Comme aujourd'hui.
C'est durant une journée légèrement nuageuse que la rue marchande est arpentée par un individu vêtu d'une longue cape et au visage couvert par une capuche, qui ne laisse entrevoir que la partie inférieure, ainsi que quelques mèches blondes rebelles qui refusent de se dissimuler. L'imposante présence arrive à se frayer un chemin dans la foule sans effort, jusqu'à arriver dans une ruelle qui mène à la boutique de cette sorcière.
Étrangement, ce n'est point l'apparence qui le surprenait, mais davantage l'odeur qui enveloppait la bâtisse et comme à chaque fois qu'il se trouvait devant un terrain inconnu, son pouvoir s'éveillait avec ou sans sa volonté. Un peu comme un instinct animal qui lui indiquait de faire preuve de prudence.
Après une courte hésitation, le tintement du métal de son armure annonce sa décision ; il s'avance, pousse la porte et prête une attention minutieuse à ce qui se trouve devant lui. D'un simple mouvement, sa capuche fut ôtée et son visage enfin dévoilé, pour mieux libérer sa tignasse blonde et soignée. Posture droite et buste relevé, nul doute que cet homme n'est pas originaire de la pègre locale, bien que sa tenue puisse être considérée comme "lambda".
Et qu'il n'est pas là pour rien.
Son regard azuré parcours l'environnement qui l'entoure, dans un silence respectueux jusqu'à ce qu'il discerne une silhouette fine et féminine, devant qui il incline immédiatement le chef, comme un rite traditionnel en gage de respect. Ce qui attire, bien souvent, des propos désagréables à son encontre ; soit on le pense pompeux, soit on le pense coincé. Dans les deux cas, ce ne sont que des apparences.
▬ Salutations, dit-il une fois redressé. J'espère que ma présence dérange nullement, et je daigne espérer que vous êtes la propriétaire des lieux ?
Une voix grave et forte, dont le timbre laisse supposer une assurance palpable, digne de son image. La phrase est ponctuée par un sourire poli, léger. Ce même sourire qu'il adresse à quiconque croise sa route. Néanmoins, ses sens sont toujours présents éveillés et ne cessent de lui inciter la même chose.
Prudence, prudence.
En l’occurrence, après presque une heure de silence humain planant dans la boutique, la porte s’ouvrir d’un claquement. La sorcière regardant par-derrière son épaule, observa cette forme humaine cachée d’une cape entrer dans son magasin. Machinalement, la sorcière se débarrasser de tous ses bibelots qu’elle rangeait afin de se diriger vers son nouveau client. À la vue du tintement de son armure et de sa prestance qui lui rappelait la venue du garde Rid Doroy, Tala ne pouvait s’imaginer avoir affaire à autre chose qu’un membre de la garde. Qui plus est la sorcière se demanda s’il n’était pas gradé, ou du moins, s’il venait tout simplement d’une famille de garde, comme il en existait.
« Bonjour. »
Tala répondit à ses salutations tout en l’observant avec attention. Un coup de main dans sa longue chevelure ébène pour permettre à sa chevelure de prendre place à l’arrière de son dos, afin que l’avant n’y soit pas dérangé.
« Il n’y a pas de mal, j’apprécie particulièrement la compagnie des nouveaux visages. »
Parce que les inconnus lui étaient toujours bénéfiques. La sorcière ne les ayant jamais côtoyées, elle était certaines que leur visite ici n’était pas en lien avec une mauvaise malédiction. Et que surtout, ils ne risquaient pas de malheureux événement en se rendant à sa boutique. Étant donné qu’ils étaient, pour le moins, entouré d’une certaine pureté.
« Et effectivement, je suis bien la propriétaire de cette échoppe. Que puis-je faire pour vous ? »
Elle espérait que la garde n’est pas reçu de nouvelle plainte en son nom.
Ces mots lui ont été maintes fois répété par celui qui se chargeait de son éducation, de sa formation. Respecter autrui est une chose fondamentale, primordiale pour ceux qui veulent réussir. Encore plus quand vous mesurez plus d'un mètre quatre-vingt-dix, en plus de posséder une morphologie qui vous assimile à un colosse.
Cependant, Lucy est farceuse ; vous désirez uniquement ne pas passer inaperçu. Alors il sourit, autant que possible, pour que rien ne reflète ce qu'il peut réellement penser.
Elle s'exprime à son tour, tandis que le blondin continue de balayer la pièce du regard. Un quelconque indice sur le contenu des marchandises ou bien simplement savoir s'il n'y avait que des sorts morbides et autres grigris parmi les étalages.
Un bibelot attire, discrètement, son attention, au point de le voir s'approcher de ce dernier pour le saisir de sa main habillée d'un gant sans doigts. Une observation en biais se fait alors, sans pour autant être impoli.
Juste un brin curieux.
Une jeune femme dotée d'une chevelure d'ébène, dont la dégaine peut aisément faire penser à une sorcière, comme décrite dans les contes. À l'image même des rumeurs qui prolifèrent sur elle. Mais elle n'en reste pas moins humaine, et sa posture ne dégage nulle réticence, nul danger.
Bien que cette sensation persiste ; celle qui vous fait comprendre que face à vous, se trouve un potentiel danger, il ne peut s'empêcher que ce danger se manifeste que s'il y a provocation. Il suffit alors de ne pas provoquer.
▬ Difficile de ne pas connaitre cet endroit, sauf si on est sourd, n'est-ce pas ? Un léger rire alors que son corps pivote pour être face à elle, de nouveau. J'aimerais savoir si vous faites uniquement dans les malédictions ?
Son timbre de voix n'a pas changé, bien que le volume ait sensiblement baissé et son sourire demeure, bien que davantage en coin qu'élargit.
Ses yeux ne cessent de survoler le contenu du magasin, à force, il est simple d'y déceler une légère candeur. Est-ce feinté ou non ?
▬ Est-ce que vous faites dans les sortilèges ? Enchaîne-t-il, non sans poser un regard sur elle. Un sort pour retrouver quelqu'un ?
Comme tout homme, et bien qu'il ne le montre pas, Caïn a ses propres objectifs, ses propres désirs. Contre toute attente, il s'agit d'une requête pour le moins inattendue, lorsqu'on le connait. Ce qui n'était pas le cas de cette femme à la réputation bien faite.
« J’imagine que j’ai un certain succès, effectivement. »
Finit-elle par répondre, défroissant la pression qu’elle exerçait sur son propre corps.
« Hum. »
Elle réfléchit quelques instants à sa demande, comme si la sorcière n’était pas certaine de se qu’elle pouvait offrir à sa clientèle.
« La magie sous cette forme n’existe pas. »
Car le centre de son commerce était bien sur la capacité qu’on lui avait donné à sa naissance. Elle n’était sorcière que de titre, simplement parce qu’une sorcière n’est pas bonne. Qu’elle amène bien souvent chaos et discorde. Alors, bien qu’elle vendait d’autres pièces par simple principe, il ne s’agissait que de vulgaire bibelot sans le moindre sens. Ces quelques ventes étaient tournées aux clients totalement perdus qui avaient besoin de se raccrocher à quelque chose à tout prix. Parce qu’ils en avaient besoin pour se libérer, pour sortir de leur hantise ou parfois même, la paranoïa. Alors, on pouvait dire que parfois, Tala profitait des âmes les plus faibles, oui.
« Du moins, pas venant de moi. »
Mais cet homme à la chevelure blonde, à l’armure brillante ne semblait pas désespéré. Du moins, pas au point à ce qu’elle lui mente. Il n’avait pas l’air d’avoir besoin de se raccrocher à quelque chose, non, il avait plutôt besoin d’une réponse.
« Mais si vous craignez d’être retrouvé, je peux vous insuffler la solitude pour que jamais on puisse vous attraper. »
Présentez ainsi, l’offre pouvait sembler assez alléchante. Mais là était bien la supercherie de son art, Tala était là pour vendre ses services. Il n’existait aucun moyen, du moins à sa connaissance, de rompre l’une de ses malédictions. Alors, si son client avait peur d’être retrouvé par un tiers, la sorcière pouvait simplement le priver de cette inquiétude. Si la malédiction fonctionnait, jamais personne ne le retrouverait. Mais cela incluait autant les simples retrouvailles, qu’une perte dans une réelle, jusqu’aux envies les plus meurtrières. Et au bout du compte, plus personne ne serait capable de le retrouver, lui rendant ainsi complètement seule face à sa propre personne. Et un haussement d’épaule.
« Autrement, il m’est possible de trouver une victime tant que j’ai un ensemble d’informations assez… Élémentaires. Mais le prix de la commande augmente relativement, vite, que cela soit sur le temps, sachant que je ne peux pas vous donner de date précise, que sur mes potentiels frais de déplacement. »
Ce n’était pas la première fois que quelqu’un souhaitait maudire de toute son âme un tiers. Mais que le client ignorait totalement ou pouvait se trouver cette personne tant détestée. À chaque fois, cela lui faisait pousser un soupir, à la simple idée que l’on pouvait désirer punir une personne qui n’existait même pas dans notre champ de relation. Mais la sorcière ne pouvait pas vraiment juger les envies d’autrui, tant le monde était remplie d’incompréhension. Alors parfois, elle y arrivait. Cela prenait d’innombrables jours, voir même des années. Car Tala gardait toujours l’ensemble de ses commandes non réalisés au coin de sa tête, au centre de ses pensées. Certaines demandes prenaient bien plus de temps à être exécutée, car elles étaient assez spécifique. Le client qui ne se contentait pas d’un simple fait de malchance, mais souhaitait que celle-ci soit présente dans une aura constante et meurtrière. Alors, la sorcière devait tenter d’échanger le plus possible avec sa victime, parfois même, durant des années, espérant simplement qu’elle ne se doute pas de la tragédie dont elle était victime.
« Cependant, dans le cas où vous souhaitez retrouver cette personne de vous-même, je ne suis pas certaine de pouvoir vous venir en aide. »
À son grand damne. Cracher ainsi sur une somme d’argent était d’une tristesse.
C'était à prévoir et cette prévention a su le préserver d'une déception. Son regard perd un peu de lueur, mais il tente de dissimuler en feintant un intérêt quelconque pour l'objet qu'il détient. Non sans ignorer les mots de la sorcière, bien entendu. Par moment, son regard s'orientait vers elle, toujours à bonne distance de celle qu'on appelle "la maudite."
C'est une évidence même ; avant d'avoir posé pied ici, Caïn s'est renseigné sur elle. Les rumeurs vont bon train, les "on dit" notamment. Mais seule les vraies informations méritent son intérêt. Comme le fait que la demoiselle ait été aventurière, avant d'ouvrir cette boutique. Il sait également que trop la côtoyer peut lui coûter ; d'où la nécessité d'être à bonne distance d'elle, sans pour autant éviter de lui faire face. Agir avec respect, malgré tout.
Elle vient alors à expliquer une autre possibilité, cependant, le blondin ne peut qu'envisager le contre-coup d'un tel vœu. La prudence est toujours présente, un vieux sage a bien dit que le souhait n'était qu'un pâle reflet du désir...
Et encore, c'est relatif.
Il se contente alors de l'observer, droit comme un piquet, ce qui peut lui donner un air inflexible, impassible. Fort heureusement, la présence de ce sourire peut dissiper ce mal entendu. Sa présence en ces lieux n'est point motivée par des idées belliqueuses ; autant le faire savoir par cette expression si souvent utilisé pour empêcher que l'atmosphère devienne tendue.
▬ Ce n'est rien, merci de votre franchise. Il ne bouge pas, il ne s'en va pas. Votre don fonctionne sur les prédateurs ? Les animaux en général ?
Une idée vient lui traverser l'esprit, après avoir eu une pointe de compassion pour cette femme. Allez savoir pourquoi. Mais tant qu'à être là, autant ne pas terminer sur un simple renseignement basique et peut-être, envisager autre chose.
Quand bien même cette femme est connue pour apporter la malchance, cela reste un pouvoir. Quelque chose qu'elle peut contrôler, orienter si tel est son souhait. Et en soi...
▬ Je veux dire... avez-vous envisagé de mettre votre don pour la défense du royaume ?
On entre dans le vif du sujet. Enfin, le sujet qu'il aurait voulu amené dès le départ. Entre deux, trois demandes privées. Ainsi, le lieutenant patiente, fixant la jeune femme de son regard opalin.
Simple suspens sans réponse. Ses malédictions marchaient effectivement sur les animaux et les monstres qui peuplaient le royaume. Mais la sorcière avait l’impression que les effets étaient un peu plus hasardeux. Ses mots n’étaient pas obligatoirement dictés de la même façon et ils semblaient avoir moins d’effets. La malchance existait bien sur chaque être vivant, mais sans doute que la forme de son pouvoir était un peu plus compliquée que de la simple malchance. Du moins, c’était ce qu’elle avait imaginé plus jeune. Car dans le fond, ça ne l’intéressait pas plus que cela. Rare était les gens qui cherchaient à punir leur animal de compagnie.
Et elle pouffe. Ou du moins plusieurs expirations qui s’enchaînent sans réellement laisser place à autre chose. La sorcière signe de malheur et de mauvaise magie, cherchant à défendre le royaume. Bien qu’autrefois, lorsqu’elle n’arborait pas ce surnom, l’idée l’avait charmée. Aujourd’hui, c’était bien autre chose qui parcourait ses pensées.
« Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais j’ai déjà tenté d’aider le royaume. »
Tala lâcha un soupir. Un très long soupir. Comme pour supprimer tous les souvenirs qui pourraient lui revenir. Les tuer avant même qu’ils ne prennent vie dans son esprit.
« Du moins, son peuple. En rejoignant la guilde des aventuriers. Et on ne me l’a pas très bien rendu. »
Parcourue d’un frisson, elle élève l’une de ses mains qu’elle vient poser sur son bras dénudé afin de faire taire cette étrange sensation. Quant à son regard, pour la première fois, il bifurque vers le sol. Détournant le regard de l’homme qui lui faisait face.
« Lorsque le royaume sera en chute libre, qui pensez-vous que l’on accusera ? »
La sorcière hausse les épaules tandis que ses deux bras reviennent à leur position initiale, longeant son corps. Le regard reprend vit, petit à petit. Avant de se poser avec une grande froideur dans le regard bleuté de l’homme.
« Sans doute que les plus intelligents, se retourneront vers la famille royale. »
Elle s’avança au-devant de son bureau pour s’y appuyer. Le regard lourd en direction de son interlocuteur. Car le monde n’était pas très intelligent.
« Mais le bas-fond du peuple. Elle rigola. C’est chez la sorcière qu’ils iront sonner. »
Parce qu’elle serait bien toujours fautive aux yeux des gens qui la connaissait. Ça, elle en était bien certaine. Le nombre de fois où des personnes qu’elle ne connaissait ni d’Eve ni d’Adam étaient entrée dans sa boutique. L’air sombre, inquiet, mais à la fois violent. Persuadées qu’ils avaient été maudits par la sorcière dont tout le monde parlait en ville. Alors qu’au fond, elle ne les avait jamais vues. Elle n’en avait jamais entendu parler. Mais comme ils avaient perdu quelque chose, comme il avait été blessé de manière bien maladroite. Tout était rejeté sur sa personne au lieu de blâmer Lucy qui les avait abandonnés à cet instant présent. Il était si facile de condamner ce que l’on pouvait atteindre. Simple question de facilité.
« Alors venez-en au fait. »
Car de toute évidence, dès lors qu’il avait commencé à sortir ses pensées. L’homme n’était plus là pour parler affaires.
Il était déjà au courant, d'une certaine façon.
On ne peut retirer qu'un tel don peut apporter son lot de désavantages, mais bon sang ; quel don, en même temps. Le genre de don qui peut se retourner contre ses équipiers, à l'image d'une double lame aiguisée. Non, ce qui fallait avant toutes choses ; c'était la maîtrise ou bien, la volonté de la maîtrise.
Autant le peuple peut louer les bonnes actions des aventuriers, autant la plupart d'entre eux n'ont pas la discipline, ni la rigueur de l'armée.
Son regard se baisse, tandis que l'intonation de sa voix semble changée. Une pointe de sincérité ? Il l'écoute, avec attention et sans la couper. N'importe qui serait refroidi à l'idée d'être rejeté parce qu'on a voulu se rendre utile. Cependant, Caïn restait persuadé que cette femme était comme une épée, efficace et tranchante, elle a juste besoin d'une poigne ferme pour l'orienter vers l'ennemi.
Mais le bas-fond du peuple. C’est chez la sorcière qu’ils iront sonner. Voilà une preuve irréfutable de son côté lucide, chose qui confirme une pensée ; elle ne doit pas être prise pour une imbécile.
Depuis que Caïn est entré en ces lieux, rebrousser chemin ne lui a pas traversé l'esprit. Malgré le ton, malgré l'échange, il s'était préparé à ne pas flancher. Quel homme serait-il, si ça devait arriver ? Il est ici pour une raison précise, dissimulée par de multiples intentions, la plupart trop niaises, d'autres trop tranchées. Il prend une inspiration à l'entente de l'exigence de la sorcière ... et opte pour la franchise.
▬ Vous êtes redoutable. Lâche-t-il sans tact. Et je pense qu'avec une plus forte volonté, vous pourriez devenir un voile protecteur pour le royaume.
Parce que Caïn envisageait, anticipait trop tôt, trop loin, mais aucune de ses suggestions n'ont été ignorées ; pour la simple et bonne raison que c'était une possible réalité. Dans l'immédiat, tout se passe bien. Le royaume est en paix et les gens sont concentrés sur des choses triviales et sans importances.
▬ Votre don est comme un boomerang. Mal orienté, il peut blesser vos alliés. Il vous faut une motivation supplémentaire, je pense. Il s'avance vers une fenêtre, l'impact sonore entre l'acier de ses jambières et le bois du plancher est audible. Je pense que ce que c'est juste un gâchis, d'exploiter votre pouvoir ainsi. Bien que rentable.
Il s'exprime avec une voix calme et sereine, aucune agression, aucun timbre qui peut laisser sous-entendre une critique. C'est juste un constat, un fait.
Mais autant résumer la chose ainsi ;
▬ Soyez à mon service et vous aurez la reconnaissance que vous méritez. Proposition lâchée avec une légère inclinaison. Aider un lieutenant de la garde est toujours un bon garanti, vous ne croyez pas ?
Et ça commence comme ça.
Pensait-il vraiment qu’elle puisse devenir une quelconque protectrice ? Que son pouvoir ne finirait pas, tôt ou tard, par mettre le royaume à feu et à sang ? Sa capacité détrônait toute forme de morale ou de quelconque volonté. La sorcière d’autrefois qui aurait aimé maîtriser, supprimer cette partie abjecte de ce que certains pourrait prétendre être un don. Mais jamais rien, jamais rien n’en résulte, simple source de malheur ambulant dont cette bonne volonté finie par disparaître comme une feuille poussée par le vent. Alors pour toute réponse, elle expire par le nez, tel un rire furtif et sans la moindre importance. Comme ses impertinences.
« Une motivation ? »
Susurre-t-elle comme un écho lorsque le garde fini par lui tourner le dos pour s’approcher de la fenêtre. Sa sonorité vocale voilée par le bruit qu’engendre son armure. Croyait-il réellement qu’au cours de sa vie, Tala n’eut jamais été capable de vivre de motivation ? Que l’amour qu’elle portait à certaines personnes, que les missions qu’elle réussissait en compagnie de formidable être, n’étaient pas assez suffisant ? Que finalement, chacun de ses gestes, chacune de ses actions d’auparavant, n’était pas existentiel ? Essayait-il réellement de dire qu’il en savait plus, qu’il était capable de comprendre l’essence même de cette malédiction qui s’abattait sur chaque vivant.
« Et bien, vous pensez mal. »
Très mal pour ainsi dire. Il n’était ni question de volonté, ni de motivation quelconque. La source de son pouvoir était bien plus complexe que cela, bien plus incontrôlable et incompatible à la vie que toute personne souhaiterait mener.
« Ce n’est pas un boomerang, mais plus une explosion. »
Qui n’évite personne dans sa détonation.
« Une explosion qui ne peut être définie par logique ou bon sens. »
La sorcière finit par abandonner son appui, s’approchant du garde de quelques pas.
« Et quel genre de garanti me certifie votre grade, exactement ? Un léger silence que Tala récupère aussitôt pour revenir sur ses propos. Quel genre de garanti, de courte durée, m’accorderait un tel service avant que vous ne compreniez votre erreur ? »
Le contraire aurait été étonnant.
Sa réponse sonnait comme un début de négociations. D'un côté, et ce n'est pas une faute en soi ; elle-même n'a plus d'espoir. Après tout, quoi de plus normal que de perdre espoir après tout ce temps ? Rien qu'à vu d’œil, elle doit approcher de la trentaine ou peut-être est-elle dedans ? Difficile à dire, vraiment. Mais une chose était sûre, si elle était totalement fermée à cette proposition, il serait déjà dehors.
Son don est une explosion ? Même une explosion peut s'orienter et être contrôlé. Il faut bien qu'il y ait un détonateur ou un élément déclencheur, rien ne se lance "comme ça", sans justification.
Bien que ses propos ne sont pas ignorés, Caïn reste persuadé que Lucy ne lui a pas donné ce don pour juste finir ainsi. Contrôler la balance de la chance, la faire pencher dans la négativité, reste un pouvoir dangereux. En aucun cas, peu importe comment, il ne doit l'oublier. C'est possiblement l'une des clefs pour arriver à ses fins...
Mais quelles fins, justement ?
Et quel genre de garanti me certifie votre grade, exactement ? Bien que résolue, l'intérêt est présent. Bien.
Durant une poignée de secondes, le lieutenant s'est contenté d'observer la propriétaire des lieux. Quel genre de garanti ? Il y en a tellement, si on sait être éloquent, mais le plus compliqué est de savoir ce qui peut l'intéresser elle.
▬ Quand bien même vous provoquerez ma perte, le choix est mien. Il est grand, il est adulte. Il assumera contrairement à beaucoup. Dites-moi ce que vous souhaitez, cela sera plus simple.
Un rapide coup d’œil vers l'extérieur, un duo d'amis vient tout juste de passer et de jeter un regard à travers la fenêtre devant laquelle il se trouve. Fort heureusement, son accoutrement lui permet de ne pas être catalogué "garde" d'office, à la rigueur, il doit avoir l'air d'être l'un de ses clients désespérés. Il ne recule pas, sinon ses mots n'auront plus aucune valeur.
L'avantage de n'avoir que faire du jugement d'autrui, c'est qu'on est libre de tout carcan. Du moins, tant que ça reste au stade des rumeurs.
▬ Je suis actuellement Lieutenant parmi la Garde. J'ai l'intention de monter les échelons. De l'ambition, il en faut, surtout dans ce genre de milieux. Parmi mes hommes, vous ne serez pas jugée. Après, si tout se déroule comme je le pense, vous gagnerez une réputation plus ... avantageuse, je dirais.
La même intonation avec des mots moins appuyés. Il s'exprime toujours avec cette sérénité, bien qu'il soit à une distance raisonnable de son interlocutrice. D'un côté, il ne va pas subitement la coller et la brusquer... mon dieu, quelle image déconcertante.
▬ Je pars du principe qu'il doit bien exister quelque chose pour vous permettre un meilleur contrôle. Avec tout ce qui existe et est possible avec la magie... difficile d'imaginer le contraire. Il faut juste savoir quoi, et où se le procurer.
Toujours penser aux solutions, après avoir examiné le problème.
C'est l'une des clefs, va savoir si elle se laissera tenter.
« Révéler mes désirs, signifierait y faire une croix pour toujours. »
Pessimiste comme un pou au premier abord. En vérité, Tala ne se voyait simplement pas se vendre ainsi. Révéler ses souhaits était en son sens, un signe d’incompréhension. Si l’homme voulait de son aide, il devait être capable de connaître. De se renseigner sur sa personne afin de lui proposer ce qu’elle ne pourrait ô grand jamais refuser. Du moins, s’il lui était possible. Car ce que souhaitait réellement la sorcière était bien plus compliqué, bien impossible d’être offert sur un plateau et encore moins par un membre de la garde, aussi gradé qu’il puisse en être. Bien plus difficile que tout, ou d’une simplicité tellement humiliante pour un être dénué de malédiction, Tala ne souhaitant pas recevoir ce regard rond, ni ne serait-ce qu’une acceptation qui ne pourrait jamais être complétée. Car ce qu’elle aurait voulu n’était pas de bien ou de quelconque service non, être simplement acceptée comme elle ne l’avait jamais été. Et pour cela, elle n’en avait pas le moindre gage de certitude.
Alors c’est avec légèreté que la sorcière avait rigolé face aux rêves de ce garçon blond.
« Qui me certifie que vos hommes ne parleront pas de moi dans mon dos ? Une seconde de silence. Comme le font un grand nombre de mes clients, pourtant bien heureux que leur mission ait été accompli. »
En vérité, même si la sorcière semblait être ouverte à toute discussion, cela n’était pas vraiment le cas. Tala existait, écoutait, discuter. Simplement dans un but informatif, observer le point le plus intéressant, celui qui lui offrir le plus. À défaut de pouvoir guérir son cœur. C’était ainsi un fait, malgré toute sa rancœur contre l’être qui existait et qui faisait appel à sa personne malgré leur peur la plus profonde. Son âge et ses expériences lui avaient permis de gagner une sagesse existentielle.
« Si vous en êtes si persuadé, j’attendrais. Trouvez-moi donc quelque chose à me mettre sous la dent. Cette chose, qui, comme vous le dites si bien depuis tout à l’heure, me permettrait de contrôler mes malédictions. Que ce soit de fait avéré ou bien d’informations des plus croustillantes qui me permettraient d’y accéder avec simplicité. »
Elle chantonnait à moitié, retournant auprès de sa table pour exprimer une fin de négociation si jamais il ne voulait pas lui trouver de quelconques idées sur la marche à entreprendre.
« Mais avant cela, je serais toutefois ravi de répondre à vos demandes. Moyennant finances, bien entendu. »
Elle ne m’était jamais rien de côté. Un léger rire par-dessus son épaule, ses cheveux tombant sur sa figure. La sorcière s'assit sur sa chaise.
Aucune, car il n'est pas omnipotent.
Les gens vont parler, les gens vont commenter. Les gens vont même la fixer, la regarder, la juger, de même que l'homme qui a osé faire le premier pas vers elle. En plus d'avoir eu la présomption de pouvoir l'aider à contrôler son pouvoir pour l'orienter telle une arme.
Caïn en a conscience, mais il a longtemps appris à ignorer ce genre de ragots. En général, les actes et les faits suffisent pour fermer bon nombre de clapets. Cependant et encore une fois, cela est normal qu'elle soit réticente, c'était même à prévoir, mais elle n'a pas dit "non" ou bien son esprit l'a-t-il occulté volontairement ?
Si vous en êtes si persuadé, j’attendrais. Trouvez-moi donc quelque chose à me mettre sous la dent. Voilà donc sa proposition. Obtenir l'objet qui peut l'aider à avoir la main mise sur son pouvoir et - possiblement - elle pourrait envisager une éventuelle suite à cette conversation. Bien, n'oublions pas qu'elle est une commerçante, marchander est une seconde nature chez eux. Le blondin n'ignore pas les précisions de l'affaire, mais il préfère rester dans son mutisme, signe de réflexion chez lui.
Trouver un tel objet ne sera pas chose aisée et encore moins rapide. Il va falloir fouiner les ouvrages, notamment certaines histoires qui peuvent conter l'utilisation de reliques... Il doit forcément en exister. Après tout, ils ne sont pas les premiers sur ces terres et surement pas les derniers.
Aussi, pourquoi Lucy aurait donnée un tel pouvoir à cette femme, si c'est pour qu'elle finisse de la sorte ? Illogique, incohérence. Du moins, il refuse d'y croire à une telle finalité.
Mais avant cela, je serais toutefois ravi de répondre à vos demandes. Moyennant finances, bien entendu. Cette phrase a eu le mérite de lui arracher un sourire, en rien moqueur. L'assurance couplée à la nonchalance de son interlocutrice rend cette situation plus amusante que stressante. Ou alors, est-il le seul à y voir un défi personnel... Tout est possible, dans sa tête.
Il réajuste la prise de sa cape pour mieux la renouer, puis fixe Tala depuis la même distance qui la sépare d'elle et ça, depuis le début.
▬ C'est donc là notre marché. Il souhaite mettre les choses aux claires, comme LUI il l'a compris. Si je trouve un objet qui prouve la véracité de mes dires, vous acceptez ma proposition.
Peu à peu, il se dirige vers la sortie. En soi, le sujet initial a été traité, les conditions ont été posé ; nul besoin de s'éterniser entre ces murs dans l'immédiat, surtout que le temps tourne et que le crépuscule ne va pas tarder à montrer le bout de son nez.
▬ Je suis actuellement Lieutenant parmi la Garde. J'ai l'intention de monter les échelons. De l'ambition, il en faut, surtout dans ce genre de milieux. Parmi mes hommes, vous ne serez pas jugée. Après, si tout se déroule comme je le pense, vous gagnerez une réputation plus ... avantageuse, je dirais.
La même intonation avec des mots moins appuyés. Il s'exprime toujours avec cette sérénité, bien qu'il soit à une distance raisonnable de son interlocutrice. D'un côté, il ne va pas subitement la coller et la brusquer... mon dieu, quelle image déconcertante.
▬ Pour l'heure, je n'ai point de demande qui puisse remplir votre bourse. Il incline le chef dans une brève courbette polie. Et je saurais où vous trouver, si jamais.
La porte s'ouvre, tandis qu'il sort d'un pas, puis d'un second ; sans remettre sa capuche. Peut-être pour prouver qu'il n'a aucune honte ?
▬ Prenez soin de vous d'ici là.
Sur ces mots, le gaillard quitte alors la boutique et referme la porte derrière lui. Bien qu'en soi, il est fort possible que les mots de la demoiselle aient été interprété à sa sauce... son objectif pour obtenir son aide est de trouver un objet, l'acquérir d'une quelconque manière.
D'une quelconque façon.
- HRP:
- Coucou ! C'est mon dernier poste pour ce rp, je commence à avoir pas mal d'occupations - et donc moins de temps - + Caïn sait "quoi faire" à présent ! Je te recontacterai quand il aura trouvé quelque chose du coup o\ ! Je suis désolé du temps d'attente D: tu peux clôturer le rp si tu veux ! Et je te dis merci pour ce rp !
« De même. »
Répondit-elle par simple politesse, sans la moindre pensée. Il était bien rare qu’une personne qui convoitait sa personne remette un jour les pieds chez elle. Non pas par malchance, mais bien parce que le temps passé en extérieur à tenter de comprendre leur était suffisant pour se remettre de face à la véracité de leur demande. Pourtant, aussi étrange que cela puisse paraître, Tala garda son visage en mémoire. Lui dont l’aplomb semblait si présent, dont l’assurance était présente. Peut-être que ce lieutenant à l’ambition folle pouvait arriver à ses fins. Haussement d’épaule lorsque la sorcière se retrouve de nouveau seule dans son échoppe. Tirée d’un soupir, elle se lève pour retourner dans son arrière-boutique et continue son rangement jusqu’à l’arrivée d’un nouveau venu.
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