Néanmoins, il fuguait à présent bien plus qu'auparavant... Ou peut-être était-ce qu'il lui envoyait plus souvent des images de ce qu'il voyait, comme une invitation à le rejoindre ? Etait-ce sa manière à lui de réclamer de l'attention ? Dans tous les cas, Kasha préférait cela plutôt qu'une dispute inter-familiers : au moins, avec ces messages, il ne risquait pas de blesser celle dont Kasha espérait qu'il finirait par la voir comme sa petite soeur...
Toujours était-il que ce jour-là serait un peu différent. Oui, il était de nouveau parti. Mais il était libre, Kasha ne s'inquiétait pas, et en profitait donc pour tenter d'insuffler à Kléaria un peu plus de confiance dans ce monde, afin qu'elle se permette de s'éloigner un peu d'elle... Ce qui n'avait pas l'air d'être vraiment couronné de succès. Certes, il lui avait une fois de plus envoyé une image de ce qu'il vivait. Mais la ressemblance avec les journées habituelles s'arrêtait là.
Cette fois, il ne lui avait pas seulement montré un paysage, mais quelqu'un. Quelqu'un... de vaguement familier. Elle le connaissait, c'était certain. Mais d'où ? Nox avait visiblement une meilleure mémoire qu'elle.
Enfin, quoi qu'il en soit, il voulait clairement qu'elle le rejoigne, et c'est ce qu'elle fit. Kléaria, bien décidée à ne pas prendre son indépendance en ce jour, resta fermement postée sur son épaule. Et Kasha n'en était pas mécontente : après tout, elle ne se serait pas sentie très à l'aise à l'idée de laisser seule une créature si jeune et surtout si timide... Alors, d'une caresse, elle lui signifia qu'elle acceptait sa décision de l'accompagner et partit en quête du tenko, tout en réfléchissant. Où avait-elle déjà vu cet homme ? Certainement pas ici, à la Capitale. Elle avait en effet une fâcheuse tendance à souvent recroiser les gens qu'elle y rencontrait, nul doute qu'elle ne pouvait pas les oublier, dans de telles conditions.
Alors... Le deuxième lieu où elle se rendait le plus régulièrement était, bien magré elle, son lieu de naissance. Le Grand Port. Etait-ce... Et ce fut là qu'elle se souvint. Oui ! Comment avait-elle pu oublier ? LA personne avec qui sa relation était la plus étrange. Elle l'avait sauvé de la noyade, il avait contribué à la sauver de... d'une de ses innombrables bêtises. En y repensant, peut-être aurait-il mieux fait de ne rien faire. Quoi que... S'il l'avait laissée mourir, que serait devenu Nox ? D'un autre côté, c'était sa faute à elle, le criminel n'avait absolument rien tenté à son encontre.
Bref. Inutile de se torturer l'esprit. Quoi qu'il en soit, on ne pouvait pas modifier le passé.
Alors qu'elle s'approchait sensiblement du lieu indiqué, elle se demandait, à présent qu'elle savait où elle avait vu cet homme, comment il s'appelait. Parce qu'il s'était présenté, n'est-ce pas ? Il avait des manières pour le moins... Atypiques, mais ne semblait pas du genre malpoli. Tête en l'air ? Oui, peut-être. Mais qui était-elle pour le blâmer ? Et elle qui venait de s'imposer de ne pas se torturer l'esprit, c'était raté.
Enfin. Il n'était plus temps de se poser des questions, elle était à présent à une distance suffisante pour que l'homme puisse la voir. Alors, elle se composa une expression normale, amicale, ne laissant aucune trace de son débat intérieur. Elle trouverait forcément la réponse, un jour ou l'autre. Et puis, dans le pire des cas, elle n'aurait qu'à ne prononcer aucun nom. C'était faisable, elle avait déjà fait face à des défis bien plus complexes.
- Bonjour ! Ravie de vous revoir. Je m'excuse d'avance si Nox vous a ennuyé, il... Nox, ça va ?
Il était bien trop sage, alors qu'il revenait vers elle. Habituellement, lorsqu'il trouvait un humain intéressant, il ne le lâchait plus. Et là, il revenait sagement vers elle dès qu'elle arrivait ? Non, clairement, quelque chose n'était pas normal. Et cette impression se renforça lorsque le chaton vint se blottir dans ses bras comme lorsqu'il était jeune. Même Kléaria sembla intriguée, car elle avança le museau vers lui... Et ne se fit pas remballer. Néanmoins, Nox semblait vouloir faire le fier, et il ne dit rien, malgré un sursaut visiblement instinctif, lorsqu'elle lui palpa une patte pour vérifier que tout allait bien. Néanmoins, il y avait quelque chose qu'il ne maîtrisait pas : le partage de sens.
- Toi, tu me caches quelque chose. Qu'est-ce que tu as fait ? Tu ne voulais pas seulement me faire retrouver Monsieur, n'est-ce pas ? Je te rappelle que je peux sentir ta douleur. Et ça, je parie que tu ne le voulais pas. Allez, ça suffit, arrête ce pouvoir, on va t'aider.
Puis elle se tourna de nouveau vers le détective :
- Excusez-moi, décidemment, nos rencontres ne sont jamais normales. Vous ne connaîtriez pas un vétérinaire dans le coin ?
Elle voulait aussi lui poser d'autres questions, comme ce qu'il faisait à la Capitale, ou s'il avait réussi à rattraper le criminel de la dernière fois, mais, pour l'instant, il fallait parer au plus urgent. Et ses familiers étaient plus importants que sa curiosité.
Finalement, il finira par s'assoupir, espérant que demain sera un jour meilleur. Puis, lors de l’apparition des premiers rayons du soleil, l'odeur succulent d'un petit déjeuner préparer avec amour viendra émoustiller le ventre affamer du détective. Enfilant rapidement ses vêtements, Aradin descendra dans la place central de l'établissement et regardera attentivement les plats concoctés par la ravissante dame Tazini. Ses pupilles grisonnantes brilleront de mille feux en revoyant les plats de son enfance. Une larme discrète viendra même s'échapper rapidement de sa paupière droite, mais elle sera rapidement effacer par un coup de main rapide du renard. Il valait mieux que personne remarque cet instant de faiblesse. Et après avoir calmer sa faim avec l'aide d'un délicieux repas, le blondinet ira faire un saut en ville histoire de voir l’évolution de cette dernière depuis sa longue absence. Il marchera au milieu des rues en sifflotant, main dans les poches, jusqu’au moment où il apercevra une scène peu commun... Un chat noir pourvu d'aile volera autour de sa tête. Au début intrigué par le chat volant, il finira par avoir un éclair de lucidité et reconnaîtra le splendide félin noir. Attrapant délicatement ce dernier de manière à le couvrir d'une attention particulière, le renard s'amusera à le questionner sur sa présence loin de sa maîtresse :
Aradin : «Que faites vous si loin de votre commandante, soldat Nox ?» Il écoutera les miaulement innocent du petit monstre. «Hum... La vie est dur pour toi aussi à ce que je vois.» En toute honnêteté, cet idiot ne comprenait rien à la situation, mais une chose était sûr, il allait devoir ramener le félin à sa propriétaire, à moins que... «Bon... Il semblerait que je vais devoir te ramener dans tes quartiers, hahaha !» Il rigolera un bon coup et tombera nez à nez avec la personne concernée. «Je suis content de te revoir, Kasha !» Il fera un signe de la tête négatif avec un simple rictus. «Nox ne m'a pas dérangé, le revoir m'a apporté un peu de bonheur en ce début de journée.» Il laissera le duo discuter entre eux, avant de remarquer que quelque chose semblait agacer la belle demoiselle. «Un vétérinaire ? Il y en avait un tout prêt de chez moi...» Il posera sa main sur son menton, faisant mine de réfléchir à fond. «Suivez moi ! Je vous y amène tout de suite, je n'ai rien à faire de la journée de toute façon.» La marche sera un peu longue, mais il guidera parfaitement ses camarades jusqu'à la porte du vétérinaire en question. «Bon... il semblerait que se soit ici... Ma mémoire ne me fait pas défaut, c'est déjà ça.» Il toquera avec énergie à la porte et invitera ses amis à franchir le seuil de la demeure médicale.
Cela étant dit, son don lui servait également régulièrement pour soulager les créatures qui avaient besoin d’elle. Elle essayait de s’en servir au minimum tout d’abord pour mettre ses connaissances en pratique mais aussi parce que certains animaux, trop apeurés, ne supportent pas qu’elle approche autant son visage d’eux. C’était notamment le cas pour deux de ces trois pensionnaires du moment.
Ce jour-là était exclusivement réservé à ses patients. Elle avait quelques spécimens en pension, le temps qu’ils soient totalement rétablis. Un petit chapardeur dormait sur un coussin dans sur une étagère entre deux pots remplis de plantes médicinales. Depuis son arrivée, il n’avait encore rien trouvé d’intéressant à chaparder… ou alors son état ne le lui permettait pas. Cette hypothèse était peut-être la plus probable. Dans les deux cas, cela arrangeait bien la virtuose. Cette dernière n’avait pas vraiment les moyens de se faire voler par une petite boule de poil d’à peine trente centimètres qu’elle soignait à ses frais.
Dans un aquarium posé sur le côté de la pièce centrale, un dumctopus reprenait des forces après avoir été jeté dans la rue. Néréa l’avait retrouvé en mauvais état dans un flaque d’eau au détour d’une rue. Son propriétaire avait sans doute décidé de se débarrasser de cet animal nécessitant trop d’entretien à son goût après l’avoir ramené d’un séjour à la mer.
Dans la pièce qui lui servait de réserve, et où certains animaux préféraient se remettre au calme, un vermilis se reposait le temps que sa patte cassée guérisse. En raison du venin présent dans son pelage, Néréa n’avait pas pu utiliser son don sur lui et la convalescence serait plus longue que pour les autres. Il était le familier d’une jeune femme du quartier qui avait demandé à Néréa de le soigner en échange de quelques courses alimentaires.
La récolte de weissium que la virtuose avait récupéré lors de son voyage à l’arbre sacré, était prête pour être utilisée. Elle s’était occupée en premier du pollen avec lequel elle confectionna des gélules. Ces dernières lui serviraient à apaiser les plus grosses créatures dont elle aurait à s’occuper. Cette fois-ci, elle répartit les feuilles séchées dans des bocaux en verre. Elle garda quelques feuilles sous la main pour faire une infusion qu’elle destinait au vermilis qui avait tendance à s’agiter loin de son acolyte humain.
Quand Néréa entendit frapper à la porte, elle vérifia rapidement que le chapardeur et le vermilis ne risquaient pas de s’enfuir ou de se blesser à nouveau par peur avant d’ouvrir. Elle découvrit un couple sur le pas de sa porte. La jeune femme tenait un magnifique tenko noir dans ses bras tandis qu’un mignon petit lipoubleu était perché sur l’une de ses épaules.
- Bonjour, entrez.
Néréa ouvrit la porte un peu plus en grand avant d’indiquer l’intérieur du bras pour que ses visiteurs prennent place sur l’un des sièges prévus à cet effet. Une fois tout le monde installé, elle posa son regard un peu plus longuement sur les deux créatures, sans se préoccuper des humains face à elle. S’ils étaient là c’est pour l’une des deux boules de poils.. ou les deux… sinon ils seraient allés chez un médecin. Avant que le silence dans la pièce ne dure trop longtemps, elle demanda :
- Que puis-je pour vous ? L’une de ces créatures est malade ou blessée ?
- Alors, peut-être que vous apprécierez aussi Kléaria ? Elle est plus réservée, mais aussi beaucoup plus jeune, je suppose que c'est normal... Et ça lui ferait du bien de rencontrer du monde.
Mais ils n'eurent pas vraiment le temps d'en profiter. Les services d'un vétérinaires se faisaient nécessaires. Alors, elle se contenta de hocher la tête une nouvelle fois lorsqu'il lui indiqua savoir où ils pourraient trouver de l'aide. Et elle se hâta de le suivre.
Il ne fallut pas attendre longtemps avant que la porte ne s'ouvre. La personne qui leur ouvrit lui sembla plus jeune que ce qu'elle aurait imaginé. Après tout, le détective avait fait référence à son enfance plus tôt, non ? La personne qu'il connaissait devait être plutôt âgée, depuis le temps, non ? Elle lui lança un regard dubitatif, mais ses doutes s'envolèrent lorsqu'elle aperçut les animaux qui se trouvaient un peu patout, semblant dans différents stades de convalescence. Au moins, même s'il ne s'agissait pas de la personne qu'ils s'attendaient à trouver, ils se trouvaient réellement chez un vétérinaire. Alors, lorsque la question habituelle lui fut posée, ce fut en confiance qu'elle répondit, s'approchant avec Nox, prête à la laisser le prendre si elle faisait ne serait-ce qu'un geste dans ce but :
- C'est lui... Je ne sais pas exactement ce qu'il a, mais il n'agit pas comme à son habitude. Normalement, il est sociable, curieux, et, surtout, énergique. Et puis... Il possède une magie de partage de sens. Je peux donc dire de manière certaine qu'il souffre au niveau de sa patte avant droite. Pour ce qui s'est passé...
Elle se tourna vers son compagnon, mais ce fut toujours à la vétérinaire qu'elle s'adressa, du moins verbalement. Dans le même temps, elle encourageait Aradin à donner les informations dont il disposait :
- Il était avec Monsieur. Du moins, j'imagine. En tous cas, ce dont je suis certaine, c'est que je n'étais pas là.
Après lui avoir laissé le chaton, elle revint prendre sa place, autorisant à présent Kléaria à prendre la place qui venait de se libérer entre ses mains. Kasha se doutait que ce genre d'endroits n'était pas des plus agréables pour les animaux. Alors, elle ferait tout son possible pour rendre l'expérience la moins traumatisante possible pour le bébé, qui ne s'y trouvait d'ailleurs qu'à cause de son aîné... Ce qui fit craindre à Kasha que leurs relations ne se dégrade à nouveau. Kléaria était-elle rancunière ? Pourrait-elle en vouloir à Nox d'avoir été la cause de sa présence chez un vétérinaire ? La lipoublueue étant encore jeune, Kasha ne la connaissait pas, et ne pouvait donc qu'espérer qu'elle n'en voudrait pas à son compagnon ailé.
Aradin : «Euh... Je ne serais pas d'une grande aide sur ce sujet.» Il se grattera la tête un instant. «Il devait déjà s’être blessé quand il est venu à ma rencontre. Cependant...» Il se lèvera de sa chaise et pointera du doigt les deux partenaires de Kasha. «Je sais que sa blessure à la patte doit être pris en priorité, mais je crois que nous avons deux blessures à guérir en réalité.» Il pointera son cœur avec son pouce. «Je pense que le soldat Nox est jaloux de sa nouvelle sœur ! En ce moment, vous devez lui montrer moins d'attention par mégarde et il a donc voulu vous faire une frayeur.» Il bombera fièrement le torse une fois son explication terminée. «Voilà... Je pense que j'ai tout dit.» Ne s’arrêtant pas en si bon chemin, le détective tendra sa carte personnelle à la belle vétérinaire. «Je suis Aradin Silva, détective professionnel pour vous servir ! Si jamais vous avez un problème, je suis prêt à venir vous aider !» Après avoir effectué son speech habituel, il se tournera vers une des fenêtres portant le regard sur sa maison de naissance. Il croisera ses bras derrière son dos, le visage soudainement teinté de tristesse, sombrant peu à peu sous le joug d'un silence profond. Cet instant de répit donnera largement le temps à la vétérinaire de faire son travail sans que ce casse-pieds de service fasse des siennes.
Les informations complémentaires fournies par le jeune homme ne l’aidèrent pas pour les blessures physiques du chat mais son analyse de l’état d’esprit de Nox conforta Néréa dans son ressenti. Quand la jeune femme avait lâché son familier, ce dernier s’était crispé. Sa jalousie s’était manifestée plus vivement quand il a planté ses griffes dans les avant-bras de Néréa dès que la lipoubleue eut pris la place qu’il occupait quelques secondes plus tôt.
La dernière réplique du jeune homme déstabilisa Néréa. Elle ne s’attendait pas à recevoir la carte professionnelle d’un détective, en particulier quand le but de sa présence n’était pas une enquête. Elle accepta tout de même la carte et la posa sur l’un des guéridons qui encadrait son fauteuil.
On sait jamais, elle pourrait servir un jour.
- Merci pour ces informations.
Après des remerciements de pure politesse, Néréa se concentra exclusivement sur son patient qui ne manqua pas de râler lorsque la vétérinaire manipula sa patte avant droite. Pour essayer de distraire les nouveaux arrivants, tant humains qu’animaux, Néréa posa quelques questions sur le blessé.
- Quel âge à Nox ? Depuis combien de temps c’est votre familier ? Et depuis combien de temps la petite lipoubleue vit avec vous ?
Même si ces questions n’étaient qu’un stratagème, elle attendit un certain temps afin que la propriétaire des créatures puisse répondre. Une fois l’examen terminé, Néréa se leva et déposa délicatement le félin sur une partie du comptoir, placé dans un coin de la pièce, aménagé pour accueillir les patients.
Les mains libres, la virtuose s’affaira à récupérer le matériel nécessaire pour soigner le tenko : une serviette humide qui servirait à lui nettoyer la patte, une crème et un bandage. Ne pouvant ignorer le regard de la demoiselle posé sur elle, Néréa se décida à s’expliquer.
- Votre familier s’est fait une entorse. Je vais appliquer cette crème sur sa patte et lui faire un bandage. Je pense pas pouvoir utiliser mon don de guérison sur lui. Il m’a l’air trop stressé et sur la défensive pour que je puisse le faire sans risque. Sa convalescence sera donc plus longue.
Sans arrêter de prendre soin de son patient, Néréa continua de présenter les soins nécessaires à domicile.
- La blessure n’est pas trop grave, il pourra donc rentrer avec vous. Pour que sa patte se remettre correctement, je vous demanderez de l’empêcher de sortir, et de lui mettre de la crème deux à trois fois par jour avant de refaire le bandage. Je vous conseille de le faire pendant une semaine avant de revenir me voir pour que je puisse m’assurer que tout va bien. Il devra être au calme, c’est-à-dire pas de jeu. Mais vous pourrez le câliner autant que vous le souhaitez. Un bon état d’esprit permettra toujours à une blessure de guérir plus vite et mieux.
Une fois le tenko paré de son bandage, Néréa rangea son matériel et prit un plus petit pot de crème afin de le donner à la jeune femme. Elle caressa le félin dans l’espoir de l’apaiser un peu tout en posant une dernière question.
- Est-ce que vous avez des questions ?
- Est-ce qu'il est vraiment capable de l'accepter, finalement ? Elle ne demande que ça, de s'intégrer, j'en suis sûre !
Puis l'illustre inconnu-pas-si-inconnu dévoila son nom. Oh, voilà qui était parfait ! Elle n'avait donc pas à le demander, et à se ridiculiser au passage. Voilà qui l'arrangeait bien. Néanmoins, elle hocha la tête d'un air entendu, comme si elle connaissait parfaitement l'ensemble des informations qu'il donna, ne laissant pas voir qu'elle en avait oublié la moitié entre-temps. Peut-être Aradin pourrait-il avoir des soupçons, puisqu'il la connaissait mieux que la vétérinaire. Mais s'il ne disait rien, cette dernière ne se douterait jamais de la supercherie... Du moins, si Lucy lui était toujours aussi favorable.
Lorsqu'elle reprit ses esprits, elle remarqua que, comme la dernière fois, l'homme semblait s'être isolé dans un coin de son esprit... Elle fut tentée de renouveler son offre de lui servir de psychologue, mais la vétérinaire profita de ce silence pour lui poser de nouvelles questions.
- Ils sont tous les deux nés sous mes yeux. Pour Nox, c'était il y a presque six lunes. Pour Kléaria... Elle est là depuis que je suis en couple !
C'était sorti très spontanément. Mine de rien, elle était fière de ce petit accomplissement. Mais ce n'était certainement pas ce que la vétérinaire lui demandait. Après s'être raclée la gorge, légèrement gênée, elle corrigea :
- Euh pardon... Depuis environ deux lunes.
Lorsque Nox fut déposé à l'écart, après en avoir demandé, d'un regard, la permission à la propriétaire des lieux, Kasha replaça Kléaria à sa place favorite sur son épaule et vint prodiguer quelques caresses à Nox, dans le but de le calmer, tout en prenant garde à ne pas gêner les soins. Tout en effectuant ces gestes habituels, elle écouta les instructions, en hochant la tête.
- Je vais être honnête, à part si je l'attache, je ne pourrai pas l'empêcher de sortir, ou de faire toutes les bêtises possibles. Et il est hors de question que je le torture. Vous n'auriez pas, je ne sais pas... Peut-être quelque chose dont l'odeur pourrait l'apaiser ? Afin de pouvoir suivre les instructions...
Pour ce qui était de la crème, par contre, elle pouvait s'y adonner sans trop de problèmes à son avis. Alors, elle la prit de bon coeur et la rangea tout de suite, avec soin, dans ses affaires. Après tout, elle se savait tête en l'air, il était donc très probable qu'elle l'oublie si elle décidait de la ranger plus tard...
Alors qu'elle se concentrait apparemment sur les caresses, dont le geste était devenu trop habituel pour qu'elle n'en ait besoin, la vétérinaire, qui participait également à cette tentative d'apaisement, le remarquerait probablement, elle décida d'inclure le troisième humain dans la conversation :
- Au fait, Monsieur... Si vous vous souvenez de mon offre, elle tient toujours...
La percevrait-il comme trop insistante ? Peu lui importait. Elle pensait savoir comment l'amadouer si jamais il faisait mine de protester. Après tout, il avait apprécié Nox. Peut-être serait-il curieux ou stressé si elle lui confiait Kléaria ? Dans les deux cas, il ne penserait probablement plus à lui en vouloir... Du moins, pas pour son insistance.
Aradin : «Hein !? Quoi ?» Happer hors de ses pensées négatives par Kasha, le détective reprit de plus belle une expression flamboyante. «Monsieur ? Kasha... Tu n'aurais pas oublié ce que je t'ai dit la dernière fois ? HUM !!!?» Pour la punir de sa bêtise, le renard lui pincera le nez délicatement en rigolant un bon coup. «Ahahaha ! Ton offre ? Je n'accepte désormais plus que Nox dans mon équipe ! Et Toc !» Il s'approchera de la vétérinaire et tournera autour d'elle comme une tornade déchaînée. «Nox va bientôt m'appartenir de toute façon ! Ahaha !» Il chuchotera par la même occasion à l'oreille de la belle rouquine «N'ayez crainte, tout ce que je dis est faux... Je veux juste montrer à Nox que sa maîtresse l'aime beaucoup...» Il ouvrit grand les bras, invitant le chaton ailé à rejoindre son camp. «Allez Nox ! Tu n'as qu'un saut à faire et tu auras une tonne de poissons rien que pour toi !» Un jeu puéril certes, mais si le détective arrivait à sortir son épingle du jeu, il aura réussi à renforcer d'avantage les liens unissant la maîtresse et le chaton.
- Je comprends et je ne vous demande certainement pas de l’attacher ou de le torturer. Une vigilance accrue serait la bienvenue. Je vais également vous donner un petit sachet de feuilles de weissium. Vous pourrez les faire infuser. Une fois la préparation refroidie, Nox pourra la boire. Je conseille un demi verre, deux fois dans la journée au maximum. Un verre le soir pour l’apaiser pour la nuit et l’autre dans la matinée s’il est agité.
Néréa récupéra l’un des bocaux qu’elle avait rempli un peu plus tôt et qu’elle avait rangée non loin de chapardeur. Ce dernier ouvrit les yeux, intrigué par la proximité de l’humaine. Il la surveilla du coin de l’œil, le temps qu’elle prépare le sachet de feuille et repose le bocal. Une fois cela fait, la petite boule de poil se rendormie sans demander son reste.
Pendant ce temps, le jeune homme avait pris la parole suite à la demande de son amie. Néréa obtint une information ou deux qu’elle nota mentalement.
Ah, elle s’appelle Kasha. Merci monsieur le détective pour cette information, même si je ne suis pas sûre qu’elle me serve dans l’immédiat.
Elle les laissa discuter, le début de cette conversation ne la concernait pas. Lorsque le détective lui chuchota quelques mots, Néréa fut d’abord gênée par le rapprochement qu’il effectua. Par la suite, elle ne put s’empêcher de sourire en observant le manège de celui-ci. Elle n’était pas sûre que pousser à bout la jeune femme soit une bonne idée mais si cela pouvait apporter des preuves au chaton que sa maitresse ne comptait pas l’abandonner ni le remplacer la lipoubleue, alors soit. Elle le laissa donc continuer, intervenant seulement pour rappeler les pré-requis à la guérison du patient.
- Monsieur Silva, lui demander de sauter n’est pas une bonne idée.
Elle le regarda d’un air sévère pour s’assurer qu’il avait compris le message. Inciter la visiteuse à admettre son amour pour le tenko devant témoins, pas de souci ! Mais certainement pas au détriment de la santé de l’animal.
La virtuose attendit quelques instants que l’un ou l’autre de ces clients interviennent puis repris la parole afin de rester professionnelle et de savoir si le jeune femme avait une autre demande concernant ces familiers. Le bien-être des créatures était primordial sur tout autre sujet de conversation.
- Mademoiselle, avez-vous une autre question sur les soins de Nox ? Kléaria n’a pas de souci non plus ?
Quand la rousse eut terminé de parler, Kasha en profita pour relire rapidement ses notes. Peut-être ferait-elle bien de les faire relire à la vétérinaire, pour s'assurer qu'elle n'avait pas fait d'erreur ? Principalement en ce qui concernait les premières instructions données, puisqu'elle s'était basée sur sa mémoire pour les noter. Oh, bien sûr, elle avait confiance en sa mémoire, mais elle se doutait qu'en matière de soins, une simple erreur pouvait avoir des conséquences importantes... Oui, peut-être soumettrait-elle ce qu'elle avait à la validation de la professionnelle, avant de la quitter.
En parlant de mémoire... Voici que son potentiel-associé-qui-finalement-ne-l'était-pas décidait lui aussi de la mettre en doute. Il lui avait dit quelque chose ? Enfin, plutôt... Oui, ils s'étaient dit un certain nombre de choses, mais la situation n'avait pas non plus été propice à... Bon, d'accord, elle se cherchait des excuses. Elle fronça le nez, gênée malgré elle par cette mémoire qui lui faisait défaut. Enfin. Elle ne pouvait pas y faire grand-chose. Et tel qu'elle connaissait le personnage, il ne lui en dirait de toutes façons pas plus.
Néanmoins, à la suite, elle retrouva son sourire :
- Loupé ! Le fait de travailler ensemble, c'était votre... Ton ? Idée ! Le mienne, c'était d'être une sorte de confidente. Je ne suis peut-être pas douée pour donner des conseils, mais je sais écouter. ça pourrait peut-être aider... Enfin, cela dit, je ne vous.... Te.... Force à rien.
Elle avait essayé. Même si elle n'était pas sûre que c'était du tutoiement qu'il voulait parler, mais peu importait. Au moins, il ne pourrait pas dire qu'elle ne faisait pas d'efforts.
Lorsqu'il parla de n'embaucher que Nox, elle ne réagit que par un petit sourire. Puis, lorsqu'il sembla avoir terminé, elle lança :
- Chiche ! À voir comment vous... Tu... Réagiras à sa première fugue ! Ce n'est clairement pas quelqu'un qui reste sagement à vos côtés. Et quelque chose me dit que tu finiras de toutes façons par revenir, hein ?
Sa dernière phrase était adressée à Nox, qui l'observa sans rien dire. Néamoins, elle le connaissait. Elle savait qu'il avait besoin de son espace, et que, lorsqu'il partait, il ne fallait pas le forcer à revenir. Qu'il finirait de toutes façons par rejoindre son foyer... Au moins pour manger.
D'un autre côté... Il devenait légitime de se demander quel foyer il considérait comme le sien : celui de Kasha... Ou celui de Fenrir ? Après tout, Kasha, il ne l'avait pas choisie, elle était comme sa mère, un passage obligé dans sa vie. Fenrir... C'était l'ami qu'il s'était choisi, et avec qui il passait de plus en plus de temps. Si on le laissait choisir entre ces deux humains, qui choisirait-il ? Kasha n'était même pas certaine de connaître la réponse.
- N'empêche, tu sais, Nox, même si Fen est... Je ne sais pas exactement ce que tu lui trouves, mais passons. C'est quand même moi qui prends soin de toi. Tu penses que lui t'aurait amené chez un vétérinaire ?
Elle ne put retenir un petit rire ironique. Non, vraiment, cet humain était bien trop sauvage pour cela... De son point de vue. Puis, le chaton dans les bras, elle se recentra sur Aradin :
- Et ça m'étonnerait qu'il puisse vraiment vous être utile, seul, du moins : vous deux ne partagez pas la moitié de ce que nous partagageons. Avez-vous d'ailleurs déjà pris soin d'un animal ? Nox est plus difficile à gérer que ses frères, si vous ne créez pas un lien avec lui, vous n'y arriverez jamais. Il peut vous apprécier, mais ça ne suffit pas. D'un autre côté, j'ai un ami que Nox adore, et je ne sais toujours pas pourquoi...
C'était d'ailleurs Nox qui les avait faits se rencontrer.
Puis la vétérinaire reprit la parole. Reposant Nox près d'elle, car il semblait en avoir assez d'être dans ses bras, elle reporta son attention sur sa petite soeur d'adoption.
- Je pense que c'est bon... Et pour Kléaria, elle est plus réservée, mais j'imagine que c'est son caractère. Et puis, d'un autre côté, ça doit être impressionnant, de rejoindre le foyer d'un energumène comme Nox !
Cela lui valut un miaulement de protestation, auquel elle répondit par un rire et une caresse.
- Chut. On finit par s'habituer... Et, clairement, je pense que je m'ennuierais, sans toi.
Aradin : «Je suis vraiment navré de vous poser cette question durant votre travail, mais j'aimerais avoir votre soutien au sujet d'une chose précise et promis, je vous laisserais tranquille après ça.» Il se tournera en direction de sa vieille demeure natale et la pointera du doigt en affichant un léger rictus. «Avez-vous des informations à me fournir sur cette baraque ? Une personne séjournerait-elle en ce moment à l'intérieur ?» Son regard se portera aussi sur l'autre dame séjournant au cœur de la salle. «Kasha, si toi aussi tu as des informations à ce sujet, cela me serait d'une grande. Vraiment, d'une grande aide.» Ses pupilles grisonnantes étaient animés par une profonde teinte de mélancolie.
Tout en restant impassible, Néréa s’amusa de la réaction des drôles de personnages devant elle. Le détective lui avait fait un semblant de salut militaire quand elle lui avait adressait sa remarque sur le repos nécessaire au petit Nox et maintenant, le jeune femme réagissait au quart de tour face aux piques du jeune homme.
Néréa crut déceler une pointe de jalousie dans les dires de la jeune femme. Celle-ci espérait probablement que son jeune tenko la choisisse, quoi qu’il arrive. Et ce, même si les personnes mentionnées, un certain Fen et le détective, paraissaient temporairement plus attrayantes. L’animal commençait d’ailleurs à se détendre à ces mots. Savoir, ou plutôt entendre, que seule sa maitresse se préoccupait autant de lui avait dû regonfler un peu son ego.
Une fois leur petite joute amicale terminée, le blondinet s’adressa de nouveau à la virtuose. Ce changement radical de sujet de conversation surprit Néréa. Cette demande avait une grande importance pour le jeune homme d’après la tristesse qu’elle lut dans ses yeux. Elle s’empressa de lui répondre avec toutes les informations à sa disposition. Ces dernières étaient bien maigres car peu de gens osaient s’approcher du logement. La majorité préférait changer de trottoir afin de mettre une distance supplémentaire entre eux et la maison.
- Je ne suis pas dans le quartier depuis très longtemps. Il ne me semble pas avoir vu âme qui vive dans cette maison. Vu son état, à part des squatters ponctuels, je ne pense pas que beaucoup de personnes aient envie de s’y aventurer. Des rumeurs circulent sur cet endroit. Je n’y prête pas vraiment attention mais je sais que mes voisins en ont peur.
Néréa observa les réactions du détective. Ses traits semblaient indiquer des sentiments divers : peut-être un peu de surprise que la vétérinaire réponde sans poser de questions, toujours cette tristesse qui ne semblait pas le quitter tant que ce sujet serait en cours et en même temps, Néréa avait l’impression que le jeune homme s’attendait à ce type de réponse. Où, peut-être avait-elle tout imaginé et rien de tout cela n’était vrai.
- Je suis désolée de ne pas pouvoir vous en dire plus.
La virtuose ne voulait pas mettre ses clients dehors mais son métier restait centré sur les animaux. Elle reprit la parole pour réorienter la discussion en ce sens.
- Est-ce que je peux faire autre chose pour vous et vos familiers ?
- Aradin...
Cédant à une impulsion, elle laissa ses familiers sur sa chaise et vint l'entourer d'une étreinte réconfortante (du moins, elle l'espérait).
- De mon côté... Je n'en sais pas plus, je m'attache plus aux gens qu'aux lieux. Une personne importante pour toi y vivait-elle ? On pourrait peut-être essayer de la retrouver, non ? Et puis, ça me permettrait également de m'acquitter de ma dette envers toi !
Elle avait volontairement forcé l'enthousiasme sur la dernière phrase, espérant que ce soit contagieux. Ce ne fut que lorsque la vétérinaire lui parla directement qu'elle s'autorisa à s'éloigner, non sans un dernier regard inquiet. Au moins, elle était certaine d'une chose : cette fois, elle ne le laisserait pas partir tant qu'il ne se sentirait pas mieux. La dernière fois, elle avait été incapable de le retenir. Ce ne sera plus le cas à présent. Enfin, c'était à la vétérinaire qu'il fallait s'adresser, désormais.
- Déjà,je vous remercie du fond du coeur.
Instinctivement, elle entama un semblant de révérence de remerciement, avant de se stopper net en plein mouvement. On n'était pas chez les nobles, ici. Elle pouvait se permettre d'être plus simple... Et surtout, plus sincère.
- Mais, si vous avez le temps... Peut-être que vous pourriez nous accompagner à l'extérieur ? Je pense que ça fera du bien à tout le monde, de marcher un peu.
D'un autre côté... Elle laissa traîner un regard curieux dans la direction des pensionnaires de ce lieu. Des animaux inconnus, c'était intéressant, aussi. Cependant, elle n'osait pas demander l'autorisation d'aller les voir. Alors, elle revint auprès de ses propres compagnons à quatre pattes. Et les observa.
- Je ne sais pas si c'est dans vos compétences, Mademoiselle, mais est-ce que vous savez ce que je pourrais faire pour qu'ils s'entendent ? Pas seulement avec moi, mais surtout entre eux. À terme, j'aimerais que Nox puisse veiller sur Kléaria lorsque je dois partir en mission. Elle est trop jeune pour m'accompagner. Jusqu'à présent, je la laissais à un collègue, mais si possible, j'aimerais éviter de le déranger constamment.
Elle pouvait presque l'entendre répliquer : "Qu'est-ce que tu racontes, Kasha ? Je suis heureux de t'aider, et tu le sais !" Sauf que c'était un hôte, et qu'il avait certainement autre chose à faire que de jouer les babysitters. Même si Kléaria était clairement bien plus facile à vivre que Nox. Elle, tout ce dont elle avait besoin, c'était de se sentir en sécurité. Mais ce n'était pas une justification suffisante pour son humaine.
Au fil de ses rélfexions, elle s'était mise à prodiguer des caresses à ses deux compagnons poilus. Elle aurait tellement aimé pouvoir les prendre dans ses bras les deux en même temps. Mais elle craignait la réaction de Nox. Oui, vraiment, il allait devoir apprendre à partager.
Aradin : «Je vivais dans cette maison depuis ma naissance... Lors de mon départ précipité il y a une quinzaine d'année à cause de mon père, j'ai laissé ma mère derrière moi.» Il marchera en direction de la porte. «Je ne suis revenu que cinq ans après ma fuite. Ma mère avait dès lors disparu du jour au lendemain et mon père avait trouvé la mort dans d'horribles circonstances...» Il empoignera la poignée et affichera un chaleureux sourire à la resplendissante vétérinaire. «Merci en tout cas pour vos informations, Mada...» Étonné par l’invitation surprise de Kasha envers la rouquine, le blondinet suivra le mouvement en revenant sur ses pas et en jouant le parfait comédien de manière à attendrir le cœur de la vétérinaire. «Avec votre aide et celle de Kasha, peut être que je trouverais des réponses sur mon passé...» Il rebondira aussitôt sur les paroles de la rouquine concernant un possible occupant au sein de la vieille baraque. «Vous avez parlé d'un squatteur ? De qui s'agit il ? Une personne violente ? Si cela est le cas, je connais une bonne manière pour discuter avec ce genre de personne.»
A la proposition de sortie, Néréa fit une liste mentale de ce qu’il lui restait à faire pour savoir si elle pouvait se permettre de sortir. La conclusion fut qu’un bon bol d’air et un peu de sport ne lui ferait pas de mal et qu’aucune urgence ne la retenait chez elle. Elle signifia une réponse positive d’un hochement de tête. L’insistance du détective n’avait pas été utile ni nécessaire pour la convaincre. Néréa aimait beaucoup déambuler dans les rues de la Capitale. Sans oublier qu’elle avait bien remarqué que les traits du jeune homme ainsi que sa voix trahissaient ses émotions. Dans ces cas-là, le côté altruiste de Néréa ressortait au galop. C’est pour cela qu’elle s’empressa de lui répondre.
- Je ne sais pas pour le squatteur. Il n’y en a peut-être pas qu’un. Je ne suis même pas sûre que ça soit toujours le même. Je crois que ce sont juste des personnes qui ont temporairement besoin d’un toit et qui n’ont pas trouvé mieux. Je ne suis pas sûre que vous ayez plus de réponse mais on peut toujours essayer.
Avant de partir, la jeune femme s’adressa à nouveau à Néréa pour lui demander des astuces pour la cohabitation de ses familiers, celui-ci prit le temps de réfléchir aux différentes solutions qui pouvaient être testées avant de répondre.
- Pour commencer, il faut qu’ils puissent avoir chacun un ou plusieurs endroits où s’isoler chez vous si ce n’est pas déjà le cas. Un endroit rien qu’à eux où ils pourront aller recharger les batteries sans avoir l’autre sur le dos. Faire des reproches à Nox quand il y a des tensions entre eux n’est pas la solution. Il a beau être le plus âgé, il souffre aussi de la situation. Vous pouvez tenter de donner des responsabilités à Nox, comme de surveiller sa petite sœur le temps d’aller faire quelques courses pour commencer. Et si tout se passe bien il aura une récompense.
Néréa avait l’impression d’être moralisatrice. Elle avait fait de son mieux pour rester le plus factuel possible et arrondir les angles. Elle espérait que cela fonctionnait et que la jeune femme ne le prendrait pas personnellement. En plus, toutes ses idées avaient peut-être déjà été mises en place.
- Ensuite, passez du temps séparément avec chacun d’eux. Passer du temps tous les trois c’est important mais il faut aussi que Nox ou Kléaria puisse avoir un petit temps où vous n’êtes qu’avec eux et que ça soit équitable. Quand vous êtes tous les trois, essayez de faire des jeux, comme ça ce n’est plus vous le centre d’intérêt mais ils profitent quand même de votre présence. Je vais vous donner un petit sachet avec des herbes. Leurs odeurs permettent de calmer les tensions entre les animaux. J’en mets un peu partout dans le cabinet pour éviter les problèmes entre mes patients. Ils peuvent se frotter dessus, ce n’est pas un souci, par contre ils ne doivent surtout pas les avaler.
Une fois les préconisations expliquées et le petit coussin d’herbes apporté, rien ne retenait plus le petit groupe de faire son excursion. Néréa fit tout de même une proposition :
- Si vous voulez vraiment aller dans ce bâtiment en ruine, je conseille de laisser Nox et Kléaria ici pour se reposer. Nox ne peut pas suivre avec sa blessure et je ne pense pas que ça soit une bonne idée d’emmener une lipoubleue aussi jeune. Ils ne risquent rien ici et ils ne seront pas seuls.
Néréa désigna ses pensionnaires pour montrer que la cohabitation est possible.
Néanmoins, pour ce qui suivit, elle sut qu'elle devait intervenir. Venant poser une main impérieuse sur le bras de l'homme, elle le fixa, une expression dure dans le regard.
- ça suffit. Je pense savoir de quoi tu parles. Si c'est la même chose que la dernière fois... Il n'en est pas question. Les mots marchent aussi. Ou même... La ruse.
Elle lui offrait ainsi une possibilité, bien que plus qu'hypothétique, de la voir en action. D'un autre côté... Si squatteur il y avait, Kasha ne savait rien à son sujet. Alors, comment savoir quel personnage incarner ? Enfin, il serait toujours temps d'y penser plus tard. Avec un peu de chance, ce ne serait même pas nécessaire.
Elle préféra se concentrer sur les paroles de la vétérinaire. À la mention d'un espace privé pour chacun, elle ne put retenir un rire gêné :
- Alors, j'imagine que le moment est venu de m'affranchir de la Guilde et de trouver mon propre logement...
Elle n'était pas certaine d'en mourir d'envie... Mais si c'était le mieux pour ses petits compagnons, qu'elle se mit à couver du regard... Après tout, elle serait prête à tout pour eux, non ? Il serait donc peut-être temps de se chercher un chez-elle. L'espace d'un instant, elle pensa carrément demander à Rhis de l'héberger... Avant de vite écarter l'idée. Non, elle ne voulait pas vivre chez les nobles.
Sortant de ces songes, elle nota une fois de plus les instructions et récupéra le sachet, qu'elle observa pendant un moment, avant de poser une nouvelle question :
- Est-ce que je pourrais en connaître la composition ? Au cas où un seul sachet ne soit finalement pas suffisant...
Ainsi, elle pourrait peut-être demander à Myradia de lui indiquer ces plantes afin de recréer elle-même le mélange... Ce qui leur servirait d'excuse pour se revoir.
Elle était d'accord, pour une fois, ses compagnons devraient rester sur place. Lorsque la vétérinaire désigna ses autres patients, une lueur s'alluma dans les yeux de Kasha :
- Je ne peux pas refuser ! Mis à part le fait que c'est visiblement la meilleure solution pour eux... J'ai toujours voulu que Nox se fasse des amis animaux. Et si Kléaria arrive à s'intégrer, cela ne pourra lui faire que du bien !
Puis elle revint vers ses familiers.
- On va sortir, mais vous devez rester ici. Faites connaissance avec ceux qui sont déjà là, d'accord ?
Puis elle prit Nox dans ses bras, lui offrit quelques caresses alors qu'elle s'éloignait de la chaise et le plaça devant l'un des pensionnaires déjà présents. Puis elle répéta les mêmes gestes avec Kléaria, et les observa. Alors que Nox, redevenant fidèle à lui-même, reniflait son vis-à-vis avec curiosité, Kléaria, elle, semblait vouloir disparaître sous terre... Kasha la rejoignit donc, la reprit, et voulut la déposer près de Nox, pensant qu'une présence connue lui semblerait plus rassurante. Mais la jeune lipoubleue s'accrochait, visiblement peu encline à se séparer. Peut-être se croyait-elle sur le point d'être abandonnée ? Avec douceur, Kasha détacha une par une les griffes qui s'accrochaient à elle, tout en lui offrant des caresses infinies et des mots doux.
- Je ne t'abandonnerai jamais, promis. Considère Nox comme mon représentant pendant mon absence, d'accord ? Il me connaît, il sait ce que je voudrais pour toi. Tu n'es pas obligée de t'approcher des inconnus si tu ne le veux pas, mais par pitié, ne déprime pas. Et toi, Nox, je compte sur toi.
Puis elle s'éloigna à contre-coeur. Elle ne s'en faisait pas pour Nox, la sociabilisation était sa spécialité. Mais sa petite soeur... Le regard qu'elle lui lançait lui brisait le coeur. Néanmoins, elle savait qu'il ne fallait pas qu'elle cède. Kléaria devait apprendre l'indépendance... Ainsi qu'à faire confiance à son aîné.
Puis elle prit une décision. Passant devant Aradin, ce fut elle qui ouvrit la porte.
- Allons-y. Avant que je craque.