— Je serais plus rassuré s’il était à l’autre bout de la rue.
— Eh Hector, je crois que tu te stresses pour rien. Tout va bien se passer. »
La main de Vivianne glissa sur l’épaule du professeur dans un mouvement qui se voulait rassurant. Elle ressentit toute la tension qui nouait ses épaules et le fin tremblement d’une angoisse qui le gagnait. Devant eux, les gardes du génie s’affairaient pour décharger la dernière livraison du ministère des armes. Des cristaux en tout genre, mais surtout le résultat de plusieurs mois d’extraction de grossark au désert volant. Une cargaison extrêmement onéreuse puisque la colonisation de l’île volante ne faisait que commencer et que les voies d’acheminement étaient à peine en train de naître.
« T’as raison … C’est juste le ministre …
— Il est flippant ce vieux schnock ! sourit Vivianne.
— Vivianne ! Imagine si quelqu’un t’entend ! s’offusqua Hector Nobail en regardant autour de lui avant de rire sous cape. Mais oui, il me met mal à l’aise. Bien qu’il soit notre mécène pour ces recherches, j’ai toujours l’impression qu’il va m’écraser sous sa botte à un moment où un autre.
— Moi aussi … raisons de plus pour avoir l’esprit clair pour notre travail. Je t’es préparé une décoction de grandalue pour stimuler ta concentration. Va en boire un peu et rajoute de la weissium, ça te détendra. Je vais gérer les gardes perdus …
— Merci Vivianne, je ne sais pas ce que je ferai sans toi.
— Pas grand-chose, mais rassure-toi, c’est le cas de tous les homes qui ne pourraient vivre sans une femme derrière eux. »
Hector Nobail rit de bon cœur avant de la laisser gérer tout ça pour prendre le fameux thé. Vivianne lui fit un petit signe de la main, affichant un sourire radieux jusqu’à ce qu’il sorte de son champ de vison.
Enfin débarrassé de lui. Par les couches de Lucy, j’ai cru qu’il allait dormir sur le registre de livraison pour s’assurer qu’absolument tout se passe à merveille. Le vieux Fury a dû le traumatiser lors de notre dernière réunion avec ses plans de recherches et ses idées à n’en plus finir. Et on a toujours l’impression qu’il respire par-dessus notre épaule. Un vrai maniaque du contrôle urgh. J’observai le manège des soldats qu’on nous avait assigné pour nous « protéger et nous accompagner » en d’autres termes « nous surveiller ». Ils étaient à l’image du régiment du Blizzard. Parfait et ordonné, dévoués … Des soldats comme le fantasmait sûrement le ministre des Armes. Ignorant leur ballet de caisse je m’approchai du registre des livraisons. Tout y était soigneusement noté, type de marchandises, lieu d’entrepôt, quantité … Un guide indispensable pour celui qui voulait savoir comment la livraison allait être rangé. Mais j’avais un tout autre objectif. Regardant autour de moi pour vérifier que je n’attirai pas l’attention, j’entrepris d’ouvrir le livre et de modifier une seule ligne. Une caisse de cristaux de feu, utilisée pour els expériences de chimie que je mettais à destination de l’entrepôt de grossark. Une simple correction à la plume, discrète et qui n’éveillerait pas le soupçon des gardes trop ignare pour connaître les propriétés magico-chimiques de ce qu’il transportait. Une caisse d’allume feu dans l’entrepôt des susbstances inflamables, juste à côté du grossark nouvellement acquis serait un risque de sécurité critique. Heureusement moi et Nobail sommes responsables de cette sécurité, car nous sommes les plus renseignés sur ces nouvelles substances du désert … Et Nobail n’est plus là.
Vivianne laissa le livre ouvert tout en appelant un garde qui passait devant lui pour lui expliquer que le chariot ici présent devrait aller dans l’entrepôt principal. Un officier vint vérifier le manifeste et commença alors à décharger. Sachant que tout était en place, l’enchanteresse se glissa dans l’ombre laissant les soldats placer les pièces de son puzzle.
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Vivianne observait les rues de la Forteresse à travers la fenêtre de sa chambre d’auberge. Les rues étaient animées en ce début de soirée, plusieurs habitants vaquaient à leurs occupations tentant d’acheter quelques produits avant la fermeture des échoppes. La vie grouillait devant elle et Vivianne se surprenait à l’observer avec nostalgie et un soupçon de regret. Elle aimerait courir comme eux, comme si sa vie en dépendait. Elle aimerait sentir le temps qui passe, se souvenir du sentiment si lointain qui la poussait à savourer la vie. Quelle saveur restait-il quand le temps s’arrêtait. Elle aurait voulu qu’il s’arrête pour tous le monde. Qu’ils connaissent tous l’interminable agonie d’un monde sans fin. C’était ce qu’elle voulait et en même temps ce qu’elle ne voulait pas. Elle voulait continuer à vieillir, à s’enrichir l’esprit. Elle désirait ardemment garder le temps et en faire quelque chose de grandiose. Elle voulait être supérieure, être affranchie des limites mortelles.
Elle était perdue.
Une silhouette encapuchonnée se dessina dans la foule, orientant ses pas vers la porte de son auberge. Le regard de l’enchanteresse croisa celui de l’intrus et elle comprit immédiatement que son rendez-vous était arrivé.
Diane.
La petite danseuse qui souhaitait s’envoler. Celle qui peut-être allait lui donner une réponse. Trancher son dilemme infernal qui la brisait de l’intérieur. L’ancienne était curieuse de savoir ce qu’elle avait décidé. Lors de leur dernière rencontre, Vivianne lui avait demandé de revenir que lorsqu’elle aurait trouvé le chemin qu’elle allait emprunter en sortant de la cabale. C’était en réalité une question qui importait peu pour Vivianne. Une simple stratégie qui devait pousser Diane à ne pas faire l’erreur que tous les autres mortels commettaient. Celle de vivre sans voir que le temps passait et de mourir l’esprit plein de regret. Un conseil qu’elle avait dissimulé en épreuve et peu importe son choix, Vivianne comptait l’aider.
La silhouette de Diane se glissa dans le bâtiment et Vivianne n’eut pas à attendre longtemps avant que trois viennent briser le silence de sa chambre.
« Entre. »
Lorsqu’elle entra Diane pu voir Vivianne debout devant un meuble, tenant une clé dans une main et présentant sa seconde à la jeune fille comme pour l’inviter à la saisir. Sur le meuble était posée une simple boîte de marbre que Diane reconnaîtrait comme étant l’objet magique qui contenait la petite dimension de poche de Vivianne.
« Nous parlerons à l’abri à l’intérieur. »
Attrapant le poignet de Diane, elle tourna la clé dans la serrure et les deux femmes furent emportées dans le monde intérieur. Presque mécaniquement, Vivianne plaça son seau à porter de Diane, sachant très bien que le voyage entre l’extérieur et l’intérieur de la boîte pouvait provoquer de fortes nausées. Mais Diane le savait, peut-être retiendrait-elle son estomac ? Dans tout les cas Vivianne entra dans le manoir en laissant à la danseuse le temps qu’il lui fallait.
« Alors, qu’elle est ta réponse Diane ? »
Aucune forme de politesse, aucun intérêt ou question sur son passé, seul le futur de Diane intéressait l‘enchanteresse et elle ne lui demanderait rien d’autre pour l’instant. Elle était curieuse de voir si elle ferait un choix différent. Un choix qui la surprendrait.