Il faisait encore frais en ce début de saison douce et Ellie frissonna sous la large cape qui la recouvrait. Nouvellement capitaine, ayant remplacé ce pauvre Perceval C. de l’Épée, lequel n’était plus en état d’assumer son rôle, elle n’avait pas cru pouvoir obtenir cette permission. Cependant, peut-être parce qu’elle n’en avait demandé qu’à de très rares occasions, elle avait obtenu celle-ci. Le vent soufflait fortement, emmêlant les cheveux d’argent de la femme, qui chassa une mèche de devant ses yeux d’un mouvement. Devant elle, un doux paysage s’étendait. Elle chevauchait en silence, goûtant au plaisir de la solitude et admirant la beauté sauvage de la nature s’éveillant. Aux arbres, les bourgeons commençaient à éclore, signe de l’imminence de la saison chaude. Ellie préférait la saison froide. Les moustiques étaient ses pires ennemies, et elle supportait plutôt bien le froid. De plus, rien n’égalait la beauté gelée des sculptures de glace et des larges étendues blanches se fondant dans la froideur du ciel glacé. Elle devait cependant avouer que de ressentir la chaleur dans le vent qui lui fouettait le visage éveillait en elle une nostalgie toute particulière. Se retenant à l’aide de ses jambes, elle caressa l’encolure de Tempête, la jument baie qu’elle chevauchait. Celle-ci l’amenait vers un lieu qu’Ellie redoutait plus que tout. Elle sentait cependant le besoin s’y rendre. Un an plus tard… Elle posa ses lèvres sur la bague de cuir à son doigt, puis poussa sa jument au galop. Elle ne devait pas perdre trop de temps. Cela prit moins de temps que l’avait estimé Ellie. La dernière fois qu’elle avait fait ce chemin, elle était entourée des soldats sous ses ordres. De ceux qu’il lui restait… Le chemin était inévitablement plus long en groupe. Posant le pied par terre, elle s’avança dans le petit village. Rapidement, les regards convergeaient vers elle, et bientôt, les murmures s’en suivirent. La femme aux cheveux d’argent n’en tenu pas compte. Ce village était isolé, et les étrangers y étaient rares, les étrangers vêtus d’une armure encore plus. Elle s’avança vers une écurie, donna une pièce au garçon qui s’occupait des chevaux, et laissa Tempête se reposer. Certains murmures se glissaient jusqu’à ses oreilles, et Ellie se rembrunit. Certains la reconnaissaient. La lieutenante qui avait sauvé le village du fiellon. Elle déambula dans le village jusqu’à trouver un endroit ou manger. L’Auberge du Petit Vent portait bien son nom, car au sommet de la colline sur laquelle elle était juchée, le vent était incessant. Les visiteurs étant rares, tous les regards se tournèrent vers elle lorsque la clochette de la porte retentit lorsqu’elle la poussa. La salle n’était pas très grande, tout au plus cinq tables, en plus d’un court comptoir ou il était possible de s’asseoir. La capitaine s’y installa et se commanda un repas, puis une bière, après hésitation. Elle ne buvait habituellement pas si tôt, mais elle n’était pas en service, et elle devait faire passer ce poids dans son estomac. Le regard pénétrant de la vieille femme aux cheveux violets qui la servit la troubla un instant. Lisait-elle en elle autant qu’Ellie en avait eu l’impression en rencontrant ce regard aiguisé ? Elle reçut sa commande dans un silence complet. Visiblement, plus personne n’osait dire un mot, mais le clin d’œil de la femme au comptoir la rassura. Ils ne lui voulaient aucun mal. De toute façon, ces villageois n’auraient pas le moindre change, contre elle. Finalement, ce fut un jeune homme de tout aux plus quinze ans qui l’aborda en tremblotant légèrement. – Vous êtes Ellizabeth Midragon ? dit-il respectueusement, baissant les yeux en rencontrant le regard froid de la capitaine. – Ellie, corrigea-t-elle d’une voix sans émotion.– Je… pardonnez mon impertinence, c’est-à-dire que…– Parle, n’ai pas peur. Que veux-tu, jeune homme ? Dit-elle en soupirant, légèrement exaspéré par les manières du garçon.Les regards s’étaient rapidement dirigés vers eux, que ce soit par des coups d’œil que certains auraient voulu furtif, ou par un intérêt marqué et aucunement dissimulé pour ce qui se passait. Le poids de leur regard fit comprendre à la femme que tout le monde avait compris qui elle était. Elle soupira. Elle aurait préféré demeurer anonyme, bien qu’elle se soit doutée dès son premier pas ici que ça serait impossible. Le garçon rougit, mais planta un regard déterminé dans celui de la capitaine. « Il a du cran », pensa Ellie. Elle n’était pas sans savoir que son regard était difficile à soutenir. Qu’un jeune de cet âge y arrive suffisait a lui donner une chance. – Je dois vous remercier, pour la mort de ce fiellon. Ce n’était pas votre rôle, mais vous avez combattu au péril de votre vie pour défendre notre pauvre petit village. Vous avez vengé mes parents. Je suis à jamais votre débiteur. Le regard d’Ellie, qui dégageait déjà une froideur palpable, se glaça. Elle se leva d’un mouvement brusque, causant un sursaut général lorsque le banc sur lequel elle était assise racla le sol d’un son sourd. – Je ne mérite pas de remerciements. Elle parcourut la salle du regard, rencontrant le regard de ceux ayant le courage de la regarder.– Et je n’en veux aucun. Elle enfonça sa main dans sa poche, posa des cristaux sur le comptoir pour payer le repas et sortie. Elle ne l’avait pas vu bouger, et pourtant, la vieille femme aux cheveux violets l’attendait dehors, un sourire compatissant sur le visage. Ellie s’arrêta devant elle, subjuguée par son regard, a la fois perçant et doux. – Ce fiellon était une terreur, et tu nous en as libérés, dit-elle d’une voix beaucoup plus solide que ce qu’Ellie aurait cru possible d’une telle femme. – Je croyais avoir été claire…– Oui, l’interrompit-elle, et je comprends. Elle eut un sourire mi-amusé, mi-compatissant. – Tu aurais laissé mourir ce village entier si cela t’avait permis de sauver ton compagnon. Ellie ne se demandait pas comment elle était au courant. Son histoire, son deuil, tout ça devait avoir fait le tour du village. Sauf que la dame avait tort.– Tu peux croire ce qu’il te plait. – Excusez-moi, j’ai été présomptueuse. Mon pouvoir me permet certes de comprendre vos émotions, mais leur interprétation reste un exercice difficile, même après toutes ces années. – Dans ce cas, évite d’interpréter, dit Ellie d’une voix dure.La capitaine s’avança dans l’intention de dépasser la dame, mais lorsque la main de celle-ci se posa sur son épaule au passage, elle sursauta. Elle avait l’impression que la dame lisait en elle. Et elle lisait en cette femme, comme si ce pouvoir dont elle avait parlé était le sien. Sa compassion, sa fierté, son courage. Elle s’arrêta aussi rapidement qu’elle avait voulu partir. – Tu as pris les bonnes décisions, Lucy m’en soit témoin. Le doute peut être une formidable école. Veille seulement à ce qu’il te pousse vers l’avant, et évite de t’y noyer. Les paroles de la dame trouvèrent un écho en Ellie, qui la dévisagea, troublée. Les gens ne lisaient pas en elle. Jamais. Sans un mot, elle se dégagea, poursuivant son chemin vers le boisé qui côtoyait le village.– Tu auras une chambre de prête et je veillerais à ce qu’on ne t’embête pas. Sens-toi bienvenue. Ellie se retourna, mais la dame avait déjà disparu. Elle se secoua. Cette rencontre la troubla jusqu’à ce qu’elle arrive devant un autel de fleurs et de pierres, au milieu des arbres. Des noms gravés dans la pierre. Une sépulture. Ellie s’agenouilla, fermant les yeux avec force devant la douleur qui irradiait de sa poitrine. Dans sa tête, comme un film, elle le revit, comme s’il était encore là, chevaucher à ses côtés, le regard pétillant, un clin d’œil rassurant en poche. Elle sentit de nouveau ses lèvres douces contre les siennes et sa barbe qui lui piquait les joues. Elle entendit de nouveau ce rire qui réussissait, à lui seul, à faire tomber son air stoïque et vit encore une fois le regard sincère pour lequel elle était tombée amoureuse.La dame avait raison. Ellie aurait laissé tomber le village si cela lui avait permis de le sauver. Mais il ne lui aurait jamais pardonné un tel acte. Il était empathique, courageux et profondément honnête. Jamais il n’aurait laissé tomber des innocents par peur. Des larmes coulaient sur ses joues. Brulante.
- - Un voyage, une histoire - -
ft. Ellie, Libre
- Newt ? Dis moi... Tu sais, j'ai cet ami, qui vit dans les plaines. Je ne peux m'y rendre...
Le dragonnier leva le nez de son livre vers son père. Il voyait à peu près de quel ami parlait son père, une vieille connaissance qui était un grand producteur de poisson de la ville portuaire. Odin dormant sur ses genoux, le jeune homme prit calmement la parole :
- Tu veux que je m'y rende ?
- Que tu m'escorte. D'ici deux trois jours, le temps de préparer ce voyage.
Newt haussa les sourcils, surpris de la demande. Son père voulait partir avec lui ? Qui veillerait sur la ville ? Le gouverneur s'assit dans le fauteuil face à son fils, lui expliquant qu'il avait un subalterne qui pouvait prendre la relève deux jours et que Newt, avec Nivom, pouvait revenir en quelques heures si besoin. Newt, sans trop réaliser la demande derrière cette explication hocha la tête.
Deux jours plus tard, le jeune homme vint avec son père dans l'écurie ou deux chevaux, les leurs, avaient été préparés. Cape de voyage sur les épaules, Newt se mit en selle avec son père et fit signe à Nivom de rester à vue. La vue du dragon blanc annonçait souvent la visite d'un d'Arphéos dans un village. Le jeune héritier avait oublié ce que procurait comme sensation un cheval, bien qu'il ait l'habitude de son propre cheval, un grand noir répondant au nom de Barzan. Il suivit son père et tous deux quittèrent la ville. Ils en avait pour une grosse journée à cheval. Le voyage changea à Newt, habitué à la vitesse avec son compagnon. Nivom volait au dessus d'eux et se posait parfois, marchant a leurs cotés avant de repartir vers les airs.
- Ca me fait du bien de voyager avec toi mon fils. Cela n'est pas arrivé depuis si longtemps !
A se demander pourquoi...
Son père afficha un regard peiné et Newt soupira :
- Désolé.. Ca me fait plaisir aussi. Ca me change de voyager ainsi aussi, mon vieux Barzan me manquait , dit-il en caressant l'animal.
Son père afficha un petit sourire et proposa de galope un peu. Newt sourit grandement et s'élança a la suite de son père. Se penchant sur l'encolure de son cheval, il rattrapa vite le gouverneur ; c'était là un sentiment d'ivresse qu'il connaissait d'avantage.
Le village fut en vue à la fin de la journée. Newt prit les deux chevaux tandis que son père se rendait chez son ami. Il les laissa à l'écurie, croisant une demoiselle dont le visage lui semblait familier, notamment par l'armure. Il mit un temps à se souvenir qu'il s'agissait de la garde, capitaine aujourd'hui : Elisabeth Midragon. Il quitta l'écurie et attendit en bord de village que Nivom arrive. Il rabattit sur son armure d'écaille une capuche pour passer plus incognito, bien que cela soit rendu complexe par Nivom. Le dragon blanc s'envola chasser après s'être assuré que Newt n'avait connu aucun sinistre.
Le jeune homme gagna l'Auberge ou il passerait la nuit pour sa part. Quand il entra, son visage masqué par sa cape, il remarqua la capitaine mais alla simplement s'installer à une table pour manger. L'homme qui le servit sembla le reconnaitre mais Newt lui fit signe de ne rien dire. L'ambiance se refroidit avec l'intervention de la capitaine face aux autres. Son discours attira Newt, occupé à partager son repas avec son lumios Odin. La jeune femme aurait sauver un village et Newt retint une phrase : elle aurait par ailleurs perdu quelqu'un. La jeune femme sortit et Newt gagna sa chambre après manger. Il ne ressortit qu'en voyant Nivom revenir.
Il alla accueillir son compagnon près des arbres près du village, s'assurant qu'il n'avait rien. Il gratta le menton de son compagnon et joua un peu avec. Quand Nivom le plaqua au sol de sa patte, le jeune homme se rendit et aperçut, près d'une stèle, la capitaine. Il se libéra de l'emprise du dragon et s'approcha, son lumios sur l'épaule. Il s'aperçut qu'elle pleurait et hésita avant d'intervenir, sa capuche toujours sur la tête. Il parla d'une voix très basse, très douce, se faisant le plus discret possible :
- C'est dommage de pleurer par une si belle soirée, vous ne trouvez pas ?
Lui qui tant de fois avait apaisé les tensions des gens avait pour une fois peur d'être intrusif.
La mission exigeait qu'on tue un Béhémoth, une créature haute et massive, capable de fendre les remparts d'une cité en quelques minutes. Aniel en avait déjà entendu parler. Elle se demanda simplement comment il était possible de revenir en vie d'une telle rencontre, sans un pouvoir digne de ce nom. C'est impossible... conclut-elle en son for. La voilà, ma réponse. Tout cela corroborait merveilleusement bien avec ses ambitions : elle, tractant la bête morte, - ou ce qu'il en resterait - jusqu'aux portes de la cité. La gloire ne l'intéressait pas directement. Ce qu'elle voulait, c'était mettre à l'épreuve ce monde, qu'elle en vainc tous les démons. Que plus rien ni personne ne puisse la mettre à genou, comme ce fut le cas il y a dix ans. Une ambition démesurée pour une femme qui se considérait telle quelle.
Elle tiqua, cependant, quand Billy, un des aventuriers qu'elle avait rencontrés dans une auberge, l'alpagua. « Méfie-toi, on n'est jamais à l'abri avec ces bêtes-là. Certaines d'entre elles peuvent peut-être manier un pouvoir élémentaire. » Deux entités se battaient en elle. Le démon, qui voulait en découdre à tout prix ; et la femme, consciente, qui savait que toutes les ambitions du monde ne pouvaient être vaincues par la force.
Il lui faudrait les meilleurs, mais qui ? Qui était inconscient au point de se laisser guider jusqu'à cette terre aride ? Qui serait davantage intéressé par la gloire et la promesse d'un grand combat que par sa propre vie ?
Ce monde n'accouche que de mauviettes... pesta-t-elle, intérieurement. Ça ne date pas d'hier. « Navré, Aniel, je ne pense pas pouvoir t'aider p-... » Elle ne l'écoutait déjà plus. Quand la Fée Rouge avait une idée en tête, plus rien ne l'importait. Elle quitta le QG et fit en route pour le Grand Port.
Les rumeurs parlaient d'un homme, capable de manipuler le feu d'une certaine manière. Un pouvoir que la guerrière jaugea de prime abord ridicule. Mais il y avait autre chose. Cet homme était escorté par une créature légendaire, un dragon. Un bestiau cuirassé d'écailles sur dix mètres de long, capable de projeter de véritables feux d'incendie par la bouche. Un atout aérien indispensable, pour une bête aussi entêtée que le Béhémoth. Newt. C'était son nom. Si elle voulait avoir une chance d'effectuer cette mission sans trop de problème, il fallait qu'elle trouve cet hurluberlu monteur de carnivore ailé.
* *
Quelques jours passèrent, sans aucune nouvelle de cet homme. Aniel avait fouillé le port de fond en comble, avait même pris la peine d'interroger les passants, mais ces prolétaires n'entendaient rien à ses questions. Ils étaient trop occupés à travailler, esclaves d'un salaire minable dont elle ne voulait même pas connaître le chiffre. C'est la sélection naturelle, ma fille... pensa-t-elle. Le monde est ainsi fait pour que rien ne se mélange. Ça ne tiendrait qu'à eux de s'élever, mais ça... Et elle se souvint de l'allégorie de la caverne, que lui avait prophétisée, une fois, le doyen de son village natal : les Hommes ne sont pas tous faits de la même manière. Certains ne peuvent connaître que l'obscurité, tandis que d'autres sont voués à la lumière du bien. Un adage qu'elle approuvait jusqu'au bout de ses doigts gantés.
Cela ne l'aida toutefois pas à trouver le gaillard. Jusqu'à ce que... - car les miracles concernent ceux qui les désirent : « Ouaip, il s'est fait la malle vers le village, là... J'sais pas pourquoi. » La voix provenait du ponton. Deux pêcheurs qui parlaient entre eux. Aniel s'avança, silencieusement. « Une histoire avec son père, j'crois... J'm'y ferai jamais, à sa bestiole. Grosse comme une caravelle, le bordel ! »
Dans toute la finesse cérémonielle qu'on lui connaissait, quand il était question de dérober des informations utiles, - ça lui changeait des bandits qu'elle torturait jusqu'à la mort - elle s'approcha de quelques pas souples et interrogea, à bout de lèvres, les deux compères.
« Et ce village, il a un nom ? »
Les deux bagnards ne prirent même pas la peine de se retourner. Ces ploucs étaient trop occupés à mirer leur reflet minable dans l'eau poisseuse qui offrirait leur repas. « Un truc comme le Village de l'autan... Le vent souffle beaucoup, là-bas. 'fin, vous me direz, le vent, ça souffle partout, péhéhé, surtout sur les plaines. Pas vrai, ma p'tite da-... » Il se retourna, mais Aniel était déjà partie.
* *
Le canasson, épuisé, rentra dans l'écurie sans demander son reste. Sa maîtresse l'avait fait courir cinq jours durant, presque sans repos. Elle savait bien que cet homme pouvait l'échapper à tout instant. On ne cavalait pas comme on volait à dos de dragon, - c'était un des avantages d'avoir une de ces bêtes à sa disposition. Malheureusement, le peu de ces créatures auxquelles Aniel avait eu affaire s'étaient contentées de l'attaquer, et de cracher, sur elle, leurs flammes parfaitement inoffensives.
Harassée, le buste douloureux, - le cheval avait fini par trotter en de petits bonds, sur la fin du voyage - elle s'apprêta à rentrer dans l'auberge quand elle vit une femme sortie en trompe. Son visage avait quelque chose d'étrange. Balafré d'une vilaine plaie, mais, pis que tout : sa mâchoire du bas semblait coulée dans de l'acier trempé. Interdite, elle l'observa, tandis qu'elle discutait avec une vieille matrone à la couleur de cheveux douteuse. On n'a pas idée de se teindre la crinière en violet, de nos jours... Au diable les commodités de ce taudis. Il fallait qu'elle trouve cet homme.
Le constat à l'intérieur de l'auberge ne fut pas bien plus fameux. Elle avait déjà entendu parler de cet endroit. Le Village de l'autan, - ou quelque chose en rapport avec le vent - avait été sous le joug d'un monstre, par le passé. Le fiellon. Son nom suffisait à faire trembler d'effroi ceux qui habitaient dans ces masures moitié prix. En somme, les villageois n'avaient presque jamais rien connu d'autre que la peur. Pourtant, dans le regard de cette inconnue, tout à l'heure, - celle à la mâchoire de fer - il y avait de la détermination. Ce devait être une combattante. Ce pouvait-il qu'Aniel se soit trompée ? Que ce « Newt » fut en vérité une femme ?
Elle fronça du nez, ses deux narines fumant comme de la braise. Que ça l'agaçait... ! Un dragon de dix mètres, ça ne peut pas passer inaperçu... Elle tourna les talons et quitta l'établissement. La femme avait disparu. Elle arpenta les alentours quelques instants, dans l'espoir de la retrouver, elle ou l'énorme bestiole qui l'accompagnait. Et elle y parvint.
Mais elle était seule. Absolument seule. Elle se morfondait face à une tombe. La discussion qu'elle avait écoutée d'une oreille distraite, tout à l'heure, commençait à faire sens dans sa tête. Mais cela ne l'aidait toujours pas : aucun reptile géant à l'horizon. La Fée se résigna pour la journée, fit volte-face en direction du village... quand elle l'aperçut.
Une bête gigantesque, d'un blanc nacré, parcourue d'excroissances osseuses. C'était la deuxième fois seulement qu'elle voyait un dragon de face, - et d'aussi près. La plupart du temps, ces derniers lui faisaient volte-face, en pleine déroute. Mais pas ici ; la bête était rassurée par la proximité de quelque chose, de quelqu'un. De Newt. Ils semblaient s'amuser... Aniel se mordilla les lèvres, songeuse. Comment ce gringalet avait-il pu faire du podium de la chaîne alimentaire son ami ? C'était insensé. Les forts ne respectaient que les forts. C'était tout du moins ce qu'on lui avait enseigné, et comme ça qu'elle l'avait ressenti jusqu'à aujourd'hui.
Elle fut tirée de ses réflexions quand le bougre se dirigea vers cette fameuse femme, celle-là même qui commençait à pleurer. La Fée secoua la tête... avant de prendre le pas, elle aussi. Que pouvaient-ils bien se dire ? Ça n'avait aucune importance. Seule comptait son ambition, à elle. Et cette quête.
« Tu dois être Newt, je me trompe ? claqua-t-elle dans le vent, ses bras joints sous sa poitrine. Non, je ne me trompe pas. Personne d'autre ne se promène avec un dragon de la sorte. Aniel Guradon ; je viens ici pour te recruter. »
Elle avait de la vigueur à de la revendre. Et des tripes. Elle lorgna la femme, du coin de l'oeil. Décidément, elle avait triste mine.
« Enchantée, Mademoiselle. »
- Elle s’était crue seule, mais la voix du garçon l’avait sortie de sa torpeur. Elle prit une seconde pour essuyer les larmes sur ses joues avant de se retourner. Pourquoi venait-on la déranger, cette fois-ci ? N’avait-elle pas été assez claire avec les membres du village ? Cependant, ce ne fut pas le garçon qu’elle vit en se retournant, mais une grande créature blanche et couverte d’écailles. Un dragon ! Sans réfléchir davantage, encore un peu dans la brume, elle tira son épée d’un geste fluide, une seconde avant de prendre conscience de la situation. Ce dragon ne semblait pas agressif. Pas agressif du tout. Et, à y repenser, le visage du garçon ne lui était pas totalement inconnu. Elle se rappelait l’avoir croisé un peu plus tôt, à l’auberge. Il ne semblait pas du coin, n’avait pas socialisé avec les habitués de l’auberge. Mais, merde, un dragon ! La capitaine ne laissa pourtant paraître aucune émotion, si ce n’est qu’un masque de colère. Quel idiot pouvait bien vouloir déranger une personne en deuil sur une sépulture ? Sérieusement !
Derrière le garçon, Ellie fit une jeune femme approcher. En voyant que le dragon n’avait pas de réaction particulière, elle rangea son épée, gardant tout de même un œil sur la créature. Les dragons n’étaient pas réputés pour être gentils, et ils étaient particulièrement intelligents. La fille se précipita sur le garçon. D’après ses explications, ce dragon était à lui. En les observant, la capitaine comprit qu’elle avait sans doute raison. La créature couvrait le garçon d’un regard protecteur et chacun des gestes de ce dernier semblait en harmonie avec la créature. Un pouvoir magique ? Si c’était le cas, celui-ci était particulièrement impressionnant. Avoir un dragon comme protecteur portait au respect.
Ellie avait repris contenance. La présence de son compagnon dans son esprit s’était amenuisée, même si une partie d’elle restait consciente de l’endroit où ils se trouvaient. D’ailleurs…
- Je n’ai aucune idée de ce que vous faites ici et sincèrement, je n’en ai rien à faire. Par Lucy, respectez au moins les morts ! dit-elle d’un ton rageur en désignant la stèle d’un geste.
Elle fit quelques pas, dépassa les deux autres, puis se retourna, leur lançant un regard exaspéré.
- Aller, on dégage d’ici !
Elle s’éloigna légèrement du lieu, entrainant les deux autres avec elle sans tenir compte du dragon. Un dragon ! Elle avait du mal à s’y faire. Et pourtant, elle en avait vu des pouvoirs impressionnants, autant dans la garde que lors de ses missions.
- Je suis Ellie Midragon, capitaine de la garde. J’ignore quel coup foireux tu as en tête ma chère Aniel, mais je te recommande d’éviter les mensonges si tu ne veux pas finir avec une potion de vérité dans le gosier. Et toi, dit-elle en désignant Newt, tu faisais quoi ici avec ton dragon ? Tu me voulais quoi, en fait ?
Les mains sur les hanches, le regard froid comme de la glace, Ellie n’entendaient pas à rire. Elle dévisagea les deux jeunes devant elle, le visage impassible. Elle n’avait pas l’habitude de mâcher ses mots, sauf que là, c’était pire.
Elle était en colère.
Elle avait l’autorité pour les ramener à la capitale, au besoin. Étrangement, elle se demandait qui lui donnerait le plus de fil à retordre. Le garçon avait certes un dragon, mais celui que la jeune femme avait appelé Newt semblait aussi doux qu’un agneau. Aniel, quant à elle, semblait avoir un caractère explosif, et dans ses yeux dansait la flamme du défi. Si le garçon n’avait rien à se reprocher, il la suivrait peut-être, mais Ellie doutait que la fille agisse aussi intelligemment, peu importe ses intentions. Il valait mieux que la gradée essaie d’en savoir le plus possible sur eux avant d’agir imprudemment.
[En passant, le fiellon est une créature du bestiaire ! J’espère que vous pardonnerez le mauvais caractère d’Ellie ]
- - Un voyage, une histoire - -
ft. Ellie, Aniel
Newt s'attendait à une soufflante. Mais un bruit de Nivom l'incita à se retourner vers l'arrivante. Elle l'intercepta en s'adressant directement à lui, ce qui le surpris et le laissa bête. Le recruter ? Lui, un noble, héritier ? Pourquoi être recruté ? La soufflante ne tarda pas à arriver. La demoiselle blonde lorgnait sur Nivom, qui lui se focalisait sur l'épée, prêt à cracher une gerbe de flamme si l'inconnue faisait le moindre geste. Il n'était pas méchant et ne comptait pas l'être à moins qu'on le soit. Il avait seulement froissé le museau à l'annonce de ce recrutement. A croire que l'animal se sentait plus noble que son compagnon.
La capitaine les entraina plus loin, d'une voix agacée. Newt, mains à sa ceinture, la suivit calmement, détendu dans son étendu. Ils se prenaient la soufflante tant attendue, si bien que Newt resta silencieux. Le dragonnier jeta un coup d''oeil à Nivom qui se tenait prêt à bondir si l'une ou l'autre des femmes si elles s'en prenaient à son cavalier. Aniel fut la première à se faire réprimander et Newt se contenta d'un léger sourire moqueur qu'il effaça, comme un enfant qui regardait son camarade se faire gronder. Quand la capitaine Ellie Midragon se tourna vers lui, Newt se redressa, affirmant les centimètres de hauteur qu'il avait sur elle.
- Tout d'abord, je me présente. Newt d'Arphéos, fils du gouverneur de la ville du Grand Port. Lui, c'est Nivom, un dragon des plus inoffensifs tant qu'on ne se montre pas agressif, fit-il avec un regard en coin pour la capitaine et son épée. Il a besoin de se nourrir, je suis en voyage, aussi je suis venu m'assurer de son bien-être et de son état. Et je t'ai vu.
Il avait insisté sur l'utilisation de la seconde personne. Il avait l'éducation qui le poussait à vouvoyer, mais l'audace de la capitaine, qui vraisemblablement n'avait pas entendu parler du Dragon du Grand Port, lui laissait le champ libre. Il laissa Aniel hors de cela. Ce n'était pas son genre d'affirmer ainsi son autorité, mais il y a des limites et il se devait d'être à sa place. Il détendit néanmoins ses épaules et passa une main dans ses cheveux et se gratta la nuque.
- Je suis tombé sur toi par hasard. Je voulais m'assurer que tu allais bien, voila tout.
Il se tourna vers Aniel, la détaillant un peu : à son allure, il en déduisit qu'elle n'était pas forcément de la garde. Il se tourna vers Nivom qui dressa les oreilles. Sur la tête du dragon, une boule de lumière blanche apparue : le lumios qui dormait jusque là assistait à la discussion du haut de son compagnon ailé. Newt fit un geste vers Aniel :
- C'est quoi cette histoire de recrutement ?
« Je suis Ellie Midragon, capitaine de la garde. J’ignore quel coup foireux tu as en tête ma chère Aniel, mais je te recommande d’éviter les mensonges si tu ne veux pas finir avec une potion de vérité dans le gosier. »
Mauvaise réponse, répertiora l'humanité tout juste frémissante qui résidait dans la conscience suprématiste de la Fée. Le doyen de son village natal lui avait dit un jour : « Les Hommes sont des êtres bons amenés à la corruption. » Aniel s'était toujours considérée dans le cas inverse : une femme dont les intentions étaient tout à fait intéressées, prétentieuses et destructrices, mais vouée, sans doute, à une vie de pénitence. Ici, toutefois, ce n'était pas la meilleure partie d'elle qui prit la remarque. Elle gronda, - bouillit - comme le coeur d'un volcan.
Le Dragon du Grand Port, tel qu'il se faisait appeler, répondit de vive voix. Avec panache, - un panache qui ne lui ressemblait pas cependant. C'est du moins ce que crut entendre Aniel : cette démonstration de caractère l'éprouvait. Cette femme l'éprouvait.
Il y eut un silence. Puis, intrigué, il demanda à la Fée :
« C'est quoi cette histoire de recrutement ? »
Mais celle-ci semblait l'avoir oublié : ses yeux étaient rivés sur Ellie, durs et froids comme deux cisailles. Elle ignorait ce qui avait traversé la factionnaire pour qu'elle lui parle sur ce ton, - elle qui avait fait preuve de respect, chose suffisamment rare pour être soulignée - mais elle ne comptait pas le laisser passer.
« C'est une fin tragique que tu cherches ? envoya-t-elle, hargneuse, le cigare pris de combustion. Si c'est le cas, répète ce que tu viens de me dire, et je te jure sur ma fierté que tu n'auras plus à te soucier de celui qui repose dans cette sépulture. »
Elle la mirait, comme l'eut fait un faune dans sa savane. La Fée avait répondu à la provocation plus qu'Aniel, - elle qui ne voulait que recruter le garçon au dragon dans son équipe. Mais s'il y avait quelque chose que la guerrière détestait plus que le temps perdu, à chercher, traquer une cible à travers le continent ; plus que les à-coups de son cheval trottant ; plus que la pluie ; ce qu'elle détestait plus que tout au monde, c'était la fanfaronnade. Et elle comptait bien confronter la garde à ses projets de torture.
Une chaleur étouffante prit les lieux, comme un sirocco que le vent aurait charrié sur le groupe. Le poing d'Aniel vira au rouge et détonna telle une roche à l'impact du burin. De la boue chaude et incandescente bavait sur le sol, fumant comme de l'azote liquide. Pas de la boue, non. Cette semence, visqueuse, ne ressemblait à rien de connu. Une chose était sûre, cependant, à mesure que le mercure montait : c'était chaud. Plus chaud que tout. Et bientôt, cette main ne devint plus qu'une gigantesque boule de feu. Il y avait plus de chaleur au bout du bras de la Fée que dans un incendie de forêt. Elle resta ainsi, de longues secondes, considérant Ellie. Approche, si tu as le cran que j'attends de toi... ou bien, qu'elle meure ! explosa-t-elle, intérieurement. Elle n'espérait plus quoi que ce soit du soldat, mais bien de lui, et de son dragon.
- Spoiler:
- PS : pour le mysticisme que je fais autour de la lave & du magma, je considère que les seuls volcans actifs résident dans l'archipel. Vos personnages peuvent évidemment savoir de quoi il s'agit, tout dépend de leur expérience !
- Ellie se radoucit lorsque Newt lui répondit. Elle apprécia le ton respectueux du garçon et ne se soucia pas le moins du monde de son tutoiement, qui pour Ellie n’avait absolument rien à voir avec le respect. Ce nom ne pouvait que lui rappeler quelque chose. En effet, il s’agissait du fils du gouverneur de Grand-Port, et bien qu’elle ne l’ait jamais rencontré auparavant, n’ayant eu que très peu d’occasions de se rendre à cet endroit, sa réputation le suivait. Elle avait bien entendu parlé de ces rumeurs sur le fait qu’un dragon y roderait, ou quelque chose comme ça, mais ça ne l’avait jamais réellement intéressé, ainsi avait-elle toujours porté un intérêt très superficiel a ce genre de rumeur. Y étant pourtant directement confrontée aujourd’hui, elle tenta de ramener à sa mémoire ce qu’elle avait déjà entendu sur lui. Ou sur eux, devrait-elle dire. Elle jeta un coup d’œil à Nivom, puisqu’il s’appelait ainsi, et fut surprise en voyant un lumos sur sa tête. Du coin de l’œil, elle vit le visage d’Aniel qui ne semblait pas avoir une aussi bonne réaction que le garçon face à ses paroles. Elle l’ignora pour répondre d’une voix beaucoup plus douce que précédemment au garçon.
– Je suis enchanté, Newt d’Aphéros, Nivom. Votre duo a eu des échos jusqu’à la capitale, vous devez vous en douter, dit-elle en s’adressant simultanément au dragon et au garçon, voyant au regard de la créature qu’il la comprenait aussi bien que son compagnon. Merci de t’être inquiéter, dit-elle en s’adressant cette fois uniquement à Newt, ta sollicitude me touche, même si elle n’était pas nécessaire.
Ellie n’était pas idiote, et elle connaissait son rang. Peu importait son grade face à un noble. Elle ne le vouvoyait peut-être pas, mais cela ne l’empêchait pas d’être respectueuse. Le garçon lui plaisait. Il ne semblait pas à l’aise, et pourtant il lui avait répondu la tête haute, avec aplomb et respect. C’était le genre d’attitude qu’elle appréciait, peu importe le rang de celui qui lui faisait face.
« C’est une fin tragique que tu cherches ? Si c’est le cas, répète ce que tu viens de me dire, et je te jure sur ma fierté que tu n’auras plus à te soucier de celui qui repose dans cette sépulture. »
Ellie se retourna. Presque amusé. Ses insinuations ne lui faisaient pas peur, et elle n’accordait aucun crédit à ce qu’elle lui disait. Sa colère s’était évanouie, comme elle était venue, contrairement à celle de la fille. Sa main avait pris une texture étrange, d’un rouge profond et brulant. Littéralement. La chaleur était si intense que son poing prit feu sans que cela semble affecter la fille. Son pouvoir, peu importe ce qu’il était réellement, avait un rapport avec les flammes, ou la chaleur. Ou peut-être les deux. Malgré l’étouffante chaleur, Ellie ne recula pas, ne plissa pas des yeux. Aucun signe de faiblesse. La fille était un mur de chaleur, une flamme brute, et pas seulement à cause de son pouvoir. Elle était agressive, en colère et irrespectueuse.
– Je crois que c’est toi qui cherches une fin tragique, ne crois-tu pas ? dit Ellie en désignant l’herbe aux pieds de la jeune femme qui avait pris feu. Vu ton pouvoir, tu survivrais sans doute si tu enflammais cette forêt. Tu pourrais peut-être même me tuer ! Enfin… ça, j’en doute.
Ellie en avait vu d’autres. Peu importe le pouvoir qu’elle avait devant elle, la capitaine ne le prenait pas à la légère. Le feu qui se dégageait d’Aniel n’était pas que des flammes ordinaires, elle s’en doutait. La manière dont il s’était propagé sur son poing lui donnait l’impression qu’il s’agissait non pas de flamme, mais d’une substance brulante. Une substance qui semblait à même de tout détruire. Cependant, un plan s’était dessiné dans sa tête. La femme n’était pas capitaine pour rien. On n’atteint pas ce genre de rang en étant simplement doué. Elle connaissait ses forces et ses faiblesses, ses réflexes et son pouvoir. Elle se savait en mesure de la battre. Elle espérait toutefois ne pas en arriver là.
– Alors tu as deux choix. Le premier, tu te calmes et j’oublie le fait que tu aies menacé de mort un haut gradé de la garde en toute connaissance de cause. En prime, tu auras peut-être un nouvel allié.
Ellie désigna Newt d’un coup de menton.
– Choix deux, on se bat. J’ignore cependant ce que tu espères y gagner. À ce stade, tu bruleras la forêt, et le village qui la côtoie avec elle. Et si tu me tues en plus, j’ignore quand tu auras l’occasion de sortir de prison. Et ça, c’est si tu gagnes.
La capitaine était prête au combat. Elle avait subtilement modifié ses appuis, avait ouvert les mains, prête à utiliser son pouvoir pour faire appel à ses armes, prête à bouger dans n’importe quelle direction, et à protéger Newt si cela s’avérait nécessaire, bien qu’elle se doutât que le feu n’aurait pas beaucoup d’effet sur un fils de dragon. Son esprit s’était tu, les battements de son cœur avaient ralenti, et la tension qui l’avait précédemment fait agir de manière impulsive s’évacua. Rien n’avait d’effet sur elle comme l’imminence d’un combat. Les distances prirent un autre sens, le terrain, une autre dimension. Elle n’avait pas lâché Aniel du regard, et pourtant, elle voyait tout, elle entendait tout. Cependant, rien ne laissait paraître tout cela. Elle n’était pas en garde, n’avait pas sorti son épée. Elle se tenait simplement prête, au cas où.
- - Un voyage, une histoire - -
ft. Ellie, Aniel
Aniel ne l'écoutait plus et allez savoir comment, la situation dégénérait. En se tournant vers la brune, Newt fit face à un brusque mur de chaleur. Aniel foudroyait Ellie du regard et si elle avait pu la tuer sur place, elle l'aurait déjà fait. Newt recula d'un léger pas tandis qu'un grognement sourd se fit entendre : l'agressivité d'Aniel ne plaisait pas au dragon blanc qui se tenait tout prêt. L'herbe à ses pieds commençait à prendre feu alors que la chaleur devenait étouffante. Newt la connaissait, il l'avait ressentie en se baladant près de l'archipel avec Nivom et les volcans la bas avaient à peu près le même effet.
Armées d'égo, les deux femmes se défiaient et l'entrainement militaire de Newt lui fit percevoir qu'Ellie se préparait à une riposte en cas d'attaque. Derrière lui, le dragonnier sentait même son compagnon prêt à bondir. Flatté par Ellie, il ne serait pas étonnant que l'immense dragon prenne la défense de la capitaine. Newt lui fit un signe de la main pour le calmer. Il s'interposa entre les deux demoiselles en levant une main vers chacune.
- Ca va, stop. Personne ne tue personne, alors on se calme.
Il n'y eut aucun effet, elles étaient toujours en train de se jauger prête à bondir sur leur adversaire. Newt se massa les yeux une seconde avant de lâcher un sifflement strident entre ses dents. Il perdait patience aussi employait-il la manière la moins douce. En un éclair, Nivom bondit et plaça une de ses pattes entre les deux jeunes femmes, juste devant Newt. Toutes griffes dehors, le dragon lâcha un léger rugissement qui aurait ramené n'importe qui de sain à la raison. Le grognement perdura comme un chien qui montrait les crocs. Son coté attentif l'avait lâché dès l'ordre de son compagnon. Du haut de ses deux mètres cinquante de haut, le dragon blanc les dominaient toutes les deux. La chaleur d'Aniel n'avait aucun effet néfaste sur lui pour l'instant - sa cuirasse ignifuge l'isolant pas mal de la chaleur -et cette cuirasse le protégeait des attaques d'épées pouvant venir de la capitaine. Si une seule bougeait, elle se prendrait un violent coup de pattes pouvant la faire reculer de cinq bons mètres.
- Est-ce qu'on peut se conduire comme des adultes responsables maintenant ?
Newt n'était pas connu pour être agressif, mais posséder un dragon obéissant était un avantage quand il s'agissait de rétablir l'ordre, il l'avait déjà prouvé au port il y a des années, et même encore aujourd'hui. Il se tourna vers Aniel :
- Qu'on soit bien clair, si tu n'es pas capable de garder ton sang-froid, il est hors de question que nous t'accompagnons, fit-il d'une voix dure avant de jeter un regard vers Ellie en espérant qu'elle fasse preuve de plus de bon sens.
« Ça va, stop. Personne ne tue personne, alors on se calme. »
Newt ! Dans sa colère aveuglante, la Fée en avait oublié la raison de sa présence ici. Il y avait un témoin. Et un dragon, en prime. Elle lorgna sur le bestiau. Il était gros, et solidement armuré. Toutefois, elle en avait déjà affronté par le passé. Elle connaissait leur faiblesse, et le feu draconique n'avait... Mais qu'est-ce qu'il me prend, à la fin ? Elle apposa sa main dégoulinante de lave sur son crâne, exacerbée. Il y avait une faiblesse, à son pouvoir ; une faiblesse qu'on ne soupçonnait pas, et qui n'avait rien à voir avec ce monde. Quand vous incarnez un élément, vous devenez cet élément. Vous devenez le raz-de-marée, qui ravage les îles et n'en laisse qu'un charnier de sel. Vous devenez les flammes, qui consument le monde. Le magma, qui détruit la terre. Et cette entité, comme une projection schizophrénique de votre moi profond, était capable de vous contrôler totalement, si vous ne faisiez pas suffisamment attention. Il lui était déjà arrivé de dégénérer. Dans ces cas-là...
Le dragon s'approcha, pesamment, écrasant le sol de ses deux pattes écailleuses. Il en avait à revendre ; en somme, Aniel n'était pas certaine de pouvoir le vaincre. D'autant qu'elle en avait besoin vivant. Dans un regain d'humanité, elle avisa Ellie. Une pauvre femme détruite par la vie, aussi bien physiquement que mentalement ; elle n’avait jamais été une menace. Seules ses insultes avaient dérobé la Fée de sa légendaire fierté.
« Humpf. »
Le doyen de son village natal lui avait enseigné le respect des faibles, - raison pour laquelle elle s'évitait ce genre de désagrément, en temps normal, comme ce fut le cas avec cette forgeronne de la place du commerce. « Toutes les consciences du monde ne se valent pas, qu'il disait. Il est inimaginable que le lion vienne charrier la souris sur sa condition de petit mammifère, tout le comme le dragon ne le ferait pas avec le lion. Garde ta force pour ce qui en vaut la peine, ou tu répandras la honte dans ton âme. »
Elle pesta. Ce maudit vieillard, - puisse son âme reposer en paix - avait raison. Elle fit taire son pouvoir, et sa lave se résorba aussi soudainement qu'elle était apparue, son bras reprenant consistance normale ; ses vêtements étaient intacts. Elle eut néanmoins un sourire goguenard, et leva la tête dans un geste plein de condescendance.
« Epargne-nous tes arts martiaux, capitaine gueule-de-ferraille, railla-t-elle. Aucune arme ne peut me vaincre. Toi et collègues pourriez venir à cent que ça ne changerait rien. »
Elle laissa la garde à son jeu d'ego et pivota en direction du jeune homme ; puis, de la bête.
« Pardonne-moi, j'ai tendance à m'emporter rapidement. (Elle s'inclina. Il était question de le rassurer sur ses ambitions.) Je ne suis pas venue ici pour me battre mais pour te trouver, toi, Newt, l'Enfant du Dragon. Tu es légendaire, au Grand Port. Le Béhémoth, cela te dit quelque chose ? »
Elle marqua un temps, croisant les bras.
« Une créature qui vit dans le nord, après le gouffre. Elle a de quoi réduire à néant tout un régiment de soldats, et sans effort. Récemment, la guilde a reçu une demande pour qu'on tue une de ces bêtes, et je compte y participer. (Elle leva les lèvres ; un vrai sourire de mésange. Son jeu d'acteur était diaboliquement bon, rien que ne pourrait jamais imiter cette prolo de garde.) Toi aussi, rejoins-moi. Ensemble, nous aurons une chance de vaincre ce monstre. Mieux que l'argent, tu auras la gloire, la reconnaissance, et surtout... l'expertise d'un vrai combat. Si ces monstres venaient à déferler sur le royaume, toi, comme nous autres, tu seras prêt. Qu'en dis-tu ? »
Elle plissa les yeux. Un dragon qui avait le cran de s'opposer à elle était un dragon qui était prêt à la suivre. Elle ignorait, cependant, qui de cet étrange duo commandait. Qui elle devait convaincre réellement.
- Ellie n’avait pas l’intention de se battre, mais elle n’avait pas l’intention de se laisser tuer non plus sans rien faire. De plus, la prétention de cette fille dépassait les limites. On ne l’avait jamais remis à sa place, ou quoi? Un rictus se forma sur ses lèvres lorsqu’elle vit qu’Aniel se préparait à agir bêtement. Se croire invincible, sous-estimer ses adversaires, quel bon moyen de se faire battre ! Cependant, Newt ne resta pas derrière à attendre que cela dégénère. Un sifflement retentit, et Nivom se plaça entre elles, les empêchant de se nuire. Ellie eut un hochement de tête satisfait. Avoir un dragon avait des avantages, et pas seulement en combat. Ellie avait espéré ne pas avoir à se battre. Le village et cette forêt ne méritaient pas de voir ce combat, et son compagnon non plus. Ainsi apprécia-t-elle l’intervention de Newt et de son dragon. La capitaine salua Nivom d’un mouvement de tête en croisant son regard. Elle espérait seulement qu’Aniel serait assez intelligente pour ne pas s’attaquer à un dragon en pleine forêt.
La fougue de la jeune femme lui rappelait sa propre jeunesse. Bouillante, prétentieuse, se croyant invincible, elle en avait fait baver plus d’un. Elle était intelligente, avait toujours une bonne stratégie et avait une technique impressionnante, peu importe qu’elle doive se battre avec ou sans pouvoir. Elle eut une pensée pour son maître quand le souvenir de son premier combat contre lui, et de sa première défaite, lui revint en tête. Cette défaite l’avait mise en colère. Elle l’avait détesté. Puis, cette haine s’était transformée en respect, au fil du temps. Jamais elle ne l’avait vaincu. Il lui avait prodiguer des conseils, l’avait fait réfléchir, lui avait fait affronter une multitude d’adversaires impressionnants, certains particulièrement puissant, d’autre simplement totalement surprenant. Elle avait compris, auprès de lui, qu’on ne sous-estime jamais personne. Que le respect était une arme puissante et la colère, l’ennemie qui faisait faire des actes idiots. La capitaine avait passé l’âge de se battre pour des choses d’aussi peu d’importance. Ce n’était pas le cas d’Aniel.
Cependant, l’intervention de Nivom sembla la refroidir. Ellie la laissa parler. Elle pouvait bien croire qu’elle était la plus puissante, l’invincible fille du feu, si cela lui plaisait. Il y avait dans les gardes des esprits et des pouvoirs d’une importance que cette enfant ne pouvait pas imaginer. La capitaine eut une pensée pour Lancelot. Avec lui entre ses mains, Ellie n’aurait rien eu à craindre de ce feu de l’enfer. Mais cela importait peu, puisqu’Aniel s’était calmé, aussi rapidement qu’elle s’était emportée. Elle s’adressa à Newt en ignorant la capitaine, qui n’était pas mécontente de ce retournement de situation. Cependant, les mots que la jeune femme prononça la firent grincer des dents.
« Le Béhémoth, cela te dit quelque chose ? »
Ellie la laissa parler, se mit à réfléchir. Elle avait elle aussi entendu parler, de cette quête de la guilde. Les tavernes de la capitale en avaient résonné pendant longtemps à l’annonce de ce défi particulièrement mortel. Oui, mortel. Parce que cette annonce n’avait pas la prétention de laisser croire qu’un béhémoth était facile à tuer. Ces créatures vivaient pour se battre, et certains d’entre eux pouvaient même maîtriser un peu de magie élémentaire. Ellie ne put s’empêcher d’intervenir.
– Un béhémoth? J’en ai aussi entendu parler. Il faut cependant être fou pour croire qu’un dragon de cette taille, et j’espère que je ne t’offense pas, Nivom, puisse battre un béhémoth en pleine possession de ses moyens. Ces créatures sont aussi dangereuses qu’un dragon adulte ! Cependant, je ne vous empêcherai pas d’y aller. J’espère toutefois que ton sang-froid sera plus grand dans le froid du Grand Nord, lorsque cette créature fera pleuvoir sur vous une pluie capable d’éteindre tes flammes, dit-elle en regardant Aniel d’un regard neutre. Il faut être bien préparé, et pas seulement en matière de force brute.
Si Aniel revenait vivante de cette quête, Ellie espérait qu’elle en tirerait une leçon d’humilité. La capitaine, voulant prévenir une nouvelle explosion de la part de la jeune fille, lui fit face.
– Je ne veux pas te décourager. Je voudrais seulement que toi et ceux que tu emmèneras là-bas évitiez de vous faire tuer, faute de préparation. Ce n’est pas le genre de quête qu’on entreprend sur un coup de tête, tu dois le savoir.
Ellie désigna la forêt autour d’elle.
– Il y a un an jour pour jour, j’ai affronté, avec mes compagnons, un fiellon dans cette forêt. Cette créature, si tu ne le sais pas, peut décapiter un homme d’un coup de patte et a une résistance presque à toute épreuve. Cinq. C’est le nombre de mes compagnons qui sont morts ici. Deux femmes et trois hommes d’un grand courage, doté de pouvoir que tu n’imagines pas. Tu n’en as surement rien à faire, mais écoute-moi, je t’en prie. Tu veux affronter une créature au moins deux fois plus dangereuse que celle dont je te parle. Tu iras, peu importe ce que je dis. Ne t’inquiète pas, je ne suis pas assez idiote pour croire que tu m’écouteras. Mais, pour la vie de ceux qui t’accompagneront, ne te fit pas simplement sur le fait d’avoir un dragon avec toi, fût-il aussi respectable que Nivom.
Elle posa son regard sur le dragon, puis sur Newt. Qu’en penseraient-ils ?
- - Un voyage, une histoire - -Newt avait réussi à calmer les choses, enfin, surtout Nivom. Les deux femmes semblaient respectées le dragon blanc, c'était déjà ça. Quand la tension fut redescendue, l'animal se retira derrière son dragonnier. La brune s'excusa platement, vantant son nom et ses soit-disantes légendes. Oui Newt était connu, mais seulement parce qu'il hériterait du port et que les rumeurs d'un mariage royal le concernant avaient commencé à circuler. Il n'avait guère d'exploit de guerre à se vanter et si Aryon n'était pas un royaume en paix, il ignorait dans quel état il serait.
ft. Ellie, Aniel
Quand Aniel lui demanda s'il connaissait le béhémot, Newt hocha la tête. Son aptitude à voler sur un dragon lui avait valu de nombreuses missions au nom du roi près de la forteresse pour s'assurer des danger.
- Récemment, la guilde a reçu une demande pour qu'on tue une de ces bêtes, et je compte y participer. Toi aussi, rejoins-moi. Ensemble, nous aurons une chance de vaincre ce monstre. Mieux que l'argent, tu auras la gloire, la reconnaissa
Newt n'écoutait plus, son regard dans le vide et une main se portant inconsciemment à ses côtes. Il était déjà aller dans le Grand Nord et faisait parti des rares à en être revenu. Avec Nivom ils étaient tombés sur un immense dragon de bronze qui leurs avaient infligés de lourds dégâts ; Nivom l'avait affronté et avait manqué d'y perdre la vie tandis que Newt gardait une profonde cicatrice au flanc de cette mésaventure il y a moins de deux ans. Le dragon blanc s'en souvenait parfaitement et rabattit les oreilles en arrière : il avait beau y avoir vécu, le grand nord n'était plus son lieu de vie. Newt lui jeta un regard : ils avaient grandi, s'étaient d'avantage entrainé et avait amélioré leur matériel. Et ils ne serait pas seuls. Aniel semblait contenir une grande puissance. Le dragonnier se reconnecta quand Ellie finit de parler pour raisonner la brune.
Nivom avait redressé les oreilles sous le compliment, se tenant un petit peu plus droit. Quand le capitaine posa son regard sur le duo, Newt se pinça une seconde l'arête du nez avant de répondre à Aniel :
- Tu te doute bien que Nivom n'est pas capable de vaincre un béhémot seul. Il est trop jeune, et trop petit. J'ai déjà été... On a déjà été dans le Nord, ça a failli nous couter la vie. Cette quête est demandée par un fou...
Et pourtant, une voix en lui avait besoin de ce challenge, de se dire qu'il pourrait le faire, il pouvait le faire. Son dernier excès d'orgueil lui avait couté cher, Nivom en gardait encore des cicatrices. En était-il seulement capable aujourd'hui ? Ils étaient revenus vivant de ce dragon ! Et ils n'y étaient pas préparés. Le brun se tourna vers la créature blanche ; Nivom lâcha un bruit de sa gorge, comme un ronronnement, pour lui indiquer qu'il pouvait considérer la chose. Puis Aniel irait, quoi qu'il arrive. Sans sa puissance et celle du dragon, elle n'y survivrait pas. Il soupira :
- Tu as déjà recruter d'autres personnes ? Nous ne t'accompagnerons que si nous sommes au moins cinq. Et bien préparés.
Il avait recouvré son sérieux de fils du gouverneur, celui qui traite d'affaire d'état. Il espérait seulement que ce choix n'allait pas être regretté.
- HRP:
Pour le ronronnement, voyez ce que fait Krokmou c'est la même chose mdrr
« Épargne-nous ta litanie, jeune fille. Des fiellons, j'en ai tués des dizaines, seule. Ce n'est pas de ça dont il est question aujourd'hui, - d'ailleurs, il n'est question de toi d'aucune façon. »
Elle souffla du nez, orgueilleuse. Cette pimbêche pouvait bien jacter autant de fois qu'elle le voulait, la Fée n'avait d'attention plus que pour le dragon qui lui faisait face, désormais. Et pour cause : son maître, - ou son ami, ou Lucy sait quel lien étrange ces deux-là avaient tissé entre eux - avait répondu favorablement à sa requête. - Dans la liste non-exhaustive de ce qu'Aniel estimait être une « réponse favorable », à savoir, tout ce qui ne comportait pas de négation, d'hésitation, de surcondition, et tous ces mots terribles qui finissaient par -on et qui annonçaient, généralement, la mort dans l'oeuf d'un contrat juteux.
« Je me doute, oui, qu'il n'en est pas capable. Et il en a conscience. (Elle croisa les bras, avisant le spécimen.) Les dragons sont des créatures intelligentes ; bien plus que certains humains. »
La Fée avisa la femme à la mâchoire d'acier, se figurant la scène qu'il y avait eu quelques instants plus tôt, remplaçant le soldat par Nivom et le Béhémoth par elle-même. Elle s'imaginait le dragon menacer un bestiau trois fois plus massifs que lui, muni d'une carapace invulnérable, de crocs capables de tordre l'acier comme du réglisse, - et peut-être même de manipuler Lucy sait quel élément ; l’imaginait en train de revendiquer toutes ses petites victoires maladroites pour lui tenir tête. Qu'il avait déjà tué des phacochères géants, déjà effrayés un groupe de Kinococos, déjà mis en déroute des bandits des montagnes... C'était risible. Jamais ce dragon n'en viendrait là.
Elle pivota vers Newt, derechef.
« Tu as déjà recruté d'autres personnes ? Nous ne t'accompagnerons que si nous sommes au moins cinq. Et bien préparés. »
« Cela va de soi. J'ai déjà quelques plans en tête. Pour l'heure, nous ne sommes que deux, - trois, en comptant ton dragon. Je suis ouverte aux suggestions, naturellement, mais comprends-moi bien : je ne veux que l'élite. J'ai entendu parler d'un homme pouvant se métamorphoser en dragon, - eh oui, encore un... (Elle eut un rire désabusé.) Et d'une jeune fille, courant à la vitesse du son. Ces deux-là pourraient m'être utiles... »
Elle tira un cigare de sa blague en cuir, de nouveau, qu'elle enfourna au coin de sa bouche, avant de l'allumer d'un claquement de doigts.
« Quatre, ce serait l'idéal. - Sans compter Nivom. Je ne pense pas qu'il faille être plus nombreux. Ce qu'il nous faut, c'est de la puissance, des pouvoirs qui peuvent détruire un monstre de ce genre. Et une stratégie. Huit gaillards mal préparés peuvent bien mourir contre un simple fiellon, de mon côté, je ne souhaite qu'aucun de vous meure. Plus on sera nombreux, plus le risque sera grand. Tu me comprends, n'est-ce pas ? (Elle tira une bouffée de tabac dans les airs.) Et puis, sans compter le fait que ces bestioles ont un flair imparable. Non, vraiment, je préfère minimiser les risques... »
- Ellie hocha la tête, pas vraiment surprise. Newt avait visiblement une tête sur les épaules et la quête que proposait Aniel, bien que périlleuse, semblait pour le moins grisante, Ellie devait bien se l’avouer. Prendrait-elle un jour un tel risque, simplement pour l’argent et la gloire? La capitaine l’ignorait. Elle n’avait pas l’intérêt ni à l’argent ni à la gloire. Cependant, le défi que cela représentait avait davantage d’attrait. Elle pouvait comprendre l’intérêt de deux jeunes intrépides de se lancer dans une telle quête. Même Nivom semblait vouloir se frotter à cette immense bestiole qu’était le béhémoth.
La femme ne réagit pas aux provocations d’Aniel. Elle pouvait bien croire ce qu’elle voulait. De toute façon, à agir ainsi, sans considération pour personne et avec toute la prétention du monde, elle finirait en prison avant la fin de ses jours, privée de son pouvoir. Si elle ne finissait pas tuée par un béhémoth ! Ellie se contenta d’écouter le plan qu’elle présentait à Newt. Elle n’était pas forcément d’accord avec ce plan. Pour elle, il fallait plus que simplement des pouvoirs puissants, il fallait être habitué aux combats. Peu importe un dragon si celui-ci n’avait jamais eu de combats dignes de ce nom pour s’y préparer. Ellie ne sous-estimait pas la puissance d’un dragon, même lorsqu’il n’était pas adulte, comme c’était le cas pour Nivom, ni même de l’utilité d’avoir une telle créature, ou deux, comme allié. Il était évident qu’ils étaient parmi les alliés les plus précieux à avoir. Cependant, il s’agissait d’un béhémoth, l’une des créatures les plus dangereuses au monde. Peu importe leur précaution, ils frôleraient la mort.
– Soyez prudent, dans ce cas, dit Ellie en haussant les épaules.
La nuit avait fini par tomber. Le soleil était presque entièrement disparu à l’horizon et d’ici quelques minutes, ils seraient dans le noir complet. Ellie adressa un signe aux deux jeunes et se dirigea vers le village. Un bon lit lui avait été promis pour la nuit et il lui semblait que sa présence n’était plus requise. Elle retournerait sur la tombe de son compagnon le lendemain, en paix, cette fois. La capitaine soupira. Cette rencontre lui avait complètement changé les idées, et elle n’était pas certaine de la manière dont elle se sentait par rapport à ça. Elle se dirigea vers l’auberge vue un peu plus tôt sans se presser. Une bonne bière, voilà qui l’intéressait.
[Je sais pas si vous vouliez continuer le RP, pour ma part je sèche un peu x) Du coup si vous avez des idées pour continuer tout ça n’hésitez pas ]
- - Un voyage, une histoire - -
ft. Ellie, Aniel
Aniel avisa le dragon avant d'annoncer qu'elle avait des plans en tête pour en recruter d'autres, des guerriers. Newt leva son regard vers le ciel, observant un instant les étoiles tandis que l'aventurière lui annonçait son plan. Etait-il vraiment prêt à mettre sa vie en jeu pour un Béhémot ? Pour la gloire, la richesse ? Il lui faudrait un entrainement spécifique et du meilleur matériel. Il baissa le regard sur Nivom, donc une corne brillait de la présence d'Odin.
- Non, vraiment, je préfère minimiser les risques...
Newt fronça les sourcils. limiter l'effectif pour limiter les risques de perdre des hommes, sans perdre en puissance, c'était un pari délicat. Le jeune homme savait déjà que pour un dragon de la taille de Nivom, il fallait au moins deux dizaines d'hommes prêts à se battre contre un dragon ne serait-ce que pour le capturer, on ne parlait même pas de tuer. Un béhémot pouvait être pire...
- Minimiser le nombre de victimes surtout. Affronter un béhémot est déjà un énorme risque, vu ma posture tu comprends que je ne peux prendre ce choix à la légère, fit-il avec un soupir.
La fatigue pesait soudain sur ses épaules. Avec un air presque las mais néanmoins emprunt de réflexion, il reprit vers Aniel.
- Reviens me voir au Grand Port quand tu auras tes hommes. Nous verrons à ce moment.
Ellie leur souligna d'être prudent et leur fit signe avant de partir. Newt fit un signe à Nivom, récupéra le Lumios et laissa partir son camarade. Il avait besoin d'une bonne nuit de sommeil pour peser toutes les informations. Avant de retourner à l'auberge sur les traces d'Ellie, il adressa un bonne nuit à Aniel, en souhaitant que la jeune femme fasse preuve de raison pour cette quête suicidaire.