Il y a peu de temps, j’ai eu la possibilité d’obtenir une amélioration pour mon pouvoir, demandée par mon père tout en me laissant un peu plus en second plan. Il avait l’air de savoir ce qu’il me fallait, ce qu’il fallait que j’aie, enfin nous en avions discuté un peu avant de prendre cette décision. Toutefois les effets n’ont pas été totalement ceux escomptés. Tout comme ma transformation, ceux-ci se montrent plutôt… Incontrôlables. Et j’ai beau l’avoir testé quelques fois, en fait… Alors, oui, cet effet est intéressant et permet d’esquiver pas mal de choses, mais il ne fonctionne que quand je suis transformée et parfois les informations sont trop nombreuses. Si nombreuses que je finis par m’évanouir après que mon cerveau ait tenté de tout traiter en autant de temps. Alors, cette fois, nous en avons un peu plus discuté. Mais, surtout, c’est avec Ma’ que je vais venir et elle sait visiblement où m’emmener.

Alors nous nous sommes dirigées main dans la main, vers la boutique qu’elle a déjà pu visiter. Même si elle compte suivre de loin la conversation et potentiellement intervenir, l’objectif est que je puisse moi-même mettre des mots sur ce qu’il me faut. Après tout, mon pouvoir est lié à mes ressentis et mes émotions. Il nous a fallu un bon moment de marche où j’ai passé mon temps à observer les quelques éléments de faune et de flore qui nous entourent. Des petits papillons, quelques petits oiseaux qui piaillent en se cachant derrière les branches… Je devrai un peu plus les observer pour pouvoir m’envoler plus facilement dès le début de la transformation. Cela pourrait m’aider dans certaines situations délicates…

Nous voilà finalement à ouvrir la porte de la fameuse boutique et, alors que j’observe les lieux, très vite nous voilà devant le gérant. Lunarya commence par dire bonjour et annonce vouloir discuter d’amélioration pour moi, avant de finalement me faire signe de m’avancer tandis qu’elle reste légèrement en retrait, nous observant de loin tout en restant attentive à la discussion. Je l’observe un instant, légèrement timide, avant de finalement m’avancer. Même si l’homme n’est pas si grand par rapport à d’autres personnes, ne faisant toujours pas le mètre quarante, tous les adultes me paraissent bien vite grands.

– Bonjour. Mh, je, comme elle a dit on vient discuter à propos d’une amélioration pour mon pouvoir, étant donné que… J’ai du mal à contrôler ce que je peux faire jusque là.

Autant dire pas du tout, mais bon, on y viendra peut être plus tard, j’imagine.

La Capitale, difficile de dire que l'enchanteur était heureux d'y retourner. Mais si ces derniers temps les affaires avaient bien fonctionné à la Forteresse, avec le retour de la saison chaude une petite baisse de fréquentation était à signaler. Combiné aux paroles d'une certaine verte encore récentes dans son esprit, le blond s'est senti le besoin de retourner dans la ville à l'origine de tous ses maux et de tous ses dons. L'occasion de renouer aussi avec une partie de sa clientèle et de renflouer une nouvelle fois ses caisses pour les prochaines expérimentations et achats qu'il a en tête. Ivoire est tranquillement installé sur l'un des présentoirs à objets magiques, prêt à faire une blague à quiconque s'intéresserait de trop prêt à lui en commençant à voler sous ses yeux. Le Grimoire avait développé un coté taquin, qui changeait de ses pulsions plus grossières.

La porte sonne, et c'est un visage connu qui apparait. Accompagné d'un second, bien plus juvénile. Un sourire étire les traits d'Almassar, qui incline la tête en saluant Lunarya qu'il reconnait, alors que celle-ci lui annonce qu'elle n'est pas la pour ses propres besoins mais pour ceux de l'enfant qui l'accompagne. Le regard de l'enchanteur passe donc à cette nouvelle cliente d'un âge plus que surprenant pour écouter ce qu'elle souhaite. Kahlua a beau être jeune, l'homme lui offre la même attention qu'a n'importe quelle autre personne franchissant le pas de cette boutique avec une demande ou une question importante en tête. Une amélioration de son Don si jeune, ce n'est en plus pas commun. Avec un fin sourire, l'homme au regard de violine hoche de la tête légèrement avant de reprendre le fil de la conversation.

-"Bonjour à vous jeune demoiselle. Un tatouage vous permettant de mieux contrôler votre don est quelque chose de tout à fait envisageable, mais pour cela, il me faudra quelques informations. Ce que fait précisément votre don, et ce que vous souhaitez en contrôler. Ensuite nous pourrons discuter de si vous ne souhaitez que cela, ou si vous avez en tête d'autres idées qui pourraient se rajouter à votre demande."

Son regard remonte un instant sur Lunarya, avant de revenir à la demoiselle qui peine à dépasser la hauteur du comptoir. Avec un signe de la main, l'enchanteur leur indique à toutes deux la porte qui mène à l'arrière boutique, et plus précisément son bureau. L'endroit étant bien plus adapté pour pouvoir discuter de tels sujets, et surtout confortable si jamais l'échange venait à durer. Après tout, qui a envie d'être interrompu par d'autres clients tout en confiant ses talents, ses rêves et ses espoirs ?

-"Je vous propose de passer dans mon arrière boutique et mon bureau pour discuter de tout cela ? Nous y serons mieux installés et plus au calme, je pourrais aussi prendre des notes pour mieux répondre à vos interrogations et vos souhaits ainsi."

Bien sur, si les deux femmes acceptent, l'enchanteur fermera rapidement la porte d'entrée avant de les accompagner à son tour.

C’est agréablement surprise que j’observe l’inconnu un instant, probablement peu habituée à être aussi bien accueillie dans des lieux où je ne me rends pas habituellement. C’est vrai que j’ai plus tendance à me faire rouspéter qu’autre chose… Après un regard à ma mère, je suis donc l’homme dans l’arrière boutique pour aller m’installer sur l’une des chaises qui nous sont présentées. De quoi faciliter un peu l’observation… De la pièce en premier lieu. C’est après quelques secondes que je me reprends pour fixer de nouveau le… euh, j’imagine que ce n’est pas un vendeur simple, alors restons sur l’inconnu. Assez tendue, je me lance donc dans les explications demandées.

– Quand je ressens de très fortes émotions, que ce soit une très grande peur, un gros stress ou de la colère, je me transforme en oiseau. C’est un petit oiseau tout bleu, un mérion azuré. Et…
– Il fait la taille d’un moineau.

Son intervention me surprend et je l’observe un instant avant de reprendre.

– Je n’ai jamais réussi à contrôler quand je me transforme, et à part réussir à gérer complètement mes émotions je ne vois pas comment…

Même si j’ai déjà réussi à en jouer pour forcer la transformation, le contraire est plus difficile et se transformer dans une mauvaise situation n’est pas forcément une bonne idée.

– Et ce n’est pas tout. Une fois que je suis transformée en oiseau, je ne peux pas parler ni avec eux ni avec des humains mais je comprends encore les humains. Je n’arrive pas à voler correctement parce que je n’ai aucun instinct de l’animal. Peut être qu’avec de l’entrainement j’y arriverai plus facilement mais je sais pas trop pour ça… Une fois transformée, je ne suis pas capable de redevenir humaine avant plusieurs heures. Je ne sais pas exactement le nombre exact mais petit à petit l’esprit de l’oiseau vient parasiter le mien. Si je reste transformée trop longtemps, et c’est déjà arrivé quelques fois, je finis par oublier totalement que je suis humaine. Euh, euh…

Y a quoi d’autre déjà ? Ca fait déjà beaucoup d’informations mais je sais que ce n’est pas tout. Alors je tente de remettre mes idées en tête pour me remémorer les derniers détails.

– Ah oui ! Au bout d’un moment je finis par redevenir humaine. Je crois que c’est au bout de vingt-quatre heures. Par contre il faut de nouveau attendre du temps pour que je repense comme une humaine et que, et que, j’arrête de vouloir faire des… piou piou.

Je frotte un peu mes mains sur mes genoux, légèrement gênée par cette révélation faite. Ce n’est jamais très… agréable pour moi d’être dans cette situation après coup. Même si, à ce moment-là, je n’en avais que faire comme cela me paraissait naturel.

– Et, euh, aussi, avec mon papa j’ai eu ce bracelet. Il me permet d’utiliser la capacité de l’oiseau mais j’ai pas l’impression que je peux l’activer non plus, ça a l’air d’être uniquement activé quand je suis transformée. Et y a une fois où ça m’a fait tomber dans les pommes.

De nouveau la même gêne que précédemment alors que je réfléchis si je n’ai pas oublié autre chose, tout en tendant au même moment le fameux bracelet.

Ce qui le bracelet fait:

Une fois installés dans le bureau, l'enchanteur propose thé ou café, au choix. Pour la demoiselle à la chevelure d'océan, c'est déjà plus difficile. Il n'a pas toujours du jus de fruit frais sous la main, et aujourd'hui est hélas un jour ou il n'a pas pensé à en racheter. Dommage, mais le brun fera avec. Une fois les boissons servies, ce dernier se réinstalle à son bureau, attrapant sans hésiter dans son sac un carnet et une plume pour commencer à noter ce que lui explique la jeune fille. Une transformation défensive en oiseau, quand elle se sent en danger. Une durée de plusieurs heures, et qu'il semble difficile à contrôler. De plus, si son esprit reste humain, peu à peu son animal de métamorphose prend en intensité sur son propre caractère. En voici un pouvoir qui est plus que singulier.

Les informations sont nombreuses, et encore une fois ce n'est pas un pouvoir particulièrement aisé sur lequel travailler, et le client l'est encore moins. Elle est jeune, ce qui doit foncièrement parasiter sa capacité à garder le contrôle de ses émotions fortes et de ses peurs. Le bracelet qui suit intrigue encore plus Almassar qui vient s'en saisir délicatement. Ses doigts se referment dessus, alors qu'il se racle la gorge.

-"Il se peut que je sois absent un petit moment, nulle inquiétude à ce sujet."

Si Lunarya est au courant de son don, Kahlua elle, ne l'est surement pas. Les pupilles de l'enchanteur brillent d'un éclat un peu plus intense alors que ses doigts gardent une certaine pression sur les perles. Quelques minutes passent ainsi, avant que l'homme ne secoue la tête et rende son bracelet à la jeune femme avec un sourire.

-"Je vois, un moyen ingénieux de vous garder en sécurité, même si je comprends aisément pourquoi vous pouvez vous sentir dépassée quand il s'active."

Récupérant ses notes, l'enchanteur termine de noter quelques détails avant d'analyser un peu plus en profondeur l'échange qu'ils viennent d'avoir. Il faut influencer sur beaucoup de facteurs différents, beaucoup d'effets. C'est en soi complexe. A moins que la solution ne vienne d'un moyen de lutter contre la cause directement. Plutôt que d'essayer d'atténuer telle ou telle partie de ce don, absorber ou annuler ce qui le provoque. C'est surement un élément plus intéressant à creuser, et finalement, Almassar vient relever la tête pile au moment ou Ivoire débarque, lassé d'être seul. Sans un mot il vient s'installer sur son petit perchoir sur le bureau, tournant sa couverture pour examiner les clientes présentes.

-"Ce n'est pas un exercice facile que vous me demandez la. Votre pouvoir et ce bracelet combiné travaillent sur de nombreux points en même temps. Donc plutôt que d'essayer de réprimer votre pouvoir avec une amélioration, je peux éventuellement vous proposer de contenir ce qui le provoque ? Vos émotions fortes dans le cas de votre transformation, et peut être directement le flux d'informations du bracelet. Cela devrait vous permettre de pouvoir résister à la transformation ou à la surcharge mentale, sans pour autant vous priver de vos talents si jamais vous devez en avoir besoin immédiatement."

Mais ça, c'est une belle théorie. En pratique, si la majorité risque de pouvoir fonctionner ainsi, l'effet risque d'être limité. Mais au moins, si elle adhère à cette idée, le trio pourra commencer à avancer sur les détails plus pointus.

Contente qu’il y ait un début de solution envisagé, j’aurais bien sauté de joie. Toutefois, comme toujours, il y a un mais. Malheureusement tout ne peut pas se faire en claquant des doigts et il y a probablement des compromis à faire. C’est ce que ses mots me laissent penser… Il y a toutefois quelque chose qui a l’air d’embêter un peu Ma’ dans ses propos. Probablement un sujet que je n’ai pas pu voir moi-même.

– Qu’en est-il du bracelet ? Celui-ci n’a pas l’air régi par les émotions comme c’est le cas de son pouvoir étant donné qu'il a l’air toujours actif.
– Et, et, comment on gère le flux d’information ? Augmenter le seuil que je peux recevoir avant de tomber dans les pommes ? Faire en sorte que le rayon de détection soit plus petit ? Euh, euh, on peut pas juste faire en sorte que ce ne soit pas tout le temps actif ? Parce que, je, est-ce qu’on modifier les effets d’un objet avec un autre ? Ou on peut juste rajouter des choses qui n’étaient pas présentes à l’origine ?

C’est lui l’expert et là, comme ça, aux yeux d’un enfant, tout ceci est flou et… me rend curieuse. Il s’agit là d’un fonctionnement inconnu et mystérieux, et même Ma’ a l’air un peu embrouillée par toutes ces informations. Peut-être que je pose juste trop de questions ?

– Et… Si je tombe dans les pommes avec le bracelet, il n’y a pas un risque qu’il y ait un malus plus… important que ça ? Je, je voudrais pas être blessée en utilisant ce genre de choses.

Mon regard passe de l’homme à mes mains, alors qu’un léger frisson me parcourt. Penser aux répercutions me fait plus peur qu’autre chose, et je ne voudrai pas risquer d’inquiéter plus mes parents alors qu’ils le sont déjà bien assez quand je me transforme sans que ce ne soit prévu.

– Ah, et, une autre question… Si on peut faire en sorte que je ne me transforme pas, c’est aussi possible de forcer la transformation ? En situation d’urgence par exemple, sans attendre un surplus d’émotion… Ou pour se faufiler entre des barreaux, ou…

C’est après tout une situation qui est déjà arrivée et, si les personnes qui m’avaient enfermée avaient été moins négligentes, elles auraient pu remarquer le cinéma que mes camarades et moi avons fait pour que je puisse m’envoler et aller chercher de l’aide. J’espère juste que l’ensemble est possible et ne mettra pas trop Ma’ sur la paille même si elle m’a assuré que son prix serait le sien…

Pour une fois, c'est l'enchanteur qui se fait bombarder d'informations, pas l'inverse. C'est presque déstabilisant, mais rapidement Almassar trouve son rythme de croisière et multiplie les notes. Entre les demandes de Lunarya et celles de cet enfant, le cahier des charges devient vite lourd. Pouvoir retarder ou arrêter une transformation. Pouvoir la forcer. Pouvoir activer ou désactiver son bracelet au besoin pour que ce dernier ne devienne pas un handicap dès que le temps se gâte ou qu'elle rentre dans une ville. Non, c'est loin d'être une commande facile qu'elle demande. En soi, chaque élément pris séparément n'est pas particulièrement compliqué à introduire, mais le mélange entier se promet d'être déjà plus complexe à équilibrer et à faire fonctionner. Une fois les idées toutes égrainées, le brun prend un instant pour souffler, faire de l'ordre dans ses idées, avant de poser son regard sur Lunarya a qui il répond en premier, glissant sur la jeune fille au fur et à mesure qu'il avance ses propositions.

-"Pour le bracelet, il serait en effet possible de voir pour permettre de l'activer et de le désactiver au besoin. Comme ça, il sera possible de l'empêcher de vous surcharger d'informations au mauvais moment, tout en pouvant remplir son rôle au besoin."

Premier élément majeur traité. Il est clairement plus facile de simplement activer ou désactiver les effets d'un enchantement que de l'affiner. Ce qui offre un peu plus de place pour la suite, qui elle aussi ne s'annonce pas particulièrement aisée.

-"Pour votre transformation, je pense qu'il est possible de faire quelque chose vous permettant de reculer les effets de cette dernière. Pour simplifier, de faire comme pour le bracelet, mais de façon temporaire. Il est plus dur de contrôler les émotions que la magie, mais il est possible de faire en sorte que vous puissiez résister au besoin de vous transformer sur l'instant, en contrepartie de le faire un peu plus tard."

Ce n'est pas idéal, mais il faudrait de nombreux tests pour s'assurer de pouvoir tout simplement contrôler et annuler la transformation, même si c'est une idée qu'il garde dans un coin de son esprit. Reste le dernier détail, qui, au vu des demandes précédentes, sera surement moins compliqué qu'il n'y parait.

-"Et si je peux gérer la transformation pour la retarder, effectivement il sera aussi possible de la forcer en cas de besoin, même sans émotion intense."

Tout cela ensemble fait déjà un joli mélange. Au lieu d'influencer sur un seul élément, cette amélioration devra travailler sur trois ou quatre en même temps. Une intense réflexion fait jour dans l'esprit d'Almassar, qui cherche ses prochains mots soigneusement.

-"Donc je dirais que pour le moment, tout ce que vous souhaitez est possible. Je pense qu'il est aussi possible de rendre plus efficace certains des aspects souhaités, mais il faudra vérifier au fur et à mesure que tout fonctionne comme désiré. Mais pour le moment, je ne vois rien qui pourrait empêcher de créer un tel enchantement."

Petit instant de pause, alors que l'homme compile rapidement leur échange à l'écrit. Avec tant d'éléments différents à traiter, l'amélioration risque d'être très particulière à tisser. Après tout, c'est rare de vouloir améliorer ou contrôler autant d'aspects différents en même temps.

Sur le coup, j'ai du mal à savoir si je dois me réjouir ou non. C'est possible de retard mais pas d'annuler. Comme ces activations se font sur le coup de l'instinct, j'imagine qu'il est difficile de pouvoir imaginer plus. Dans tous les cas, pouvoir tout réunir en un seul élément pourrait s'avérer grandement utile, autant pour ma sécurité que pour celle des autres. Ma' a l'air pensive à côté, alors que nous l'observons noter un instant. Au moins, nous avons une solution.

– Ouah ! Ce serait vraiment bien de tout pouvoir réunir en une seule fois, et si vous dites que c'est possible, alors, alors… Je me sentirai un peu plus en sécurité. Euh, est-ce qu'il y a d'autres détails à voir ? Ou… est-ce qu'on a fini ?

Mon regard passe d'un adulte à l'autre quelques fois avant de finalement se poser à nouveau sur l'enchanteur.

– Q-quand est-ce qu'on pourra l'appliquer ?
– Kahlua, ne sois pas trop impatiente. Tu l'as bien entendu, ce ne pourra pas être pour aujourd'hui. Il va sûrement falloir un peu de temps pour vérifier certains détails avant d'appliquer ce tatouage sur ta peau. Quand pensez-vous que ce soit possible ?

Je tente de soupirer doucement mais je crois que je n'ai pas réussi à cacher mon impatience. Dommage. Cela aurait pu être réglé rapidement mais je vais devoir patienter encore un peu. J'aurai juste à redoubler d'attention pour ne pas me mettre dans une situation compliquée une autre fois. Ou alors je demanderai à rester sagement à la maison… Même si l'on est jamais à l'abri d'un saut d'humeur ou d'un événement extérieur qui peut nous impacter. Dans tous les cas, vu comment Ma' agit, j'ai l'impression qu'il va bientôt être l'heure de partir. Reste juste à savoir quand est-ce que nous reviendrons…

Bien sur la demoiselle est pleine d'excitation, et semble avoir hâte de posséder son nouveau tatouage pour mieux contrôler ses pouvoirs. Cela se comprend aisément, et heureusement pour Almassar, c'est sa propre mère qui s'occupe de la calmer un peu en lui rappelant certaines réalités techniques. Ce qu'elle demande n'est pas compliqué en soi, même si cela force à un certain jonglage magique, mais le tout ne peut être réalisé en un claquement de doigt, justement à cause de ce même numéro d'équilibriste. Il faut arriver à enchâsser toutes ces magies entre elles, sans qu'elles l'influent le tableau global. Après quelques secondes de réflexion, l'enchanteur redresse la tête avec un petit sourire pour la jeune demoiselle.

-"Je dois effectivement vérifier quelques points, mais rien ne me parait critique, ce sont surtout des vérifications de routine. Revenez dans trois jours, tout devrait être bon."

Difficile de comprimer plus, lui même ayant tout de même pas mal de travail sur les bras. Cette estimation est la plus proche qu'il puisse fournir pour tant essayer de calmer l'impatience de sa cliente et ses propres obligations. Cette date fournie, les dernières formalités sont vérifiées, avant que le duo ne finisse par repartir, et que le chercheur, lui, retourne à son travail pour s'assurer de la sécurité de sa nouvelle commande.


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Et trois jours pile sont passés quand de nouveau la porte sonne sur la demoiselle, toujours accompagnée de Lunarya. Etait-elle vraiment disponible en ce jour, ou est-ce que sa fille l'a ainsi sollicitée pour assouvir son envie d'en avoir fini avec ce moment et de pouvoir profiter de ses nouvelles améliorations ? Difficile à dire, et ce n'est pas réellement les oignons d'Almassar. Ce dernier offre un sourire au duo.

-"Bonjour à vous, vous êtes fort ponctuelles ! J'ai une bonne nouvelle pour vous, tout est prêt, le tatouage est sans dangers et je peux vous l'appliquer aujourd'hui même si vous le souhaitez."

Bon bien sur, tout cela n'est que de la forme. Il se doute bien que si Kahlua est la, c'est pour obtenir son tatouage. D'un signe de main il l'invite donc à rejoindre une nouvelle fois son bureau, sur lequel plus rien ne traine et est devenu un parfait plan de travail. Bien sur, Lunarya peut l'accompagner, et tandis que le duo mère-fille s'installe, l'enchanteur commence à préparer tout ce dont il aura besoin. Poudres, encres. Composantes alchimiques à mélanger au tout pour pouvoir infuser et lier la magie. Beaucoup de matériel qui s'entasse rapidement, et qui peut être impressionnant, même si au fond, rien n'est particulièrement rare ou complexe à déchiffrer. L'enchantement est simple, donc le moyen de le faire l'est tout autant. La seule petite fantaisie si on peut l’appeler ainsi est sur les composantes servant à faire le liant magique, des poudres qui elles ressortent tandis qu'elles brillent légèrement sous l'éclat de la lumière, pulsant presque d'une énergie contenue. Cette ressource précise n'est pas donnée, mais étant donné la demande du petit oiseau, il n'a pas réellement eut le choix. Tout en étalant son nécéssaire d'enchantement, l'homme redresse son regard violacé sur sa cliente avant de lui demander, sans perdre ce petit sourire commerçant.

-"Vous avez des questions peut être, des interrogations de dernière minute ? N'hésitez absolument pas, plus vous serez à l'aise plus ce sera facile pour vous."

Ces jours auraient pu passer plus vite si je n’avais pas arrêté de penser à ce qui m’attend dans quelques jours. En attendant, il faut faire avec. Tenter de gérer les choses comme d’habitude en espérant que très bientôt les choses changent et que je puisse enfin contrôler un peu plus de choses au niveau de ce pouvoir qui se relève parfois très enquiquinant. Ou plutôt contraignant. Enfin, un bon package des deux. Toujours est-il que malgré mon impatience, je sais que Ma’ ne peut pas aller plus vite alors mis à part partager cette excitation que je ressens, je ne l’ai pas plus embêtée que ça. Peut-être un peu plus que je l’aurais voulu étant donné les quelques soupirs que j’ai pu entendre parfois. Il faut prendre son mal en patience, qu’elle dit. Oui, oui, plus facile à dire qu’à faire hein…

En tous cas, le jour a fini par arriver et nous avons été accueillies comme la dernière fois. Rendant le bonjour à l’’enchanteur, nous l’avons suivi dans ce qui a tout d’une arrière-boutique. Et là, même si l’excitation reste, un peu d’appréhension s’est installée alors que nous observons le différent matériel devant nos yeux. Enfin, je crois que l’appréhension, je suis la seule à la ressentir. Après tout, vu l’excitation que j’ai pu montrer ces derniers jours, j’imagine que Ma’ a du mal à s’imaginer que je puisse maintenant stresser. Alors sa question tombe plutôt bien. Je jette un rapide coup d’œil à maman qui n’a pas l’air d’avoir envie de prendre la parole pour, hésitante, entamer la petite question qui me brûle les lèvres.

– E-est ce que ça peut être douloureux ? Il y a des personnes qui parlent d’aiguilles pour les tatouages, j’en vois pas là, mais, est-ce que l’encre est juste appliquée sur la peau sinon ?

Je déglutis un peu difficilement en tentant d’imaginer la chose. Imaginer qu’il puisse y avoir des effets secondaires ou collatéraux ne me vient pas à l’esprit et heureusement, parce que sinon j’aurais eu plus peur. Enfin, il aurait surtout fallu être au courant de cette possibilité pour y penser.

Toujours est-il que l’idée des aiguilles, ou plutôt de souffrir, ne me plait pas trop.

– Et, euh, je crois qu’on n’en a pas parlé la dernière fois, mais il y a un endroit qui serait mieux qu’un autre pour le tatouage ? Normalement ils peuvent être mis partout je crois… Avec Ma’, on avait parlé du dos qui pourrait permettre d’avoir un peu plus d’espace tout en restant moins…visible.

Plus discret. Ça évite de trop attirer les regards. Puis je jette alors quelques regards aux alentours, semblant chercher quelque chose. J’imagine que l’on ne va pas rester sur ces chaises pour s’installer et appliquer l’ensemble, donc je me demande bien où est-ce que l’on va devoir passer pour ça.

Bien sur, la demoiselle avait des questions. Somme toute assez communes, presque tout le monde les pose la première fois. Mais au fond, qui n'a pas envie de savoir ce qui risque de lui arriver ? Bien rapidement plusieurs ingrédients sont ouverts tandis qu'il prépare une mixture qui, si elle est sombre au départ, commence à légèrement scintiller des éclats et de la poudre qui y sont rajoutés. Le tout est finement broyé puis mélangé pour s'assurer que ce ne soit pas douloureux à l'incrustation tandis qu'Almassar répond en redressant le regard sur la jeune demoiselle.

-"Alors oui il est possible d'utiliser des aiguilles pour créer un tatouage. Pour ma part, je préfère directement faire une encre magiquement active pour pouvoir la manipuler. Certes, cela coute plus cher, mais c'est aussi pratiquement indolore et bien plus rapide. Vous sentirez peut être un certain désagrément et une chaleur, mais rien qui n'équivaut la piqure répétée d'une aiguille."

L'enchanteur accélère le mouvement du mortier et du pilon qu'il utilise. C'est assez rustique, mais il est habitué à faire ainsi. A vrai dire, son sépare-tout ferait surement encore mieux le travail de séparation et de mélange, mais tant qu'il n'a pu finir ses tests préliminaires à ce sujet, le brun continue de faire ainsi. L'encre est ainsi mélangée plusieurs fois, finissant par clairement devenir chargement magiquement tandis que des éclats lumineux sont visibles dans cette dernière, pulsant lentement, telle une voute étoilée.

Déposant soigneusement le tout sur le bureau, l'enchanteur se fait craquer les phalanges en grimaçant un instant, se disant qu'il aura bien besoin de quelques jours de repos, avant de se servir un café et de proposer eau, thé et boissons comme la dernière fois aux deux femmes présentes. Ce qui s'ensuit risque de prendre un certain temps, et mieux vaut être en de bonnes conditions physiques.

-"Le dos est un choix classique et assez utile. Cela peut aisément se cacher sous un vêtement, et offre la place nécessaire. Toutefois, avant de l'appliquer, il reste un dernier détail à voir, quelle forme voulez-vous que ce tatouage possède ? Vous pouvez le dessiner vous même, ou alors je m'en occupe et vous faites les rectifications jusqu’à être satisfaite. Une fois le tout décidé nous pourrons passer dans la pièce d'a coté pour faire l'enchantement en lui même."

Fouillant dans son bureau, Almassar sort calques, papier à dessin et les crayons nécessaires pour entamer une première esquisse et l'affiner ensuite. Si Kahlua ou Lunarya souhaitent récupérer les outils pour s'en occuper d'elles même il les laissera volontiers faire, autrement il s'en chargera en écoutant leurs envies. Plus l'idée est précise, plus le tatouage sera ressemblant. Travailler sur une encre qui prend immédiatement la forme qu'en imagine le futur détenteur du tatouage serait une idée, mais cela ferait forcément encore plus flamber le prix de ses augmentations magiques. Et finalement, durant ce processus, l'homme finit par rajouter.

-"Un dernier point, le tatouage peut prendre plusieurs heures. Je ferais donc cela par sessions d'une demi heure voir d'une heure, selon comment vous vous sentez. Nous pourrons prendre cinq minutes pour boire, manger un morceau et répondre aux questions que vous pourriez avoir entre deux, pour ne pas trop épuiser votre corps et votre esprit. Et il vous faudra surement deux ou trois jours une fois l'enchantement activé pour arriver à le maîtriser parfaitement, donc faites attention d'ici la."

Des consignes sommes toutes assez basiques, mais qui peuvent avoir leur importance quand on n'est pas habitué à ainsi changer et améliorer ses pouvoirs... Mais au vu du bracelet que Kahlua porte déjà, elle doit savoir ce que cela fait de devoir s'habituer à des compétences soudainement altérées.

Les réponses me rassurent alors que je ne peux retenir un soupir de soulagement, sans pour autant continuer de l’écouter. Tant que ce n’est pas insoutenable, je devrai pouvoir tenir et me maintenir dans cette forme j’imagine. Il ne faut juste pas que ça me surprenne trop. Pendant qu’il continue de nous informer, Ma’ sort une feuille qu’elle me passe. Ahlala j’avais complètement oublié de la prendre, heureusement qu’elle y a pensé ! J’observe quelques secondes le dessin que j’ai pu faire dessus, déjà par avant, pour ensuite le lui tendre une fois qu’il a terminé.

– On y avait déjà pensé ! Ma’ m’a dit que ce serait plus simple si l’on a déjà noté nos idées, alors j’ai tenté de représenter ce que j’avais en tête.

Sur le dessin se trouvent deux oiseaux, représentant des mérions azurés bleus, qui sont tournés l’un vers l’autre avec une petite fleur censée symboliser le contrôle que j’aimerai avoir sur cet esprit qui cohabite avec le mien quand je me transforme. Même si ça a l’air d’être une fleur un peu aléatoire, on n’avait pas réussi à trouver quelque chose de plus joli.

En tout cas, le dessin ressemble à celui d’une enfant et mon âge donc il reste assez approximatif et manque largement de détails, même si l’on peut probablement voir que j’ai l’habitude de dessiner un peu tout ce que je trouve. Dommage que l’on n’ait pas de livre mémoire pour pouvoir représenter exactement ce qui intéresse. D’ailleurs, si on arrache les feuilles du livre, est-ce qu’elles restent ? A tester le jour où j’en aurai…

Nous observons un moment l’enchanteur reprendre le dessin que j’ai pu faire, alors que j’espère qu’il récupère les défauts évidents que j’ai dû faire sur ces petits oiseaux. De toute façon, l’objectif était simplement de proposer notre idée pour pouvoir avancer plus vite. C’est fou toutes les compétences qu’il faut avoir pour un seul métier. Cela me rappelle qu’il faudra peut-être que j’y pense pour moi aussi… Mais il faudra d’abord en discuter avec Ma’. A plusieurs reprises nous échangeons à propos de ce qui a été fait afin de vérifier que l’ensemble correspond à ce que je souhaite, jusqu’à ce que nous soyons tous d’accord. Et une fois ce fait établi, nous nous levons pour rejoindre l’autre pièce. Je m’installe à l’endroit qu’il nous indique alors que, sans réellement attendre de consigne, je retire le débardeur que je porte et décale mes longs cheveux vers l’avant afin de pouvoir laisser l’ensemble de mon dos visible.

– Pas besoin de s’allonger, je peux rester assise ? Et c’est bon pour les cheveux ?

Je le fixe un instant, ne ressentant aucune gêne alors que j’attends les dernières consignes avant que l’on puisse commencer.

Refaire le tatouage prend un moment, avec les différents commentaires des deux demoiselles. Finalement, elles semblent d'accord et satisfaites du résultat final. Maintenant que cette partie est terminée, ils peuvent entamer la suite. Passer dans la seconde salle, peut être un peu étroite pour trois avec les différents meubles et commodes présentes si jamais la mère souhaite rester -ce qui est bien compréhensible-, mais ils feront avec. Dessin, calques et poudres en main, Almassar transporte tout ce qu'il lui faut en trois voyages, finissant par répondre à la jeune fille.

-"C'est parfait ainsi et oui, vous pouvez rester assise, ne vous en faites pas. Avec le calque je vais appliquer une première poudre qui servira à contenir l'encre et la magie à la zone souhaitée, et ensuite on pourra faire le tatouage."

Les contours sont passés sur le calque, et une fois un trait crayonné présent et le surplus découpé, il vient appliquer le papier fin sur le peau de Kahlua, avant de lui demander si l'endroit lui convient. Peu à peu il déplace, finissant par attraper un petit miroir à main pour qu'elle puisse observer le lieu précis où le tatouage sera installé. Une fois ce dernier décidé, le vrai travail commence. Il sait où tatouer, il sait comment.Plus qu'a se concentrer tandis qu'il attrape un pot contenant une première poudre. L'enchanteur appuie légèrement pour s'assurer que rien ne bouge, avant d'appliquer une couche de cette poussière aux reflets dorés sur le contours du futur tatouage. Cette dernière est fraiche durant quelques secondes, avant de rapidement se réchauffer, sans pour autant bruler. L'opération en elle même est assez rapide, et une fois le tout appliqué, l'homme pousse un léger soupir qui lui sert tant à reprendre sa respiration qu'il gardait pour se concentrer sur sa tâche qu'a marquer la fin de cette première étape.

-"Comme je l'ai dit tout à l'heure, cela va peut être chauffer et piquer un peu, mais rien de trop désagréable. Si jamais cela devient réellement douloureux, dites le moi simplement et on fera le pause pour que vous puissiez récupérer un peu. Dites moi quand vous êtes prête."

Normalement, tout devrait bien se passer, normalement. Des sessions d'une demi heure si c'est douloureux, une heure si elle arrive à tenir. Au vu du tatouage et de la magie à y infuser, surement trois, peut être quatre heures de travail. Le brun se sent presque désolé pour Lunarya qui se retrouve à ainsi attendre sans avoir grand chose à faire. Une fois que Kahlua lui donne l'autorisation il récupère l'encre qu'il avait préparé plus tôt, avant de lentement la laisser couler sur la peau de la demoiselle. Une expiration et il concentre sa magie pour commencer à la guider, la modeler. Les pigments pénètrent les pores de la peau, s'y faufilent. Ce n'est pas la piqure d'une aiguille mais plutôt une légère pression qui chauffe alors que le fluide scintille légèrement plus puissamment, se chargeant de magie. Peu à peu, la surface entière est recouverte, et la chaleur reste un petit moment avant de s'évaporer. Ceci étant fait, maintenant vient la partie la plus épuisante pour Almassar tandis qu'il pose le bout des doigts sur le tatouage, yeux clos. Et si les deux femmes ne voient rien, l'homme est clairement occupé à entrelacer la création qu'il vient juste d'apposer pour lui donner l'effet désiré, pouvant provoquer une sensation désagréable sous le derme du petit oiseau sous forme humaine...

– D’accord.

Je me prépare alors psychologiquement à quelque chose de désagréable alors que le travail de l’enchanteur commence. Comme il me l’a dit, je sens de nombreux picotements au niveau de mon dos lors de la première heure, rien de réellement douloureux sans pour autant que ce soit très agréable. Les premières sensations sont bien différentes des suivantes, comme si les étapes n’étaient plus les mêmes. Et au fur et à mesure du temps qui passe, les endroits touchés s’élargissent. Les picotements ne sont plus présents que dans le dos, je ressens aussi quelque chose au niveau de mon crâne. Suffisamment fort et puissant pour que j’aie envie de poser mes mains juste au-dessus de mes oreilles pour tenter de stopper cette douleur. Sauf que je ne bouge pas. Ce n’est que la deuxième partie et il y a des effets qui n’étaient pas prévus. Que j’ai du mal à décrire. Et que je ne comprends pas. Alors, les yeux fermés, et ne pouvant m’empêcher de grimacer, je tente d’encaisser le coup. C’est Ma’ qui le stoppe quand elle remarque que la douleur ne s’estompe pas. Celle-ci réduit assez rapidement sans pour autant s’estomper entièrement, et dès que ça arrive, mes mains viennent se poser juste derrière mes oreilles. On pourrait croire que c’est un réflexe, mais il y a quelque chose qui me gêne à cet endroit-là. D’ailleurs, sur mes jambes, quelques petits points sont apparus mais ce qu’il se passe sur ma tête me dérange bien plus, prenant le pas sur tout le reste.

– Il y a quelque chose dans mes cheveux. Je sens quelque chose.

C’est encore tout petit, et ça n’a pas la même texture que des cheveux. C’est pour ça que c’est douloureux ? Qu’est-ce que c’est ? Surprise par cette histoire, mes mains commencent à gratter frénétiquement autour et par-dessus.

– Aïe.

Même gratter ça fait mal. Des trucs poussent sur ma tête. Il n’y a rien de normal. Alors que j’allais commencer à paniquer, Lunarya m’attrape les mains pour tenter de me rassurer. Après ça, la douleur passée et maintenant que je semble assez tranquille, elle finit par les lâcher pour passer les siennes dans mes cheveux, cherchant à montrer la source de mes problèmes.

– On dirait que des plumes poussent juste au-dessus de ses oreilles…

Des plumes ? Hein ? En plus d’avoir changé la couleur de mes cheveux quand j’ai utilisé mon pouvoir, maintenant celui-ci vient perturber un peu plus mon physique au point d’avoir des plumes ? Mais, mais, pourquoi…

– Des plumes ? Mais, je, je veux pas de plumes moi… Et trop les embêter ça fait mal… Je, je vais devoir vivre avec ça… ?

Vu le regard de Ma’, il semblerait que soit c’est le cas, soit elle ne sait pas. Alors mes yeux finissent par se tourner vers l’enchanteur. Est-ce qu’il aura une réponse à nous fournir ? Est-ce qu’il s’agit de quelque chose de courant ? Des effets secondaires liés aux différentes possibilités qu’apporte cet objet…

Si Almassar pensait que tout allait se passer correctement, il était bien loin de la vérité. Si rien ne vient troubler la session d'enchantement dans un premier temps, rapidement il apparait que quelque chose commence à clocher. La demoiselle semble être prise de migraines, et si cela est un effet possible des tatouages et des améliorations, cette fois cela semble bien plus violent qu'habituellement. Assez pour que la mère de la jeune fille finisse par demander un temps de récupération. Sortant de sa tranche, l'enchanteur secoue la tête pour reprendre ses esprits, avant de proposer des boissons et un morceau à grignoter à tout le monde. Rien de très exotique, mais de quoi se rafraichir et des sucreries pour absorber un peu de sucre pour éviter l'hypoglycémie.

Mais plus gênant que la migraine semble être l'effet secondaire. Kahlua commence à se gratter, avant d'étirer une grimace douloureuse. Arquant un sourcil, Almassar laisse la mère de l'enfant vérifier cela, avant de s'en approcher quand l'on demande son avis. Et a sa stupéfaction, il voit en effet des petites plumes pousser sur ses jambes, et même ce qui ressemble à de petits membres, des ailes miniatures, pousser au niveau de sa tête. Le phénomène est surprenant, et l'homme doit réprimer un grognement de mécontentement en voyant cela. En effet, c'est un effet secondaire qui n'avait nullement été prévu, et pendant quelques secondes les pupilles violines restent immobiles sur cette vue alors que leur propriétaire réfléchit aux conséquences de ce changement imprévu.

-"Effectivement il semble que votre corps réagisse à la magie et s'altère suite à cette dernière, et généralement les transformations induites par une amélioration de son pouvoir est permanent. C'est quelque chose qui arrive parfois, le corps peut exprimer la magie contenue en lui de manière très.. Surprenante."

Y a-il une solution à cela ? Absolument pas. Du moins, pas si elle souhaite conserver son Don amélioré. Gardant un air calme, après tout ce n'est pas la première fois qu'il voit une telle situation, l'enchanteur croise les bras en reprenant la parole, d'une voix toujours aussi posée. Certes il a été surpris par ce qu'il s'est passé, mais il a bien rapidement pris contenance pour ne pas se laisser déboussoler. Une bonne partie de l'aura que possède un enchanteur auprès du client est d'après tout ne jamais se laisser déborder par la situation.

-"Si je continue l'enchantement cela risque d'empirer avant de se stabiliser une fois la magie liée à votre corps. Je ne peux prédire précisément ce qui changera, mais cela restera dans la même veine. Ou alors je peux annuler votre tatouage et l'enchantement qui ira avec. Cela devrait résorber les altérations physiques au bout de quelques jours, mais elles risquent de se reproduire à l'instant ou vous tenterez de modifier votre magie à nouveau. A vous de choisir."

Généralement, devant le fait accompli les gens évitent de reculer et préfèrent assumer... Mais peut être que la demoiselle se considère trop jeune pour vivre avec de nouvelles altérations physiques ? Dans tous les cas, il se tient à son écoute en fonction de sa demande et de son choix.

Ses réponses ne sont pas forcément ce que j’espérais, même si l’ensemble parait plutôt logique. Conserver des plumes pour montrer quel genre de pouvoir j’ai bien à tout le monde ? Même passer pour une hybride aux yeux des autres ? Je ne vois pas quel serait l’avantage de tout ceci. Mais ai-je le choix ? A moitié seulement. Si on fait marche arrière, je vais perdre les avantages qu’est censé me procurer ce tatouage. Je suis venue ici pour du contrôle. Mais visiblement ce don ne veut pas se laisser faire et va m’embêter jusqu’au bout. Je… J’hésite, mes mains posées sur ces petites bosses qui se trouvent juste au-dessus de mes oreilles, réfléchissant encore un moment, cherchant à peser le pour et le contre. Ne plus se retrouver dans des situations embarrassantes c’était l’objectif. Alors. Si seulement des plumes tentent de s’interposer, cela devrait pouvoir se gérer, non ?

– Je… Continuons. J’ai trop besoin du contrôle pour pouvoir m’en passer.

Je profite quand même des quelques minutes de pause pour récupérer un peu à boire et de quoi grignoter pour tenter de finir de me calmer, mais surtout me préparer à la suite qui risque de ne pas être évidente à supporter. Tenter de contrôler ses émotions pour ne pas se transformer n’est pas toujours évident. Je crois d’ailleurs que je prends un peu trop de temps pendant cette pause. Je finis par soupirer avant de me remettre enfin en place, loin d’être assurée.

– C-c’est bon, on peut reprendre.

Il ne faut que quelques instants avant de sentir à nouveau son travail, comme un flux de magie me traversant ou plutôt déjà présent et étant déplacé afin de former ce qui doit être. Il ne faut pas bien longtemps, seulement quelques secondes, avant que les douleurs ne se fassent à nouveau sentir. Tentant de contenir ce que je ressens, mes yeux se sont fermés alors que ma mâchoire est serrée, et mes mains se sont posées sur mes oreilles. Pas sur ces choses qui poussent sur mon crâne, parce qu’obstruer leur venue n’envisagerait sûrement rien de bon. Il ne reste plus qu’à subir. Attendre. Ressentir de la douleur. Refaire une pause. Recommencer. Continuer. Subir. Souffrir. Pleurer quand ça devient difficilement supportable. Les sentir grandir jusqu’à ce qu’elles atteignent quelques centimètres. Ne pas s’arrêter. Aller jusqu’au bout. Attendre sagement en bougeant le moins possible.

Jusqu’à ce que ce soit entièrement terminé.

Malgré les risques et les conséquences, l'enfant souhaite continuer. Un regard pour sa mère, avant qu'il ne revienne à sa cliente principale. Cette fois, les pauses deviennent plus longues et nécessaires, les sessions d'enchantement plus courtes. Mais c'est un mal nécessaire alors que la douleur devient aussi physique que mentale. Et cette création censée être rapide finalement commence à occuper une bonne partie de la journée, à tel point qu'Ivoire finit par se glisser dans la salle pour observer ce qu'il se passe. Silencieux comme toujours, nul doute qu'il débattra avec l'enchanteur suite à cette journée de ce qu'il vient de se passer. Durant l'une des pauses, Almassar hésite à proposer à la demoiselle un thé corsé avec un mélange fait pour apaiser la douleur, mais rajouter des herbes voir même un produit magique en plein enchantement pourrait s'avérer périlleux, et il se retient donc, même si une compassion réelle peut se laisser sentir dans son regard, et dans sa façon de laisser l'enfant étendre les pauses autant qu'elle en a besoin avant de reprendre.

Finalement, après de longues heures, trop longues, les derniers fils magiques sont liés, et si rien n'est visible peu à peu la sensation désagréable ainsi que la douleur disparaîtront, du moins pour Kahlua. Almassar lui commence à hériter d'une petite migraine, après avoir travaillé tant d'heures d'affilé. Tout en se massant les tempes l'homme soupire longuement avec un petit sourire, satisfait que ce soit enfin fini.

-"Voila, l'enchantement est terminé. Les douleurs et picotements résiduels disparaîtront dans les prochaines heures au grand maximum. Je vous propose de vous rhabiller et revenir au bureau ?"

Tout en laissant à Kahlua un peu de temps, l'enchanteur glisse dans l'autre pièce pour lui offrir un peu d'intimité avec sa mère si elle le souhaite. Finissant même par préparer un feu, il commence à faire chauffer de l'eau pour un thé, voir un chocolat chaud. C'est peu orthodoxe, mais après tout ce qu'il vient de se passer, c'est nécessaire. Quand enfin la jeune demoiselle revient, le brun lui offre un sourire ainsi qu'une série de questions.

-"Comment vous sentez-vous ? Les douleurs disparaissent progressivement ? Vous souhaitez quelque chose à boire, peut être une boisson sucrée ou un chocolat chaud pour vous détendre un peu après cela ?"

une fois le choix fait et la question posée à Lunarya -qui risque de vouloir autre chose que du chocolat pour sa part-, les trois boissons sont préparées et déposées. Clairement, le bureau est plus confortable et tranquille pour parler. Installé dans son fauteuil, l'enchanteur reprend.

-"Si vous le souhaitez, vous pourrez revenir durant les prochains jours ou semaines, pour vérifier que tout va bien avec votre amélioration. Non pas qu'elle se soit mal déroulée, mais des mutations de ce genre ne sont pas communes. Donc si vous sentez le besoin d'être rassurée, n'hésitez pas à passer. Et je suis à l'écoute de vos dernières questions, aussi."

A défaut de pouvoir lui retirer ses ailes... Au moins il peut tenter de lui expliquer ce qu'il sait, pour qu'elle stresse un peu moins de cette situation surprenante et inédite. Il doit au moins ça à cet enfant.