Assise sur un banc à côté de ma statue en verre de Balthazar dans le jardin, je contemple la Volière V2, avec ses améliorations et surtout son agrandissement conséquent. On a racheté le manoir du voisin, avec Luz, et on l'a raccordé à notre maison par le centre. Ça nous rajoute un immense espace de réception, et surtout des chambres pour tous nos amis et notre famille. Les travaux sont presque finis dans la seconde maison, et le salon agrandi qui vient désormais relier la Volière d'origine à son extension, avec sa grande véranda donnant sur le jardin, sent encore la peinture. Quelques chambres sont déjà occupées, et Luz avec quelques autres se sont emparés de la serre au fond du jardin pour y faire planter toutes sortes de plantes. La grande fontaine majestueuse que le voisin avait laissé à l'abandon a été transformée en piscine pour familiers et humains, en cette saison particulièrement chaude que nous venons de vivre. Les écuries aussi ont été agrandies, pour en faire presque de petites chambres pour la ribambelle de familier qui séjourne à Volière au quotidien.
Ça fait du bien, d'avoir des projets sains, comme ça. Dire qu'il y a un an, je pensais encore que j'étais sur le point de perdre la vie dans la gorge du Fenrir après ma fausse trahison. Dire que maintenant, le Fenrir, on ne sait même plus vraiment où il est parti... Les choses ont bien changé. L'année dernière était une année sombre, pour moi, pour ma tribu, pour les espions. Celle-ci est sous de bien meilleurs hospices. Malgré la retraite forcée de Höls, malgré la découverte d'Empyrée, un équilibre a été retrouvé dans la grande famille des espions. Lichael et d'autres m'en veulent encore d'avoir agi comme je l'ai fait, d'avoir déserté, de n'avoir donné de nouvelles à personne, mais petit à petit, les rancoeurs se dissipent alors que le temps fait son office.
La rentrée est à nos portes, et avec elle, la réforme que la Garde va bientôt connaître. Pour moi et quelques autres parmi les espions, ça implique une nouvelle couverture, un nouveau poste dans la Garde. Elle est surtout synonyme de changement, de renouveau, de progression. Et c'est aussi ce que je veux que mon escouade connaisse. Pour la première fois, la réunion annuelle des espions de la saison chaude n'a pas été organisée sur un terrain loin de tout, où seuls les espions pourraient se retrouver pour partager leurs expériences dans l'année et s'entraîner ensemble. Cette fois-ci, je les ai invité à la Volière, qui se veut un second QG pour nous, et ça ne durera que quelques jours, en fonction des disponibilités de chacun. Et surtout, cette année, j'ai invité les anciens espions, ceux dont les pièces ne sont plus sur mon échiquier mais qui restent de précieux atouts et sources de renseignements, et Rhis. Un clivage a toujours existé entre les espions et les anciens, c'est normal, ça permettait de protéger les informations secrètes. Mais par contre, je n'ai jamais compris pourquoi les précédents maîtres-espions mettaient l'espion royal à part, sans que personne ne puisse savoir qui il était. La mission d'espion des espions revient maintenant à Vrenn, c'est le seul qui puisse assurer que les autres font correctement leur boulot sans trahir, et il est temps de réintégrer l'espion royal, Rhis, à notre famille.
Alors j'ai hâte de les voir arriver, évidemment. J'ai préparé le jardin et la cave pour les entraînements, j'ai rempli les cuisines de nourriture et de boisson, on va s'amuser, on va discuter, on va picoler, on va se faire des crasses comme tous les ans... une bonne réunion de famille, en somme. Je crois que l'année dernière, Lichael qui occupait mon poste temporairement n'a rien organisé de bien grandiose, l'humeur n'était pas à la fête. Mais cette année, c'est différent.
Et puis voilà, ils sont tous là, devant moi. Les vieux, les jeunes, ceux que l'on voit tout le temps, ceux qui sont infiltrés et qui n'ont pas pu faire plus qu'un appel par cristal de communication. Ils sont arrivés petit à petit, prenant place dans les lieux, j'ai dû faire visiter la nouvelle maison une dizaine de fois avant que d'autres ne prennent le relai pour moi, alors qu'il fallait tout mettre en place. Ils sont tous là, dans le jardin, un verre ou un amuse-bouche à la main, et je suis fière de mes frères et soeurs de coeur. Je monte sur mon banc, le banc à côté du Balthazar de verre d'Ivara, celui qui est parfois occupé par de véritables Balthazars, convaincus que la statue de verre est l'un de leurs camarades, et je me râcle la gorge avant de prendre la parole.
« Bienvenue à tous à la Volière ! Restez aussi longtemps que vous le pouvez, j'ai prévu des animations pour les trois jours à venir, et les chambres que vous avez pu voir à l'étage sont prêtes à vous accueillir, même s'il faudra probablement partager parce qu'on est nombreux cette année, plus que d'habitude ! Vous avez dû le voir, certains de nos anciens membres nous ont rejoint, alors évitez de leur parler en détail de vos missions actuelles, mais n'hésitez pas à profiter de leur expérience et de leurs connaissances, c'est un véritable trésor que de les avoir parmi nous, eux qui connaissent les techniques, la formation, nos noms de code, et qui vivent maintenant une vie plus ou moins rangée ! J'ai aussi l'honneur de vous présenter, ou de vous représenter, car certains le connaissent d'avant, quand il n'était que simple espion, Rhis Dolamn ! Rhis est censé nous avoir quitté depuis plusieurs années, mais officiait en réalité en tant qu'espion royal au palais. Il était grand temps que l'anonymat soit levé sur lui, et qu'il puisse réintégrer nos rangs et profiter de notre soutien à tous, alors j'attends de vous que vous lui fassiez un bon accueil. Et maintenant... bon appétit à tous, ne mangez pas trop, c'est entraînement aquatique dans la fontaine cet après-midi ! »
Si Apolline se sentait chez elle partout en Aryon, elle se trouvait pleinement à son aise dans le giron des espions. Elle les avait vu passer, tous ou presque, à portée de son regard immatériel, pour grandir et mûrir au fil des cases de l’échiquier où les doigts avisés du Vieux, avant l’Ombre, déplaçaient avec ruse chacune de leurs pièces finement sculptées. Elle avait tissé sa réalité dans l’absence prudente de leur discrétion, creusé son antre dans le rythme de leurs secrets, ajusté les branchages de son nid dans le clair-obscur de leurs rapports codés, tapissé l’écrin de son repaire dans le chuchotement de leurs mains expertes. Elle connaissait leurs infinies ressources, leurs inébranlables valeurs, et leurs terribles vices. Du ventre du bureau où elle avait été le réceptacle de milles et unes chroniques indicibles, témoin du froissement délicat de leur empreinte contre le voile de l’Histoire, elle s’était constituée des fragments de chacun d’entre eux, et ils étaient devenus un peu d’elle-même. Elle savait tout, et elle ne savait rien. Elle se délitait aussi rapidement qu’elle se déterminait, éternel renouvellement d’interdits, de connaissances, d’illusions et de rêves. Gardant scellé dans les abysses de sa conscience artificielle le souvenir de mystères prohibés, pour n’en conserver que le spectre nébuleux à l’affleurement de ses songes. Mais qu’importait cette mémoire latente lacée d’épines protectrices, la trousse de cuir était bien décidée à reconstruire son esprit toujours en ébullition auprès de ces espions, anciens ou nouveaux, qui n’avaient jamais tout à fait quitté sa fibre. Et puis, si elle fabulait encore leurs aventures, qu’importait.
Sifflotant un air lubrique, elle contourna la piscine où Kaname, sous forme humaine, montrait à une jeune recrue comment courir sur l’eau avec ses bottes palmées. Depuis qu’elle avait entendu parler des entrainements proposés pour l’occasion, la loutre s’était décidée à user du collier de métamorphose et participer à ceux-ci. En dépit de l’ombre de la réforme planant au-dessus de la Garde Royale, elle était toujours déterminée à faire ses preuves auprès de l’entité martiale, aussi bien sous forme animale qu’humaine, et d’intégrer une unité jusqu’à obtenir un prestigieux titre. Au diapason, bien évidemment, des compétences dont elle saurait se montrer experte. Et si l’ambition tournait un peu à l’obsession, Calixte était pour l’heure fort heureux de garder la tête lâchement tournée vers d’autres préoccupations. Apolline, elle, trouvait cela à la fois amusant et inspirant. Peut-être pourrait-elle s’inspirer de cette situation pour un nouveau scénario qui traiterait de la rivalité, sur trame d’amour impossible, entre un familier aventurier et un familier militaire. Dans le panel aussi divers qu’inquiétant de son public, assurément y aurait-il quelques intéressés pour pareil sujet.
Poursuivant son trajet tout en ricanant à l’idée de ce prochain livre, elle dépassa Dhim autour duquel tournoyait une nouvelle fois Vreneli, attiré par sa lueur, avant de se faire projeter par la patte joueuse de James. Traversant le jardin dans un volplané hilare, elle rebondit contre le flanc d’une Zuluka occupée à tenter de gober quelques mets présentés sur le buffet, avant d’atterrir dans l’herbe brûlée par le soleil estival. Les flocons perdus d’une boule de neige perlèrent contre son cuir, et elle roula se mettre à l’abri d’une chaise pour éviter de faire les frais d’Ashae qui usait de sa magie pour dissuader la grognedent d’approcher des petits fours. Cette dernière avait un appétit féroce et avalait sans discernement tout ce qui lui paraissait comestible – ou tout ce qui lui faisait présentement envie – sans considération aucune pour son régime exclusivement végétarien. Cette gloutonnerie ne finissait jamais bien pour son entourage, et il semblait que la jeune shupon était bien déterminée à s’épargner un nouvel épisode odorant de rejets mal digérés.
- V’là qui est bonnement honteux. A l’image de leur maître, néanmoins. Vous m’donneriez un fouet, une ceinture ou une baguette et… allons Rozenn, laisse cette aberration et prends-moi à la place.
Levant le regard vers la voix grincheuse d’Azumi, Apolline observa le nourrisson de trois mois et demi délaisser le hochet du Nérouj pour saisir l’oreille de l’âme artificielle qui se présentait à lui.
- Vous disiez, chère amie : un fouet, une ceinture ou une baguette, reprit d’une voix mielleuse Alexiy, qui devait être quelque part dans le fond de la bullette qui lévitait à proximité.
- T’as encore mis la main sur de bons spécimens.
C’était Lichael, qui était assis à côté de Calixte, Maeve sur les genoux, qui s’était exprimé. Son visage indiquait un mélange d’amusement et d’incrédulité, mais les doigts de sa main gauche exprimaient dans leur danse discrète un tout autre discours. Apolline se demanda si cette valse reflétait celle de ses amours avec une certaine zoologue, avant que ses songes n’éclatassent contre le tintement en clochettes du gazouillement des jumelles. Des doigts doucement lumineux de Maeve, qui était hybride lumios, des paillettes multicolores s’échappaient en bouquets garnis, captant brièvement l’attention des deux enfants et déclenchant quelques vocalises ravies. Celles de Rozenn étouffées par le tissu d’Azumi qui avait, une nouvelle fois, trouvé résidence dans la bouche baveuse du poupon. Distraitement, la trousse de cuir chercha qui, dans les familiers de l’ancien espion, avait eu précédemment la garde des jumelles et s’était trompé dans la composition des biberons. Dans tous les cas, ça ne semblait à présent pas inquiéter celui-ci, et elle laissa cette interrogation s’étioler à la faveur d’intérêts plus croustillants se dessinant plus loin. Reprenant sa route, elle roula jusqu’aux pieds de la Maître-Espion.
- On part sur un « Cercle de l’Ombre » tome deux, ou bien y a exclusivité entre l’Ombre et l’Oubli maintenant ? demanda-t-elle de sa voix claire, enthousiaste, à l’hôte des festivités.
A la vérité, la réalité de l’un ne gênerait certainement pas l’âme artificielle pour écrire l’autre. Mais elle n’avait jamais été autrement que curieuse, et certains dénouements se faisaient désirer.
- MAJ inventaire:
- - 2 potions paillettes
La rousse était ravie d’avance et fut d’ailleurs l’une des premières arrivées à la Volière. Ce qui lui permit de profiter des premières visites organisées par la maître-espion des travaux d’agrandissements récemment arrivés à leur terme. Avec ses deux parties, la bâtisse semblait maintenant immense mais il fallait bien cela pour accueillir toute la joyeuse troupe de militaires au service de Zahria et d’amis des deux maîtresses de maisons. Eris se demandait d’ailleurs si Luz leurs ferait le plaisir de se joindre à la fête, elle ne l’avait pas aperçue en arrivant. Le jardin, lui, était tout aussi spacieux que le reste mais n’allait plus beaucoup tarder à grouiller de monde.
Après avoir imprimés la configuration de leurs nouveaux quartiers et prit le temps d’installer quelques affaires diverses dans sa chambre, Eris se proposa de prendre le relai des visites pour décharger Ombre et lui permettre de profiter. - Occupes toi des toasts et des coupes de champagnes, je gère les visites. fit-elle à la maître-espion en la poussant près des tables de nourritures autour desquelles les plus gourmands s’étaient déjà agglutinés. Elle s’occupa donc de montrer les nombreuses chambres, salle de bains et autres petites pièces du nouveau bâtiment venu agrandir la Volière. Le tout en dévorant quelques petites boules de fromages frit qu’elle avait subtilisée sur le buffet. Le genre d’amuse-bouches qui ne devraient pas tarder à faire arriver la deuxième maîtresse de maison.
Après avoir enchaînée bon nombre de visites à son tour, elle se décida à rejoindre le reste du groupe dans le jardin. La plupart étaient arrivés maintenant et, en leur ayant montré les lieux, elle avait déjà eu le loisir de saluer la plupart d’entre eux. Il ne lui qu’à prendre un verre, profiter des festivités et se souvenir de si elle avait bien pensée a prendre un maillot de bain avec le reste de ses affaires.
L’homme aux yeux saphirs avait donc moins côtoyé ces membres discrets, mais efficaces, qui réunissaient bon nombre d’informations dans tout le Royaume. Pour autant, le milicien n’avait jamais oublié l’esprit de camaraderie qu’il avait rencontré dans ce groupe, quand il était recrue, d’abord, et quand il avait fait ses preuves ensuite. Lorsque Zahria lui avait donc proposé de réintégrer ses frères d’armes, il avait été un peu surpris, tant ça détonait de la méthode de ses prédécesseurs, mais Rhis n’avait même pas songé à refuser.
Et voilà donc qu’il se retrouvait à la Volière, qui s’était bien agrandie avec le temps. La piscine, les écuries, la cave et le jardin avec ses zones d’entrainement, les chambres, cela avait faisait un sacré QG pour les espions, et cela attisait bien sûr la curiosité de tout un chacun. Le garde lui-même avait pris plaisir à faire un tour de la bâtisse, pour découvrir éventuellement ce qu’il avait raté avec le temps. Puis, il avait rejoint ses compères, et avait bientôt retrouvé de vieilles connaissances qui l’avaient aussitôt accueillies chaleureusement. Il était difficile de ne pas se raconter certaines missions avec les jeunes et les moins jeunes, ou de se lancer quelques défis amicaux pour tester quelques techniques propres aux espions. Les vétérans eux-mêmes se prenaient au jeu et n’hésitaient pas à conseiller les plus jeunes, ou à s’houspiller mutuellement avec une âme bonne enfant. Mais le groupe se mélangeait bien, et chacun avait l’occasion de revoir ou de découvrir les nouveaux membres des espions, ceux que Rhis avaient pu ne pas rencontrer ou encore ceux qu’ils avaient perdu de vue à cause de sa fonction au sein de famille royale.
C’était une pause un peu hors du temps, où tous les soucis semblaient être relégués dans un coin. La réforme de la garde, Empyrée, et tous ces « petits » tracas de la vie quotidienne semblaient loin. C’était le but de ces trois journées, de cette rencontre, qui pourraient renforcer leur lien à tous. Et il fallait bien profiter, car seule Lucy savait ce qu’elle leur avait préparé…
À la base tu ne voulais prendre personne. Enfin, personne sauf Tea, mais Tea est une âme artificielle qui te sert d’arme et qui se doit de connaître les autres espions. Elle ne t’aurait pas laissé partir sans elle de toute manière, sa présence glaçante autour de ta taille est devenue une constance dans ta vie de toute manière. Bref, il ne devait y avoir qu’elle, mais Freesia qui ne semble pas avoir compris le concept de te laisser partir en solitaire c’est imposé, Camélia a suivi à l’évocation de la possibilité de voir sa sœur et Lotus, la petite bien loin de la monture pour le moment, n’avais pas compris qu’elle devait rester à la caserne avec les familiers raisonnables.
À comprendre que les trois bécasses ont fait une filature pour arriver jusqu’ici et qu’une part de toi est très fière qu’elle soit comprise tout ce que tu leur as appris sur de comment le faire, une autre est fatiguée d’avance de gérer les trois au milieu d’une retrouvailles où tu voulais te montrer mature et responsable. Un soupir sort de ta bouche et tu sens la chaîne de Tea bouger contre ta hanche.
— La théorie sur le fait qu’un familier prend de son propriétaire est assez vraie dans ton cas.
— Je croyais que tu ne voulais pas parler.
— Avec ceux qui n’ont pas d'intérêt et ceux ne sachant pas garder leur langue.
— J’aurais…
— Dû visité ?
Un froncement de sourcil se fait à cette remarque, mais tu vois bien rapidement Lotus réagir à ce mot et la voilà qui part à toute à l’allure pour vouloir faire le tour du propriétaire alors que tu trottines à sa suite pour faire attention qu’elle ne casse rien. Freesia est en train de parfaire ses techniques de vol dans les assiettes de manière plus ou moins subtil, ce qui n’est pas évident quand on est une laïum adulte. Camélia, elle, semble bien décidée à rejoindre la piscine pour tenter d’apprendre à courir sur l’eau, mais sans aucun artifice et donc avec beaucoup moins d’efficacité, au moins elle s’amusait. Au moins les trois familiers qui sont avec toi sont heureux. Se concentrer dessus est plus simple.