Le soleil se levait paisiblement sur le demeure de Haru Du Lys. La saison froide était encore présente avec les traces de givre sur certaines plantes. Le froid mordant était toujours aussi cruel avec la nature mais à la Capitale, on ne pouvait pas se plaindre des températures par rapport au Grand-Nord et sa forteresse.

La ministre finit par se lever en ce jour particulier. Elle avait fait une promesse à son amant il y a vingt jours de cela. Elle se doutait un peu du but de ce rendez-vous et ne préfère pas y penser même si les légères cernes sous ses yeux prouvent bien le contraire. Allant à la salle d’eau, elle fit une toilette rapide pour retrouver un semblant de dignité. Son amant était bien plus jeune qu’elle et au fil des années, le temps la rattrapera alors qu’il sera toujours beau et fringuant. Puis être aventurier, ça entretient bien le corps, ce n’est pas aujourd’hui que le chasseur de prime aura de la bedaine ou quelconque laisser-aller. Par contre, oui perdre un bras, une jambe, un œil, la ministre y pensait tous les jours au métier dangereux de son amant.

 - Arrête d’y penser. Prépare toi.    

Elle descend au rez-de-chaussée, prend son petit déjeuner alors qu’elle portait une robe de chambre chaude pour combler le froid de sa demeure. Louise, son intendante, avait préparé un repas léger. Certainement que Jin avait donné quelques consignes pour éviter que sa bien-aimée soit repue avant les festivités.

Les festivités, Haru avait pensé à plusieurs scénarios possibles et la fin était souvent la même mais certaines fois non. Peut-être que ce n’était rien de tout cela, elle l’espérait au fond mais elle était aussi heureuse de savoir que son chéri avait prévu quelque chose pour ses deux ans de rencontre. Deux ans.. Le temps passait vite, tellement choses ont changé et d’autres l’attendent encore.

 - Merci Louise pour le repas.    

Serrant la ceinture de sa robe de chambre, glissant le plateau sur un coin de la table. Elle finit par remonter dans sa chambre pour voir quelle tenue va-t-elle porter. Une robe ? Non, elle ne savait pas ce qu’il attendait pour cette journée. Une tenue plus fonctionnelle, plus polyvalente serait plus raisonnable. Elle attrape un pantalon noir mettant en avant ses jambes fines et ses fesses. Il était certain que ça ferait chavirer le cœur de son aventurier puis il fallait que ça aille avec le manteau des Saints qu’il lui avait offert un peu plus tôt. Ce rouge pétant était un dilemme vestimentaire mais le dressing gigantesque de la Ministre allait résoudre ce problème rapidement.

 - Allons. Ce manteau est bien long, je peux donc me permettre un assemblage de couleur non ?    
- Et si tu te décidais avant de parler tout haut pendant des heures.
 -  Sekyung, on ne t’a jamais appris à frapper avant d’entrer ?  
- Non je trouvais plus amusant de te voir te débattre avec ta tenue.
 -  Je vois ça et vu que tu es là, tu proposes quoi ?  
- Mais tout te va. Puis je suis sûre que Jin s’en fiche que tu viennes en sac à patates.
 -  Mais moi j’aime être présentable.  
- Prends la tunique bleu marine avec une ceinture noir pour affiner ta taille.

La ministre choisit la dite tenue et va derrière un paravent pour s’habiller. Elle ajuste la ceinture, remet les plis et s’assure que le pantalon moulant aura l’effet estompé.

- Tu es parfaite ! Tu vas faire des ravages à son petit cœur.
 - Tu arrêtes. Ce ne sont que des habits.    
- Certes mais je pense qu’il aura hâte de les enlever aussi
 - Sekyung !    
- Je rigole, je rigole. Ca ira très bien, ne t’en fais pas.
 -  Je…. Je sais.  

La voix de la ministre se voit hésitante mais pour une fois, sa pupille ne relève rien. Elle ne connaissait pas les peur de sa tutrice et elle pensa que ce n’était pas le moment de parler de ça.

Lancelot vient d’arriver. Tu verrais la tête du carrosse. Je ne sais pas comment Jin a réussi à négocier ça à tête bleue mais il a dû se montrer persuasif.

La brune s’approcha à la va-vite à la fenêtre et voit l’attelage.

 - Des fleurs ?    
- Plein partout et je parie que l’intérieur sent drôlement bon.
 - Il….  
- Oui, oui, il a osé. Je pense qu’il veut t’épater.
 - Il n’a pas besoin de tout ça.  
- Si tu séduisais la Reine, tu n’aurais pas mis le paquet toi aussi.
 -   Tu parles de quelque chose d’impossible ma chère. Ne va pas imaginer et rapporter une chose pareille.
- Ok, je n'ai rien dit. Mais c’était pour que tu imagines.
 - Je vois.    
- Allez, ton prince charmant t’attends.
 - Ce n’est pas aujourd’hui que je vais être en retard non.  

La Première Ministre finit de se préparer, un maquillage fin, des cheveux accrochés avec un ruban rouge qu’elle affectionnait tant, les bijoux que Jin avait pu lui offrir avant d’attraper son manteau pour le glisser à son bras. Elle retrouve le hall d’entrée, enfilent les bottines qui vont avec la tenue avant de serrer cette écharpe noire autour de son cou avant de mettre le manteau protecteur sur elle.

- Amuse toi bien !

D’un geste de la main, sa pupille voit Haru grimper dans le carrosse, s'attardant sur tous les détails des préparatifs. Lancelot, comme toujours, était toujours aussi discret et suivit le cortège pour rejoindre le portail de téléportation. La ministre savait qu’elle devait aller au Village Perché, c’était un indice pour connaître le nombre de couches de vêtements qu'elle devait enfiler mais après, elle n’en savait rien. Le voyage fut calme et laissa le temps à Dame Du Lys de réfléchir. Peut-être un peu trop mais elle se contenta de regarder dehors pendant le trajet. Une fois de l’autre côté, une autre personne l’attendait pour l’amener au lieu de rendez-vous. Jin avait tout planifié, il s’était donné beaucoup de mal pour tout ça. Lancelot restait en retrait, ne disant rien mais il devait se douter certainement de tous les préparatifs. Le groupe grimpe dans un ascenseur et on se dirige vers un endroit calme du village perché. De mémoire, la ministre se rappelle qu’il y avait un restaurant avec une vue panoramique à couper le souffle avec possibilité de grimper tout là haut pour voir une vue à couper le souffle.

Le groupe arrive au point de rendez-vous. De vieux souvenirs reviennent en mémoire chez Haru. Le lieu ne lui était pas inconnu, de bons souvenirs étaient présents et elle ne vit personne. Seront-ils seuls pour les prochaines heures ? Des idées émergent dans cette perspective mais il fallait passer plusieurs étapes avant d’arriver à ce dénouement heureux et plaisant. Le silence résonne dans la forêt et on pouvait entendre le bruit des talons sur le parquet légèrement mouillé. Vu de l’extérieur, on pourrait penser à des retrouvailles si attendues de deux personnes qui ne sont pas revues depuis des années. Peut-être que c’était un peu cela car ça faisait plusieurs jours que les deux amants ne se sont pas retrouvés mise à part par appel cristallique. Ca ne remplace pas le contact humain surtout avec un homme qui avait la possibilité de réchauffer une pièce d’un claquement de doigt. Haru a toujours apprécié cette qualité chez son amant en plus de son charme.

Enfin devant la porte, elle prend une inspiration avant d’entendre Lancelot dire qu’il reste dans le coin. Cet homme était de la plus grande discrétion, tout ce qui passait ici restera avec lui jusqu’à son dernier souffle. Haru ne s’inquiétait guère puis elle n’allait pas compléter contre ses Majestés. C’était sa vie privée, voilà tout. Elle finit donc de pousser la porte qui semblait peser des tonnes avant de tomber sur son amant dans cette grande salle rien que pour tous les deux.

Elle s’arrêta un instant pour observer les lieux. Il n’y avait personne, pas de clients, juste eux deux qui se regardaient comme deux imbéciles. Elle finit par s’approcher de son aventurier pour un baiser passionné. Pendant quelques secondes, chacun avait oublié ses angoisses car Haru connaissait son petit-ami, il y avait quelque chose mais elle avait enfilé son masque de Ministre. Elle devient alors souriante, rassurante, ses émotions se cachaient derrière cette carapace. Elle ne voulait pas ajouter ses soucis à celui de l’homme qui faisait palpiter son cœur depuis quelques temps maintenant. Il a fallu de nombreuses lunes pour le comprendre ainsi que des retours de quêtes difficiles. On dit toujours que c’est au moment qu’on perd quelque chose qu’on comprend son importance. Il a fallu plusieurs fois pour qu’elle le comprenne et oui, quand elle sent le corps musclé contre le sien, elle sait qu’elle ne pourrait plus s’en passer.

Avant que Jin ne puisse quelque chose, elle prend la parole.

 - Le carrosse était magnifique. Je te remercie.    

Sa main avait retrouvé la joue de son homme. Celui-ci la récupère pour un baise-main avant de tirer la brune vers un autre endroit du restaurant. Aucun ne parlait pour l’instant mais Haru finit par l’arrêter pour observer mieux son amant. Elle fut heureuse de voir qu’il portait sa ceinture fièrement avec les armoiries de la famille Du Lys ainsi que l’effort vestimentaire même si, lui aussi un rien l’habille.

 - Je peux déposer mon manteau quelque part ?  

Aussitôt gêné par cet oubli, il l’aide à se déshabiller pour le poser sur une table vide non loin. Bafouillant d'excuses, elle finit par attraper son menton pour le faire taire par un simple baiser.

 - Il n’y a pas de mal. Alors que m’as-tu préparé, je suis bien curieuse.    

Le sourire de Jin revient un peu après tout ça et explique alors qu’ils avaient le restaurant pour eux et qu’on avait une vue extraordinaire depuis la terrasse.

 -  Je dois donc remettre mon manteau alors ?  

Il sourit, lui indiquant que ce n’était pas la peine, il y avait des braseros et des sortes de parasol chauffant pour leur confort.

 - Et toi non ?    
- Et moi.

Leur relation a toujours été assez simple. Ils évitaient de parler politique ou autres. Haru avait déjà bien de souci à penser pour le royaume pour les ramener chez elle. Jin était sa touche de fraîcheur dans sa vie, un moyen de s’évader en vivant certaines de ses aventures à travers lui. Elle ne l’aimait pas que pour ça. Elle pouvait réciter plein de ses qualités mais c’était honnête, même beaucoup trop. Il avait des valeurs, des principes malgré le métier qu’il exerçait.  Il allait toujours jusqu’au bout, il était patient pour avoir fait la cour à sa dame de nombreuses lunes mais il avait réussi. Haru n’aurait peut-être jamais fait autant pour un homme comme lui mais il l’avait fait pour eux deux. Elle le remercira jamais de sa patience et de sa compréhension. Car il n’avait pas le même objectif de vie, c’était certain. Ils n’ont pas été élevés de la même façon et peut-être sur ce point que leur avis divergeaient mais jamais ils n’ont eu cette discussion. Pourquoi ils devraient le faire ?

 -  Est-ce que c’est toi qui a choisi les fleurs ici ?  

L’aventurier confirma qu’il avait supervisé l’ensemble.

 - Tu devrais envisager une reconversion alors.    

Puis ils rigolaient tous les deux. Jin attrape de nouveau sa main pour rejoindre la terrasse chauffée où attendaient un banc moelleux pour profiter de la vue avec une arche en fleur. Un brasero faisait son office ainsi que le totem chauffant. Les deux amoureux finissent par s'asseoir avec le panoramique à couper le souffle.

 - Ce n’est pas la vue de chez moi mais j’aime bien. Ça change de Luisante, la forêt a tellement à nous montrer. Puis il faut dire que le voir avec toi à une autre saveur.    

Haru avait pris l’habitude de regarder le paysage depuis la fenêtre de sa chambre. Une vue sur Luisante et le palais. Mais la fois où elle peut voir cette nuit étoilée, Jin a ses côtés, a rendu la chose magique. Haru pense alors qu’il voulait faire revivre cette scène romantique. Elle n’en savait rien et elle ne lisait pas dans ses pensées. Ils parlent tous les deux de quelques banalités de ces derniers jours avant d’entamer un sujet bien plus important.

 -  Je sais que tu as demandé à Louise que je mange un petit déjeuner léger. J’espère que pour toi, tu as assuré quelques collations avant le repas. Puis comment tu as pu corrompre tout mon personnel. Sekyung était aussi dans le coup ?  

Comme toujours, la Ministre est ravie de la prise d’assurance de son amant. Même si elle le sait, il n’était pas aisé de la surprendre en vue de la richesse de sa famille, elle se contentait de bien peu quand il était auprès d’elle. Au fil de ses paroles, de ses démonstrations, elle se relâche auprès du chasseur de prime. Plus de faux-semblant et elle se prend au jeu.

 - Je vais donc me contenter de ça alors et profiter de ce moment. Je pense que c’est dans mes cordes.  

Oui ça l’était. Ça l'était toujours entre eux. Ce couple si hétéroclite avait surtout l’amour en commun. D’ailleurs, d’un point de vue extérieur. Qui pourrait croire que ces deux-là ne s’aimaient pas ? L’un contre l’autre, profitant de cette accalmie.

Tous les deux, ses dernières lunes étaient compliquées. Le désert volant, ce criminel qui sévit, des complots au sein de l’Etat-Major, diverses choses qui avaient le don d'accaparer chacun dans ses activités. L’un poursuivre les méchants, l’autre aider derrière son bureau. Haru a eu plusieurs fois ses moments de solitude, seule dans ce lit, attendant les nouvelles de Jin. A cette pensée, la brune continue de s’approcher pour ne pas dire coller le châtieur ardent. Quand pourront-ils de nouveau être ainsi ? Personne ne le savait malheureusement. Si une île a fait irruption aussi de nos têtes, pourquoi pas un ennemi venant du Grand-Nord ? On a constaté depuis quelques jours que le froid persistant habituel n’y était plus. Changement de saison ? Personne ne pouvait y répondre.

Bien entendu, ce moment de silence a été coupé par les phrases maladroites de l’aventurier. Voyant la brèche, la Ministre ne pouvait que répliquer face à cela mais elle s’arrêta quand son vis-a-vis prend un ton plus sérieux. Le voir s’inquiéter la chagrine plus qu’elle ne croyait

 - Je…  

Qu’allait-elle lui répondre ? “ Je vais bien, ne t’en fais pas “. Non, elle aussi ne savait pas quoi dire et se contente de poser sa main sur la joue chaude de son amant. Elle avait toujours adoré la couleur de ses yeux mais pas que. Mais les pirouettes n’étaient pas d’actualité.

 - Tu es là, c’est tout ce qui compte. Tu sais, je suis au Palais, derrière les murailles gardées par nos Gardes.    

Elle s’arrête un instant et continue de garder le contact de sa main contre sa peau.

 - Il est vrai, il y a des moments plus difficiles que d’autres. Mais c’est toi qui fait les choses les plus dangereuses. Je sais que tu as toujours été si prudent, je sais que ton rêve c’est d’être Saphir. Je comprends que tu veux avoir cette reconnaissance mais ne le fait jamais pour moi d’accord. Fais- le pour toi, d’accord.    

Elle pointa le cœur de l’aventurier.

 -  Mais je sais que tu es toujours là. Ici et j’ai toujours dû mal à le croire, deux ans plus tard, nous sommes ici.  

L’aventurier a été un amusement au tout début, une distraction la première lune mais il avait ce petit quelque chose qui avait tout changé. Haru s’est toujours demandé s' il n’avait pas un second pouvoir, un envoûtement ou autre magie. Elle finit par prendre la main de l’homme qui fait battre son coeur pour la poser contre le sien, au-dessus de cette chemise.

 - Tu vois, tu es là puis j’ai plein de raison pour toujours penser à toi.  

Des bijoux, un ruban qu’elle chérit comme le plus grand présent. Un souvenir qui trône soit dans ses cheveux ou à son poignet.

Mais elle ne voulait pas alourdir l’ambiance plus qu’elle ne devrait l’être.

 - Mais tu as dis, pas de pirouette. Il est préférable d’enlever cette main baladeuse.    

Tous les deux rient de la situation et machinalement, l’aventurier respecte la demande et retire la main de sa compagne pour finir par la tirer vers lui pour l’embrasser de nouveau.

- Alors je peux partir du principe que tout va bien ?
 - Oh tu sais, dans tes bras, tout va bien. Mais c’est vrai, tu as été une oreille attentive ces derniers temps. Si bien que même si ce Brando est encore dans la nature, je fais beaucoup plus attention à mes déplacements comme je te l’ai dit. Je ne suis pas comme toi, capable de me battre avec autant de facilité.  

Malgré tout, la Première Ministre avait quelques objets magiques qui pouvaient l’aider mais comment réagirait face aux dangers ? C’était surtout ça le plus gros problème.

 - On finira par l’avoir. Je sais que tu as essayé mais il ne peut pas se cacher indéfiniment.    

Mais il y avait d’autres sujets qui tracassaient la jeune femme mais elle ne voulait pas le montrer. Elle essayait de garder la tête haute, qu’elle maîtrisait encore la situation. Elle mettait tout sur le compte de Brando en espérant que Jin ne le ressente pas.

 - Et si on allait manger un petit bout. Ce voyage a mis à mal mon estomac, vois-tu. Un commanditaire très séduisant à ordonner que je mange peu. J’espère qu’il compensera au centuple.  

Jin sourit et finit par la prendre par la main pour l’amener dans une autre salle. Quelqu’un était venu depuis leur départ. Quelques gourmandises sucrées ou salées. Pour la plupart, les préférés de Haru.

 - Eh bien, je vois que tu as un dossier énorme sur moi. Combien de pages il fait ?  
- Je ne révèle pas mes sources, ma chère.
 - J’arriverai bien à le savoir Monsieur Hidoru.  

Elle fit alors le sourire qu’il faisait tant fondre son amant. Ils dévorent quelques encas avant de passer à une autre étape du programme. Haru s’amuse alors à décrire quelques plats et de raconter les origines de ses saveurs. Certaines venaient de l’archipel, d’autres dans les profondeurs de la forêt. Il y avait ici les différentes cuisines régionales.

 -  Evidement, je suis bien incapable de cuisiner un plat pareil. Je devrais sérieusement demander à Louise de m’aider sur quelques recettes. Dis moi un plat et je le ferai pour toi, la prochaine fois que tu viens à la maison.  

Avant même qu’il n’ouvre les lèvres, elle pose un doigt sur sa bouche.

 - Ne dis rien. Moi aussi, je vais mener une enquête et je te ferai la surprise !  

Même si tous les deux savaient que la brune finirait par demander à la mère de Jin, la recette secrète de son plat préféré, elle avait envie de mieux le connaître.

 - Bon, tu mérites tous les points pour cette première mise en matière. Tu m’habitue au grand luxe chéri. Je vais finir par prendre goût à chaque fois.  

Haru assistait déjà à de nombreuses réceptions, elle connaissait ce genre de choses mais le faire avec Jin, était bien mieux.

 - Mais je préfère encore plus nos pique-niques. Tu sais, quand tu viens me chercher au Palais pour faire mon escorte et se balader au bord de Luisante.  

Elle mimait alors la situation et prend le bras de son aventurier pour faire quelques pas, bras dessus-dessous. Elle glisse un baiser contre sa joue. Avant de demander enjouée.

 -  Alors que souhaites-tu faire maintenant ? Je suis mon guide !  

 - Tu veux dire les vestiges de l’ancienne Tour d’Astronomie ? Oui ça me va très bien, il faut bien qu’on y grimpe puis on peut finir à la nouvelle Tour ensuite. Nous ne sommes jamais allés tous les deux.  

La ministre ressert la prise de son manteau. Ils allaient quitter le confort du restaurant mais elle se savait au bon soin de son amant. Elle l’observe s’équiper, comme toujours, même si il avait enfilé une belle tenue pour plaire à sa belle, il avait toujours le nécessaire pour se défendre. La défendre pour être exacte. A cette idée, Haru souriait. Machinalement, elle se sentait rassurée et de toute façon, qu’est-ce qui pouvait bien arriver au Village Perché ? Une certaine garde qui allait encore une fois l’arrêter, pensant qu’elle était une terrible criminelle ? Non, il ne fallait pas y penser et elle glissa son bras dans celui offert par Jin. Le silence était doux et on entendait le ronronnement des machines.

L’aventurier voit une invitation à parler, comme si c’était quelque chose qu’il y tenait. Haru fit mine de rester naturelle mais elle avait peur d’attendre quelque chose qu’elle ne souhaitait alors elle renforce sa prise et l’écoute d’une oreille attentive.

 - Je t’ai déjà dit que cette Étoile ne fera pas tout tu sais.    

Mais au lieu de ça, on finit par s’arrêter, le garde personnel de la ministre non loin, une bride à la main.

 -  Jin ! Comment tu as réussi !

Car oui, la brune reconnaît aussitôt le destrier qui approchait. Les traits de la jeune femme se détendent, c’était une bien belle surprise comme le repas plus tôt avec ses mets préférés. Son amant faisait tout pour lui plaire et étape après étape, il gagnait un nombre incroyable de points.

Le chasseur de prime grimpe le premier, Lancelot toujours en retrait. Il était certain qu’il sera non loin du couple au cas où mais il se savait très discret. Il s’assura juste de voir si les tourtereaux rentreront bientôt. Elle attrape sa main tendue, se place devant le cavalier et fut amusée de voir qu’elle aura aussi les rênes de l'expédition.

 - Je pense le connaître mais je pense que je vais avoir besoin d’aide.  

La ministre fit semblant de se tromper pour que Jin rattrape les rênes et se colle plus à elle. Le petit jeu fut vite remarqué mais le cavalier se prête au jeu de l'aiguiller.

 -  Heureusement que tu étais là. Un aventurier qui se perd, ça serait compliqué pour revenir de mission.

Il rigole tous les deux et ils continuent d’avancer au pas. Ils traversent la forêt, prennent la direction du Nord pour rejoindre les ruines. La dernière fois, il avait vu une ancienne tour de guet. Tous les deux tournent la tête vers la vieille bâtisse et se souviennent de ce baiser langoureux. La prise de Jin se renforce contre elle et elle accueille avec bonheur le baiser qu’il lui fit.

 - Encore quelques mètres et nous aurons dépassé notre dernier voyage.  

Pas de Zahria en route, pas de changement d’apparence non plus, rien de tout ça, juste eux deux.

 - Merci encore Jin pour tout ça.  

Il ne dit rien, il laissa sa compagne parler. Est-ce à son tour de parler maintenant ?

 - Comme je te l’ai dit, cette Etoile. Ca ne changera rien à mes yeux, tu le sais. Tu seras toi, tu n’as pas besoin de ça pour prouver qui tu es. Je sais que c’est important pour toi mais tu as déjà prouvé tant de choses depuis tout ce temps. Regarde, nous sommes ici tous les deux sans qu’on se tappe dessus !  

Le chasseur donne un petit coup sur l’épaule de son aimée pour contredire tout ce qu’elle venait de dire.

 - Tu es l’homme que j’aime, peut-être que je ne le montre pas assez. Tu as toujours été le plus démonstratif de nous deux. Si je te dis que je voudrais que mon jardin soit rempli de pétales de roses, tu serais capable de remuer tout le Royaume pour y parvenir.  

A cette idée, la ministre commença à s’imaginer la scène.

 -  Mais pas besoin de détruire autant de fleurs pour mon petit caprice. Même si la magie pourrait t’aider dans cette mission de niveau très difficile ! Je devrais faire une demande à la Guilde.  

Elle ralentit le cheval puis se tourna vers le soleil pour prendre un petit bain de chaleur avant de s’enfoncer à l’ombre des cimes des arbres.

 - Mais si tu dois faire cette quête très dangereuse pour obtenir cette Étoile, fait le. Choisis de bons équipiers et promets moi de revenir toujours en vie, d’accord ?    

D’un baiser, il scella sa promesse.

 -  J’aurai dû ajouter en bon état !  

Ils reprennent leur avancée, les ruines étaient presque visibles. Le soleil faisait une percée sur l’une des façades. La panoramique sera magnifique pensa-t-elle.

 - Est-ce que tu as aussi préparé quelque chose là-bas ?  

Il ne dit rien, il préfère garder la surprise. Alors Haru ne posa pas de questions supplémentaires.

 - Tu sais, j’ai toujours voulu y retourner avec toi à cette ruine. C’était quelque chose d’inachevé. Un but à atteindre, quelque chose qu’on devait faire dans notre couple. Je ne peux pas te dire la symbolique que ça a. Tu es la première personne où je vais si loin et de manière si non-conventionnelle. Ma vie a été qu’un protocole et avec toi, c’est tout l’inverse.    

Elle attrapa la main chaude de son amant pour la mettre sur son ventre pour qu’il s’approche un peu plus de lui. Elle n’avait pas froid, elle voulait sentir le corps chaud de son amant et tout le réconfort qu’il représentait.

 - Je ne sais pas si je l’aurai fait pour quelqu’un d’autre, vous êtes très tenace Monsieur Jin Hidoru.  

Les ruines étaient enfin là, Jin glisse du cheval et aide Haru a descendre du cheval telle une princesse. Ses yeux n’hésitent pas à profiter encore une fois du décolleté de mon amante. Haru ne dit rien mais ça ne lui déplaisait guère quand c’était lui. Voir les pupilles de Jin changer de forme en sa présence était bien plus excitant qu’elle ne le disait. Pas besoin de son pouvoir pour voir toutes les idées qui traversaient la tête du futur Saphir. Elle se détache un peu et raconte l’histoire rapide de ces ruines. Juste quelques minutes, c’est tout.

 - et c’est ainsi que cette façade a été orientée de la sorte. Pour observer les grandes éclipses lunaires. Un phénomène rare mais qui a captivé de nombreux astronomes.  

Elle finit par s’arrêter. La partie historique était terminée.

 - On pourra noter aussi qu’ici.  

Elle s’avance d’un pas sur une grande dalle avec une trace au sol. Un soleil avec une rose des vents.

 - C’est l’endroit parfait pour embrasser l’être aimé ! Une vieille légende, ça porte chance.  

D’un point vu extérieur, ce moment n’était-il pas le plus romantique qu’il soit ? Un lieu cher à tous les deux rempli de souvenirs, un environnement qui se prête à la déclaration qui va suivre. Il faut avouer qu’on s’y attendait un peu quand on voit tout ce que Jin a pu faire pour arriver à ce moment fatidique. Haru le savait, le redoutait et priait Lucy pour que ça n’arrive pas.

Alors elle écoutait, regardait son amoureux dans les yeux et ne souhaitait qu’une chose, qu’il se taise car plus il continuait, plus son cœur se brisait en mille morceaux. Bien entendu, vous voulez savoir pourquoi ? Tout le monde voulait le savoir, elle aussi d’ailleurs mais aujourd’hui, ses pensées, ses peurs, ses non-dits, elle voulait les garder pour elle et ça depuis qu’elle s’est levée de son lit ce matin.

On pourrait décrire le rayon de soleil qui illuminait le teint de la Première Ministre, ses yeux qui se rougissent de seconde en seconde. Ses mains qui se serrent, sa respiration qui accélère, ses yeux qui cherchent un point de fuite, son cœur qui veut sortir de sa poitrine. On pourrait développer une multitude de détails sur la femme qui fait semblant d’être forte depuis sa tendre enfance mais là, maintenant, JIN HIDORU a réussi à faire taire la femme la plus bavarde du Royaume après la Reine.

Bien entendu, Jin était là, genou à terre, attendant une réponse. Alors que cette bague, d’une excellente manufacture, pourrait en faire rêver plus d’une. L’aventurier avait décroché la lune pour payer une bague du genre. Certainement une création personnelle d’un forgeron vu les références à leur couple.

Mais la réponse ?

Faut-il vraiment une réponse ? Vous voyez bien qu’elle ne saute pas de joie, loin de là. Haru n’est pas une femme qui ment. Ni à enrobé la vérité même si c’est l’activité de nombreux politiciens mais là, tout de suite, ça serait peut-être une solution.

Alors les larmes coulent, ses lèvres s'entrouvrent..

 - Jin…

Pleurer de joie, ça passe non ? Mais d’ici, on sait qu’elle ne pleure pas de joie.

 - Relève toi… s’il te plaît.  

Alors elle pose sa main sur la boîte contenant peut-être la plus belle bague qu’elle a pu voir de sa vie. Le clic fit un bruit assourdissant dans ce silence de mort. On a l’impression que la nature, le vent, tout s’était arrêté autour d’eux.

La Première Ministre laisse ses larmes couler, même pas elle fait semblant de sécher. Bien sûr, elle ne renifle pas et garde toujours un certain prestige. Du Lys un jour, Du Lys toujours.

 - Je ne peux pas, Jin.

Il s’en doutait certainement après avoir fermé la boîte mais il était important de mettre des mots dans ses actions. Le père de la jeune femme lui a répété de nombreuses fois d’ailleurs.

 - Je t’aime mais…

Le “ mais “. Est-ce que ça compte vraiment si on dit mais après avoir dit un truc mignon ? Non, certainement pas mais c’est pour essayer de passer la douloureuse qui va suivre.

 - Je ne peux pas Jin…  

Pourquoi ? Est-ce que le chasseur de prime va le savoir ? Puis on notera qu’elle ne répond pas “ ne veut pas “ mais bien “ ne peut pas “. A une lettre près et quelques points supplémentaires au scrabble, ça ne change pas la face du monde mais à cet instant précis, ça l’était. Alors, toute cette tristesse finit par l’envahir et finit par poser les genoux à terre, prenant sa tête entre les mains. Les sanglots deviennent marée et son maquillage ne tient plus le coup, c’était important de souligner qu’il faudrait faire quelque chose pour ça, un enchantement pour que le mascara ne coule jamais.

 - On n’est pas prêt pour tout ça… non… Je ne suis pas prête pour tout ça, Jin.

Elle ne renifle toujours pas, de toute façon, ce passage sera effacé pour avoir aucune preuve. Mais la brune ne savait pas quoi dire de plus. Parler de sa tradition familiale ? Parler des conséquences d’un mariage pour elle, pour sa famille, tout ce que ça implique ? Est-ce qu’il avait la même vision de tout ça ? Est-ce qu’il s'en rendait compte ?

 - Laisse moi le temps, laissons nous le temps s’il te plaît.

Car oui, qui demande en mariage quelqu’un au bout de deux ans ? Les gens qui s’aiment, c’est vrai mais c’est un acte qu’on fait aux yeux de Lucy et pour Haru, devant d’autres.

 - S’il te plaît, Jin.  

Elle finit par lever de nouveau les yeux vers lui. Elle voulait qu’il accepte cette faveur, de lui donner du temps… du temps pour réfléchir, du temps pour faire des choses, du temps pour accepter sa demande en bonne et due forme.