De retour à sa demeure, la jeune Kreiss aurait l’heur de trouver sur le bois lustré de son bureau une missive étiquetée aux armoiries de l'Académie des Sciences. Non rien de moins qu’une invitation comme elle ne tarderait guère à le découvrir, sous les abords d’une convocation polie rédigée par la main d’un Magistère, solide force administrative de l’organisme.
Mademoiselle Saehlia Kreiss,
Un confrère Virtuose souhaite vous contacter dans les plus brefs délais. Ses recherches semblent souffrir d’un contretemps regrettable et il nous a été donné de vous sélectionner afin de lui porter assistance. Vous possédez les compétences requises pour débloquer son épineux problème, son secteur de recherche étant similaire au vôtre.
Bien sûr, la belle pourrait découvrir une nuée de formules gracieuses autour de cette courte introduction, de même que les indications requises pour un rendez-vous le lendemain même avec ledit Virtuose, un dénommé Simon Crayeu.
Et c’est bel et bien un jeune chercheur angoissé et fringant qu’elle découvrit en plein cœur de la Capitale, environné par le calme relatif des quartiers résidentiels. Il y avait fait bâtir son laboratoire personnel, masure qui tenait davantage de la ferme chaotique que de la maison coquette ! Et pour cause, la porte était actuellement fermée d’un sceau magique qu’il pouvait seul annuler…
Pour lui donner raison, un bruit de brisure éclata derrière la porte. Quelle que fut l’activité des deux dragons fées livrés à eux-mêmes, ils étaient visiblement fermement décidés à empêcher quiconque de les stopper.
Un enchanteur ? Bien sûr. Bel'Ecaille n’avait certainement pas fini d’entrecroiser leur chemin.
Autrement dit, Almassar Heckel en personne, mandaté pour ce travail !
Participants : @Almassar Heckel & @Saehlia Kreiss
Thème actuel : Olympiades sportives
L'enchanteur ne sait quoi en penser et il lui faut un petit moment pour réfléchir. L'Académie des Sciences possède en son sein quelque chose de rance, et l'homme le sait désormais. Si un jour il avait été tenté d'y postuler, cette envie lui est désormais plus que passée. Mais de l'autre coté, c'est simplement un travail comme il peut parfois être amené à faire, et des cristaux à la clé. Que le client soit quelqu'un de cette organisation n'est pas quelque chose de réellement important. Et si jamais le travail est assez impressionnant pour que ce fameux Simon tente de le recruter, il pourra toujours lui dire d'aller voir ailleurs, cordialement et poliment bien sur.
C'est donc un Almassar perplexe qui se rend au lieu du rendez-vous désigné le lendemain. Légèrement tendu, Ivoire l'accompagne sans cesser de laisser échapper ses commentaires, une nouvelle fois.
-"T'es sur que c'est une bonne idée gamin ? Je sais bien que tu aimes les cristaux presque autant que moi, mais tout de même. Tu ne devrais pas régler tes griefs avant de t'élancer dans une mission pareille ? Enfin, tu fais ce que tu veux après, mais j'ai pas envie de me faire arrêter car tu auras craqué un câble. Donc je te préviens, si tu commences à trop gueuler, je retourne à la Forteresse tout seul."
Le brun roule des yeux à cette déclaration, alors qu'il arrive à la rue précédant à celle indiquée, ainsi qu'a cette forte étrange maisonnée. Juste en s'approchant du lieu du rendez-vous, le sceau magique et le talisman d'indépendance du brun commencent à s'activer, ce qui fait froncer les sourcils de l'enchanteur qui continue de parler à son insupportable tome, tout en étant sur ses gardes.
-"Ivoire, tu ne peux pas traverser un portail tout seul et tu le sais bien. Et tu sais tout aussi bien que je peux contrôler mes émotions, au besoin. Je réglerais cette affaire plus tard, normalement ce client n'y est pour rien."
-"Oh tu sais je trouverais bien une vieille rombière en manque de compagnie à charmer pour l'accompagner dans son voyage. J'aimerais éviter de m'abaisser à cela, mais nécéssité fait force de loi, comme on dit."
-"Il y'a des jours, tu me fatigues. Rappelle moi pourquoi je t'ai donné vie déjà ?"
-"Car sans moi, tes journées seraient un vide continu et tu aurais beaucoup moins de clients. Après tout, je suis une attraction renommée désormais !"
Un long soupir échappe à Almassar qui met fin à cette conversation en pivotant pour atteindre la bonne rue. Et le second soupir est encore plus long alors qu'il voit un Virtuose de l'académie l'air un peu perdu... Et surtout Saehlia. Définitivement, le destin ou le karma s'acharnent sur lui en ce moment, et autant il doit lui parler, autant en cet instant elle est bien la dernière personne qu'il aurait souhaité croiser. Ravalant son commentaire pour lui, l'enchanteur s'approche en remettant en place ses gants, avant de lever la main pour saluer le duo qui semblait déjà l'attendre.
-"Bonjour Saehlia, a croire que le destin a décidé de nous lier de nouveau. Bonjour à vous, sieur Crayeu. Je vous écoute donc, quel est le problème ?"
Le bruit à l'intérieur de la maison EST le problème. Hélas, avant de pouvoir régler ce tapage diurne qui risque de leur mériter la Garde au fessier si ils ne se dépêchent pas, il faut déjà traiter l'histoire prioritaire. Un enchantement qui a mal tourné et des dragons-fées qui se sont dédoublés. Au moins, ça explique pourquoi ses objets magiques brillent comme des lampes magiques. Ça explique aussi pourquoi cette emmerdeuse d'ancienne amante se trouve sur les lieux. Et c'est justement en pivotant vers cette dernière que l'homme reprend rapidement.
-"Bon, on va devoir travailler en binome. J'ai deux choses à dire. En premier, je dois te parler dès que tu auras du temps. Personnellement. Deuxièmement, je propose de te laisser trouver lequel des deux est le réel et lequel est le faux ? Avec ton Don et ton expérience, tu seras surement bien plus à même de détecter des anomalies dans leur anatomie. Ce qui concerne l'enchantement... Eh bien, ça sera mon travail."
Son regard violacé se porte ensuite sur leur client, ce dernier semblant attendre en bafouant quelques mots de remerciement que le duo soit prêt avant de briser le sceau barrant ainsi la porte pour libérer ce chaos -in-contrôlé qu'ils doivent maîtriser.
Enfilant une tenue confortable, mais élégante qu’elle arbore toujours pour son travail, prenant son sac sans fond avec son nécessaire pour sortir -toutes les affaires d’urgence dont une dame a besoin- ainsi que de quoi prendre des notes, la jeune femme sort en étant suivie de près par Alfred. Ne connaissant pas les problèmes de son confrère, avoir son majordome pour des requêtes rapides est toujours une bonne idée. Après une petite traversée de la Capitale en carrosse, la noble arrive non loin de la destination et il ne lui faut qu’une poignée de minutes à pied pour rejoindre le lieu de rendez-vous.
En la voyant arriver accompagnée de son majordome, le scientifique s’empresse de rejoindre Saehlia et de se présenter. À son tour, la jeune femme exécute une rapide présentation polie et professionnelle.
« Saehlia Kreiss, et voici Alfred. J’ai cru comprendre dans le courrier que j’ai reçu que vous faites face à un blocage important. Puis-je en savoir plus ?
- Oui bien, j’attends juste un enchanteur qui doit participer pour vous expliquer le tout…
- Un enchanteur ? »
Les sourcils de la verte se froncent jusqu’à ce qu’elle entende la voix caverneuse d’un grimoire qu’elle a déjà entendu à plusieurs reprises. Son regard doré se pose alors sur la tignasse brune d’Almassar qui les rejoint. Après les salutations de rigueur, un regard blasé de la part de la noble pour son ancien amant et les questionnements, sieur Crayeu daigne enfin expliquer la situation.
Et elle est plus qu’épineuse.
Les dragons fée sont des créatures particulièrement craintives, mais aussi très sournoises. Une fois habituées à l’homme, ces petites bêtes peuvent vite vous rendre chèvre. Le bruit dans la maison suffit à savoir que les deux créatures doivent être en train de refaire la décoration. Se massant la tempe et réfléchissant longuement, Saehlia réfléchit à la meilleure méthode pour capturer ces petits démons.
« On discutera… Plus tard. En attendant, on doit surtout trouver ces petits monstres qui doivent se terrer dans leurs illusions. Cherchons à les attraper tous les deux sans distinctions. Tu seras peut-être même le plus à même de découvrir le réel avec ton pouvoir. Alfred ? »
Comme si elle avait claqué des doigts, le majordome vient se positionner derrière Saehlia, la main sur la poitrine et légèrement incliné. Une élégance rare se dégage de ce moustachu grisonnant qui porte un costume sombre malgré la chaleur.
« Tu as entendu la situation ? Tu penses pouvoir nous trouver de quoi attraper ces deux petits rapidement ?
- J’ai un peu de matériel derrière la maison si besoin… » se met à bafouiller le scientifique qui observe ses bienfaiteurs.
« Je m’y mets tout de suite, Mademoiselle. »
Sans qu’il ait besoin de plus d’instructions, l’homme disparait pour réapparaitre quelques minutes plus tard avec cages, filets et autres cordages. Il a également un petit sac avec lui qu’il tend en direction du trio.
« Des appâts vivants.
- Parfait Alfred. Je t’en remercie grandement. Veux-tu bien t’occuper de sieur Crayeu pendant que nous capturons les dragons fée ?
- Bien sûr, Mademoiselle.
- Je m’occupe d’ouvrir et de refermer la barrière magique pour vous… Vous n’aurez qu’à toquer trois fois pour demander à sortir. »
Le scientifique fait une démonstration du rythme à utiliser pour ce petit code qui évitera aux anciens amants de rester enfermés éternellement. La noble approuve le tout, s’équipant d’un filet, d’une cage et des appâts tout en approchant de la maison. Simon fait entrer le duo bien rapidement avant de refermer la barrière après leur passage pour éviter que les petits démons ne puissent sortir. Une fois à l’intérieur, la scène montre bien que les deux créatures ont dû se déchainer. Tout est sens dessus dessous et pas seulement à cause du bazar. Les deux dragons ont dû faire équipe pour leurs illusions qui distordent l’espace à plusieurs endroits.
« Bon. Il faut que l’on reste groupé et trouve un moyen pour ne pas se séparer. Quand ils font équipe, les dragons fée peuvent être de véritables démons prêts à rendre fou. On devrait facilement en avoir un avec les appâts, mais le second ne se laissera pas avoir ainsi. Je te propose qu’on pose un piège avec les appâts dans une pièce, et ensuite on les chasse avec les filets. L’un se fera piéger pendant qu’on est pas là, et avec un peu de chance, on va attraper le second. Dans le pire des cas, j’ai une option en plus pour capturer le second individu si la méthode habituelle ne suffit pas. Tu as de quoi nous prémunir des illusions ? Je connais leurs comportements, mais sans préparation, je n’ai rien de tel sur moi et n’ai pas pu prévoir. »
Almassar est un enchanteur, il doit bien avoir ce genre de choses sur lui, ou doit pouvoir préparer de quoi discerner le vrai du faux, non ?
Inhiber des pouvoirs. C'est un domaine qui intéresse le brun depuis un moment, et avoir l'occasion de travailler ainsi sur un tel cobaye n'est pas pour lui déplaire, et c'est avec une tasse dans une main et un carnet dans l'autre que l'homme reste ainsi plongé dans ses réflexions jusqu'au retour d'Alfred, qui transporte un arsenal de capture entier dans les bras. Pile ce qu'il leur fallait, et alors que le tout est distribué, le regard violet du jeune homme se pose sur le duo à ses cotés. Le rythme est donné, et le duo se retrouve enfermé dans une maison des horreurs illusoires... Mais pas que. La maison semble réellement dévastée, et la magie à l’œuvre ne rend qu'encore pire l'impression de chaos absolu. Même Ivoire semble perturbé alors qu'il se cogne contre un mur qu'il ne pensait pas être la en évitant un chandelier qui n'était en fait jamais présent.
-"Alors se prémunir des illusions n'est pas aisé. Mon talisman d'indépendance m'avertit qu'il y'en a donc j'y suis un peu moins sensible mais... Ce n'est pas pour autant que face à deux dragons fées, je ne vais pas finir par me faire avoir. J'ai aussi une méthode pour arriver à les capturer tous deux au besoin, mais le problème viendra ensuite. Même en cage on sera toujours sous l'effet de leurs illusions. Mais je suis d'accord avec toi, restons groupés."
Le plan de Saehlia étant censé, et cette dernière connaissant bien mieux la faune et flore que l'enchanteur, ce dernier se fie à son avis alors qu'ils entament une longue progression au sein de cette maison. Cette dernière n'est pas très grande, mais avec les illusions elle parait gigantesque. Des meubles volants, d'autres éclatés au sol. Des murs qui se transforment en éponges dégoulinante de mucus, et autres joyeusetés du genre. Même avec ses objets enchantés et son expérience dans le métier, le brun arrive à se faire avoir, et a les plus grandes difficultés à ne pas se perdre ou perdre son ancienne amante tandis qu'ils finissent par installer un premier piège avec les appâts à l'intérieur. Les petits cris de ces souris encore jeunes devraient bien rapidement rameuter au moins l'un des deux démons illusoire présent non loin, du moins Almassar l'espère. Car si leurs illusions sont présentes partout, les dragons-fée brillent par leur absence. Des bruits sont bien audibles, mais presque impossible de les localiser. Parfois à droite, parfois à gauche. Souvent sortant de murs qui n'existent pas.
-"On ferait mieux de s'éloigner, sinon jamais ils ne viendront. Maintenant, il ne reste plus qu'a chasser le second et à faire assez de bruit pour les forcer à décamper..."
Attirant son ancienne amante par le bras, le brun s'éloigne en tatonant les murs pour ne pas se cogner. Plus d'une fois il se prend les pieds dans les débris au sol, et c'est plus en se soutenant l'un-l'autre qu'en avançant réellement qu'ils finissent par arriver dans la seconde pièce. Les cris des petits rongeurs sentant leur fin venir s'accélère, devient plus paniqué, effrayé, preuve que l'un des dragons au moins s'en rapproche. Un son métallique résonne, et les illusions se déchainent. Peut être la sensation d'être au piège, ou alors le fait d 'avoir compris que les intrus sont la pour les arrêter, mais les dragons-fées viennent clairement de passer à la vitesse supérieure alors que soudainement le plafond lui même devient vert, et le sol prend la couleur d'une belle journée ensoleillée, troublant les sens de l'enchanteur en lui donnant l'impression de marcher sur le ciel. Avec un petit cri de surprise ce dernier saute et s'éclate sur une commode renversée, avec un grognement douloureux. C'est cette douleur qui l'aide à récupérer ses esprits, alors qu'il fouille dans son sac sans fond pour en sortir deux paires de bouchons d'oreilles, venant tendre la seconde à la verte d'une main, glissant la première dans ses oreilles, déclarant dans le même temps.
-"Bouche toi les oreilles, j'ai de quoi les calmer un peu ! Il faudra faire vite par contre après, car une fois le choc passé, elles risquent de devenir encore plus folles. Et je sais pas combien de temps on va tenir."
Une fois assuré que Saehlia est correctement protégée -même si l'idée de lui jouer un tour lui a traversé l'esprit, ils doivent coopérer sur ce coup la-, Almassar sort sa corne de Krampus. Une grande inspiration avant de souffler dedans, laissant résonner son cri à travers les pièces, et la magie faire son œuvre. Les dragons-fées devraient être terrorisées par ce son qui semble venir d'un autre monde, et avec un peu de chance assez longtemps pour qu'ils puissent capturer la seconde.
Le bruit de la corne crée un son qui pourrait effrayer n’importe quelle créature, y compris un humain. Ce qui suit n’est pas vraiment une surprise, mais les illusions s’intensifient alors que les dragons fée essayent de fuir ce danger. Avec un soupir et un massage au niveau de la glabelle, la noble essaye de réfléchir à façon pour apaiser les créatures désormais terrorisées. Elle retire ses bouchons d’oreilles, faisant ensuite un geste à son ancien amant pour qu’il fasse de même. Autour d'eux, les illusions se déchainent et peu de choses ont encore du sens.
L’air particulièrement mécontent, la jeune femme s’approche d’Almassar et vient lui mettre une pichenette sur le front.
« Est-ce que l’on peut me rappeler quelles créatures nous devons capturer aujourd’hui ?
- Deux dragons fée.
- Très bien Grimoire, un bon point pour toi ! Au moins un qui suit ici, contrairement à son créateur. Quelle est la spécificité d’un dragon fée ? »
Silence relatif alors que les petits démons déplacent à nouveau les meubles autour d’eux.
« Le dragon fée est une créature qui crée des illusions pour capturer ses proies, mais aussi pour échapper à ses prédateurs. Il est même assez facile qu’une créature plus grosse que lui l’effraie. Qu'espérais-tu en les effrayant avec cet objet qui terrorise n’importe quelle créature l’entendant ? Qu’ils se calment de terreur ? »
Nouveau soupir, mais la noble ne laisse pas le temps à l’enchanteur de répondre quelque chose, lui faisant signe de rester muet alors qu’elle réfléchit.
« On va déjà calmer celui capturé. Je m’en occupe, vous deux, explorez l’endroit pour essayer de repérer son congénère. On gagnera du temps et être nombreux autour de celui prisonnier ne va pas aider. »
Et sans en demander plus, la verte vient récupérer ce qui ressemble à une nappe, la secouant pour s’assurer qu’elle existe bien. Quand elle est à peu certaine que ses sens ne la trompe pas, elle vient lancer le tissu opaque à l’endroit où ils ont posé la cage plus tôt. Si l’effet n’est pas immédiat et que l'animal commence par s’affoler, intensifiant ses illusions, après plusieurs minutes, la pièce commence à retrouver une certaine logique et montrer un élégant petit salon avec des bibliothèques. L’individu s’apaise lentement maintenant qu’il est dans l’obscurité totale et la moitié des illusions disparaissent bientôt.
S’assurant que le dragon fée est calme, Saehlia vient récupérer un autre tissu plus court pour le mettre au-dessus de la cage à la place de la longue nappe peu pratique et ainsi garder le petit protéger dans l’obscurité.
« Ça va aller mon petit, on va te sortir de là. »
La jeune femme utilise une voix particulièrement douce, essayant d’avoir les intonations les plus calmes qu’elle puisse faire. Elle soulève le tissu pour vérifier l’état de l’animal. En la voyant, il a pour réflexe de déployer sa collerette et prendre un air plus menaçant avant qu’elle ne vienne lui donner une des friandises qu'Alfred a glissées dans l’équipement donné plus tôt. Une fois que le dragon fée est occupé sur sa nourriture, il devient bien plus docile, ronronnant presque tout en savourant sa friandise. Satisfaite, la scientifique se dirige vers la sortie, toquant trois fois pour ensuite confier le capturé à son majordome dès que la barrière s’ouvre.
« Il nous en reste un à capturer. Alfred, il va nous falloir d’autres appâts. Je pense que celui qui reste est l’original, il semble bien plus malin que celui-ci.
- À vos ordres, Mademoiselle. Je vais faire mon possible. »
La barrière refermée il faut maintenant remplir la seconde cage de son individu. La noble place le nouveau piège avec les appâts restants avant de rejoindre Almassar et Ivoire. La pièce dans laquelle ils se trouvent était une petite cuisine. Désormais, elle ressemble plus à un étrange labyrinthe où le brun, filet à la main, a la tête dans un buisson, là où devrait se trouver un placard ou petit garde-manger.
« Que faites-vous au juste ?
- Ah ! Te voilà, Gamine ! Aide un peu cet empoté, je crois qu’il s’est coincé. »
La noble pose le regard sur son ancien amant avant de constater qu’effectivement il a du mal de sortir de son piège. Elle ne peut s’empêcher d’avoir un petit ricanement avant de s’approcher de ce dernier pour le tirer de là. Et tirer, c’est ce qu’elle fait jusqu’à ce que l’enchanteur puisse enlever sa tête du buisson mouvant où il est pris. Les deux finissent fessier à terre quand le piège cède enfin, la verte ne pouvant s’empêcher de légèrement rire de la situation avant de reprendre un peu de son sérieux.
« J’ai replacé un piège avec appâts et j’ai sorti son jumeau. Les illusions seront plus limitées, à trois on devrait l’avoir. Vous avez une proposition ? En dernier recours, je peux essayer de recréer son double pour l’attirer et l’attraper plus facilement, mais j’aimerais éviter si possible d’avoir recours à ma magie. »
Elle ne prend pas la peine de préciser pourquoi, après tout l’enchanteur connait plutôt bien les contrecoups de son don. De plus, la jeune femme aimerait surtout conserver sa capacité pour la partie plus épineuse où il faudra essayer de créer un collier pour limiter les illusions d’un véritable dragon fée. Créer un faux double d’une telle créature devrait permettre de faire des essais sans risquer de blesser un véritable animal tout en s’assurant des effets du dispositif. Enfin, elle l’espère.
-"Elle a raison tout de même, t'aurais pu réfléchir deux minutes."
Cette fois l'homme ne réprime ni son roulement d'yeux ni son soupir. Déjà Ivoire n'est pas toujours facile à supporter, mais en rajoutant Saehlia... Ça commence à faire beaucoup, presque trop pour l'enchanteur qui n'est déjà pas dans son élément naturel initial.
-"Je pensais arriver à les paralyser. Mais oui, j'aurais pu me douter que les terroriser comme ça allait les rendre encore plus frénétiques. Comme quoi, il m'en faut une version plus puissante pour réellement les terroriser au point qu'ils n'arrivent plus à user de leurs pouvoirs."
En voici une bonne idée qu'Almassar note dans un coin de son esprit, alors qu'il commence à parcourir la pièce. La porte est refermée, pour s'assurer que chacun reste dans sa partie, et que le dernier récalcitrant ne tente pas quelque chose pour fuir. Combien de temps l'homme reste dans la pièce ? Difficile à dire, mais lui comme Ivoire se cognent ou finissent le cul par terre régulièrement, alors que les illusions jouent des tours de plus en plus développés. Plus d'une fois, ils ont l'impression d'arriver à terrer l'animal dans un endroit d'où il leur sera possible d'agir, mais a chaque fois ces rêves sont de courte durée. C'est finalement l'intervention de Saehlia qui lui remettra un peu les pieds sur terre, son talisman d'indépendance ayant depuis longtemps fini de faire effet. Une fois cul par terre et a peu près de retour dans le monde matériel, l'enchanteur se frotte la joue en réfléchissant.
-"Vu ma dernière idée, je ne suis pas trop sur de comment faire. Avec moins d'illusions, on s'y retrouvera mieux, mais mis à part isoler pièce par pièce... Avec les portes fermées, on sait qu'il n'est définitivement pas dans la première. Il reste cette partie du bâtiment. Ivoire, tu te sens de surveiller ce qui sert de porte, enfin la où c'est censé se trouver ? On peut toujours passer au peigne fin cette pièce, puis refermer ensuite et progresser jusqu’à avoir cloisonné toute la maison."
Le grimoire s'agite un peu à cette demande, avant de se prendre un lustre en essayant d'éviter Lucy sait quoi. Une fois stabilisé, il râle un peu avant de finir par reprendre.
-"Je peux toujours essayer si je trouve la porte. Mais tu vas me dire qu'avec l'arsenal magique que tu trimbales dans ton sac, tu as rien qui ferait plus efficacement le travail ?"
Almassar réfléchit quelques secondes, avant d'avoir une illumination. Fouillant dans son sac, il vient en sortir un tube fait d'une matière à la couleur similaire de celle de la chevelure de Saehlia. Soufflant dessus, l'objet commence à se transformer, changer d'apparence, de taille, de couleur. Une poignée de secondes passent avant qu'Almassar ne se retrouve à porter d ans les bras un dragon-fée tout a fait convainquant, même si bien plus léger. Fouillant ensuite dans la sacoche préparée par Alfred avant leur entrée, il récupère quelques friandises qu'il glisse dans la gueule de l'animal. C'est assez rustique, mais l'enchanteur essaye de faire comme il peut avec ce qu'il a sous la main, surtout dans une situation aussi peu avantageuse. Pivotant ensuite vers son ancienne amante, il lui présente ce qui n'est qu'une coquille vide, mais une belle coquille vide.
-"Tu penses que l'on pourrait installer un piège en utilisant cette copie pour qu'il pense avoir retrouvé son double ? Il manque peut être quelque chose qui possède leur odeur pour qu'il se fasse avoir, tu en dis quoi ?"
Finalement, quand ils ne se déplacent pas les illusions deviennent moins perturbantes. Toujours aussi réelles, mais un bon exercice de volonté permet de se dire qu'ils sont dans une maison, et que non ce pot de fleur volant avec une plante essayant de vous mordre le nez n'est pas présent face à eux en cet instant. Plutôt fier de sa trouvaille, le brun reste néanmoins prudent, étant donné qu'il y'a de fortes chances qu'il se prenne une nouvelle rebuffade de la part de la demoiselle qui trouvera son idée idiote. Cela ne l'empêche toutefois pas de commencer à chercher autour de lui quelque chose ayant pu appartenir au Dragon-Fée durant sa captivité pour rendre l’appât plus crédible. Après tout, si il a expérimenté sur cet animal, ce dernier avait surement une cage et le minimum pour pouvoir survivre en ville. Quelques grognements et cognement de tête plus tard, l'homme finit tête la première dans ce qui était effectivement une cage. Mais installée ni par lui ni par Saehlia. Et au fond de cette dernière, une couverture est présente, froissée. Et a l'odeur, qui fait froncer le nez d'Almassar, dur de douter de sa provenance alors qu'il vient la déposer sur son vrai-faux dragon, montrant le montage à son amante. Entre un Polymorphe transformé en animal, les friandises présentes dans sa bouche et cette couverture qui masque son odeur, qu'est-ce qui pourrait mal tourner, mis à part tout ?
-"Et voila le travail. Je dois dire que si ça ne marche pas... Je ne vois pas trop ce que je peux faire de plus, ça a toujours été toi, la spécialiste en animaux."
La noble se penche vers la petite statue qui ressemble en tout point à un dragon fée, un léger sourire sur les traits. Elle inspecte ce modèle en réfléchissant avant de hocher la tête avec un air satisfait. Une idée qui lui permettra d’économiser sa magie et son énergie ! Enroulant la fausse créature dans la couverture, elle vient la récupérer et retourner dans la pièce pour l’instant libre où se trouve le piège. La statue est installée dans la cage et le piège placé dans le couloir près de la petite cuisine.
« Bon, sans imiter les bruits de la créature, ce sera sûrement difficile de l’avoir, mais on va essayer. On ferme toutes les portes et on se met dans le salon. On n’ouvre qu’une porte donnant sur le piège et on attend. Pendant ce temps, on peut sûrement fouiller les affaires de Sieur Crayeu pour trouver de quoi l’aider à finir son expérience. »
Après l’accord de l’enchanteur et de son grimoire volant, la jeune femme finit de préparer le piège et laisser son ancien amant aller inspecter les bibliothèques et bureaux d’expérience du Virtuose. Quand Saehlia a terminé son installation, elle ouvre prudemment la porte menant à la cuisine avant de rapidement s’enfermer dans le petit salon et rejoindre Almassar.
« Il n’y a plus qu’à attendre. »
Pour s’occuper, la jeune femme trouve un set de thé et en profite pour en préparer assez pour deux. Sa tasse en main, elle explore ensuite les nombreuses bibliothèques présentes. Ce qui est sûr, c’est que son collègue de l’Académie est vraiment obsédé par son projet. Il y a au moins une bibliothèque complète emplie de livres et études sur les dragons fée, la scientifique n’ayant qu’à piocher pour s’occuper un peu. Elle dévore ainsi plusieurs études présentes, alimentant ainsi ses propres connaissances sur cette espèce pouvant être très problématique.
Alors que chacun est occupé dans son coin, le bruit de la cage se refermant se fait enfin entendre, suivi des pleurs de l’animal. Un sourire triomphant illumine le visage de Saehlia qui vient récupérer un tissu avant de faire signe à Almassar.
« Je m’en occupe ! Vous pouvez sortir. »
Sans attendre, la jeune femme se dirige vers la cage et dépose le drap pour isoler l’animal. Elle attend que ce dernier se calme et quand cela est fait, elle sort et apporte le petit capturé à son propriétaire. Ce dernier est heureux de pouvoir récupérer son familier et vient lui-même retirer son collier aux deux modèles. Dès que le faux dragon a disparu, l’autre semble bien plus calme, le Virtuose pouvant reprendre en main son animal. Dès que le sujet de l’expérience est libéré, ses affaires sont rendues à Almassar et le dragon fée retrouve sa couverture.
La première partie de la requête est ainsi terminée, vient maintenant un peu plus difficile. La biologiste laisse le loisir à son ancien amant d’inspecter le collier défectueux pendant que Saehlia échange avec Sir Crayeu sur les moyens de couper les illusions d’un dragon fée. S’il veut pouvoir faire ses courses, il faut trouver le moyen qu’un des animaux ne puisse ainsi tricher. Quand les deux arrivent à une conclusion plutôt satisfaisante, ils viennent en faire part à l’enchanteur.
« Sir Crayeu et moi avons réfléchi à ce qui ne fonctionne peut-être pas dans le dispositif actuel. Plusieurs études tendent à montrer que les illusions des dragons fée viendraient d’un mélange de vibrations et de magies diffusées à partir de leur collerette. On pense qu’un simple dispositif anti-magie placé assez haut sur le cou devrait suffire à inhiber cette capacité.
- Le précédent enchanteur avait misé sur une autre propriété pour bloquer les illusions… Cela a dû avoir l’effet inverse et renforcer les illusions au point de créer un autre individu. Je m’excuse platement de vous avoir fait déplacer pour cela Dame Kreiss.
- Il n’y a pas de problème, entre collègues, c'est normal. Almassar, penses-tu pouvoir créer un tel collier ?
- Évidemment, je ne vous demande pas de le faire sur le champ ! Si je l’ai dans les prochains jours, ce sera bien suffisant… »
La noble laisse l’enchanteur et son nouveau client ainsi négocier. Elle ne doute pas que son ancien amant va demander une compensation financière pour son travail, mais elle n’a fait cela que bénévolement et pour aider un collègue. Elle laisse alors les deux hommes discuter, s’éloignant avec son majordome. Il est déjà tard, la fin d’après-midi arrivant à grand pas.
« Alfred ? Pourrais-tu rentrer sans moi ? J’aurais besoin de discuter avec Almassar.
- Très bien, Mademoiselle. Dois-je préparer un repas pour deux ?
- Pas besoin. Je vais manger dans un restaurant. »
Le majordome s’incline, adressant les salutations de rigueur avant de disparaitre. Quand l’enchanteur semble avoir terminé ses négociations, la noble vient saluer son collègue et l’encourager pour la fin de ses recherches. Elle continuera de suivre le travail de cet homme et espérera pouvoir assister prochainement à l’une de ses courses. Lorsqu'elle est prête à partir, elle vient rejoindre son ancien amant et lui souffler quelques mots.
« Tu voulais me parler d’une chose importante, non ? Allons en discuter autour d’un bon repas. »
Finalement, la cage se fait entendre, suivi des cris plaintif de la bête capturée. Un soupir de soulagement échappe à l'homme qui voit la première partie de leurs malheurs enfin terminés. Avec la capture des deux animaux, Almassar pourra s'occuper d'une partie qui lui parle bien plus, et surtout qu'il maîtrise. Et avantage non négligeable, il est possible que Saehlia n'ait qu'un rôle mineur dans cette partition. Travailler tranquillement, à son rythme et sans se faire casser les pieds, le brun ne pourrait rien espérer de mieux.
-"Ne t'en fais pas, je ne comptais pas m'occuper d'une telle bête. C'est ta spécialité et je te la laisse volontiers !"
Frappant à la porte, ce dernier sort en premier avant de faire un signe de la main au Virtuose paniqué mais qui se détend peu à peu. Les illusions sont moins fortes dans la rue, mais la présence du clone les rend quand même particulièrement ennuyeuses. Et alors que Simon s'apprêtait à refermer, Almassar lève la main pour l'arrêter.
-"Pas la peine, Saehlia va bientôt ressortir avec votre petit protégé pour mettre un terme à cette histoire."
-"Oh, et bien d'accord. Et vous pensez pouvoir faire quelque chose pour mon problème, pour que le prochain collier fonctionne ?"
-"Cela ne sera pas donné, mais oui je pense que cela est possible, même si il me faut un peu plus de travail pour pouvoir le confirmer."
L'échange allait continuer mais enfin la verte ressort de la bâtisse avec la terreur. Les colliers sont retirés, et enfin la magie se dissipe. Un seul Dragon-Fée repu et satisfait produit définitivement moins d'illusions qu'un duo déchainé. Le collier passe de main, et l'homme au regard violacé peut se concentrer sur ce dernier. Son Don pénètre rapidement les secrets d'un tel objet pour essayer de comprendre ce qui a pu mal tourner, et quand enfin les deux scientifiques reviennent vers l'enchanteur, ce dernier a une plutôt bonne compréhension du problème. La situation est rapidement expliquée alors qu'Almassar reprend rapidement, une lueur d'excitation dans le regard.
-"Oui je vois ce que votre premier enchanteur a voulu faire. L'anti-magie est quelque chose de peu aisé et généralement réservé à la bulle de protection du Palais, il a donc contourné cette limitation en essayant d'inhiber les pouvoirs avec quelque chose d'opposé. En bref, le collier était censé être une éponge magique, mais ça a assez mal marché. Je pense pouvoir faire quelque chose d'efficace, mais cela me prendra un peu de temps. Et des moyens."
La biologiste s'éloigne, laissant les deux hommes à une conversation bien plus animée sur le temps et l'argent. C'est un sujet délicat, chacun défendant son bout de gras. Mais finalement un accord est trouvé sur un travail d'une semaine à propos d'une version perfectionnée du collier. N'utilisant peut être pas l'anti-magie, jugée potentiellement trop difficile et couteuse à obtenir, mais au moins une version corrigée de ce concept d'éponge. Une poignée de main et une promesse scellent l'accord, alors que l'enchanteur revient vers son ancienne amante toujours présente sur les lieux. Il arque un sourcil vers elle, avant de comprendre la raison quand elle parle de cette fameuse conversation. Le visage d'Almassar se ferme, alors qu'il hoche.
-"En effet, autant aller se faire un bon repas, on en aura besoin."
L'idée même d'aller dans un restaurant est tout naturel. Le brun aurait peut être aimé évoquer cela dans un milieu plus intimiste, mais il fera ainsi. De toute façon, les deux connaissent nombre d'enseignes de la Capitale, et il leur sera aisé de trouver un établissement convenant à leurs deux palais. Et tandis qu'ils arrivent, après un trajet particulièrement silencieux, c'est Ivoire qui brise ce dernier.
-"Bon les gamins, c'est pas que je ne vous aime pas mais j'ai plus important à faire. Ne faites pas de bêtise en mon absence, car vous avez besoin de discuter un peu tous les deux, et moi j'ai d'autres occupations. On se retrouve plus tard petit."
Avec un ton étrangement sérieux, le Grimoire agite la couverture pour les saluer avant de pivoter et de prendre un peu en hauteur pour aller à ses occupations personnelles. Après l'avoir salué de la main, Almassar rentre dans un petit restaurant qu'il connait, avec peu de table mais particulièrement bon tout aussi peu donné -après tout, Saehlia étant une noble, il lui faut au moins cela-, proposant diverses spécialités de toutes les grandes villes. Une fois installés par une serveuse au sourire capable d'éblouir même le plus acharné des trappeur de montagne, l'homme soupire en prenant un air encore plus sérieux que son grimoire.
-"Je pense que tu as une petite idée du sujet que je souhaite évoquer. Suite à ton commentaire lors de nos "retrouvailles", j'ai été voir aux archives de l'Académie... Et il y'a bel et bien tes travaux, qui ont été publiés en mon nom."
Cela lui arrache la gorge à dire, car il déteste cette impression d'avoir été utilisé, et d'avoir vu son nom ainsi souillé. Il continue ensuite, d'une voix sèche et emplie d'une certaine colère sourde, ne s'arrêtant que pour commander un apéritif alcoolisé dont il sent qu'il aura besoin.
-"Je te promet que je n'étais pas au courant, et que je n'ai jamais participé à cela -ni mon ancien maître d'ailleurs, du moins j'en doute fortement-. J'ai demandé à ce que ces travaux soient purement et simplement effacés des Archives, car ils ne m'appartiennent pas. Mais je ne sais pas si ils accepteront ma demande, c'est difficile à assimiler pour eux comme cas de figure, et je ne suis même pas sur qu'ils me croient."
Nouveau silence et long soupir. Il se sent trahi, tant par ce qu'il s'est passé que par et pour Saehlia. Finalement, tous deux avaient raison, sans le savoir. Almassar n'a rien fait, Saehlia s'est vue flouée de ses chances. La tension est palpable dans le corps du brun, dans son regard qui pourrait produire des étincelles alors qu'il finit par siffler.
-"Je suis donc désolé pour tout cela. J'ai toujours cru que tu avais cherchée des excuses pour rompre sans voir la vérité en face... Mais finalement, depuis le début, tout comme moi tu avais raison... On s'est tous les deux fait avoir dans cette histoire, et je ne sais même pas par qui. mais je compte bien le découvrir."
Oh non, l'enchanteur ne va clairement pas laisser une telle injure sur son nom impunie. A l'idée même de pouvoir retrouver celui qui leur a infligé une si cruelle blague, ses doigts se posent par réflexe sur sa bague, avant qu'il ne se reprenne et offre un sourire poli à la serveuse qui revient avec leurs boissons alcoolisées avant de les laisser échanger un peu, et regarder la carte.
Almassar est celui qui prend la parole en premier et Saehlia le laisse faire sans rien dire, se contentant de commander quand la serveuse revient. Elle aimerait répondre quelque chose, prendre son habituel air mauvais, mais elle ne fait rien de cela, se contentant d’écouter ce qu’il a à exprimer. Au moins il reconnait l’existence de la publication de ses travaux. La suite étonne toutefois légèrement la noble qui ne pensait jamais entendre ses mots de la part de son ancien amant. « Je suis désolé » ces mots suffisent à faire un léger choc à la jeune femme qui a bien du mal de se reprendre.
C’est l’arrivée des apéritifs qui l’aide à revenir à elle, prenant son verre en main en réfléchissant. Elle ouvre la bouche pour parler, mais se ravise, préférant taire et mieux peser ses propos. L’enchanteur a fait preuve d’une honnêteté rare et même si elle a été particulièrement blessée toutes ces années, elle comprend qu’il n’y a plus vraiment de raison de lui en vouloir. C’est avec un air presque perplexe qu’elle finit par répondre.
« Je comprends. Je ne peux pas dire que je te pardonne, tes propos de l’époque m’ont réellement fait mal et pendant toutes ces années, je t’en ai voulu. Mais je comprends. »
Elle a bien du mal de formuler ses mots, d’arriver à trouver que dire, ce qui est une chose rare chez elle. La jeune femme a appris très tôt à user de sa verbe pour se faire entendre et elle a été longuement entrainé pour ne pas se laisser marcher dessus, mais aujourd’hui elle en perd ses mots.
« Et si ce que tu dis est vrai et que tu n’as jamais été au courant de tout cela, alors sache que je m’excuse pour les propos que j’ai pu t’adresser. Je pense que tu comprends ma réaction de l'époque, mais je suis tout de même désolée de mon comportement. »
Récupérant son verre, elle vient prendre une longue gorgée de l’alcool avant de soupirer. La boisson l’aide à légèrement reprendre du poil de la bête, mais son sourire habituel n’arrive pas encore à refaire surface.
« Pour ce qui est de ton ancien maître… Je pense qu’il était au courant. Je pense que le mien aussi était dans la confidence. Jamais mes travaux auraient pu être récupérés si facilement et ensuite publiés avec ton nom sans eux. Tu te rappelles comme ils essayaient de nous mettre toujours en compétition ? »
À vrai dire, la jeune femme n’a jamais cherché de ce côté-là, les émotions lui dictant que Almassar était le seul fautif. Toutefois, dans une partie de son esprit, ces hypothèses ont toujours été présentes. Avec leurs dernières rencontres et leurs échanges, elle a depuis compris que peut être toutes ces idées n’étaient pas que fantaisie. Elle y a longuement réfléchi, pesé le tout et demandé à entamer de discrètes enquêtes. Elle ignore encore ce qu’est devenu l’ancien maître de l’enchanteur, mais elle a déjà découvert que le sien avait reçu d’importants pots-de-vin à l’époque.
« Je pense avoir une petite idée de qui peut être derrière tout ceci, mais je n’ai aucune preuve. Je ne vais pas te dire de ne pas t’en mêler, je sais que tu vas tout de même le faire. Sois juste extrêmement prudent, tu risques de jouer à un jeu bien dangereux et que tu ne maitrises pas. Je te déconseille de t’en mêler, mais je peux toujours te transmettre ce que je vais trouver de mon côté. Qu’en penses-tu ? »
Est-ce qu’elle s’en fait pour l’enchanteur ? Même si elle ne veut pas se l’avouer, oui. Elle le connait, même s’il a changé avec les années, elle connait l’expression qu’il a actuellement. Saehlia ne pourra pas l’empêcher de fouiner, de chercher des réponses de son côté, mais elle peut essayer de prévenir qu’il ne se retrouve empêtré dans des jeux politiques. Malheureusement pour lui, il n’est sûrement qu’un pion sur un grand échiquier des plans de Vardanis Kreiss.
Mais avec le temps et désormais le contexte, Almassar arrive à l'encaisser, le comprendre un peu mieux. Bien sur qu'il en veut toujours à Saehlia d'avoir ainsi réagi et de ne pas avoir cherché plus loin. Mais ils avaient leurs propres carrières et études à poursuivre, et il ne peut totalement lui reprocher sa réaction. Un long soupir finit par traverser ses lèvres. Les excuses sont à la fois agréable à entendre et particulièrement rapeuses à l'oreille, après tant de choses qu'ils se sont hurlés au visage. Et c'est avec un air défait que l'homme finit par reprendre.
-"Oui, je peux comprendre pourquoi tu as réagi ainsi. C'est toujours particulièrement blessant, mais je te comprend. Je ne sais pas si j'arriverais à passer aussi aisément par dessus, néanmoins. Les années sont loin d'avoir refermées toutes les blessures."
Passage de la serveuse, qui se sent de trop. Elle prend rapidement les commandes, avant de disparaître en cuisine pour laisser le duo ensembles.
-"Si vraiment mon maître fait partie de tout cela, je serais vraiment déçu de lui. Tu as raison néanmoins, il était toujours prêt à pousser la compétition entre nous. Mais au point de penser que tu allais faire échouer ma carrière et mes projets ? Je ne sais pas, ce que tu dis fais sens, et les arguments se tiennent, je trouve juste cela dommage si vraiment il est tombé si bas."
L'enchanteur ne sait quoi trop penser de tout cela. Il a été habitué à faire cavalier seul ces dernières années, mais même ainsi, savoir que l'une des figures qui a ainsi bercé vos jeunes années s'est finalement permis de décider à votre place de votre avenir, c'est guère aisé à accepter et à avaler comme découverte. La déclaration suivante de la biologiste fait toutefois arquer le sourcil de l'homme qui redresse le regard vers elle, penchant un peu la tête. Almassar a l'impression de ne pas avoir compris la phrase qu'elle vient de lui souffler, tout en la comprenant en même temps que trop bien.
-"Et que crains-tu pour me mettre ainsi en garde ? Ou plutôt, qui imagines-tu derrière toutes ces machinations ? Tu parles de jeu dangereux que je ne maîtrise pas, donc j'imagine aisément que cela dépasse le cadre du simple travail ou que sais-je. A t'écouter, mettre le nez dedans pourrait me voir en danger ou pire encore. J'aimerais effectivement bien savoir ce que tu as découvert pour que cela t'inquiètes tant."
Bien sur, le brun commence à avoir une petite idée de ce qu'il peut bien se passer pour mettre la verte dans un tel état. Et ce n'est pas pour lui plaire, étant donné que cela ne fait que signer le début d'emmerdes bien plus grandes encore. Certes, cela n'est guère surprenant, car depuis qu'il a découvert ces papiers falsifiés, l'enchanteur sait qu'il a le cul dans un fossé de ronces à enquêter sur des choses qui avaient surement prévues d'être enterrées, mais Saehlia ne le connait que trop bien. Et c'est avec un petit sourire qu'il vient lui répondre.
-"Mais bien sur que je vais mettre mon nez la dedans. Tu es la victime principale, d'avoir ainsi perdu tes rêves et tes aspirations... Mais je n'apprécie guère que l'on s'amuse ainsi à jouer avec mon nom, à nous nuire tous deux et ainsi nous pousser à ne plus jamais nous parler. Et bien sur que je compte découvrir qui se cache derrière tout cela. Et si j'ai appris une chose de mes explorations, c'est que parfois, trop se prendre la tête est une erreur et qu'un peu d'action bien ajustée peut ouvrir des portes qui autrement resteraient toujours fermées."
Est-il en train de se faire l'avocat d'un usage de la brutalité et de la violence ? A moitié, même si il n'aime pas l'idée de recourir à cela. Hélas, les idées sont souvent les premières victimes quand l'émotion s'en mêle. La seconde en est l'appétit, alors que leurs entrées arrivent. Elles ont certes l'air délicieuses, mais pour Almassar, l'appétit n'est qu'a moitié la.
La serveuse ayant fait son travail repart rapidement, et la noble profite de cette nouvelle tournée d’alcool pour boire et se détendre un minimum. Elle est confiante dans sa capacité à tenir l’alcool, mais elle en a besoin pour réussir à continuer à discuter sans s'effondrer. L’enchanteur parle de son maître et la jeune femme comprend bien que contrairement à elle, il a encore beaucoup d’espoir dans celui qui lui a tout appris. En revanche, elle a découvert de son côté que son propre maître a reçu des sommes astronomiques au moment de ces faits, cela lui a suffi à comprendre comment ses études ont ainsi pu changer de mains si aisément. Même si elle n’a pas de preuve et ne peut remonter jusqu’à celui qui a donné de telles sommes, elle a déjà ses petites idées. Elle préfère ne rien dire à Almassar, le laissant juger de lui-même avec ce qu’il trouvera.
Il poursuit en demandant ce qu’il peut craindre et en affirmant qu’il ne compte effectivement pas laisser tomber cette histoire. La scientifique étire un petit sourire, soufflant même de manière amusée en reprenant une gorgée de sa boisson. Elle pose ensuite le coude sur la table, s’appuyant contre sa main avec un air penseur, l’index de son autre main venant jouer avec le bord de son verre pour essayer de le faire chanter.
« À ton avis ? Il n’y a qu’une personne obsédée par ma carrière. Cette même personne qui a suffisamment de ressources, de liens et cristaux pour pouvoir faire une telle chose. Une personne manipulatrice qui n’hésite pas à restreindre et à marchander quand les choses ne vont pas dans son sens. »
Nouveau souffle amusé, mais l’expression de la noble devient bien plus attristée, comme si elle était sur le point de fondre en larmes.
« Mon grand-père veut me forcer à rejoindre l’Académie. J’ai commencé à reprendre ses affaires et accepté d’être son héritière. Mais avec cette histoire d’il y a dix ans, j’ai abandonné mon idée de rejoindre l’Académie. Même si j’étais un petit génie qui y avait parfaitement sa place -selon les dires de mon maitre- ma fierté a été mise à mal. Aujourd’hui, je suis bien trop vieille et ayant bien trop de connaissances pour rejoindre les bancs de l’école. Je suis encore un peu jeune pour devenir académicienne même si beaucoup ne sont pas de cet avis. Et il me faut surtout une nouvelle étude que j’ai menée seule et sans risquer qu’on me la vole à nouveau. »
Si sa précédente étude a pu ainsi être publiée au nom de quelqu’un d’autre, c’est aussi parce que l’étude de l’environnement n’était pas le sujet principal. La jeune femme avait essayé à l’époque et avec l’aide de celui qui est aujourd’hui enchanteur, de montrer un lien entre présence d’énergie magique et développement d’un environnement naturel. Son étude était une première dans le genre, elle a reçu de nombreuses attentions et a permis d’énormes avancées dans le domaine. Sauf qu’un autre en a reçu tous les mérites.
« J’ai entendu dire que ton commerce fonctionne plutôt bien. Ta boutique est plutôt réputée ici. Je ne parle même pas de ce grimoire volant qui attire maints regards curieux. Tu commences à avoir ton succès et je te souhaite de continuer en ce sens. Mais Almassar, c’est de mon grand-père dont on parle. Avec le réseau qu’il a et la richesse qu’il possède, si tu te mets en travers de son chemin, j’ai peur qu’il essaye de détruire ce que tu as si durement construit. Il en est capable et n’hésitera pas à le faire. Regarde, il me force bien à me marier à un parfait inconnu si je continue de refuser à suivre ce qu’il dit. »
La voix de la noble se brise, elle se sent encore plus proche de fondre en larmes. À la place, elle vient récupérer son verre et le finir cul sec. Quand elle le repose, le repas arrive à ce moment. Ils vont pouvoir manger et essayer de passer à autre chose. Quand les serveurs repars, la jeune femme semble avoir repris un peu de poils de la bête.
« Mangeons. Parle donc moi de ce que tu es devenu et de cet étrange grimoire qui t’accompagne. Il me rend aussi très curieuse. On a beaucoup de choses à se dire et on devrait essayer d’aborder des choses plus joyeuses en mangeant, non ? »
Puis finalement quelque chose d'encore pire tombe quand la demoiselle reprend. Que si jamais Almassar mette le nez dans ses affaires cet insupportable vieillard tente de saboter ses propres projets et travaux, c'est un risque existant. Un que le brun aimerait éviter, mais parfois il est difficile d'échapper aux ennuis, surtout quand ceux-ci vous cherchent si vous avez ne serait-ce que le malheur de vouloir connaître la vérité. Mais de la à vouloir la marier. Pendant un instant il lève la main pour venir la poser sur celle de la jeune femme avant de se reprendre et d'arrêter, secouant la tête avec un air entre la stupéfaction et l'incrédulité sur les traits.
-"Qu'il veuille que tu lui succèdes quitte à utiliser toutes les méthodes possibles, même d'aussi basses que celles employées avec nous, je peux encore comprendre, même si je ne pardonne pas... Mais vouloir te marier contre ton gré ? Soit il ne te connait pas assez pour penser que cela puisse marcher, soit sa mégalomanie a empirée depuis dix ans. Je ne sais pas qui est le malheureux élu, mais je ne l'envie pas."
Puis finalement la conversation dérive. Il faut dire qu'a continuer sur ce sujet, ils risquent par finir soit d'abuser de la bouteille, soit des larmes. Le repas est délicieux, et après une poignée de bouchées la conversation peut revenir sur un terrain qu'ils maîtrisent mieux, ou du moins qui est moins sensible. Bien sur elle est curieuse à propos d'Ivoire, ce qui fait arquer un sourcil à l'enchanteur qui finit par répondre, après avoir gouté son plat.
-"Ivoire est une expérimentation. Comme à l'époque, j'ai besoin de quelqu'un pour m'aider à me reprendre un peu quand je m'oublie dans mes pensées ou mes travaux. Donc plutôt que de devoir faire quelque chose de difficile comme engager un apprenti ou que sais-je, ce qui viendrait avec ses propres limitations, j'ai préféré essayer de faire quelque chose qui me corresponde plus. En est né Ivoire, un livre avec sa propre conscience et capable de voler. Et si ce fut ma meilleure idée, c'est en même temps ma pire connerie. Tu as bien vu le caractère qu'il possède."
Un fin sourire étire les traits du brun. Effectivement, Ivoire n'est pas le plus facile à vivre. Mais le résumer à cela serait aussi faire une grande erreur, et Almassar sait très bien que quelque part dans les rues de la Capitale, un livre volant est en train d'avoir la couverture qui le démange et la tranche qui siffle.
-"Mais il remplit aussi son rôle à la perfection. Aussi insupportable qu'il puisse être, il reste un compagnon agréable et un support plus qu'utile. Et ça fait du bien d'avoir quelqu'un à qui parler quand je passe trop d'heures enfermées dans mon bureau pour travailler."
Il ne va pas mentir au moins, mieux vaut être direct. Les relations humaines ne sont toujours pas son fort, et Ivoire est un moyen efficace de contrer cela aussi. Un peu comme elle possède Alfred, lui possède son Grimoire, toujours disponible pour l'aider et l'assister, quand il ne grogne pas dans un coin ou part faire... Il ne sait quoi. Un jour, l'enchanteur se dit qu'il devra enquêter sur cette étrange vie que semble avoir sa création, que cela ne lui cause pas d'ennuis.
-"Sinon écoute, tu en sais la majorité, vu que tu sembles avoir surveillée l'activité de ma boutique avec un interêt certain, qui est presque inquiétant. Mais tu ne sais peut être pas que depuis, j'ai déplacé une bonne partie de mes activités à la Forteresse. Je voulais en apprendre plus, et pour cela il était important à mes yeux de cesser de toujours être dans un bureau. Donc tu peux rire, mais je suis parti à l'aventure et en expéditions. Et je n'ai failli mourir en qu'une demi douzaine de fois ! Je songe à passer un certain temps à la Ville Aquatique aussi, pour pouvoir profiter un peu plus de leurs installations. Enfin, je pourrais passer la nuit à t'en parler si jamais je me lançais vraiment, donc a ton tour. Dis moi ce que tu es devenue depuis tout ce temps, et vers quels champs tes recherches portent désormais."
L'avantage d'une conversation, c'est qu'elle fait passer le temps. Et pour la première fois depuis longtemps, celle qu'ont les deux anciens amants est plutôt agréable, tout comme le repas qu'ils partagent. Un moment qui sera peut être bien trop rapidement terminé, tandis que l'heure tourne et qu'ils en arrivent déjà aux desserts, mais qui fera surement beaucoup pour au moins poser de nouvelles bases moins viciées entre les deux scientifiques.
Elle ne dit rien aux remarques légèrement blessantes d’Almassar, prenant pour elle le fait de traiter son fiancé de « malheureux élu » et préfère se concentrer sur sa nourriture. La conversation change heureusement, l’enchanteur le suivant sur sa tentative pour essayer d’égayer ce moment.
Il commence par présenter son grimoire qui répond au nom d’Ivoire, une information que la noble enregistre. Il décrit sa création et elle ne dit pas un mot, l’observant parler de manière si passionnée et sans perdre une miette de son repas. Ce sont loin des repas sophistiqués dont elle a l’habitude, mais elle apprécie ce côté plus rustique et moins raffiné. Le noble tique à nouveau quand son ancien amant évoque la possibilité qu’elle l’ait surveillé, mais préfère encore rester muette. Quand enfin son tour arrive, les desserts sont servis et Saehlia dépose sa cuillère pour commencer à répondre.
« Je vais commencer par mettre une chose au clair : je ne t’ai pas surveillé. Simplement, quand je t’ai croisé à la Ville Aquatique, j’ai demandé à Alfred de me dire ce que tu es devenu. Il a juste fait une petite recherche rapide pour me dire que tu étais devenu enchanteur et avait une boutique à la Capitale qui fonctionne plutôt bien. J’ignorais même que tu avais une boutique à la Forteresse. Je me suis presque plus intéressée à Ivoire qu’à toi, alors ne t’inquiètes pas là-dessus, je ne t’ai pas surveillé toutes ces années. »
Les choses enfin éclaircies, la noble prend enfin plaisir à déguster son dessert. Elle plonge sa cuillère dans la glace se trouvant entre deux morceaux de chou, la goûtant avec un air satisfait. Elle se met ensuite à se battre avec la pâtisserie tout en continuant de parler.
« Pour ce que je suis devenue… Je n’ai que peu quitté le Village Perché ces dernières années. Depuis que je m’y suis installée, j’ai beaucoup à étudier. J’ai rejoint l’Académie en tant que Virtuose, fournissant de l’aide à des collègues comme aujourd’hui ou en envoyant mes études de manière bénévole. J’ai repris aussi progressivement les travaux de mon grand-père, me faisant plus souvent revenir au manoir Kreiss à la Capitale. »
La noble vient manger un morceau de son chou avec la crème glacé après l’avoir découpé, le savourant avec un air presque enfantin. Elle a toujours aimé les sucreries, une des rares choses qui lui donne facilement un sourire sincère. Une fois ce petit moment passé, elle reprend un peu de son sérieux.
« Puisque le vieux renard m’oblige à rejoindre l’Académie si je ne veux pas finir mariée de force au premier noble qui lui offre la meilleure contrepartie, j’envisage de reprendre une étude similaire à celle d’il y a dix ans. Mes connaissances sont bien plus poussées et je pense qu’il y a des facteurs environnementaux qui affectent les mutations qui ont déjà pu être observées. Tu as entendu parler du Vaaki argenté l’année dernière ? Il a fait un véritable carnage sur les routes commerciales. J’ai aussi entendu dire qu’une demande pour éliminer des Osarex devenus noirs a été déposé à la Guilde. Même si l’apparition de ces individus reste rare, c’est dangereux et très intéressant. Je pense demander à la Guilde de me laisser inspecter les corps de telles créatures à l’avenir… Il y a aussi beaucoup de choses à découvrir dans le Désert Volant où je n’ai pas encore pu poser le pied et c’est sans parler des rumeurs qui circulent sur le royaume découvert au-delà de la Frontière. Je ne m’ennuie pas. »
Almassar risque de vite se rendre compte que son ancienne amante n’a pas beaucoup changé. Même si elle semble moins rêveuse, elle reste le petit génie passionné qu’elle était déjà à l’époque. Cette dernière se rend compte que ce qu’elle dit ne doit pas être vraiment passionnant pour l’enchanteur et décide de parler d’un sujet pouvant les intéresser tous les deux.
« Mais je dois avouer qu'Ivoire est ce qui m’a rendue la plus curieuse dernièrement. Je ne pensais pas que tu réussirais un jour à créer un tel être. Je trouve que ta création est tout simplement incroyable et si ça ne tenait qu’à moi, je lui proposerais de devenir mon assistant. Ce grimoire parait toutefois être très important pour toi, alors je vais éviter de le faire. Tu risques par contre de me voir un jour débarquer dans l’une de tes boutiques avec une demande bien farfelue… »
La verte étire un large sourire taquin, ne cachant pas qu’elle est sérieuse même si son ton est joueur. Ayant fini son dessert, elle se relève et sort une petite besace dont on entend le tintement des cristaux.
« Je te remercie pour ton aide aujourd’hui et ce repas. Tu as encore beaucoup à faire pour sire Crayeux alors je vais éviter de te retenir plus. Je m’occupe de payer l’addition. C’était agréable de pouvoir ainsi mettre les choses au clair avec toi et d’avoir une discussion plus posée après toutes ces années… Même si j’espère que nous n’allons pas nous croiser à nouveau trop vite, j’ai pris plaisir à pouvoir à nouveau travailler avec toi. Alors prends soin de toi Almassar, et salue Ivoire de ma part. Dis-lui aussi que j’ai hâte de le revoir et de pouvoir discuter avec lui. »
Nouveau sourire taquin avant de se diriger vers le comptoir auquel la noble se charge de payer la totalité de l’addition. Quand c’est fait, elle se tourne vers l’enchanteur, le saluant de loin pour qu’il puisse profiter de la fin de son repas tranquillement. Même si les choses sont en bonne voie entre les anciens amants, il y a toujours ce petit malaise qui fait que Saehlia n’arrive pas à pouvoir rester longtemps en compagnie d’Almassar. Même si elle lui souhaite d’être heureux, la noble n’arrive pas encore à passer outre des blessures du passé.