nez dans tous les grimoires du royaume en espérant dénicher la poussière de parchemin la plus ancienne et précieuse ?"
La remarque et la taquinerie pourraient presque faire sourire Almassar, alors qu'il se sent de plus en plus fatigué mentalement et physiquement de cette soirée et de cette confrontation. Il ne sait même pas si la verte veut de son aide ou si elle va le repousser brutalement pour s'effondrer épuisée -mais son honneur et sa fierté sauvés- sur les pavés. L'enchanteur ne prend donc même pas la peine de reprendre son Grimoire qui se sent rassuré de revoir l'homme redevenir a peu près normal.
N’ayant pas d’autre choix, la noble se laisse faire avec un grognement désapprobateur. Plus que d’être ainsi aidée dans un état pitoyable, c’est que ce soit son ex qui lui vienne en aide. Au moins, le grimoire parlant vient légèrement égayer la chose, étirant un petit sourire à Saehlia. Un petit soufflement de nez amusé, suivi de sa voix fatiguée qui essaye d’ironiser de la situation.
« Tu n’es peut-être plus l’homme que j’ai connu, mais certaines choses ne semblent pas changer… »
À l’époque déjà, il était du genre à s’oublier dans ses études et objets magiques à identifier. Quand elle usait trop de sa capacité, il était celui qui la soutenait et l’aidait à se mettre en sécurité. Comme aujourd’hui.
C’est à ce moment que son oiseau s’évapore en poussière, redonnant un brin d’énergie à sa créatrice. Comme un soupir salvateur siffle entre ses lèvres en sentant que ce petit brin d’énergie gagne son corps. Juste de quoi la faire redresser, pouvoir tenir un peu mieux sur ses jambes et calmer les vertiges qui la prennent.
« Je me sens un peu mieux, ça ira. »
La noble n’a clairement pas envie de rester en compagnie de cet homme et de recevoir son aide. Elle tente de reprendre un peu de dignité, son regard reprend un peu d’assurance, alors qu’elle regarde Almassar.
« Merci. »
Rien de plus n’arrive à sortir, un certain malaise s’installant. Elle se doute que l’enchanteur ne va pas la laisser partir ainsi. Son regain d’énergie n’est que temporaire, peut-être pas de quoi trouver une auberge digne de son rang, mais quelque d’au moins convenable. Ce n’est pas le moment de faire la fine bouche alors la noble se dégage de la prise de son ex, prenant les devants.
Un silence plutôt pesant s’installe pendant que l’ancien couple regagne une avenue bien plus animée. Le bruit ambiant vient résonner dans le crâne de la scientifique qui serre à nouveau la mâchoire. Elle ne cherche pas plus longtemps, se dirigeant vers la première enseigne d’auberge qu’elle aperçoit. Après vérification des tarifs exercés, la jeune femme gagne l’intérieur pour réserver une chambre. Sans même négocier, les cristaux viennent être déposés dans la main de l’aubergiste qui arque tout de même un sourcil en apercevant l’enchanteur.
« Vous ne vouliez pas pour deux ?
- Non. Il va repartir. »
Se tournant vers le concerné et sa création volante, la jeune femme hésite un moment.
« Merci de m’avoir accompagné… »
Elle ouvre la bouche pour continuer, se ravisant pour mieux peser ses mots. Un petit raclement de gorge se fait entendre, la jeune femme prend un air plus sérieux tout en regardant l’enchanteur dans les yeux.
« Saches que j’ai toujours souhaité que les choses se terminent autrement. J’ai mainte fois souhaité revenir en arrière pour arranger les choses. Crois-moi. »
Son regard se porte sur le grimoire, lui adressant un petit sourire suivi d’une révérence en relevant élégamment sa tenue.
« Et merci à vous d’avoir égayé ce moment. »
Elle se redresse ensuite pour saluer convenablement les deux gentlemen l’ayant raccompagnés.
« Sur ce je vous souhaite une bonne soirée à tous les deux. »
Et c’est en tanguant légèrement que la noble gagne la partie de nuit pour rejoindre sa chambre. Ce moment aura été trop fort en émotion pour elle. Elle n’a rien obtenu pour contrer son grand-père, mais dans son esprit de nouvelles questions se soulèvent déjà. Si Almassar est sincère et qu’il n’a jamais commis un tel, alors comment les études de la scientifique ont finies publié sous un autre nom ?
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