Pour cette saison chaude, vous avez décidé d’inscrire vos enfants au Camp scout du Marmouset, où ils pourront apprendre à s’éveiller à la nature et se sociabiliser un peu avec d’autres jeunes de tous les âges.
Alors que la semaine des Jeux sportifs Scouts doit débuter, deux animateurs sont malencontreusement blessés et doivent se reposer. Il revient donc à vous de coordonner et aider à la bonne mise en place de ces jeux. Vous êtes d’ailleurs les seuls parents sur les lieux, est-ce que vous enfants réagiront bien à votre présence… ?
En tout cas, les jeux vont commencer !
Participants : @Faolan Sealtar & @Calixte Alkh'eir
Thème actuel : Olympiades sportives
— C’est une frangipane !
— Oh ! Comme goûter ?
— Oui !
— Ça se mange ?
— Oui !
— Non ! Ça ne se mange pas et c’est frangipanier.
— Oh…
Le petit groupe d'enfants où Melta et Rune avaient sympathisé sembla d’un coup déçu d’apprendre qu’il n’allait pas manger. Faolan soupira et se pinça le nez avant de reprendre. Ce n’était pas totalement vrai, les fleurs sont effectivement comestibles, mais il ne voulait pas que les enfants les mangent sans aucune préparation de base.
— Mais on peut en faire des goûters, donc si vous en ramassez suffisamment en rentrant aux camps on pourra en préparer.
— Tout de suite ramasser plein !
— Non, par contre on va jouer avant et on les prendra avant de rentrer pour que cela soit meilleur.
Il y eut un moment d’hésitation de tous les enfants alors que le cuisinier laissait tranquillement la bruine l'humidifier l’air avec plaisir. Il avait parfois quelque petit qui venait vers lui pour en profiter avant de repartir en riant. Il n’aurait pas pensé faire moniteur lui-même à cette colonie, mais il avait fait venir les enfants surtout pour leur faire rencontrer d’autre enfant que pour être libre de ses mouvements. Il tourna la tête vers Calixte qui était son second du moment, il n’aurait pas pensé faire équipe avec l’homme, c’était certainement un signe de Lucy pour devenir encore plus ami.
— Tu t’en sors avec tes petites ? Est-ce que…
Il se stoppa dans sa phrase en étant percuté avec assez de force pour finir sur le sable de la plage sous les rires des enfants et le miaulement un peu pittoresque de Cannelle qui malgré cela avait elle aussi une belle bruine lui tombant sur le pelage. Il n’y avait aucun doute qu’elle s’amusait beaucoup et que la charge avait été contrôlée pour le faire tomber sans dégât. Il cracha un peu le sable dans sa bouche avant de la rincer à l’eau de sa gourde fontaine. L’ensemble de ses familiers était réparti sur la plage pour jouer avec les enfants et faire du gardiennage en même temps. Il était deux pour un groupe d’une quinzaine de petits, mine de rien, et même si quatre étaient les leurs ça ne changeait rien à la tâche.
— Bref… tu penses qu’une bataille d’eau est possible où tu préfères tenter autre chose ?
Il avait des idées assez simples de jeu où tout le monde pouvait profiter dans les archipels et surtout sur une plage à côté de la mer en pleine saison chaude.
A l’abri sous son large chapeau de paille, Mélyne observait d’un œil prudent la marmaille qui pépiait, braillait, projetait des nuages de sable doré à chacun de ses brusques déplacements. Si c’était ainsi que devaient évoluer les jumelles, pour l’heure trop petite pour participer à ce type d’activité si ce n’était celle d’expulser le plus bruyamment l’air de leurs jeunes poumons, la glooby de glace irait se trouver un gîte plus calme quelque part dans le méandre des dortoirs de la Caserne méridionale. Non, vraiment, toute cette agitation superflue ne lui disait rien qui vaille. Tirant un peu plus le drapé de sa robe en coton pour mieux se camoufler derrière le tissu vaporeux, Mélyne fronça les sourcils et se recroquevilla davantage sur l’épaisse branche de bois flotté sur laquelle elle s’était perchée. A quelques pas, bullette magique d’un côté et Rozenn dans les bras, Calixte semblait, lui, imperméable au chaos ambiant. En même temps, cet instant semblait au diapason du reste de sa vie. Certainement la glooby devrait-elle déjà se sentir satisfaite de l’absence de péril imminent, qui avait, jusqu’à récemment, accompagné les turbulences malmenant le chemin du coursier. Elle ne l’était pas.
- Hé madame ?
- M’dame ?
- Tu joues ? Tu joues avec nous ?
- Même que… ben que François-Bernard il a un ballon et que…
- Baloprisonié !!!
- Hé nan ! C’est chapot perché !
Rivant son regard pâle sur le petit groupe de bambins n’ayant rien trouvé de mieux que de venir l’importuner, Mélyne se raidit. Et si ces enfants n’étaient pas ce qu’ils paraissaient ? Et si se cachait parmi eux, derrière une quelconque bouille innocente, la sournoise ombre du danger ? Déjà, elle pouvait lire dans leurs yeux vifs l’éclat inquiétant de la ferveur, dans leurs mouvements anarchiques le désastre imminent, dans l’écho de leurs voix criardes l’insupportable flamme. Elle pouvait, presque, déjà sentir la morsure de celle-ci.
Portant la bulle de souvenirs à ses lèvres, gestuelle devenue réflexe sous sa forme humanisée, Mélyne souffla un grand coup pour égrainer le fil de ses pensées. Dans un concert d’exclamations ravies, ses admirateurs malvenus se lancèrent à la poursuite des sphères irisées, trop pris au jeu pour percevoir les tortueuses scénettes enténébrant leurs ronds contours. Profitant de la diversion, la glooby se releva dans un bond, et sauta au bas de son perchoir, avant de trouver refuge auprès de Calixte. Parfois, mieux valait se trouver dans l’œil de la tempête.
- Une revenante ! T’as fini de faire la gueule, ou bien tu viens te cacher sous les jupes de ton maître ?
Ou, peut-être pas.
- Azu, sois gentille, commenta machinalement Calixte avant de tourner un œil inquiet vers Faolan qui venait de culbuter pour goûter le sable. Ca va ?
Faolan, c’était l’homme adulte autour duquel le climat semblait régulièrement s’affoler. Ou, peut-être, était-ce autour du rarwük qui l’accompagnait. Mélyne n’arrivait pas très bien à faire la part des choses et, dans tous les cas, cette singularité ne faisait rien pour la rassurer. Esquivant le verbe acerbe d’Azumi – qui se tenait par ailleurs tranquille entre les mains d’une Maeve somnolente – comme l’étrangeté météorologique locale, la glooby humaine contourna d’un pas agile la petite ribambelle d’enfants qui se trouvait à proximité pour prendre son élan, traverser d’un pas enchanté la surface aqueuse s’étendant devant elle, et faire son nid sur l’une des barques à gué dans la petite crique appartenant au camp du Marmouset. A proximité, James sortit le museau de l’eau pour l’observer avec curiosité avant de reprendre sa mission de surveillance. Apparemment Calixte et son ami étaient responsables pour la journée, et noyer par inadvertance quelques âmes infantiles n'était pas un programme envisageable. Même en étant couvert par la Prévoyance.
- Maintenant qu’elles ont mangé…
- … été changées…
- … câlinées…
- … rafraichies…
- … et que le hochet du Nérouj fait effet, c’est beaucoup moins sportif qu’il y a une heure.
- Quelle idée d’inscrire si petits nourrissons en colonie sable-gratte-cul-option-canicule, aussi ; de la confiture en guise de matière grise, dans ton crâne. C’pas parce qu’elles sont nées dans le désert qu’elles sont plus vaillantes entre les cocotiers.
- On est suffisamment à l’ombre, non ? marmonna le soldat en rajustant automatiquement son grand chapeau de paille identique à celui de Mélyne, à ceci près qu’il portait l’étiquette bigarrée du « camp du Marmouset ».
La corolle de douce fraicheur qu’il projetait abritait l’homme, mais aussi le poupon éveillé entre ses bras. De ses yeux à l’étrange mordoré, il paraissait étudier en gazouillant ses congénères plus âgés chahutant à proximité.
- On peut tenter une bataille d’eau, oui. C’est relativement facile à mettre en place, et pas dangereux. Normalement. Thérèse-Aryon, retire ce coquillage de ta bouche.
- MaiChistofAndéilafaiéapèsilamiséenchuite…
- Retire ce coquillage, je ne comprends rien, répéta-t-il à la petite fille qui se hâta enfin de s’exécuter avant de lui narrer l’improbable histoire impliquant Christophe-André et l’utilisation de coquillages morts comme sucettes. Ils ont de drôles de prénoms cette génération, non ? glissa-t-il en aparté à Faolan. Mais peut-être que c’est moi qui deviens vieux et bête.
- Pas de nouveauté ici.
- Ce serait mieux que je récupère Mel pour garder… ça a l’air mal engagé, tant pis. Ashae tu vas nous chercher le groupe là-bas, et Ka’t Patrick et Michelle-Angèle qui sont en train de s’éloigner, s’il-vous plait ?
Parcourant d’un œil quelque peu hagard les petites têtes qui se rassemblaient péniblement autour d’eux – et de la chaussette bonbons magique qu’il avait fini par sortir par facilité – le coursier compta une nouvelle fois les enfants avant de reprendre :
- Faites vos équipes, les loulous. Vous pouvez être avec la shupon, la griffroid, la grognedent ou… la rarwük ? glissa-t-il tout en coulant un regard interrogateur vers Faolan.
— Oh ! Cannelle, tu as envie de jouer ?
Non, elle n’a pas spécialement envie. Enfin, elle le pense. Ce n’est pas vraiment un jeu pour elle, mais assurer la protection d’une mini meute. Faolan a bien trop l’habitude de l’agrandir de manière plus ou moins temporaire alors s’occuper d’un groupe d’enfant pour mouiller les autres ça semble être un bon entraînement. Le cuisinier ne comprend pas bien les émotions que lui partage son familier et l’ensemble de leur temps est entre la pluie de la bonne humeur et un ciel dégagé de curiosité, très bel arc-en-ciel au passage. Le blond regarde le temps au-dessus d’eux deux et déclare simplement.
— Je suppose que cela veut dire oui.
Pas du tout, mais ça lui convient ainsi alors elle ronronne et se place à côté de Rune. Elle sait de base que cette enfant voudra être dans son équipe.
— Cannelle, on ne va pas forcément faire les équipes avec qui tu…
Un grognement lui répond au milieu de sa phrase et cela fait rire certain enfant qui vienne caresser le pelage humide de l’animal alors que le cuisinier laisse faire et que Rune secoue ses oreilles et sa queue pour retirer l’humidité au fur et à mesure que cette dernière lui tombe dessus sans pour autant bouger de sa place alors que Melta lui semble vouloir aller dans l’équipe de la griffroid pour sa part. Ce n’est pas plus mal que les enfants se dispersent pour connaitre de nouvelle tête.
— Bon, je suppose qu’on peut laisser tout le monde choisir son équipe, mais pas plus de cinq par familier.
Il y a un enthousiasme certain des enfants pour ce qui arrive et chacun prend place avec les disputes en interne pour savoir qui va où. Le genre de dispute où les adultes n’ont pas vraiment leurs mots à dire de toute manière. Cela fait soupirer un peu le blond qui attrape son sac et sort de là un sac de conservation et le montre à Calixte.
— Pour tes petits, si jamais ils ont faim j’ai prévu des biberons adaptés pour eux. Enfin, si tu acceptes qu’ils soient les premiers à tester ce type de biberon. Rien de dangereux, je travaille avec l’Astre de l’Aube pour des repas adaptés pour les patients et j’ai voulu faire une gamme pour les enfants. À la base je demandais pour les bébés familiers, mais j’ai mal exprimé mes demandes et… bref, ça fait que j’ai eu de quoi faire plein de repas pour jeune enfant… ça passe très mal avec les glooby en plein croissant ou les rouplume, le mien m’a tout vomi dessus alors que c’est une créature omnivore… mais promise, pour les enfants humains, même avec hybridation, c’est bon. En tout cas, ça a été étudié pour et… bref, si tu as besoin j’ai quoi…
Il s’était perdu dans sa propre explication au final et se massait doucement le cou alors qu’il se prit en pleine face un jet d’eau sous les rires des enfants. Visiblement Jean-Micheline avait un pouvoir de manipulation de l’eau.
— Moi touche plus !
— Non, moi !
Et suite à cela une pluie de projection d’eau arriva dans la direction de Faolan sans qu’il comprenne vraiment pourquoi. Visiblement les enfants avaient compris à leur façon la bataille d’eau comme étant l’équipe qui mouille le plus les adultes qui gagne.
Il était visiblement possible d’engendrer toujours plus chaos, à croire que l’entropie n’avait pour limites palpables que celles de l’imagination du vivant. Et Lucy savait si les âmes parcourant les terres d’Aryon étaient loin d’en être dénudées. Les sourcils froncés dans l’ombre de son large canotier, Mélyne surveillait d’un œil inquiet l’animation qui faisait voler nuages de sable doré et tournoyer écumes aqueuses par-dessus un champ de bataille qui se voulait pour l’heure innocent. Equipés de gourdes, seaux, objets magiques empruntés au camp ou laissés par leurs parents, de leurs pouvoirs, ou simplement de leurs petites mains fébriles, les enfants sillonnaient l’étendue ocre pour transformer chacun de leurs adversaires en véritable serpillère. Guidés ou épaulés dans leur tache par des familiers un peu trop investis dans le jeu – dans leur travail – ils avaient réussi à complètement détremper les deux adultes qui avaient leur charge, et se disputaient gentiment la gloire de cette petite victoire. Pour éviter de mêler les poupons à la bataille d’eau, Calixte s’était éloigné de la bullette, et il semblait que seule Azumi veillait à présent sur ceux-ci.
Pinçant les lèvres, l’œil irisé rebondissant d’un familier à un autre, Mélyne constata qu’en dehors de l’âme artificielle au grincheux caractère, chacun avait l’attention toute tournée vers le chahut du jeu en cours. Etait-ce bien raisonnable ? Un frisson parcouru sa chair, dressant le poil de son derme au glaçant souvenir des dangers d’étendues sablonneuses. Désertiques. D’antres infinis dans leurs mystères, leurs ténèbres et leurs sournoiseries. Une pulsion viscérale, le reliquat d’un instinct de survie malmené, anima brusquement ses membres, et la glooby humaine sauta hors de sa barque. La semelle de ses bottes palmées trouva sans peine appui contre le miroir marin, où elle allongea le pas de sa course pour regagner le rivage avec empressement. Voyant à peine Melta et Ka’tea qui déboulaient sur sa droite pour arroser un couple d’enfants faisant le plein de munitions, elle les esquiva néanmoins sans peine, d’une agilité aiguisée par le sentiment d’urgence. Sa dextre se glissa sans hésitation contre les contours du cordon de la bullette, et sa senestre attrapa les affaires gisant à ses pieds. Son regard clair arrêta son fiévreux ballet pour aviser un petit promontoire rocheux à quelques mètres plus loin, et ses jambes se remirent immédiatement en marche.
Elle ne s’arrêta qu’après avoir gravi la butte de pierre poudrée de sable, sous le couvert protecteur de palmiers aux larges feuilles filtrant les brûlants rayons du soleil, bien au-dessus de la mêlée aqueuse poursuivant son cours. A l’abri. Au calme. Les doigts serrés autour des objets qu’elle avait embarqués avec elle, Mélyne s’accorda une pause pour laisser son battant décélérer et son esprit s’apaiser. Pour se défaire de quelques fantômes. Au bas de son refuge, elle croisa le regard songeur de Calixte.
- Hé monsieur Cali’, ça se mange vraiment ?
- N’importe quoi, ils font que des bêtises ! Même que ma maman, et ben elle fait à manger des poissons et des trucs de l’eau pour les gens riches, et que ben je sais qu’elle m’a dit que ça c’est pas bon.
- Ouais mais Zul dit que ça fromage.
La tête du coursier tourna brutalement vers la plage, faisant craquer sa nuque alors que ses yeux cherchaient avec empressement la massive silhouette de la jeune grognedent. Il la trouva en compagnie de son équipe de petites frimousses et de James, en train d’arpenter joyeusement le bord de mer à la recherche de, bien évidemment, son repas. Parfaitement à son aise, elle accueillait entre ses dents les poignées d’algues, coquillages et cailloux en tous genres que les enfants récoltaient maladroitement, mais allègrement, de l’océan. Commentant leurs essais gastronomiques d’exclamations joviales, comparant les mets qui lui étaient présentés avec les saveurs qu’elle connaissait et dont elle raffolait. Cette comparaison était certainement bien plus enthousiaste que scientifique.
- Thérèse-Aryon, ne mange pas cette… trop tard. Montre-moi ce que tu as encore dans les mains, indiqua Calixte en rejoignant le banquet improvisé d’un pas rapide.
S’il apparaissait qu’il n’échapperait guère à un nouvel épisode de coliques pour Zuluka, il aurait aimé éviter de rendre les enfants sous sa responsabilité en état d’intoxication à leurs parents.
- Fao ? appela-t-il distraitement à l’aide son compagnon de galère.
Si l’espionnage l’avait instruit aux toxiques naturels comme à leurs remèdes tout aussi sauvages, il n’avait certainement pas l’expertise du cuisinier itinérant, membre de surcroit de l’Astre de l’Aube. Et, devant lui, entre les doigts triomphants des enfants ravis, se dessinait une large palette de possibles poisons.
- Oui, celles-là tu peux, accorda-t-il à Patrick qui lui poussait sous le nez un trio d’agluti. Et ça…
- C’est la fofora !
- La fofora ? s’interrogea Calixte en levant devant lui le fragment minéral qu’il inspectait à présent.
D’une couleur bleutée au diapason de l’onde à leurs pieds, le caillou semblait particulièrement commun.
- Bah oui, la fofora : celle qui fait la lumière !
- Phosphoria ? Bouge pas Fao, s’il-te-plait, demanda songeusement le coursier à l’homme tout en s’accroupissant afin de profiter de l’ombre projetée par son bassin.
- Oh ça brille !
Alerté par les exclamations enthousiastes du petit groupe, bientôt le reste des enfants se massa autour du séant du cuisinier.
- J’en veux aussi !
- On peut prendre en souvenir ?
- Même que Patrick, et ben il a dit que c’est pour moi !
- Même pas vrai !
- Menteuse !
- Hé m’sieur l’âne, c’vrai qu’ça s’mange ? Zul elle dit fromage.
Tout va bien.
Enfin, pas vraiment vu que son comparse l’appel encore. Peut-être qu’il n’a pas vu où ses petits ont fini et qu’il cherche lui aussi. Il faut qu’il lui dise. Il trottine vers lui pour le lui le dire, ouvre la bouche, mais voit devant lui un scénario bien trop connu qui le fait soupirer.
— Je ne bouge pas… Les enfants, on ne met pas tout dans la bouche et on ne donne pas n’importe quoi à manger aux familiers.
— Ça brille !
— Mon ventre il va brille si je le mange ?
— Non, c’est les yeux !
— Ce n’est rien du tout, cela rend malade.
— Mais c’est joli.
Est-ce que c’est un argument qui est supposé rendre le caillou mangeable d’un coup ? Visiblement oui parce que cela s’exclame autour comme si c’était le meilleur argument du monde. Le cuisinier n’allait pas s’énerver, il avait des souvenirs honteux de ce qu’il avait aussi pu manger à cet âge en toute naïveté.
— Oh ! Donc vous ne souhaitez pas de glace. Je comprends.
— Glace ?
Il y avait plusieurs petites voix qui avaient répété le nom de la douceur comme de braves perroquets une fois cette dernière dite. L’estomac des enfants est si faible face aux sucreries mine de rien.
— Oui, des glaces que vous allez même pouvoir faire au fruit que vous trouverez.
— On doit trouver des fruits ?
— Moi je veux une glace au chocolat ! Pas aux fruits !
— Oh ! Moi aussi !
— Moi je veux fraise !
— Framboise !
Nous allons vous faire le luxe de ne pas citer tous les parfums de glace ayant été dit et changer au fur et à mesure que cela se donnait. C’est fou comme les enfants souhaitent toujours plus. Au moins il n’y a plus qui parle de manger un caillou, il semble avoir simplement terminé dans un sac et l’excitation du goûter à tout balayer.
— Vous avez le droit à trois parfums, mais seulement ceux que Calixte acceptera, alors vous allez lui dire de pourquoi votre parfum c’est le meilleur du monde, d’accord ?
Il y eut un brouhaha enthousiasme pendant que Faolan sort son emport'Tout food truck et son pot magique. Trouver les éléments pour fabriquer les glaces serait la prochaine quête des petits, au moins c’était moins mouillé qu’une bataille d’eau.
Maeve commençait à chouiner, et Rozenn s’agitait en retour. Soucieuse, Mélyne les observait en se demandant ce qu’il pouvait bien leur manquer. Il avait été prouvé, à plusieurs reprises, que leur jeune âge n’influait aucunement sur la puissance des décibels qu’elles étaient capables d’émettre, et la glooby humaine ne tenait pas à ramener l’attention vers elle, ni à laisser les jumelles à leur inconfort. Se penchant délicatement au-dessus de la bullette, elle approcha son nez des langes des deux enfants. Nulle odeur suspecte ne semblait s’en dégager, mais son odorat actuel était moins performant que celui de ses traits usuels. Soulevant prudemment les garnitures, elle s’assura que ses narines n’étaient pas passées à côté d’une quelconque fuite. Rozenn s’arrêta de gesticuler quelques secondes, semblant surveiller ses mouvements, mais l’impatience de Maeve ne fit que croitre. Attrapant doucement l’une des mains de celle-ci, elle l’amena à sa bouche qui se mit à suçoter avec ferveur cette tétine improvisée, avant de se remettre à brailler franchement. Avisant les affaires qu’elle avait embarquées avec elle, Mélyne se saisit d’un biberon qui dépassait d’un sac. Il n’avait pas tout à fait la silhouette qu’elle avait conservée en mémoire, mais s’il était là, c’était qu’il devait être adapté pour les nourrissons. Soulevant le poupon probablement encore en quête de repas, le calant contre elle comme Solveig et Calixte lui avaient appris, la glooby entreprit de le nourrir. Son regard glissant de l’enfant qui se calmait peu à peu pour sonder la plage où l’agitation paraissait ne cesser que pour mieux reprendre, à la manière des vagues qui poursuivaient inlassablement leur va-et-vient, elle finit par accrocher les courbes humides de Faolan. N’était-ce pas de l’un de ses sacs à lui, en réalité, qu’elle avait tiré le biberon entre ses mains ?
- Et ça, ça se mange ?
- Ca aussi ?
- Et moi, et moi-même que j’ai trouvé ça !
Les sourcils froncés lorsqu’ils n’étaient pas levés hauts sur son front, Calixte étudiait d’un œil sceptique les aliments supposés présentés par les petits vacanciers qui piaillaient autours de lui. Depuis que le cuisinier avait émis l’idée de concocter quelques glaces à partir de fruits trouvés alentours, défilait sous ses yeux tout un panel du règne végétal – voire minéral – qui faisait douter le coursier de ses oreilles ou de l’éducation de ces jeunes gourmands. Depuis quand pouvait-on confondre un galet avec une pomme ? Par Lucy, il espérait que ses propres rejetons grandiraient en engrangeant rapidement un peu plus de connaissances, ou bien qu’ils ne se baladeraient jamais sans broche nutrivif. Connaissant leur capital génétique, peut-être devait-il commencer à investir dans une poignée de ces dernières.
- Non, toujours pas Thérèses-Aryon. Mais regarde : Melta a trouvé de jolies noix de coco et des bananes par là-bas, et François-Bernard a trouvé des plants d’orchidée qui ressemblent à ceux de la vanille. On ne va peut-être pas prendre ceux-là, c’est Faolan qui décidera, mais si tu veux une glace à la vanille je te le compte comme.
- M’sieur Cali’, m’sieur Cali’ ! Moi j’ai ça ! C’est bon hein ?
- Mais c’est de la triche ! Même que moi j’ai vu que t’as pris là-bas !
Ses pupilles ambrées coulant vers les sombres graines présentées, Calixte esquissa un sourire dubitatif.
- Tu es sûr d’aimer le café, Christophe-André ?
- C’est chocolat !
- Non, c’est du café. Tiens, sens.
Ne se retenant pas de rire au mouvement de recul dégoûté de l’enfant après avoir humé les graines entre ses mains, le coursier échangea un regard amusé avec le cuisinier. La sensation d’éclats glacés contre son épaule le fit néanmoins sursauter et tourner la tête vers Ashae qui, via l’une de ses magies, venait de lui lancer une boule de neige. Satisfaite d’avoir son attention, la shupon esquissa une arabesque enjouée avant de s’éloigner pour lui indiquer Ka’tea. Et une petite fille ayant entrepris d’escalader un arbre un peu en retrait, duquel pendaient de savoureuses grappes de fruits à la coque rougeâtre et granuleuse. Tournoyant prudemment autours d’elle, litchis entre les crocs, la griffroid tentait vainement de dissuader celle-ci de poursuivre son ascension tout en lui offrant l’objet de sa convoitise. Néanmoins, bien décidée à aller récupérer elle-même les ingrédients de sa glace, Michelle-Angèle ignora superbement le familier. Et glissa.
- Evidemment, grimaça Calixte comme l’enfant n’était pas tombée très bas, mais venait de se coincer le pied à la bifurcation de deux branches.
— On doit vraiment rendre ses enfants à leurs parents une fois tout cela terminé ?
Il se posait sincèrement la question, parce qu’il ne comprenait pas comment on pouvait ne pas faire attention à un enfant à ce point. Il ne prenait même pas en compte l’innocence des enfants sur le moment et que lui-même avait des points dans les éducations de ses enfants qui ferait avoir des cheveux blancs non naturels à d’autres parents. On voit toujours plus facilement les défauts des autres plutôt que les siens. C’est toujours incroyablement plus facile. Étrangement.
Avec beaucoup de pédagogie pourtant il prit le temps d’expliquer un à un aux petits pourquoi tel ou tel produit amené n’allait pas en expliquer les goûts et ça sembla faire effet. Décrire le goût d’une pierre comme quelque chose qui casse les dents avec en plus le goût du sable plein d’eau de la mer ça ne donnait pas envie d’avoir une glace de ce goût-là. C’était assez effrayant de voir que le goût décrit parle à autant d’enfants tout de même, mais ce n’était clairement pas de son ressort.
Il tourna la tête vers Calixte et Michelle-Angèle. AH ! Un nouvel accident. La fatigue mentale était de plus en présent et clairement il avait vu aussi certains enfants bailler dans le lot de petits rigolos. Il avança vers la petite agitée qui se débattait pour sortir et la décoinça avec un geste sentant l’habitude. Melta lui faisait souvent cela. Il y avait un soupir las qui sortit de la bouche de Faolan et il fixa son camarade de galère et dit sans la moindre hésitation.
— C’est clairement l’heure du goûter et de la sieste, on doit rentrer pour les deux. Les enfants, avec vos choix on va avoir de la glace noix de coco, banane, vanille et chocolat.
Il eut des exclamations joyeuses des enfants qui avaient visiblement qu’écouté la partie gouter et non celle sieste.
— … Dis… Si on leur donne des somnifères doux, ça serait vraiment une mauvaise chose ?
Il y a un brin d’humour dans la question, même si une part de lui était clairement sérieuse dans la proposition, mais ce n’était pas trop la question. Dans tous les cas, il était assez content que ses familiers soient là pour rassembler et canaliser les enfants. La préparation des glaces fut plutôt rapide et la distribution encore plus. Il y eut un certain enthousiasme dans la dégustation sur place, même si cela fatiguait Faolan de devoir empêcher à pas de repris des mains pleines de sable de vouloir ajouter cet ingrédient à la coupe glacé.
- Est-ce que c’est vegan parce que ton papa et ta maman ne veulent pas que tu manges autre chose ? Heu…
Confus, le coursier tourna un regard interrogateur vers son ami qui empêchait quelques gourmands de plonger leurs mains souillées de sable dans les bacs de glace.
- Oh m’sieur Cali’, m’sieur Cali’, r’gardez !
- Haaaan trop bieeeeen !
Comme il n’y avait rien pour le rassurer dans l’excitation recrudescente dans les petites voix l’interpellant, Calixte se détourna de la question de régime alimentaire pour ramener son attention à Christophe-André qui… faisait des paillettes avec le bout de ses doigts ?
- Qu’est-ce que tu as mangé d’autre ? demanda précipitamment le soldat en se baissant vers l’enfant pour l’examiner sous toutes les coutures.
- Ch’pas, c’est la glace banane !
- La glace banane ?
- Moi aussi, moi aussi !
Tournant vivement la tête et grimaçant au crissement endolori de ses vertèbres, Calixte put constater qu’effectivement une poignée de jeunes filles et garçons s’amusaient avec ravissement des confettis magiques émanant de leurs mains. Les autres, envieux, se ruaient déjà sur le reste de glace à la banane.
- Je crois que c’est… commença le coursier pris d’un mauvais pressentiment tout en cherchant du regard Abdallah alors que Faolan réussissait à libérer le bac – un peu tardivement néanmoins – de l’emprise des bouches aventureuses. Oh par les…
Attrapant Christophe-André qui se mettait à tanguer en papillonnant des paupières dans un long bâillement à s’en décrocher la mâchoire, Calixte accompagna celui-ci jusqu’au sol où il l’allongea prestement.
- Ka’t, Ashaë et Zul, prenez les matelas roulés contre les murs et étendez-les un peu partout. L’heure de la sieste est avancée, indiqua-t-il en saisissant Michelle-Angèle qui s’écroulait à son tour de sommeil.
Bientôt le petit bungalow fut rempli d’un concert de ronflements et de quelques éclats de rire amusés, fugaces et récurrents comme l’apparition d’étoiles filantes en pleine saison chaude, des enfants n’ayant pas succombé aux effets secondaires de la glace à la banane et observant les paillettes s’échappant toujours des doigts de leurs camarades endormis.
- Abou ? chuchota avec agacement Calixte après s’être assuré que l’état des dormants n’évoluait plus, notamment défavorablement, et que Faolan récupérait sa broche nutrivif ne montrant rien de délétère pour la santé dans les restes de glace.
- Aaaaah mec. Juste une des potions paillettes que tu gardes depuis, genre, une éternité, et un peu de weissium. Vraiment, tu vois, pas beaucoup. Quasi que d’. En plus l’infusion, là, ben c’pas ouf hein. Après c’est des mini-portions ces gosses, j’avoue. Mais faut soutenir la science, et Mel m’a montré de belles images.
- Plus jamais tu me fais… Mel ?
Le regard du coursier balaya la salle avant de se poser sur elle, et la glooby humaine sut qu’elle n’aimerait certainement pas la suite de cette discussion. Sans laisser le temps à l’homme de la devancer, elle désactiva le collier de métamorphose et profita de sa petite taille pour se planquer dans le premier refuge à portée de patte. Seul le soupir de résignation du soldat lui parvint, et elle estima que l’imprévu scénario qu’elle venait de leur laisser ne leur poserait pas tellement de plus de soucis. Dans tous les cas, elle ne prévoyait guère de repointer le bout de son nez avant d’être sûre que l’épisode fut complètement passé. Et le cuisinier loin. Elle n’était pas convaincue qu’il eût apprécié qu’elle ait joué aux apprentis sorciers avec sa préparation.
- MAJ inventaire:
-1 potion paillettes