"Alors c'est un accord, mon amie. J'irais avec vous là-bas, et bien sûr, si je peux faire quelque chose pour vous en plus, il ne faudra pas hésiter à m'en faire part." Keith se mit alors à réfléchir, s'il devait lui présenter en amont Mysora ou non. Mais bien vite ses pensées furent dissipées par une gorgée de whisky, où il se dit qu'il profitera justement de l'occasion pour lui parler d'elle. "Je n'en doute nullement aussi, Queen. Cette collaboration portera de merveilleux fruits par la suite !"
Veriano fit tourner le magnifique liquide à la couleur ambrée dans son verre, le fixant un peu avant d'en reprendre une lampée. Le précieux alcool alimenta son corps, et un frisson bienvenu le secoua brièvement. Puis, il posa le verre à côté et remarqua que son invitée avait fait de même.
"Je vois que vous avez toujours une aussi belle descente, ma chère !"
- Excusez moi Keith, j’ai tendance à boire rapidement lorsque je suis pensive. J’y ferais plus attention. Et elle avala une gorgée, plus légère cette fois, comme pour lui prouver qu’elle n’était pas un puits sans fond. - Et puis c’est la faute de vos alcools. Ils sont bons, il serait triste de ne pas y goûter avec envie ! Elle s’assit ensuite à ses côtés sur le canapé, tout en faisant tourner le liquide dans le verre à son tour. - Mh… Je n’ai pour l’instant rien de bien intéressant à vous demander mais je vous assure que je n’oublie pas cette proposition généreuse. Cela pourra m’être utile à un moment où a un autre. Il en va de même pour vous évidemment. Je me demandais d’ailleurs, si éventuellement, vous auriez des personnalités qu’il vous plairait de rencontrer. J’ai évidemment quelques noms en tête mais je suis certaine qu’il y a bien plus de gens que ça qui peuvent vous aider à hisser votre entreprise. N’hésitez pas à m’en faire part. Je verrais ce que je peux faire.
Queen se tourna ensuite vers lui avec un sourire qui l’invitait à la confidence. Oui, qui diantre le jeune héritier voulait-il voir tomber dans ses filets ?
"Je suis ravi de vous l'entendre dire, Queen. Si mes breuvages vous sont aussi agréables, il ne faudra pas hésiter à venir en essayer plus souvent. Votre compagnie transforme chacun de ces arômes en de délicieuses notes qui parfument mes sens." Il reprit une gorgée pour ponctuer sa phrase, et la laissant parler, il reprit à sa suite, naturellement. "Des gens qui me seraient profitables dans vos contacts, laissez moi y réfléchir un instant."
Côte à côte, assis sur le divan blanc, Keith s'absenta dans ses pensées quelques secondes. Il avait déjà prévu des gens qu'il serait utile de rencontrer. Avec qui négocier, parlementer ou se confronter serait un point positif pour lui ou son entreprise. Se réajustant sur le canapé, il se tourna davantage vers son invitée.
"Plusieurs individus me seraient avantageuses. Et pour être honnête avec vous, je m'intéresse de plus en plus à la politique, ces temps-ci. Mon pouvoir est financier. C'est une chose. J'ai aussi une belle publicité qui accompagne mon nom, et il est ardu d'être dans les rues de la Capitale sans entendre Veriano au moins une fois. Désormais, je souhaite m'étendre en politique. Je n'y songeais pas véritablement avant, mais votre rencontre et votre appui pourraient être des bienfaits pour moi, que je saurais vous rendre, il va de soi. Je chercherais ainsi des personnes capables de me faire de moi et de mon entreprise... Des pôles marquants, des acteurs économiques et influents. Et si en plus vous ne les aimez pas... Je suis prompt à vous rendre service en les supplantant."
Son sourire se fit moins doux, l'ambition se dessinait sur son visage, et ce n'était pas un aspect de sa personnalité qu'il souhaitait cacher à son amie.
Les paroles qui suivirent… Elle ne s’y attendait pas. Évidemment elle avait remarqué au premier coup d’œil que Keith ne manquait pas d’ambition mais de là à ce qu’il se propose pour écarter ceux qui faisaient de l’ombre à Queen… Ce n’était pas pour lui déplaire de toute façon… Sauf si le jeune homme décidait de se lancer pleinement dans la politique et qu’à son tour il lui prenait la place qu’elle convoitait.
Lorsqu’il se tut, la trésorière ne reprit pas la parole. Elle se contentait d’observer le visage de son vis-a-vis tout en faisant tourner le liquide dans son verre avec lenteur. Quel comportement était-il bon d’adopter ? Quelles réponses pouvaient convenir ? Finalement, elle se redressa dans le canapé afin de se tenir plus droite et brisa le silence.
- Et bien… Je pense pouvoir vous présenter les personnes que vous souhaitez. Du moins, une grande partie. Le reste vous pourrez l’obtenir grâce aux personnalités que vous allez rencontrer. Concernant… Vos services… Je dois dire qu’ils ne me sont pas désagréable. Mais avant toutes choses je dois vous poser une question. Que convoitez vous réellement au sein du gouvernement ? Cela se résume uniquement à votre entreprise ou vous visez une place… Plus influente, plus… Haut placée ? Une véritable place comme celle que j’occupe, par exemple. A son tour elle abandonna son air joyeux pour le scruter. C’était peut-être là, l’aube d’une nouvelle guerre comme elle en menait déjà une contre la Du Lys. Dans le fond, elle n’espérait pas qu'il s'essaye à usurper la place de premier ministre, il était l’une des rares personnes à ne pas l’insupporter et elle voulait continuer à le fréquenter quelques temps.
Il lui sourit d'un air entendu, et lui laissa le temps de la réflexion. Visiblement, elle devenait plus sérieuse au fur et à mesure de ses pensées, et elle prit un air qui plaisait au jeune homme. Face à lui, ce n'était plus une simple amie à qui il faisait un brin de causette, mais une femme qui cherchait à tirer son épingle du jeu. Après tout, la politique, le commerce, ou tout ce qui demandait de l'ambition exigeait d'écraser ses ennemis. On ne grimper pas l'échelle sociale en faisant des cadeaux. À titre personnel, Keith avait fait tuer, torturer, voler, falsifier, ternir tant de gens, documents et réputations qu'il était presque risible de le voir agir pour le bien commun. Certes, la majorité de ces gens méritaient un tel sort, en souhaitant exploiter autrui pour de petits profits. Des économies de bouts de chandelle ! Ils étaient si heureux de leur petit confort qu'ils ne prenaient aucun risque et surtout, ils avaient bâti leur plaisir égoïste sur le malheur d'autrui. Et cela, Keith le condamnait.
Enfin, la trésorière parla. Ses lèvres s'agitèrent pour laisser passer un discours prudent. L'héritier Veriano salua intérieurement à la fois sa curiosité et sa prudence lors de cet échange. Toujours son verre à la main, il en fit tourner le contenu un bref instant, avant de poser le contenant sur sa propre cuisse.
"Pour être franc, je ne convoite aucune place au gouvernement. Je veux avoir un impact décisionnaire sur la politique. Mes intérêts, et ceux d'autres personnes, pourraient être représentés face au peuple et au gouvernement. Favoriser mes activités et mes intérêts seraient mes let-motivs au sein de la politique. Bien que mes intérêts, je pense que vous les connaissiez déjà. Je ne me vois pas derrière un bureau du gouvernement à gérer des affaires courantes sans aucun contact avec le peuple ou les décisions que je prends. Non, ce n'est pas mon intention." Il se remit à sourire avec douceur, presque mélancolie, et reprit une gorgée. "Queen, ce que je vise n'est pas la politique, ce n'est qu'un outil. Mais un outil puissant. Mais une alliance politique publique entre vous et moi pourrait nous être bénéfique. Vous perdez des opposants, vous gagnez un allié puissant hors des murs du palais. En somme, je veux former un contre-pouvoir. Rien qui puisse attenter à la sécurité du Royaume ou faire de l'ombre, je vous rassure. Je souhaite seulement rallier l'opinion publique à mes intérêts. Développer mon entreprise et investir dans ce qui me plaît. Pourriez-vous faire cela, pensez-vous ?"
Il espérait ne pas avoir perdu son amie dans son flot de paroles. Sans parler de la convaincre, connaissant son aversion pour le peuple, il imaginait bien un accord de bons procédés ici. Être de chaque côté du miroir leur serait avantageux à tous les deux, et Keith savait comment utiliser une telle influence à profit. Elle en avait au sein du gouvernement, et lui auprès du peuple. Un arrangement parfait.
Ce que proposa ensuite Keith la laissa muette, elle l’écoutait et comprenait parfaitement l’idée du concept qu’il avait en tête. Elle l’approuva même d’un hochement de tête. Leurs familles étaient toutes deux puissantes et bien que les Milan mettent un point d’honneur à toujours être en tête, les Veriano étaient entrain de leur coller sérieusement au train. Plutôt que de s’en faire des ennemis, souder ces deux familles ne pourrait être qu’un atout. Pour les uns comme pour les autres. Elle n’y avait pas pensé plus tôt, mais il était clair que cela était une idée à ne pas négliger. De plus, même si Keith ne voulait pas faire d’ombre à la couronne, Queen si et une telle alliance ne ferait que renforcer la puissance des siens. Le pour et le contre n’avaient même pas besoin d’être pesés. Cependant, une question continuait de lui traverser l’esprit et elle ne peut s’empêcher de la poser.
- Je pourrais. Sans difficulté. Mais je me dois de vous demander avant toute chose… Quelle genre d’alliance envisagez vous exactement ? Je ne peux m’engager dans quelques choses sans en connaître tout les tenants et les aboutissants. Après cela, nous pourrons lever nos verres à nos projets. Qui seront à n’en point douter… Jalousé par nos paires. Et juste imaginer la tête que cela soit d’Haru ou des autres nobles qui gravitaient dans leur sphère mensongère, lui arracha un frisson irrésistible. Un sourire aux lèvres, elle termina son verre tout en attendant la réponse du Veriano.
Cet idéalisme presque puéril contrasta alors subitement avec le reste de sa proposition. Celle d'évincer, de discréditer les opposants de la Dame. Obtenir des faveurs étaient une chose, mais moins il y avait de personnes influentes pour comploter ou collaborer contre soi, et mieux cela vaudrait pour leur association future. Il n'avait pas encore envisagé la solution à laquelle il recourrait quand il devait traiter avec des gens pour le moins incivilisés. Il est encore trop tôt pour parler de cela avec elle. Cependant, elle demanda alors plus d'informations sur ce qu'avait en tête Keith. Lui-même, n'avait pas mis un nom à proprement parlé sur le concept d'alliance qu'il envisageait avec Queen. Gardant son verre bien en main sans se laisser distraire par son contenu, le jeune héritier fixa ses yeux d'un bleu profond, et fini alors par répondre.
"Je pensais à une sorte de... Pacte d'amitié. Notre alliance, quels qu'en soient les tenants, ne doit pas être freinée par une absence de nom. Ma chère Queen, je souhaite unir les talents de votre maison à la mienne par ce biais. Nos influences, fortunes et savoir-faire seront de redoutables atouts qui nous propulseront plus loin encore. Cela vous suffirait-il pour l'heure ?"
Le sourire du jeune homme était moins présent. Pas par manque de volonté, mais car il était en train de jouer gros, et qu'il prenait la situation avec un profond sérieux qui accaparait tous ses moyens. Il se retenait de laisser transparaître plus de nervosité que nécessaire - qui ne le serait pas en cet instant ? Même si Veriano commençait à être un nom ancré dans le paysage culturel, il ne devait relâcher aucun effort pour améliorer son statut, trouver de nouveaux contacts ou encore forger des alliances aussi puissantes que respectables.
Queen aimait innover et surtout elle avait pu constater que dénigrer ses paires ne l’aidait pas à augmenter sa puissance. Alors si elle enfreignait cette règle tacite et acceptait l’accord de Keith, peut-être que cela servirait sa cause. Ou la desservirait. C’était un peu comme au poker, elle jouait gros sans savoir ce que le joueur en face comptait faire de ses cartes. Ses yeux se plissèrent alors que les flammes orangées se reflétaient dedans. Que faire ? Tic tac tic tac. Il n’attendra pas éternellement. - J’accepte. Trancha-t-elle durement en redressant enfin ses épaules, ses iris se ravivant au même moment. - Néanmoins, vous passez cet accord avec moi. Pas avec le reste des Milan. Ma famille et leur fortune, ne seront pour l’instant pas concernés par cela à moins que je ne vienne à le décider. Cela pourra se faire par la suite mais tant que je n’en ait pas discuté avec notre mère, cet accord ne se résumera qu’à nous seul. Cela vous convient-il toujours ? Finit de rire et de s’amuser, pour l’heure, ils étaient deux ambitieux cherchant la meilleure façon de se propulser toujours plus haut en y laissant le moins de plumes possible. Comme pour se donner du courage -rien qu'imaginer la réaction de sa mère lui hérissait déjà le poil- elle termina son verre d'une traite puis tourna la tête afin de croiser le regard de Keith où elle se laissa happer l'espace d'un instant.
"Mais enfin mon amie, ce n'est bien qu'avec vous que je souhaitais engager une alliance. Votre poids politique à lui seul est une valeur sûre. Je ne me montrerais pas trop gourmand à votre encontre." Du moins pour l'heure. À peine eut-elle dit qu'elle acceptait sa proposition qu'il s'imaginait comment arranger la situation déjà avantageuse de Queen pour à son tour en tirer parti. "Je vous laisserai le temps et le loisir d'en parlementer avec votre mère. En attendant, levons nos verres !"
Et il ne fallut pas longtemps à la Dame pour descendre le liquide ambrée. Il en avait côtoyé des alcooliques, mais aucun ne cherchait à s'injecter aussi vite de l'éthanol dans les veines de la sorte ! Visiblement, quelque chose la troublait. L'accord en lui-même ? Sa mère ? Il ne saurait le dire, donc il jugea plus judicieux d'attendre en silence, buvant le fond de son breuvage à son tour.
Keith saisit le verre de Queen et posa les deux récipients sur la table basse. Il attrapa la main de la Dame avec délicatesse, sans exagération, la blonde n'étant pas une poupée à protéger. Puis il la serra chaudement dans les siennes, une nouvelle fois.
"Ainsi Queen, ma chère, j'espère que notre partenariat nous comblera tous les deux en affaires. J'entends bien tenir tous mes engagements à votre personne et nous apporter l'aide nécessaire à la réalisation de nos projets respectifs. Sachez que dorénavant, vous pourrez user invoquer le nom de Veriano comme celui d'un ami proche et loyal."
Son sourire se réchauffa à la perspective de cet accord formulé. Bien sûr, rien d'officiel ne les liait, et il subsistera toujours ainsi un doute entre eux. Mais Keith ne comptait pas lâcher un semblable aussi précieux que Queen à ses côtés. Et ce malgré leurs divergences politiques marquantes.
Keith reprit la parole et Queen lui apporta toute son attention avant de sourire avec plus de franchise. - Il en va de même pour vous, Keith. Je vous offrirais le soutient promis et tiendrait mes promesses. Au delà de ce que colporte le petit peuple à mon sujet, j’ai toujours tenu parole. Vous pouvez également disposer de mon nom, bien que je ne sois pas certaine que cela soit une bonne idée. Elle ne put retenir un petit rire. Queen ne se voilait plus la face depuis longtemps, le nom des Milan n’était pas à sortir à toutes les sauces. Certaines personnes pouvaient se montrer craintives et obtempérer plus facilement alors que d’autre étaient tout de suite hostile à l’entente de ce nom. Si avec les années, Queen savait à qui où non elle devait l’adresser, il n’en était pas encore de même pour le jeune Veriano, aussi, elle préféra le mettre en garde. - Ah aussi, tant que cette affaire ne concerne que moi, ma mère n’a aucune besoin d’en être informée. Et il ne valait mieux pas de toute façon, cela aurait sans doute mené a des débats houleux.
Par hasard, les yeux de la noble se posèrent sur une horloge qui se trouvait là puis sur l’extérieur. D’un geste lent, elle se redressa puis se leva. - Je vous remercie chaudement pour cette soirée, j’espère un jour pouvoir vous rendre la pareille, malheureusement il se fait tard. Et connaissant Alphonse comme je le connais, il doit avoir fait tant de fois les cent pas qu’un sillon se créé dans mon salon. Je vais donc rentrer si vous n’y voyait pas d’inconvennient. Elle lui sourit à nouveau et se dirigea vers la cape qu’elle avait abandonné une fois de retour de leur sortie. Elle l’enfila rapidement et attendit que Keith se propose de la raccompagner pour se laisser escorter. Son avenir promettait de devenir bien plus amusant.
Keith regarda avec chaleur son amie, conscient de ce qu'il pouvait obtenir grâce à elle. Sa rencontre faisait chaud au cœur de l'entrepreneur, qui appréciait les qualités de la jeune femme, ainsi que les atouts qu'elle pouvait lui apporter. Et ce qu'il donnait en échange... C'était un marché avantageux pour lui, à n'en pas douter. Il était juste surprit qu'il écarte sa mère aussi promptement. Elle insistait beaucoup sur elle-même et se dissociait du reste de sa famille. N'étant pas un grand amateur de ragots, il n'était pas au courant de tout ce qu'il se passait dans le Royaume, il préférait largement le travail fiable de quelques espions, comme Mysora. Les bruits de couloir des Milan ne lui étaient point parvenu, mais cela l'intriguait depuis sa rencontre avec Queen.
"Très bien, ma chère, je comprends bien que notre association ne regarde que nous deux, et non nos familles.." Puis, elle se leva. Keith l'imita, et l'accompagna jusqu'à l'entrée de son manoir, où le carrosse attendait sa maîtresse. "Je vous souhaite un bon retour et je vous reverrai au bal du palais, alors. Au revoir, Queen."
Keith se permit d'attraper la main de son amie pour y déposer un baiser sur le dos, et la laissa filer. Le temps qu'elle rejoigne le véhicule, il usa de son pouvoir pour l'englober d'une douce sensation de chaud, qu'il diminua peu à peu, jusqu'à ce qu'elle sorte de sa propriété.
Oh oui. Tout se rassemble.
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