Rhis avait été un peu surpris quand il avait eu vent d’une fameuse « réception privée » organisée par la Reine. C’était bien sûr totalement le droit d’Allys, et en sa qualité de souveraine, il allait de soi qu’elle pouvait inviter les convives qu’elle désirait au palais. Mais, actuellement, le conseiller royal se serait plus attendu à ce qu’elle consulte ses ministres et son gouvernement, vu les dernières nouvelles qui s’étaient diffusées dans tout Aryon. Il existait un pays, de l’autre côté de la Frontière, une cité, plus particulièrement, du nom d’Empyrée. Les plus optimistes affirmeraient certainement que cela offrirait des nouvelles opportunités au Royaume. L’espion, pour sa part, avait un naturel plus méfiant, plus prudent, aussi, et il n’était pas certain que tout serait aussi facile que ça. Est-ce que cette nation souhaitait le dialogue, ou est-ce qu’elle verrait leur peuple comme une menace ? Quelles étaient ses particularités, et surtout quelles étaient les menaces qu’elle pourrait représenter ? Comment réagirait-elle en apprenant qu’elle avait un voisin ?

D’accord, des pourparlers allaient être lancés pour apprendre à se connaître l’un l’autre, mais rien ne prouvait encore qu’ils pouvaient se faire mutuellement confiance. En tant qu’espion, Rhis n’aurait pas été surpris que cet fameux Empyrée essaie d’en savoir plus de son côté, sachant que l’inverse serait certainement de mise également.

Dans le bureau qu’on lui avait dédié en sa qualité de conseiller, l’homme aux yeux saphirs avaient essayé de compiler le peu d’informations qu’ils avaient déjà sur cette nation, et c’est d’un regard pensif qu’il regardait les dernières notes des Chroniques Enchantées. C’était beaucoup et bien trop peu à la fois. La Reine devait certainement se dire la même chose après le retour de la délégation diplomatique qui était allée jusqu’à la mégapole. Et c’était extrêmement frustrant de manquer de connaissances. Si les choses tournaient mal, est-ce qu’ils sauraient seulement se défendre efficacement ?

L’espace d’un instant, Rhis sortit de ses pensées en relevant la tête. Qu’est-ce que c’était que ce bruit ? C’était une détonation… ?

« A l’approche du palais, c’est un peu étrange, » eut-il le temps de songer.

Au moins, cela le motiva à quitter ses notes et ses papiers. Il sortit de son bureau et rejoignit l’un des vastes couloirs du palais. Il n’allait pas tirer la sonnette d’alarme pour si peu, mais peut-être que des gens alentours sauraient de quoi il s’agissait, que ce fut des membres du personnel ou des membres de la garde.

Un instant tout seul, il n’eut cependant pas le temps d’aller bien loin puisque quelqu’un l’interpella par derrière.

- Messire Dolamnnnn ! Messire Dolamnnnn, attendez-moi !

C’était une voix un peu nasillarde et Rhis ralentit le pas avant de s’arrêter et de retourner légèrement. Il reconnut alors son interlocuteur, un homme de petite taille un peu dodu, qui n’avait manifestement pas l’habitude de courir et qui transpirait déjà après avoir fait cent mètres.  

- Sieur Arthur Longueproie, que me vaut le plaisir ?

Question de pure politesse, évidemment. Actuellement, l’objectif de Rhis, c’était d’en apprendre plus sur ce bruit de pétard qu’il avait cru entendre, puis de rejoindre Allys ou Grimvor, au choix, avant que cette fameuse réception privée n’ait lieu. Il ne lui semblait pas que c’était dans les habitudes de la Reine de faire une réception en pareilles circonstances, et il voulait s’aassurer des motivations réelles de la souveraine.

- Ah, sire Dolamn, c’est terrible, terrible, terrible !
- A ce point ? Qu’y a-t-il, votre femme est de nouveau enceinte ?

L’homme s’arrêta un instant, manifestement un peu interdit, puis, il se rendit compte que Rhis avait déjà recommencé à marcher et il courut péniblement le rejoindre.

- Par Lucy, non ! On a déjà cinq enfants, c’est bien suffisant n’est-ce pas ? C’est vrai qu’elle était malade récemment, donc j’ai eu un peu peur mais… Non, attendez, ce n’est pas de ça que je voulais vous parler !

L’homme avait eu manifestement conscience qu’il s’égarait et il rejoignit le conseiller qui approchait maintenant d’une des sorties du bâtiment.

- En fait, je voulais vous dire… Ne paniquez pas hein ? Ce n’est peut-être rien de grave et mon imagination me joue peut-être des tours. Sûrement. D’ailleurs, je devrais arrêter l’alcool. Ma femme me le dit depuis toujours. Mais vous savez qu’il est difficile d’arrêter hein ? Donc, je voulais dire. Ce n’est sûrement sûrement rien, mais…

Bien décidé à se libérer de cet ennuyant personnage, Rhis s’arrêta et se tourna vers son interlocuteur, le dos tourné vers le hall d’entrée.

- Allez à l’essentiel, messire, fit-il d’un ton conciliant. Il s’agit peut-être de ce bruit de détonation ? Je l’ai entendu aussi, déclara le beau brun alors qu’il entendait distraitement que la porte s’ouvrait derrière lui.
- Ah oui, effectivement, mais moi j’ai vu des… des… des…

La voix de l’homme mourut alors que le conseiller le regardait désormais d’un air désormais un peu impatient, mais quand il le vit écarquiller les yeux avec une mine paniquée, l’espion eut quand même la puce à l’oreille. Ca, et le bruit caractéristique d’une arme qu’on dégainait derrière lui.

Rhis eut tout juste le temps de se retourner qu’il se retrouva nez à nez avec un inconnu tout de noir vêtu. Son visage était bien entendu masqué, et le conseiller royal ne pouvait véritablement distinguer que ses yeux et une partie de son nez. Pas assez pour deviner l’identité de quelqu’un. Mais suffisant pour comprendre son rôle ici.

C’était un intrus, un intrus qui cherchait quelque chose ou quelqu’un et l’individu comme le beau brun réagirent à l’instinct en se voyant tous les deux dotés d’une arme. Le type masqué était une menace à annihiler pour la sécurité du palais, et ce dernier dut certainement considérer l'espion comme un garde en faction à cause du katana qui pendait à sa hanche. Ledit sabre ne resta pas longtemps à sa place, de toute façon, puisque Rhis le dégaina sur le champ.

- Que-que-que qu’est-ce que vous faites ?

Les deux hommes ignorèrent superbement le dénommé Arthur. Il y eut probablement une ou deux secondes de silence, le temps qu’ils se jaugent du regard, puis ce fut l’intrus qui initia leur danse. Probablement voulait-il annihiler Rhis et son compagnon pour ne pas qu’ils attirent l’attention sur sa présence dans le palais. Qu’importe. Le conseiller para sans difficulté l’attaque qui lui était destinée, le repoussa d’un mouvement de jambes, ce qui déséquilibra de quelques pas son assaillant, puis l’espion enchaina les attaques rapides avec son arme. Rapidement, son adversaire fut dépassé, et le conseiller royal « l’acheva » en touchant un point sensible à la rotule. Sans doute foudroyé par la douleur, son ennemi tituba avant de mettre un genou à terre, et il s’immobilisa bientôt quand l’arme de Rhis vint se poser contre sa jugulaire.

D’un air froid, l’espion royal le dévisagea et il prit la parole.

- Quel est votre objectif et comment êtes-vous entrés dans l'enceinte du palais ?

Il y avait désormais davantage de mouvement et d’agitation à l’extérieur et sans bouger son arme, Rhis jeta un œil à travers l’une des fenêtres du palais.

Ca sentait mauvais, il n’avait pas le temps de l’interroger.

Heureusement, Lucy semblait avec lui puisque deux gardes avaient accouru, en entendant probablement le combat entre les deux hommes ainsi que les cris niais et terrorisés du dénommé Arthur. C’était bien, le beau brun allait pouvoir leur refourguer cet individu, car il avait d’autres priorités.

- Neutralisez-le et soyez sûr qu’il ne soit plus un danger, leur commanda-t-il sans réfléchir alors qu’il retirait son arme sans la rengainer.

Il aurait pu lire dans ses pensées afin d’en apprendre plus, mais l’utilisation de son pouvoir avait des contrecoups, et il voulait avant tout être sûr que la famille royale fût en sécurité. Après tout, s’il y avait une attaque au Palais, cela voulait dire qu’on voudrait s’en prendre à la Couronne. Il devait donc trouver Allys rapidement, car c’était elle, la cible prioritaire.

Il y avait donc plusieurs possibilités vers laquelle irait les intrus : la salle du trône, les appartements royaux, les jardins vers l’arrière du palais.

C’est d’un mouvement vif que Rhis quitta le bâtiment afin de davantage prendre conscience de la situation. Rapidement, il comprit qu’il y avait visiblement une attaque organisée. La garde s’agitait dans tous les sens, le personnel rentrait le plus rapidement possible dans le l’édifice pour se cacher à qui mieux mieux et ne pas se retrouver au milieu d’un combat. On était en situation de crise, apparemment, et le conseiller royal faillit de pas entendre le nobliau qui l’avait accompagné jusqu’ici.

- Messire Dolamn, qu’est-ce que vous faites ? Il faut rentrer, vite !
- L’enceinte du palais est peut-être cernée, je vous conseille de ne pas sortir, répondit Rhis d’une voix un peu sèche et distraite. Restez avec le gardes de tantôt et évitez les lieux les plus connus du palais.
- Mais et vous ? Vous ne nous accompagnez pas ?

Si l’homme était déçu que Rhis ne devienne pas son garde du corps personnel, il remarqua sûrement le sourire narquois et ironique de l’espion alors que ce dernier avait visiblement repéré un premier chef de commando qui donnait ses ordres à d’autres subalternes.

- Non. Moi, je pars à la chasse aux rats.

 
En de telles circonstances, Rhis avait une seule priorité : protéger la famille royale.

Bien entendu, c’était au rôle de la garde royale de protéger les souverains, mais l’espion n’avait jamais été du genre à se reposer sur autrui et à attendre sagement que le danger soit passé pour agir. Le beau brun ne cracherait pas sur l’aide des miliciens, car un homme seul ne pouvait certainement pas faire face à une armée ou à une organisation criminelle, mais Rhis était de manière générale un électron libre. Il préférait donc agir en solitaire ou avec un ou deux autres partenaires en qui il aurait confiance, pas plus. Cela lui permettait une plus grande liberté et une plus grande marge d’action, aussi.

En l’occurrence, les choix où se trouvaient Allys étaient quelque peu réduits. La salle du trône aurait pu être une possibilité, mais elle n’avait pas d’audience aujourd’hui, et la reine n’y passerait pas son temps pour le plaisir. Elle était censée avoir une réception, et la mère d’Aeron s’était certainement préparée en conséquence auprès de sa couturière royale, Olenna Belmont. Vu l’heure, elle devait être prête, cela voulait donc dire que la reine attendait désormais ses invités. Mais où… ? A l’extérieur ou à l’intérieur du palais… ? Comme il faisait beau et qu’il connaissait les habitudes d’Allys, le conseiller pensait plutôt qu’elle aurait été prendre l’air dehors. Probablement dans une petite cour typique, dotée de parterre et d’une petite fontaine. Il n’y en avait pas cinquante mille, mais le temps d’y aller et de parcourir les petits vestibules du palais, la reine se serait probablement déjà mise en route pour se mettre à l’abri.

En d’autres termes…

« Je dois aller aux appartements royaux. »

Rhis connaissait le plan d’évacuation de la reine en cas d’attaque ennemie. Il y avait tout un itinéraire à suivre pour la mettre à l’abri dans ses appartements. C’était un endroit plus facile à protéger, grâce à ses passages secrets, aux portes dérobées, à la disposition des lieux qui empêchaient qu’on y afflue en masse. C’était là qu’il retrouverait ses souverains et pourrait s’assurer qu’ils allaient bien. Mais plus tôt l’espion rejoindrait Allys, plus tôt il serait rassuré. S’il se souvenait donc des plans qui avaient été mis en place… Il aurait des chances de la croiser dans le petit jardin d’herbes aromatiques, puis dans l’escalier de service des domestiques. Ce serait par là qu’ils rejoindraient les appartements royaux. Ce serait donc son premier point d’arrêt.

Mais ce n’était pas si facile que ça de se promener dans le palais, en ce moment. La faute aux intrus qui l’avaient mis, il fallait l’avouer, un peu de mauvaise humeur.

Rhis ne se retint donc pas quand il se retrouva confronté à ces mystérieux envahisseurs. Qui ils étaient n’étaient pas la priorité pour le moment. Les neutraliser, vite et bien, était la meilleure chose à faire, et l’homme eut très vite la satisfaction de voir que la garde royale se débrouillait quand même bien. Elle était suffisamment organisée pour encercler ses adversaires et les empêcher d’avancer davantage vers le couple royal. Le conseiller royal n’hésita lui-même pas à donner des ordres à certaines escouades pour qu’elles ne se laissassent pas submerger par certains subterfuges de leurs adversaires.

Son rôle n’était cependant pas d’être le capitaine de la garde royale. Rhis voletait plutôt d’un groupe à l’autre pour annihiler plus facilement les intrus, tout en progressant de manière non négligeable vers le jardin aromatique. Il laissait le sale boulot aux gardes, puisqu’il leur laissait la tâche de ligoter totalement leurs mystérieux assaillants, se contentant de les mettre hors-jeux et d’avancer le plus rapidement possible vers les appartements royaux. Une fois, il eut un peu trop d’avance par rapport aux troupes défensives du palais, et le beau brun se retrouva inopinément tout seul face à plusieurs adversaires. Il y eut, pendant une seconde, un léger temps d’arrêt, le temps que chacun découvre la présence de l’autre.

Mais Rhis n’avait pas le temps de jouer.

Profitant de la surprise de ses ennemis, l’espion en profita pour donner le premier coup.
Il comptait jouer sur la rapidité de son escrime pour ne donner aucune chance à ses assaillants.
Dans un tournoi officiel, comme celui qu’il aurait bientôt avec Vivi, Rhis se serait retenu. Mais dans le cas présent, le protecteur royal ne voyait aucune raison de leur faire miséricorde. Les attaquer jusqu’au sang ne lui posait pas problème, sachant qu’aucune de ses attaques n’étaient pas spécialement mortelles. Au pire des cas, une potion de soin suffirait pour les remettre sur pied, mais leur donner un coup dans les genoux, au plexus solaire, ou même à l’estomac pour les plier en deux ne causait aucun problème de conscience à Rhis. Idem lorsque sa lame les mordait comme un serpent au bras, au torse, ou à la jambe. La plupart du temps, ses attaques et l’agilité du conseiller déstabilisaient ses opposants. Ces derniers essayaient bien de l’acculer par la force et par des attaques simultanées, mais l’espion jouait alors avec leur propre poids pour dévier leurs attaques et retourner leur offensive contre eux. Une fois, il avait même su éviter in extremis une de leur attaque, et deux alliés s’étaient ainsi attaqués involontairement. Ca avait fait ricaner Rhis l’espace d’une seconde, mais il ne perdait pas son objectif de vue.

Atteindre la Reine le plus vite possible.

Repousser un groupe de combattant avait cependant attiré l’attention. L’espion ne savait pas si c’était une bonne ou une mauvaise chose. D’une part, il distrayait leur attention, et ça faisait moins d’ennemis qui s’intéresserait à Allys, mais d’autre part, ça l’empêchait également de la rejoindre. Aussi, quand il vit une escouade se diriger droit vers lui et le pointer du doigt, un rictus déforma un instant son visage.

- Vous êtes pénibles… Et je suis pressé.

Levant son katana dans leur direction, il vit des gouttes de sang perler de sa lame et tomber sur le sol. Mais Rhis ne s’en émut pas. Il n’avait tué personne, et ce qu’il faisait là, c’était simplement pour protéger son roi, sa reine, deux précieux amis à qui il voulait que rien n’arrive. Son regard devint froid, ses yeux saphirs devinrent des éclairs, et son expression le mirent au défi de le mettre à terre.

- Dégagez de mon chemin.

Le chef de l’escouade sembla se raidir alors qu’il prenait en considération la menace du guerrier, mais il resserra sa main sur son arme avec l’ordre d’encercler Rhis. Hum, ce serait peut-être moins simple, cette fois. Celui-là semblait un peu plus intelligent que les autres.

Par chance, son adversaire voulait apparemment en finir en combat singulier. Si ses hommes avaient attaqué tous en même temps, le conseiller n’en serait pas ressorti totalement indemne. Il restait le problème qu’il était cerné, mais au besoin, il pourrait créer une brèche parmi les sous-fifres de son opposant. Il avait déjà une idée de comment faire.

D’un regard impassible, Rhis jeta un coup d’œil à son ennemi. Il ne semblait pas être une jeune recrue, bien à l’inverse. Ses sbires aussi semblaient obéissants au doigt et à l’œil. Il y avait donc de la discipline, derrière tout ça. Et si ce type était le chef d’une escouade… Peut-être pourrait-il rapidement lui soutirer des infos intéressantes avant qu’il ne reprenne sa route.

Jetant un œil circulaire au cercle serré des intrus autour de lui, Rhis esquissa une moue dubitative, sembla réfléchir rapidement, comme s’il prenait conscience des forces en présence et du fait qu'il n'y avait pas d'issue. Puis il relâcha la pression sur son sabre, qu’il abaissa très légèrement.

- … Je me rends.

Bref tressaillement de la part des soldats autour de lui. Surprise partagée. Seul le chef esquissa un air méprisant et lui aboya un ordre alors que Rhis abaissait son arme et le rengainait rapidement sans mot dire.

- Jette ton arme !
Il n’était pas dupe pour un sou, lui.
- … Oui, oui, doucement, fit Rhis d’un ton négligent en secouant sa main gauche d’un air désinvolte, alors qu’il l’abaissait vers sa taille, comme pour détacher son fourreau de sa hanche.

La suite fut très rapide.

Il ne lui fallut qu’un instant supplémentaire pour qu’il attrape une de ses dagues et ne la lance vers le chef de l’escouade.
Celui-ci crut peut-être sa dernière heure arriver, mais il esquiva le projectile d’un brusque mouvement sur le côté, et l’arme vint donc se planter dans l’épaule d’un des soldats derrière lui. Avec un cri de douleur, l’intéressé tituba d’un ou deux pas en arrière en relâchant son emprise sur son arme.

La formation était brisée et Rhis avait là une opportunité inespérée.

Tel un serpent qui s’élance sur sa proie, l’espion royal se glissa derrière le chef d’escouade et lui fit une torsion de bras telle qu’il entendit un craquement au niveau du poignet. Avec un gémissement involontaire, l’homme lâcha son arme, et Rhis reprit la parole.

- Ecartez-vous ou je le tue.

Ca, c’était un mensonge, bien sûr, mais les autres ne le savaient pas.

- Ne l’écoutez…
- Toi, tu la fermes.

D’un air froid, Rhis avait placé sa seconde dague contre la jugulaire du soldat, et celui-ci s’immobilisa une seconde, peut-être mû par un instinct de survie.

Le conseiller profita de cet bref instant de terreur pour lancer un regard glacial au chef d’escouade, en le forçant à avancer et en utilisant très brièvement son pouvoir.

C’était parfois très utile de lire dans les pensées, n’est-ce pas ?

Et si Rhis entendit probablement les pires injures à son égard, l’une des préoccupations de son otage fut très intéressantes.

« L’agent Guillermo doit être prévenu… que cette enflure… fait foirer l’opération Jinta… !

Avec un reniflement méprisant, Rhis retira brusquement son arme et d’un coup de pied assez violent, le projeta vers ses autres sbires, qui durent choisir entre empaler leur capitaine, ou le rattraper à deux mains.

Le temps qu’ils se reprennent, l’espion s’était déjà jeté dans la brèche de leur formation, et si le chef d’escouade émit un rugissement de rage, il était déjà loin.

L’opération Jinta… ?
L’agent Guillermo… ?
Tout ça était donc une attaque planifiée… ?

Généralement, on utilisait le terme « opération » pour toutes les tactiques militaires.
Mais il était stupide de penser que la Garde se rebellerait contre ses propres souverains.
Était-il possible… qu’Empyrée ait décidé de prendre les choses en main ? Et ne voient qu’Aryon comme une menace ?

Je dois vite rejoindre les jardins.

Le chef d’escouade derrière lui n’était plus une menace, il ne saurait plus utiliser son épée si son poignet était bien cassé, à moins qu’il ne soit ambidextre.

Il devait donc retrouver la Reine, et puis, aussi trouver ce fameux Guillermo.
Si c’était le dirigeant des opérations, c’était lui qu’il devait annihiler avant toute chose.
Mais si l’espion rejoignait sa souveraine, il le trouverait sûrement à un moment ou un autre.

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