Cela faisait maintenant plus d’une journée entière qu’Ashe n’avait pas fermé l’oeil. Fraîchement arrivée à la capitale, elle s’était attelée à en découvrir les moindre recoins. Du palais à la petite ruelle mal fréquentée, en passant par la caserne des gardes… Elle voulait TOUT savoir de cette ville. Bien entendu, certains lieux seraient plus difficile à accéder que d’autres, mais elle ne se faisait pas tant de soucis que ça à ce sujet. Après tout elle avait le temps. Actuellement, c’était vers le coeur de la ville qu’elle se dirigeait, à savoir la zone commerçante. C’était sûrement ici que les richesses circulaient le plus, que ce soit sur les étales ou dans les ruelles adjacentes le soir. De ce fait, il était logique de le considérer comme le lieux le plus important de la ville.
Mais passons. Actuellement, sa visite de la ville n’était pas non plus entièrement dédiée à en connaître les recoins, et sa présence par ici était particulièrement motivée par la recherche d’une bonne poire qui pourrait lui offrir gracieusement le gîte et le couvert, dans le pire des cas gratuitement, et dans le meilleurs des cas en lui donnant un peu d’argent avec ça. Et puis pour commencer à réseauter, il fallait bien avouer qu’il s’agissait là d’un endroit de choix. Beaucoup de commérages et autres infos naissaient des marchés.
Ashe évoluait donc dans cet environnement agité qu’est la grande place, au beau milieu de l’après midi. Elle était, comme à son habitude, richement habillée. Du moins, par richement il fallait bien entendu en comprendre le sens de valeur. Pour la quantité, on n’y était pas forcément. En tout cas, elle passait difficilement inaperçu en comparaison du citoyen moyen. Si cela pouvait attirer un grand gaillard un poil macho, cela ne pouvait que lui rendre la tâche plus facile. La seule petite ombre au tableau chez la demoiselle était sa fatigue qui commençait légèrement à se voir de près. Après tout, elle restait humaine et, malgré l’excitation apportée par toute cette nouveauté, elle ne pouvait pas se battre éternellement contre morphée.
Shay avait déjà pris des raclées, et des belles, desquelles elle ne s'était même pas défendue. Son crâne encaissait bien les coups, et transformée en Kinococo, les jabs d'un homme de cent kilos lui faisaient autant de dégât qu'une bousculade d'adolescent. Alors, elle ne ripostait pas, parfois. D'autres fois, il fallait récupérer ses adversaires sur des civières. Certains même frôlaient la mort, mais elle ne le faisait pas exprès, - elle ne le faisait jamais exprès. La défaite creusait votre humilité, vous permettait de redevenir ce que vous étiez fondamentalement : un être humain, et rien d'autre. Loin des ambitions démesurées de la Fée Rouge, ou de cette... apparente jeune femme, qu'elle aperçut, perchée du haut de son promontoire de fortune. Une longue brune, délicieuse et peu vêtue, qui semblait à la recherche de quelqu'un, ou de quelque chose.
Kinococo bondit du toit, se réceptionnant au sol avec les deux jarrets de buffle qui lui servaient de cuisses et s'approcha, curieuse. L'inconnue ne l'avait pas encore remarquée. L'air de rien, elle se fonda dans la foule, continuant de la suivre du regard avec la curiosité inassouvie d'un petit chien. Elle était du genre sociable mais maladroite, comme cette fois, où elle avait trébuché avec tout un plateau de pots d'encre indélébile sur la robe horriblement coûteuse d'une des marquises de la cour. Ou cette autre fois, où elle avait jeté un seau d'eau sur cette même Aniel, son amie d'enfance, car elle pensait la sauver d'un feu d'incendie, - sans savoir qu'il s'agissait de son pouvoir, et que l'eau annulait ledit pouvoir, en plus de l'affaiblir. Il y avait aussi cette fois, ou...
Bah ! peu importe, fit-elle intérieurement. Elle glissa, brusquement, en face de la jeune femme et lui tira un sourire éclatant.
« Bonjour ! tu es perdue ? »
Ashe commençait à hésiter sérieusement. Plusieurs profils commençaient à attirer son attention. Principalement des hommes, qui semblaient à première vu célibataires, et à l’allure un minimum soignée. Elle ne voulait pas non plus se retrouver dans une porcherie, il y avait un minimum de dignité et de confort à respecter. Et puis il fallait bien que la cible ait quelques deniers à lâcher. Vraiment, n’importe qui ne ferait pas l’affaire… Mais d’un autre côté, elle fatiguait et plus elle prendrait de temps à choisir, plus elle risquait de perdre en force de persuasion.
Finalement, après quelques minutes de déambulations au travers de la place, elle se fixa sur une personne qui lui semblait remplir tous les critères. Elle guettait le bon moment pour l’aborder, la bonne méthode… Il serait ridicule d’user de ce vieux stratagème de lui rentrer dedans en feintant l’étourderie. Non seulement ce procédé était usé jusqu’à la corde, mais en plus ça la placerait en position d’infériorité, ce qui était l’exact opposé de ce qu’elle recherchait. Non, une bien meilleure idée lui traversa l’esprit lorsqu’elle se décida à faire un pas dans sa direction. Cependant, associer cette décision à un mouvement fut impossible à cause d’un obstacle apparaissant soudainement sur son chemin. Une jeune dame qu’elle n’avait pas vu précédemment sur la place. Était-ce sa fatigue qui lui jouait des tours ou cette fille venait vraiment de se faufiler volontairement dans son dos ? La piste de la magie n’était pas à exclure non plus, mais en tout cas cette intervention n’avait, pour Ashe, rien de réellement spontané. Elle resta méfiante de ce sourire sans le montrer, cherchant à connaître les motivations de sa nouvelle opposante. Par politesse, elle fit un léger pas en arrière pour rétablir une distance raisonnable entre les deux avant de lui répondre.
"Bonjour jeune demoiselle, quel est ton nom ?"
Changer de sujet sans répondre à la question offrait diverses réactions possibles à son interlocutrices qui en diraient sûrement un peu plus sur sa personnalité. Tout cela n’était pas une science exacte mais il fallait bien commencer quelque part et si cette étrange personne était aussi simplette qu’elle semblait le montrer - ce dont Ashe doutait fortement - elle se laisserait sûrement diriger par la conversation au contraire d’une personne plus mesurée qui tenterait peut-être d’en garder ne serait-ce que légèrement le contrôle.
Elle semblait l'épier, et il y avait de quoi : quel spécimen ! Tombée d'on ne savait où, Kinococo ne ressemblait pas aux femmes du coin. Sa manière de se vêtir comme une pêcheuse de l'archipel, - si tant est que les citadins connaissaient leur existence - ses approches rentre-dedans et sa peau brune... Et cette posture, aussi. Le buste souplement penché sur l'avant, comme si elle cherchait à lire avec une exagération comique le regard de la presque-noble.
« Bonjour jeune demoiselle, quel est ton nom ? »
Quelle entêtée elle faisait ! Elle ne s'était même pas présentée... Elle tendit une main en direction d'Ashe. Ses doigts sont, là encore, osseux, nervurés, comme des serres. Le corps humain est fait de sorte qu'un os brisé se répare plus solidement qu'il était avant. Plus l'os a été travaillé, plus il est résistant ; et alors, il est difficile d'imaginer à quel point cette pogne a pu être éprouvée par le combat. Elle devait être aussi dure que de la roche, - non, plus dure encore... !
« Moi, c'est Shay Aracaju ! Je vis ici... Je travaille à mi-temps, pour la Guilde des Aventuriers. Je sais que ce n'est pas très poli d'aborder les gens comme ça, mais... je te voyais tourner en rond, depuis tout à... (Faute : elle allait passer pour une de ces lesbiennes névrosées, traquant de la femelle jusqu'à tard le soir.) … depuis quelques secondes. Je peux t'aider ? »
Sa main (sa serre) est toujours tendue. Ce sourire gai n'en démord pas, lui aussi.
Définitivement, cette personne était énigmatique aux yeux de Ashe. D’un côté Ashe la trouvait trop discrète pour être honnête, mais de l’autre son allure évidente de garçon manqué semblait contredire sa première idée. Elle semblait ne pas avoir eu une enfance tranquille, à moins que c’était elle même qui était suffisamment casse cou pour foncer dans les ennuis en permanence. D’instinct, Ashe parierait plutôt sur la seconde, mais il semblerait que son instinct ne soit pas très affûté aujourd’hui, sûrement à cause de la fatigue. A ce propos, sa réponse - ou plutôt la clair tentative de rattrapage dans celle-ci - vint finir d’achever la thèse initiale de notre jeune femme. Il fallait vraiment croire qu’il s’agissait simplement de la fatigue si elle n’avait pas remarquée cette adulte aux manières d’enfant sur la place. Cela ne faisait que confirmer son besoin de se poser.
D’ailleurs, cette personne pourrait sûrement lui être utile. Avec cet air un peu naïf et décomplexé, ce serait même sûrement plus facile et moins contraignant que de s’ennuyer avec un de ces gaillards pervers dont il faudrait subtilement rejeter les avances. Un coup de chance ? Peut-être. En tout cas elle remerciait mentalement Lucy pour ça.
"Enchantée Shay, tu peux m’appeler Ashe."
Ashe saisit la main de Shay pour la serrer avant de légèrement la pivoter, le dos de celle-ci vers le ciel, pour en observer plus précisément l’usure. Preuve de courage ou d’inconscience ? En tout cas il semblait plus simple de l’avoir dans sa poche.
"Cela dépend. Je viens d’arriver en ville et j’aurais besoin d’être dépannée le temps de trouver où loger. En tant qu’aventurière, tu as sûrement des requêtes plus palpitantes et intéressantes que celle-ci."
Elle tenait toujours la main de son interlocutrice sans pour autant la contraindre si celle-ci souhaitait la retirer. Cependant, son regard était remonté vers le sien. Ce genre de personne n’était généralement pas le genre à s’embêter avec des courbettes ou autres futilité du genre, et le contact visuel lui semblait donc important pour ne pas qu’elle vienne à penser qu’Ashe la snobait ou se considérait supérieure. Quant à la vérité derrière tout ça, elle avait peu d’importance, seul le ressenti de Shay importait.
« Compris, Ashe ! », qu'elle répond, pleine de bagou.
« Je viens d’arriver en ville et j’aurais besoin d’être dépannée le temps de trouver où loger. En tant qu’aventurière, tu as sûrement des requêtes plus palpitantes et intéressantes que celle-ci. »
Pour sûr, qu'elle en avait... Les missions affluaient au QG, en ce moment. Pour elle ne savait quelle raison, les citadins, - et notamment les artisans - s'intéressaient de plus en plus au territoire perdu, dans le nord. Les composants qu'on y trouvait, les défis... le bestiaire... Ils n'avaient aucun égal sur cette terre. Pourtant, Shay n'avait pas été émulée le moins du monde. Son truc, c'était les arts martiaux ; elle pouvait vous dénicher les faiblesses, les mauvais appuis d'un individu en un seul regard, et n'avait pas son pareil pour reproduire, au centimètre près, les techniques qu'elle visualisait. C'était une sorte, - de l'aveu de ses propres mentors - une génie motrice. Mais les monstres... Les dragons... Tout ce qui dépassait la taille d'un gratte-ciel ne l'intéressait pas. Elle laissait ce genre de concours à des individus dont les pouvoirs défiaient l'imagination. Que pouvait bien faire un Kinococo face à un Béhémoth de cinquante tonnes ?
« Ohh, c'est vite dit... C'est vrai qu'en ce moment, on a de tout... Il y a même une forgeronne qui veut qu'on lui ramène des morceaux de carapace d'un gros machin géant qui vit au-delà de la frontière... Mais, ça ne m'intéresse pas vraiment... »
Elle chuinta un petit rire, amusée de sa propre dérision, avant d'ajouter :
« J'étais un peu comme toi, en venant ici ! Je n'avais nulle part où loger. Heureusement, - très heureusement, même ! - (elle l'avait dit en levant un index professoral) une ancienne amie à moi m'a prêté une de ses résidences, en ville. Elle est riche, alors, ça ne la dérange pas vraiment... »
Riche, c'était le mot. Aniel s'était faite des roubignoles en or massif dès son entrée dans la Guilde. Ça ne l'avait pas dérangé de prêter cette demeure à Shay, - à condition que cette dernière l'entretienne correctement.
Ashe se détendit un petit peu, moins sur ses gardes que jusqu’alors. Il ne semblait définitivement rien y avoir à craindre de la jeune Shay tant qu’on ne lui cherchait pas ouvertement des poux. Cependant, une nouvelle interrogation traversa son esprit quand elle dit ne pas être intéressée par certaines missions lui étant proposées. Pour ce qui est de l’argent et la gloire, ça avait effectivement pas l’air d’être le genre de la personne. Mais elle se serait attendue à un petit peu plus d’entrain au niveau du challenge, du dépassement de soi, ce genre de choses. Peut-être que ce rire trahissait un traumatisme passé par rapport à ce genre de bestioles, et cela ne serait pas bien étonnant. Cela dit, pourquoi se casser la tête à réfléchir quand on peut déjà obtenir, semble-t’il, toutes les réponses de la principale concernée.
"Une raison particulière pour laquelle tout ça ne t’intéresse pas ?"
Quant à cette fameuse riche amie, il n’en fallait pas plus pour intéresser définitivement Ashe. Une grande demeure comme logement "temporaire", elle ne pouvait espérer mieux de la part de cette gamine semblant sortir des rues. Le comble du bonheur, c’est qu’il suffisait sûrement de convaincre seulement Shay pour obtenir l’accord de son amie. Après tout, à ce niveau là Shay était un peu comme Ashe enfant : une bonne bouille à qui on ne peut rien refuser.
"Tu as de la chance d’avoir une si bonne amie. Je n’ai malheureusement aucune connaissance par ici, je viens d’un village assez reculé..."
Ashe essayait de faire en sorte que l’idée vienne de son interlocutrice elle même. Après tout, ce serait bien dans son genre de proposer d’elle même le logement de son amie, du moins Ashe le pensait. Cette dernière commençait déjà à s’imaginer dans cette habitation de luxe qu’elle ne connaissait même pas encore. De plus, ce serait vraiment l’idéal pour recevoir des clients dignes de ce nom, sans oublier bien sûr un confort qu’elle n’a jamais eu. Pour le coup, elle se promettait d'aller faire une offrande à Lucy si elle parvenait à obtenir ce qu'elle souhaitait.
Shay laissa la question en suspend quelques instants. Une raison ? fallait-il nécessairement une raison à cela ? Il n'y avait bien que les aristocrates pour imaginer des intrigues là où il n'y en avait pas. Avec toute la spontanéité d'un épagneul lâché à pleine vitesse, elle rétorqua :
« Ce n'est pas mon dada, c'est tout. Certains aventuriers préfèrent l'exploration. D'autres, la chasse aux monstres... Décimer un bestiaire tout entier pour prouver ma valeur, ce n'est pas vraiment ma tasse de thé, tu comprends ? »
Pourtant, des monstres, elle en avait déjà affrontés. Elle se souvint de cette quête malheureuse, qui l'avait obligée à franchir une montagne de ses propres mains, pour faire face à un dragon d'une bonne taille, - ses ailes dépliées étaient aussi larges que les voiles d'un galion de guerre. Fort heureusement pour elle, son groupe était parvenu à en venir à bout. Elle s'était contentée, pour sa part, de chiper ses oeufs pour les revendre à bon prix au marché noir. Et il y avait cette autre fois, aussi, avec... Raah, ma vieille, arrête de t'égarer ! s'interrompit-elle. Cette femme va te prendre pour une folle... Je dois tirer une de ces têtes, quand je me mets à penser comme ça...
« Tu as de la chance d’avoir une si bonne amie. Je n’ai malheureusement aucune connaissance par ici, je viens d’un village assez reculé... »
Shay fronça du nez, rigolarde. « Une si bonne amie », qu'elle avait dit. Aniel avait bien failli la tuer à plusieurs reprises, dans sa jeunesse. C'est ce qui pouvait vous arriver, quand vous ne faisiez pas suffisamment attention, avec elle. C'était le genre de femmes qui voulait un grand sentier, propre et bien cheminé devant elle, quitte à déblayer le terrain à grands coups d'assassinats. Pour une raison qu'elle ignorait, toutefois, cette... Ashe lui fit la même sorte d'impression. Bien évidemment, ça ne reposait sur rien d'autre que son instinct animal, celui du Kinococo qui sommeillait en elle. Je me fais trop de bile pour rien...
« Oui, je vois... Nous aussi, on venait de loin... De l'archipel, pour tout te dire. Difficile de faire plus éloigné que ça ! (Elle ricana.) Alors, euh... Je ne sais pas si j'ai vraiment le droit, mais si tu n'as vraiment nulle part où aller... »
Elle pesa scrupuleusement chacun de ses mots. La moindre erreur, - et bon Dieu qu'elle en avait faite par le passé ! - pouvait la cataloguer parmi les lourdaudes de service ou, pire, les machos, les queutards en chaleur qui n'attendaient que la pleine lune pour se mettre en chasse.
« Je peux, éventuellement, si le coeur t'en dit, - que ça te botte, quoi, enfin, si ça ne te dérange pas... te faire dormir chez moi. Oh ! c'est très confortable, tu verras... Et puis, pour une fois, ça me fera un peu de compagnie ! »
Elle se grattouilla le dos du crâne, tout sourire. La capitale était de ces lieux qui ne dormaient jamais. Tout allait toujours vite, et il n'y avait pas la place, ni le temps pour les énergumènes de son genre. Les citadins se contentaient de l'ignorer, - et ça lui allait très bien ainsi. Mais, le soir tombé, tous les hommes étaient des chats. Elle n'avait alors plus qu'à se glisser dans les tavernes pour s'en mettre plein la panse et, avec un peu de chance, finir la nuit dans les couches d'un ou d'une inconnu(e). Ce n'était, toutefois, pas ce qu'elle prévoyait aujourd'hui, pardi ! Qu'est-ce que vous allez vous imaginer ?
De la façon dont Shay le disait, on pourrait croire à une fervente défenseure de la cause animale. Cela dit, comme cela avait l’air de l’agacer, Ashe n’insista pas davantage sur ce point qui n’était, pour le moment, pas le plus important. La suite de la conversation était plus importante. Tout comme elle, Shay était une enfant de bord de mer. Comme quoi, les origines ne faisaient pas tout à voir l’évidente différence entre les deux femmes. Cela dit, il était possible de venir de plus loin. De l’autre côté de la frontière. Elle affirmerait avoir été élevée par les monstres vivant là-bas qu’Ashe n’en serait qu’à moitié étonnée. Une sorte d’enfant sauvage. Elle se retint cependant de faire cette plaisanterie, le moment en serait disconvenu et ce serait totalement gratuit et méchant, étant donné que les deux personnes venaient de se rencontrer.
En parlant de rencontre, la gêne facilement perceptible dans la voix et l’attitude de Shay étonna quelques peu son interlocutrice. Était-elle impressionnée par Ashe ou sentimentalement affectée ? De fait, elle ne considéra même pas l’éventualité de la timidité au vu du personnage. Cependant, il était difficile de pouvoir trancher entre les deux, chacune de ces possibilités semblaient assez étranges puisque Ashe n’avait pour le moment rien fait pour pousser l’une ou l’autre de ces réactions. Cependant, elle voulait en avoir le cœur net assez rapidement, pour savoir à quoi s’attendre. Elle approcha donc délicatement une main du visage de Shay - la droite - afin de la poser délicatement sur sa joue, la caressant du pouce et la regardant un sourire chaleureux.
"Eh bien Shay, j’accepte avec plaisir ta proposition. Difficile de dire non à une adorable jeune fille comme toi."
Quant Shay parlait de chez elle, Ashe considérait qu’elle parlait de la fameuse demeure de son amie. Du moins elle espérait que ce soit ça, et qu’elle ne lui sorte pas un plan douteux du genre "j’habite chez mon amie riche mais je te laisse vivre dans le carton que je n’utilise pas". Cependant, cela semblait bien peu probable et Ashe pouvait donc raisonnablement considérer qu’elle avait gagné son accès à cette riche demeure évoquée plus tôt. Et si en plus elle avait effectivement un ascendant affectif ou autoritaire sur elle, c’était totalement au delà de ses espérances.
« C'est gentil ! Viens, suis-moi, ce n'est pas très loin... »
Elle fit volte-face. De dos, sa démarche avait quelque chose d'étrange ; dégingandée, à la manière d'un grand animal. Ses doigts étaient systématiquement repliés sur eux-mêmes, comme des griffes, prêts à jaillir ; et ses épaules évoquaient celles d'un jeune homme.
Shay n'était pas un monstre de muscles. Pourtant, à mesure qu'elles s'enfonçaient dans la foule, on ne pouvait plus ignorer le contraste qu'il y avait entre ces deux femmes. Qu'est-ce qui avait bien pu les réunir ? D'un côté, cette colombe aux allures nobles, le menton haut, drapée de soieries damassées et de talons d'or, dont les claquements sonnaient comme des provocations pour les hommes en débauche qui la reluquaient. De l'autre, Kinococo, fille de pêcheuse et aventurière tombée dans le civil, sa posture de funambule et ses airs pleins de gaieté. C'était comme si quelque force démiurge les avait réunies ici pour une bonne raison.
Après quelques minutes, elles arrivèrent à une allée bariolée de couleurs estivales, - on préparait déjà le carnaval pour la saison chaude - qui donna sur une grande cour. En face d'elles, un bâtiment, trop grand pour une maison, trop petit pour un manoir. Le parterre avait été délicatement ciselé de symboles de feu, et de grandes bannières rougeoyantes couvraient le seuil de la porte.
« Ne fais pas attention, mon amie est très... sensationnelle, dans le genre. »
L'intérieur ouvrait sur un vestibule. Il faisait frais. Sur les murs, divers tableaux, - des natures mortes sans intérêt - des portraits peints d'une belle femme brune, les yeux jaunes, brasillant comme deux pépites de soufre. Et même un petit dessin de Shay, que l'hôte de maison avait, semble-t-il, eu la bonté de laisser accroché ici.
« Alors... voilà ! Il y a un salon, une cuisine... deux chambres... et plein d'autres pièces... Tu veux que je te fasse visiter ? »
Sa petite expérience semblait porter ses fruits à voir le teint changeant du visage de sa cible. Elles se connaissaient depuis peu et le début de relation qu’il y avait entre elles était déjà étrange. Déjà leurs attitudes respectives ressemblaient plus à celui d’une adulte et d’une enfant, alors qu’elle semblaient avoir à peu de choses près le même âge. Si en plus maintenant Shay éprouvait quelque chose pour Ashe, ça en devenait presque trop facile pour cette dernière. Puis quand elle se mit à la guider, on aurait facilement pu croire à une noble accompagnée de sa garde du corps personnelle. Et c’était sûrement là la raison principale pour laquelle Ashe se devait, pour le moment au moins, de la garder sous le coude. Et puis elle ne lui avait rien fait de mal, donc elle n’avait aucune raison d’être méchante avec elle. Et dire qu’elles venaient d’horizons similaires, c’était à se demander comment autant de différences étaient seulement possibles. En tout cas, Ashe ne manqua pas de reluquer la demoiselle avec un petit sourire en coin pendant le trajet. Certes elle n’avait pas particulièrement l’air distinguée, et c’était peu de le dire, mais ce corps éprouvé avait aussi son charme, d’une certaine façon.
Point intéressant, elle n’avait pas encore visité ce quartier dans lequel elle les emmenait. Tout ceci était donc un petit gain de temps, assez négligeable, mais tout de même existant. Le moins que l’on pouvait dire, c’est que tout ça était très … coloré. Quant à la demeure qui l’attendait, Ashe en aurait presque des étoiles dans les yeux en apercevant la devanture du bâtiment, si elle ne le cachait pas derrière une expression presque neutre, laissant seulement apparaître un sourire poli. Cet émerveillement ne fut que plus intense en entrant à l’intérieur, si bien qu’il en devenait difficile de se contenir.
"J’accepte volontiers la visite. Mais dis moi, c’est la maîtresse de maison sur ces tableaux ?"
Ashe désignait évidemment ces portraits de femme brune. A les voir, elle voulait que l’on fasse la même chose avec elle, elle voulait son propre portrait encadré de la sorte. En tout cas, nul doute qu’elle s'habituera très vite à cet endroit. Après, il faudrait voir ce que ça allait donner avec cette fameuse propriétaire. A voir les portraits - s’il s’agissait bien elle - elle semblait bien différente de Shay, à croire que cette fille pouvait s’entendre avec tout le monde.
Ses prunelles ne vous quittaient plus. Elle était belle mais sinistre, comme une pleine lune transylvaine. Ses mains étaient juxtaposées l'une contre l'autre, en-dessous de sa poitrine. Son port était haut, fier et défiant, comme s'il indiquait à quiconque la regardant que vous étiez sur son territoire. Cette demeure n'était pas celle de Shay Aracaju, mais bien d'Aniel, dite la Fée Rouge. Ces tableaux n'étaient pas juste un délire d'esthète embourgeoisé mais un avertissement. Pour elle ne savait quelle raison, Kinococo avait toujours pensé que ces oeuvres arts étaient enchantées, de sorte que sa vieille amie pouvait la voir, peu importe où elle était dans la maison.
« C'est... tenta-t-elle, incrédule, particulier, je sais... Elle aime beaucoup l'art, euh... Alors... »
D'un geste de la main, elle enjoint Ashe à la suivre. Le salon ne manquait de rien. Les rideaux blancs dansaient sous la bise fraîche, comme des draps hantés. Au centre, il y avait un billard, - que l'on pouvait transformer en table à manger - ceint de plusieurs chaises. Au fond, une cheminée, éteinte, que Shay avait manifestement jugé bon de récurer jusqu'à la dernière cendre.
« Elle aime quand tout est propre... qu'elle fit, dans un gloussement, avant de désigner l'autre côté de la pièce. Là-bas, c'est la salle à manger. Tu pourras aller te servir, si tu en as envie. A côté, c'est la buanderie... Ici, c'est... »
Une salle de séjour, des chambres, un fumoir, un boudoir, et même des toilettes... ! La capitale disposait d'égouts, et donc de système d'évacuation d'eau, - pour les résidences les plus huppées. Kinococo s'était toujours estimée heureuse de ne pas être née cinquante ans plus tôt, où l'urine et les déjections étaient jetées à la volée par les fenêtres comme des mauvais sorts. A cette époque, les rues empestaient, à tel point qu'il était impossible pour les étrangers, - peu habitués aux odeurs incommodes de la ville - de s'approcher des auberges sans rendre l'intégralité de leur repas sur le sol. Heureusement, les temps avaient changé.
« Ah, il y a cette pièce, aussi. »
Face à elles, une porte coulée d'un seul bloc de tsungène. Un métal réputé pour sa résistance à la chaleur, - le souffle d'un dragon ne l'égratignerait même pas d'un pouce. La serrure était en forme de barillet, qu'il fallait faire pivoter pour rentrer un code spécifique. Une taule d'acier de trois mètres, sans aucune fioriture, qui surplombait les deux jeunes femmes.
« C'est ici qu'elle doit cacher ses économies, je suppose... Je n'en sais rien, elle n'a pas voulu m'en parler. C'est déjà heureux qu'elle m’héberge ici ! Qu'est-ce que tu en penses ? »
Et elle lui sourit, de nouveau, de toutes ses dents resplendissantes.
Ashe resta un petit moment à observer cette figure accrochée au mur. Il s’agirait de la reconnaître si elle la croisait dans la rue, ou pire, dans la demeure. D’ailleurs, Shay ne lui avait toujours pas demandé son nom, mais elle verrait ça plus tard, pour l’instant place à la visite, Shay semblait avoir déjà assez de difficulté à lui parler comme ça, pas besoin d’en rajouter immédiatement. Plus la visite avançait, plus elle était satisfaite de cet endroit, avec des choses qu’elle n’avait vu que dans des livres sans images. A l’entendre dire, on dirait presque que Shay réagissait de la même façon avec cette maîtresse de maison qu’avec Ashe. Etait-ce une simple impression ou alors elle s’entichait pour tout le monde ? A moins que cela soit une preuve d’un caractère soumis chez la demoiselle ? Ou au contraire un caractère tyrannique de son amie ? Ca en soi, elle le saurait bien en rencontrant la concernée.
La dernière pièce visitée fut la plus surprenante. Un énorme coffre fort qui devait cacher une petite fortune, ou à défaut quelque chose de très important. On pourrait aussi penser à enfermer quelqu’un tant le système semblait inviolable. Enfin pour cela il fallait l’ouvrir, et Ashe ne savait évidemment pas comment faire. Cela dit, si elle en avait réellement besoin, elle avait déjà sa petite idée de la marche à suivre pour y parvenir. Mais bref, ce n’était clairement pas ici qu’elle allait passer le plus clair de sa vie.
"C’est encore plus majestueux que ce que j’aurais imaginé. Je te remercie pour l’invitation, Shay."
Sur ces mots, Ashe s’approcha soudainement de son interlocutrice pour lui déposer un bref baiser sur la joue droite, officiellement en guise de remerciement. Elle se disait qu’en jouant de la sorte, elle allait bien finir par fondre sur place. Enfin, façon de parler, bien entendu. Par la suite, elle laissa échapper un bâillement incontrôlé, son temps de veille la rappelant à l’ordre. Elle se hâta de mettre sa main devant sa bouche en guise de politesse mais ce n’était pas très gracieux. C’est d’ailleurs pour cela qu’elle se dépêcha de détourner le sujet avant même qu’il ne fasse surface.
"Il y a des règles spéficiques que je dois respecter dans cette demeure et dont je n’aurais pas encore entendu parler ?"
La jeune femme sentit le baiser claquer sur sa joue. Sa tête fulmina comme un vrai petit volcan. Toutes sortes de pensées s'y bousculaient, des plus salaces aux plus absurdes. La seule, cependant, qui parvint jusqu'au bout de ses lèvres fut un :
« Humrfprf... Je veux dire, ouais... »
Elle avait rosi comme une paire de fesses au soleil. Mais avant de se perdre dans ses contemplations, elle riposta, habilement :
« Les premiers jours de mon arrivée en ville, je ne connaissais personne. Aniel n'était pas censée être en vie, - une longue histoire. Du coup, je dormais sur les toits, dans les auberges... Je n'allais pas te laisser subir ça ! »
Et c'était vrai. Malgré tout le désir qu'elle éprouvait en ce moment même, - et qu'elle refoulait à son corps défendant, pour ne pas paraître plus étrange qu'elle l'était déjà - c'était, presque, par pur désintérêt qu'elle avait proposé à Ashe de l'héberger. Kinococo avait connu la misère, la vie au jour le jour, le désespoir... Ces choses dont les grands poètes se gargarisaient sans les avoir cependant connues, - et que, à ses yeux, personne ne méritait de connaître. Il n'y avait pas la moindre inspiration, pas la moindre leçon à tirer de tout ça, si ce n'est qu'il valait mieux avoir un toit au-dessus de sa tête, pendant la saison froide.
Si Shay avait survécu, ce n'était pas le cas des aventuriers, qui n'avaient d'autres choix que de risquer leur vie en échange de quelques piécettes ; des sans-abris, infirmes, que l'hiver engouffrait dans ses linceuls chaque année. Ni le cas de son village natal, exterminé jusqu'au dernier (ou presque) par le mauvais sort. Elle en était convaincue, désormais : cette sublime jeune femme pouvait bien avoir des cuissots d'éléphant, un mufle de bison gris et un arrière-train digne de la pièce montée qui protégeait le trésor d'Aniel, elle lui viendrait quand-même en aide, avec le même naturel, instinct primitif qui poussait les Kinococos à s'entraider.
« Oh, eh bien... Évite de tout casser, de chiper le butin de mon amie, - de toute façon, tu n'y arriverais pas. Ah, et si jamais tu rentres dans le fumoir, veille à bien tapoter les coussins après ta consommation ! »
Il fallait être honnête : oui, les réactions de Shay amusaient beaucoup Ashe. L’envie et le plaisir procuré par la douce tourmente qu’elle lui faisait subir ne faisaient que s’accroître de minute en minute. Cependant elle savait bien qu’il y avait une barrière à ne pas franchir, et ne connaissant la jeune femme que depuis peu, elle ne pouvait pas savoir précisément où se situait cette limite. De ce fait, plus elle la taquinait, plus elle prenait de risque. Et dire que plus tôt elle espérait ne pas tomber sur un vieux dragueur, et là qu’elle tombait sur une personne avec plus de retenue, c’est elle qui essayait de la pousser. Ce besoin de vouloir tout contrôler sûrement - ou du moins en avoir l’impression -, allez savoir.
En tout cas, elle en serait presque désolée qu’une fille d’apparence aussi innocente et pleine de bonté soit tombée sur une vilaine profiteuse. Car oui, Ashe était bien évidemment consciente de ne pas être une bonne personne, mais cela lui allait très bien comme ça. La vie n’allait pas lui faire de cadeau, alors elle n’avait aucune raison de tendre gentiment la joue en attendant de se faire frapper. Certains se cachent, d’autres se font protéger, Ashe avait décidé qu’elle voulait être sur le devant de la scène, actrice de ce monde, quitte à être qualifiée de divers noms abjects. Certes, pour le moment elle n’y était pas encore, elle en était même certainement très loin, mais cela ne l’empêchait pas de donner tout son possible en permanence, ou presque.
Quant à ces règles, la première semblait tomber sous le sens, même si ce n’était pas nécessairement celle qu’Ashe se jurerait de respecter à tout prix. Quant au fumoir, aussi étrange que cela puisse-être, Ashe n’en était pas le moins du monde intéressée. Certes cela faisait très bourgeois et ça ne ferait que renforcer l’image qu’elle souhaitait donner d’elle, mais pour une raison ou une autre, elle n’était pas particulièrement tentée. Peut-être que cela était lié au fumage des poissons qui ne lui rappelait pas forcément les meilleurs souvenirs du monde, qui sait.
"Je vois, il ne devrait pas y avoir de soucis particulier dans ce cas."
Ashe fit un signe de la tête à Shay pour l’inviter à la suivre vers le séjour. Elle commençait déjà à s’approprier les lieux. De toute façon, elle se disait que cela ne devait pas déranger son interlocutrice. Elle essayait de marcher à ses côtés au possible et ne laissa pas trainer le blanc trop longtemps.
"Je te prie de m’excuser d’avance pour l’interrogatoire mais, si ce n’est pas trop impoli, de quel don mère nature t’as-t-elle rendue propriétaire ? Et ton amie, comment se nomme-t-elle ? J’aimerais beaucoup la rencontrer."
« Je te prie de m’excuser d’avance pour l’interrogatoire mais, si ce n’est pas trop impoli, de quel don mère nature t’a-t-elle rendue propriétaire ? Et ton amie, comment se nomme-t-elle ? J’aimerais beaucoup la rencontrer. »
La jeune femme souffla du nez. Trop de questions à la fois ; trop de curiosité. Même elle finissait par s'en rendre compte. Elle était bien la première à vouloir en savoir plus sur le portrait de sa sinistre amie. En temps normal, les gens déviaient de sujet à son propos, - voire, faisait tout ce qu'il fallait pour ne plus y penser. Mais pas elle. D'un ton calme, - la chaleur du baiser avait fini par s'éteindre - Shay dit :
« Ta question est curieuse, mais je vais y répondre. Je peux me transformer en Kinococo. (Elle marqua un temps.) Ce n'est pas très étonnant, je sais, d'autant que je partage déjà des similitudes avec eux... »
Elle se mit un rire, toujours avec ce même grain de chaleur qu'un soleil d'été. Shay était l'été. Il y avait moins de couleurs dans le carnaval qui se préparait en ville que dans son corps tout entier. Elle observa Ashe et, comprenant que les continentaux n'étaient pas au fait du bestiaire de l'archipel, elle ajouta :
« Ce sont... des créatures qui vivent sur nos îles natales. Il y en a aussi en forêt, pas loin d'ici, mais elles sont moins grosses, et moins dangereuses. Les nôtres sont des génies des arts martiaux. Ils peuvent te reproduire n'importe quelle posture, n'importe quelle attaque, n'importe quelle danse... simplement en l'observant. Et... les boules qu'elle crachent font vraiment beaucoup de dégât, tu peux me croire. »
Elle coinça ses deux mains derrière sa tête. La dernière question qu'on lui avait posée la dérangeait davantage, mais elle finit quand-même par l'en soulager :
« Quant à mon amie, elle s'appelle Aniel Guradon. Mais les gens, ici, la connaissent sous le nom de la Fée Rouge. Elle est célébrissime au sein de la guilde, mais je doute que vous la connaissez, d'où tu viens. Non ? »
Un pouvoir de transformation donc. Un concept assez banal mais souvent tout aussi efficace. Les Kinococo, elle en avait vaguement entendu parler mais n’en avait jamais vu. Cela dit, elle n’allait pas non plus lui demander de lui faire une démonstration maintenant, comme ça. Après tout, ce serait totalement déplacé, et puis Shay n’est pas un animal de cirque à qui on fait faire des tours.
" Je vois, tu dois donc être assez douée. Comme quoi, cela confirme ce que l’on dit : ce sont les plus grands experts du combats qui se battent le moins. A en croire ton désintérêt pour certaines missions, je ne dois pas être bien loin de la vérité, non ?"
Elle prit alors place sur un des sièges de la pièce. Cet endroit était plutôt agréable. Très agréable même. Se poser auprès de la baie vitrée avec un bon livre devait faire passer les journées plutôt vite. Non pas que Ashe ait prévu de s’ennuyer, mais c’était toujours bon à savoir si jamais ça venait à arriver. C’était aussi un bon endroit pour discuter. Enfin cela dit, elle n’allait pas ramener de suite la moitié de la ville dans cette demeure ne lui appartenant en rien. Mais petit à petit, progressivement, elle verrait bien si elle parvient à gratter quelques privilèges à droite à gauche. Pour cela, il faudrait dans un premier temps que cette Aniel Guradon accepte ou du moins tolère sa présence ici, ce qui n’était au final toujours pas gravé dans le marbre. Mais pour ça, elle ne s’inquiétait pas plus que de raison. Si Shay l’avait invitée, c’est qu’il ne devait pas y avoir de soucis majeur.
"Si elle est si célèbre, ce doit être une personne noble et admirable. A moins qu’elle ne le soit tristement, mais le terme de fée a plutôt une connotation positive, non ?"
La piste de la guilde était une bonne information. Si jamais Shay ne voulait pas en dire beaucoup plus, si elle la voyait trop hésitante pour paraître parfaitement honnête, ou même simplement pour avoir un point de vu autre que celui d’une amie de cette dame, Ashe pourrait trouver un de ces aventuriers pour en apprendre plus sur le caractère et les potentiels exploits de cette femme.