Après cette sortie forcée à la plage, Nox avait décidé de faire entendre sa voix. Alors, sur tout le trajet du retour, le duo qu'il formait avec Kasha avait attiré l'attention de tous les passants qu'ils croisaient, alors que le chaton faisait entendre son avis à grands renforts de feulements.

Par conséquent, le lendemain de leur retour à la Capitale, Kasha décida d'aller lui acheter un poisson. Elle avait fini par comprendre que c'était le meilleur moyen de restaurer ses liens avec lui lorsqu'ils étaient en désaccord.

Cependant... Dès les premiers pas effectués dans la ville, le chaton décida de s'en aller. Elle soupira.

- Et dire que je croyais que les chats étaient rancuniers...

Alors, avec un soupir, elle décida de se promener au hasard. Après tout, le chaton finirait par se perdre et l'appeler à l'aide en utilisant son partage de sens, elle en était presque certaine. Ses pas finirent par la mener vers une étrange charette, qu'il ne lui semblait pas avoir déjà vue avant. N'avait-elle pas fait attention en passant devant, ce qui était très possible ? Même si, compte tenu de la bonne odeur d'encens qui s'en dégageait, sa curiosité aurait forcément été attirée... Ou, plus probablement, le commerçant était-il nouveau, tout juste installé ? Si tel était le cas... Peut-être pourrait-elle faire comme lorsqu'elle avait acheté Nox, et aider avec quelques cristaux.

Ce fut ce moment que choisit Nox pour lui envoyer une vision... Il n'était pas loin, mais s'était visiblement encore trouvé un gamin de compagnie. Lorsqu'il lui rendit ses perceptions, elle grogna, puis prit néamoins le temps d'adresser quelques mots à la propriétaire des lieux, qui l'avait probablement remarquée :

- Il a encore fait une bêtise... Je reviens.

Alors qu'elle le rejoignait, elle se demandait pourquoi elle avait promis de revenir ? Maintenant, elle y serait obligée... Enfin, pour l'instant, le plus important était de retrouver son petit compagnon, qui lui sauta dessus dès qu'il la vit.

- Désolée, il adore les humains.

Puis elle prit congé. Une fois de plus. Et elle prit le temps de s'asseoir sur un banc, un peu plus loin, pour reprendre son souffle, dont elle réalisait à présent qu'elle ne l'avait pas économisé, dans sa hâte de récupérer l'indiscipliné. Qui ne semblait pas lui en vouloir autant qu'elle le craignait...

- Dis-donc, toi. Hier, tu me traites de tous les noms, et aujourd'hui, tu fais comme si de rien n'était ? Qu'est-ce qui se passe là-dedans ?

En disant ses mots, elle tapotait la tempe du chaton installé sur ses genoux. Et ce dernier ne tarda pas à lui attraper le doit, avec lequel il se mit à jouer. Non, décidemment, il n'était pas rancunier. Enfin. Elle avait fait une promesse... Alors, elle revint à la charrette. Franchement, c'était un avantage qu'elle se trouve assez proche de sa position actuelle !

- Rebonjour ! Désolée, ce petit-là avait encore fait des siennes... Nox, attention !

Il s'était posé en plein dans les marchandises, dont Kasha eut peur qu'il les détruise involontairement en marchant parmi elles. Alors, elle le récupéra... Et il s'envola derechef. Elle soupira. Pire qu'un enfant, celui-là. Mais également, étrangement bien plus facile à gérer.

Décidemment, la demoiselle était bonne commerçante. Kasha pouvait presque voir Clara lui poser une main impérieuse sur l'épaule, avec un commentaire du genre "Attention, jeune fille ! Les meilleurs commerçants peuvent embobiner n'importe qui, ne vous laissez pas faire !" Elle se retint à grand-peine de rire. Il ne manquerait plus que la femme face à elle la prenne pour une folle ou, pire, qu'elle croie que Kasha se moquait d'elle !

Néanmoins, quand elle parla du collier, Kasha se montra intéressée. D'accord, Myradia lui avait déjà offert le ruban que Kasha lui mettait... Les rares fois où il se laissait faire. Autant dire que ce jour-là, ça n'avait même pas été la peine d'y penser. En parlant du chaton, il ne tarda pas à revenir, plus sage, cette fois, et se plaça sur l'épaule de l'aventurière. En lui jetant un coup d'oeil, elle remarqua qu'il avançait le nez, les yeux mi-clos, comme concentré sur les odeurs. Le regard de l'humaine suivit la direction indiquée involontairement par le nez du tenko. De l'encens... Elle rit :

- Non, Nox, prends autre chose, ça, je ne pense pas que ça t'intéresserait... Sur la durée.

Néanmoins, elle prit le temps d'observer l'étal. Mine de rien, elle ne pouvait s'empêcher de vouloir offrir quelque chose à Rhis. Mais elle ne savait pas tellement ce qui l'intéressait. Ah, si. "Lire est un passe-temps qui m'intéresse."

- Est-ce que... Vous auriez des livres ? Quelque chose qui permette de s'évader.

Puis elle prit le collier qui lui avait été proposé plus tôt, et le plaça sur le poitrail de Nox, pour l'essayer.

- Tu en penses quoi ?

Finalement, elle finit par redéposer l'objet sur l'étal.

- Je suis désolée, j'ai une amie qui lui a offert un collier, et vous voyez bien, il ne le porte pas... En fait, je n'arrive pas à le faire se tenir tranquille suffisamment longtemps pour le lui mettre. J'imagine que ce serait la même chose avec celui-là.

Néanmoins, maintenant, elle avait envie de faire un cadeau au chaton. Mais à part la nourriture, il n'y avait pas grand-chose qui l'intéressait vraiment...

Premier principe du commercial : lorsqu’il y a une balle au vol, tu la rattrape et tu la joues. Toujours. Premier principe et demi du commercial : tu auras toujours moins de chance de passer pour un con en parlant qu’en te taisant. Donc l’encens ? Pas pour le chat…. ?
Maiiiiis siiiiiii. Tu va vooooir… On va pouvoir s’arraaaaaaanger. Si la chose eut été possible, mes yeux en clignant eurent fait le bruit d’un tiroir-caisse.

« Allons ! Vous plaisantez ? Les encens ont de grandes vertus sur les gens, et sur les nerfs aussi ! Donc les animaux ne font pas exceptions ! J’ai des encens relaxants, des encens dont le fumet, au contraire, excite et réveille l’attention, voir le corps. De quoi le rendre tout sage au besoin ! » Oui, bon, les produits destinés aux activités de couples ne visaient pas spécialement le chat. Mais bon, qui ne tente rien ne vend rien. « Des senteurs de tout le royaume façonnées en des compositions originales ! »

Et c’était même pas un mensonge ! … Presque pas. Y’en a bien un ou deux que j’avais faits moi-même et qui pouvaient sentir « Le rat mort en bord de mer » ou encore « La poubelle en forêt ». Mais c’était essentiellement de la revente de surplus de stock d’un parfumier. Donc, du vrai produit de qualité !

Pour la suite, avant de me prendre pour une demeurée, je me dois de m’expliquer. Un livre, c’est classe et soyons sincères, y’a pas tant de monde que ça qui sait lire et sur cette maigre masse, peu nombreux sont ceux qui AIMENT ça. Pour la plupart, la lecture est une affaire de comptabilité, de gestion de stock, de courriers professionnels. Ce qui nous mène à trois catégories de gens. Ceux qui ne s’intéressent pas aux livres. Ceux qui les adorent et savent ce qu’ils veulent et ceux qui vous demandent si vous avez des livres -alors qu’il y en a sur l’étal, prouvant qu’ils n’ont que des doutes en têtes. Ma cliente était de la troisième catégorie. Et c’est là que vous allez rire. Moi je suis dans la catégorie « J’sais pô lire ». Du coup, pourquoi avoir des livres ? Parce que pour 75% des gens, les livres c’est classe mais pas intéressant ! A défaut de les vendre, ça fait vendeur.
Mais la grande loi du marché implique de parler pour vendre son produit ou être certaine de passer pour une truffe en ne disant rien, prenant même le risque de passée pour une vendeuse de bouquin illettrée, ce qui ferait de moi la risée du marché. Je jetais donc un coup d’œil à ma collection gigantesque d’une dizaine d’ouvrages empilés avant d’opter pour la stratégie suivante.

« Un livre pour s’évader… Ahah ! Moi je vous aurais plutôt vendu une lime... ! » La blagounette pour capter l’attention, endormir la méfiance et hop ! L’estocade portée avec un gros mensonge enrobé de culture. Je pris un des livres sur place avant de le brandir avec une assurance toute factice ! « Mais pour s’évader, je conseille celui-là ! C’est un classique, on prend pas beaucoup de risque avec, mais il est très bien écris. Ces lignes peuvent vous transporter dans un monde tout neuf ou l’on ne peut que se sentir bien ! » Oui, oui. Du pipeau.
Ce que je brandissais ? Eh bien une version illustrée et romancée de la « Geste de Lucy », racontant en prose ou vers l’histoire de la déesse et des plus grands hommes ayant agis en éclat à son service. Est-ce que techniquement j’étais en train de lui vendre un bouquin de religion comme un roman d’aventure ? Oui. Mais d’un autre côté, si j’avais choisi ce livre alors même que j’en connaissais pas le titre, c’est parce qu’il état riche d’illustrations montrant des scènes d’action ou tendres. Que sa couverture était jolie, attirante et bien faite. A dire vrai, c’était un beau livre. Juste que celui qui lirait cela se retrouverait avec un bouquin qui ne serait rien d’autre qu’une adaptation des psaumes du culte. Mais pour le deviner… Fallait le lire ! Mais il était grand temps de changer de sujet. Je posais le livre en avant, prêt d’elle, qu’elle puisse avoir très envie de le faire sien pour enchainer !

« Vous savez, un collier c’est pareil pour tout le monde, on a envie de ne mettre que ceux qui nous plaisent ! Demandez à votre compagnon de choisir, peut-être qu’un article lui plaira ? » Allez, au choix il me casse plein de trucs que je pourrai faire payer ou il choisit vraiment un truc. J’ai rien à perdre... ![/color][/b]

Euh c'était efficace sur les humains, donc sur les animaux aussi ? Kasha en doutait vraiment. Par exemple, Nox était un félin. Ce qui signifiait que ses sens étaient bien plus développés que ceux d'un humain. Kasha avait découvert un nouveau monde lorsqu'il avait obtenu sa magie. Du point de vue du chaton, le monde avait beaucoup plus de relief et de nuances que depuis celui des semblables de Kasha, pauvres humains aux sens atrophiés.

- Croyez-moi, ça m'étonnerait qu'il apprécie ça. Je suppose que là, ça l'intéresse parce qu'il est d'un naturel curieux. Mais il est capable de me partager ses perceptions. Et sachez qu'elles sont bien plus aiguisées que les nôtres. Je suis même certaine qu'il discerne dans vos parfums des nuances dont nous n'avons pas idée. Sans compter que l'odeur risque de lui sembler trop forte et lui faire tourner la tête, en intérieur. Donc je pense qu'il va falloir aller voir ailleurs.

Et, encore une fois, la voilà qui donnait des leçons. Il y avait un adage dont elle avait entendu parler, et qui disait "ce qu'on n'aime pas chez les autres, c'est en fait ce qu'on aime le moins chez soi-même." Force était de constater que c'était vrai.

- Rho, désolée pour mon côté moralisateur... Je déteste ça chez les autres, excusez-moi.

Puis elle se saisit du livre qu'elle lui tendait. La Geste de Lucy ? Mouais. Pour Lao, pourquoi pas, même s'il connaissait probablement tout ça par coeur, mais pour Rhis... Non, elle voulait lui offrir un moment de détente, pas des maux de tête. Alors, reposant l'ouvrage, elle précisa :

- Ecoutez-moi bien. Mon idée était de faire un cadeau à quelqu'un qui vit à la Cour sans que ça l'enchante plus que ça, et qui m'a dit aimer lire. Je veux lui permettre de penser à autre chose. Quelque chose d'amusant, peut-être. Lucy ne me semble pas être un bon sujet pour ça : soit c'est sérieux et pas intéressant, soit c'est pour se moquer d'elle, et ce n'est pas plus souhaitable.

Alors, après en avoir demandé d'un regard l'autorisation à la propriétaire des lieux, elle se saisit du reste de la pile, et parcourut tous les titres. Elle finit par en garder trois. Un recueil de légendes, un de poèmes et ce qui semblait être un roman d'aventure des plus classiques. Le premier, il lui semblait qu'il correspondrait plutôt à Fenrir. Le roman lui semblait plein de clichés. D'un autre côté, la poésie... C'était l'une des activités des nobles, non ? Peut-être les légendes correspondraient-elles, finalement ? Et si elle prenait les deux ? Après tout, si Rhis ne voulait pas des poésies, elle-même les apprécierait. Et s'il refusait le recueil de légendes, Fenrir l'accepterait certainement. D'un autre côté, si elle avait des arrières-pensées en lui choisissant un cadeau... Cela vaudrait-il le coup ? Elle soupira. Elle se posait trop de questions. Bien sûr qu'il accepterait. Même si ce n'était que pour lui faire plaisir. Mais ce ne serait pas une bonne solution...

Soudain, elle eut une idée. Les commerçants étaient censés pouvoir conseiller leurs clients, non ?

- Mais peut-être qu'un objet n'est pas ce qu'il faut ? Qu'est-ce que vous pourriez me conseiller pour... Pour prouver mon attachement à quelqu'un de... Spécial ?

Elle s'était penchée vers elle, comme pour lui faire une confidence. Cela lui faisait tellement étrange d'en parler à voix haute... Et elle n'était pas certaine que ce soit une bonne idée de demander conseil à une commerçante. Alors, très vite, elle regretta.

- Oh non, pitié, oubliez ça. Vous n'avez rien entendu, d'accord ?

Les fleurs de Myradia seraient une meilleure idée, après tout. Néanmoins, elle hésitait. Devait-elle déjà partir ? À chaque fois qu'elle observait l'étal, pourtant pas si grand que cela, elle semblait y découvrir quelque chose de nouveau.

Je regardais ma « cliente » en train de me faire la leçon. C’est à ces momentslà qu’on applique la politique « Pokerface » et qu’on ferme sa gueule en attendant que ça passe. On les laisse gentiment nous prendre pour des cons, puis on termine, avec toute douceur du monde, pour leur signifier qu’ils sont très loin de l’objet véritable de la discussion, ou du moindre argument concret et logique.

« Ma foi, si vous pensez que les parfumeries ne connaissent par leur métier et que les animaux fuient toutes les maisons ou il y a de l’encens ou des odeurs que vous supposez fortes, je pense effectivement qu’il faudra aller voir un genre de spécialiste très avant gardiste. » Un psy, éventuellement. « Pour ma pars je sais que lorsque je vois un chat à côté d’une boucherie ou d’une poissonnerie j’ai toujours trouvé qu’ils avaient l’air très vif. Et mes senteurs sont toutes aussi naturelle et surement moins fortes. » Parce que bon, ça va bien deux minutes les discours mièvres. Oui, si tu colles le nez d’un chat dans une décharge publique, il va tirer la gueule. M’enfin, je suis pas non plus en train de vendre un échantillon de peste !

Puis je considérais sa demande formulée avant de secouer la tête. Souriante, toujours, je méditais sa requête, certaines d’une chose : un livre ne serait certes pas la bonne solution.

« M‘est avis que vous faites un mauvais choix. Un livre, ça se termine et une fois qu’on le termine, on le range. Ce cadeau n’aurait d’effet qu’un temps. » Passons sur le fait que Lucy ne soit pas intéressante. L’athéisme est une chose, le manque de respect, une autre… Mais bon ! Elle était chou à se confier comme ça, mimer l’intimité et le secret. Manque de bol, c’était une opportunité de vendre donc non, je n’allais pas « ne rien entendre » ! « La première idée que j’ai, c’est ça ! »

J’allais fouiller dans mon bric à brac pour en sortir une pendule de table. Quelque chose de suffisamment petit pour tenir sur un bureau. Un balancier à remonter, mais surtout, une jolie plaque de bronze au-dessus du cadran, vierge. L’objet avait un style ancien, du beau bois. Une horloge jetée que j’avais récupéré et qui avait dû appartenir jadis à quelques riches commerçants.

« Le temps, on le consulte tout le temps, justement ! Surtout quand on s’ennuie, à la Cour ou ailleurs. Donc de base, une belle horloge, c’est toujours un rappel positif du temps qui passe. Puisque chaque fois qu’il ou elle regardera ce cadran, elle pensera à vous ! Mais en plus de ça, on peut ajouter une gravure sur la plaque. Un dessin, une phrase. « Reviens vite » où « Je t’attend », ce genre de chose. De quoi lui faire avoir de belles pensés même au pire du travail ! »

J’opinais du chef, avant de désigner l’étal.

« Dans le même genre… Un médaillon. Ou alors un carnet vierge, s’il écrit. Ça il l’utilisera longtemps. Un beau carnet relié. Oh ! S’il écrit beaucoup, j’ai aussi un magnifique set d’écriture, porte-plume et encrier... » Alors ça c’était surement le plus beau et le plus décent que j’avais. Et pour cause, c’était un cadeau. Sauf que baaaah… Je sais pas écrire. Un beau set de scribe en argent. Pas bien cher en vérité. Mais le reste… Bah disons qu’objectivement, si ma cliente était séduite par mes idées elle pouvait tout aussi bien se dire « Bon bah du coup je vais dans une vraie bijouterie ». Mes trésors sont des trésors, parfois rares, parfois pas. Mais quand on cherche un truc précis et une garanti de qualité. Eh.

Bon, au moins, le moins qu'on puisse dire, c'est qu'elle n'avait pas la langue dans sa pocher. Et qu'elle ne se laissait pas marcher sur les pieds. Bien. C'était déjà ça de pris.

Soudain, elle se reprit. Mais qu'est-ce qui lui prenait ? Il ne s'agissait pas de l'une de ces nouvelles venues dans la Guilde qu'elle prenait plaisir à "coacher", ou quelque autre mot plus approprié... Il était même plus que probable qu'elle n'ait rien à voir avec les aventuriers. Donc, Kasha devait se calmer.

Un livre, éphémère ? Elle eut un sourire malicieux :

- ça, c'est l'usage habituel, c'est vrai. Mais vous savez, si jamais on apprécie particulièrement un ouvrage, il est possible de le relire plusieurs fois...

Bon, évidemment, cela n'aurait jamais l'attrait d'une première fois, mais bon... Elle avait dit cela plus pour le plaisir de contre-attaquer qu'autre chose. Ce fichu esprit de compétition...

Mais le temps n'était plus aux réflexions avec soi-même. Une horloge ? Personnalisable, en plus ? Voilà qui était alléchant... Elle avait au moins une centaine d'idées de la manière dont elle pourrait agrémenter l'objet. Mais serait-ce une bonne idée ? Et si elle se trompait complètement sur son compte et le faisait fuir avec quelque chose d'aussi ostentatoire ?

Puis de nombreuses autres idées succédèrent à la première. Décidemment, elle avait affaire à une véritable commerçante... Ou quelqu'un qui avait manqué une occasion, peut-être ? Et qui se rattrapait sur autri ? Non, elle allait chercher trop loin. Néanmoins, alors qu'elle réfléchissait, son regard tomba sur autre chose. Tout simple, bien loin de ces propositions tape-à-l'oeil, mais, sans trop savoir pourquoi, elle sentit qu'elle tenait quelque chose. Alors, avec précaution, elle saisit l'objet, puis l'étudia un moment, avant de déclarer :

- Je crois que j'ai trouvé.

Puis elle montra sa trouvaille à la demoiselle. Un simple pendentif, orné d'une améthyste. Oh, elle se doutait que cette dernière était probablement factice, mais c'était la couleur qui l'avait attirée. Sans trop savoir pourquoi, elle imaginait que ce violet sombre lui correspondrait parfaitement.

- Ce n'est probablement pas le plus cher de vos objets, mais... Je ne sais pas, j'ai l'impression que c'est le bon choix.

« Jamais on ne retrouve l’attrait d’une première fois ♪ » Sourire contre sourire. La réponse était évidente mai le ton, lui, était mutin, presque un défi. Pourquoi ? Parce que ça n’était pas juste le hasard des mots. Son regard. Son sourire à elle. Non, j’avais lu dans ses pensé la même objection que j’avais formulé. Et si étions tacitement d’accord cette idée, alors l’argument était, entre nous, irréfutable.
Parfait ! J’aurais pas à vendre de livre !

Je la regardais ensuite réfléchir, hésiter. C‘est le moment ou on ne dit rien. Contrairement à la pêche, ou on remonte le poisson, le client, lui, avait besoin de choix, d’espace. On fait là, là différence entre le bon et le mauvais commerçant. Le mauvais va sauter sur son client et ne jamais le lâcher. Par manque de confiance, il l’étouffe et participe à la réputation qu’on nous fait d’être insupportables. Le bon commerçant, lui, a confiance. Lorsqu’il a ferré sa proie, il la lisse venir toute seule. Et c’est vrai : les clients ne sont pas cons. Lorsqu’ils ont un truc en tête, ils fouillent et choisissent eux même ! Tant pis si c’est pas la MEILLEURE vente, c’est au moins une vente.

Et à la fin… Eh bien on fait la différence entre le type bien et le truand. Lorsqu’on vous dis « J’ai le coup de foudre pour ça », faut pas surenchérir. On accepte et on est content pour l’autre. C’est tout.

« C’est amusant » dis-je avec un sourire tendre et sincère. « Vous parliez de quelqu’un de spécial, vous avez là certainement le cadeau qui convient le plus à l’expression d’un sentiment intime. Personnel. »
Oui, de toutes les pierres, il fallait qu’elle tombe sur celle-là. « C’est un cœur de géode. Il s’agit d’une roche tout à fait ordinaire mais qui, lorsqu’on la fend, montre des formations cristallines. D’ordinaire on vend les cailloux vendus mais ça.. Ça c’est l’exact cœur de la géode. C’est ironique de choisir ça car… On parle d’une chose qui ne voit jamais la lumière, caché, jamais exprimé… Mais qu’on finit par offrir, à nu. C’est… Littéralement une déclaration en soit, cette pierre. Cela vous plait ? »

Mon ton n’était plus le même. Il faut dire, cette pierre n’était pas anodine. La géode en question était un cadeau. Offert par le Lieutenant qui avait réussi à m’apprendre, me canaliser. Un jour il me l’avait ramené pour m’apprendre la dangerosité des apparences. Il avait fendu la géode devant moi. Et il m’avait donné la moitié la plus pleine. Mais… J’avais toujours eu une gêne quand au fait d’être avantagée dans ce partage. Alors dès que j’ai pu, j’avais extrait le cœur, avec soin. Pour le vendre. Et garder l’exacte même moitié de géode que mon mentir.

« Je vous assure que c’est une pierre chargée d’histoire… ! »

... Avait-elle lu dans ses pensées ? Mais elle savait que c'était impossible : après tout, elle n'avait jamais croisé deux personnes avec le même pouvoir, et Lucy savait qu'elle en avait rencontré, des personnes... Et Rhis possédait le pouvoir de télépathie. Alors, il était impossible que ce soit aussi le cas de cette demoiselle, n'est-ce pas ? Mais en même temps... Elle avait utilisé exactement les mots qu'elle avait pensés. Enfin. Il serait toujours temps d'y penser plus tard.

Pour l'instant, la demoiselle face à elle commentait son choix. Apparemment, un très bon choix... Mais Kasha restait méfiante. En effet, elle avait bien remarqué que cette femme était une bonne commerçante. Ses mots étaient-ils vrais ou s'agissait-il simplement d'une histoire destinée à lui faire sortir ses cristaux ? D'un autre côté... Même s'il s'agissait de mensonges, elle ne pouvait nier l'attrait qu'avait pour elle ce récit. Alors, elle choisit de lui faire confiance.

- Très bien, je le prends. Y aurait-il d'autres choses à savoir à son sujet ? Autant que j'arrive avec une belle histoire en prime.

Elle pouvait imaginer la scène. Elle pourrait lui raconter cette histoire... Et puisqu'il s'agissait d'un coeur... Peut-être pourrait-elle même s'autoriser un élan de poésie en parlant également de son propre coeur, en faisant une comparaison, et...

Un coup de tête la sortit de sa rêverie. Visiblement, Nox avait remarqué son absence et voulait la réveiller. Un bon point pour lui. De quoi avait-elle l'air face à l'inconnue, maintenant ? Vraiment, elle se serait donné des baffes...

- Euh, pardon. C'est combien ?

« Une histoire ? Oui. Enfin, ce n’est pas quelque chose d’extraordinaire. Une géode c’est une pierre, un gros caillou, à première vue. Du coup cette géode a été utilisée pour faire comprendre à une jeune personne hyperactive à prendre le temps de sonder et de comprendre les choses. Passer au delà des apparences, chercher le profond. Pour l’anecdote, une des façons de comprendre qu’une géode n’est pas juste un caillou... Eh bien il y a le poids. Ça pèse pas sa taille, ce truc. On pourrait deviner rien qu’à ce détail là qu’un truc cloche ! »

J’opinais du chef. Je me doutais bien qu’elle ne serait pas dupe très longtemps et qu’on remarquerait vite que cette histoire était personnelle. Mais je n’avais pour le coup rien à cacher, j’en étais même plutôt fière.

« Bien sur l’élève n’a pas écouté, n’était pas assez attentive : le loisir des têtes de pioche. Alors le maître, pour illustrer sa leçon, a brisé la géode en deux, montrant ces cristaux violets. Ça a été un choc car la roche ne se restaure pas. Une fois brisée, la géode l’est à jamais. Et il en est ainsi de bien des choses : on ne se rend compte de leur valeur qu’après les avoir perdues ou cassées. Alors certes une géode ouverte est très jolie, mais impossible d’oublier que cette beauté fut le prix de l’ignorance. »

Petite pensé nostalgique. Cette géode était merveilleuse, y’a pas à dire. Mais le pourquoi elle avait été brisée restait un pincement au cœur. C’est con, hein, parce ue sinon c’eut été une pierre très quelconque pendant toute son existence de pierre. En apparence seulement. Mais le fait est que plus elle était jolie brisée, plus je me souvenais que c’était moi qui avais poussé à déranger son équilibre…

« Sauf que cette géode disposait d’un cœur. Ainsi, les deux parties n’étaient pas égales. Le maître offrit la partie avec le cœur son élève pour garder l’autre. Mais l’élève ne semblait pas aimer l’idée d’être avantagée. Alors elle l’a retiré et hop, la voilà sur mon étale ! »

Ça peut sembler rien, comme ça. Mais cette leçon était de celles qui avaient transformé ma vie. Combien de situations, de gens, de choses correspondaient à cette vérité ? Qu’est-ce que mon aveuglement pouvait me faire rater, ou perdre ? Aujourd’hui, je faisais attention à tout car tout tenait du même souffle et correspondait à ce grand mouvement de l’énergie.
Tel était le monde. Du moins tel était l’équilibre que je percevais et qui avait radicalement transformé mes jours. Sans doute grâce à ça que je n’étais pas partie en prison pour d’autre conneries, d’ailleurs.

« Voilà voilà ! C’est pas une grande histoire, y’a pas de figures de légendes, mais j’aime bien ces petites fables morales qui sont, je trouve, bien plus l’essence de la vie que les grands contes ! Et qui dit petite histoire dit petit prix ! »

En effet, le prix que j’annonçai n’était pas bien grand. Ni l’histoire ni la pierre ne valaient bezef. Ce genre de rareté ne se monnaie pas très bien.

Kasha écouta l'histoire qui lui fut racontée avec un petit sourire en coin. Evidemment, elle avait vite compris que cette "élève" se trouvait en fait face à elle. Néanmoins, elle ne l'interrompit pas, écoutant le récit jusqu'au bout.

- En effet, cette histoire fait figure de véritable épopée, à sa manière. Moins impressionnant que les récits de mes collègues, qu'ils font de toutes façons volontairement paraître bien plus épiques qu'elles ne le sont en réalité, mais tout aussi intéressante. Vous deviez vraiment tenir à votre maître. Lui avez-vous dit que vous ne vouliez pas être avantagée ? Il voulait certainement bien faire... Et peut-être que ça lui ferait aussi plaisir d'avoir de vos nouvelles.

Puis, lorsqu'elle lui annonça son prix, Kasha crut rêver. C'était impossible qu'il soit si peu cher ! Alors, elle lui déposa des cristaux dans la main... Mais la somme n'était pas celle demandée. En effet, elle avait payé bien plus cher que le prix annoncé. Elle avait donné pas moins que trois fois trop de cristaux. Mais c'était volontaire, et elle se justifia par la suite :

- Ce prix est bien trop faible pour ce que représente cet objet. Et puis, je suis certaine que le récit n'était pas compris... Alors, voici mon prix. Et que ce soit clair, je refuse de le revoir à la baisse. Vous aurez au moins ça, c'est non négociable.

Pour bien souligner ses dires, elle repartit. Enfin, c'était son intention. Visiblement, Nox n'était pas d'accord, et revint vers la demoiselle. Kasha soupira.

- Bon. J'imagine qu'il a envie de vous connaître un peu, lui aussi... Déjà, est-ce que ça vous intéresserait ?

« Le récit n’était pas à vendre ! Car sinon ça voudrait dire que je vous vends cette histoire et c’est hors de question ! Disons que je la partage ♪ » Pour le reste, j’étais pas assez folle pour refuser la générosité. « Mais j’admets qu’il y a une valeur sentimentale à cet objet et je suis ravie que vous la conceviez et que cela motive votre générosité ! » Ceci étant dit, je veillais quand même à ce que les cristaux changent de main le plus vite possible : on est jamais à l’abri d’un changement d’avis !

En vrai, j’avais toutes les raisons d’être contente. Ravie que mon histoire plaise, ravie d’avoir cette somme en poche, ravie de voir que cette pierre, précieuse pour moi, n’allait pas finir sur un ornement quelconque, oubliée sur une cheminée, mais bien servir de vecteur à une affection sincère. Cela n’aurait aucun impact sur ma vie. Mais c’était une pensé qui me ferait sourire longtemps. C’est ainsi que je concevais la vie. Des petits riens du quotidien qui en somme ont bien plus de bien que les grands gestes qui, de l’avis de beaucoup « comptent » plus que les autres.
Non, vraiment, c’était là un petit rien inestimable qui ferait chaud au cœur pour longtemps. Ce petit rapport personnel noué avec ma cliente me forçait donc à la concevoir avec un rien plus d’estime que le pigeon moyen !

« J’ajoute que vous allez offrir un beau destin à cette pierre et d’un point de vue très personnel, j’avoue que ça compte. Je suis contente, vous aurez été une bonne rencontre ! » Et même si d’un point de vue pécunier elle avait été une aubaine, je ne disais pas cela pour ça !

Enfin, j’allais la laisser partir lorsque le chat étrange et capricieux en vint à décider que non. Je regardais la bestiole avec un œil suspicieux. Pas méchant, non, mais le regard qu’on accorde à un rival. Forte d’une façon de penser assez analogue, je me demandais quel genre de conneries je serais capable de faire si j’étais à sa place en vue de les anticiper.

« C’est déjà suffisamment rare d’attirer l’attention d’un chat, alors d’un spécimen ailé… Admettons que cette rencontre s’est faite sous le signe de notre bonne étoile à tous et qu’au regard de cela, je serai mal avisée de repousser votre compagnon ! D’autant qu’on dit qu’à défaut d’être innocents, les animaux sont purs alors… »

Je tendais la main à plat, lui manifestant un geste sans danger tout en lui proposer mon contact sans l’y forcer.

« Moi c’est Lily, Monsieur Chat. Bienvenue sur mon étal ! J'aime les oranges, l'odeur de la boulangerie au petit matin et flâner sur les toits ! Et toi ?» Bien sur, c'était histoire de jouer le jeu. Je ne m'attendais absolument pas à ce qu'il me réponde.

Kasha se retint de rire. Pas à vendre ? Alors, pourquoi mettait-elle autant d'empressement à récupérer et compter ses cristaux ? Oui, d'accord, c'était son métier, il fallait bien que ce soit lucratif. Kasha le concevait parfaitement.

Sa remarque suivante figea néanmoins le sourire sur ses lèvres. Ah. C'était vrai. Merci, elle recommençait à stresser.

- J'espère avoir bien choisi. J'espère que ça lui plaira. J'espère qu'il comprendra. Et surtout, j'espère... Ne pas me dégonfler.

Inutile de se voiler la face, elle se savait parfaitement capable d'abandonner au dernier moment. Mais elle savait aussi comment contrer cette fatalité : il y avait un certain hôte, à la Guilde, qui serait ravi de la bousculer le moment venu si elle lui disait quand la prochaine rencontre aurait lieu... Cette pensée ramena son sourire. Oui, décidemment, elle était entourée d'alliés, après tout. Des personnes qui feraient tout pour l'aider, même si cela signifiait se faire réprimander sur le moment. Il y avait aussi eu Myradia, bien sûr... D'ailleurs, elle eut soudain une sorte de... Remords ? Myra lui avait parlé des fleurs, à sa demande. Mais si elle utilisait la pierre, les fleurs seraient-elles encore utiles ? N'y avait-il pas une solution qui permettrait de ne pas choisir ? De se servir des deux, de la pierre qu'elle venait d'acheter à prix d'or sans pour autant abandonner les connaissances soigneusement annotées dans son carnet ?

Il sera toujours temps de réfléchir à ça plus tard. Oui. Pour le moment, Nox semblait avoir une idée derrière la tête. Et, cette fois, elle ne put retenir son rire lorsqu'elle mentionna la difficulté d'attirer son attention :

- Disons que ce n'est pas n'importe quel tenko, alors. Lui, pour attirer son attention, il suffit d'être un humain qui n'est pas mon ennemi. Ce qui est assez facile. Et, bon, évidemment, comme avec n'importe quel animal, si vous avez de la nourriture, c'est du bonus. Et si on s'appelle Fen, c'est dans la poche.

Ignorant la main tendue, le chaton vint directement se poser sur l'épaule de la commerçante, comme il en avait l'habitude. Puis il resta assis là, comme fier de lui. Alors, la demoiselle parlant au chaton, Kasha décida d'entrer dans son jeu, et se plaça derrière le duo, pour répondre d'une voix fluette :

- Salut Lily ! Moi, c'est Nox ! J'aime les gens, surtout Fen, le poisson et embêter le monde. Oh, j'aime beaucoup explorer les environs ! Et je déteste l'eau et les gloobies ! On peut partir en exploration ?

Puis elle avisa le regard étrange que lui lançait le chaton. Visiblement, il ne comprenait pas ce qui se passait. Une fois de plus, elle ne put retenir son rire. Décidemment, c'était une bonne chose que ce chaton soit un jour entré dans sa vie.

« Vous dégonfler ? Allez, courage m’dame ! Puis au pire si jamais vous le sentez pas, vous posez le cadeau avec un petit mot, puis vous arrivez dans la pièce 10 minutes après lui, comme ça vous avez tous les avantages du cadeau sans avoir à lui dire en face sans pour autant vous être défilé ! Vous serez là pour qu’il vous embrasse en vous disant à quel point il vous adore. Oubliez pas, le cadeau vous sublime vous, pas l'inverse ♪ »

Et pour le coup, c’était même pas l’expérience qui parlait. Moi j’étais franche, directe et peu délicate. Je faisais peur aux garçons, question sentiments ! Puis vint ce chat sur mon épaule. Kasha put remarquer un léger geste, mes jambes s’arquant dans un reflexe de défense. Avant de se détendre, a nouveau en confiance. Le genre de reflexe qu’on associe à quelqu’un qui a fait ses armes. Mais finalement, l’animal ne semblait pas bien méchant.

Puisqu’il venait squatter mon épaule, j’allais tenter une approche plus directe et poser ma main sur son pelage pour venir lui caresser le ventre.

« Je ne connais pas les tenko. Mais un chat pas farouche, c’est assez rare ! Bon, tu t’appelles Nox, désolée mon vieux mais pour un chat noir, question originalité, on repassera ! » Et j’eus enfin l’éclat de rire complice allant avec le petit jeu de ma cliente. M’ahin, elle veut jouer ? Très bien.. On va tenter un petit jeu bien autre !
Je répondais donc au chat, avec ces techniques de doubles dialogues typique aux commerçants : on parle à l’animal pour faire passer un message au maitre tout en se servant de l’animal pour convaincre le maître… !

« Bon, Nox, j’ai une mission pour toi ! » Dis-je, très sérieusement, alors même que Kasha était dans mon dos. « Il faut que tu surveilles ton amie et que tu l’empêche de se défiler ! Donne-lui du courage, de la tendresse et si tu sens qu’elle flanche, tu lui mords les doigts de pieds ! » Première passe. « Si tu fais ça, alors elle se souviendra que je l’ai aidé à trouver LE bon cadeau et elle reviendra me voir pour touuuut me raconter, et à ce moment-là.. On partira en exploration ! Je connais rien au dehors de ces murs, mais la Capitale est riche en aventures, mais le principe de l’aventure… C’est de JAMAIS partir le ventre vide ! » Deuxième passe. La joueuse s’approche du but…. Je sortais de ma besace une petite auge que je vins tendre au chat. Jusqu’à présent il avait eu ma voix, douce et joyeuse, ma main, généreuse en caresse… Et maintenant : du crabe ! Une bonne auge de chaire de crabe. Le poisson était trop cher pour moi. Mais la base de mes repas c’était la fève ou la chaire de crabe, qu’on assaisonne et qu’on complète en salade. Normalement, un chat devrait aimer ça. Mais j’en vins alors à me pencher et murmurer à Nox, assez fort cependant pour que ça maitresse entende : « Si tu acceptes d’aider ton amie et que tu veux devenir un super aventurier… Je sais ou trouver le meilleur poisson de la ville… Frais du matin, vendu à la criée, sans intermédiaires… » Et si jamais un de ces arrivage vendait en main propre grâce à moi… J’étais sure d’avoir moi aussi une belle ristourne et pouvoir me payer un saumon pour la fin de semaine.
Lily vient de tirer et… Est-ce qu’elle marqueraaaaa ? Roh, allez, m'dame, vous allez pas laisser ce pauvre chat affamé, hein...?

Mine de rien, le conseil la fit réfléchir. Mais, sans trop savoir pourquoi, il ne lui plaisait pas tant que ça...

- Mais ne pas être là... Il lui serait facile de mettre en doute ma sincérité... Même si, bon, il est capable de... Oups.

Elle avait failli laisser échapper le pouvoir de l'homme. Heureusement qu'elle avait réussi à se rattraper. Après tout, peut-être ne voudrait-il pas que cela soit révélé au grand jour... Même si, d'un autre côté, la commerçante ne savait pas de qui il s'agissait, donc elle n'aurait pas pris un risque énorme. Mais on n'était jamais trop prudent, n'est-ce pas ?

Ce fut à ce moment qu'elle souligna le manque d'originalité du nom du chaton... Elle le savait, d'accord, mais de là à le dire aussi directement...

- Merci !

On pouvait sentir à son intonation qu'elle était légèrement vexée. Néanmoins, elle savait que l'originalité n'était pas au rendez-vous. Après tout, elle n'avait pas réfléchi très longtemps avant de nommer ce qui, à l'époque, n'était encore qu'un oeuf...

Puis elle rit à la stratégie qui suivit, et, soulevant un peu sa robe, elle lui montra ses chaussures :

- Vous ne pensez pas que ce sera un peu compliqué de sentir quoi que ce soit, même s'il mord, dans ces conditions ? Et puis... Même s'il aime m'embêter, Nox n'est pas violent, vous savez. Je ne l'ai jamais vu mordre qui que ce soit.

Puis elle nota mentalement. D'accord. Donc, une fois tout cela fini, elle devrait aller faire un rapport à cette demoiselle... Sans oublier Myradia auparavant, évidemment. Elle ne le lui avait pas promis directement, mais elle était certaine que son amie apprécierait d'avoir des nouvelles.

Et voilà qu'elle sortit LE MEILLEUR des arguments. La nourriture. Nox n'avait jamais goûté de crabe, mais cela ne sembla pas le déranger alors qu'il se jetait sur ce qui lui était offert. Une fois englouti, il tourna autour de la demoiselle, comme en cherchant d'autre... Alors, Kasha le récupéra :

- Nox, ça suffit.

Puis, le chaton revenant s'envoler en passant derrière elle, elle s'adressa de nouveau à la demoiselle :

- Très bien, je sens que vous vous êtes alliés, là. D'accord, je capitule. Quel est cet endroit ?

Décidemment, entre ces deux-là, elle n'allait pas garder sa bourse remplie très longtemps, elle en était certaine... Mais elle se savait prête à tout pour Nox. Malheureusement.

« Bah la meilleure méthode reste d’aller le voir. Mais si vous pensez flancher, le mieux du moins pire reste ça. « Oh, tu as trouvé mon cadeau, je voulais te l’offrir mais on m’a appelé. Tu aimes ? » et hop, le tour est joué. »

Je suis commerçante. Je mens pour vivre. Enfin, j’enjolive, je ne mens pas vraiment. Ce que je dis n’est jamais totalement faux. C’est simplement vrai d’un certain point de vue. Après, on est d’accord que ruser en amour ça se finit généralement très mal. Mais c’est pas moi qui flanche, donc c’est pas nécessairement mon problème.

Je fis fi de ce petit ton pincé, indifférente à cette chose si aisément manipulable qu’on appelle l’amour propre. Quand on n’a pas envie de se faire taxer de conformiste, on appelle pas son chat noir « Nox », c’est tout. Comme disait mon tuteur « Le crime appelle la peine ». Comme disait mon ami Joslin : « Cheh ». Autant directement aller sur les sujets joyeux.

« Un chat mord ce qu’il veut quand il le veut vraiment ! Je vais être honnête : la plupart des félins que j’ai croisés étaient principalement de sales bêtes égoïstes malheureusement aussi rusées que moi, si ce n’est plus ! Combien de fois j’ai du courir après un chat chapardeur… M’enfin, ça n’a pas l’air d’être le cas de ce Nox qui m’a l’air tout bien élevé. Et s’il est doux de surcroit, c’est le compagnon parfait ! »

Je refermais mon auge en souriant. Bingo. Je laissais ce Nox revenir aux ordres de sa maitresse en observant ce curieux duo. J’avais presque hâte de les revoir pour les entendre me raconter leurs aventures et le destin final de cette pierre vendue. Une belle histoire. De celles qui vous font voyager l’esprit, rêver un peu. De celles qu’on se raconte un soir d’hiver pour se tenir chaud à l’âme.
Les joies simples des gens du commun, des instants e quotidiens qui forgent un bonheur si simple. Mais si solide. D’ailleurs, en parlant de bonheurs simples... Un bon poisson, ça me parle !

« Ou est-ce ? Oh, deux rues plus loin en continuant dans cette allée, puis vous tournez à droite à la 3ème ! Vous allez jusqu’à la rivière et vous cherchez un grand roux sur les quais, avec une charlotte blanche et un grand tablier ! Il vend le produit de sa pêche et c’est un excellent pêcheur ! Un homme simple ! Dites-lui que vous venez de la part de Lily, il vous fera une réduction ! » Et il m’en fera une aussii… ♪

Elle hocha la tête :

- On a déjà prévu de se revoir, vous savez... Par contre... Je ne crois pas que l'endroit plairait à Nox.

En effet, la Ville Aquatique, c'était le paradis pour elle, mais pour le chaton... C'était probablement l'opposé. Quelque chose lui disait qu'il ne l'accompagnerait pas. Et elle avait en tête le babysitter parfait à la Guilde. Ce fameux hôte, à qui elle racontait presque toute sa vie, et qui connaissait donc parfaitement Nox, qui semblait également l'apprécier. Cela était-il réciproque ? Elle n'en avait aucune idée, mais elle savait que l'homme ne refuserait pas de lui rendre service. Bon, elle en serait probablement quitte pour quelques taquineries au sujet de ses projets du jour, mais bon...

Enfin, on n'en était pas encore là. La commerçante mentionnait les chats chapardeurs auxquels elle avait eu affaire... Forcément :

- Oui, j'imgine bien que les chats errants se nourrissent comme ils peuvent. Tous n'ont pas la chance d'avoir un humain pour les nourrir sans même qu'ils n'aient à y penser... Le luxe, ce n'est pas donné à tout le monde, on dirait.

Sa dernière phrase avait été prononcée avec un sourire à la fois amusé et provocateur. Car oui, elle en avait conscience, ses paroles pouvaient être perçues comme dures, mais c'était avant tout une plaisanterie. Plaisanterie dont elle n'était pas sûre qu'elle serait au goût de son interlocutrice, mais peu importait. À présent, c'était dit. Si elle avait quoi que ce soit à y redire, Kasha serait prête à y répondre. C'était de toutes façons le prix à payer lorsqu'on tentait de plaisanter avec quelqu'un que, finalement, on ne connaissait pas tant que cela.

Puis vinrent les indications au sujet du poissonnier. Une fois de plus, elle hocha la tête, alors qu'elle se répétait mentalement les instructions en boucle, afin de s'assurer de ne pas oublier le moindre détail qui la ferait se perdre. Après tout, avec un sens de l'orientation comme le sien, on n'était jamais trop prudent... Néanmoins, elle réussit à ménager une pause dans ses révisions internes pour adresser quelques derniers mots à la demoiselle :

- Merci... Pour tout. Si vous êtes encore là demain, je pourrais venir vous dire ce que Nox a pensé de la production de ce poissonnier !

Puis, elle se hâta de partir, avant d'avoir le temps d'oublier les instructions, ou même simplement l'un des détails qu'elles contenaient.