Riley Nanika Adilys

- Maman… Maman ?

CLAC

- Je t’ai dit de te taire enfant d’hiver !

L’enfant passa une main sur sa joue meurtrie, les yeux larmoyants. Les grandes mains pâles de sa mère poussant son dos de force vers l’unique petit placard de la chambre. Elle ne voulait pas aller dans ce placard… Elle ne voulait plus y aller. Elle ne voulait pas être encore seule et entendre ces bruits qui meurtrissaient ses tympans innocents. L’enfant avait bien sur déjà essayé de se rebeller mais elle avait vite compris qu’elle n’était pas de taille. Haute comme trois pommes il avait suffi d’une bonne gifle pour la remettre à sa place. En fait les gifles elle en recevait souvent, même quand elle restait à sa place. En fait, elle ne savait qu’elle était sa place. Pas ici c’était certain mais où pouvait elle aller ? Nul part. C’était évident. Et puis il y avait maman. Jolie maman. Avec ses beaux cheveux blancs, ses yeux de givre qui parfois souriaient à l’enfant. Parfois, les yeux de givres étaient humides, d’autres fois la peau blanche de maman était rouge. L’enfant ne comprenait pas. Tout comme elle ne comprenait pas les gémissements qui venaient de l’autre côté de la porte du placard quand elle y était enfermée. Elle ne comprenait pas non plus pourquoi il y avait du bruit à l’extérieur et pourquoi parfois a travers les lambris, elle voyait le soleil se lever. Maman disait que le soleil était mal et qu’il valait mieux rester ici, à l’intérieur et dans le placard. Alors l’enfant restait. Parce que nous le savons bien, une mère veut le meilleur pour son enfant.

Silencieuse, comme inexistante, l’enfant se recroquevilla dans son placard, caressant sa joue. Ici elle était bien, du moment qu’elle se taisait. Et avec le temps elle avait appris à se taire. Maman lui disait souvent «  Enfant d’hiver soit belle et tais-toi. » alors l’enfant se taisait. Elle ne savait pas si elle était belle mais si elle ressemblait à maman, elle l’était sans doute. D’ailleurs maman était si belle que de nombreux hommes venaient lui rendre visite parfois tellement que l’enfant ne savait plus distinguer leurs cris. Oui leurs cris, parce qu’ils ne parlaient pas beaucoup ces hommes, ils criaient. Parfois très fort au point que l’enfant serrait ses oreilles pour étouffer le bruit. Un jour c’est maman qui avait crié. Alors elle était sortie, parce que maman devait avoir un problème. Elle l’avait amèrement regrettée. Trois longs jours et tout autant de bleus avaient puni son infraction. Depuis même quand maman criait, elle ne sortait plus. Personne ne savait qu’à quelques mètres du lit se tenait l’enfant d’hiver ou l’enfant de la catin comme les amis de maman aimaient à l’évoquer. L’enfant ne savait pas ce qu’était une catin, toujours est-il que c’était maman.

La vie de l’enfant dura longtemps ainsi, si longtemps qu’elle commençait à avoir du mal à tenir dans le placard. Malgré tout elle était petite donc elle y entrait facilement, en plus elle était maigre alors ce n’était pas si compliquée. Avec le temps l’enfant avait appris à aimer cet endroit. La solitude pour seule compagne elle pouvait rester des heures ainsi sans ressentir le besoin de bouger ne serait-ce que d’un millimètre. Puis un jour il eut un grand bruit, plein de cris. L’enfant proscrit resta ainsi immobile, drapée de cette solitude dont elle avait fait son amie. Les cris de mamans déchiraient ses tympans, mais elle connaissait bien la « loi » elle ne devait bouger sous aucun prétexte alors elle ne bougea pas. Et maman ne revint pas. 

- MAMAN ! S’écria Riley en se redressant sur son lit, le visage en sueur son palpitant pulsant à lui en briser les côtes. - Un rêve ? Murmura-t-elle en se laissant retomber en arrière. Il était rare qu’elle rêve, cela ne lui arrivait même jamais. Pourtant il lui avait semblé terriblement réaliste. Peut-être étais-ce parce que c’était ses propres souvenirs ? Certainement. Mais l’enfant d’hiver était morte dans ce placard. Elle était morte le jour où le jeune soldat l’avait trouvé et conduite à la garde, lui offrant par la même occasion une identité, un travail et une éducation. Ce jour-là, ce garde avait donné naissance à Riley Nanika Adilys. Une autre enfant d’hiver.