Qu’elle soit du culte de Lucy ne le dérangeait absolument pas. Tout le monde pouvait croire ce qu’il voulait, du moment qu’on ne le lui imposait pas ou qu’on ne cherchait pas à expliquer certaines choses avec ce seul argument. Ce qui était bien n’avait pas été le cas de la jeune femme. Sa religion n’avait même pas été abordée et il venait la voir à la grande bibliothèque sans la moindre appréhension sur le sujet. Non, à la place il avait pris de quoi faire une collation sans tacher les ouvrages si a un moment leurs ventres avaient faim ainsi que beaucoup de feuilles pour noter les idées, que cela soit en dessin ou par des mots sur les modifications à apporter dans les différentes histoires.
Il hésitait lui-même sur quelle histoire cette lancée pour commencer. Est-ce que Sabia avait des préférences en termes de lecture et donc d’univers qui serait amusant à refaire ? Même si cette fois ils ne seraient pas directement dans l’histoire, mais rien n’empêchait de l’illustrer pour le faire vivre autrement. En soi il s’était peut-être monté la tête lui-même avec cette histoire, mais là tout de suite ce n’était pas son problème. Il ne voyait que le potentiel à leur amusement respectif en faisant quelque chose qui ne serait pas mauvais pour les histoires. Juste une autre vision.
— Bonjour.
Une salutation simple et avec un enthousiasme assez certain qui pouvait s’entendre dedans. Il frétillait vraiment d’impatience de cet échange certain d’avoir trouvé une personne qui saurait apprécier les changements proposés et y apporter elle-même des changements qui ferait travailler son imagination.
— Tu as une préférence sur l’histoire à réécrire ? Si on pouvait éviter les récits historiques pour commencer ça serait pas mal, les fins retenues sont souvent sordides.
Il parlait de tout cela comme si le déroulement de cette conversation coulait de source. Il ne s’était même pas encore mis d’accord sur le vrai déroulement de cela ou même si elle avait les mêmes envies de réécriture que lui. C’était clairement mettre la charrue avant les bœufs cette aventure pour le coup.
Sabia mit légèrement de temps à comprendre qu’on lui adressait la parole, et releva des yeux dont l’expression se situait entre le questionnement et la surprise. Le temps de cligner rapidement des yeux qu’elle se rappela sans mal et exactement de qui il s’agissait.
« Oh, Tarek, vous allez bien depuis la dernière fois? »
Ca avait l’air d’aller, en tout cas, alors qu’elle l’observait tout en glissant un marque-page dans son ouvrage assez massif, qu’elle referma délicatement avant de le décaler sur le côté. Il était vrai que le conte de la dernière fois avait été une expérience magique intéressante et la verte était chaque jour plus étonnée de toutes les possibilités fantastiques que pouvait offrir la magie. Elle était d’ailleurs particulièrement intéressée par celles liées à son milieu - la littérature. Quoi qu’il en était, il n’avait rien perdu de son côté direct - il ne perdait pas de temps pour afficher directement son but, qui n’était pas inconnu de tout de façon à la soeur de Lucy.
« Et bien, vous n’avez pas de temps à perdre, comme toujours! Je suppose que j’ai un peu le temps, oui! »
Quant au niveau de sa préférence, elle réfléchit quelques instants, jouant quelques instants à boucler une mèche de ses cheveux émeraude autour de son index. Il y avait énormément de choix dans la tête de Sabia - l’ensemble de ses lectures de toute sa vie. Et c’était un peu beaucoup, elle aurait certainement besoin de filtrer cette liste.
« Quel genre de livre? Aventure? Enquête? Romance? Suspens? »
Et elle en oubliait, bien évidemment, comme ceux d’horreur. C’était clairement le genre qui lui faisait défaut dans ses connaissances - elle préférait largement ne pas en faire l’expérience en sachant pertinemment que ces livres étaient capables de la hanter pour l’éternité ensuite. Et si cela ne la dérangeait pas d’accumuler des connaissances scientifiques parfois troublantes, les livres d’horreur n’étaient pas sa tasse de thé.
De même, elle avait évidemment pensé aux romans d’Apolline, mais pourquoi vouloir modifier quelque chose qui était déjà parfait? Si elle était une lectrice assidue, elle était loin d’être une écrivaine et souiller de ses gros doigts une histoire et un texte de cette qualité serait un affront à son idole.
« Je pense aussi que c’est plus intéressant de partir sur un livre dont on veut changer des choses, dont l’histoire n’est pas satisfaisante! Comme une où le ship souhaité ne s’est au final pas fait! »
— Je vais bien, beaucoup de dossiers non remplis correctement, comme toujours.
Il a un moment de blanc. Un suspend qui n’a pas lieu d’être avant que la suite s’enchaine un peu. Absolument pas de manière nature.
— Et pour toi ?
Il n’avait certes pas de temps à perdre, mais ne pas être au travail était du temps perdu et il était venu de base, donc s’il ne respecte pas les conventions sociales peut-être qu’elle partira ou refusera l’échange. C’est une incertitude sur la façon de faire de la demoiselle qui l’angoisse un peu. Ne pas avoir encore ses codes à elle n’est pas quelque chose qui le met à l’aise. Même son rire il ne sait de comment le prendre. Trop de prise de tête.
— Un ship ?
Il tic sur le mot, son esprit cherche la dernière fois qu’il a entendu cela, ce n’est pas inconnu, mais il lui faut un temps pour remettre en place. Sa bouche laisse dessiner un magnifique o pour exprimer sa compréhension tardive du mot et se reprend.
— Il faudra un récit avec forcément un couple pour changer cela… L’épopée d’Ovide. J’ai trouvé cette légende amère et trop courte. Lui donner de la profondeur et une autre fin ne serait pas plus mal. Là beaucoup de monde finit tromper dans cette histoire et c’est… mélancolique.
Pas triste, juste mélancolique. Une fin qui ne rend personne heureux et même la morale semble jetée au-dessus de la jambe. C’est une impression personnelle parce que tu aurais voulu une autre histoire, une autre fin, une meilleure utilisation des éléments mis en avant. Ovide avait une fin heureuse à la fin, mais est-ce qu’il avait vraiment fait quelque chose pour la mériter ?
— Puis, il avait une âme d’aventurier à la base cet Ovide.
Il était un peu un aventurier perdu et écrire une plus belle histoire pour lui réchauffait un peu son cœur.
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