Répugnant, atroce, dégueulasse, nauséabond, odieux, infect, révoltant, répugnant, et bien d'autres mots encore allaient décrire le boulot d'Astrid aujourd'hui. Tout en marchant dans les rues toujours aussi bondées de la capitale sous un soleil de plomb qui ne donnait qu'une seule envie, celle de rentrer chez soi pour manger une glace, elle se dit que peut-être, elle n'aurait pas dû accepter le travail à venir car il serait horrible et elle devrait se salir les mains pour empocher l'argent. Un travail si écœurant et si abject que le commanditaire n'avait pas trouvé d'autres personnes et était prêt à payer une petite fortune pour que ce soit fait par des mains professionnelles et dans la plus grande discrétion. Et de toute la capitale, il n'y avait pas plus professionnel que la citoyenne pour faire le tout rapidement, efficacement, et sans bavure. D'ici le début de la soirée, il ne resterait absolument rien de sa victime et elle aurait besoin d'un bon bain.

Mais dans sa lourde tâche, elle ne serait cette fois pas seule à porter le fardeau de la responsabilité et du choix moral qui allait s'offrir à la jeune femme. À côté d'elle, légèrement en retrait, marchait une jeune femme aux cheveux roses et à la peau presque aussi blanche que les cheveux de la femme à tout faire. La timide, bien trop timide Zilith était la nouvelle collègue d'Astrid et également sa nouvelle colocataire. Pauvre jeune femme avec des cornes, diraient certains qui connaissaient la citoyenne et ses mœurs. Car la petite maison dans laquelle elles vivaient  n'était pas bien grande, souvent mal rangée, servait également de bureau pour accueillir les clients, et était en plus le refuge de 5 familiers qui avaient sans mal adoptés la jeune fille et qui l'adoraient.
L'avantage de vivre avec Astrid cela dit, c'était qu'elle ne rentrait que tard le soir et parfois pas du tout après une bonne cuite, donc Zilith avait au moins la maison pour elle, même si la femme aux cheveux blanc l'harcelait souvent pour l'accompagner :  « Tu verrass, l'alcool ça rend moins timide ! ».  Est-ce qu'elle se conduisait de façon totalement beauf avec la noble d'ailleurs ? Totalement, il fallait dire qu'elle était mignonne ! Mais la dépravée n'était pas du genre à forcer, surtout quand ça habitait en coloc...Et puis, elle était contente d'aider son prochain, surtout les jeunes voulant voler de leurs propres ailes.

-Alors Zilith ? T'as lu le dernier livre illustré « Le chevalier vampire » ? Oh, et j'ai mis sous ton lit quelques livres imagés olé olé pour si jamais tu t'ennuies à la maison seule, huéhuéhué. Tu me remercieras plus tard !

Petit clin d’œil et tirage de langue qui se voulaient complice.
Sans gêne, sans embarras, agissant de manière trop familière à chaque fois même si elles ne se connaissaient pas si bien que ça, Astrid était la pire ennemie de toute personne introvertie et le savait bien. Ça la faisait doucement rire et lui donnait surtout envie de les taquiner davantage. Mais elle devait encore voir Zilith péter un plomb et l'insulter. Ce moment-là serait mémorable...et ce moment serait peut-être aujourd'hui.
Durant tout le reste du trajet, la pipelette raconta diverses anecdotes et blagues débiles avec un tel talent qu'elle aurait donné l'impression d'avoir ralenti le temps, chaque seconde devenant une heure de pure torture. Mais chaque chose avait une fin, aussi elles arrivèrent finalement devant une taverne dans un coin miteux de la capitale, et dans un grand fracas, la farceuse ouvrit la porte pour s'exclamer avec sa bonne humeur habituelle :

-BJOOOOOOOOOOOUR ! Astrid est dans la place ! Et quand elle est dans la place, ça passe ou ça casse !

…
D'habitude elle aurait été accueillie par des exclamations et des rires (non), mais cette fois, elle n'eut le droit qu'à un reniflement moqueur du tavernier derrière le comptoir, le reste de la taverne étant pour l'instant vide. Un brave homme dans la cinquantaine à la carrure aussi imposante que son crâne était dégarni. On aurait pu croire à un sourire soulagé de voir les travailleuses enfin là, mais au lieu de ça...il avait l'air énervé. Son regard perçant se figea sur Astrid et il alla même jusqu'à cracher sur le sol.
Avec un sourire forcé, la citoyenne fit quelques pas en arrière et se cacha derrière sa partenaire :

-Kyaaaa Zilith sauve moi ! Il m'en veut encore il m'en veut encore…Tu veux bien confirmer avec lui les termes du contrat d'aujourd'hui ? J'suis sûre qu'il sera moins en colère contre une femme aussi mignonne et innocente que toi ! Elle rajouta plus bas en faisant la moue : Probablement….Puis s'il est vraiment pas content j'lui mettrai une balayette puis voilà….gros con….

Eeeh, elle avait donc remis les livres porno dans la commode huh. Astrid devrait trouver une autre farce pour l’embarrasser, ce qui ne serait pas une tâche difficile heh. Car oui, vivre avec elle pouvait être fatiguant et éprouvant, et Zilith n'était clairement pas au bout de ses surprises. Cela dit, il faudrait quand même que la citoyenne évite de TROP la traumatiser…
Bah, elle verrait bien.  
Parlant de traumatiser, cette expérience allait sûrement l'être pour la pauvre noble, de bien des manières. Déjà, elle semblait tétanisée en face du tavernier qui fronça les sourcils de plus en plus en voyant les deux clowns avec qui il avait affaire. Une chieuse et une peureuse, en voilà un bon duo ! Pour tenter de rassurer la jeune femme aux cheveux roses, la citoyenne lui tapota les épaules comme si elle la préparait à un match de boxe :

-Voyons, détends toi, tu peux le faire petite ! Et faut pas dire ça Zilith. C'pas parce qu'il est moche qu'il est terrifiant, c'est pas gentil, héhé. Sache juste que je lui ai rien fait. Juste que euh… petit moment d'hésitation…. comment t'annoncer que...le travail qu'on a aujourd'hui a été causé par moi ...en partie…

-Comment ça en partie ?! S'insurgea l'homme en tapant violemment du poing le comptoir.

-Allez Raph', t'sais très bien que….

Avant de pouvoir terminer sa phrase, sa nouvelle collègue se dirigea droit vers les chiottes sans un regard en arrière. Étonnée de la voir prendre les devants, la citoyenne resta plantée sur place en tendant vainement la main :

-Eeeeeeh, attends ma ptite, tu devrais….

Mais trop tard. Le mal était déjà fait. Tout d'abord un cri, puis un dégueulage dans les règles de l'art. À la vue de tout ça, le tavernier se frappa le visage avec la paume de sa main, totalement consterné et se demandant pourquoi il les avait engagées tandis qu'Astrid fit une petite grimace. Pas pour le vomi comme on aurait pu le croire, mais pour pour le « Mademoiselle Astrid » qui la fit tiquer. La gamine était bien trop polie pour son propre bien, et ça gênait un peu la citoyenne de se faire appeler « Mademoiselle » ou « Madame Astrid ». Quant au petit déjeuner qui était désormais par terre, la femme à tout faire mit ça sur le compte d'une noble qui n'avait jamais connu la dure réalité du bas peuple et des tavernes.
Avec un petit soupire exaspéré, la citoyenne alla chercher un verre d'eau. Elle s'approcha ensuite de sa collègue et s'agenouilla près d'elle pour lui donner le verre et lui caresser délicatement le dos dans le but de la calmer et faire passer le sentiment du après-vomi qu'elle connaissait si bien.

-Allez allez, bois ça et du calme. Elle lui caressa une dernière fois le dos et alla ouvrir la porte des toilettes. Ça doit pas être si terr….

Aussitôt ouverte, aussitôt refermée à la vitesse du son dans un grand claquement qui résonna dans toute la taverne. La femme aux cheveux blancs eut une soudaine nausée et plaça sa main devant sa bouche par réflexe. Elle était une vétérane, elle n'allait pas vomir pour si peu…. !
Toutefois, quand son regard tomba sur le vomi de Zilith…fatalement…réaction en chaine....

-Buuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuurp !

Elle aussi, venait de perdre tout son petit-déjeuner. Mais au moins, elle eut la décence de vomir loin de Zilith même si elle n'avait pas été parfaitement à l’abri de quelques éclaboussures.

-J'pensais….pas que le laxatif aurait été aussi puissant. Réussit-elle à avouer au patron qui serra les dents, se contrôlant tout juste pour ne pas la tuer sur place. C'est vraiment de la merde hein ? Pfffff...héhéhé…..

Car oui, tout était la faute d'Astrid. La veille, elle avait fait une farce débile à des gens qu'elle n'aimait pas et, mesquine et en parfaite connasse, elle avait utilisé un laxatif pour les faire chier, figurativement comme littéralement. Les toilettes du coin n'étaient déjà pas bien propres et bien sales, alors avec ça en prime….il n'était pas étrange que le patron soit tant sur les nerfs, car il allait payer la personne responsable de ses emmerdes.

-C'qui celle-là ? Finit-il par demander en se calmant, même si une veine au niveau de ses tempes était clairement prête à exploser.

En se nettoyant la bouche avec la manche de sa veste, la citoyenne répondit en déglutissant difficilement :

-Euh...Zilith, ma nouvelle collègue, et une pote.

Astrid considérait tout le monde comme des amis. Plus ou moins. Notamment les personnes qu'elle taquinait et qui la supportaient. Même le tavernier était son ami!
Avec un reniflement de dédain, ceui-ci sortit de sous son comptoir du matériel et se dirigea vers la sortie :

-Elle a vraiment pas de bol ou elle est complètement tarée pour devoir bosser avec toi. Bah. Vous avez intérêt à nettoyer les chiottes et la chambre à l'étage qui a été salement ravagée aussi, et ce avant que je revienne...Sinon…

Il n'eut pas besoin de finir, car le geste laissait peu de place à l'imagination. Un pouce longeant la gorge qui signifiait « vous êtes morts ». Hé bien, Astrid était décidément très aimée dans le coin.

-Bah, t'inquiète pas. Dit cette dernière à sa collègue une fois que l'homme quitta les lieux. Il a l'air méchant mais c'pas un mauvais bougre, sinon il nous aurait pas engagé….je crois…

Reprenant sa contenance, elle se plaça face à son amie et la regarda droit dans les yeux. Avec un sourire narquois, elle commença à lui tirer les joues et joua avec l’élasticité de sa peau :

-Combien de fois je t'ai dit de m'appeler Astrid tout court ! Ou grognasse, connasse, ou tout ce que tu veux d'autre ! Au moins, j'y suis plus habituée ! Une fois que tu te sentiras mieux, va te préparer, parce qu'on a de la merde sur la planche !

Balais, seaux d'eau, serpillières, éponges, gants, masques, tabliers, brosses pour récurer...Le patron avait pensé à tout le matériel pour mener à bien le travail. Et il avait même pensé au pince nez pour l'odeur ! S'il n'était pas attentionné !

Répondre non à la question de Zilith sur l'implication de la citoyenne dans tout ce bordel aurait été osé, surtout quand on la connaissait assez bien. En réalité, passer ne serait-ce qu'un jour, qu'une heure même avec elle était suffisant pour savoir qu'elle était à l'origine de toutes les emmerdes possibles et imaginables dans la capitale et que chaque accusation contre elle était fondée, qu'elle s'en souvienne ou non, que ce soit voulu ou non. Mais au moins, il était difficile de s'ennuyer avec elle.

-Si tu te sens bien tant mieux. Dit la vieille-jeune femme en lui tapotant l'épaule. Au moins, tu n'as plus rien à vomir, et moi non plus, haha. Même si ça nous rajoute un peu de boulot.  Petit regard dépité vers leur petit-déjeuner qu'elles avaient régurgités.

Bien. Il était désormais temps de se préparer, car les jeunes travailleuses étaient en guerre.

-Nous sommes en guerre. Déclara t-elle solennellement.

Une guerre qui n'était pas gagnée d'avance, qui semblait désespérée, qui serait sale, qui serait éprouvant physiquement et émotionnellement, et qui surtout, nécessitait un équipement et une préparation méticuleuse. Ce n'était pas la première fois d'Astrid, aussi elle ne prit pas longtemps pour enfiler tout ce qui était nécessaire, se couvrant de la tête aux pieds. Une combinaison de protection nucléaire n'aurait pas été de trop, mais c'était bien trop avancé technologiquement, comme les caméras apparemment...Tch.

Une nouvelle fois, la jeune femme aux cheveux roses appela Astrid « Mademoiselle », ce qui fit encore tiquer cette dernière. Il fallait vraiment qu'elle arrête avec ça nom de Lucy ! Tout en agitant ses doigts d'une manière menaçante pour rappeler à Zilith la petite torture précédente, la citoyenne lui dit avec son éternel sourire moqueur :

-T'as tant envie que ça que je te tire les joues pour l'avoir pensé à voix haute ? Ou que je pince tes jolies fesses ? Heh.

Mais avant qu'elle puise lui mettre la main dessus, la noble rejoignit les chiottes avant de ressortir une nouvelle fois. Est-ce qu'elle allait vomir une nouvelle fois… ? Par précaution, Astrid fit un pas en arrière. Inutile au final, car bien qu'elle semblait au bord du gouffre avec cette épreuve, elle demanda tout de même les étapes à suivre pour gagner cette guerre.

-On va d'abord s'occuper du plus gros avec les serpillières et les seaux d'eau. Puis on fera du travail de précision avec les éponges et les brosses. Petite pause pour chercher une serpillière, puis elle continua en ébouriffant les cheveux de sa camarade : Et t'es trop jeune pour mourir ! T'as toute la vie devant toi encore ! Quand t'es au fond du gouffre, tu ne peux que grimper, heh.

Des paroles qui pouvaient sembler incongrues venant d'une personne ayant pourtant le même âge. Physiquement du moins. Mentalement, Astrid avait dans les 84 ans.
…
Enlevez le 4, et vous avez son réel âge mental.

Une fois à l'intérieur des chiottes, la vision d'horreur qu'Astrid avait entre-aperçue tout à l'heure se confirma dans toute son horrible splendeur, si bien qu'elle eut un nouveau haut-le-cœur malgré sa perte de l'odorat. Déjà, ce n'était pas des chiottes minuscules avec seulement un siège, mais une salle avec 3 cabinets et des urinoirs pour que de multiples personnes viennent faire leur besoin en même temps.
….
Et c'était probablement ce qui s'était passé hier. Plusieurs personnes se précipitant aux chiottes pour faire leurs besoins, mais sans pouvoir se retenir et avec seulement 3 cabines de disponibles….

-Hé bah putain de merde... Lâcha t-elle en restant bouche bée. Comment…. ?

Sur le sol, sur les murs, sur le plafond, dans les urinoirs, sur les portes des cabinets, sur les lavabos qui servaient à se laver les mains, même sur les miroirs…..Partout. Absolument partout. De la merde, dure, molle, liquide, avec parfois de la trace de pisse et du vomi.

- « Aidez-moi »… ?  Réussit-elle à lire sur l'un des murs. « Je souffre » « Astrid t'es morte »….Ooooooooook. J'y suis ptet allée un peu fort hier…

Il ne manquait plus que la lumière s'éteigne et se rallume en boucle et de remplacer la merde par du sang pour que cela devienne un réelle scène d'horreur. C'était bien la première fois que la femme aux cheveux blancs avait affaire à ce genre de boulot, et elle comprit également pourquoi personne n'avait voulu le faire et pourquoi c'était si chèrement payé.
Est-ce qu'avec sa super vitesse elle aurait pu tout nettoyer seule en 5 secondes ? Probablement. Mais c'était toujours plus agréable de bosser à plusieurs, car ça créait des souvenirs inoubliables (pour sûr, la noble n'oublierait pas cette expérience de sitôt), et ça resserrait les liens.
En parlant de resserrer des liens….

-Zilith, tu devraiiis vraiiiimment arrêter de m'appeler mademoiselle, ça crée une certaine distance j'trouve. J'suis ta collègue et non ta patronne, donc on est sur un pied d'égalité. Et on est amies non ? Ça s'fait pas trop d'appeler son amie mademoiselle. Ou ptet que t'attends qu'on  soit assez proche pour dormir ensemble afin que tu daignes m'appeler par mon prénom tout court ?  Et, avec un sourire salace, elle imita avec ses mains deux ciseaux s'entre-choquant avant de ricaner. Héhéhé, je ri..WoowOOOwoOOowooowoowowoOWOwow…. !

Tout en parlant, la femme à tout faire s'était avancée et marcha sur du liquide marron, glissant alors sur quelques mètres, agitant ses bras dans tous les sens et tournant sur elle-même dans l'espoir de ne pas tomber misérablement sur le sol. Jamais de toute sa vie n'avait-elle autant prié Lucy pour ne pas se ramasser, car elle n'avait clairement pas envie de se retrouver avec de la matière fécale de la tête au pied.
Toutefois, grâce à son équilibre légendaire (et surtout de la chance), elle réussit à retrouver une certaine stabilité.

-Pfiou… fit-elle en essuyant une goûte de sueur perlant de son front.

Mais comme une merde n'arrivait jamais seule….
Elle en reçut du plafond, lui tombant directement sur l'épaule.
Avec un sourire crispé, Astrid dit à son amie :

-….Eeeeh, fais attention où tu mets les pieds, heh. Et surveille le plafond.

Astrid regarda la merde sur son épaule et eut une petite grimace de dégoût. Putain. Elle avait à peine commencé le travail et était déjà salie. Aaaaah, qu'est-ce qu'allait être la suite si ça débutait comme ça ? Une chose était sûre, c'était qu'elle allait avoir un bon bain d'ici la fin de la journée et resterait dans l'eau bien chaude une à deux heures pour se relaxer, oublier, et faire disparaître l'odeur qui sinon la collerait.
Mais sa moue disparut bien vite pour laisser place à un sourire taquin lorsque Zilith demanda pourquoi elles devraient dormir ensemble alors qu'il y avait deux lits avant de ne pas chercher plus loin. Est-ce qu'elle était naïve et innocente à ce point, ou est-ce qu'elle avait compris la beauferie sans fin de la citoyenne qui s'amusait allègrement de sa réaction ?
 
-Est-ce que je dois te faire un dessin ? J'ai un certain doigté, mais que je réserve pour autre chose en général, haha. Clin d’œil complice.

Une blague d'une finesse rare qui passerait par dessus la tête des esprits les moins tordus, mais tant pis. Quand l'autre jeune femme y repensera un jour, elle captera et en rougira peut-être, heh. Sauf si elle l'avait déjà bien compris, ou…
…
Ou si elle allait au moins s'en rappeler, ce qui n'était pas gagné d'avance car aussitôt et malgré les avertissements d'Astrid, la jeune femme fit la merveilleuse rencontre du sol avec….son visage.  
 
-Oof. Fut la première réaction de la citoyenne qui frissonna en imaginant le choc.  

Elle avait bien tenté d'accourir à l'aide de sa collègue avant qu'elle ne tombe lorsqu’elle avait vu qu'elle était en mauvaise posture et en difficulté, mais la femme aux cheveux blancs avait glissé de nouveau et s'était rattrapée de justesse à l'aide de son balai. Malheureusement, la pauvre Zilith n'avait pas eu autant de chance ni d'agilité.  
Avec une mine inquiète, la femme à tout faire demanda :    

-Eeeeeeeeeh, ça va ? Rien de trop cassé ? Je sais que mes blagues sont à T.O.M.B.E.R par terre – heh - , mais quand mêm…..Eh ? Pfffff…. !

Lorsque sa colocataire se redressa….Astrid dû étouffer son rire en la voyant. Il était peut-être méchant de rire d'une personne venant de se casser la gueule, mais la situation était assez loufoque pour ! Son tablier était taché et seul son visage était épargné par du marron et d'une propreté immaculée, mis à part un filet de sang coulant de son nez. Et….en remontant peu à peu…

-Pf...pff…..PFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFF ! Bwahahahahaha ! PFFFFF !

Les deux mains sur la bouche, Astrid tenta tant bien que mal de réprimer son fou rire qui était prêt à éclater haut et fort dans toute la taverne tant le spectacle devant elle était improbable, dégueulasse, mais absolument hilarant. Car, bien que la tête de la chère Zilith avait été épargnée de toute immondice…
on pouvait voir deux fions majestueusement embrochés sur ses minuscules cornes et tenant en équilibre contre toute probabilité et tout bon goût.

-Pfff...pfff...Ouais, haha, t'as glissé, tu devrais...te...reposer…HAHA ! Oops PFFFFFFFF !

Mais ce fou rire s'arrêta bien vite et la citoyenne sursauta en voyant sa camarade se relever et se diriger vers elle. Eh ? Qu'est-ce qu'elle faisait ? Pourquoi elle venait dans sa direction ?!
Instinctivement, la femme à tout faire recula tant bien que mal en tentant de ne pas glisser davantage :

-Attends attends attends Zilith ! Tu fais quoi ? Tu devrais retourner dans la salon et t’asseoir je pen…. !

Et bam, elle se heurta contre un mur et fut incapable de reculer davantage, tachant par la même occasion l'arrière de son tablier. Boooooooooooooooordel ! Devant elle, une jeune femme avec de la merde sur ses vêtements et sur ses cornes, et derrière un mur la bloquant…aucun échappatoire possible.
Avec la force du désespoir, Astrid tenta d'arrêter son amie en tendant les bras mais ses mains glissèrent sur la matière qui la recouvrait, sentant alors le corps de la jeune femme aux cheveux roses contre le sien.
Uuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuugh, c'était un scénario qu'elle aurait bien apprécié dans d'AUTRES circonstances, si on oubliait le fait que maintenant Astrid était tachée derrière comme devant. Et le pire...C'était qu'elle avait sous les yeux la merde qui était encore sur les cornes de sa collègue.
Tout en éloignant son visage le plus possible de la tête de sa comparse, elle dit avec son sourire respirant toujours autant l'insouciance :

-Ça me fait plaisir tant d'ardeur, mais faire ça dans les toilettes, c'est très osé, haha.

Une à une, elle délivra les cornes de Zilith avec délicatesse afin de tacher le moins possible ses gants, puis, lorsqu'elle voulu s'écarter un peu plus pour s'assurer que sa camarade avait repris ses esprits pour qu'elles puissent (enfin) se mettre au boulot qui n'avait même pas encore été entamé…
Une glissade, et elle entraîna la noble avec elle dans sa chute.
Le nettoyage des chiottes allait prendre plus longtemps que prévu...

Impact imminent dans 3, 2, 1….

-LOTUSCONFORT ! Hurla t-elle au hasard avant que sa tête ne fasse l'intime rencontre du sol comme sa coloc juste avant.

BONK. Pouic.
OoooOooOoOOoOh, les jolies étoiles et les oiseaux qui chantonnent, ça faisait longtemps qu'elle ne les avait plus vu tiens. Peut-être pas si longtemps que ça en réalité, parce qu'elle tombait quand même vachement souvent, comme si poussée par une entité divine et cosmique venue d'ailleurs trouvant un malin plaisir à la tourmenter ainsi.
Cela dit, il y avait quelque chose qui clochait dans tout ça.
Il y avait bien eu un « bonk ». Jusqu'à là, c'était normal. Le bruit de sa tête cognant le plancher. Mais le problème, c'était que ça n'avait pas fait aussi mal qu'elle ne l'aurait pensé. Elle aurait normalement dû se rouler sur le sol tout en hurlant de douleur puis rester en boule pour gémir mais….la douleur était étrangement supportable.
Par contre, même avec les yeux fermés, elle sentit une goûte de sueur perler de son front. C'était quoi ce « pouic » ? Et c'était quoi ce poids qu'elle ressentait sur elle ? Non, ça elle pouvait le deviner. Tout comme elle devinait pourquoi il y avait une certaine pression sur sa poitrine.
Par contre, ce « pouic » lui faisait un peu peur….

En ouvrant peu à peu les yeux, elle découvrit alors Zilith à cheval sur elle, les mains pleinement occupées et le visage rouge. On aurait dit une scène de  ces fameux livres imagés, et cela fit doucement rire Astrid :

-Cette position là est pas trop mal. Celle où l'une de nous se retrouve le nez dans la jupe de l'autre aurait été plus gênante. Blagua t-elle pour détendre l'atmosphère avant de pousser un petit gémissement lorsque Zilith resserra sa prise. Han ! Eeeeeeh, tu pourrais m'emmener au restaurant avant, c'est un peu rapide là, même pour moi, haha…Et je ne savais pas que tu avais les mains aussi baladeuses, heh.

La citoyenne aurait voulu lui dire que ce n'était pas grave, que ce genre d'accident arrivait souvent au boulot surtout quand Astrid était dans les parages (bon, la position dans laquelle elles avaient fini un peu moins, mais c'était un heureux accident qu'elle n'oublierait pas de sitôt). Toutefois, avant de pouvoir dire quoi que ce soit, la tête de la noble retomba mollement sur la poitrine de la femme à tout faire qui en resta coi.

-Eeeeeeeeeeuh….Zilith ?

Aucune réponse.

-AH.

Elle tenta de la secouer tout en l'appelant par son prénom, mais en vain. Elle était définitivement tombée dans les pommes.
Donc elle était plus susceptible de s'évanouir à cause d'un peu de sang plutôt que de la merde heh ? Ou peut-être que le choc à la tête de tout à l'heure avait également joué.
Avec un petit soupir, la citoyenne caressa avec douceur la tête de sa jeune amie, cette petite noble qui ne connaissait rien du monde. Elle avait encore du chemin à faire, et peut-être que nettoyer des chiottes dans un état aussi déplorable était un peu trop difficile pour ses débuts.
La vieille-jeune devrait garder ça à l'esprit, pour les prochaines fois.

Délicatement, Astrid se redressa tant bien que mal, constatant avec dépit que leur travail n'avait absolument pas avancé. Quoique, elles avaient plus ou moins nettoyé certaines parties avec leurs tabliers…
Maintenant, qu'est-ce que c'était que ce « pouic »… ? Avec appréhension, elle regarda l'endroit où l'arrière de sa tête avait atterri et….se leva précipitamment, portant son amie qui n'était pas bien lourde en dehors des chiottes.
Une fois que Zilith fut déposée sur le sol, Astrid enleva méthodiquement et dans un silence pesant les protections tâchées de la jeune femme avant de faire de même. Toujours sans piper mot et avec efficacité, elle nettoya même le visage et les cornes de sa camarade avec une serviette humide, et une fois plus ou moins propre, elle se leva alors pour remplir un seau d'eau.
Puis, à la vitesse du son, elle mit sa tête dedans et hurla en silence :

-BLBLBLBLBLBLBLBLBLBLBLBLBLLBLBLBLBLBLBLBLBLBLBBLL !

Traduction : « De la merde a amorti ma chute! Sérieusement ?! Du marron dans mes cheveux blancs ! »

Une fois à court d’oxygène, elle ressortit sa tête et tenta de se nettoyer les cheveux. Un bain, elle allait vraiment avoir besoin d'un putain de bain juste après ! Quel travail de merde, elle n'aurait jamais dû accepter ! Mais en même temps, elle récoltait ce qu'elle semait, et elle avait semé par mal de merde !
RAAAAAAAAAAAH ! Tant pis !
Les cheveux toujours mouillés, la citoyenne se pencha juste au dessus du visage de la noble et commença à lui pincer les joues :

-Heeeeey, réveille toi Zilith, la belle au bois dormant. Ou c'est un baiser qu'il te faut pour te reveilleeeer ? Haha.

Soit ça, soit un seau d'eau. Les deux options étaient tentantes à vrai dire....

Boom boom boom boom ….. Boom boom boom boom.
Un unique baiser volé et inattendu, et une Astrid qui était restée figée de stupeur en sentant les délicates lèvres de la jeune noble contre les siennes. Son cœur avait raté un battement et son esprit quant à lui s'était mis à tourner à toute vitesse pour comprendre ce qu'il venait de se passer et pourquoi.
Q...Q...Qu-est ce que…. ? Depuis quand Zilith était aussi entreprenante ?! Ou est-ce qu'elle avait prise la blague de la citoyenne au sérieux….. ?! En tout cas, la femme à tout faire restait toujours aussi faible face aux attaques surprises de ce genre, surtout quand elle ne s'y attendait pas. Après tout, normalement c'était elle la beauf et celle qui attaquait, puis son amie était supposée être une jeune femme timide ne connaissant encore rien du monde, et c'était un lieu et une situation bien particuliers pour s'embrasser ! Pas que c'était déplaisant cela dit…
Mais apparemment, ça l'avait été pour la noble qui marmonna un « Nul », ce qui eut pour effet de choquer Astrid qui interpréta cela comme un « c'était nul comme baiser » ou « t'es nulle ». Comment ça elle était nulle ?! Personne ne lui avait jamais dit ça, et on la complimentait même ! Toutefois c'était quand même un sacré coup dur pour l’ego de la femme aux cheveux blancs qui évita de justesse un coup de tête de Zilith qui n'avait pas eu l'air gêné ou embarrassé par ce qu'elle venait de faire, contrairement à ce qu'on aurait pu croire.

-Eeeeuh, non non, ça va, haha, ma poitrine a servi de coussin heh. Heureusement que j'suis pas plate, sinon tu te serais fais une deuxième bosse. Par contre, nous, on bosse pas vraiment pour l'instant, haha. Réussit-elle à dire en gardant son sourire amusé malgré le sang qui lui était légèrement monté aux joues.  Ah euh..attends !

Mais trop tard, la noble était partie à l'étage dans le but de nettoyer la chambre, laissant derrière elle une Astrid qui était restée assise par terre. Eeeeeeeeeeh, est-ce qu'elle venait d'imaginer ce qui venait de se passer ? Passant lentement son index le long de ses lèvres, elle confirma que non, c'était bel et bien la réalité. Quant aux raisons de la noble qui l'avait poussé à agir ainsi…

-Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah…

Avec un profond soupir, la citoyenne se releva et enfila un nouvel équipement propre. Ça ne servait à rien d'y réfléchir car ce serait plus simple de demander à la concernée ce lui était passé par la tête. Mais plus tard. Pour l'instant, elles avaient un travail à finir, et la blanche espérait que la chambre en haut serait bien plus gérable que les toilettes. Ce serait fort embêtant que la rose retombe dans les pommes.
Usant de sa télékinésie, Astrid fit léviter autour d'elle plusieurs serpillières et éponges pour ensuite ouvrir à nouveau les portes de l'enfer. Un balai dans chaque main, seule, sa concentration était au maximum et elle n'avait surtout personne à embêter sur le coup.
À toute vitesse, elle entreprit alors de nettoyer l'endroit, créant alors un vrai bal de serpillières et d'éponges volant dans tous les sens à la vitesse du son, passant dans chaque coin et recoin, rendant aux murs et au sol leur gloire passé.
Une fois qu'elle en aurait terminé, elle monterait à l'étage pour donner un coup de main à sa colocatrice si maladroite et surtout, surtout, pour la taquiner, heh.
Puis bien sûr, il leur faudrait un bain, parce qu'elle se sentait encore sale et avait encore probablement de la merde dans les cheveux...Berk.

Une bataille rude et exténuante, ne laissant le droit à aucune erreur et aucun répit. Chaque coup était donné dans l'unique but de tuer, et chaque faux pas pouvait signer l'arrêt de mort de la guerrière qui observait ses ennemis et leurs points faibles, frappant toujours avec justesse et une extrême précision. C'était le genre de combat que seul les hommes et femmes les plus expérimentés auraient pu mener, brisant mentalement et physique toute autre personne plus jeune n'ayant jamais rencontré la cruauté et la puanteur d'un champ de bataille. La soldate Zilith avait d'ailleurs passé l'arme à gauche, et il était du devoir de son aînée de la venger, quitte à en mourir. C'était donc en y mettant toute son énergie, tous ses objets, toutes ses améliorations, qu'elle abattait sans aucun remord les ennemis à sa portée avec ses deux armes en main mais également à distance avec sa télékinésie. Ici, en ce lieu, elle était la plus puissante et le montrait pleinement à toute vitesse, si bien qu'il aurait été difficile pour une autre personne de suivre des yeux ses mouvements, ne voyant qu'un véritable tourbillon de mort et de destruction sur le chemin.
Oui. Sa seule et unique présence pouvait changer le cours d'une bataille, et lorsqu'elle s'arrêta enfin dans ses mouvements, ce fut avec un grand sourire narquois sur le visage et un air d’exaltation. Ce n'était pas tous les jours qu'elle utilisait son plein potentiel, et cela faisait parfois du bien, bien que fatiguant. Droite comme un I, elle observa ses ennemis….qui avaient complètement disparu. Il ne restait plus rien d'eux, plus aucune trace. Avec un petit ricanement, elle replaça quelques mèches de cheveux et à ce moment-là, n'importe qui se serait prosterné devant cette figure à la fois si digne et si sauvage car elle était véritablement...une déesse.
Du nettoyage.

-Pfiou…Soupira t-elle, exténuée en posant son menton sur le manche du balai qu'elle avait placé sur le sol.

Nul doute que son pouvoir était pratique dans bien des domaines, dont celui-là. Mais son combat n'était pas terminé. Elle devait désormais bien vérifier qu'elle n'avait laissé aucun survivant. Après un dernier tour dans les coins et recoins des toilettes, la déesse du nettoyage jugea que le travail avait été parfait. Si parfait qu'elle aurait pu manger à même le sol tant il était d'une propreté impeccable.
Il était paradoxal de la voir rendre un endroit propre et de le faire de manière si consciencieuse quant on connaissait ses habitudes à ne rien ranger ou à ne pas nettoyer sa propre habitation par flemme. Mais le travail était le travail.
Amplement satisfaite, Astrid sortit des toilettes et se débarrassa de son matériel souillé, séparant ce qui pouvait être sauvé de ce qui était désormais inutilisable. Bon dieu, elle avait besoin d'eau, sinon l'odeur allait la coller toute la journée…. Une fois les rangements effectués, elle alla derrière le comptoir et se servit une bière sans aucune gêne et en toute tranquillité pour se désaltérer. Il n'y avait rien de mieux qu'un peu d'alcool après un travail bien fait ! M'enfin, travail bien fait...il restait la chambre, et la citoyenne s'inquiétait un peu pour son amie. Est-ce qu'elle était toujours consciente là haut ? Hmmm….Elle espérait que oui, parce qu'après tout, elle avait des questions à lui poser, surtout concernant ce soudain baiser et ce…. « nul » qui lui restait encore un peu en travers de la gorge.
Une fois sa bière terminée, la femme aux cheveux blancs monta les escaliers et se dirigea vers la fameuse pièce que Zilith avait décidé de prendre en charge seule. Avec de la chance, l'état du lieu n'était pas aussi désastreux qu'en bas et elle avait pu réussi à se débrouiller seule. C'était ce qu'espérait Astrid lorsqu'elle ouvrit la porte.

-Ziliiiiith ?

Mais surprise, la chambre était vide. C'était pourtant la bonne, elle en était persuadée. Il y avait encore une odeur qu'elle reconnaissait, un ensemble de détritus, et le lit était encore dans un état misérable. Hmm, au moins le travail avait été commencé.

-Zilith ? T'es où ?

Haussant les sourcils, Astrid regarda sous le lit, sous la couverture, dans l'armoire, mais ne trouva aucune trace de la jeune fille. Elle n'avait pas fuit, si ? Non, pas au milieu du boulot qu'elle avait pourtant si bien commencé.
Oh, il y avait bien une autre endroit…Sur la pointe des pieds, un grand sourire espiègle, elle s'approcha de la porte de la salle de bain et plaça son oreille contre le bois. Aucun bruit. Soudain, sans prévenir, la citoyenne toqua et s'exclama en passant d'un ton à l'autre:

-Toc toc !
Qui est là ?
Sarah.
Sarah qui ?
Sarah masse encore des ordures dans la salle de bain Zilith, ou t’es en train de te doucher ?

Peu importe la réponse, poussée par la curiosité, Astrid ouvrit la porte, ignorant totalement la possibilité et le cliché de l'heureux accident dans lequel elle tomberait sur sa coloc à moitié nue prête à prendre un bain. Toutefois, heureusement ou malheureusement, ce ne fut pas le cas. À la place, elle trouva Zilith dans une salle de bain nettoyée et propre.
Avec un sifflement impressionné, la citoyenne examina la baignoire et le sol avant de se retourner vers sa camarade  :

-Hé beh, beau travail ici, t'as bien géré me petite. La chambre aussi, même s'il reste à changer les draps. L'avantage c'est qu'on aura pas à faire la lessive. Bah cela dit, il y a quelques recoins qui renécessiteraient un coup de brosse, mais c'est suffisant.

Une fois son analyse faite, elle observa la noble pour voir dans quel état elle se trouvait. De toute évidence, elle n'était pas retombée dans les pommes, n'avait pas de bosse supplémentaire, et son nez ne saignait pas. Ce n'est que lorsque son regard tomba sur les lèvres de sa camarade qu'elle se rappela de leur précédent baiser.
Ah oui, c'est vrai.
Heh.
Toujours armée de son sourire narquois, elle ne quitta pas Zilith des yeux et se dirigea vers elle :

-Ziliiiiiiiiiiiiith, tu me dois des explicatioooooooooooooooons !

Avant que sa proie n'ait le temps de fuir, la femme à tout faire posa brutalement sa main sur le mur, juste à côté de la tête de la noble qui se retrouva plaquée sur place. En se penchant peu à peu vers elle, assez pour qu'elles sentent le souffle chaud de l'autre sur leurs visage respectif, Astrid lui demanda alors :

-Tu m'expliques le baiser de tout à l'heure et pourquoi c'était "nul" ?

Avec malice, elle plaça les doigts de sa main libre sous le menton de son amie pour remonter sa tête, sans quitter une seule fois ses prunelles bleus verts :

-Ou tu préfères que je te montre de quoi je suis vraiment capable et que tu dises "super" cette fois ? Heh.

Elle se sentait bien plus confortable et confiante quand elle était celle qui prenait les devants ! Mais ça allait peut-être trop loin cela dit...

« De quoi vous parlez ? »
À cette question, Astrid se figea sur place et haussa un sourcil, surprise par la question posée par Zilith qui était pourtant celle qui avait initiée ce baiser. Est-ce qu'elle ne s'en souvenait pas, ne voulait pas l'admettre ou est-ce que ce baiser avait été vraiment si naze qu'elle l'avait effacé de sa mémoire ?
Malgré la faible lumière, la citoyenne remarqua sans mal le visage rouge de la noble et cela la fit doucement rire. Voilà une réaction qui correspondait mieux à sa nature si réservée et timide. Comment alors expliquer son action précédente qui en était parfaitement éloignée ?
La femme à tout faire tiqua de nouveau à l’appellation « Mademoiselle », mais n'eut pas le temps d'embêter son amie sur ça, car elle continua alors à déblatérer des paroles qui ne firent pas grand sens. Astrid faisait erreur? Il n'y avait eu ni alcool ni drogue en jeu pourtant. Ou peut-être que la merde lui était monté à la tête après le nettoyage des chiottes ? Ce ne serait pas...une hypothèse si étrange. Mais certains diraient qu'elle avait déjà de la merde à place du cerveau depuis quelques années déjà, si ce n'est depuis sa naissance.

-Deux femmes c'est quoi ? Je vois pas. Répondit-elle en faisant mine de ne pas comprendre, malgré son sourire qui disait le contraire. Et je vois, tu préfères donc les hommes huh, dommage, heh.

Zilith continua alors à tout nier en bloc, avouant qu'elle n'avait jamais embrassé qui que ce soit. Pauvre âme innocente qui avait donné son premier baiser à la pire personne existante sur Aryon. Mais toute cette histoire était bizarre quand même. La jeune femme aux cheveux roses avait l'air parfaitement sincère et même agacée par la situation et à la mention de ce baiser dont elle ne se souvenait pas, allant même jusqu'à penser que la citoyenne lui faisait une farce et se moquait d'elle. Ce qui...pour être honnête...n'était pas une hypothèse très farfelue quant on connaissait assez bien Astrid qui détourna les yeux comme un aveu, celui d'être peut-être partie trop loin avec ce kabedon qu'elle avait trouvé drôle à faire pour la surprendre.

-Hein ? Comment ça ?! S'outra – faussement - la citoyenne lorsqu'elle lui dit que ses baisers devaient être nuls. Sache que cette technique est très populaire et marche bien ! En général ! Dans la plupart des cas ! Sa voix se baissa de plus en plus : Sur certaines personnes….avec un peu d'alcool…Et la situation était pas idéale….

Il fallait le dire, avec l'odeur de merde planant encore après avoir nettoyé des chiottes et une chambre des enfers absolument dégueulasses, faire ce qu'elle avait fait, dans une salle de bain qui plus est, n'était en effet clairement pas la meilleure idée même si elle avait trouvé ça drôle sur le coup de taquiner sa camarade. Cette dernière prit d'ailleurs la fuite, laissant une Astrid penaude qui se sentit un peu mal de l'avoir tant bousculée. En réalité, dans un monde plus moderne, la citoyenne aurait probablement été poursuivie en justice pour harcèlement sexuel un bon nombre de fois.
Avec un petit soupir et en haussant les épaules, elle alla faire couler de l'eau chaude dans le baignoire et ressortit de la salle de bain pour rattraper la noble. Sans prévenir, elle lui tapota l'épaule et lui ébouriffa les cheveux, s'excusant avec un air désolé mais en gardant tout de même le sourire:

-Hmm, eeeh, vraiment désolée pour ce qui vient de se passer, c'est ma faute. J'ai dû imaginer des choses tout à l'heure quand je me suis cognée la tête contre le sol, heh. Bien sûr, elle n'y croyait pas, mais si Zilith ne voyait vraiment pas de quoi elle parlait, il était inutile d'insister. Peut-être une prochaine fois. Eeeeeeeeeeeeeeeeet j'avoooooouuuue ne pas avoir résisté à la tentation de te taquiner un peu haha, tee hee !

Mais ça, c'était dans sa nature, et elle ne le changerait probablement pas. Zilith serait sans nul doute encore victime de beaucoup de farces et de blagues plus débiles les unes que les autres dans le futur. C'était là le danger de vivre et de travailler avec Astrid et cela expliquait aussi pourquoi elle n'avait pas beaucoup de collègues ni de colocataires restant très longtemps. D'ailleurs, elle ne donnait pas longtemps à la jeune noble avant qu'elle ne décide de fuir la citoyenne et ce boulot.
En faisant mine de renifler sa camarade avant de faire une grimace et de se boucher le nez, elle dit avec son éternel sourire amusé:

-Pour me faire pardonner, j'ai fait couler un bain. On en a bien besoin, pour l'odeur des excréments et des toilettes qui nous colle à la peau, sans oublier la sueur, toussa, heh. Après l'effort, le réconfort comme on dit. Je m'occupe de changer les draps du lit donc vas-y. Ça te va ?

« Oh oh. » Pensa la citoyenne légèrement inquiète en voyant la noble toujours aussi mécontente et boudeuse. C'était la première fois qu'elle faisait ça depuis qu'elles s'étaient rencontrées, et pourtant Astrid avait toujours été aussi lourdingue et débile. Mais il fallait croire qu'elle avait poussé le bouchon un peu trop loin aujourd'hui, heh. Elle devrait faire attention à l'avenir.
Cela étant, la façon dont Zilith boudait était mignonne et enfantine, si bien que la femme aux cheveux blancs se retint de s'esclaffer, ce qui ne ferait sans doute qu'empirer les choses. Aaaaah, elle avait pourtant tellement envie de taquiner davantage les gens qui boudaient !
Non, contrôle toi Astrid, une prochaine fois. Ce ne serait sûrement pas la dernière fois que la jeune noble bouderait !
Avec son éternel air espiègle, la farceuse observa calmement sa camarade se lever brusquement du lit, totalement indignée de s'être faite renifler.
Ce qui était….une réaction tout à fait normale.

-Eeeeeh ? Je ne dois donc pas te renifler après le travail, c'est noté. Est-ce que ça veut dire qu'avant le travail c'est bon ? Haha. Petit ricanement et un clin d’œil complice avant de continuer sur sa lancée de blagues débiles pour lesquelles elle était si connue : Et c'est un comble, pour une personne aux cheveux roses de ne pas sentir la rose, heh.

Oh, nombreuses ont été les personnes à rêver de l'étrangler ou de lui couper la langue. Mais il était fort probable que même au bord de la mort elle vous sortirait une dernière blague, et que même avec la langue coupée, elle vous ferait une farce avec le langage des signes.
Tout ça pour dire qu'elle était tout simplement inarrêtable et s'amusait d'agacer les autres.
Son petit ricanement continua lorsque la noble dit avoir peur du propriétaire. Il était vrai qu'il avait toute l'apparence d'une personne effrayante qui avait vu des vertes et des pas mûres.

-C'est pas parce qu'il a l'air d'une armoire à glace qu'il est pas commode. Haha. T'as compris ? Heh. Mais t'inquiète pas, il est sympa et n'y verra pas d’inconvénient, je le connais. Il m'a pourchassé avec couteau de cuisine, mais c'était essentiellement pour rigoler, haha ! Petit moment de silence durant lequel Astrid évita le regard de la rose. Je crois. Mais bon ! Tu préfères être propre ou te balader dans les rues avec une odeur et des traces de merde ? Le dernier cas ne me dérange pas, tu sais.

Elle avait fait pire et ne s'était jamais vraiment souciée de ce que pensait les autres. Ce qui était rafraîchissant, quand on savait que dans son ancienne vie le commandant de la garde avait toujours fait attention à son image, publique ou privée. Quel calvaire ça avait été.

-Hmm, ça m'a l'air bien comme plan, faisons ça !

Avec une énergie renouvelée, Astrid sauta à son tour sur ses jambes et aida son amie à faire le lit. Elle n'avait hâte que d'une chose : en finir le plus rapidement possible, prendre un bain, et boire ce soir. Ce fut d'ailleurs en réfléchissant à quelle taverne rejoindre dans la soirée que Zilith lui posa une question qui ne manqua pas surprendre la citoyenne qui haussa un sourcil avant de sourire, amusée par l'innocence de la jeune femme encore si ignorante du monde qui l'entourait. Pas de chance pour elle, elle était tombée sur l'une des pires personnes avec qui apprendre.

Tout en faisant le lit, Astrid répondit alors avec entrain :

-Ah, bien sûr qu'il y a des femmes préférant et aimant les femmes, c'est normal ! Il y a même des hommes qui aiment les hommes. Et il y aussi des gens qui préfèrent les anim….Heh, nah, oublie, haha ! Oh tiens, j'ai un secret à te dire, rapproche toi.

Elle se pencha alors au dessus du lit et attendit que son amie en fasse de même pour lui murmurer au creux de l'oreille :

-Me concernant, je préfère les femmes, heh.

Ceci dit, Astrid retourna de son côté et se mit à rire :

-Haha, pas vraiment un secret ! Bah, maintenant que je sais que tu préfères les hommes, je ne compte pas te sauter dessus ou quoi que ce soit. Tu peux aussi ignorer mes blagues un peu lourdingues et salaces. Par contre, je te conseille vivement de lire les livres imagés sous mon lit ou que t'as remis dans ma commode. Il y en a pour tous les goûts, et je pense que ça te permettrait de découvrir pas mal de....euh choses. Puis, il y a pas mal de personnes de la gent féminine qui adoooooorent les bouquins imagés où des hommes...aiment des hommes, héhé. À chaque fois qu'elles lisent ça, elles crient : Yaaaaay ! Ou Yaaaaaoy ! Peut-être que ça t’intéressera !

Tout en papotant, les mains de la femme aux cheveux blancs ne s'étaient pas arrêtés un seul instant, rendant au lit sa gloire et propreté passé. Et timing impeccable, au même moment, elle entendit venant du rez-de-chaussez des bruits de pas et la voix du tavernier qui était revenu.

-Heh beh, il a un sacré timing. S'étonna-t-elle. Lançant un regard taquin à Zilith, elle alla ouvrir la porte de la chambre et invita la noble à passer la première avec un semblant de révérence : Prête à savoir si on sera payé ou s'il va nous étriper ? Un conseil, si tu le vois avec un couteau entre les mains, mieux vaut courir tout de suite, haha.

Une blague ou un réel avertissement? Difficile de le dire, avec cette citoyenne si imprévisible et surtout....débile.

Astrid jeta un dernier coup d’œil à la chambre et hocha la tête, jugeant le tout amplement satisfaisant pour une débutante. Elle n'avait pas eu l'occasion de venir vérifier l'état du lieu avant que Zilith ait commencé à tout nettoyer de fond en comble, mais tel quel, le patron devrait à priori être satisfait du travail fait et n'aurait pas de raison de se plaindre.
Enfin, elle l'espérait. Il pouvait être parfois pointilleux.
Oh tiens ? La jeune noble semblait encore curieuse concernant la sexualité, ce qui eut le don d'amuser la citoyenne qui offrit son sourire le plus malicieux. D'une certaine façon, Zilith lui rappelait Edmond Delancy, cet homme destiné à être garde qui y avait dédié sa jeunesse et sa vie en ignorant tout le reste. Du coup, il avait été bien penaud le jour où il avait dû partager son lit avec sa femme pour la première fois. Ahlala, rien qu'à y penser, Astrid eut envie de se taper, non, de se fracasser la tête contre un mur de honte et d'embarras. Un embarras et une honte qu'elle aimerait épargner à la jeune femme aux cheveux roses. Et dans ce but, la femme à tout faire ferait en sorte d'apprendre à sa nouvelle amie tout ce qu'il y avait à savoir et s'occuperait donc de son éducation sexuelle ! D'ailleurs, est-ce qu'elle avait déjà vu un pénis ? Peut-être que l'un de ses godemichets ferait l'affaire pour illus….
…
Elle n'était pas dans la merde la pauvre Zilith, avec Astrid comme professeur. En espérant qu'elle ne soit pas trop influençable et qu'elle ne terminerait pas aussi beauf et sans gêne que la blanche. Une Astrid c'était déjà bien suffisant, même si….ce serait assez drôle, en réalité.

-Comme je t'ai dit, t'en sauras plus en lisant les livres que je te filerai. Se contenta-t-elle de répondre avec son air narquois, imaginant déjà la réaction de la pauvre jeune femme une fois qu'elle poserait les yeux sur ces fameux bouquins imagés. Tout en suivant sa collègue qui avançait dans le couloir de la taverne, la citoyenne rajouta : Et bien sûr, aimer les deux sexes c'est possible. On est en l'an 1000 tu sais, plus en l'an 920, haha. Les mœurs ont évolué...Petit instant d'hésitation. Enfin, je crois ?

Peut-être, probablement. Astrid n'avait de toute façon jamais fais très attention à ce que pensait les autres à ce sujet, et ce n'était pas aujourd'hui qu'elle commencerait.
C'est alors que les deux travailleuses tombèrent en face du patron qui avait eu l'amabilité de monter à l'étage pour venir les rencontrer.

-Oh Raph', tu tombes bien, on vient de fi…

Et avant que la femme à tout faire ne puisse terminer sa phrase, Zilith alla trouver refuge derrière elle, dégageant alors la vision vers le couteau de cuisine que tenait le tavernier.

-...nir.

La citoyenne déglutit difficilement et afficha son sourire je-m'en-foutiste qu'elle savait si bien faire. Bien sûr, elle n'allait pas paniquer et ne paniquait que rarement, mais cela ne l'empêcha pas d'avoir une petite goutte de sueur coulant de son front.

-Eeeeh ? Encore ? Sacré couteau que t'as là. Long et pointu, fait pour pénétrer, haha. Tu cherches à compenser quelque chose… ?

Oh bien sûûûr, qu'elle aille donc provoquer un homme armé en toute tranquillité et sans pression ! Même si la lame avait été sous sa gorge, cela ne l'aurait probablement pas empêché de faire la même blague débile qui n'eut pour réponse qu'un grognement.

-Garde tes blagues débiles pour toi Astrid. J'suis venu vérifier que vous avez bien fait votre travail et que vous ne faisiez pas plus de bordel. D'un coup, il pointa son arme vers la citoyenne qui ne broncha pas. Qui t'a dit que tu pouvais boire une bière comme ça ?

….Merde, elle avait laissé la chope en bas.

Le patron baissa sa lame et annonça :

-Ce sera déduit de votre salaire. Une objection ?

À toute vitesse, la responsable de cette merde remua la tête de droite à gauche. Puis, avec un las et profond soupir, le vieil homme continua :

-J'ai déjà vérifié les chiottes. Propre. Le pire a été fait. Je dois encore vérifier la chambre. Vous avez intérêt à ne pas bouger d'ici, que je juge si c'est également propre.

Ce fut au tour de la citoyenne de pousser un petit soupir, soulagée. Elle s'était attendue à pire et avait été prête à fuir à tout moment avec Zilith, mais cela ne s'avérait pas nécessaire...pour l'instant. Avec son entrain habituel, elle répondit :

-Ah bien sûr, fais donc. Mais sois indulgent et doux, c'était la première fois d'ma pote. Donc range moi ce gros couteau dans ta poche, haha.

Elle ricana alors à sa propre blague salace et sans intérêt tandis que le patron les dépassa pour rejoindre la chambre qu'elles venaient de nettoyer.  
Mais ce fut à ce moment que la fouteuse de merde réalisa quelque chose. Elle avait laissé l'eau couler pour le bain...et ça avait dû déborder de la baignoire.
Merde merde merde merde…
Nous disons donc qu'Astrid ne paniquait pas, ou rarement. Hé bien, c'était là une bonne occasion de paniquer qui se traduisit de la façon suivante :

-OH MERDE ! Hurla-t-elle soudainement. J'ai une soudaine envie de chanter. Pas toi Zilith ? Puis, à voix basse, elle murmura à l'oreille de son amie : L'eau ! J'ai oublié de fermer l'eau ! Et la baignoire doit être remplie à ras bord ! Toussant un instant, elle reprit ensuite de vive voix : Qu'est-ce qu'on pourrait chanter hein ? OH JE SAIS ! Frèreuh Jacqueuh, Frèreuh Jacqueuh….. !

Quel était le but de la manœuvre ? Tout simplement de couvrir le son de l'eau qui coulait, et prier pour que le tavernier n'aille pas vérifier la salle de bain. Ce dernier jeta d'ailleurs un regard mauvais à la citoyenne et fit tourner son index au niveau de sa tempe pour montrer clairement ce qu'il pensait d'Astrid avant d'examiner la chambre depuis le seuil pour quand même avoir les jeunes femmes dans son viseur.
A tout moment, elles devraient fuir....et Astrid y était déjà prête.