Tu avais eu la chance de pouvoir jouer dans un festival se trouvant dans la ville aquatique; cette ville était l’un des meilleurs choix d’été en tourisme et c’était donc pour toi aussi l’occasion de te faire connaître par de nouvelles personnes. Tu avais déjà un grand nombre de fan dans les auberges du grand port et alentour, mais ton but était de monter à la capitale et y devenir célèbre, et tu étais décidé à y aller cet hiver. Pour cela, il fallait qu’on te connaisse un peu mieux, et quoi de mieux que des milliers de touristes venant profiter du festival de musique sous la mer !
Tu ne venais pas souvent dans ce lieu, en fait ça te rappelait bien trop la disparition de ta compagne, tu avais peur de la voir sous l’eau; ce serait affreux. Alors c’est bien pour ton avenir que tu étais ici aujourd’hui, bravant tes émotions.
Sur scène on t’avait préparé plusieurs instruments, tu avais quatre concerts à faire en trois jours, de quoi être sacrément épuisant. Tu avais préparé les sons que tu allais jouer, aujourd’hui ça serait plutôt rock pour le concert de midi et plutôt chansons aryonnaises pour le soir, afin d’enjouer les visiteurs qui seraient surement sous la gaîté des boissons alcoolisées. Le lendemain tu avais prévu de jouer au piano et chanter plutôt des slows et des balades pour les familles, et pour finir le dernier jour tu reviendrais sur du rock festif et ensoleillé.
Il te restait une petite heure une avant de rejoindre la scène alors tu en profitas pour faire un tour du festival et des nombreuses boutiques bordants les allées. Il y avait ici des milliers de personnes, plusieurs concerts en même temps, impossible de s’ennuyer dans ces lieux. Tu fis un tour dans la coupole de saphir, la vue était impressionnante; tu vis de nombreux poissons vivre leur quotidien, ne prêtant aucune attention aux regards des humains. On pouvait voir les rayons du soleil se faufiler dans l’eau et donner un joli spectacle de lumière. Tu essayais d’imaginer la vue ici la nuit et tous les poissons fluorescents, les algues et autres plantes qui devaient offrir un spectacle grandiose. Peut-être que tu devais faire la paix avec les fonds marins et venir plus souvent ici pour apprécier la beauté de la nature.
Après avoir passé de nombreuses minutes à apprécier la vue tout en sirotant ton thé aux bulles d’algues bleues sucré, tu remontas sur le lieu du festival et te préparas dans les loges se trouvant à l’arrière de la scène. Une jolie jeune femme te maquilla et te coiffa, tu n’avais pas l’habitude qu’on soigne ton apparence et tu demandas à ce qu’on laisse un peu tes cheveux en bataille, c’était plus dans ton image. Tu avais un rouge à lèvres flamboyant, tes yeux étaient maquillés d’un violet brillant et sombre, tes cheveux étaient en pagailles, tu portais une robe rouge qui avait un cœur noir en son centre, le tissu s’arrêtait au niveau de tes genoux, ou on pouvait découvrir quelques cicatrices sur tes longues et fines jambes.
Tu entendais la foule appeler ton nom, surement quelques fans qui étaient venu te suivre du grand port pour ne pas louper ta prestation. Avec un grand sourire tu passas le rideau et te plaças au centre de la scène. Tu étais belle comme une fleur, prête à te donner en spectacle pour ne pas qu’on n’oublie ta voix et ta gueule d’ange énervée.
Tu fis un petit discours, expliquant que tu ne venais pas souvent ici mais que c’était un honneur pour toi de participer à ce festival. Tes fans étaient en feu et hurlaient au bas de la scène, tu leur souris et fit un coucou de ta main avant de prendre place, guitare posée sur l’épaule. Tu commenças alors à gratter nerveusement l’instrument et de ta voix rauque tu commenças par “je suis une rose brisée”, de quoi mettre l’ambiance malgré la tristesse de ce son, qui parlait de combien tu étais brisée de la perte de ton amie.
- "*Quand j'étais dans les ténèbres hors du temps*
*Lèvres tremblantes*
*Je pleure dans un coin de ma chambre*
*Si je me débats, me débattre poignardera encore plus cette blessure*
*Cette promesse brisée me fait mal*
*Personne ne peut me sauver*
*Lucy je ne demande qu'une chose*
*C'est de stopper cet amour qui me déchire*
*J'ai besoin de ton amour, je suis une rose brisée.*
*Une tristesse déchirante, c'est ta chanson*
*Ma vie est seule et je n'ai nulle part où aller*
*J'ai besoin de ton amour. Je suis une rose brisée.*
*Oh bébé, sauve moi de cette douleur glacée*
*Avec ton sourire, tes yeux,*
*Et chante, juste pour moi*
*Je veux avoir besoin de ton amour..*
*Je suis une rose brisée*
*Je veux avoir besoin de ton amour...*
*Quand tu es avec moi en cet instant*
*Je cours après ton ombre*
*Pas lourds, je cours après toi, derrière, m'arrêtant*
*Si je m'arrête, le faire emmêlera encore plus cet amour*
*Embrasse moi, sans serrer et tendrement*
*Personne ne peut me sauver*
*Comme une rose brisée*
*Mes larmes veulent dormir paisiblement*
*J'ai besoin de ton amour. Je suis une rose brisée*
*Mon âme flétrit et meurt dans la tristesse*
*Je suis une petite fille, seule et effondrée*
*J'ai besoin de ton amour. Je suis une rose brisée.*
*Oh bébé, sauve moi de cette douleur glacée*
*Avec ton sourire, tes yeux,*
*Et chante, juste pour moi*
*Je veux avoir besoin de ton amour...*
*Je suis une rose brisée*
*Je veux avoir besoin de ton amour...*
*J'ai besoin de ton amour. Je suis une rose brisée.*
*Une tristesse déchirante, c'est ta chanson*
*Ma vie est seule et je n'ai nulle part où aller*
*J'ai besoin de ton amour. Je suis une rose brisée.*
*Oh bébé, sauve moi de cette douleur glacée*
*Avec ton sourire, tes yeux*
*Et chante, juste pour moi*
*Je veux avoir besoin de ton amour..*
*Je suis une rose brisée*
*Je veux avoir besoin de ton amour...*"
HRP : chanson orignale
https://www.youtube.com/watch?v=y_u_GkRtm-E
"Et voilà qu'elle reste plantée à la fenêtre... Oh que le monde est beau ! Oh le soleil ! Qui se lève comme absolument tous les autres jours de l'année ! Voilà que c'est à son poignet que je suis..."
Je souris incontrôlablement, la voix qui m'a coupé dans mes pensées, c'est celle d'Ariane, l'âme en question, que j'ai utilisée sur mon bracelet, en solides fils rouges. L'objet trône sur mon poignet et y est attaché mon pendentif à l'effigie de la lune. J'étais étonnée du répondant et du goût pour les mots de cette nouvelle âme au début. On m'avait prévenu pourtant, que c'était des âmes déjà développées, avec parfois une personnalité bien forgée. Enfin, je ne m'en plains pas, elle égaie un peu mes jours.
"Tu dis ça, mais au fond, je suis sûre que tu trouves le soleil agréable... Après tout, tu adores dire le contraire de ce que tu penses..."
Je souris et jette un oeil à mon poignet, où le bracelet se tortille dans une sorte de léger mécontentement.
"Puisque tu aimes taaaant le soleil... Peut-être que je devrais te laisser sous le soleil d'été aujourd'hui, sur le rebord de cette fenêtre...?"
Ce à quoi Ariane répond sans attente, d'une voix affolée et d'un dialecte rapide.
"Non.. Tu ne vas pas faire ça ! Arrête, tu rigoles j'espère ! Nari.. Nan arrêêête !
Le bracelet enlevé, elle s'est tue, comme si je venais de lui ôter la vie. Je jette un dernier coup d'oeil par la fenêtre, encore en robe de chambre, et les cheveux détachés.
"Qu'allons nous faire aujourd'hui ?"
La question ne se pose pas, je suis dans la cité aquatique dans l'espoir d'y trouver la fameuse Anna. J'ai un pincement au coeur en pensant à elle. C'est étrange, je ne connais que son nom. Et pourtant, des petites aiguilles jouent avec mon humeur. Peut-être qu'il s'agit tout simplement du passé qu'on m'a compté, qui me touche. Si pour moi, il s'agissait d'une histoire de naufrage, et de vie ou de mort, elle a perdu au moins quelqu'un qu'elle aimait, un minimum. De ce que ma mère m'a dit, on était très fusionnelles, et ça ne fait qu'augmenter la perte.
Entre temps, je me suis habillée, d'une chemise blanche, d'une jupe, et histoire de ne pas trop faire tâche dans la belle ville aquatique, j'ai mis mes boucles d'oreilles, dans le même fil rouge que mon bracelet et la corde qui tient ma lance dans mon dos. Ma lance est toujours entretenue parfaitement. J'aime m'en occuper chaque soir, comme un rituel, à la lumière de la lune, tout en priant. Je l'aiguise, la polie, et la nettoie. La lame est au fur et à mesure devenue comme un miroir. J'ai enfilé mes bottes et tout en me baladant en ville, à la recherche d'auberges, échoppes, informations, tracts, fiches, je me perd dans mes pensées.
C'est un exercice très étrange de penser à Anna. On était ensemble... Et pourtant il ne reste pas un seul souvenir. Rien qui puisse me permettre de la reconnaître physiquement. Quand ma mère m'a dit des choses à son propos, elle m'a fait une description rapide, de mémoire, et m'a intimé de ne pas m'inquiéter, que je la reconnaitrais au moment voulu. Qu'est-ce qu'elle voulait dire...? Parfois ma mère fait penser aux vieux sages des livres et contes. Ce n'est pas comme si l'amour allait par magie nous réunir. En parlant d'amour... Est-ce qu'elle m'aimerait toujours ? Et moi ? Je ne la connais pas, ou plus. Comment avoir des sentiments pour quelqu'un qu'on ne connaît plus ? Cela fait trois ans que j'ai disparu, elle a peut-être trouvé quelqu'un ? Enfin, c'est mieux comme ça. Je ne voudrais pas qu'elle éprouve de la peine par ma faute. Sans succès, autant dans l'espèce de jeu de pièces qui tentent de s'assembler dans mon esprit, que dans mes recherches, je finis par me poser à midi dans une taverne, me soulageant au passage de mon sac sans-fond, dans mon dos. Ariane n'a pas beaucoup parlé. Elle doit se rendre compte que je ne suis pas dans mes pensées pour rien. Je lui ai déjà tout raconté, après tout ce sera une compagne de vie, et j'espère, une amie. Le bracelet rouge s'agite tout de même à l'heure du repas, à mon poignet.
"Regarde là-bas, sur le mur, tu n'as pas dit qu'elle était musicienne ?"
J'ouvre grand les yeux, surprise. A cause de ma myopie, je dois m'approcher un peu pour voir. Il y a un festival ? Ce doit être ma meilleure piste ! Je finis mon plat en quelques bouchées très rapides, et dépose l'addition sans un mot, j'ai la bouche pleine. Sans courir, je me précipite dans la direction du festival. Je me disais bien qu'il y avait pas mal de monde en ville ! Je dois y aller ! Je commence à écouter autour de moi, à devenir presque paranoïaque, pensant entendre "Anna" par-ci et par-là. Je finis par courir pour arriver sur les lieux.
"Eh oh, du calme Nari ! Ne vas pas tomber dans les pommes d'affolement ! Ce n'est qu'une piste !
M'approchant rapidement d'une des scènes, je n'arrive pas à voir au delà de la foule. En revanche j'entends. Des paroles. Elle résonne étrangement avec moi. On utilise de la magie ? Non.. Je pense qu'il s'agit simplement de mes souvenirs... Le début me rappelle mon propre naufrage. J'étais perdue, et même sans souvenirs, je savais très bien que des potentielles connaissances pouvaient m'avoir perdu, et que je ne les retrouverai plus. Je me laisse porter par les paroles et la voie rauque, pourtant si agréable. En me faufilant dans la foule au fil des mots, je découvre l'histoire, et quand la chanteuse se met à parler d'amour, je ne peux pas m'empêcher de penser qu'Anna a peut-être vécu ça. Peut-être qu'elle s'est sentie seule. Peut-être qu'elle a été perdue, qu'elle m'a cherché, qu'elle s'est sentie seule, comme une petite fille, abandonnée, au fond de son âme... J'arrive finalement vers l'avant de la foule, et je l'aperçois. Elle est magnifique. Maquillée pour l'occasion, et pourtant, avec un style propre. Et elle anime le public. Je n'aurais peut-être pas été ici en temps normal, ni aurais-je eu ce type de pensées. Et pourtant, en cherchant quelqu'un, j'ai fini ici. Elle finit sa chanson et je prête doucement oreille à mes alentours. Pour finalement entendre le mot que j'ai cru entendre partout. Anna. Qui l'a dit ? C'est un mirage auditif ? Je m'imagine des choses ? Puis je me rends compte. Il n'y a pas qu'une seule personne qui dit ce nom, mais plusieurs, dans la foule. En direction de l'ange sur scène.
"Nari, je pense que c'est d'elle qu'ils parlent."
Hein ? Non, c'est pas possible... Comment je fais ? Je lui fais signe ? Je crie son nom ? J'attends la fin et tente de la trouver à la sortie, comme une sorte de fan parasitique, ou une harceleuse ? Argh ! Je commence à paniquer, et mon teint se fait doucement rouge, je le sais, le sang me monte à la tête lentement. Au final, pour arranger le tout, je vois son visage, et j'ai ce sentiment de déjà vu. Ce sentiment si particulier qu'on ressent parfois, qui nous crie que ça s'est déjà passé. Il ne s'agit en général que d'une illusion... Et pourtant ici... Et si c'était elle ? Il y a forcément d'autres Anna dans le monde que celle que je cherche. Mais... Et si ? Je m'avance dans la foule, mon coeur bat trop fort dans la foule, je n'entends plus rien, je sens juste mon coeur battre. Même les gens que je bouscule gentiment pour passer ne font que passer et disparaisse de mon esprit. Enfin arrivée devant, je lève le visage, inexplicablement une larme à l'oeil.
"Anna ?"
Je ne crie pas, mais je parle bien à haute voix. Entre les quelques cris, peut-être pourra-t-elle m'entendre ?
Les personnes au-devant de la scène hurlaient ton nom et cela te donnait une énergie incroyable, même si la chanson te mettait toujours dans un état particulier, c’était comme hurler ta détresse et recevoir le soutien entier du public; c’était comme une thérapie pour toi. Tu passais au son suivant lorsque tu reconnus une voix qui fit rater un battement à ton cœur. Tes yeux se déplacèrent instinctivement vers la personne qui venait de dire ton nom. Nari ?
Il se passa beaucoup de choses dans ton esprit avant que tu finisses par en conclure que ça ne pouvait pas être elle, c’était surement une farce d’une de tes anciennes fans qui connaissait Nari. Il y avait des potions puissantes pour prendre l’apparence de quelqu’un, ça ne pouvait être que ça. Alors tu lâchas un sourire même si au fond de toi il y avait une sorte de tristesse; c’était la pire blague qu’on pouvait te faire, venant d’un fan pendant un concert aussi important pour toi, c’était extrêmement déplacé. D’ailleurs, ce n’était surement pas un fan pour faire ça, mais quelqu’un qui voulait surement te briser.
Alors pour ne pas lui donner raison tu repris ton assurance et lanças ta deuxième chanson; tu enchaînas les suivantes sans t’arrêter, tu commençais à avoir mal à la gorge à te donner à fond. La foule était de plus en plus nombreuse, personne ne remarquait combien tu étais perturbée. Il ne restait maintenant que trois chansons avant la fin de ton concert. Tu fis un léger discours à ton public pour prendre une courte pose.
Arrivée dans les loges, tu pris une longue gorgée d’eau et te regardas dans le miroir. La maquilleuse te recoiffa et refit ton maquillage. Tu étais presque absente et tes gestes étaient robotique, tu laissais ton inconscient vivre à ta place, c’était ta routine, ton corps savait mécaniquement ce qu’il avait à faire. Mais dans ton esprit c’était le chaos, tu te répétais sans cesse “et si c’était Nari?”. Tu n’avais pas osé reposer ton regard sur la personne de peur que tu remarques que ce n’est réellement pas elle. Il fallait que tu éclaircisses tout ça et que tu la retrouves à la fin de ton concert. Les minutes semblaient être des semaines, tu ne savais plus quoi penser, tes émotions passaient de la joie à la peur.
Tu remontas sur scène en évitant soigneusement de croiser le regard de la personne ressemblant à Nari, si elle était toujours présente; tu enchaînas rapidement sur ta chanson, la foule était toujours aussi grande et déchaîner, ce qui te permit de rester concentrer jusqu’à là fin du concert. Des fleurs, rubans, un soutif de maillots de bain, toutes sortes d’objets se retrouvaient à tes pieds pendant que tu chantais “C’est maintenant ou jamais”.
- "C'est maintenant ou jamais,
Viens et serre-moi fort
Embrasse-moi ma chérie
Sois à moi ce soir
Demain il sera trop tard
C'est maintenant ou jamais
Mon amour n'attendra pas.
Quand je t'ai vue pour la première fois
Avec ton sourire si tendre
Mon cœur fut fait prisonnier
Mon âme se rendit
Je passerais une vie entière
À attendre le bon moment
Maintenant que tu es près de moi
Ce moment est là enfin.
Tout comme un saule
Nous pourrions pleurer un océan
Si nous perdions l'amour véritable
Et les douces attentions
Tes lèvres m'excitent
Laisse tes bras m'inviter
Car qui sait quand
Nous nous rencontrerons à nouveau de cette manière"
Cette chanson te semblait prendre un tout autre sens après avoir croisé le regard de quelqu’un ressemblant à Nari, tu avais l’impression de déclarer à nouveau tes sentiments et cela te donna une boule au ventre; mais il ne fallait pas arrêter maintenant, il te restait encore une chanson à faire.
"Je veux pas te pousser, mais tu te prends trop la tête ! C'était clairement elle, tu as bien vu cette réaction, tu serais une imbécile de te convaincre du contraire !"
Elle a raison. Je sais bien qu'elle a raison. Je finis par mettre le doigt sur mes hésitations. Ce n'est pas tant de vérifier son identité qui compte. Je ne sais pas si je devrais vraiment la revoir. Si ça ne lui ferait pas du mal. Je finis par m'asseoir dans un coin, accablée pour toutes ces pensées noires. Je devrais agir, il faut qu'elle sache que je suis vivante, s'il y a la moindre chance d'alléger des regrets qu'elle aurait, il faut que je la voie. Pourquoi j'hésite maintenant... Je devrais me réjouir de l'avoir retrouvé. Alors que je n'avais quasiment aucune piste, la trouver par hasard à un concert, c'est un coup du destin. Et pourtant, je n'arrive pas à bouger. Je détache ma lance avec précaution, la posant sur mes genoux. La lame m'offre un reflet parfait. J'ai beau faire ce que je veux, au final, chaque fois que je suis perdue, c'est mon arme qui me rassure. C'est le symbole de mon aventure, de mes péripéties, avec ma lance, je peux réaliser des choses desquelles je doutais, affronter des créatures deux fois plus grosses que moi. Une chasseuse comme moi n'arrive pas à se lever pour aller voir son ex ? C'est ridicule. Il semble que je l'ai murmuré, ou qu'Ariane pense comme moi, puisqu'elle même me dit que je suis ridicule dans mon coin, avec une aussi grande arme.
Les bruits de la foule ne sont qu'estompés d'ici, je les entends toujours, les gens qui appellent son nom. Et les tristes paroles de ses chansons. Je me lève et offre une petite prière à la lune, en regardant mon pendentif. Il ne reste qu'à y aller. En avançant, je sens mon coeur battre toujours aussi vite. Les doutes m'assaillent, la culpabilité d'avoir disparu dans le naufrage aussi. Entourée du bruit, je finis par avoir une idée folle. Au diable les manières. C'est maintenant ou jamais. Qui sait quand je vais abandonner ? Du côté, je peux voir une ligne où je ne risque pas de bousculer les gens. J'enroule la lame de ma lance d'un tissu, que j'avais retiré juste avant. Puis je prends mon élan, en quelques grands pas de course, je couvre la distance qu'il reste, plante la hampe de ma lance devant moi, et me hisse en avant, voltigeant jusqu'à la scène. Arsen m'a toujours dit que j'étais agile. Je ne l'avais jamais vraiment constaté jusqu'à maintenant, moi-même surprise que ça marche. J'arrive sur scène, devant Anna, le sol est couvert d'objets qui ont été lancés par les fans. Enfin en face d'elle, plutôt qu'en bas de la scène, des souvenirs me reviennent par bribes. Son visage, j'en ai la certitude, c'est elle. J'ouvre les bras, comme elle le disait dans sa chanson. J'inspire pour finalement lui dire :
"Nous nous rencontrons à nouveau, Anna"
Tout se passa très vite avant que tu comprennes ce qu’il venait de se passer. La personne se faisant passer pour Nari sauta avec une extrême agilité sur scène et se retrouva devant toi. Si c’était un fan, il manquait cruellement de politesse. Du point de vue des personnes dans la fosse, ce n’était qu’un fan qui avait osé une grande folie et étrangement, cela donna le sentiment à d’autres que c’était une bonne idée, et imitant Nari, tu te retrouvas avec une dizaine de fan sur scène.
- "Si tu es un fan qui se déguise en Nari, c’est vraiment de très mauvais gout ! "
Tu réussis à dire ces quelques mots avant qu’un flot de personne vient te faire un câlin non désiré sur scène, d’autres se mirent à danser, jeter les objets sur scène; la situation était ingérable et tu étais perdu, que faire de tout ce monde sur ta scène, continuer comme si ne rien n’était, leur demander de descendre ? Et surtout tu étais extrêmement perturbée par la présence de Nari. Mais tu n’eus rien à faire, des gardes surveillants le festival et remarquant la folie des fans, s’occupèrent très rapidement des intrus sur scène, dont la personne ressemblant à Nari. Tu étais sous le choc des évènements et ne réussis pas à dire aux gardes de ne blesser personne.
La scène redevenue calme, tu regardas les autres spectateurs présents dans la fosse, visiblement amusée par la situation et continuant à hurler “la suivante”.
Tu te souvins de l’importance de ce festival pour ta carrière et poursuivis sur ta dernière chanson, mais avec beaucoup moins d’enthousiasme. Les spectateurs bien trop occupés à hurler et danser n’avaient pas l’air de remarquer ta baisse de motivation et le concert se termina enfin. Tu te posas quelques minutes dans la loge, laissant la maquilleuse enlever tout ce maquillage et te recoiffer. Un garde t’apporta tous les objets qui étaient sur scène.
- "Eh beh, je crois que ça été le concert le plus mouvementé de la journée… on va devoir surveiller un peu plus les autres. Nous sommes désolés d’avoir réagi si peu vite… nous avons vérifié les objets, il n’y a aucun danger…"
- "Hum… merci…. je… vous savez où est la personne aux cheveux noirs ? La première à être monté sur scène ? J’aimerais lui parler."
- "Ils sont tous placé dans le chapiteau de la sécurité. Tu pourras lui parler après notre interrogatoire et ce qui sera décidé. nous ne voulons pas laisser en liberté des personnes qui peuvent mettre en danger les musiciens ni les spectateurs venus au festival."
- "Oui… bien entendu. "
- "Tu peux venir avec moi, je vais te montrer où tu peux attendre et notifier ta demande."
Tu suivis alors le garde, une grande tente éphémère avait était placé dans le festival pour faciliter le travail des gardes. Celui-ci te montra quelques chaises et t’invita à attendre quelques instants.
- "Elle va bientôt sortir. Ils sont au courant que quelqu’un l’attend. "
Tu attendais alors le moment venu avec très peu de patiente. Tu ne savais toujours pas si c’était une vilaine blague ou si c’était réellement Nari, qui serait revenu d’entre les disparus. Tu avais toujours voulu qu’elle soit en vie et la retrouver, tu avais imaginé tout un tas de scénario de retrouvailles, mais celui-ci n’était clairement pas de ceux que tu avais imaginé.
Nari n’aurait pas agi de cette manière, elle aurait attendu la fin du concert, elle t’aurait rassuré que c’était elle et non une blague. Elle aurait réfléchi avant tout à comment tu aurais réagis et aurait tout fait pour ne pas te donner du stress inutile et surtout aurait très certainement compris l’importance de ce festival pour toi. Elle aurait été patiente et n’aurait pas sauté comme ça sur scène, ce n’était pas son genre.
Tu réfléchissais à comment réagir si c’était vraiment elle; devrais-tu te jeter dans ses bras et oublier ce qu’elle venait de faire ? Devrais-tu être en colère ? Devrais-tu être froide ? Si elle était en vie, pourquoi faire surface que maintenant ? Avait-elle envie de la quitter et ne pas la revoir ?
Le temps paraissait extrêmement long et tu ne trouvais pas de réponse à tes questions.