Au milieu de ce théâtre des sens, Yuduar marchait tranquillement dans une tenue militaire des plus simples. Une chemise de coton crème coupée d'un gilet fauve en peau, un pantalon bouffant tirant sur le brique, cintré par une ceinture de cuir épais, qui se laissait perdre dans de hautes bottes souples. Le tout parsemé d'une armure légère, épaulières, cubitières, cache-coeur tout au plus, restes d'un entrainement qu'il avait gardé au cas-où que le devoir l'appel durant le reste de ses occupations.
Il marchait ainsi en compagnie de Diego, son filleul âgé de tout juste quinze années en dernière année de classe militaire, l'air léger et le regard pétillant. L'homme et le garçon échangeaient des anecdotes sourire aux lèvres, l'ancien cherchant la petite bête au plus jeune à grand renforts de coups de coudes taquins et insistants. Les rires rythmaient ces chamailleries familiales et le teint rosé de la recrue trahissait un coeur qui avait sut se laissé prendre par une belle. Certains gradés passant par là accusaient cet étrange duo d'un regard désapprobateur, jugeant l'attitude du Capitaine trop bon enfant en vue du grade qu'il affichait de part la superbe insigne ornant son puissant poitrail. Mais ces regards, le dit Capitaine n'en avait cure. Diego était comme un deuxième fils pour lui, par alliance certes mais d'une famille qu'il considérait aussi proche que la sienne. Un cadeau qu'aucun froncement de sourcil ne pourrait lui retirer.
"Alors dit moi? Elle s'appelle comment cette amazone de l'académie?"
"Mais non, mais, je te dit que c'est rien, c'est, c'est juste que tu te fais des idées et..."
"Oooh, tu vas pas me dire que t'es jamais allé fouiner du côté du dortoir des filles non plus?" enchaina Yuduar en secouant Diego d'un coup d'épaule qui le fit se décaler sur quelques centimètres
"Mais nooon! Mais pas du tout! Je f'rais jamais ça!"
Une tape revancharde fit tinter le métal de l'épaulière de Yuduar, un geste que regretta immédiatement la recrue piquée au vif qui porta la main à sa bouche en jurant à demi-mot. Le grand dadet de Capitaine éclata d'un rire-non feint devant la mine déconfite et gênée de son protégé.
"Bon allez, allons retrouver ton camarade, c'est sur mon chemin."
"Tu sors ce soir?" demanda le garçonnet avec de grands yeux aussi étonnés qu'intéressés.
"Pourquoi ça? Tu veux venir faire le tour des taverne avec ton vieux parrain pour découvrir le charme des courtisanes à titre d'apprentissage?"
Les rires reprirent de plus belles, les pincement de côtes et les fausses menaces aussi, tel deux enfants joueurs et liés par un passé commun que rien ne leur retirera.
Arrivés prêt de la classe où Diego venait retrouver un ami qu'il s'était fait depuis quelques mois, les deux hommes attendirent patiemment les quelques minutes de la fin du cours. Il s'agissait là d'un cours de langue destiné à palier aux faiblesses de certains nouveaux éléments dans le domaine de la lecture et de l'écriture. Deux arts que tout le monde n'avait pas eu la chance d'apprendre en profondeur durant leurs jeunes années et qui pourtant étaient primordiaux pour n'importe quel garde qui se respecte. De loin, voir ainsi les élèves installés en rang d'oignons pour pratiquer leurs lettres, cette image renvoya Yuduar au souvenir qu'il avait failli rejoindre ces classes lui aussi à son époque. Fort heureusement pour lui, les bases solides qu'il avait acquises à la Ville Aquatique se montrèrent suffisantes pour échapper à de tels enseignements magistraux, un détail à l'époque mais pour lequel il remercie encore ses parents aujourd'hui.
L'attente ne fut pas longue et la voix mélodieuse de la professeure annonça la fin de la séance d'apprentissage. Les jeunes têtes ne se firent pas prier et à envoir la vitesse d’exécutions de certains c'était à croire que leurs affaires étaient déjà prêtes au démarrage il y a de ça un bon quart d'heure.
"Regardez moi ces cancres en devenir."
Yuduar ne pus s'empêcher de sourire devant une telle démonstration d'attitude. Cela lui faisait penser à son propre fils, aussi assidu que tête de cochon selon les jours. Diego se retourna vers son parrain, lui fit une embrassade en guise d'au revoir et se dirigea retrouver son camarade plus jeune de trois ans. Le petit rouquin à la mine joufflue semblait tout ébahi de voir son ainé accompagné d'un homme arborant le badge de Capitaine et le dit-Capitaine salua le duo d'une main leste et d'un oeuil rieur. Puis se levant du muret sur lequel ils s'étaient assis, il se prépara à reprendre sa route là où il l'avait laissée.
Quand soudainement son oeil fut attiré par la silhouette mature qui sortait en dernière de la salle de classe. La Professeure. Un très jolie brin de femme à la beauté cristalline, cheveux blonds, peau pâle, deux grands topzes en guises d'yeux et une féminité mise en avant avec un savant mélange de savoir-faire et de retenu. Yuduar accusa le coup d'un haussement de sourcil surpris, voir si une jolie femme n'était pas donné chaque jour que dieu fait. Ne se laissant pas surprendre plus longtemps par la beauté sylphide de la demoiselle, le garde avança d'un pas sûr et droit pour continuer sa route. Mais au moment où le Capitaine passa prêt de la foule d'élève, son regard croisa celui de l'enseignante. Son pas ralentit à en frôler l'arrêt.
"Mademoiselle." salua t-il d'un mouvement de tête poli.
D'un sourire sympathique et jovial, il était de situation de saluer une dame sans l'ignorer comme la première roturière venue. La femme dégageait une agréable douceur. Une douceur elle aussi en adéquation avec la saison.
feat. Yuduar Al Rakija
Cela faisait longtemps qu’Arya n’avait pas eu à s’occuper d’une vraie classe. Lorsqu’elle avait commencé à vouloir devenir enseignante, elle avait à plusieurs reprises essayé de s’installer comme professeure dans des toutes petites écoles autour de la capitale, mais elle avait finalement abandonné cette idée. La jeune femme avait découvert avec le temps qu’elle préférait nettement plus s’occuper d’un ou de deux élèves à la fois au maximum, pour pouvoir concentrer toute son attention sur ses élèves. C’est donc en toute logique qu’elle avait hésité en entendant dire que la garde avait besoin d’une institutrice régulière pour des nouvelles recrues, cependant elle avait trouvé cela noble de vouloir éduquer ces jeunes gens qui n’avaient pas tous eu la chance d’avoir accès à une éducation basique dans leur vie d’avant. De plus, tous les professeurs de la ville étaient déjà surchargés de travail. La cause étant noble, elle avait finalement accepté d’être de la partie.
Le principal problème qu’elle avait rencontré pour cette tâche, c’était bien la garde elle-même. Peut-être que le sujet les tenait à coeur, mais ils se gardaient bien de le montrer : elle avait du batailler pour réussir à parler à un responsable, qui lui avait finalement donné ses consignes en un temps record, occupé à faire mille autre choses en même temps. La jeune femme avait passé des semaines à lui courir après ne serait-ce que pour placer le premier cours. Ce manque d’organisation avait mis en rage Arya, qui s’était promis de faire remonter tous les problèmes d’organisation à un supérieur dès qu’elle en aurait l’occasion.
Après ce premier épisode assez complexe, le même soucis intervenait à nouveau chaque semaine : le cours était bien censé être hebdomadaire, mais changeait presque constamment de jour et d’heure plusieurs fois par mois. Les recrues étaient débordées et arrivaient souvent fatiguées en cours et les garder concentrés pendant deux heures relevait souvent de l’exploit. Les faire progresser était donc une tâche ardue, à laquelle devait s’atteler Arya sans discuter. Ses plaintes ne remontaient jamais aux gradés. En d’autres termes, on la laissait patauger.
Mais cette fois, ça n’allait pas se passer comme ça. A nouveau, la fin de l’heure sonnait au loin, et les élèves étaient déjà sortis en courant de la salle de classe. Arya soupira, en rangeant ses affaires, lorsqu’elle vit un garde, portant encore vaguement son armure, passer devant la porte. Cela n’avait rien de très étonnant vu l’endroit où elle se trouvait, mais elle pouvait reconnaître cette carrure, cette tignasse brune et cette barbe abondante. Son regard se fixa rapidement sur le grade qu’il arborait sur sa poitrine. Maintenant elle en était sûre, c’était bien lui qu’elle essayait d’atteindre depuis plusieurs semaines. Sans attendre une seconde, elle s’approcha de lui d’un pas rapide, un grand sourire sur le visage, bien entendu destiné à attirer l’attention du capitaine sur elle. Elle jouait de cette aura qui l’entourait, et vint se poster devant celui qui allait régler tous ses problèmes, ou tout du moins, tous devoir les entendre.
« Capitaine Al Rakija ! C’est un véritable plaisir que vous soyez venu vérifier comment se porte l’éducation de vos jeunes recrues ! »
La jeune femme se doutait parfaitement qu’il n’était pas là pour ça, se questionnant cependant sur la raison de sa présence devant sa salle de cours, mais elle se garda bien de lui demander. La professeure avait bien d’autres soucis en tête pour le moment. C’est pourquoi, elle ajouta, avec une voix qui se voulait douce :
« Vous savez, je suis heureuse de vous croiser... Les problèmes du Capitaine ne faisaient que commencer, et elle ne le laisserait pas repartir de sitôt. Je voulais vous parler de plusieurs choses, mais ça ne vous prendra pas plus de quelques minutes je vous assure ! Mentit-elle. Que diriez-vous de venir vous installer, que nous puissions en discuter tranquillement. Vous voulez un thé, peut-être ?
Arya ne lui avait pas laissé le temps de répondre, se retournant déjà pour aller préparer de l’eau chaude. Depuis le temps qu’elle se battait avec l’administration, elle avait bien compris qu’il fallait appliquer quelques stratagèmes bien réfléchis pour obtenir ce qu’elle voulait. Ainsi, la jeune femme revint devant lui et posa une main délicate sur son épaule et, telle une sirène, tout en plongeant ses yeux d’un bleu profond dans ceux de son interlocuteur, elle l'attira doucement vers l’intérieur de la salle, lentement, avant de fermer la porte derrière lui en rompant ce contact.
« Je vous en prie, prenez place ! Ce ne sont pas les chaises qui manquent ! »
Vu la détermination de la jeune femme, il pouvait s’estimer heureux qu’elle n’ait pas tourné la clé dans la serrure.
"Et bien, oui, très bien, c'est que, oui, je, voila, je vous suit oui... j'imagine."
Le capitaine entra dans la salle de classe, modeste lieu d'apprentissage aux tables vieillies par le temps et les générations de recrue qui se sont succédé sur ces sommaires chaises en bois. La jeune femme, d'une beauté face à laquelle il était difficile d'être pleinement indifférent, s'affaira à préparer un thé aux senteurs boisées et fruitées. Le contact qu'elle avait eu à son encontre avait sut déclencher les quelques rires sournois des élèves encore présents devant la classe, notamment celui de Diego qui ne s'empêcha pas d'être sonore pour souligner la gêne de son parrain. Lorsque l'adulte se retourna vers l'enfant, ce dernier haussa des sourcils d'un air chenapan, sale gosse qu'il était. En ce qui concerne Yuduar ce contact avait, comme souvent, suffit à créer une raideur nerveuse au niveau de l'épaule qui avait été accompagnée par la douce main de la demoiselle. Il s'était habitué à cette réaction de défense naturelle, notamment pour éviter de donner suite à un geste brusque dont le but est de se défaire d'une telle intrusion. Bien que d'une nature tactile quand il se décidait à s'ouvrir, le garde avait encore du mal avec les personnes qui s'invitaient d'eux mêmes à engager un contact si direct. Qui plus est lorsqu'il s'agissait d'une femme. La seule qui pouvait le toucher sans avoir à craindre la raideur de ses muscles nerveux n'était désormais plus là pour le faire.
Chassant ce mauvais esprit en clignant des yeux avec insistance comme pour rajuster sa vue, Yuduar soupira avec un sourire aux lèvres et alla s'asseoir sur le bord d'une table à sa portée.
"Et bien... Tout cela n'était pas dans mes plans pour ma fin de journée." entama le Capitaine avec une voix aux sonorités amusées "Mais j'imagine que je peux vous accorder quelques instants, mademoiselle..."
La question en suspend, il dirigea son regard aux reflets d'ambre vers la belle blonde qui l'avait embarqué là d'une main directrice qui n'acceptait pas la négociation. "Au moins elle ne semble pas manquer de caractère." se dit-il pour lui même, savourant le retour du calme après une entrée en matière si direct.
feat. Yuduar Al Rakija
« Bien sûr, je nous voudrais pas être la raison d’un retard sur votre journée qui doit déjà être si chargée ! »
A nouveau, un mensonge. Si elle devait l’attacher à un pied de chaise pour qu’il écoute ce qu’elle avait à dire, elle n’hésiterait pas une seule seconde. Arya se retenait d’ailleurs d’afficher un petit sourire victorieux, consciente qu’elle avait mené parfaitement son petit jeu. Mais il ne fallait pas crier victoire trop vite, le Capitaine n’était pas au bout de ses peines, car elle avait bien l’intention de lui dresser une liste non exhaustive de choses à revoir. Puisqu’elle voyait bien qu’il la regardait depuis auparavant, elle détacha ses cheveux et les laissa tomber en cascade sur ses épaules, avant de se retourner vers lui à nouveau. La professeure n’allait rien laisser au hasard et ne se refuserait rien pour gagner cette guerre qui ne faisait que commencer. D’une voix toujours aussi douce, bien que ferme, elle commença son monologue :
« Comme je vous l’ai dit, cela fait quelques temps que je cherche à vous parler. Vous devez bien comprendre pourquoi en voyant l’état de la classe dans laquelle je travaille. »
D’un geste un peu théâtral, elle fit un signe de la main pour englober l’espace qui l’entourait. Arya avait connu pires conditions de travail, là n’était pas la question, mais voilà : les tables étaient vieilles, les chaises aussi – d’ailleurs, une avait cassé la semaine dernière, probablement car l’élève en question avait cru bon de s’appuyer sur les pieds à l’arrière de celle-ci en se balançant –, les livres manquaient, bref. Ca ne lui convenait pas, et puis elle était exigeante quand il s’agissait de faire son travail. Elle commença donc à décrire tous ses soucis :
« Il nous manque du matériel, l’état de celui-ci est à revoir. Monsieur Al Rakija, vous comprenez bien que je ne peux pas laisser les enfants avoir cours dans ce genre de salles. » lui glissa-t-elle en soupirant.
Ah, s’il fallait le prendre par les sentiments, il était sûr qu’Arya n’allait pas s’en priver. L’enseignante savait parfaitement que les jeunes élèves se fichaient bien de si leur table était un peu griffonnée ou non, mais elle enrageait tellement contre l’administration défaillante qu’elle aurait été prête à leur faire rattacher tout un local à neuf pour pouvoir exercer dans un confort maximal.
Le thé étant prêt, elle installa une chaise à côté de son bureau à l’intention de sa victime puis s’installa à sa place habituelle. D’un œil extérieur, cela ressemblait au choix à une réunion parent-professeur, ou bien à un élève qui allait devoir répondre de ses mauvais agissements. Dans l’esprit d’Arya, c’était un peu des deux. Il n’était probablement pas en charge de ce programme, mais il était sa meilleure chance que quelque chose bouge enfin. Elle posa sa tasse devant lui et vint chercher son attention à nouveau, plongeant son regard dans le sien une nouvelle fois. A vrai dire, elle détestait regarder les gens dans les yeux trop longtemps, mais c’était un moyen de pression vieux comme le monde.
« Et puis, il y a les horaires… Je ne peux pas me permettre une telle fluctuation dans mon emploi du temps toutes les semaines... » ajouta-t-elle d’un ton presque suppliant. Ah, elle jouait bien la jeune demoiselle en détresse, c’est sûr.
"Ma foi, on a connu pire comme classe..."
Il garda, une nouvelle fois, ses réflexions pour lui pour laisser la part belle aux revendications de l’institutrice. Visiblement le sujet lui tenait à coeur et s'il en étonna presque de ne pas la voir dégainer l'un de ces cale-pins qui accompagne souvent les bureaucrates de la Commission. Elle se serait entendue à merveille avec eux, quoique au vue de son caractère les fonctionnaires de la Garde n'aurait surement pas fait longs feux entre les griffes de la charmante blonde.
Tout en l'écoutant parler il se leva de son coin de table en faisant promener son regard dans la salle. Il est vrai que l'espace pouvait sembler austère et minimaliste sous bien des aspects, un style assez courant au sein de la Garde. Tables, chaises, meubles, rangements, tout avait ce côté basique et rustique, le pratique avant le superficiel, un aspect aussi bourru que la mentalité parfois poussiéreuse des hauts dignitaires de la Caserne. Un côté qui pouvait aussi faire le charme intemporel de l'académie militaire, chacun y voyais midi à sa porte sur le sujet.
Quand il approcha du bureau où se trouvait la belle blonde, bureau qui était dans le même style d'ascète que le reste de la pièce, Yuduar tomba directement sur les yeux turquoises de la demoiselle. Son visage de porcelaine, encadré par ses cheveux blonds désormais libérés, contrastait terriblement avec cette verve revendicatrice qui l'animait actuellement; les deux facettes d'une même pièce ainsi présente en une union qui ne manquait pas de charme. Avec sa flegme naturelle, Yuduar s'assit sur une chaise proche et attrapa sa tasse de thé. D'un geste familier, ses avants-bras installés sur le rebords du bureau, il enserra la tasse de ses mains caleuses de militaire. Il sirota une gorgée du délicieux liquide, se remis dans la même position comme si il devait veiller sur un feux de camp toute la nuit puis reporta son attention sur l'enseignante.
"Et bien... J'entends oui. Il est vrai que notre matériel ou nos locaux ne sont plus de primes jeunesses mais hélas je ne sais pas si mon influence sera suffisante pour rajouter l'éclat nécessaire à cette classe." sa voix, chaude et sympathique, fut accompagnée d'un sourire franc et désolé "Tout comme pour vos emplois du temps, ce ne sont pas des choses qui tombent dans ma juridiction ou mes responsabilités voyez vous, je suis un Garde de terrain, ces requêtes, aussi légitimes soient-elles, seraient plus à adresser à la Commission de la Garde directement." enchaina t-il avec la même sincérité. Il laissa un temps et sirota une gorgée avant de continuer "Après mademoiselle, je vous l'accorde d'avance que nos gars de la Commission ne sont pas des plus vifs, je ne porte pas l'administration dans mon coeur et ma foi... je crois bien que c'est réciproque à vrai dire."
Son sourire et son air jovial se muèrent en rire léger. Ce n'était pas qu'il ne voulait pas l'aider ou n'entendait pas ses suppliques mais qu'il préférait être totalement sincère et ouvert face à l'engagement de la professeure. Certes il était Capitaine et pouvait de fait, se permettre d'aller tambouriner aux portes avec un air impérial pour que les gens se remuent avec plus de vivacité. Mais rien que d'imaginer la tête du fonctionnaire qui allait recevoir une plainte du Capitaine Al Rakija concernant l'état vétuste des salles de classes... cela aurait de quoi faire rire une salle de garde entière à vrai dire.
feat. Yuduar Al Rakija
Au moins, il semblait intéressé par ce que l’enseignante lui disait. Elle avait même pris un peu plus confiance en soi – ce dont elle ne manquait pas vraiment en ce moment-même – en le voyant faire quelques tours dans la classe vide à en faire peur la professeure. Il semblait analyser la situation et c’était avec toujours la même ferveur qu’Arya débitait son flot de paroles, tantôt avec passion ou bien avec douceur, tentant plus de le persuader de sa bonne cause que de le convaincre du bien fondé de sa complainte. On aurait pu dire que les méthodes de la jeune femme n’étaient pas convenables : jouer de ses charmes n’était pas une manière de procéder digne d’une dame, mais ça l’était pour quelqu’un qui savait parfaitement ce qu’il voulait et elle n’avait aucun doute sur cela.
Prête à partir sur une nouvelle liste de choses à améliorer dans son cadre de travail, elle fut coupée par l’intervention de son interlocuteur qui sembla là bien pressé de lui raconter qu’il ne pouvait rien pour elle. Elle laissa paraître une petite moue bougonne, réalisant qu’elle ne s’était peut-être pas adressée à la bonne personne. Arya ne lui en tenait pas rigueur, le pauvre n’avait clairement pas la possibilité de l’aider, cependant elle se pencha encore un peu plus, et ajouta sur un ton doucereux :
« Capitaine, je suis persuadée que vous pouvez faire quelque chose pour m’aider dans cette situation délicate… La Commission reste sourde à mes revendications, vous seul pouvez faire bouger les choses pour moi à présent... »
La place du héros, voilà ce qu’elle lui offrait sur un plateau d’argent. Aider la belle jeune femme auxquels les plus hauts de la garde refusaient un peu d’aide. Son but n’étant pas de lui donner de faux espoirs sur une possible « récompense » qu’elle aurait pour lui si elle l’aidait, elle calma un peu cette approche presque séductrice qu’elle avait eu auparavant, cependant elle reprit d’un ton un peu plus posé :
« Je doute que l’administration porte ce projet à bien. »
La jeune professeure était réaliste sur sa situation : Il était clair qu’éduquer ces élèves n’était pas la priorité de la Garde. Ils devaient apprendre le maniement des armes, la politique intérieure du royaume, les lois qui le régissaient, la façon de s’adresser aux gradés… Tout semblait bien plus important qu’avoir les bases en lettre. Ils n’avaient pas besoin d’être bon en écriture, la lecture aurait pu suffire pour certains d’entre eux. Arya en était désolée, elle savait bien que la raison de ce grand programme était purement politique : faisons plaisir aux nobles qui gèrent l’éducation, pour faire plaisir au roi, qui n’en avait probablement que faire, du moins dans l’esprit de la jeune femme. Elle soupira et rajouta, en supposant la classe sociale de son partenaire :
« Je vous demande un simple service, de citoyenne à citoyen. »
L'enjeu demandé était clair, elle voulait que Yuduar soit ce héraut de justice qui irait plaider sa cause et ainsi lui permettre d'obtenir un meilleur environnement de travail. La finalité était tout à fait louable mais hélas le Capitaine n'était pas particulièrement doué pour incarner un porte-parole de l'ordre et de l'organisation. Un rictus crispé lui figea le visage au fil de son hésitation et il se gratta machinalement l'arrière du crâne pour tenter d'envisager les moyens en sa possession.
"Ma foi, ça ne coûte rien d'essayer n'est-ce pas?" annonça le Capitaine sans être complètement sûr de lui "Je pourrais sans soucis rapporter qu'une enseignante se plaint des conditions de travail, peut-être que de voir un Capitaine passer le message suffira à leur donner de l'élan." reposant sa main sur le bureau il repris une gorgée de thé "Mais je préfère être franc avec vous, je ne vous promet pas monts et merveilles pour les jours à venir, il y aura surement quelques semaines de délais."
Il plongea ses yeux dans ceux de son interlocutrice avec un air sérieux et direct, il ne tenait pas à lui faire miroiter quoique ce soit mais un détour et un petit haussement de ton aux gars de la Commission ne ferait de mal à personne. Eux qui ont un éternel amour pour pinailler avec les dossiers du Capitaine, il ne se privera pas de leur rappeler que eux aussi ont visiblement tendance à bâcler certains aspects de leur travail.
"Est-ce que vous auriez des demandes précises peut-être? Si ce n'est des livres plus frais et des fournitures qui tiennent la route?"
La question était sincère, tant qu'a faire autant noter tout ce qu'il y avait à noter et faire les choses en grand. Et puis plus il aura de détail et plus il pourra se permettre d'appuyer là où ça fait mal. Il sentais d'avance que ce rôle qu'il allait prendre pour allé taquiner la Commission allait lui couter cher dans les mois à venir. Mais pour une fois qu'il avais l'occasion de le faire sans avoir à prêcher pour sa paroisse, attitude pour laquelle il était souvent blâmé, il n'allait pas se priver de ce petit tacle gratuit.
feat. Yuduar Al Rakija
Le visage de l’institutrice s’illumina en entendant les dires du Capitaine Al Rakija. Alors il allait plaider sa cause ! Elle ne put retenir un sourire de fierté, suivi d’un soupir de soulagement. Peut-être que sa situation allait enfin évoluer, du moins elle l’espérait avec beaucoup plus de confiance à présent. Oui, quelques semaines de délais, c’était sans compter sur la voix insistante de cette dernière, qui pourrait aisément se servir du fait qu’on leur a déjà remonté les bretelles une première fois pour faire bouger les choses dans cette administration récalcitrante. Ah, elle était submergée d’un doux sentiment de triomphe qui la rendait d’autant plus éclatante aux yeux de son partenaire, et elle répondit à son regard par un rire satisfait, bien qu’en gardant son sérieux elle aussi.
Une liste de tout ce qu’elle avait à reprocher à ces traîne-la-patte, ça oui, elle pouvait le faire. Sans attendre plus longtemps, elle se leva et alla chercher une feuille et un crayon, puis petit à petit des cahiers, sur lesquels elle avait déjà noté le matériel manquant et les soucis qu’elle avait rencontré, se mirent à virevolter autour d’elle. Après tout, l’écriture était un art dont elle avait le secret, son pouvoir s’exécutait donc tout aussi simplement que lorsqu’elle peignait : heureusement pour elle d’ailleurs, car il était d’autant plus simple pour elle de mettre en place de nouvelles leçons pour ses élèves, ou d’écrire des choses au tableau tout en allant aider une des jeunes recrues lors d’un exercice. Ce pouvoir lui était bien pratique, oui. Elle revint s’asseoir à son bureau, toute joyeuse, et les divers bloc-notes vinrent se placer en éventail face à elle. La jeune femme ne pensait pas que son pouvoir puisse effrayer ni même étonner son interlocuteur : La télékinésie n’était pas forcément chose rare dans le royaume, elle avait déjà rencontré certains de ses pairs.
Elle lâcha des mains la feuille qui vint se figer dans les airs face à elle, et commença à dicter, son crayon à papier transcrivant ses paroles.
« Bien entendu, il y a le matériel manquant. Je parle des craies, des stylos, des livres… Et puis, il nous faudrait avoir plus facilement accès à la bibliothèque ! Rien que la semaine dernière, on m’a refusé l’entrée à l’arrière de celle-ci car le papier qu’on m’avait fourni n’était pas le bon ! »
Elle ne s’arrêtait pas. La professeure était tellement concentrée sur son discours qu’elle en oubliait presque qu’elle s’adressait à un gradé. Dans d’autres circonstances, son comportement aurait été encore plus droit qu’il ne l’était à l’instant.
« Et puis, les meubles ne sont pas assez récents. Les élèves ont mal au dos, ils m’ont rapporté que cela les gênait ensuite pendant leurs entraînements pratiques. »
Plus exactement, un élève s’était une fois plaint du manque de confort des chaises en blaguant sur le fait qu’il ne pourrait pas participer au cours de maniement des armes qui s’en suivait, mais elle n’allait pas se priver de faire jouer cela pour obtenir gain de cause.
« Et comme je vous le disais, il faut que l’horaire des classes soit fixe. Elle peut changer une semaine sur deux, mais qu’on me prévienne au moins bien en avance et pas juste quelques jours auparavant... »
Arya se tourna vers son nouveau justicier, les livres se décalant enfin pour qu’ils puissent se voir convenablement. Son ton avait beau être ferme, elle s’en voulait un peu de l’exclure ainsi du débat, bien qu’il ne puisse pas avoir grand-chose à y redire. C’est donc avec un sourire franc qu’elle s’adressa à lui à nouveau :
« Je vous suis vraiment reconnaissante, pour avoir pris ma requête au sérieux. Je suis désolée de m’emporter ainsi, je profite peut-être un peu trop d’être écoutée... »
Ses mots laissaient résonner en eux son jeune âge, contrastant avec les responsabilités qu’elle devait parfois prendre dans son métier. Cela ne la gênait pas, mais elle réalisait parfois qu’on ne la pensait pas assez mature pour prendre en considération ce qu’elle avait à dire sur le programme dans lequel elle s’était inscrite malgré elle. Cependant, elle était animée par sa cause et par des valeurs profondes, celles de donner un meilleur avenir, de meilleures chances, aux plus jeunes et plus démunis du royaume. Sa récompense, quand elle n’était pas monétaire, était le plus souvent le sourire apporté aux parents et la joie d’un enfant de découvrir qu’il peut plus qu’on ne lui en a donné l’impression jusque là. Elle s’appuya doucement contre le dossier de sa chaise.
« Si vous me permettez de continuer... »
Elle énonça donc d’autres points : la fatigue des élèves à cause des cours mal placés, l’impossibilité – bien entendu – d’avoir un quelconque contact avec des gens capable de l’aider, l’absence de reconnaissance de la part de la Garde…
Quand elle eut enfin fini, ses livres se posèrent d’eux-même et il ne resta que la liste, bien remplie à présent, qui tomba délicatement sur la table, face à Yuduar. Arya ajouta qu’elle pensait que tout y était. Cela l’avait un peu fatigué, et elle guettait timidement la réaction du Capitaine. Allait-il tenir son engagement ?
C'est au rythme de ces notes volatiles que les idées fusèrent sans s'arrêter. Il y en avait de toutes sortes et pour tout le monde, à suivre son programme au pied de la lettre il aurait pus croire à une véritable réforme digne d'être appliquée par un Ministre. Un office qu'elle aurait pus remplir avec brio à vrai dire, le doute n'était pas de mise dans cette analyse. Qu'on donne du pouvoir à un citoyen au coeur ainsi animé et la face du Royaume pourrait s'en retrouver transformée pour des générations entières. Homme du peuple lui aussi, il en pouvait qu'admirer un tel engagement qui ne laissait pas l'hésitation s'immiscer au moindre instant. Très vite, Yuduar ne pus à peine apercevoir son interlocutrice qui se retrouva littéralement submergée par les notes qui prenaient vie autour d'elle. Un mur de paperasse, comble des cauchemars, les séparaient alors que le monologue de la jeune femme continuait à découler de manière ininterrompu. Prenant ce temps pour réfléchir un instant à la portée d'une telle entrevue, il en alla jusqu'à se demander si une telle requête ne méritait pas d'être transmise directement à sa Ministre. Anastasya, sous ses dehors superficiels, ne saurais rester de marbre à voir l'une de ses pairs ainsi investie pour la jeunesse de la Garde. D'une gratte papier à une autre, les deux femmes pourraient former un duo des plus terribles.
La belle marqua un arrêt et décala ses livres pour montrer un minois presque penaud d'une telle ferveur. Un sourire éclatant de la part de Yuduar fut la première réponse muette qu'il eut à donner.
"Mais non faites, faites! Vous m'avez l'air d'avoir la situation tout à fait en main!"
Il ne voulait certainement pas l'arrêter. Encore ébahi de l'intensité avec laquelle elle menait sa cause, Yuduar respectait bien trop les gens de ce genre pour oser interrompre une danse pareille. Et puis sa magie était agréable à regarder, elle le faisait rêver de pouvoir traiter le moindre dossier avec une telle nonchalance. Non pas qu'il aurait aimé recruter la demoiselle pour faire d'elle une simple secrétaire, il ne se serait pas permis un tel affront face à la puissance dégagée par l'instant présent. Mais il aurait donné cher pour avoir quelqu'un de la sorte à ses côtés lors de ses longues journées d'interminables comptes-rendus.
Mais toutes les bonnes choses ont une fin et après ce déluge de document, tout retrouva sa place dans une parfaite harmonie organisée, prêt à être transmis aux intéressés de l'administration. Yuduar ne se peina même pas à demander si l'ordre avait été réfléchi, il se doutait d'avance que c'était d'ores et déjà le cas et que chaque recommandations devaient être savamment classée pour tel ou tel pôle d'intérêt.
"Mademoiselle, vous avez eu ma curiosité puis mon intérêt mais là vous avez ma surprise des plus totales!" s'esclaffa le gradé avec toujours ce même sourire gamin aux lèvres. "Votre magie c'était quelque chose, rien que pour un tel spectacle je ne regrette pas de m'être assis à votre bureau!" une nouvelle fois il ria de bon coeur avec cette jovialité communicative qu'on lui connaissait bien. Ses yeux brillaient encore et ce devait être l'une des rares fois où il posa le regard sur une telle pile de document sans que ces derniers ne lui inspirent que du dégout. Il termina son thé d'une longue lampée satisfaite puis reposa délicatement la tasse. "Avec tout ça, je sens que plus d'un gaillard de la Commission vas pâlir devant le travail. Je vous avoue que je n'étais pas serein au début mais vous avez sut me conquérir avec votre fougue. Les jeunes de l'académie ont de la chance d'avoir une professeure comme vous, vraiment. Ils devraient en prendre de la graine!" Yuduar regarda la pile de notes et posa sa main sur le sommet pour en apprécier l'épaisseur. Ils allaient avoir de quoi faire les cols-blancs, parole de Al Rakija! Il retourna son attention à l'enseignante pour conclure "Je tâcherais de venir vous voir à l'occasion pour vérifier l'avancement de ce projet. Et en profiter pour vous voler une tasse de ce délicieux thé!"
Jugeant la pile d'un oeil plein de malice, il était comme un gamin à deux doigts de préparer une énième farce sauf que cette fois la farce était en question se mesurait à une bataille d'adulte. Il savait l'importance que tout cela avait pour la jeune femme mais tout cela lui donnait envie de rire. Non pas qu'il trouvait tout cela ridicule, loin de là même, mais il voyait en ces dossiers une puissante arme propre à pourfendre ce démon qu'est l'administration, une lance d'ordre transperçant le cuir centenaire d'un dragon ancien et revêche, un pied de nez à ses ennemis enfouis dans leurs grands bureaux. Un vrai gosse. Au milieu de son imaginaire prolixe, un détail le frappa comme la foudre. Ses yeux noisettes allèrent trouver les saphirs de l'amazone des lettres, son sourire toujours aussi rieur et taquin:
"Mais au fait, vous ne m'avez pas donné votre nom?"
feat. Yuduar Al Rakija
Elle n’était pas peu fière de son pouvoir et, si elle était croyante, elle remercierait Lucy tous les jours pour avoir obtenu un tel don lui permettant d’exercer les deux métiers chers à son cœur avec une telle facilité.
« Votre magie c'était quelque chose, rien que pour un tel spectacle je ne regrette pas de m'être assis à votre bureau !
- Je ne vous ai pas trop donné le choix, » avoua-t-elle en riant elle aussi de bon cœur.
Elle commençait presque à s’en vouloir d’avoir traîné quelqu’un d’aussi sympathique dans ses magouilles, mais il semblait plutôt joyeux de pouvoir aller mettre cette liste sous le nez des membres de l’administration. Au moins cela signifiait pour Arya qu’il n’allait pas la laisser tomber, et elle soupira de soulagement. D’un seul coup, la fatigue la pris à nouveau. Non pas que son pouvoir ait été la cause d’un surmenage magique, heureusement pour elle, la jeune femme n’avait jamais expérimenté ces baisses d’énergie que d’autres avaient en utilisant leur capacité innée, cependant elle avait le sentiment qu’un épisode de ce grand combat se terminait, pour probablement laisser place à un nouveau dans plusieurs semaines. Elle ne se faisait pas d’illusion sur le fait que ça ne se terminerait pas de sitôt.
Arya était plus que reconnaissante à l’égard du Capitaine Al Rakija. Il avait l’air un peu différent de ses pairs, mais il portait tout de même sur lui l’aura des gardes : un peu rustres mais droits à leur manière. Qu’il se soit montré aussi à l’écoute avec elle n’était pas quelque chose que la professeure allait oublier si facilement, et c’est avec un grand plaisir qu’elle lui répondit qu’elle serait ravie qu’il lui rende visite à nouveau pour s’informer de l’état de leur petite opération. Après tout, elle ne dirait pas non à un peu de compagnie dans cet endroit si différent de ce dont elle avait l’habitude.
Elle rougit à la question de son interlocuteur. Son nom. Quelle idiote, emportée par sa fougue, elle avait oublié de lui donner son nom ! Il n’allait pas pouvoir faire grand-chose sans cette information capitale ! Pourtant ça ne lui ressemblait pas, elle faisait toujours attention à bien se présenter, surtout devant les gens de grande importance. La situation semblait l’amuser tandis qu’elle était un peu mal à l’aise.
« Arya Evergarden. Vous pouvez m’appeler Arya, même les élèves ne m’appellent que par mon prénom. »
Elle attacha à nouveau ses cheveux, dans un tic presque enfantin, hésitant un peu sur la formulation de sa question, avant de se lancer maladroitement.
« Et vous, Capitaine Al Rakija ? Comment préférez-vous que je vous nomme ?»
Arya se sentait un peu confuse à l’idée de l’appeler encore une fois par son titre. Même si elle l’avait déjà fait auparavant, c’était pour gagner son attention. A présent, il lui semblait bien futile de faire preuve d’autant de respect envers un homme avec lequel il était aussi simple de converser. L’appeler « monsieur » lui donnait là l’impression de le vieillir et elle n’aurait pas osé utiliser une telle formule de politesse envers lui, bien qu’il soit probablement son aîné d’une dizaine d’années environ.
Elle se leva et emmena les tasses vides dans un seau dans un coin de la pièce. Revenant vers lui, elle resta un moment interdite, puis fit un nouveau pas en avant et lui adressa un sourire reconnaissant.
« Je vous remercie vraiment pour tout, lui dit-elle avec franchise. Si je peux faire quoi que ce soit pour vous exprimer ma gratitude – en plus de vous inviter à boire un thé –, faîtes le moi savoir, » ajouta-t-elle avec un petit rire. Elle se sentait un peu penaude de ne rien pouvoir lui proposer d’équivalent à l’aide qu’il allait lui apporter.
La professeure le guida jusqu’à la porte de la classe, l’ouvrant pour lui. Les élèves qui écoutaient aux portes plus tôt étaient tous partis et la journée touchait à sa fin. Arya était lasse mais rassurée par la tournure des événements. Tournée vers son nouveau héros, elle s’arrêta une seconde pour lui adresser un clin d’œil complice, puisqu’ils l’étaient à présent, puis lui lança joyeusement : « A bientôt, alors ! » Espérant sincèrement qu’il revienne la voir un jour ou l’autre.
La réponse avait semblé tout à fait naturelle pour le Capitaine qui gratifia Arya d'un grand sourire. Les cheveux rattachés, une mine presque basse par rapport à sa précédente démonstration d'énergie, la jeune fille semblait se réveiller d'une transe guerrière qui l'avais jusque lors animée jours et nuits. Yuduar avait du mal à lui donner un âge précis, sa beauté semblait intemporelle et sa jeunesse apparente entrait en conflit avec la force et l'engagement qu'elle montrait à travers ses responsabilités. Plus jeune que lui de quelques années, pour sûr, mais d'une maturité certaine. Tout en la regardant s'affairer à débarrasser le bureau des tasses et des soucoupes, le garde attrapa les dossiers à l'attention de ses confrères de la commission, une lourde tâche l'attendait, surement aussi lourde que les notes de la professeure à l'instant présent. Elle n'avait pas lésiné sur les recommandations et intérieurement le Capitaine espéra pour elle que la plupart de ses idées soient retenus. Rares étaient les personnes prête à mener une telle croisade face à la Commission au sein de la Garde, de voir pareil combat mené par une demoiselle qui n'était même pas affiliée directement à la dite garde rendait le duel encore plus exotique.
Tout en se faisant raccompagner d'une humeur sautillante jusqu'à la porte, les dossiers en mains, Yuduar riait de bons coeur à l'attitude charmante de la professeure. Elle semblait presque gênée de le voir ainsi tout sourire, l'esprit léger. C'était tout à son habitude mais ce n'était pas la première fois qu'une personne hésitait quant à savoir sur quel pied danser face à la bonhomie du Capitaine, une situation qui n'en était qu'encore plus drôle quand il devais faire face à quelques recrues aux sourcils perpétuellement froncés de sérieux. Le Capitaine avait appris, souvent à ses dépends, que le sourire était une arme et une magie dont chaque citoyen du Royaume disposait naturellement. Et a défaut de pouvoir pourfendre l'acier des armures, une arme pareil pouvait éviter la guerre a l'origine de ces dites armure. Idéaliste, surement, mais un homme se doit d'avoir un idéal auquel il aspire pour se relever et voir la lumière là où, fut un temps, l'ombre régnait maitresse. Tout comme aujourd'hui Arya avait amenée la force son idéale à convertir un Capitaine à sa cause, par des mots, des rires et des sourires. Et si tout cela n'était que manipulation? Peut-être. Mais le Capitaine avait foi en l'Enseignante.
"Il n'y a pas de soucis Mademoiselle Evergarden, je transmettrais ces dossiers de bon coeur croyez moi! Je vous l'ai dit, la paperasse n'est pas mon fort mais, dans notre cas là, ça ne leur fera pas de mal de se faire remuer les plumes." déclara Yuduar avec sincérité sur le pas de la porte, face à l'enseignante. "En attendant que nos chemins se recroisent, que Lucy veille sur vous!" conclu t-il avant de se mettre en marche vers son bureau pour joindre le tout d'un billet portant son sceau de Capitaine. Mais à peine quelques pas plus tard, Yuduar se figea et se retourna vers Arya au moment où cette dernière allait fermer la porte. "Non. Prenez soin de vous Arya." son ton précédemment trop formel ne lui ressemblait pas, il ne tenait pas à la quitter sur une formulation si générique. "A bientôt!" puis repartant d'un rire dont le son commençait à devenir familier, Yuduar repris sa route là où il l'avait laissé.
Un simple détour avant de retrouver ses camarades en ville, un simple détour qui s'était avéré une rocambolesque aventure administrative!
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