La Cabale, entre mythe et réalité

Aube et crépuscule d'une société de l'ombre - Par Pariza Samnang

Il est de ces histoires que l'on se raconte au coin du feu, pleines de morale et de récits d'apprentissage, ou de terreurs censées nous apprendre à nous méfier des dangers qui rôdent. On se couche dans son lit le soir, rassuré, pensif, on intègre ça dans nos rêves, et on y repense pour les leçons qu'on en a tiré.

Cette histoire-là n'est pas de celles-ci.

Car pendant des dizaines d'années, personne n'a prononcé le nom de la Cabale au coin du feu, personne n'a su même ce qui rôdait dans nos rues, ce mal qui rongeait nos bas-fonds, et si l'on avait peur des voleurs, des truands et des coupe-jarrets, on était bien loin de s'imaginer que telle organisation puisse exister. Ce récit n'est pas celui, fictif, d'un héros qui a défait le dragon. Ce récit est celui, bien réel, avec sa part d'ombre et ses mystères, d'une organisation criminelle qui agissait jusqu'à il y a peu devant le pallier de votre porte. C'est autant un document informatif qu'une mise en garde : car si la Cabale a pu exister pendant si longtemps sans qu'on le sache, qui sait ce qui se cache encore dans les ombres ?

La Cabale est créée en 833 par un personnage atypique que l'on nomme le Marcheur, un être semi immortel qui décide de rassembler autour de lui tout un tas d'hommes et femmes de savoir et d'influence, pour qu'ils puissent partager leur connaissance, et qu'il puisse les instruire de toutes les choses qu'il a appris durant ses longues années d'errance. Désireux d’une liberté et assoiffés d’une connaissance que la Couronne n’est pas en mesure de leur offrir, ces hommes et ses femmes font de lui leur guide, pendant leurs réunions secrètes de plus en plus fréquentes. S’ils continuent à vivre leur vie d’un autre côté, ils commencent à s’organiser, dans l’ombre, pour récolter plus, toujours plus.

Menés pendant de longues décennies par le Marcheur, celui-ci finit par disparaître quand il s’aperçoit que jamais ses compagnons ne seront rassasiés, et que toujours plus ils en voudront. La Cabale entre alors dans une période sombre, où personne n’a le charisme et la sagesse pour se hisser au poste du Marcheur, malgré les nombreuses tentatives et les assassinats à répétition qui laissent la confrérie de l’ombre dans la perdition, sur le point de disparaître. Trois personnes se lèvent alors pour rassembler les cendres de la Cabale, et ensemble, sans chercher à se quereller, ils la font renaître.

La Cabale connaît alors un renouveau, sous le conseil de l’Amarante, nom donné à ces trois meneurs qui donnent à la Cabale la forme qu’elle a aujourd’hui. Chacun ayant la responsabilité de l’un des cercles qu’ils constituent pour faire perdurer le savoir du Marcheur, l’Amarante permet à la Cabale de traverser les décennies qui suivent, jusqu'au retour du Marcheur au sein de l'organisation, créant des dissensions entre ses membres.

Car s'ils ont réussi à rester dans le secret depuis si longtemps, c'est qu'ils étaient unis face à toute adversité, mais au moment où les membres de la Cabale commencent eux-mêmes à se diviser en deux partis, entre ceux qui pensent que le commandement de leur organisation revient à leur créateur originel, et ceux qui estiment que l'Amarante les a mené bien plus haut que le Marcheur ne l'aurait jamais fait, ils signent le début de leur fin.

Et ainsi, sans le savoir, le Marcheur amène sa précieuse Cabale vers sa disparition, alors même qu'il ne réclame rien et qu'on lui accorde un poste honorifique. Mais le doute est semé, et les premières traces de la Cabale commencent à apparaître aux alentours de l'an 999, et elles seront rapidement captées par certains membres de la Garde qui commencent à enquêter sur le sujet.

Pendant encore deux longues années, une chasse secrète commence alors entre une toute petite portion de la Garde informée de la présence de cette organisation tentaculaire, et ses membres qui semblent toujours avoir un pas d'avance. Et si votre obligée peut vous relater dans ce livre l'histoire de la Cabale, ses informateurs ne lui auront pas donné suffisamment de détails sur cette fameuse traque pour comprendre comment elle s'est déroulée dans les détails.

Toujours est-il qu'il faudra à la Garde de nombreux sacrifices avant d'enfin obtenir gain de cause sur la Cabale, et de fragiliser cette organisation si dangereuse en s'en prenant directement aux membres de l'Amarante, les trois pontes de la Cabale. Perdant ses dirigeants, les membres de la Cabale se tournent vers le Marcheur, avant de comprendre qu'il n'avait pas l'intention de les guider à nouveau, dégoûté par la soif débordante de pouvoir de ses camarades et la perte de leur objectif premier qui était la connaissance. Tout comme elle est apparue, la Cabale disparaît dans les ombres, sans que jamais le peuple d'Aryon n'ait été inquiété ni informé, avant que votre obligée ne récupère les précieuses informations que vous consigne ce livre.

Et si mon enquête aurait pu s'arrêter là, je n'ai pu m'empêcher de me renseigner plus encore. Si, car à ce livre, le nom et l'histoire de la Cabale seront enfin livrés au grand public, je ne peux m'empêcher de vous mettre en garde, chers lecteurs. Plus d'une fois, la Cabale s'est relevée de ses cendres. L'Amarante n'existe plus, et les principaux lieux de réunions de la guilde noire ont été saisis, mais jamais ils ne pourront mettre la main sur l'intégralité de ses membres. Ils pourraient être vos voisins, votre boulanger, votre coursier, et vous n'en sauriez rien. Et si la Cabale n'est plus une menace pour la Couronne, qui sait, si elle ne reviendra pas un jour ? Ou si une autre organisation de malfaiteurs n'en profitera pas pour émerger ? Prenez garde, restez vigilants, plus que jamais...

La Cabale, entre mythe et réalité

Organisation et hiérarchie - Par Pariza Samnang

Si l'on veut pouvoir rester dans le secret pendant si longtemps, il faut une mécanique bien huilée, et la Cabale avait réussi à trouver un système hiérarchique qui permettait ceci. Pourtant, toute la structure déployée par cette confrérie noire semblerait aller à l'encontre de leur recherche de liberté... un équilibre fin à trouver, qui a tenu pendant bien longtemps.

La Cabale était organisée en trois cercles, où les membres se plaçaient et se déplaçaient fluidement en fonction de leurs affinités et compétences: le Verbe, le Manuscrit et la Moisson.

Les membres du cercle du Verbe cherchaient avant tout à offrir une vitrine à l’organisation, un visage officiel sous lequel ils cachent leur appartenance à la confrérie de l’ombre. Souvent des nobles, qui obtenaient ainsi ressources et informations via leur réseau, il pouvait tout autant s’agir de citoyens, aventuriers ou gardes, même s’ils étaient moins enclins à s’occuper de ce cercle-ci. Ils s'occupaient notamment de tisser les liens nécessaires à l’organisation pour perdurer ou obtenir les ressources nécessaires. Les membres de ce cercle étaient nommés les Parleurs.

Le cercle du Manuscrit rassemblait aussi bien les chercheurs en magie, théocratie et technologie que le royaume n’aurait pas laissé travailler de par leurs travaux divergents que des ersatz d’espions qui sillonnaient le pays à la recherche de la moindre information afin de parfaire le réseau officiel obtenu par le cercle du Verbe. Ils étaient des messagers, des scientifiques, des savants, des aventuriers même, sillonnant le monde à l'affût de la moindre rumeur. On appelait ses membres les Scribes.

Le cercle de la Moisson, enfin, était constitué des plus fines lames et cambrioleurs du royaume, ces gens que l’on aurait envoyé en exil en punition de leur travail impeccablement réussi. Fin, sournois, et toujours à l’affût d’un bon moyen pour mettre leurs compétences à l’épreuve, ils se complaisaient dans l’expression d’une exécution parfaitement mise en place. C’est souvent dans ce cercle que l’on n’hésitait pas à faire appel à des hommes et femmes des milieux de l’ombre mais n’allant pas jusqu’à mériter un rôle dans l’organisation pour effectuer de basses besognes, en général très bien rémunérées, et toujours dans le secret. Ses membres étaient les Moissonneurs.

Au sein de chaque cercle, une hiérarchie bien définie permettait de tenir le tout. Le Marcheur, évidemment, avait un rôle honorifique, aucune décision n'étant directement prise par lui. Il avait néanmoins un rôle de guide et de professeur très important pour certaines personnes.

L'Amarante, conseil des trois individus les plus sages et influents de l’organisation. Ils menaient le reste de la Cabale vers la liberté à laquelle ils aspirent. Chacun d'entre-eux portait un pseudonyme qui lui était propre et était rattaché à l'un des cercles de la Cabale. En dessous se trouvaient les Forge-savoir, lien entre l'Amarante et le reste de l'organisation, qui avaient un rôle de superviseurs et de lieutenants.

Ensuite venaient les Collectionneurs, plus proches du terrain et premiers à entrer en contact avec d'autres individus ne faisant pas partis de la Cabale. C'était à eux que revient le commandement des opérations décidées par leurs supérieurs. Et enfin, les Nomades, le gros des membres composant la Cabale, étaient son moteur et son coeur. Loin d’être de simples grouillots bons à tout faire, on pouvait même parfois leur donner la responsabilité d’un groupe de mercenaires ne faisant pas partie de l’organisation, payés pour les aider à aller au bout de leur mission...

Chaque rôle permettait d'accéder à plus de responsabilités et plus d'informations au sein de l'organisation, et était obtenu en testant à la fois la loyauté de l'individu à ses supérieurs et sa conviction dans les préceptes défendus par la guilde noire. Une épreuve concrète ou un témoignage qui gageaient de cette ferveur étaient en général nécessaires pour accéder au poste supérieur.