Vous devez récupérer un précieux colis contenant un artefact inconnu et très rare pour le compte de l’Ordre des Célantia et de le ramener à bon port, au quartier général.
Le problème… c’est que vous allez devoir traverser toute la ville… où les festivités de la saison chaude battent leur plein et où la foule afflue sans cesse. Pas forcément le cadre le plus idéal pour transporter un paquet contenant un objet ancien et inestimable.
Amusez-vous bien.
Sachez qu’à titre tout à fait personnel, je serais fort amusée si vous le cassez. :)
Participants : @Ivara Streÿk & @Luz Weiss
Thème actuel : Festival d’été
Qui aurait cru qu’une fois les déboires de la saison froide passés, les rues du Bourg grouilleraient d’autant de monde ? Une foule noire s’amassait dans ces quartiers voisins de la Forteresse, égayés d’une multitude de bruits latents qui ne cessaient de se péricliter. De la musique tout d’abord, celle des divers stands aux rideaux colorés et fanions diaprés, distillée de ci de là par des ombrelles mélomanes ou plus simplement par d’ambitieux artistes. Luz soupçonnait toutefois que beaucoup d’entre eux faisaient usage d’instruments magiques, ayant tout l’air d’être à moitié dépassés par leurs propres créations musicales. Ces ritournelles étaient ensuite secondées par un brouhaha profondément humain, l’entremêlement d’une multitude de voix se hélant, s’interpellant, chantonnant, ou même se déclarant leurs flammes. Bon, certes, d’autres se disputaient avec la verve de cerberus en colère – une sombre histoire de pêche aux petits canards et de prix floués -, mais l’ambiance était globalement tout ce que l’on pouvait espérer d’un festival brillamment réussi.
Il était rare de voir les environs de la Forteresse aussi joliment apprêtés. Pas de quoi tarir les grommèlements de la praticienne néanmoins, tâchant de s’extraire d’un groupe particulièrement vindicatif et omniprésent d’enfants. La banderole d’identification soigneusement enroulée autour de leurs épaules mentionnait « Sortie scolaire de l’école Chantelune » et une adulte parfaitement éreintée tentait de les maintenir groupés. C’était bien évidemment peine perdue, la bande de garnements s’éparpillant comme des étourneaux pressés à la moindre apparition d’objets ou de sons inédits. Oui, une occurrence plutôt commune dans un immense festival dédié à la venue prochaine de la saison chaude. Dans un effort de souplesse digne d’une athlète, Luz évita in extremis de déchausser les dents de lait d’un des effroyables bambins pour s’extraire à grand peine dans une ruelle adjacente. Nakai, la traitresse avantagée par ses ailes, ne la rejoignit qu’à cet instant de brève sûreté. La shupon se posa sur l’épaule de sa maitresse, enfouissant une partie de son corps derrière l’ample ramure de sa chevelure sur sa nuque.
Elle ne s’adressait effectivement pas à son shupon, mais bien à la jeune et jolie dorée qui accompagnait désormais régulièrement ses aventures : Ivara Streÿk, sculptrice, aventurière, Célonaute et autres visages innombrables, Ivaros de son nom de code flambant neuf. Leur toute première mission officielle ensemble pour l’Ordre des Célantia ! Ah la praticienne ne pouvait nier que la perspective de travailler aux côtés d’Ivara détendait considérablement ses nerfs. Elle se sentait ainsi moins seule à n’avoir intégré l’Ordre que récemment et il y avait un certain plaisir à évoluer de concert vers un semblable objectif. Si elles fautaient, nul ne le saurait n’est-ce pas ? Une pression en moins donc de n’avoir aucun supérieur hiérarchique des Célantia dans les parages ! Deux illustres débutantes devraient bien parvenir à sortir leur épingle du jeu. Cela, si elle mettait de côté son précédent échec en compagnie de Dahlia…
Elles s’étaient du moins organisées au mieux pour parvenir à l’heure au point de rendez-vous. Un agent de l’Ordre devait leur remettre un paquet de première importance à rapporter au plus vite au quartier général local, misant sur l’anonymat procuré par la foule présente pour dissuader tout potentiel vol ou escarmouche. Si le livreur possédait une description complète de leur apparence physique, l'inverse n'était pas vrai. Elles ignoraient également tout de ce que contenait ledit paquet, hormis qu’il était peut-être fragile et assurément précieux. Du moins Luz en était-elle persuadée, inconsciente du véritable statut de sa comparse.
Luz pivota vers un renfoncement du mur. Un homme s’y tenait, à peine visible dans l’obscurité de l’avant-toit, recouvert d’un long manteau d’ébène. Un sourire se lisait d’un bout à l’autre de ses pommettes et ses yeux retors étaient étrécis à la manière d’un reptile ourdissant un mystérieux complot.
« Oui. Hé. Psst. Psst les petites. Vous voulez du bon colis ? Du vrai, du lourd, du fragile ? »
Un pan de son manteau s’ouvrit pour dévoiler le galbe d’un paquet soigné. Le temps pour Luz de tendre les mains, un vague et fort pertinent « euh oui » sur les lèvres, et l’individu avait déjà disparu à pas chaloupés au détour d’un autre carrefour. Un sourcil perplexe subtilement haussé, la rouge chercha dans le regard d’Ivara la présence d’une explication rationnelle et logique. Malheureusement, sa perdition n’eut guère le temps de retrouver la direction du nord. Car déjà se réverbéraient derrière elle les éclats d’une kyrielle d’enfants déchainés, conduits dans cette ruelle paisible par une maîtresse définitivement pas suffisamment payée pour gérer une classe de douze enfants hurleurs. La bouche ouverte sur un effroi muet, Luz détailla tour à tour les visages baveux et recouverts de morve du troupeau prêt à se déverser sur elles, les mains boudinées tendues vers de nouveaux objets à écraser, détruire ou transformer en bouillie sirupeuse.
L’apocalypse personnifiée.
- Je ne sais pas trop… avoua-t-elle à la jolie rousse qui l’accompagnait.
Néa et Nakai, deux adorables shupons, étaient avec elles et, après avoir volé un temps ensemble devant leurs maîtresses, s’étaient désormais réfugiées sur l’épaule de chacune. La chaleur dégagée par le corps de son familier sur sa nuque, à peine protégée par un foulard de printemps, restait appréciable. Même si elle savait que la météo était capricieuse dans ce royaume, la brise du jour était fraîche ; suffisamment pour lui rappeler le lieu où elle était. Elle n’y était jamais allée d’elle-même, ça avait toujours été l’autre. Elle essayait de ne plus penser aux flammes qu’elle avait vues, la dernière fois qu’elle y avait mis les pieds sans être aux commandes de son corps. La pensée la fit d’ailleurs frissonner, mais rien à voir avec le froid, et elle rabattit sa capuche sur sa tête. Il avait pris toutes les précautions nécessaires pour ne pas se faire reconnaître. Mais que faire si un garde en faction ce jour la reconnaissait ? Non, impossible. Seul le Capitaine Brive en était capable, et elle n’était pas là pour le rencontrer.
Sa mission était toute autre. Elle travaillait pour les Célantia. L’Ordre qu’ils avaient créé avec l’aide des archontes et d’Archibald Jefferson. Luz ignorait qu’elle était Sirius, l’une des têtes de cette organisation de chercheurs de trésors. Elle avait sauté sur l’occasion pour faire équipe avec son amie, qui était, est, et serait -elle n’en doutait pas- une formidable épaule sur laquelle se reposer et une oreille attentive à qui se confier. Elle esquissa un sourire à son aveu. Elle avait sans mal imaginé la tête de Warren à cette nouvelle, oui. Au moins, les deux célonautes s’en étaient sorties saines et sauves. C’était l’une des choses qui comptait le plus à ses yeux, la partie qui souffrait de la perte de cet artefact était minime en comparaison.
Cependant, elle ignorait tout autant que Luz quelle était la figure qui devait leur remettre le colis. L’Ordre des Célantia s’agrandissait de jour en jour et, à son grand désespoir, elle n’était pas dotée d’une mémoire parfaite et était bien incapable de retenir les visages et les prénoms de tous ceux qui travaillaient avec elle. Au moins, les archontes voyaient ce flot d’explorateurs répartis entre eux. Ainsi, lorsqu’un étrange individu les apostropha pour leur tendre un colis, elle se retint de le sermonner sur une conduite qui, à ses yeux, était loin d’être très professionnelle. Mais elle ne pouvait pas. Elle devait se retenir pour ne pas se trahir.
Elle préféra se concentrer sur les décorations lumineuses et colorées présentes un peu partout pour égayer les rues du Bourg, avant d’évaluer le paquet que tenait Luz entre ses mains. Il n’était pas trop encombrant, suffisamment pour devoir être porté avec deux bras, et pouvait surtout contenir un objet précieux, susceptible de se casser si elles le manipulaient comme des sagouins. Elle se demandait si elles ne feraient pas mieux de le dissimuler dans son grand sac sans fond, avant de se raviser. Qui sait ce qu’il se passait réellement là-dedans ? Son tatouage de rangement était également occupé par son globe de vérité et sa clé dimensionnelle. Il n’y avait pas la moindre place pour lui là-dedans.
- Où est-ce qu’on doit le transporter déjà ? J’ai oublié… Attends, laisse-moi sortir mon…
L’Apocalypse personnifiée, oui.
Avant qu’elle ne puisse sortir son mémo, qui indiquait le Village Perché puisque c’était un artefact que l’Archonte, Oscar, devait étudier de lui-même, elle fut bousculée -et Luz également- par trois mioches qui riaient aux éclats sans regarder où ils allaient. Sa réaction fut immédiate. Elle en attrapa un par le bras et le força brutalement à se retourner pour qu’il la regarde dans les yeux. Et son regard, en cet instant précis, était insoutenable pour une enfant d’à peine dix ans. Elle se mit à pleurer, avant même que la sculptrice n’ait pu ouvrir la bouche pour la réprimander.
- Ça t’apprendra à r’garder où tu mets les pieds, dit-elle en relâchant son bras.
Une part d’elle était en train de s’insulter mentalement pour avoir réagi avec autant de violence. D’ailleurs, elle n’était pas la seule puisque la gamine se mit à hurler un prénom. Bien vite, une femme d’une trentaine d’années se planta face à elle. Furibonde, elle fixait Ivara tout en enveloppant, d’un geste protecteur, l’enfant pleureuse pour la mettre à l’abri derrière elle.
- La dame… Elle m’a… Elle m’a…
- Madame ! Puis-je vous demander quelles sont vos manières pour faire pleurer une enfant ?
- Et ce ne sont certes pas des manières d’les éduquer que d’les laisser courir dans la rue sans leur apprendre les bases élémentaires d’la…
- Oh hé ! Vous avez pas à attraper les enfants comme ça. Regardez son bras. Vous lui avez fait mal. Il est rouge !
- Hé bécasse, j’vais t’montrer c’qu’un…
Et elle réussit à mordre in extremis sa joue pour éviter d’en dire plus. Elle n’était pas tendre, et n’avait pas très envie de l’être avec cette femme qui venait de la faire sortir de ses gonds. Le paquet que Luz tenait dans les mains était d’une valeur inestimable. Si elles pouvaient éviter les éléments perturbateurs pour qu’il ne se casse pas, elle disait oui. Cependant, ce n’était pas ses anciennes manières de parler ; elle qui avait toujours été si calme et tempérée.
Elle jeta un coup d'œil à Luz, se demandant si elle pouvait la tirer de ce mauvais pas avec un tour de passe-passe. Déjà, la responsable de cette marée de morveux enchaînait.
- Et vous parlez comme ça devant des enfants ? Madame, je me retiens d’appeler la garde.
- Je crois que mon bras est cassé… l’interrompit une voix enfantine.
Ivara mordit sa lèvre inférieure. C’était impossible. Elle n’avait pas serré si fort, hein ?
- J’ai même pas serré. Qu’est-ce que tu racontes ?
- Quand elle m’a tourné… Ça a tourné mon bras… J’ai entendu… Poursuivit la gamine entre deux pleurs et reniflements.
- Impossible ! J’ai à peine serré. soutient-elle, avant de se rendre compte que ça ne servait probablement à rien d’essayer de continuer à s’expliquer. Ses arguments ne valaient rien.
L’Apocalypse, oui.
Quelque chose ne tournait pas rond dans cette histoire. Tout d’abord le comportement étrange de leur contact, très vite suivi par une marée humaine de marmots. Bien sûr, un jour de festivités pouvait être à l’origine de tels déboires, mais l’aspect reculé de cette ruelle tiraillait les sourcils froncés de la praticienne. Elle porta deux doigts inquiets à son talisman d’indépendance, boucle discrète accrochée à son oreille. Le métal ne chauffait pas plus que de coutume, et il était ardu si ce n'était impossible de détecter convenablement les sources magiques dans les parages avec des activités aussi bruyantes à la ronde. Partout alentour des illusions, des étincelles et d’autres mirages façonnés avec soin éblouissaient les curieux et les touristes enthousiasmés. Elle ne pouvait l’expliquer, mais son malaise allait croissant au fil du temps – et ce n’était pour une fois pas lié à la masse grouillante d’enfants qui s’agitaient à leurs pieds. Enfin, si. Un peu. Beaucoup.
Désarçonnée par le choc de cette rencontre, elle ne suivit pas immédiatement l’altercation qui se jouait à deux pas d’elle. Sur un glapissement indigné de Nakai au regard d’un support humain décidément instable, elle eut pour premier réflexe de se plaquer contre un mur, le précieux colis rabattu contre son giron. A côté d’elle, les éclats de voix augmentaient. Son regard accrocha pourtant l’autre bout de l’allée, encore dénuée de demi-humains hurlants, et le pli de ses sourcils s’accentua en y apercevant une silhouette humaine… Un homme. Peut-être ? A cette distance, il n’était pas aisé de le dire. Il marchait du moins d’un pas tranquille, habillé de manière on-ne-pouvait plus commune, ses cheveux bruns se perdant parmi les nombreuses tignasses du même acabit. Il était à cinq mètres de rejoindre la foule ambiante d’une rue principale et tenait sous son bras un… Colis… Identique au sien…
La bouche entrouverte sur un pressentiment muet mais absolu, Luz plongea sa main dans son grand sac sans fond pour en extraire son aquafuseur. D’un geste adroit du poignet, elle le projeta au-dessus de leur groupe de nuisibles, une eau diluvienne se répandant immédiatement sur toutes ces charmantes têtes blondes : des cris fusèrent en réponse, et la maitresse irritée fut aussitôt détournée de ses reproches pour lever les yeux en direction du ciel, un juron sur les lèvres. Luz avait de toute façon déjà écarté les marmots déboussolés pour attraper Ivara par le poignet et lui indiquer du doigt le bout de la ruelle.
Ce faisant, l’homme désigné, bien qu’à une cinquantaine de mètres d’elles, ne put résister à la tentation de tourner la tête dans leur direction en entendant ce remue-ménage. Il vit qu’elles l’avaient vu. Et accéléra brutalement le pas pour s’engouffrer dans la foule. Comme mû par un ordre muet, le paquet qu’elle tenait jusqu’alors se désagrégea entre ses doigts sous la forme d’une mousse noirâtre guère appétissante. Avait-il utilisé une illusion rapide pour les tromper sur leur livreur ? Avait-il œuvré de sorte à contraindre ce groupe d’enfants à s’engouffrer dans cette allée pour ajouter à la confusion ? Ce n’était pas exactement le moment d’y réfléchir, et pourtant Luz ne pouvait empêcher ses pensées de s’égarer en tous sens tandis qu’elle s’élançait à la poursuite de leur adversaire, laissant la maitresse en colère seulement commencer à réaliser que la sculptrice lui échappait. Malheureusement, si ses compétences en combat n’étaient plus à prouver, elles n’étaient absolument pas adaptées à une foule aussi dense que celle qui assiégeait présentement la Forteresse… Libérer sa magie provoquerait assurément davantage de dommages qu’autre chose, et elle ne pouvait pas non plus se téléporter au risque d’électrocuter toute la zone. Quant aux filatures hé bien… Elle était plus douée pour suivre une créature géante de six mètres qu’un unique homme perdu au cœur d’une centaine de chapeaux colorés.
Ce qui devait se produire arriva donc : au terme de trois misérables pas, Luz se perdit. Impossible également de retrouver Ivara de vue, prise en étau au milieu d’une nuée d’épaules. Allait-elle s’en sortir ? Avisant Nakai qui revenait d’un vol chaloupé, son aquafuseur récupéré entre les pattes, la praticienne ouvrit la communication mentale avec son familier :
Il était sans doute plus judicieux d’attirer son attention sur le shupon d’Ivara que Nakai appréciait tout particulièrement. Les prunelles remplies d’espoir levées vers sa boule d’amour incertaine, Luz l’observa disparaitre à nouveau de son champ de vision à la recherche de l’autre duo de leur escouade. Ignorant encore les pleines capacités de la sculptrice, incapable de soupçonner l’envergure de ses nouvelles armes et de son adresse accrue, la rouge sentait poindre en elle une inquiétude toute maternelle à l’égard de son amie.
Du coin de l'œil, il lui sembla devancer la célonaute. C’est que leur cible était agile et se faufilait aisément entre passants et ruelles étroites. Elle accéléra la cadence. Si seulement elles avaient été à la Capitale, cela aurait été un jeu d’enfants. À la Forteresse, elle était incapable de se repérer. Enfin, ses seuls repères étaient précisément ceux qu’elle voulait éviter à tout prix. Ils étaient bien trop… Verts. Lors d’un moment où elle se retrouva quasiment à côté de sa cible, avec bien moins de personnes autour d’eux, elle chercha à le ralentir en lançant une de ses lames retour. Elle savait viser. Elle atteignit la cheville de l’homme, rangea sa lame qui revenait dans sa main, s’apprêta à attraper celui qui se savait maintenant poursuivi… Quand son épaule percuta méchamment un mur. Elle se mordit la lèvre pour ne pas ébruiter la douleur. La larme à l'œil, elle commençait à voir flou. Où était passé son objectif ? Elle n’avait rien vu. Elle ne savait même pas si l’homme avait vu son visage. Néa, qui s’était réfugiée dans sa poche au début de la course-poursuite, sortit timidement sa tête en constatant qu’elle s’était arrêtée de courir.
Pas le choix, elle devait prendre de la hauteur. Malgré les protestations d’un marchand, elle attrapa plusieurs de ses caisses en bois qu’elle empila et sur lesquelles elle grimpa pour prendre de la hauteur et observer la foule. Elle ne voyait définitivement plus Luz, mais elle aperçut la dégaine, légèrement clopinante en réalité, de celui qu’elles poursuivaient. Elle se remit en course, après avoir jeté quelques cristaux dans les mains du marchand qu’elle avait dérangé. C’était plus pour sa conscience à elle que pour lui.
Des dizaines de visages se succédaient sous ses yeux, alors qu’elle arrivait enfin à proximité de la porte où elle avait vu l’autre rentrer. Une enseigne représentant un frouska se balançait faiblement. Il n’y avait pas de nom, aucune façon de savoir si c’était une forge, une auberge, une taverne ou encore un cabaret rempli de gogo danseurs. Elles allaient devoir y aller à l’aveuglette. Enfin, il fallait d’abord qu’elles se retrouvent, ce qui n’était pas gagné.
C’est alors que Nakai fit son apparition et, reconnaissant la blonde et Néa, vint voler sous leurs yeux. Ivara la reconnut aussitôt et elle tourna la tête dans tous les sens, s’attendant à voir Luz débarquer derrière elle. Elle n’en fit rien. Elle n’était pas là. Soudainement inquiète, après avoir été si longtemps grisée par l’adrénaline de la course-poursuite, elle attrapa délicatement Nakai pour les emmener toutes les trois dans une ruelle adjacente. Inutile de tenter le fenrir davantage, l’homme savait qu’il était suivi.
- Nakai ! Où est Luz ? Tu peux lui indiquer le chemin à prendre ?
Toutefois, ne sachant pas si Nakai était doté d’une de ses magies lui permettant de communiquer avec sa maîtresse et ayant d’autres informations à lui communiquer, elle sortit de sa poche son cristal de communication et l’alluma pour entrer en communication avec la rousse. Sans attendre de savoir si elle avait bel et bien décroché, elle énonça son message.
- Luz, je suis devant un bâtiment avec l’enseigne d’un frouska dessus. On dirait un reptile à quatre pattes avec une queue très touffue. Notre homme est à l’intérieur. Il boîte un peu, je l’ai blessé. Je vais faire le tour du bâtiment pour essayer de trouver autre chose. Nakai est avec nous. S’il sort, je te préviens.
Elle rangea aussitôt son cristal de communication dans sa poche et elle fit le tour du bâtiment pour trouver d’autres ouvertures et portes de sortie pour épier l’usurpateur. Elle avait envoyé Néa devant, accompagnée de Nakai ou non selon son désir, et elle avait pour consigne de lui transmettre la moindre information concernant leur cible. Elle espérait que Néa avait compris. Elle était débrouillarde mais un peu têtue.
Le lien mental s’était rompu, selon toute vraisemblance stoppé par la blonde. Luz était parvenue à se retrancher dans une rue parallèle, déboussolée par la foule environnante et le piétinement imposé. Elle percevait les balbutiements affolés de Nakai en fond télépathique, et ce babillage par trop incompréhensible n’allait pas tarder à lui filer une migraine si elle n’y mettait pas très vite un terme. Elle comprenait mieux d’où venait le « serpent bleu » dont parlait son shupon grâce aux éclaircissements d’Ivara – ne lui restait à présent plus qu’à les trouver. Agacée par le festival et par la fuite impromptue de leur voleur, Luz puisa cette fois-ci dans la magie de Nuit agile. Elle perçut le fourmillement caractéristique de l’enchantement sur sa peau, le velours de celle-ci se couvrant progressivement de plusieurs écailles enchâssées d’un joli rouge nacré. Enfournant son cristal de communication dans sa poche, elle bondit contre la façade voisine d’un souple élan, rappant les briques de ses semelles pour mieux se projeter plus haut encore. Ses ailes prirent le relai, s’ouvrant dans un claquement de cuir alerte tandis qu’elle tâchait de se stabiliser à une altitude respectable. Les toits de la Forteresse se présentaient désormais comme autant de tuiles colorées, quoique délavées par le temps et les intempéries, la masse d’êtres humains réduite à un échantillon de fourmis bruyantes. L’air glacial lui arracha un frisson. Il était inutile de s’attarder en vol dans une contrée aussi froide même en plein cœur de la saison chaude !
¤ Avec Néa ! Joue à surveille le nid d’Hommes ! ¤
Bon. Voilà qui allait s’annoncer difficile. La praticienne soupira et tâcha de faire abstraction de la nuée de paroles ravies que Nakai lui envoyait par télépathie au sujet de l’autre shupon. Les deux familiers étaient apparemment partis en éclaireurs le long d’un établissement qu’à force de recherches ardues et de descriptions échangées, Luz parvint enfin à repérer. Elle se posa le plus silencieusement possible sur le toit, envoyant un grand signe de la main en direction d’Ivara. Avec ses doigts, elle décrivit dans l’air la forme d’une fenêtre, qu’elle pointa ensuite vers les tuiles. Puis son index la désigna elle, Luz, suivi d’Ivara, et ses mains se rejoignirent.
Elle n’avait pas pour habitude de rentrer par effraction chez les gens, mais son sang bouillait encore de ce vol effronté. S’il pensait pouvoir se mettre en sécurité au cœur d’un commerce, il se fourrait le doigt dans l’œil jusqu’à l’épaule ! La sculptrice et elle détenaient une mission sacrée de la part de l’Ordre des Célantia, et elles n’allaient pas se laisser marcher sur les pieds par le premier criminel venu. Pivotant vers la fenêtre, Luz posa ses doigts sur la vitre et en chercha à tâtons les contours et défauts. Par chance la Forteresse subissait actuellement une forme de canicule – s’il était possible d’appeler ainsi des températures qui dans un autre endroit d’Aryon paraitraient froides – et les propriétaires de l’endroit avaient entrouvert l’accès à peine bloqué par une cale. La rouge l’ôta de sa dextre, grimaçant lorsque le bois glissa sur le sol dans un tintamarre qui lui parut explosif. Rien ne bougea cependant de l’autre côté, et elle finit finalement par se glisser par l’entrebâillement.
Il s’agissait d’une sorte de grenier, similaire à un débarras. Elle devinait des costumes, des perruques, et des morceaux de décors sous de grands draps grisâtres. A travers les fines lattes du parquet, un chant montait avec la puissance d’une voix d’orfèvre… Un opéra, songea-t-elle. Les yeux plissés elle pouvait presque voir la scène sous ses pieds dans les interstices du bois, une femme d’âge mur déclamant des vers à l’aide d’impressionnants poumons. Un orchestre l’accompagnait, mais le tout donnait une image de sobriété. Un spectacle privé ? Elle avait du mal à deviner la foule dans les parties non éclairées de la salle, ombres de plusieurs formes attentives et peu nombreuses. Des vêtements bourgeois, sans être immensément riches. Taillés pour la discrétion. Assurément il devait s’agir d’un club aux cercles très fermés…
Prenant garde à l’emplacement de ses semelles, Luz esquiva les obstacles poussiéreux sur sa route et tâcha de s’avancer plus avant dans la remise. Une échelle à quelques mètres permettait d’en descendre et d’arriver côté artistes du rideau. Elle y pencha la tête, effaçant l’apparence volante procurée par Nuit agile, ne découvrant aucun témoin potentiel à la ronde : seuls deux ouvriers se tenaient à cinq mètres de là, tout entiers tournés vers une fissure dans les rideaux leur permettant de surveiller la prestation en cours. Elle les contourna le plus silencieusement possible, masquée derrière une pile de caisses, pour zieuter à son tour du côté de la salle.
D’accord, peut-être s’agissait-il davantage d’une sorte de secte, constata-t-elle en découvrant l’insigne de frouska arborée sur chaque poitrail. Les caisses qui l’abritaient présentaient le même symbole… Et leur contenu était plus déconcertant encore. Des receleurs cachés d’objets rares ? La cantatrice semblait porter sur elle toutes sortes de bijoux et d’objets déroutants pour le décor… Se servaient-ils d’elle pour présenter discrètement les objets à vendre aux potentiels acheteurs du public ? Si c’était bien le cas, ils devaient utiliser un signe pour signifier leur intérêt aux gérants de cet échange commercial. Ce qui signifiait que quelqu’un surveillait cette partie de la salle. Et que leur voleur s’était probablement rendu dans une pièce arrière pour transmettre sa trouvaille dérobée afin qu’elle soit introduite dans leur circuit de ventes…
- Je vais entrer par ici. Restez ici pour surveiller l’extérieur, d’accord ?
Elle avait accompagné sa demande de plusieurs gestes, désignant tour à tour la trappe, elle-même, les shupons et les alentours. Il fallut deux bonnes minutes à Néa avant qu’elle comprenne de quoi il en retournait et qu’elle lui envoie, mentalement, des images d’elle et Nakai en train de survoler les environs.
- Oui, mais restez cachées. Au moindre individu suspect, vous partez !
Puis elle reporta son attention sur ce qu’il y avait sous ses pieds et elle ouvrit délicatement la trappe, espérant ne pas tomber nez-à-nez avec quelqu’un. L’ouverture menait sur une échelle et un endroit sombre. Ainsi mit-elle ses lunettes de jour pour mieux se repérer tandis qu’elle descendait, avec précaution, les barreaux un à un. Le lieu était aussi humide qu’il était sombre. Était-ce une grotte ? Elles étaient dans le Bourg de la Forteresse, la présence de cavités souterraines en pierre n’était pas une franche surprise. Ce qui l’était davantage, c’était de savoir où elle pouvait bien mener et ce qu’elle pourrait y trouver.
Pas à pas, elle s’avança dans l’obscurité de la grotte, prenant le temps d’examiner les parois qui l’entouraient. Elle s’arrêtait presque à chaque mètre, retenant sa respiration en essayant d’entendre des bruits de pas ou une respiration qui ne serait pas la sienne. Il n’y avait rien. En marchant, elle arriva finalement devant une autre échelle. Le tunnel continuait mais, de la trappe où menait l’échelle, de la lumière se devinait. Leur voleur était-il toujours à l’intérieur de ce lieu où avait-il fui par cet endroit ? Et, surtout, Luz avait-elle besoin d’aide ? Elle n’avait pas de nouvelles depuis qu’elle était entrée, même si elle ne lui en avait pas fourni également et elle commençait à s’inquiéter.
Soufflant presque de devoir prendre cette décision -la part en elle du mercenaire aurait préféré continuer, quasiment certaine que le voleur n’était plus dans la bâtisse-, elle poussa la trappe du bout des doigts et jeta un coup d'œil à l’intérieur de la nouvelle pièce. Il y avait une seule personne, mais elle s’éloigna rapidement. Lucy devait veiller sur elle. Elle sortit silencieusement de sa cachette et observa plus en détails ce qui l'entourait. Et, quand elle se rendit compte de ce que c’était, elle resta bouche bée une dizaine de secondes. Il y avait des tas et des tas de bibelot par ici. Certains n’étaient peut-être pas que des bibelots, à bien y regarder. Mais il aurait fallu des yeux plus affûtés que les siens et du temps, denrée rare qu’elle ne possédait pas. Où pouvait bien être sa flamboyante amie ?
Elle avisa deux entrées -ou sorties-. L’une d’elle était celle empruntée par la personne qui était venue faire elle ne sait pas trop quoi ici, quant à l’autre… Elle plaqua son oreille contre le panneau en bois pour essayer d’écouter. Rien ne lui parvenait, si ce n’était deux voies masculines. Qui étaient-elles ? Elle décida de jeter un coup d'œil à travers la sourire et aperçut deux hommes en tenue ouvrières. Un peu plus loin, un détail retint son attention. Elle aurait juré avoir vu du roux. Luz était donc de l’autre côté de cette porte ? Il fallait qu’elle trouve un moyen de la rejoindre sans se faire voir par les deux autres. La blonde se tourna pour mieux détailler ce qui avait été entreposé dans cette pièce.. N’était-il pas possible qu’il y ait un objet pouvant lui être utile, comme une cape d’invisibilité ? Elle se souvenait très bien du conte qu’elle avait lu, enfant, sur un jeune orphelin nommé Henri Toper et qui utilisait cet objet magique pour jouer des tours à la bibliothécaire. D’abord hésitante, elle se mit à toucher les objets, espérant déclencher un petit quelque chose mais rien ne se produisit. Jurant entre ses dents, elle allait décider de procéder à une négociation musclée lorsque l’autre porte s’ouvrit.
De justesse, elle se dissimula derrière une des nombreuses petites tables recouvertes d’une nappe et elle se recroquevilla sur elle-même. Elle en était presque à retenir son souffle pendant que les pas de l’inconnu se rapprochaient de là où elle se trouvait. Jamais elle n’avait autant prié Lucy qu’en cet instant, espérant que la Déesse ferait toujours preuve de gratitude envers elle et lui permettrait de s’en tirer saine et sauve. Après tout, elle était dans son bon droit. Elle voulait simplement récupérer quelque chose qui lui appartenait, qui appartenait à l’Ordre. Puis, il partit et, quand Ivara se redressa après de longues minutes supplémentaires, elle se rendit compte que c’était leur paquet qui se trouvait sur l’une des tables adjacentes.
Nulle tête d’or n’était visible dans les environs. Avait-elle définitivement perdu Ivara ? Atteinte d’une certaine nervosité pressante, Luz coula un nouveau regard sur la salle en plein spectacle, puis se ravisa. L’arrière scène était probablement plus intéressante malgré la proximité des deux techniciens à l’œuvre. Fort heureusement, le chant soyeux de la cantatrice masquait encore le bruit de ses pas feutrés et le son caractéristique de sa respiration. Elle pivota donc la tête, faisant fi des caisses en bois amoncelées à ses côtés pour explorer plus avant les coulisses. Un couloir s’enfonçait dans une relative obscurité sur sa gauche, laissant entrevoir les contours de petits panneaux. La loge ? Elle ne pouvait lire les jolies lettres manuscrites tracées à l’encre de là où elle se tenait, craignant également de s’aventurer trop loin sans obstacle pour la masquer à la vue de ses deux ouvriers s’ils décidaient subitement de se retourner. Non, l’autre versant de la pièce étant bien plus propice à ses explorations curieuses. Fléchie sur ses jambes, elle fit glisser ses semelles sur le bois craquant du sol, ignorant volontairement l’ouverture du couloir pour mieux poursuivre sa route. Il y avait là une humble porte en bois dénuée de tout signe distinctif. Elle leva sa dextre, en effleura la matière du bout des doigts, tendue vers la perspective de cette pièce cachée qui abritait en réalité la sculptrice.
Elle ne se vit pas sursauter, un instant ramassée sur elle-même, cloutée à l’emprise de la terre par les stridulations pressantes qui abolissaient tous les sons alentours, trompant ses oreilles par une voix qui n’existait que dans sa tête.
¤ Dehors. Tire aile. Mal. ¤
La magie parut s’égrener entre ses doigts inconscients, verbe délité par la panique de l’animal devenu incapable de se concentrer davantage. Oubliant immédiatement sa mission première, Luz tourna les talons aussi fluidement qu’elle le put pour regagner l’abri relatif du grenier. Dépourvue de toute précaution, elle poussa quasiment d’un coup porté du plat de la main la fenêtre du toit pour s’y engouffrer d’un bond.
Ses prunelles zébrées d’un éclat métallique plus entièrement naturelle balayèrent le sol avec la promptitude d’une âme angoissée. Là, plus bas ! Puisque l’heure de l’infiltration était passée, Luz plongea dans la magie de Rebond, flash de foudre contenue qui fendit l’espace, se rematérialisant sur le sol de poussière cendreuse. La silhouette qu’elle avait alors aperçue se retourna vers elle. Un chapeau. Une grande envergure d’épaules. Des sourcils froncés sur une vexation muette et la ligne d’une mâchoire masculine serrée sur un contretemps pénible.
Et dans son poing refermé, gisait Nakai. Il y eut un moment de basculement hors du temps. Un filament d’électricité sur sa peau ouatée et la tension du ciel avant l’orage. Il le perçut toutefois, et secoua délicatement le shupon enfermé dans ses serres : celui-ci s’agita d’un morne et faible pépiement.
II se gratta pensivement l’amorce de barbe mal rasée qui ceignait son visage, réfléchissant à cette situation qui paraissait inextricable.
Qui ? Néa ? Néa était encore libre et quelque part ?
Les dents serrées, dépassée -elle devait bien l’avouer, les plaintes télépathiques et vocales de Nakai noyaient les dernières bribes de son esprit rationnel, peut-être le shupon avait-il des os brisés ?-, elle pivota et fit très exactement ce qu’il lui demandait.
« Hmm ? Mouais. J’allais partir toute façon. Plus rien à foutre ici. Et puis, j’voudrais pas que ta copine débarque, ce serait chiant avec vous deux. Z’êtes des Célotrucs, non ? C’est sûr. Y a que vous pour venir chercher ici. »
Allait-il s’armer ? S’en prendre directement à elle ? Achever Nakai ? Oh, il n’aimerait vraisemblablement pas ce qu’il y gagnerait à la fraction de seconde près…
Luz perçut un mouvement à la lisière de sa vision, trop loin du type pour qu’il en soit l’instigateur. Ivara… ? Entendait-elle ce qu’il déblatérait ?
« Vous êtes un… Déshérité ? »
Un rire esclaffé.
Et puis soudain, le silence. Le souffle retenu sur ses lèvres, n’ayant absolument rien compris de ses explications séniles, Luz ne consentit à respirer que lorsque Nakai lui envoya télépathiquement son soulagement. L’homme avait-il pris la fuite en apercevant qu’une autre personne se trouvait aussi à l’extérieur de la demeure ? S’était-il volatilisé ? Mis en position de combat ? Après une courte hésitation, la praticienne pivota pour le découvrir…
Pendant ce temps, une créature, pas plus grande que l’avant-bras de la princesse, s’était réfugiée dans un bosquet aux alentours pour se cacher de l’horrible bête à deux pattes qui avait attrapé son compagnon d’aventure. Elle ne comptait pas le laisser s’en tirer comme ça mais, d’abord, il lui fallait prévenir la douce humaine avec qui elle passait ses journées. Néa se concentra de toutes ses forces, essayant d’être la plus claire possible sur ce qu’elle ressentait. Elle avait appris quelques mots, qu’elle balança au hasard, chacun lui semblant plus important que le précédent : « ennemi », « danger », « Luz ». La blonde ne pouvait pas lui répondre, à son grand désespoir.
Lorsqu’Ivara retrouva enfin l’extérieur, elle ne prit même pas quelques secondes pour reprendre sa respiration et profiter de la sensation de l’air frais sur son visage. Elle dégaina la lame de plan B et s’approcha, furtivement, de l’endroit que lui avait indiqué Néa. Cachée entre deux feuilles d’arbustes, elle devina rapidement les contours de la silhouette féminine de son amie et ceux, inconnus, du « méchant » qui avait réussi à attraper Nakai. A la vue de sa maîtresse, il n’en fallut pas plus au shupon de la blonde pour prendre son courage à deux pattes et se précipiter vers l’homme au signal d’Ivara. Cette dernière n’avait pas pu entendre ce qu’il avait dit, si ce n’est le mot arbalète mais sans avoir la moindre idée de ce que cette arme venait faire dans la conversation puisque ni lui ni Luz ne semblait en avoir.
- Hé, l’enflure ! J’sais pas qui tu es mais tu vas lâcher Nakai tout d’suite ou j’te…
Aussi étonnant que cela puisse paraître, elle n’aura jamais l’occasion de terminer sa phrase puisque l’homme disparaît subitement. Elle a à peine pu distinguer ses traits, très communs et avec aucun véritable signe distinctif, mais elle a vu ses yeux s’écarquiller à sa vue et à l’entente de sa voix.
- Reviens là fumier ! J’vais t’apprendre à m’nacer la vie des autres comme un moins qu’rin ! ‘Spèce de… Elle s’interrompit en arrivant à hauteur de Nakai, puis de Luz. Tout va bien ? Tu sais qui c’était ? Viens, il ne faut pas qu’on traîne ici.
Plus sûre d’elle qu’auparavant, elle attrapa son amie par le poignet et, à quatre, elles s’éloignèrent de cet endroit qui recelait une part encore entière de mystères. Luz aura beau lui expliquer que cet homme se vantait de faire partie des de la Nuée ou encore des Déshérités, c’était des noms de gangs qu’elle n’avait encore jamais entendu. Qui étaient-ils ? Pourquoi leur en voulaient-ils ?
La suite des aventures des célonautes le révéleront sûrement. Pour l’heure, les deux amies devaient s’empresser de livrer le paquet, malgré ce léger contretemps, et de faire leur rapport à l’archonte de la Capitale. Qui sait, peut-être seraient-elles amenées à fréquenter une nouvelle fois cette étrange bâtisse où se déroulait, sans le moindre doute, plusieurs activités illégales. Ou alors les déshérités les retrouveraient avant ? La mine sombre mais prête à accepter son sort et ce futur combat, Ivara savait qu’elle avait encore plus de pain sur la planche que prévu.
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