- Dis donc, Ralia. Qu'est-ce que tu dirais de te calmer, un peu ?
- Mais demain, c'est mon anniversaire !
Cela fit rire le vieil homme.
- Je ne risque pas de l'oublier. Mais tu sais, on a invité certaines personnes de ta famille que tu vois peu. Tu dois leur montrer ton meilleur côté... À commencer par ne pas tomber de fatigue quand tu les verras.
Il déposa alors sur le sol la petite fille devenue boudeuse. Lui donnant une tape amicale sur la tête, il ajouta :
- Je crois que ta mère veut te voir, ne la fais pas trop attendre.
- D'accord !
Et elle fonça vers chez elle, sous le regard amusé et bienveillant de son aîné.
Lorsqu'elle arriva chez elle, sa mère travaillait sur la table de la pièce principal, à une activité mystérieuse, que l'enfant était trop petite pour pouvoir épier. Néanmoins, son entrée fracassante faillit faire tomber l'une des choses qui s'y trouvaient, demandant de grands efforts à la mère pour ne pas jurer devant sa fille.
- Fais attention, Ralia, à la fin !
Mais elle se radoucit bien vite en lui déposant un serre-tête sur les cheveux. Puis elle lui sourit.
- Qu'est-ce que tu en dis ? Qu'est-ce que tu voudrais porter, demain ? Ce sera ta journée, tu devras être la plus belle !
L'enfant hésita à peine avant de répondre :
- La même chose que toi, j'adore ta robe ! Ah, et plein de fleurs dans les cheveux ! Et des paillettes ! Et...
- Houla, on se calme. Pour la robe, tu crois vraiment que tu pourrais bouger aussi facilement avec ?
Elles passèrent le reste de la journée à négocier, l'enfant enthousiaste et s'impliquant le plus possible dans le débat, la mère lui répondant calmement, amusée. Ralia allait fêter son cinquième anniversaire, et, comme chaque année, sa mère était surprise de l'énergie dont elle faisait preuve pendant son organisation. Peut-être pourrait-elle en faire une organisatrice d'évènements, songea-t-elle. Elle était prête à tout pour l'éloigner autant que possible du chemin qu'avait choisi son époux.
Le lendemain, Ralia était montée, très tôt, dans l'arbre le plus proche de sa maison, afin d'épier l'arrivée de sa famille sans être vue. Evidemment, elle ne portait pas de robe semblable à celle de sa mère, cette dernière, parfaitement consciente des loisirs de sauvageonne de sa fille, ayant préféré lui en confectionner une qui, bien que tout aussi élégante, était bien plus solide et lui permettait de bouger autant qu'elle le désirerait. Néanmoins, elle avait accédé à sa demande concernant les fleurs, lui ayant confectionné une magnifique coiffure mêlant harmonieusement les fleurs naturelles et ses longues mèches améthyste. Oui, c'était une évidence, Madame Lanir était une artiste. Mais, humble, elle n'en faisait pas plus étalage que nécessaire.
Lorsque Ralia vit des personnes arriver et entrer dans sa maison, elle comprit qu'il s'agissait de la fameuse famille. Néanmoins, elle ne descendit pas tout de suite de son arbre. Au lieu de quoi, elle caressa encore un peu l'oiseau posé sur ses genoux, jusqu'à ce que, visiblement lassé, il prenne son envol. Elle l'observa tant qu'elle le put, puis descendit de son arbre. Pendant qu'elle était avec l'oiseau, elle n'avait pas vu un certain garçon quitter la maison...
Alors qu'elle s'apprêtait à entrer, elle croisa son père.
- Ah tiens, et moi qui me croyais en retard...
S'agenouillant pour se mettre à sa hauteur, il poursuivit, sur un ton de confidence :
- Tu es la reine du jour, ton chevalier ici présent est le seul coupable, c'est moi qui t'ai empêchée d'être là pour accueillir les invités, d'accord ?
Elle hocha la tête, souriante, puis lui prit la main et le suivit dans l'habitation. Néanmoins, elle l'oublia aussitôt en voyant des personnes qu'elle ne connaissait pas. Curieuse, elle alla saluer chacun d'eux, jusqu'à ce que sa mère la rappelle :
- Ralia ! Tant que tu es là, on va en profiter.
Et, se levant, elle s'adressa aux invités :
- C'est le moment des cadeaux !
Puis elle quitta la pièce principale. Curieuse, Ralia voulut suivre, mais son père la retint. Décidemment, elle ne comprenait rien... C'est alors que la mère revint, une petite boule blanche tenue avec précaution dans ses bras. Petite boule qu'elle vint doucement déposer dans les bras de la petite :
- Je sais à quel point tu aimes les animaux. Voici ton premier compagnon. Bien sûr, je t'aiderai à prendre soin de lui, mais c'est ta responsabilité, maintenant. Et tu le sais déjà, mais ce n'est pas une simple peluche, hein.
Ralia hocha vigoureusement la tête, juste avant de croiser les yeux du lapin, et de tomber immédiatement sous le charme. Elle prendrait soin de lui pour toujours, c'était certain.
Soudain, une voix vint rompre le charme :
- Ralia, viens par ici !
D'un air souriant, Aliena s'adressa à la petite fille et attendit patiemment qu'elle la rejoigne.
- J'ai quelque chose pour toi. C'est ton anniversaire, non ?
L'enfant hocha la tête. Alors, d'un geste, la femme saisit une barrette qu'elle portait très souvent dans ses cheveux.
- Je sais que tu meurs d'envie d'en avoir une aussi, glissa la mère de Rhis en se penchant vers l'enfant. Eh bien, je te l'offre ! On va bientôt repartir à la capitale, on ne se verra plus avant longtemps. Ainsi tu penseras à moi d'accord ?
Hochant de nouveau vigoureusement la tête, tenant la broche contre la fourrure du lapin avec autant de précautions que ce dernier, elle lança un enjoué :
- Oui !
Une petite moue apparut ensuite dans le regard de la jeune femme.
- Franchement, j'aurais aimé te présenter Rhis, mais il est encore parti dehors sans ma permission... Sa curiosité et son pouvoir vont finir par lui lui attirer des ennuis, crois-moi...
Alors, un sourire apparut sur les lèvres de Ralia.
- Je vais veiller sur lui !
Sans attendre de réponse, elle sortit... Mais elle aurait dû au moins demander à quoi ressemblait ce fameux Rhis...
Aliena Dolamn connaissait bien son fils et sa curiosité inégalable. L’enfant de neuf ans n’arrivait d’ailleurs pas à cacher son enthousiasme au fur et à mesure qu’ils arrivaient au Village Perché. Pour lui, c’était un terrain de jeu, un moyen de vagabonder, de faire des découvertes, d’avoir de nouvelles aventures, en somme. Qui sait, peut-être qu’il rencontrerait un céles ? Des chantelunes ? Ou plutôt, un kaetsu, ce serait encore mieux ! Il paraissait que c’était une superbe créature, avec son pelage roux, ses ailes d’oiseaux et ses cornes de cerf. Bon, pour ça, il devrait quitter le village… avoir un peu de chance… et échapper à la surveillance de sa mère, aussi. Nul doute que s’il lui balançait qu’il voulait voir des animaux rares de la forêt, elle le dissuaderait aussitôt de partir à l’aventure. Mais ce n’était pas drôle de rester enfermé à l’intérieur d’une maison ! Pour quelle occasion il venait ici déjà ?
Bon, pour commencer, ils n’avaient pas voyagé pour voir ses grands-parents, c’était déjà ça. Ils viendraient certainement leur dire bonjour, mais les Dolamn n’allaient pas dormir chez eux. Au moins le gamin n’entendrait pas parler de Lucy et de toutes ces fariboles-là. Un bon point, donc. Et si ses parents et lui venaient au Village Perché… C’était… oui, c’est ça, c’était pour l’anniversaire d’une petite fille de trois ans sa cadette. Aliena lui avait vivement recommandé d’être gentil avec cette cousine qu’il n’avait jamais vraiment vue. « Tu veilleras sur elle, je suis sûre que vous vous entendrez bien », lui avait-elle déclaré avec un sourire entendu.
Mais il était trop grand d’abord ! Ce n’était pas son rôle, de jouer au grand frère ! Et pourquoi devait-il être un baby-sitter ?! C’était beaucoup plus intéressant de se glisser aux ascenseurs, de grimper tout en haut des arbres, de descendre à la tyrolienne, d’espionner en coin des personnes qu’il ne connaissait ni d’Eve ni d’Adam… Oui, c’est ça ! Il avait une grande mission : celle de développer son pouvoir et de découvrir les secrets des gens ! Sa maman ne serait pas d’accord, encore une fois, mais tout ce qu’elle ignorait ne pouvait pas lui faire du mal…
Bon, bien sûr, Rhis devait faire bonne figure deux minutes. Quand ils entrèrent chez les parents de sa cousine, il dut bien saluer les deux adultes. Etonnamment, leur fille n’était pas là, mais ce n’était pas pour inquiéter le jeune garçon. Il crut entendre qu’elle s’était « encore » éclipsée quelque part, au grand damn de sa mère, et Aliena proposa à ce qu’ils la cherchent ensemble, histoire de lui offrir ses cadeaux. Un rictus déforma aussitôt le visage du garnement. Bien. Il avait une occasion parfaite pour s’évanouir dans la nature. Bien sûr, son père aurait pu l’intercepter, mais il était occupé à débarquer des affaires qu’il avait ramenées de la capitale et était en pleine discussion avec le géniteur de sa cousine. Le gamin n’eut donc aucun mal à se glisser vers le hall d’entrée et à partir en catimini de la maison pour se fondre dans le village.
Rhis ne tarda pas à exulter. Il était enfin libre de ses vaines réunions de famille ! Et une fois n’était pas coutume, il comptait bien profiter de son temps libre. Il décida bientôt d’éviter le coin de la bibliothèque pour privilégier pour une fois un parc naturel au cœur de la forêt. Toute une série de promenades y avaient été conçues, mais ce qui l’intéressait le plus, c’était se balader dans les arbres, toujours plus loin, toujours plus haut ! Tantôt impressionné par de superbes fleurs ou par des animaux peu farouches et habitués à l’être humain, l’enfant continua son chemin, se fit gronder quand il envisagea de sortir d’un sentier, décida de partir avec une mine un peu boudeuse, se dit que finalement, il avait peut-être intérêt à regagner le centre du village pour profiter du marché, tester les ascenseurs, ou jouer à la tyrolienne. Il y avait du choix au Village Perché et ça changeait teeeeellement de la capitale !
Ah, et il devait tester son pouvoir aussi. Le gamin avait bien compris qu’il était inefficace sur les animaux et trop accaparé par sa promenade dans les arbres, il n’avait pas encore pensé à l’utiliser sur les adultes.
Ne songeant donc absolument pas à rentrer pour saluer sa cousine, Rhis regagna la terre ferme, se dirigea vers le village, puis aperçut une petite fille, aux cheveux violets, comme lui. La demoiselle semblait toute concentrée sur des animaux, mais ce ne fut pas ce détail qui intrigua le futur espion. Elle avait une barrette… et le garçon l’avait tellement vue qu’il aurait pu la reconnaître entre mille, aussi, il se stoppa net.
- Tu as la barrette de maman.
Ce n’était pas un reproche, juste un constat, et l’enfant dévisagea la gamine d’un air plus intrigué.
- Comment est-ce que tu l’as eu ? Je sais que c’est la sienne, elle a une petite marque sur le côté gauche et ce n’est pas tout le monde qui a une barrette avec de si jolies fleurs. Et Maman ne la retire presque jamais.
Rhis était certain que cet objet appartenait à sa famille, mais il n’avait aucune idée qu’il parlait là à sa cousine…
Sans se décourager, elle poursuivit ses investigations. Mais elle dut bien vite se rendre à l'évidence : les humains ici présents ne lui serviraient à rien. Les animaux ? Oui, peut-être savaient-ils quelque chose. Mais le souci... C'était qu'elle ne savait pas communiquer avec eux. Alors, elle décida d'abandonner sa quête visiblement vouée à l'échec et libéra enfin le lapin, l'observant gambader tandis qu'elle tentait de placer la barette dans ses cheveux. Mais, sans miroir, ni aide, ni habitude, elle ne parvint à rien. Après l'avoir fait tomber plusieurs fois, elle décida d'abandonner également cette deuxième quête, par peur d'abîmer les fleurs qui l'ornaient. Oh, certes, elles étaient factices. Mais cela n'empêchait pas d'en prendre soin. Et c'est à ce moment qu'une voix retentit, pile au bon moment pour l'empêcher de perdre confiance en elle. Elle ignora complètement la plus grosse partie de la tirade qui lui fut adressée. La première phrase en elle seule contenait une information qui fit briller ses yeux :
- "Maman" ? Alors, c'est toi, le Rhis ? Super !
Elle avait au moins un bon millier d'idées d'activités qu'elle voudrait proposer. Après avoir pris un moment pour réfléchir, elle lui tendit finalement la barette :
- Tu peux m'aider ? J'arrive pas à la mettre...
Elle resta immobile juste le temps qu'il s'exécute ou refuse, puis elle repartit, en direction du lieu où son lapin avait disparu. Néanmoins, il semblait déjà la reconnaître, car il ne tarda pas à se montrer. Alors, elle alla le récupérer... D'un geste bien plus doux que ce à quoi on aurait pu s'attendre en voyant l'énergie avec laquelle elle s'était approchée. Certes, elle aimait beaucoup le cadeau de sa mère, mais elle savait aussi qu'elle devait en prendre soin. Alors qu'elle revenait vers Rhis, elle observa les alentours. Puis, elle s'agenouilla près d'un plant bien particulier...
- Je crois que ça, c'est bon pour toi. Tu veux ?
Le lapin renifla la feuille que la demoiselle lui tendait, puis recula la tête... Puis revint renifler, plusieurs fois, comme en proie au doute. Patiente, Ralia resta immobile, jusqu'à ce qu'il fasse son choix... Qui fut de s'éloigner.
- Ah...
Visiblement, elle ne connaissait pas aussi bien les plantes qu'elle le pensait... Ou alors, le lapin n'avait pas faim ? C'était possible aussi, mais elle se fit la réflexion qu'elle ferait bien de réviser avant qu'il ne vienne réclamer... Elle observa donc les environs, à la recherche de quelque chose qui pourrait mieux convenir... Puis elle avisa l'arbre le plus proche.
- Des fruits, là-haut ! ça, je suis sûre qu'il acceptera ! Rhis, tu me le gardes ? Je reviens !
La demoiselle avait complètement oublié deux choses importantes : elle avait complètement oublié de dire son nom à son cousin, et elle n'était pas encore une experte de l'accrobranche...
Néanmoins, ne sachant pas trop comment, elle finit par parvenir au niveau des fruits repérés plus tôt. Alors, elle en ramassa quelques-uns, regrettant de ne rien avoir pris pour pouvoir en récolter plus. Alors, elle dut se résoudre à n'en prendre que trois : un pour chacun. Et, encore une fois, elle n'avait pas pris en compte la possibilité que le garnement ne lui ait pas obéi... Et pourtant, elle aurait dû : en effet, elle aussi faisait partie de ces enfants indisciplinés qui faisaient soupirer leurs parents...
- Dés :
- Comment tu sais que je m’appelle Rhis ? Je ne te connais pas et je ne t’ai jamais vue, fit-il d’un ton très franc.
Mais la petite semblait déjà avoir trouvé quelque chose qu’il pourrait faire, comme s’ils étaient déjà amis, et elle lui tendit la barrette.
- Tu peux m'aider ? J'arrive pas à la mettre...
D’un air sceptique, Rhis saisit l’objet, esquissa une certaine moue, et regarda la fillette.
- Je peux t’aider, mais il faut que tu m’expliques pourquoi tu l’as alors qu’elle appartient à Maman.
Un deal, c’était un deal, et c’était toujours très important pour les enfants. Il attendit donc qu’elle réponde, puis il se mit sur le côté gauche de la fillette, pour mettre le bijou de profil. Sa mère la mettait souvent à cet endroit-là donc si Aliena le mettait sur sa gauche, ça irait aussi bien à sa cousine. Non sans une once d’hésitation (il n’avait jamais mis de barrette dans les cheveux d’une fille après tout), il s’appliqua quand même avec bonne volonté, puis recula d’un pas avec une mine satisfaite.
- Voilà ! T’es contente ?
Ah, mais elle ne pouvait pas se voir… C’était un peu dommage, eut le temps de se dire Rhis. Peut-être leur faudrait-il trouver un miroir ? Huum, mais pour ça, il fallait rentrer, et il n’en avait pas envie… A moins que… Ils pouvaient toujours trouver une surface d’eau suffisamment grande pour qu’elle renvoie le reflet de la jeune inconnue, mais il fallait encore en trouver. La gamine, elle, s’en était allée récupérer son lapin et le garçon la regarda proposer de manger une plante à son animal de compagnie. Ca n’aviva pas l’attention du mammifère, et bientôt, Ralia trouva une autre cible : un arbre, avec des fruits à l’aspect savoureux.
Il ne lui en fallut pas plus pour qu’il comprenne qu’il avait affaire à une aventurière dans l’âme. Car la miss était bien décidée à grimper dans le grand arbuste, au tronc imposant et aux branches suffisamment épaisses pour qu’on puisse s’y mettre en califourchon. La petite demoiselle lui proposa donc de garder son lapin, pendant que elle s’amusait de tout de son soul en grimpant tout là-haut.
- Eh, c’est pas juste ! Moi aussi je veux grim…
Mais il avait affaire à une véritable tête brûlée n’est-ce pas ? La gamine ne l’écoutait même plus et commençait déjà à monter dans l’arbre. Espèce de sale gosse. Bientôt, le jeune Dolamn claqua la langue, jeta un regard menaçant au lapin et lui donna l’ordre de ne pas bouger, et puis, ni une ni deux, il commença à suivre sa nouvelle camarade.
Rhis n’avait jamais réellement grimpé aux arbres – la capitale n’était pas trop propice à ce genre d’exercice –, mais il s’en sortait pas trop mal. Sans être vraiment aguerri, il arrivait quand même à trouver des bonnes prises, et si parfois il se fit un peu peur, Lucy veilla quand même à ce qu’aucun des deux loustics ne fasse une chute jusqu’en bas. Quand il arriva à hauteur de Ralia, celle-ci avait déjà saisit trois beaux fruits, et le garçon vint s’asseoir à côté d’elle, ses jambes pendant négligemment dans le vide.
- Passe m’en, tu vas jamais savoir les ramener jusqu’en bas.
Puis son visage s’illumina alors qu’une idée lui traversait l’esprit.
- Tu veux pas qu’on les mange ici avant de redescendre ? Ca fera moins de trucs à porter, et ça sera trop bien de manger des fruits dans les arbres !
Le lapin, au fond, c’était un lapin, il pouvait attendre.
- En plus, on pourra se resservir si on a encore faim, poursuivit Rhis d’un air pragmatique. Et on a une super vue depuis ici !
Il laissa sa nouvelle amie répondre, puis il posa une dernière question d’un air un peu plus calme.
- Alors tu vis ici ?
- Rho mais si, tu me connais ! C'est grâce à moi que tu es là aujourd'hui ! Ma maman dit même que je suis la reine d'aujourd'hui ! C'est moi, Ralia !
Oui, à cette époque, elle n'avait aucun problème avec le fait de révéler son nom. Et puis, sa famille ne l'avait pas encore trahie, alors, pourquoi ne pas lui faire confiance ?
Lorsqu'il lui demanda des explications sur la raison de sa possession de la barrette, elle mima le ton des adultes quand il lui expliquaient la même chose pour la dixième fois :
- Vois-tu, quand c'est l'anniversaire de quelqu'un, on lui fait des cadeaux. Tu le sais, non ? Et il se trouve qu'aujourd'hui, c'est mon anniversaire... Rasure-toi, je compte bien en prendre soin !
Contente ? Euh... Elle prit le temps d'étudier le poids du bijou. Après tout, c'était la première fois qu'elle en portait, et les femmes qu'elle avait vues passer ornées de telles parures ne semblaient pas dérangées... Comment, dans ces conditions, aurait-elle pu imaginer que les ornements ajoutaient encore au poinds du métal qui constituait l'attache de l'objet ? Elle effleura les fleurs du bout des doigts, puis répondit, malicieuse :
- À toi de me le dire ! Je suis belle ?
Evidemment, il n'y avait aucune arrière-pensée derrière cela. C'était simplement un moyen pour elle d'avoir un avis, de savoir plus ou moins à quoi elle ressemblait, sans miroir.
C'est alors qu'elle remarqua les fruits qui l'attirèrent si vite qu'elle ne prit même pas la peine de s'assurer que le garçon restait bien aux côtés du rongeur. Néanmoins, une fois en haut, elle dut bien se rendre à l'évidence : il l'avait suivie... Alors, elle grogna :
- Mais qu'est-ce que tu fais là ? Tu avais une mission !
Néanmoins, comme si de rien n'était, il continua à discuter tranquillement. Lorsqu'il lui demanda de lui en passer, elle retrouva son sourire, alors qu'elle lui en tendait un :
- C'était prévu ! Tiens !
Lorsqu'il l'eut pris, elle croqua goulûment dans sa propre part. Evidemment, le jus se mit à dégouliner. Alors, elle se hâta d'arracher une feuille de la branche pour s'essuyer le visage, concentrée. Il était hors de question que sa belle robe soit tachée. Après tout, quelle reine se salissait au premier aliment mangé ? Evidemment, aucune reine ne grimpait aux arbres, ni ne se baladait avec un lapin dans les bras, ni n'allait elle-même cueillir des fruits, ni ne mangeait sans prendre de précautions... Mais tout cela, la petite Ralia s'en moquait... royalement.
Pendant ce temps, le garçon avait continué à parler, l'air de rien. Néanmoins, quand il parla de se resservir, elle ne put s'empêcher de corriger :
- Non. C'était juste pour se faire plaisir. C'est mon anniversaire, donc il y a mon gâteau préféré. Je veux avoir encore faim pour lui.
Pour ce qui était de la vue, par contre, elle ne pouvait que lui donner raison :
- Clairement ! C'est pour ça que je monte dans les arbres dès que je peux ! Je ne m'en lasserai jamais !
Et cela désespérait ses parents. Mais la demoiselle s'en moquait bien. C'est alors qu'il lui demanda si elle vivait ici. Alors, se dressant debout sur la branche, elle sourit et lança :
- Evidemment ! Suis-moi et tu profiteras du gâteau !
Puis elle sauta, confiante, dans le vide. Alors qu'elle aurait pu se tordre le cou, elle réussit à se réceptionner parfaitement, sans même vaciller un minimum. Puis elle leva les yeux vers la branche, où elle s'attendait à encore voir Rhis :
- Allez, viens !
À peine l'eut-il rejointe, de la manière qui lui conviendrait le mieux, qu'elle l'entraîna à toute vitesse vers sa maison. Elle fit une entrée qui, visiblement, surprit tout le monde... Sauf sa mère, qui se mit à rire :
- Décidemment, Ralia, tu as une horloge dans le ventre ! Oui, c'est l'heure du gâteau, asseyez-vous, tout le monde !
- C'est bien le même que d'habitude ?
- Oui. Grâce à toi, je vais devenir une experte du fondant au chocolat et aux noisettes ! Et voilà, la reine du jour a le privilège d'être servie en premier !
À peine sa part fut-elle posée devant elle qu'elle s'y attaqua avec au moins autant d'enthousiasme que le fruit dévoré plus tôt.
- Quand on est polie, on attend les autres, fit son père, réprobateur.
- Pas possible, ch'est trop bon !
Elle défia l'assistance du regard, la visage plein de chocolat, que sa mère s'empressa de venir nettoyer. Elle semblait à mi-chemin entre l'exaspération et l'amusement. Soudain, Ralia eut une pensée pour le lapin, qu'elle avait laissé là-bas dans sa précipitation... Enfin, elle avait quand meme pensé à laisser tomber le fruit devant lui. Elle espérait que cela lui plairait... Et elle comptait bien s'échapper à nouveau dès que le gâteau serait terminé, pour le retrouver... Et puis, Rhis semblait intéressé par ses escapades dans les arbres, elle avait tellement de choses à lui montrer...
- Dés :
|
|