ft crevette
Alors, quand tu avais croisé ta nièce, tu l’avais déjà félicitée. Parce qu’au fond, c’était une grande décision. Une manière un peu à elle de se sortir du giron familial. Vous n’avez pas trop pu en parler et, au fond, ça te chagrine qu’elle avance comme ça, toute seule. Ça veut dire qu’un jour elle n’aurait plus besoin de son vieil oncle un peu trop grognon et qu’elle volera de ses propres ailes. Qu’est-ce que ce serait le jour où elle vous apprendrait qu’elle allait se marier…
Enfin, pour l’instant, tu préfères ne pas y penser.
Tu lui as donné rendez-vous à la distillerie. Vous avez un terrain suffisamment vaste pour vous entraîner. Toi, tu veux perfectionner tes techniques à l’épée, tu sais que tu en auras besoin un jour. Tu le sens. Alors autant être préparer. Et ça te donnera l’occasion d’apprendre quelques techniques à la crevette, te permettant aussi de passer un peu de temps avec elle. Ça fait un moment que vous n’avez pas discuter.
Tu es dans la cour lorsqu’elle arrive. Tu installes une cible un peu plus loin avec des vieilles cagettes inutilisables. Tu te tournes vers elle, lui offrant un faible sourire. La chose n’est pas vraiment courante quand il s’agit de toi, mais c’est Terry. Tout est différent.
« Salut Crevette. Parrée pour la bataille ? »
C’était fait. Le pas était franchi. Tes peurs dépassées. Tes craintes laissées derrière toi. Tu avais enfin signé à la Guilde des aventuriers. Evidemment, si tu avais un peu fêté ça avec ta famille, tu avais bien remarqué que l’inquiétude avait déjà gagner ton père, autant qu’Esther, la cuisinière à la taverne. Ce n’était pas un manque de confiance, non, et au fond tu pouvais comprendre. Ton cher papa te voyait encore comme ce petit oiseau si fragile qui avait tardé à quitter le nid et qui venait tout juste de se lancer dans la vie … il y avait là de quoi craindre pour ta sécurité. On ne s’improvisait pas aventurière. Tu le savais. Ils le savaient tous.
Ta première mission avait été choisie. Prise. Dés le lendemain, tu repasserais par la Guilde – toute seule comme une grande cette fois – pour obtenir les informations manquantes et surtout, histoire de voir si oui ou non, la vieille dame avait fait son boulot correctement en te dénichant, comme promis, un aventurier susceptible de bien vouloir accompagner une bleue sur sa toute première quête. Tu avais évidemment affirmé à ton père que cette quête se passerait pour le mieux, et qu’il n’y avait rien de plus facile que ça. Tu avais minimisé. Grandement minimisé. D’ailleurs, tu n’étais pas certaine qu’il ait avalé la moitié de ton discours à ce sujet … toujours est-il qu’il n’avait rien dit de plus. Il n’avait pas insisté. Il s’était contenté de te demander de te rendre visite à ton oncle, Derek, avant de partir en mission et tu avais alors rapidement compris que Papa Norbert avait comploter avec Tonton Dede pour quelque chose. Quoi ? Tu n’en savais rien. Mais connaissant ces deux-là, il y avait forcément anguille sous roche. Hors de question de refuser, toutefois. Il s’agissait de ta famille et si voulait qu’ils soient tous compréhensifs quant à tes choix, tu te devais d’en faire de même. Tu irais donc rassurer ton oncle aussi, si c’était ce dont il avait besoin … bien que, connaissant Derek, tu en doutais fortement.
En début d’après-midi, tu avais donc pointé le bout de ton nez à la distillerie. Derek était dans la cour, occupé à … en fait, tu ne savais pas trop ce qu’il était en train de trafiquer au beau milieu de ses cagettes mais peu importe. Il te lance un salut enjoué. Motivé.
ft crevette
Traître.
Tu ne comprends pas tout de suite l’air ébahit de Terry, tu ne pensais pas qu’elle ne serait pas au courant. De ce que vous aviez prévu. Alors aux premiers abords, son air suspicieux te surprend. Puis, tu comprends finalement qu’elle n’est pas au courant alors tu t’arrêtes un instant.
« Ton père t’as pas dis. »
Ce n’était même pas une question, comme si la répond était évidente. Un soupir passe vaguement tes lèvres et tu passes une main dans tes cheveux.
« J’voulais qu’on s’entraîne ensemble, Madame la grande Aventurière, avant que tu ne mettes ton vieil oncle au tapis. »
Un sourire étire tes lèvres. Ouais, t’es fière d’elle. Qu’elle se soit engagée dans cette voix, malgré le danger et la peur que tu peux ressentir pour ce petit bout de femme, t’es heureux qu’elle se lance hors du nid. Parce qu’au fond, tu sais bien qu’on enferme pas un gosse, t’es bien placé pour ça.
« J’m’étais dit que j’pourrais t’apprendre c’que ton grand-père m’avais appris à l’arc et qu’on pourrait faire un peu d’escrime. »
Tu observes finalement la bouteille posée sur la table avec un petit sourire. Tu boiras ça après, avant de t’entraîner c’est moyen quand même, non ?
« Merci ! On goûtera ça ensemble pour fêter tout ça. »
Une gorgée, ça n’allait pas la tuer, non ?
Perplexe, ton regard passe de ton oncle à son … truc bizarre plusieurs fois. Ça ressemble à une cible de fortune, mais tu n’irais pas jusqu’à l’affirmer plus clairement que ça. Tout dans son attitude te laisse entendre qu’il a préparer quelque chose pour toi, probablement avec l’aide de ton vieux père qui, manque de bol, ne t’as rien expliqué du tout et s’est contenté de t’envoyer chez ton oncle sans un mot supplémentaire.
ft crevette
Tu savais que c’était faux. Et elle savait aussi que tu savais que c’était faux. Norbert t’avais tellement aider ces dernières années que ce genre de réflexion ne serait jamais sérieuse venant de toi. Tu passes près de la jeune fille et pose ta grande paluche sur sa tête, ébouriffant les cheveux roux. Elle allait râler mais, t’étais Tonton Dede. Tu t’en fichais.
« J’ai toujours de bonnes idées. »
C’était encore à discuter, mais sur ce point-là oui, elle était bonne. Tu l’écoutas te taquiner sur ton âge et secoua un peu la tête, un rare rire quittant tes lèvres. Tu ne riais pas souvent, tu ne souris pas souvent non plus. Mais c’était Terry. Elle pouvait tout te faire faire. Du lapin de Pâques au cheval de la Princesse en passant par le preux Chevalier. Et tu serais pas capable de dire non. Pourtant c’était pas ta fille. T’imaginais pas le jour où tu aurais des mômes.
« L’arc est une bonne place défensive. C’est souvent les places les moins prisées pourtant elles ont toute autant d’importance. »
Le sérieux s’était installé dans ta voix.
« Tu peux abattre quelqu’un depuis une longue distance, tu peux chasser avec, tu peux justes blesser ou immobiliser. »
Derek aimait cet arc un peu plus que ce qu’il ne voulait bien dire. Tu approchas de la jeune femme, les mains sur tes hanches.
« Et l’avantage, c’est que tu peux créer un arc par toi-même. Je t’en ai fait un à ta taille pour le moment mais, je te montrerais comment le sculpter. »
Tu l’écoutes te dire qu’elle ne boit pas et, au fond, tu trouves ça dommage. Mais tu comprends. Et tu ne la forceras jamais à le faire. Tu seras juste ce tonton un peu chiant qui ne peut pas s’empêcher de proposer ça de temps en temps.
« On s’inquiètera toujours pour toi. Lui le premier. Mais, j’suis fier de toi. Et je sais que tu t’en sortiras. »
Après tout, tu avais connu sa mère et tu savais à quel point elle avait une force et des convictions en elle. Que Terry en ait hérité ne t’étonnais pas le moins du monde. C’était dans votre sang.
« Je te montre comment gérer l’arc pendant une petite demi-heure et après on passe à un entraînement à l’épée. Je peux aussi te montrer de simples exercices à faire pour te muscler un peu. Ca t’aidera à prendre en masse pour t’en sortir avec les équipements ou les armes. »
Haussement d’épaules et sourire en guise de réponse. Derek plaisante. Il n’est pas sérieux en ce qui concerne ton père et ça, tu le sais mieux que personne. Ces deux là, parfois, on dirait qu’ils sont frères. De vrais frères de sang, tant ils s’entendent à merveille. Ils ne sont évidemment pas toujours sur la même longueur d’onde, mais pour ton paternel, Derek, c’est la famille et puis c’est tout. La famille, c’est important. Plus que le reste. C’est avec ce genre de valeurs que tu as été éduquée. C’est sans doute pour ça que tu places automatiquement toute ta confiance en ton oncle. Il veut t’apprendre ? Qu’il le fasse. Tu n’es pas contre. Tu en as besoin. Et tu sais qu’il saura te donner de bons conseils … après tout, il en allait probablement de ta vie, ça, il devait en avoir conscience, quand bien même il ne disait rien. D’ailleurs, il a bien vite changé de ton lorsqu’il s’est mis à te parler d’arcs et de flèches. Tout en l’observant, tu l’écoutes avec attention. Il est dans le vrai. Comme prévu, l’arc pourrait effectivement être une alternative intéressante pour palier à ton manque de force physique. Encore fallait-il savoir viser. Tirer. Toucher. Si en théorie, tout ça avait l’air plutôt simple, tu te doutais qu’il n’en était rien.
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« On a tous besoin d’évoluer Crevette, personne ne devrait t’en vouloir ou t’empêcher de le faire. »
Tu avais cette vieille rancœur envers tes parents, celle qui grondait parfois au fond de toi parce qu’ils avaient voulus te brider. Et vu où vous en étiez arrivé, tu estimais qu’ils avaient peut-être fais autant d’erreurs que toi. C’était probablement égoïste mais tu n’étais pas encore prêt à passer à autre chose à ce sujet.
« Passe voir ta grand-mère avant de partir ce soir quand même, elle aura probablement de vieux remèdes à te donner. Et ça lui fera plaisir. »
Tu n’avais jamais voulu que Terry et Norbert soient mis à l’écart de votre famille après la mort de ta sœur mais, la vie avait fait en sorte qu’ils se soient éloignés d’eux-mêmes. Pour autant, ta mère était toujours bienveillante et tentait toujours de garder contact.
Finalement, un sourire glissa sur tes lèvres. Terry n’avait jamais été une grande sportive alors, tu te doutais que les efforts physiques que tu lui demanderais allaient un peu l’esquinter. Mais au fond, elle en avait besoin pour se renforcer.
« Et pourtant, c’est quand tu as mal que tu sais que tu as bien travailler. Je te montrerais une série de six exercices à faire quotidiennement. En théorie t’en auras pour une petite demi-heure. Et quand tu arriveras à les faire sans avoir mal le lendemain, et bien tu les doubleras. Ça prend du temps mais c’est essentiel si tu veux t’endurcir un peu. »
Tu n’allais pas jouer la langue de bois avec elle si tu voulais qu’elle survive. Ça n’avancerait pas qu’elle se pense invincible alors qu’elle serait probablement le maillon faible pendant un temps. Et elle le savait très bien au fond d’elle, sinon elle se mentirait. Finalement, il se mit derrière elle pour lui mettre l’arc dans les mains, lui montrant alors comment le tenir, quelle posture adopter, comment viser. Les premiers essaies ne furent pas très concluant mais tu ne t’attendais pas à ce qu’elle soit un génie de l’arc en une soirée. Alors, vous avez essayer encore et encore pendant un moment avant qu’elle ne parvienne à comprendre le truc. Un sourire, pas peu fier, étira de nouveau tes lèvres.
« Y’a plus qu’à t’entraîner dès que tu peux à viser et c’est dans la poche. On passe aux exercices maintenant ? »
Ça n’a jamais été simple niveau famille … du moins, pas pour ton oncle, peut-être pas pour ton père non plus. Toi, tu n’as jamais réellement eu à ressentir la moindre tension, ton père n’a plus vraiment de famille à l’exception d’un frère qui passe à la taverne de temps en temps, et du côté de ta mère, c’est vraisemblablement un peu le chaos. Derek est celui duquel ton père et toi êtes le plus proche, sans doute parce que lui-même est relativement détaché de sa famille. Et puis, oui, il y a aussi ta grand-mère. Tu ne la vois pas souvent, tu passes la voir de façon régulière, pour prendre des nouvelles, pour profiter de ses connaissances et de certains de ses conseils ainsi que de ses potions et remèdes maison.
Tout en observant les armes, tu écoutes avec attention ton oncle. Tu es là pour ça après tout, pour ses conseils et pour profiter de son enseignement. Il te donnera des trucs. Des astuces. Des choses que tu pourras faire de ton côté pour t’endurcir un peu, pour être plus forte. Au fond, c’est bien là tout ce que tu demandes, alors, tu prends l’arc, et puis tu laisses Derek te guider, te montrer la bonne façon de faire pour le tenir, pour le bander, pour viser, pour tirer sans te faire mal. Evidemment, tes débuts sont un peu laborieux mais tu te rends compte que tu es tout de même relativement à l’aise avec cette arme-là. Plusieurs flèches tombent mollement au sol, d’autres partent n’importe où, à certains moments, tu ne parviens même pas à tendre la corde … mais les minutes s’écoulent, et d’exercice en exercice, la technique commence à rentrer si bien qu’à un moment, tu parviens même à planter ta flèche bien au centre de l’une des cibles. Coup de chance ? Probablement. N’empêche que tu es plutôt fière de ton tir et que cette petite victoire te donne encore un peu plus d’aisance avec l’arc.
Pour la suite, tu reposes l’arc. Derek prend le temps de te montrer plusieurs exercices, des entraînements physiques, des mouvements que tu pourras refaire tous les jours, ou au moins plusieurs fois par semaines pour muscler certaines parties de ton corps. Tu es frêle. Tu le sais. Ta force physique est moindre, et tu sais parfaitement qu’elle ne sera jamais ta force, bien au contraire, il s’agit plus là de l’une de tes faiblesses et tu cherches évidemment à la minimiser pour la simple et bonne raison que l’un de tes principaux buts, parmi tes apprentissages, est de pouvoir manier une épée. L’arc est une alternative utile et sécurisante, actuellement, parce que tu es incapable de mener un combat rapproché. Néanmoins, tu as de la suite dans les idées, et savoir te servir d’une lame est pour toi un basique tout à faire indispensable.
A la fin de ce double entraînement, tu es évidemment relativement fatigué. Ton corps est douloureux par endroit, mais tu es tout de même relativement satisfaite.
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