Non loin de la forteresse, pour la troisième année consécutive, s’organise une activité nautique en équipe qui attire de plus en plus d’adeptes. Sur un lac tout en longueur, des rondins de bois, des cordes et autres matériaux du même type sont amassés en plusieurs tas de quantité équivalentes. L’objectif de ce jeu nautique est de créer un radeau le plus rapidement possible sur lequel le groupe doit pouvoir monter tout en réfléchissant à ce qu’il ne prenne pas l’eau et à l’équilibre général de la frêle embarcadère, ce qui donne souvent des constructions particulièrement drôles. Tout le monde n’a pas l’âme d’un ingénieur naval, encore moins dans cette région du Royaume d’Aryon.
Mais le jeu ne s’arrête pas là. Car une fois construit, il faut être les derniers dans l’eau car une fois que quelqu’un tombe à l’eau, il ne peut plus remonter. Les embarcations de fortunes doivent alors s’affronter sous une forme de joute chaotique à tenter de faire tomber leurs adversaires à l’eau, voire même d’endommager l’embarcation adverse jusqu’à ce qu’il n’en reste plus qu’un. Il y a déjà des théoriciens qui se sont penchés sur l’équilibrage de l’épreuve et c’est ainsi que pour récompenser les premiers, les organisateurs ont placé des rames plus longues au milieu du lac, offrant une plus grande allonge dans la lutte pour faire tomber leurs adversaires. Mais la rapidité de construction n’implique pas forcément la meilleure flottaison de leur embarcation.
Si la Forteresse et la Guilde ont l’habitude d’organiser des groupes de leurs membres afin d’améliorer l’esprit de cohésion, les groupes mixtes existent aussi au nom de l’importance de la bonne coordination entre ces deux organes indispensables du Royaume. Mais ce n’est pas d’eux qu’il faut se méfier, mais bien évidemment du double champion en titre, Lance Hamessong, pêcheur de son état, qui a constitué au fur et à mesure des éditions une fine équipe de locaux dans l’optique de gagner cette compétition et de prouver qu’il n’y a pas que les gardes et les aventuriers qui peuvent faire de grande chose.
Participants : @Sofia Nox & @Enola Jefferson
Thème actuel : Jeux aquatiques
ft. Sofia Nox
« Alors, prêts pour la bagarre ? Dites-moi, qui a déjà monté un radeau ici ? Je commence : je n’ai jamais monté de radeau mais j’ai déjà été témoin de l’événement l’année dernière et pense savoir à peu près comment faire. Et puis je suis garde alors porter des objets lourds, tout ça, ça me connaît. »
L’un des partisans répondit de bout en blanc, coupant presque la parole d’Enola et ne laissant pas le temps aux autres pour la prendre. Il dégageait une aura belliqueuse bien que son physique ne soit pas le plus taillé pour la baston, avec sa silhouette longiligne et ses petites épaules. Mais il semblait avoir beaucoup de volonté, ce qui n’était pas à laisser.
« Moi je me suis entraîné le long de la rivière près de chez moi pour monter un radeau, je suis prêt. Je suis agriculteur caprin et mes chèvres viennent souvent boire dans ce lac. Je le connais bien. Je suis Emerald. Ça, c’est Ambroise, mon cousin. Il n’est pas très dégourdi mais il est efficace. »
Il finit alors par désigner de la main un homme plus petit, agrippé à son bâton d’une manière qui laisserait presque présager qu’il ne pouvait tenir debout sans : difficile sur un radeau. Apparemment il savait tenir debout puisqu’il lâcha son bâton pour les saluer de la main.
Alors que j'étais partie chercher des bières pour ma compagne et moi, qui m'attendait dans la foule pour regarder l'épreuve, je m'étais retrouvée totalement par hasard dans une équipe. Comment ? Une femme aux cheveux de jais avait dû voir en moi une parfaite marinette et m'avait -plus ou moins- proposée de rejoindre son équipe. Je misais surtout sur le fait que comme il ne restait plus que des bras cassés, elle voulait au moins essayer de trouver une personne qui avait l'air robuste. Quand on voyait la carrure de ses deux copains, je pouvais comprendre qu'elle avait peur de partir avec un gros handicape.
« Alors, prêts pour la bagarre ? Fit-elle, l'air déterminée. Dites-moi, qui a déjà monté un radeau ici ? Je commence : je n’ai jamais monté de radeau mais j’ai déjà été témoin de l’événement l’année dernière et pense savoir à peu près comment faire. Et puis je suis garde alors porter des objets lourds, tout ça, ça me connaît. »
Ah ouais, c'était du sérieux leur truc là...
« Moi je me suis entraîné le long de la rivière près de chez moi pour monter un radeau, je suis prêt. Déclara aussitôt la brindille. Je suis agriculteur caprin et mes chèvres viennent souvent boire dans ce lac. Je le connais bien. Je suis Emerald. Ça, c’est Ambroise, mon cousin. Il n’est pas très dégourdi mais il est efficace. »
Je restai plantée là avec mes deux bières en main, luttant de tout mon être pour garder une mine neutre, sous mes airs circonspects. Sous cousin était pire qu'une brindille et semblait à peine tenir debout. Je sentis leurs regards se tourner lentement vers moi, comme s'ils attendaient que je me présente à mon tour. Mais bordel pourquoi j'avais pas juste dit non en l'envoyant chier ? Et Eve, que je voyais dans les tribunes, se retenait de rire en me voyant dans cette situation. C'était pas elle qui allait venir me sortir de là, ça non.
"Euh... J'ai lu le bouquin de Byr Grealls, 'Le guide de la survie extrême'. Et euh... Dedans il expliquait comment faire un radeau de fortune solide. Voilà..."
Long silence. On se regardait un instant sans rien se dire. Bah ouais, j'étais juste une putain de touriste qui venait regarder avec sa chérie, moi, à la base ! Bon, il fallait se mettre au boulot et construire notre radeau avec les matériaux mis à disposition. De la corde, des rondins de bois et quelques outils.
"Alors... Euh... De ce que je me souviens, le mieux à faire c'est faire des trous dans les rondins, comme ça on pourra y passer dedans une branche à peu près droite et ça va tout maintenir. Avec la corde en plus, on aura un truc assez bien... Je pense."
Bon, maintenant que ça c'était dit, je m'écartai un peu pour boire ma bière et les regarder commencer. Autant j'vais pas dit non pour participer à leur jeu à la con, autant devoir bosser et me fatiguer à faire un radeau... Pas avant d'avoir terminé mes boissons, en tout cas.
ft. Sofia Nox
« Euh … j’ai lu le bouquin de Byr Grealls, 'Le guide de la survie extrême'. Et euh … dedans il expliquait comment faire un radeau de fortune solide. Voilà ... »
D’accord. Elle ne s’était même pas présentée, mais au moins Enola savait qu’elle devrait voir en cette petite femme une source d’informations théorique. Rien de plus, vu comment elle était plus intéressée par sa bière que par la compétition, ce qui ne présageait rien de bon. Elle continuait ses explications.
« Alors … Euh … De ce que je me souviens, le mieux à faire c’est faire des trous avec les rondins, comme ça on pourra y passer dedans une branche à peu près droite et ça va tout maintenir. Avec la corde en plus, on aura un truc assez bien … Je pense. »
La nonchalence de la nouvelle agaçait un peu Enola qui avait cependant appris, dans son travail à la garde à la Forteresse, à mettre son ego de côté durant les missions. Mais cette maîtrise de sa fierté fonctionnait également car autour d'elle les autres gardes savaient faire preuve de coopération et de sang froid. Une pensée l'atteignit, lui disant qu'elle serait tellement mieux avec l'équipe de la garde, si seulement elle était restée assidue aux entraînements menés par le club, mais elle chassa cette idée rapidement : ce n'était pas le moment de regretter ce qui s'était passé cette année.
Emerald, lui, était plus touché par l’attitude de la jeune femme, et souffla en la voyant avaler ses pintes. Enola le regardait marmonner quelque chose dans sa barbe, puis se mit à l’œuvre avec son frère. Il est vrai que le coup de lancement avait jailli et que tous les autres groupes avaient commencé. Enola les suivi.
Ils récupérèrent quelques rondins de bois de taille similaires, tandis que Ambroise courrut chercher de la corde à un autre endroit. Il revint les voir en quelques minutes, couvert de quelques déchirures au niveau des bras.
« J’ai dû me battre un peu avec une aventurière aigrie venimeuse mais c’est bon j’ai de la corde ! »
Et il tendit les bras, laissant voir un beau et long morceau de corde, qui pourra faire tenir le radeau en place tout le long de la journée, si elle est bien serrée. L’aventure commençait bien, à l’exception de la participation de la jeune femme qui buvait ses boissons à l’ombre. Enola commençait à s’agacer.
« Quelle est la stratégie ? On fait rapidement le radeau et on vise les rames ? Ou alors on priorise un radeau solide au risque de ne pas trouver de rame? » demanda Enola à la cantonade, essayant d’inclure la dernière recrue dans la discussion.
Ceci étant fait et après les avoir entendu râler à maintes reprises pour savoir où étaient passés leurs outils, je choisis ma prochaine cible à portée de mes ombres pour essayer de saboter leur travail. Les règles semblaient assez simples : Être le dernier debout. Rien n'interdisait ce que j'étais en train de faire, ni même l'utilisation des pouvoirs. Mais le truc, dans ce genre de compétitions, les gens avaient tendance à oublier tout ça pour se focaliser uniquement sur leur tâche. Donc, plutôt que de me fatiguer, je préférai ruiner les efforts des autres et être en forme pour aller les démolir une fois sur l'eau. Le radeau du second groupe saboté, je m'étirai avec nonchalance et regardai la progression de mon propre groupe.
« J’ai dû me battre un peu avec une aventurière aigrie venimeuse mais c’est bon j’ai de la corde ! » Déclara Brindille Numéro 1, tout content.
Une magnifique corde ouais, encore fallait-il connaître les nœuds à réaliser pour maintenir le tout le plus solidement possible. Et ça tombait bien : Ce n'était pas mon cas. Je n'aurais pas à bouger mon cul, j'avais même encore le temps d'entamer ma seconde bière. Dommage pour ma Eve, mais je préférais la boire moi-même plutôt que la laisser se réchauffer. J'aimais pas le gaspillage.
« Quelle est la stratégie ? On fait rapidement le radeau et on vise les rames ? Ou alors on priorise un radeau solide au risque de ne pas trouver de rame? » Demanda Enola.
Elle parlait assez fort pour que je puisse l'entendre, comme si elle voulait m'inclure dans son truc. Les rames, on en avait pas vraiment besoin. Elle ne connaissait pas mon pouvoir et, vu comment le soleil tapait dans le ciel, j'allais pouvoir m'en servir au maximum. Donc aussi les appeler une fois sur le radeau, les plonger sous l'eau et m'en servir comme rames pour faire avancer notre embarcation. Le mieux à faire était donc de se concentrer sur la construction et faire un truc solide. Car en ce qui me concernant, je n'allais pas me contenter de vouloir faire tomber les autres. Plutôt détruire les radeaux et j'avais les armes pour. Je disais ça sans vouloir me la raconter, évidemment.
"Faites un truc solide, on aura pas b'soin des rames. J'vais pas le montrer ici sinon les autres vont s'y attendre, mais j'ai de quoi les toucher avec une portée bien au-delà de la longueur des rames. Donc j'me repose, sinon j'pourrais pas m'en servir à fond."
Bon, même si je les aidais à construire le radeau, j'étais tout à faire capable d'utiliser mon don par la suite. Je pouvais m'en servir même blessée, pour dire. Mais ça, ils ne le savaient pas et ça me donnait un bon prétexte pour glandouiller dans mon coin. Toute façon je ferais ma part quand on sera sur l'eau, ils seront content comme ça. En attendant, pour faire passer le temps, j'allais gâcher le travail des autres encore un petit peu. Du moins ceux qui étaient à ma portée et sans trop forcer. Au pire des cas, il me restait encore Nòtt et Svartur. Ca pourrait être rigolo de m'en servir durant la compétition et voir les autres paniquer à la vue de deux monstres sortis de sous les eaux. Et, pour avoir l'air de la parfaite touriste, je retirai ma robe, la jetai dans un coin et m'installai confortablement pour faire bronzette. J'avais même mon beau maillot noir, avec moi, que j'avais prévu au cas où Eve avait envie de faire trempette plus tard.
ft. Sofia Nox
Tentant de faire fi du présomptueux de cette déclaration, Enola ne répondit pas, tout comme ses coéquipiers, à l’exception d’un hochement de tête certain. De son côté, son pouvoir de Sluha n’était d’aucune utilité sur le lac, entre les chahuts qui ne seraient que source de souffrance pour ses oreilles et le fait que tout ce qui se passe sur le lac sera à la vue de tous ... Cette réflexion attira son attention sur le fait qu'elle n'avait pas pris connaissance des pouvoirs s'ils en ont de ses nouveaux étranges amis Ambroise et Emerald. Ils devaient sûrement en avoir propices à l'activité d'élevage caprin, se dit-elle en tirant vers elle la corde qu'elle avait entrelacée aux rondins de bois de son côté.
Elle voulut leur demander directement mais son attention fut attrapée par le premier groupe de concurrents, la terrible équipe de Lance Hamessong, qui se lançait en mer, le radeau terminé. Ils étaient six, un groupe mixte de concurrents et de concurrentes visiblement dopés à quelque chose, aux vues de leurs muscles saillants et leurs yeux écarquillés. L'une d'elle était la plus effrayante, avec ses quatre cheveux encore présents sur sa tête et les veines violettes qu'Enola pouvait apercevoir depuis le bord du lac alors que le groupe favori s'approchait de son centre. Elle lança un cris rauque et retentissant, invitant tous les candidats à venir la renverser de sa place. Seul Lance Hamessong, assis en tailleur, le visage paisible et fier pour cette journée de remise en jeu de son titre, ne semblait pas aux proportions inhumaines. Enola était effrayée de voir une si petite embarcation tenir sous le poids d'aussi gros tas de muscles qui scrutaient le lac, attendant les autres concurrents venir les déloger. C'est ce qui fit le groupe de la garde, qui venait de terminer leur radeau. Moins impressionnants mais tout aussi déterminés, les anciens collègues d'Enola crièrent en se jetant à l'eau en direction du groupe à déloger. Ils furent suivis de près, de chaque côté du lac, par tous les autres groupes : la bataille commençait.
« On a pas de temps à perdre ! On va pas gagner en campant quand même ? » fit Enola pour motiver ses troupes.
Elle intima les autres à se joindre à elle en poussant le radeau de rondins de châtaignier qui était le leur vers le lac.
« On a pas de temps à perdre ! On va pas gagner en campant quand même ? » Lança Enola, pour nous motiver.
"Ouais ! Et si l'aut' elle pouvait bouger son p'tit cul ça ira plus vite !' Répondit Brindille numéro 1.
"J'ai pas un p'tit cul, déjà ! Et mon nom c'est Sofia."
J'avais oublié de me présenter, maintenant c'était chose faite.
"Et j'suis pas restée assise à rien glander, j'ai bossé."
Les deux frères Brindille se regardèrent, perplexe.
"Ah bon ... ?" Firent-ils, en même temps.
"Bah... Les autres ils coulent pas tout seul, là. R'gardez."
Je leur fis un signe de la tête pour regarder les radeaux qui prenaient l'eau un à un. Tous ceux qui étaient à portée de mes ombres en tout cas. Dommage que c'était pas le cas de Lance Hamessong. A notre tour de nous mettre à l'eau. Le radeau qu'ils avaient construit semblait relativement bien tenir.
"Bon, gardez vos rames pour taper les autres, j'vais nous faire bouger. On fonce au milieu, c'est ça ?" Demandai-je alors à Enola, qui semblait être la cheffe de notre groupe.
Comme c'était visiblement le plan, j'invoquai mes deux ombres qui allèrent se placer derrière notre embarcation. Ensuite, comme des moulins, je les fis tourner pour nous propulser dans l'eau. On allait vachement vite, comparé aux autres ! Mais à cette allure, j'ignorais combien de temps j'allais pouvoir tenir, peut-être dix minutes tout au plus, vu l'énergie que ça demandait.
"J'vais peut-être pas tenir longtemps comme ça ! J'compte sur vous pour faire le ménage !" Lançai-je alors que le vent fouettait nos visages.
Je trouvais ça amusement, finalement. Pour tourner, j'arrêtai simplement l'un de mes tentacules et accélérai la rotation de l'autre, de quoi prendre des virages bien serré et éviter les coups qui nous étaient destinés. Pour le moment, je m'amusais assez ainsi et je me fichais pas mal de gagner ou de perdre. Donc je préférai garder Nòtt et Svartur de côté pour le moment. Mais, à la première occasion d'humilier ce Lance qui semblait trop se la raconter, j'irais lui envoyer mes deux serpents en pleine gueule.
ft. Sofia Nox
Enola regardait la dernière recrue s’avancer vers eux. Elle pensait comme son coéquipier mais n’aurait pas osé le lui dire sur le même ton. Elle se pinça avant de bien vouloir témoigner du reste de la discussion, délaissant l’attention qu’elle aurait du porter au lac, duquel lui venait d’étranges grondements et des cris sourds … mais elle était plus intéressée par ce qui pouvait se passer dans son équipe.
« J’ai pas un p’tit cul, déjà ! Et mon nom c’est Sofia. Et j’suis pas restée assise à rien glander, j’ai bossé. »
Enola fronça les sourcils. Elle n’était ni perturbée par les propos sur son derrière ou le fait qu’elle prétendait avoir travaillé, mais par ce prénom : Sofia, elle l’avait entendu quelque part …
« Les autres ils coulent pas tout seuls, là ... » entendait d’une oreille Enola qui restait fixée par ce prénom : qui donc cherchait une Sofia ? Elle aurait pu jurer qu’elle avait entendu ce prénom … de la part de quelqu’un de proche …
Elle fut tirée de sa réflexion par un mouvement violent vers l’avant, alors qu’elle n’avait pas lâché le radeau qu’ils avaient terminé. En effet, celui-ci partait d’un coup vers le lac, propulsé par un moteur inconnu, et Enola n’avait plus qu’à prier pour rester en vie. Les cheveux plaquée contre son crâne, le vent sifflant dans les oreille, de concert avec les acclamations du public et les hurlements tintés de quelques improbations des participants, Enola tenait bon. Certains groupes tombaient, attirés mystérieusement qu’ils étaient par une force venue des profondeurs, mais elle ne pouvait pas voir ce qu’il se passait autour d’elle, agrippée au radeau alors que celui-ci dessinait des loopings sur la surface du lac.
« J’vais peut-être pas tenir longtemps comme ça ! J’compte sur vous pour faire le ménage ! » continua-t-elle agrippée tout autant au radeau.
C’est le moment que choisit le cerveau d’Enola pour faire un lien simple dans ses souvenirs, et également le moment qu’elle prit pour poser une question simple, criant pour se faire entendre dans tout ce chahut :
« Mais dis donc … tu connaîtrais pas une ...
- C’est pas le moment pour se taper la discut’ ! », s’exclama Emerald, toujours très énervé par son équipe.
Lui et son frère prirent un rondin de bois de châtaignier qui avait appartenu à un radeau déchu et qui flottait misérablement sur le lac pour le soulever tant bien que mal. Ils le lancèrent de toutes leurs forces sur le radeau le plus proche, dont l'équipage survécu à la houle engendrée. Au plus grand mal d'Enola, c'étaient là ses collègues du corps des grognours qui s'étaient entraînés toute l'année pour cet événement, sans elle.
« Enola !!, hurla Hermance, sa collègue fantassin qui avait mené la troupe jusque la bataille finale contre Lance Hamesson l'année dernière. Mais qu'est-ce que tu fous là ? On te vire parce que t'es pas foutue de suivre un entraînement avec nous et maintenant tu viens nous empêcher de gagner avec ton équipe de bras cassé ?!
- Si vous perdez contre une équipe de bras cassés, alors c'est vous les bras cassés !! cria Enola à travers la cohue, à la pointe de sa répartie. Et en plus j'étais malade ...
- Laisse nous tranquilles ! Si tu es vraiment de la garde, alors laisse son équipe gagner comme elle aurait dû gagner l'année dernière !
- Vous êtes des adversaires comme les autres ! Vous êtes pas assignés ici pour une mission de ce que je sache ! »
Cette dernière réflexion acheva de marquer le radeau d'Enola comme la cible à abattre en priorité par l'équipe de la garde, qui se tournait toute entière vers les quatre nouveaux.
"Mais dis donc … tu connaîtrais pas une ..."
"C’est pas le moment pour se taper la discut’ !" Coupa Emerald.
Bah j'avais envie de savoir moi maintenant ! Il se prenait pour qui celui-là, à nous interrompre comme ça ? Les deux frères parvinrent à récupérer un rondin de bois qui flottait sur l'eau. La suite, je m'y attendais clairement pas : Ils le balancèrent comme une lance vers un autre radeau qui fut tout simplement détruit par le projectile. Ah oui, d'accord. Ils prenaient la compétition très au sérieux aussi.
"Enola !!Retentit soudainement une voix qui hurlait au loin. Mais qu'est-ce que tu fous là ? On te vire parce que t'es pas foutue de suivre un entraînement avec nous et maintenant tu viens nous empêcher de gagner avec ton équipe de bras cassé ?!"
De bras cassé !? Moi !? J'allais lui montrer qui était le bras cassé, à celle-là.
"Si vous perdez contre une équipe de bras cassés, alors c'est vous les bras cassés !! " Répondit Enola, en hurlant à son tour.
Bordel, j'avais atterrie au milieu d'une bande de cinglés qui se prenaient tous trop au sérieux.
"Laisse nous tranquilles ! Si tu es vraiment de la garde, alors laisse son équipe gagner comme elle aurait dû gagner l'année dernière !"
Tout ça semblait si important que je me demandais, sur le coup, s'il y avait un truc de fou à gagner. Genre un objet magique unique ? Un coffre de cristaux ? Il devait forcément y avoir une raison à tout ça.
"Vous êtes des adversaires comme les autres ! Vous êtes pas assignés ici pour une mission de ce que je sache ! "
Bon, c'était visiblement pas la joie dans la garde, pour Enola. Si je m'en fichais pas mal, j'avais quand même envie de l'aider à couler ses -anciens ?- camarades rien que pour avoir osés m'insulter de bras cassé.
"Bon, Enola, j'vais suivre tes consignes, tu sembles les connaitre. On va les éclater en vitesse, ces bouffons, et ensuite on ira botter le cul de Lance." Déclarai-je, soudainement très motivée.
Comme si j'allais laisser ces rigolos se foutre de ma tronche comme ça. Une fois qu'on les aura dégagés d'ici, ils auront tout le loisir d'aller glander aux sources chaudes, comme c'était la seule chose qu'ils faisaient correctement.
ft. Sofia Nox
- D'accord. Laissons-les se fatiguer et occupons-nous des plus petits groupes alors, comme ça une fois que l'un des deux groupes aura gagné la bataille, nous on arrive et boum ! » lui répondit Enola en enfonçant son poing droit dans sa paume gauche.
Enola réfléchit un instant. Son pouvoir n'était d'aucune utilité sur l'eau, et elle croyait avoir compris que Sofia, qui qu'elle soit, pouvait faire bouger leur radeau, ce qui était d'une très grande utilité. Cependant, il fallait à Enola atteindre les radeaux ennemis pour pouvoir les faire tomber, et elle n'avait toujours pas trouvé d'arme, que ce soit un bout de bois échoué ou un bout de bois.
Le radeau s'approcha vivement du groupe constitué des aventuriers volontaires. Ceux-ci étaient au nombre de 4 également, dans un groupe mixte dirigé par un grand gaillard qui les regardait venir d'un air de défi. Enola ne les connaissait pas et se préparait mentalement à les battre sans concession. Elle avait bien l'intention d'attaquer en premier le chef afin de déstabiliser les autres membres du groupe.
« Revencheurs, unissez-vous ! s'exclama Enola en faisant référence au célèbre groupe fictif d'aventuriers, très apprécié sur Aryon. »
Emerald à ses côtés, elle prit d'assaut le radeau ennemi s'imaginant sur fond musical apocalyptique et manquant de perdre l'équilibre. Leur radeau avait été construit moins serré que celui dont elle venait et la joute était donc plus compliquée qu'elle ne le pensait (bien qu'elle fut fière un instant de venir du meilleur radeau). Elle s'enfonça violemment dans le corps de son adversaire qui fut déstabilisé par le choc. Elle crut voir dans ses yeux ceux d'un archer qui n'avait pas eu la chance de connaître la fougue du corps à corps et qui vivait ici ses premiers émois de contact physique dans la bataille.
Alors qu'elle s'en prenait à l'aventurier anonyme, Emerald, lui, était attaqué seul par les trois autre aventuriers et aventurières. Un premier perdit l'équilibre facilement, alors que l'éleveur caprin ne lui avait donné qu'un coup de coude dans les côtes, et il se retrouva en face des deux aventurières. Son frère vint l'aider en donnant un coup d'épaule dans le dos d'une des deux qui ne broncha presque pas, étonnée même de voir un être aussi frêle tenter de la déstabiliser ainsi. Mais c'était sans compter la détermination d'Emerald qui reprit l'attention de l'aventurière en lui donnant un coup de point au visage juste après avoir fait de même avec sa collègue. Cette dernière attrapa le paysan au collet pour le tirer hors du radeau, et les deux femmes, insensibles aux coups de points qu'Archibald leur assénait dans le dos, prirent le paysan pour le renverser hors de l'embarcation. Sous les yeux impuissants du frère qui s'était mis à genoux pour garder l'équilibre, comprenant que même de toutes ses forces il ne pourrait pas les empêcher, Emerald fut mené au bord du radeau de force par les deux aventurières, l'une le tenant par le cou et l'autre soulevant ses pieds. Il se maintenait cependant fermement à elles et, alors qu'il sombrait, les agrippa si bien qu'elles tombèrent à l'eau avec lui.
Archibald poussa un cri dévasté, à genoux sur un radeau de fortune sur lequel Enola se battait toujours avec le chef aventurier. Mais son cri qui dans un premier temps faisait plus mal aux oreilles qu'au cœur, devint en une dizaine de secondes plus grave, plus fort. Enola, contre laquelle le chef aventurier avait réussi à prendre le dessus, l'aperçut du coin de l'oeil grandir et grandir, à un point où elle se réjouit que les autres concurrents soient tombés à l'eau, ou alors le radeau aurait fini par céder. Son visage qui avait pris le double de volume avait également pris une couleur verte et ses yeux une teinte rouge. D'un geste puissant mais facile pour lui, il découvrit Enola de son adversaire et le lança vers le bord du lac, peu intéressé du risque de le lancer ainsi sur la terre ferme. Enola eut un mouvement de recul : allait-il la lancer ainsi ou pouvait-il la reconnaître comme coéquipière ?
Il approcha sa main d'Enola pour la soulever et la remettre debout, comme un pion, et la regarda intensément.
« Allons défoncer les autres. », lui fit-il de sa voix rauque.
Elle hocha la tête, un peu effrayée tout de même, et regarda Sofia pour la suite de la mission.
Ah? Je pensais qu'elle avait surtout envie d'aller les éclater tout de suite. Enfin, j'en avais un peu rien à faire, j'allais donc me contenter de pousser ce radeau là où elle le voulait. Une cible fut rapidement trouvée et, à en juger par les types qui se trouvaient dessus, c'était des aventuriers. La confrontation semblait inévitable dans la mesure où, eux aussi, nous avaient repérés. Je fis donc tourner mes ombres pour propulser le radeau vers le leur. Face à face, je rappelais mes tentacules et m'installai en position du lotus, jambes croisées, à l'arrière de notre embarcation pour les regarder faire. Je devais me reposer un peu avant de pouvoir utiliser à nouveau mon don, donc rester ici, aux premières loges, pour voir deux groupes se foutre sur la gueule
« Revencheurs, unissez-vous !» S'exclama Enola.
Je ressentis un grand sentiment de malaise. C'était quand même dingue de prendre un jeu aussi débile autant au sérieux. Mais bon, au moins elle s'amusait, c'était le principal, non ? Alors que notre radeau venait à peine d'arriver au niveau de celui des aventuriers, Enola, Emerald et Archibald le prirent d'assaut. C'était risqué, d'être autant sur un si petit truc flottant. S'ils tombaient à l'eau, c'était foutu. Je regardai, sans grand intérêt, l'affrontement entre les deux groupes. Un combat des plus étranges. Enola semblait en vouloir à leur chef pendant que l'un des frères se faisait malmener par les autres. L'un des aventuriers tomba à l'eau et laissa les deux femmes de l'équipe contre les brindilles. Mais leur capacité à encaisser les coups était assez incroyable, peut-être leur pouvoir. Au final, Emerald ou l'autre, je savais pas les différencier, se fit soulever, prêt à être jeté à l'eau.
Mais, dans sa chute, il parvint à embarquer les deux aventurières, sous les cris ... de chagrin ... de son frère. Ouais bon, il était pas mort non plus ! Sous la colère, la brindille se transforma en abomination verte d'au moins trois mètres de haut. Ah d'accord, quand on disait de manger des épinards pour être plus fort, fallait peut-être pas pousser autant. D'un geste, d'un seul, il se débarrassa du capitaine de l'autre équipe et souleva Enola comme un petit bout de chiffon pour la remettre sur ses pieds. Bon, même si j'avais pu récupérer un peu, devoir pousser notre radeau avec un truc aussi gros à bord risquait de me demander pas mal d'effort.
« Allons défoncer les autres. » Grogna-t-il.
De retour à bord, le gros vert me regarda, l'air d'attendre que je redémarre. Bon, tout ce bordel commençait un peu à me les briser, j'avais envie d'en finir un peu plus rapidement. Je cherchai donc l'équipe de Lance et fonçai droit sur eux. En nous voyant approcher, ils avaient compris qu'on les prenait maintenant en chasse. Ils se préparèrent donc à l'attaque. Lance resta tranquillement assis pendant que son équipe s'organisait. Aussitôt, une jeune femme se plaça devant et entoura ses collègues avec une sorte de champ protecteur. Un homme, en retrait, s'équipa de sa rame qu'il parvint à allonger de plus en plus. Comme si son pouvoir à lui était de faire grandir les objets. Enfin, la dernière, semblait être capable de créer de la glace, puisqu'elle fit apparaître des pics de glace à l'avant du radeau. Mouais.
"Bon... Fis-je en me levant.A la base, j'étais venue ici pour passer du temps avec ma chérie. Elle doit bien se marrer, à m'voir entraînée dans tout ça mais j'aimerais la rejoindre assez rapidement."
Le tatouage à ma cuisse de mit à briller un instant. Deux ombres serpentèrent le long de celle-ci pour aller se cacher sous l'eau.
"Du coup j'aimerais terminer ça dès que possible."
Une première forme, énorme, de dessina juste sous la surface, puis deux pupilles mauves se mirent à luire. L'homme qui tenait la rame géante demanda à sa collègue de créer une couche de glace sur l'eau pour lui permettre de glisser dessus et ainsi nous attaquer sans mettre les siens en danger. J'ordonnai à Svartur, mon premier serpent d'ombre géant, de répondre à son attaque. Il remonta à la surface à toute vitesse, brisant ainsi la couche de glace, en poussant un sifflement sourd. Il attrapa, dans sa gueule, la rame de l'homme et l'envoya valser bien plus loin, hors de portée de sa copine de glace. Il tomba à l'eau, ce qui le disqualifia. Lance se leva en voyant la menace que représentait ma bête. D'un geste puissant, il frappa dans ses deux mains et créa ainsi une onde de choc à la puissance assez folle. Assez pour faire vaciller Svartur. Malheureusement pour eux, il n'était pas seul. Nótt sortit de l'eau, juste sous leur radeau, qui le brisa sans difficulté. Une fois leur mission accompli, mes deux serpents retournèrent sous l'eau pour attendre mes prochains ordres.
"Mes serpents resteront avec moi pour encore trente minutes environs. On continue ?"
Je me tournai vers Enola et l'autre type, un peu contente en réalité de voir le résultat de cette amélioration de mon pouvoir. C'était la première fois que je m'en servais, depuis que je l'avais perdue. Vivianne avait fait un travail monstrueux, Nótt et Svartur étaient bien plus forts qu'avant.
ft. Sofia Nox
Ils arrivèrent au coeur du carnage. La lutte faisait rage. Lance et les siens arrivaient à bout de radeaux en radeaux, d'équipes en équipes, sans jamais une égratinure. On entendait les cris des soldats perdus dans la bataille tandis que Lance, seigneur au coeur de ce massacre, était protégé par les siens et la tour de glace (ou plutôt les quelques pics épars entourant la cargaison) créée par sa femme de mains. Il en était assez. Il était temps qu'une équipe de revencheurs certes plus faible mais prête à tout pour défendre les idéaux de justice et de liberté mette fin à la tourmente qu'imposait Hamessong aux pauvres individus sans défense qu'il martirisait !
Enola se leva (et manqua à nouveau de tomber), inspirée qu'elle était par la musique grandiloquente qui tournait dans son imagination. Elle était prête pour la bataille finale. Elle mit la main sur le pommeau de son épée mais se rendit compte soudainement que non, elle avait bien laissé ses armes avant d'entrer en piste, comme le demandaient les règles du jeu.
Une main arrêta le mouvement qu'elle dessinait vers la bataille. C'était celle de Sofia qui lui conjurait :
« Laisse moi ce combat, Enola. Lance a mit fin aux jours de toute ma famille, il faut que je mène cette vengence seule, mon honneur en dépend. »
Ce n'était pas exactement ce qui s'était passé puisque en réalité Sofia, ne montrant aucune attention envers les membres de son équipe, attaquait de front le radeau des favoris avec ses mystérieux pouvoirs sous-marins. Elle déclarait :
« À la base, j'étais venue ici pour passer du temps avec ma chérie. Elle doit bien se marrer, à m'voir entraînée dans tout ça mais j'aimerais bien la rejoindre assez rapidement ! »
Sa chérie ... cette réflexion résonna en Enola, soudainement inintéressée par ce qui pouvait se passer au niveau de ses adversaires. Elle repensait alors à la fixation qu'elle avait connue autour du prénom de sa coéquipière. Elle se rappelait, maintenant, avec précision, de qui était à la recerche de sa compagne qui se prénommait Sofi, de qui avait prononcé son nom perdue dans les montagnes du nord.
Enola jetta un regard vers les gradins, cherchant une arcère au plastron de cuir possiblement hilare devant cette situation. Elle n'était pas visible depuis le lac mais Enola était persuadée de sa présence, ce qui donnait une autre dimension au combat.
Elle se retourna alors, toute entière dédiée à nouveau à la compétitition. Lance et les siens étaient maintenant à l'eau et plusieurs mystérieux animaux sous-marins rodaient autour d'eux. Enola comprenait instinctivement qu'ils n'étaient en rien une menace pour elle ou pour son radeau, car ils restaient en réalité près de leur maîtresse, Sofia. Impressionnant.
« Mes serpents resteront avec moi pour encore trente minutes environ. On continue ?
- C'est parti. »
Enole se tourna vers les derniers encore en lisse. Malheureusement au heureusement, c'était l'équipe de la garde. Cela signifiait d'un côté qu'elle connaissait leurs techniques et ordres d'attaque, mais également que si elle gagnait, Enola allait être reléguée au rang de persona non grata parmi le régiment, et ce pour une durée indéterminée.
La radeau de la garde était utilisé par un groupe de quatre personnes. Elle se souvenait les avoir vus à cinq il y a quelques minutes, ce qui signifiait que l'équipe des pêcheurs était venue à bout d'un des gardes. Ils avaient donc battu retraite pour penser leurs blessés et revoir leur stratégie d'attaque, mais Sofia leur avait coupé l'eau sous le pied. Enola aurait voulu sauter sur le radeau ennemi et faire usage de sa technique à deux épées pour tous les anéantir mais il était interdit ici de tuer ses adversaires, et surtout c'étaient ses collègues par ailleurs, et elle n'avait pas envie de les perdre. Il fallait donc songer à un nouvel angle d'attaque.
Elle se pencha et atrappa une rame qui flottait près du radeau.
« Je m'occupe d'Hermance, elle est fière et mauvaise au corps à corps. Archibald, je compte sur toi pour défonser le reste des fantassins. Sofia, fait ce que tu fais de mieux ! »
Elle se tourna ensuite vers sa rivale. Celle-ci était une aspirante lieutenante qui n'avait jamais été retenue pour être envoyée en formation du fait de sa trop grande fierté. Elle ne savait ni quand s'arrêter, ni avoir une vision globale de la situation. Et surtout, elle ne supportait pas la provocation.
« Eh Hermance ! lui urla Enola. Alors comme ça on perd contre des bras cassés ? Vien me voir si je suis une bras cassés moi ! Avec ma rame on t'attend ! »
La situation était grotesque, dans le décalage entre les propos d'Enola et son manque d'équilibre à cause du saut d'Archibald vers l'autre radeau qui manquait de faire renverser le sien. Mais Hermance mordait à l'hammeçon et laissa ses camarades s'occuper du gros monsieur vert. L'aspirante lieutenante s'était elle aussi armée d'une rame et avançait maintenant vers Enola, bien décidée à lui asséner une correction.
La bataille était objectivement ridicule, les deux femmes très sérieuses dans leur combat devant composer avec l'instabilité du radeau, l'étroitesse du lieu de combat mais surtout des armes en bois léger non conçues pour ce genre d'usage. Elles s'invectivaient de "laisse nous gagner !" et de "lâche l'affaire !" en tous genres, entrecoupées de coups de bâtons et de pirouettes risquées. Mais Enola gardait l'avantage de ne pas se sentir heurtée dans sa fierté par ce combat, qu'elle considérait comme tout aussi noble qu'un autre, tandis que Hermance était déconcentrée par la bassesse de cette démarche. La première profita d'un regard lancé par Hermance vers ses coéquipiers alors que ceux-ci criaient du combat mené contre les deux autres membres du groupe pour lui asséner le coup fatal et la faire tomber de son radeau.
Enfin gagnante, Enola se tourna vers ses compagnons de route pour voir leur avancée.
« Je m'occupe d'Hermance, elle est fière et mauvaise au corps à corps. Archibald, je compte sur toi pour défoncer le reste des fantassins. Sofia, fait ce que tu fais de mieux ! »
Faire ce que je faisais de mieux ? D'accord.
« Eh Hermance ! Alors comme ça on perd contre des bras cassés ? Viens me voir si je suis une bras cassés moi ! Avec ma rame on t'attend ! » Hurla la jeune femme.
Ah oui, j'avais oublié qu'elle prenait le truc très au sérieux aussi. Je regardai Géant Vert qui prenait la pose en montrant tous ses gros muscles. Genre pour essayer d’impressionner. Ca marchait pas trop, vu qu'on était trois et eux quatre, ils pensaient partir avec un gros avantage. A peine arrivés à leur hauteur qu’Archibald sauta sur l'embarcation adverse, de quoi nous faire, presque, tomber à l'eau. Bon, alors Enola m'avait demandé de faire ce que je faisais de mieux. Je restai donc assise pour admirer ce combat final. La garde fit face à sa collège et rivale, dans un affrontement ridicule à coup de "poc poc" et de "pouic pouic", le tout agrémenté par des noms d'oiseaux raffinés. De son côté, le gros vert devait faire face à trois adversaire.
"Alphonse, attention derrière, la troisième se repose pour essayer de gagner quand on sera tous crevé!"
Hein !? Mais pas du tout !
"Je m'en occupe, Edouard!"" Lança son camarade.
Ce dernier fit un petit bond pour se retrouver face à moi et laisser ses collègues gérer notre gros vert. C'était chiant, car en réalité, l'amélioration de mon pouvoir me donnait un avantage certain au milieu de l'eau, comme mes serpents n'avaient pas besoin de respirer, ils pouvaient se cacher en dessous et frapper par le bas, sous les radeaux. Pas amusant comme ça. Sauf que là, le type venait clairement m'ennuyer alors que j'avais rien demandé. Je ne me levai pas, je me contentai de le regarder, bien assise en tailleur, toute sage. Il me regarda. Je le regardai. Un blanc.
"Tu retournes pas te battre avec les autres ?"
Il me regarda encore, interloqué.
"Quoi... ? Mais ! Mais lèves toi et joue ! Le but du jeu c'est de s'faire tomber à l'eau !"
"Ben j'ai pas envie." Répondis-je.
Nouveau silence.
"Euh... Mais laisse-moi juste te pousser comme ça tu tombes et c'est bon ?"
Je réfléchis. J'avais ni envie d'être mouillée, ni envie de faire perdre Enola volontairement. Mais de l'autre côté, je pourrais retourner auprès d'Eve et rentrer à la maison.
"Nan ça serait pas du jeu."
"Ah..."
"Et toi tu veux pas abandonner ? Demandai-je On dirait surtout que t'es là parc'que l'autre tarée elle t'oblige. C'est pas trop chiant d'obéir à quelqu'un comme ça... ?"
Il haussa les épaules.
"C'vrai que ce jeu lui tient particulièrement à cœur... Elle est trop dég' d'avoir perdu l'autre fois."
"Ah..."
"Ouais, du coup elle a demandée à mon frère et moi de venir, sinon corvée patate, tout ça."
Je regardai derrière le garde. Enola venait de faire tomber Hermance. Archibald, lui était parvenu à se débarrasser des deux autres en prenant un type pour taper sur l'autre avec.
"Du coup je te propose un marché. J'te laisse choisir comment tu finis à l'eau. Soit tu sautes. Soit ce sont mes serpents qui s'en occupent. Soit...C'est le gros vert."
Le garde se tourna et remarqua qu'il était le dernier de son équipe encore debout. Svartur, mon serpent, sortit doucement la tête de l'eau pour regarder sa nouvelle cible. Résigné, Alphonse se laissa tomber à l'eau, ce qui annonça notre victoire. Satisfaite, Enola et Archi' revinrent sur notre radeau. De retour sur la terre ferme, Eve nous rejoignit. J'appris qu'elle et Enola se connaissaient. Comme quoi, le monde était petit ! Comme la petite Garde était une amie de ma compagne, elle devint donc mon amie également. N'ayant pas franchement envie de m'attarder davantage pour la remise de la coupe, je proposai à Eve de rentrer à la maison. Je saluai et remerciai Enola pour cet après-midi amusant et l'invitai à passer chez nous, au Village Perché, quand elle en aurait l'envie, pour partager une petite bière.