Plus que quelques instant à attendre cependant, la matinée est déjà entamée, la taverne restant ouverte toute la nuit, il n'est pas rare que certains habitant de la capitale partent de mon établissement directement sur leur propre lieu de travail! Après tout, une taverne fonctionne toujours mieux une fois la nuit tombé... Trois heure du matin environs, pas réellement une heure pour les jeunes de trainer dehors et pourtant... Pourtant mon regard se pose irrémédiablement sur une jeune fille! Pas très âgée, difficile de dire exactement vu son attitude mais elle ne doit même pas avoir vingt ans. Une gamine donc, attablée seule dans un coin, à l'une des tables pour deux proches de la fenêtre. J'ai été la voir une première fois au début de la soirée pour voir si elle voulait boire quelque chose mais ce n'est qu'avec timidité - peut-être crainte - qu'elle a refusée... Naturellement, je me suis simplement dit qu'elle devait attendre quelqu'un, peut-être un compagnon? Ce n'est pas rare de jeunes gens à peine majeur viennent se retrouver dans ma taverne pour fuir leur parents! Relation bégayante des premiers amours de jeunesse... Non, personne ne l'a rejoint pourtant! Peut-être aussi un premier lapin? C'est triste tout de même de passer la soirée seule ainsi et de ne voir personne la rejoindre.
Je soupire doucement alors qu'un de mes clients se lève, titubant visiblement bien trop éméché pour marcher droit. Je ris doucement en le voyant partir alors qu'il me salue difficilement en reprenant la route. Il est l'un des rares que je laisse sortir dans un tel état, sa demeure se trouve à quelques pas tout au plus de la taverne! L'un de mes plus vieux client qui vient bien trop souvent noyer son chagrin depuis la mort de son épouse. Son fils - un bon gars ça c'est sûr - attend généralement qu'il rentre avant de se coucher, venant parfois dans la taverne pour s'assurer que son père s'y trouve toujours... Bref, une histoire de famille comme il y en a tant à la capitale! Sauf que ce client parti, il ne reste plus qu'un petit groupe qui partira lorsque l'heure viendra de fermer et la gamine... Un regard vers Saryna, un léger sourire à ma belle et voici que je me mets en marche vers la demoiselle. Une tasse de chocolat chaud dans la main droite - celle que je peux encore contrôler depuis mon accident - que je dépose sur la table devant elle. Un sourire amicale sur le visage et une mauvaise nouvelle que je dois lui apprendre malheureusement.
"Tiens... Cadeau de la maison!" J'suis pas du genre à laisser les gens boire à l'oeil mais cette pauvre gamine là? J'la regarde un peu mieux : des cicatrices visibles sur le visage même si elle semble tenter de les cacher? Qu'est-ce qui a bien pu lui arriver? De nouveau un regard vers Saryna, ma belle sauvageonne et notre enfant qu'elle porte... Comment quelqu'un peu laisser une gamine erreur seule ainsi? J'me retourne vers elle toujours souriant. "Malheureusement il va bientôt être temps pour moi de fermer mais prends quand même ton temps pour boire... Je peux bien rester une ou deux minutes de plus."
Le tavernier était un géant qui me dépassait facilement de deux bons pieds. À première vue, il n'avait pas l'air d'être très amicale, une cicatrice sur son visage ne faisait que surligner la dureté de ses traits. Plusieurs tatouages étaient apparents sur ses poignées ou son torse et un de ses bras pendait mollement sur le côté.
J'aimais bien l'intérieur de la bâtisse, sur plusieurs poutres de bois apparaissaient des gravures artistiques décrivant des scènes de vie quotidienne ou des scènes de combats contre des créatures plus ou moins méconnaissables. La plus belle de ces gravures se trouvait sur le bord de la tablette en pierre de la cheminée, elle représentait une multitude de personnages dansant en se tenant par la main. Des chandeliers dégageant une lumière chaude et mouvante venaient compléter à merveille l'ambiance de la taverne.
L'endroit se vidait petit à petit, il ne restait dans la salle que quelques clients éparpillés par-ci par là. Je réprimais difficilement un bâillement, je n'avais pas l'habitude de veiller aussi tard et la douce chaleur dégagée par le feu de cheminée poussait à la somnolence. Un homme se leva en titubant maladroitement vers la sortie s'arrêtant un instant pour saluer une dernière fois le tenancier avant de sortir d'un pas peut assuré.
Le tavernier regardait tour à tour ses derniers clients, couvant du regard une femme qui vu son ventre arrondi attendait un heureux événement et qui était vu l'attitude de l'homme sûrement sa femme. Elle semblait vouloir se faire discrète au-moins autant que moi. Ses yeux rouges, sa peau grise et ses canines légèrement crochues, que j'avais distinguées dans un sourire lancé au tavernier, me firent penser à une hybride, mais je ne pouvais en être certaine.
Perdu dans mes pensées, je ne vis pas le tavernier se rapprocher de moi une chope fumante à la main. Bien que son geste n'avait ni été brusque ni agressif, il me fit sursauter. Après un très court moment de stupeur, je bredouillais un merci que j'espérais compréhensible. Je tâtai ma maigre bourse, je savais que j'avais moins d'une dizaine de cristaux sur moi et pourtant, je n'avais jamais été aussi riche. Il faut dire que travailler comme bénévole ne rapporte pas grand-chose, mais j'avais gagné une petite poignée de cristaux après que le problème des feupagnols fut réglé. Maintenant qu'il n'y avait plus de départ de feu au dispensaire, je ne pouvais plus y rester dormir comme je voulais, c'est pourquoi je m'étais mis dans la tête de trouver un autre aubergiste ou tavernier qui accepterait de me loger. C'est ainsi que j'avais atterri ici, devant cette tasse de chocolat chaud agréablement parfumer d'une épice venant des îles.
Accompagné de Nephalie, mon drarbustre qui m’accompagne où que j’aille, celui-ci, dès notre arrivée, s’était allongé non loin du comptoir. Il était presque devenu un meuble et certains clients qui appréciaient bien la compagnie du petit dragon semblaient déçus lors de ses absences. Nous avions même installé un petit perchoir pour Theraphosa, mon corbeau trois yeux, qui allait toujours s’y poser et me servait d’yeux lorsque j’étais occupée à une tout autre tâche. Partageant un lien télépathique avec ce dernier, il m’avisait lorsqu’un client semblait nous interpeller. Même si j’étais loin et que Devon était déjà occupé, je prenais toujours le temps d’arrêter ce que je faisais pour me rendre jusqu’au client en question. Bien évidemment, lorsque la salle était remplie, la plupart comprenaient que dans mon état je faisais déjà de mon mieux et personne ne commentait le fait que je prenne de nombreuses pauses. Après tout, il ne faudrait pas que je me surmène et même si je n’écoutais pas mon corps par occasion, le père était bien présent pour me ramener à l’ordre. Il ne s’agissait pas que de mon enfant, mais bien du sien aussi et même si je me portais bien, il ne pouvait s’empêcher de se faire du souci pour un rien.
Enfin, dans tous les cas, je dois dire que ce soir je n’avais pas réellement été d’une très grande aide pour ce dernier et je m’étais installée tranquillement à une table non loin du comptoir, mais en retrais, un chocolat chaud dans les mains. Il était bien trop tard pour que je prenne le risque de marcher seule dans les ruelles de la capitale pour me rendre jusqu’à notre demeure. J’avais donc préféré l’attendre même si cela impliquait que je doive veiller aussi tard. Heureusement, je ne le fais pas tous les soirs puisque je suis plutôt de mauvaise humeur lorsque mes nuits se font courtes. Les derniers clients semblent nous quitter, un homme ivre nous salue, bien que je ne mets toujours pas de nom sur son visage. Ça ne m’intéresse pas et je n’en vois pas l’utilité. Je n’ai pas beaucoup de proche, j’ai un petit cercle fermé et plutôt étroit et cela me suffit. Les autres ne sont que des personnes passagères dont je me soucie que très peu.
Je regarde donc vite fait autour de nous, remarquant la présence d’une jeune fille qui ne semble pas prête à quitter l’établissement ce qui me fait soupirer. Ces jeunes qui ne comprennent pas que nous ne sommes pas là pour nous amuser. D’ailleurs, je ne pense pas l’avoir vu commander quoi que ce soit. Je soupire à nouveau et m’apprête à me lever, mais Devon l’ayant déjà remarqué, s’avance alors en sa direction une tasse fumante en main. Il est définitivement trop gentil… Bien évidemment, la voix grave de Devon semble la faire sursauter et sortir de ses pensées alors qu’elle bredouille quelque chose que je ne comprends pas d’où je suis. Bon au moins, il lui fait comprendre qu’après cela il sera temps pour elle de quitter la taverne. Voulant préparer notre départ, je me lève difficilement, légèrement cambrer, je pose une main contre le bas de mon dos et part à la recherche d’un linge pour nettoyer les tables.
"Saryna n'en fait pas trop!" Lui dis-je une fois que je l'ai rejoins. Je sais qu'elle ne va pas apprécier, j'ai cette tendance à me montrer sans doute beaucoup trop protecteur et qui l'énerve généralement au plus grand point je le sais parfaitement cependant, je ne peux pas réellement m'en empêcher! Elle est ce que j'ai de plus cher et je ne veux pas qu'elle se surmène ou que cela soit épuisant pour elle comme pour le bébé! Après tout, c'est aussi l'une de mes grandes préoccupations en ce moment. "Tu aurais dû rester bien au chaud à la maison..." Je soupire doucement! Je sais qu'elle veut passer du temps avec moi, m'aider et qu'elle n'apprécie pas forcément de se coucher seule mais sérieusement... Je ne peux pas non plus me permettre de fermer la taverne trop tôt, nous sommes actuellement bien installé et les affaires marchent bien cependant, il ne faut pas prendre de risque! Mieux vaut prévenir que guérir après tout, on ne sait jamais comment les choses vont évoluer. J'ai de la chance d'être dans un milieu qui fonctionne toujours assez bien - après tout, donner des cristaux a des gens et ils finiront irrémédiablement par acheter de l'alcool - mon fond de commerce et sans aucun doute celui qui ne connaîtra jamais la crise quoi qu'il arrive. Mais cela ne veut pas dire que je peux faire n'importe quoi...
Une regard vers la demoiselle à qui j'ai porté le chocolat chaud et un petit soupire. "J'ai l'impression que je vais devoir fermer plus tard en plus ce soir... Elle est restée tout seule toute la soirée..." Dis-je légèrement attristé. Pauvre gamine! J'sais pas trop mais une fille de son âge qui reste seule dans une taverne? Au départ j'ai pensé qu'elle attendait un galant en se cachant à l'abri des regards... Cela n'aurait pas été la première fois! Mais puisque personne ne l'a rejoint, je me dis qu'elle serait certainement rentré chez elle, ses espoirs possiblement brisés, son coeur également mais au moins elle ne serait plus installée dans une taverne pratiquement vide maintenant. Le fait que ce ne soit pas le cas? Soit elle continue à espérer et alors elle est un peu trop rêveuse pour ce monde, soit c'est encore autre chose... Je regarde de nouveau Saryna et je soupire. Je peux pas non plus me permettre de rester ouvert toute la nuit! J'dois aussi penser à ma conjointe et à son repos. J'hausse finalement les épaules. "J'vais lui parler..." Et un demi-tour pour retourner vers la demoiselle...
Cette fois, je tente de ne pas la surprendre, j'me montre un peu plus en avançant vers elle et une fois arrivé à sa table, je prends place, m'installant sur la chaise en face de la sienne en la regardant avec un sourire sympathique et avenant. J'ai l'habitude de mettre des gens dehors mais habituellement, ce sont des ivrognes qui ont trop bu et qui commence à ne plus respecter les règles. Pas une gamine qui ne semble absolument pas à sa place et qui n'a pas bu la moindre goutte d'alcool de la soirée. "Est-ce que tout va bien petite? Tu devrais pas trainer dans des tavernes si tard tu sais? Des gens doivent s'inquiéter..."
Après y en avoir pris une gorgée, je plongeas mon regard dans ma tasse de chocolat chaud, je pouvais y apercevoir les bougies du chandelier se refléter dans le liquide sombre et onctueux. Un coup d'œil par la fenêtre me permit de voir la neige tombée en flot continu, cela me fit frissonner à moins que ce ne soit la fatigue. Je pris ma tasse à deux mains me délectant de sa chaleur autant que du breuvage. J'avais presque fini de siroter mon chocolat quand je vis le tavernier se diriger vers ma table et s'asseoir en face de moi.
Petite ? Je ne suis pas petite !
Calme toi, jamais ils vont accepter de t'héberger si tu t'énerves
Je fermais les yeux un court instant en prenant une profonde inspiration, j'avais depuis quelques temps acquis une certaine expérience pour contrôler un minimum mes émotions, mais j'espérais qu'il n'avait pas décelé la colère fugace qui avait faillit me submerger.
Des gens pouvaient s'inquiéter pour moi ?
Je pensais à toutes les rencontres que j'avais fait jusque-là. Non, je ne voyais personne qui pouvait se soucier de mon sort, peut-être que le druide accepterait de me loger si je le lui demandais, il ne devait avoir qu'un jour ou deux de marches d'avances.
Je...
Je m'interrompis une pensée m'ayant traversé l'esprit, il voulait sûrement parler de mes parents. Ils étaient pour moi deux fantômes, je ne me souvenais même plus de leurs visages ni de leurs noms. J'évitais un maximum de ressasser se souvenir d'habitude, car me mettant toujours dans des états pas possible. Il ne fallut guère de temps pour que mes yeux soient embués de larmes, je baissais la tête vers ma tasse posée devant moi en fermant les yeux, espérant ainsi cachée et calmée ma crise menaçant de me déborder d'un instant à l'autre.
« Peut-être, mais je suis ici ce soir. Trop tard pour revenir en arrière et je ne m’en irai pas sans toi, crois-moi. »
Oui je suis épuisée et fatiguer cela se ressent dans les intonations de ma voix ainsi que sur mon visage. Je suis tendue et je dois avouer ne pas avoir la patience facile. Alors sans me soucier de ce qu’Il vient de me dire, je me penche donc au-dessus d’une première table commençant ainsi à la frotter. Bien évidemment, il ne m’est plus aussi facile de m’étirer de tout mon long, m’obligeant ainsi à nettoyer par étape et surtout à changer de côté pour éviter une blessure inutile au bas de mon dos. Je jette un bref coup d’œil en direction de Devon alors qu’il me mentionne peut-être devoir fermer plus tard que prévu et je ne peux m’empêcher de soupirer bruyamment faisant bien ressortir mon mécontentement. Peut-être que lui s’est découvert un côté papa poule, mais pour ma part, j’ai autre chose à faire et à me soucier que d’une gamine perdue dans la capitale.
Je secoue la tête tout en haussant les épaules. Que vouliez-vous que je lui dise. Il s’est déjà faite à l’idée que de retourner à lui parler alors autant continuer à nettoyer de mon côté. Il aura juste droit à mon air ronchon pour le reste de la nuit et aussi demain, tant pis pour lui. Bien évidemment, j’écoute sans aucune gêne la conversation qui s’en suit bien qu’elle semble unilatérale puisque Devon ne semble pas avoir grand réponse de la demoiselle qui semble dans tous ses états en la présence de ce dernier. En tout cas, elle n’est pas muette puisqu’elle a été capable de prononcé un simple « je » qui me fait secouer la tête.
Je me rapproche donc d’eux laissant mon chiffon sur la table que j’étais en train de nettoyer, décidant d’y mettre un peu du mien et je dépose ma main libre sur l’épaule de Devon, alors que je me tiens debout à ses côtés une main sous mon ventre arrondi qui semble faire son poids sur le reste de mon corps.
« La moindre des choses c’est de lui répondre, tu ne crois pas? Après tout, nous allons devoir quitter plus tard parce qu’une certaine personne ne semble pas avoir compris ce que voulait dire fermeture... » J’ai l’air pourtant très calme, j’ai même un sourire sur les lèvres, mais ne vous avais-je pas dit que ma patience était très courte ce soir? Enfin, il faut dire que je ne remarque même plus ce genre de chose depuis un moment.
"N'en fais juste pas trop s'il te plaît... J'ai quand même le droit de m'inquiéter surtout avec tout ce qui nous arrive depuis le début non?"
Après tout, ce ne sont pas juste mes deux naufrages et son kidnapping par des cannibales dont il est question ici... La première fois que l'on s'est rencontré elle s'est évanouie dans ma taverne, après cela il y a eut mon premier naufrage, puis les problèmes avec ces gens auprès desquels elle avait contracté des dettes et finalement le second naufrage et son kidnapping... Notre vie est plutôt animée alors il est normal que je ne veuille pas laisser au destin la moindre chance de rendre les choses plus compliquées encore... Enfin bon, quoi qu'il en soit je la laisse faire ce qu'elle veut - elle sait mieux que moi ce dont elle est capable ou non - et je retourne voir la jeune inconnue qui semble avoir terminé son chocolat chaud... En toute logique il faudrait que je lui dise qu'il est temps de partir, je ne peux tout de même pas rester ouvert toute la nuit cela ne serait pas envisageable! Saryna doit se reposer, moi aussi d'ailleurs, et je sais que la belle ne partira pas sans moi! Cependant, je n'ai pas le coeur de mettre à la rue une jeune fille sans même savoir pourquoi elle est là dans un premier temps. Je lui signale donc que des gens vont finir par s'inquiéter et la suite et bien, je ne sais trop que dire...
D'abord un éclair dans son regard? De la colère? Je ne comprends pas réellement pourquoi - j'ignore même si c'est bien ce que j'ai vu - mais je vais fermer les yeux pour l'instant! Si la demoiselle est colérique cependant je garde cela précieusement comme information! On ne sait jamais ce qu'une personne peut faire par colère et même si c'est juste une jeune fille, je préfère rester sur mes gardes. Ensuite par contre, un changement total d'émotion alors que son regard s'emplie de larmes? Qu'est-ce qu'elle a bien pu vivre pour passer d'une émotion à une autre aussi rapidement? Un début de phrase, un simple "je" qui restera sans suite... Pas très grave cependant, elle peut prendre son temps pour répondre. C'est du moins ce que je pense mais Saryna intervient rapidement avec son manque de patience qui la décrit le mieux présentement... Je me tourne vivement vers elle en soupirant. "Saryna!" Je comprends ma compagne... Elle est épuisée, elle veut rentrer, se reposer et sans doute soulager son corps endolori! Je le sais, je le comprends, je le veux également mais je ne veux pas non plus brusquer une jeune fille en pleure... Me tournant vers cette dernière, je la regarde avec un petit sourire chaleureux.
"Ma compagne manque un peu de tact mais elle a raison... Je ne peux pas rester ouvert toute la nuit tu sais? Est-ce que tout va bien? Tu as besoin d'aide pour rentrer chez toi?" Ce ne serait pas la première jeune à fuguer de chez elle et à se réfugier dans mon établissement parce qu'elle ne veut pas retourner dans sa demeure ou ne sait pas comment le faire et affronter ses parents... Généralement je reste disponible, offrant une oreille attentive, parfois des conseils, il m'est même arrivé de parcourir toute la ville pour raccompagner le dit jeune chez lui... Les choses sont différentes maintenant, il y a Saryna et je ne peux pas me permettre de couper du repos à ma conjointe alors qu'elle est enceinte de six lunes!
La dénommée Saryna bien qu'enceinte me dominait de par sa taille et son assurance, je me recroquevillais encore plus sur ma chaise alors qu'elle me décochait un sourire. Bien qu'il n'y ai aucune nuance d'agressivité dans sa voix, le calme et le sérieux avec lequel elle parlât m'effrayât encore plus.
Je ne savais plus comment réagir, d'ordinaire si l'homme m'avait tenue le discours de sa compagne, je me serais sûrement jeté dans les bras de celle-ci en pleurant, mais là ça me paraissait tellement incohérent que je crus que j'étais en train de rêver. Indécise, je les regardais tour à tour ne sachant pas trop sur quels pieds danser. Désarçonnée et inquiète par la scène qui à mes yeux me paraissait illogique, j'en avais complètement oublié la raison de mes pleurs, qui avait cessé aussi vite qu'ils étaient apparus.
Je...
Si je ne répondais pas rapidement, ils allaient sûrement me mettre à la porte, mais qu'entendait-il par chez moi? Le seul endroit où je me sentais vraiment chez moi c'est dans la forêt, mais je me doutais bien que ce n'est pas de ça dont-il parlait. Je pourrais peut-être essayer de retourner chez Jeschen, mais j'étais presque sûr qu'il ne me reconnaîtrait pas. Non vraiment, je ne voyais aucune solution.
Chez moi ? Je..heu...
Je jetais à nouveau un coup d'œil à Saryna, espérant de sa part un regard bienveillant ou une autre forme de soutien quelconque. Je pouvais lire dans son attitude une impatience non dissimulée et j'avais l'impression que ses deux petits crocs visibles sur son sourire me menaçaient, je ne m'étais jamais sentie aussi seule. Je sentais que c'était ma dernière chance, je replongeais mon regard sur le fond de la tasse en murmurant d'une voix tremblotante.
Chez moi ? Dans la forêt ?
L’attitude de la demoiselle me blase et je n’ai pas d’autre choix que de m’en mêler. Parce que connaissant Devon, il est bien trop tendre et même s’il s’agit d’une cliente, elle n’en restait pas moins une squatteuse qui n’avait rien commandé depuis son arrivée. Je ne l’ai pas servie et Devon non plus et je suis peut-être à fleur de peau, mais à ce que je sache, ma mémoire ne me fait pas encore défaut. Dans tous les cas, me voilà au côté de ces derniers avec mon manque de tact. Bien évidemment Devon réagit à mes mots aussitôt en se tournant vivement en ma direction, même s’il n’élève pas la voix une seule fois sur moi. Contrairement à moi, c’est lui le plus diplomate des deux et elle est chanceuse de ne pas être tombée que sur moi, parce que je ne me serais certainement pas montrée très tendre avec la demoiselle. Enfin, mon mécontentement sembla empirer quand ce dernier la questionna concernant une aide pour retourner jusqu’à chez elle. Je fronce les sourcils alors que le visage de la demoiselle se lève vers moi et mon regard se fait plus menaçant que je ne voulais le laisser paraître. Après tout, mes yeux rouges brûlaient de mécontentement en cet instant, mêler à cela une fatigue et un corps endoloris et on obtenait un merveilleux cocktail explosif et c’est d’ailleurs dans le silence le plus total que je fis exprès d’activer mon bracelet jumeau pour lui faire comprendre tout ce que j’endurais dans le plus grand des silences et aussi pour lui faire part de mon ressenti de cette situation. Bien évidemment, aucun mot n’avait été échangé. Il s’agissait là qu’un échange de sentiment à sens unique en provenance de moi. Je me serais bien passé d’user un tel objet pour cela, mais puisqu’il m’accusait de manquer de tact, j’usai du seul moyen en ma disposition.
« Oui, chez toi, tu dois bien avoir une maison, un endroit où dormir? » ajoutai-je à l’un des questionnements de la demoiselle qui semblait faire des allées retour entre Devon et moi-même. Bien évidemment, elle murmura à nouveau se terrant de nouveau entre quatre murs invisibles. Heureusement, j’ai l’ouïe fine, bien que rien à voir avec les canidés, mais tout de même si la demoiselle vivait dans la forêt se n’était pas réellement une heure pour s’y rendre.
« Tu vis dans la forêt? » demandai-je sans être étonnée. Après tout c’est de là que je viens. J’y ai toujours vécu et Devon m’a simplement amené dans le monde civilisé comme je m’amusais si bien à le dire puisqu’il me surnommait sans cesse de sauvageonne. « Pourquoi n’es-tu pas partie avant que la nuit ne tombe. Si tu y vis, tu sais très bien qu’il est dangereux de s’y promener la nuit… » Dis-je surtout sur un ton accusateur. « Et même s’il t’a offert de l’aide, je ne le laisserai pas se rendre jusque-là à une heure aussi tardive. Trouve-toi une auberge et retournes-y au lever du jour. »
En effet, Saryna fait preuve de plus de tact suite à ma remarque c'est un fait, du moins en apparence! Elle ne dit rien concernant son impatience ou son mécontentement, du moins verbalement! Sa position, sa stature et son attitude ne laissent pas réellement de doute concernant ses pensées, ça c'est ce que la jeune fille doit voir! Pour moi c'est encore pire! Puisque nous avons tout deux un bracelet jumeaux, elle ne se gêne pas pour me faire ressentir son état d'esprit directement en me partageant ses nombreuses émotions qui n'ont rien de positives... Je lui jette aussi discrètement que possible un regard en coin alors que je tente de faire la même chose mais plus pour l'apaiser si cela est réellement possible? Après tout, peut-être que ma bonté naturelle pourra calmer son esprit courroucé par la situation? Qu'en sais-je réellement? Je n'ai jamais utilisé ce genre de stratagème par le passé en réalité donc c'est un peu une tentative plus qu'autre chose.
Et la jeune demoiselle dans tout cela? Et bien je n'en tire pas grand chose! Une question reprenant mes mots qui a le don de faire réagir Saryna, effectivement la jeune inconnue doit bien avoir un endroit où vivre! Elle n'est pas apparue de nul part après tout! Et soudain, une nouvelle question qui ne va pas réellement attiré la pitié de mon aimée : la forêt! Il est vrai que pour de nombreuses personnes, affirmer vivre dans la forêt attirerait sans aucun doute une certaine sympathie - peut-être de la pitié? - mais auprès de Saryna ou de moi-même? Et bien, ce n'est pas réellement efficace! Après tout, Saryna est originaire du village perché qu'elle a dû quitter à cause d'un accident. Après cela, elle a simplement vécue toute sa vie en forêt avant de venir à la capitale pour vivre avec moi... Elle est la preuve vivante que l'on peut parfaitement vivre dans la forêt à condition d'être un peu débrouillard. Du coup, je me doute qu'elle ne va pas s'apitoyer sur le sort de la jeune fille nous faisant face et, effectivement, cela ne rate pas! Loin de la sympathie, ses remarques font plus office de reproches qu'autre chose et une nouvelle fois, j'use de mon bracelet pour tenter de l'apaiser avant que ses mots ne soient trop durs...
"Ma conjointe a raison, c'est bien trop dangereux de retourner en forêt à cette heure ci... Il vaudrait mieux que tu ailles dans une auberge pour passer la nuit et si tu veux demain matin je pourrais t'aider à retourner à ton campement? Tu as des cristaux pour te payer une chambre?" Je sais que Saryna ne va pas apprécier cette question vu ce qu'elle implique - pas plus que mon offre de la ramener le lendemain - mais je ne peux pas laisser cette gamine dormir dans la rue si elle n'a aucune ressource tout de même!
Me raccompagner en forêt ? Oh !...
En effet qu'il serait bon de retourner vivre dans la forêt entourée dans mon terrier avec les Eriophai ou être entouré de lapillon ou autre, d'écouter le chant des oiseaux... Je me repris bien vite en secouant la tête, il n'avait pas parlé de rester avec moi et Luz ne voudrait pas que je reste seule dans la forêt. Je baissais tristement la tête.
Non, elle ne voudrait pas, elle m'a fait promettre...
Et si je partais qui soignerait tous ces pauvres gens, déjà que l'on manquait cruellement de personnel, mon départ ne passerait pas inaperçu. Et le voilà qu'il me propose même de me payer une chambre à l'auberge, ça ne réglerait pas le problème, ça ne ferait que le repousser au lendemain.
Mais pour qui est ce qu’il me prend ? Une mendiante ?
J’en ai rien à faire de ses cristaux !
Je sentais le rouge me monter aux joues, honteuse d’avoir cédé une nouvelle fois à la colère, heureusement que je regardais ma tasse, avec un peu de chance, ils n’auront rien remarqué. Tout ce dont je voulais moi, c’est un toit et une soupe pas qu’ils me prennent pour une mendiante. Maintenant, j’en étais certaine, ils allaient me jeter dehors dans le meilleur des cas avec une poignée de cristaux.
J’avisais le torchon que Saryna avait laissé sur la table voisine, peux être que je pouvais leur montrer que je savais nettoyer les tables, ramener les tasses, verre, pichet et autre contenant pour les nettoyer. Il ne semblait pas y avoir tant chose à faire, la taverne était propre et la plupart des tables étaient déjà débarrassées, ça ne me prendrais que peu de temps de faire ça.
Je n’osais pas lui poser la question par timidité, mais surtout par peur d’un refus. Je reportais mon attention sur le tavernier, le regardant avec espoir laissant mes yeux poser la question muette que je n’osais pas prononcer en laissant dériver mon regard une nouvelle fois sur le chiffon.
Un petit échange plutôt unilatéral nous fait comprendre que sa demeure se trouverait peut-être en forêt, enfin, je n’en suis pas si sûre, mais c’est ce qu’il me semble avoir compris. Bien évidemment, y ayant vécu durant des années avec mon père puis seule dès ma majorité je dois avouer que cela ne surprend pas. Il y a en effet des chaumières voire même de plus grandes demeures dans la forêt. Il ne s’agit pas d’une zone sauvage sans population humaine et je ne parle pas nécessairement du village perché. Seulement ceux qui y vivent se font bien plus discrets et c’est surtout pour le calme et la tranquillité, loin de tous les soucis des voisins ou d’une ville trop bruyante. Enfin, pour ma part, je n’avais ni toit ni mur et je vivais en plein air et dormait dans les arbres, même lors de la saison froide et pestait lorsque je devais me rendre dans une ville quelconque. Du coup, je me fais un peu moralisatrice en lui expliquant que c’était dangereux de s’y aventurer aussi tardivement et qu’elle n’avait qu’à se trouver une auberge, mais bien évidemment Devon reprend aussitôt derrière moi. Et la demoiselle réagit étrangement, déjà, elle semble heureuse qu’il s’offre pour la raccompagner, mais elle change aussitôt de registre retrouvant son éternelle mélancolie en précisant que quelqu’un d’autre ne voudrait pas puisqu’elle lui a fait promettre? Qui? Où? Sa mère? Elle n’a pas le droit d’y retourner?
Je presse mes doigts contre l’épaule de Devon que je garde toujours en main et tente de le tirer légèrement pour lui faire comprendre que je souhaite lui parler. Je ne sais pas ce qu’elle attend de nous, mais moi je n’ai rien à lui offrir. Alors ces petits yeux de biche, elle peut se les garder.
« Devon, j’ai besoin de te parler. SEULE, allons plus loin. »
Et plus loin était bien évidemment dernier le comptoir là où si nous chuchotions elle ne nous entendrait pas. Sans attendre, je m’y dirige de pas ferme et lucy seule sait à quel point cela me fait mal de rester dans cette position alors dès que je suis sur place, je dépose ma main sur la surface pour y prendre appuie. Je sais que Devon me suivra, parce qu’il voit que je prends le temps au moins de ne pas dire tout ce que je pense devant elle. D’ailleurs, j’indique par télépathie à mon corbeau trois yeux de surveiller la mademoiselle pendant notre absence. Le volatile sombre, vola alors jusqu’au dossier de la chaise où se trouvait Devon et fixa ses trois petits yeux sur la demoiselle. Il avait mission et il n’allait pas échouer! Devon, maintenant devant moi, je plonge mon regard, maintenant dur, dans le sien.
« Nous ne sommes pas la charité… et je refuse que tu lui offres le gîte dans notre demeure parce que je sais que c’est par là que tu t’en vas!! » chuchotai-je bien que ma voix se faisait sèche et ferme. « Elle ne semble pas avoir dix ans non plus et si elle vit ou vivait dans la forêt, c’est qu’elle est capable de se débrouiller seule! JE me débrouillais déjà seule à son âge. » Poursuivais-je. « Son comportement est étrange, on ne sait rien d’elle et elle refuse de nous parler. » Je pousse un soupir déposant finalement mes poings contre mes hanches… « Tu te dépêches de la mettre dehors ou c’est moi qui m’en vais et peut importe ce qu’il m’arrivera sur le chemin du retour… » Oui, c’est du chantage sentimental, mais je suis maîtresse de ma personne et Devon sait que je n’hésiterai pas à le faire. Et c’est même pire encore puisque je porte son enfant.
Visiblement c'est trop pour Saryna qui demande à me parler en tête à tête ce que je ne peux absolument pas refuser! Je sais parfaitement comment elle se sent, le bracelet jumeau permettant cela et je ne désire pas qu'elle s'énerve, cela serait mauvais pour le bébé! Je m'excuse donc auprès de la jeune fille et j'accompagne Saryna jusqu'au niveau du comptoir! Visiblement rester debout lui demande énormément et je ne veux pas lui en imposer plus que de raison, malheureusement la jeune fille ne me permet pas réellement de partir présentement en l'abandonnant à son sort chose qui, en toute franchise, va peut-être changer d'ailleurs! En effet, Saryna est plus que catégorique en ce moment! Bon pour le premier point je secoue vivement la tête en fronçant doucement les sourcils. "Voyons Saryna! Je ne lui aurais jamais proposé de l'héberger chez nous!" Le jamais est sans doute fort, peut-être mensonger également? Après tout n'ai-je pas justement ramener Saryna chez moi lors de notre première rencontre alors qu'elle s'était écroulée dans ma taverne? Cela étant, maintenant alors que nous vivons à deux et alors qu'elle est enceinte, il est vrai que je ne proposerait pas l'hébergement a une parfaite inconnue qui ne nous dit absolument rien d'elle, pas même son nom!
Pour le reste, je dois avouer que cela me plaît moins, effectivement je ne veux pas mettre la jeune fille dehors sans même qu'elle n'ait un abri! C'est que la saison est froide et je ne veux pas forcer une enfant - car c'est ce qu'elle est à mes yeux - à dormir dehors par ce temps! Cependant, je ne veux pas non plus que Saryna rentre seule! Les rues de la capitale ne sont pas les plus sures et même si normalement je n'aurais aucune inquiétude pour la belle sauvageonne, elle est enceinte de notre enfant! C'est un odieux chantage cependant, malgré toute ma gentillesse, ma compassion et mon humanité, entre ma conjointe et notre enfant et une parfaite inconnue, le choix me semble plus que clair! Je pousse donc un léger soupire en regardant la belle hybride droit dans les yeux. "Laisses-moi encore cinq minutes s'il te plaît? Après cela, promis nous partons!"
Pour une raison quelconque l'hybride ne semblait pas m'apprécier et je n'arrivais pas à comprendre pourquoi. Je ne lui avais rien fais de mal, Niraen, lui, aurait pu m'en vouloir, je lui avais crié plusieurs fois de suite, mais il ne m'en avait jamais tenue rigueur. Lulla aussi aurait pu m'en vouloir, je les avais ralentit dans les montagnes et je ne comptais pas Loki qui s'était blessé à cause de moi ou même Val que j'avais failli égorgé. Aucun d'entre eux ne m'en avait voulut, alors pourquoi cette animosité de sa part ?
Et Devon que penser de lui ? Il me semblait sympathique, mais j'avais eu beaucoup de souci avec la gent masculine, mais à y repenser j'en avais aussi côtoyé plusieurs qui n'avaient eu aucun geste déplacé envers moi. Je ne savais plus quoi penser des hommes et des femmes, je les avais classés comme méchants et gentilles, mais visiblement je me trompais.
J'avais peut-être encore une chance de me voir offrir l'hospitalité, Saryna avait oublié son chiffon. Je pouvais leur montrer que je pouvais nettoyer les tables, je l'avais fait plusieurs fois chez l'autre tavernier. Le seul souci c'était ce corbeau qui semblait suivre du regard le moindre de mes mouvements aussi minuscules soit-il. Est-ce que Saryna et lui pouvaient communiquer comme Niraen le faisait avec Tajla ou Zemir ? À moins que ce soit le tavernier.
Pas grave, il ne va pas m'attaquer, enfin j'espère. Je me levais d'un bond décidée à leur montrer que je voulais les aider et s'ils venaient à m'interrompre je leurs dirait ce que je voulais. Qu'il était simple de se montrer résolue, mais ce serait bien plus difficile de le dire quand ils viendraient me voir. Je ne devais pas penser à ça, seulement me concentrer sur ma tâche et j'étais presque certaine que l'un des deux était déjà au courant grâce à cet oiseau.
Le chiffon dans une main je fis le tour de la table rangeant les chaises dessous tout en faisant le tour afin de la nettoyer complètement, sans perdre de temps je m'attaquais à celle où je me trouvais un instant plus tôt en prenant ma chope dans l'autre main afin d'en faire une pile avec d'autre trainant sur une table voisine.
Enfin, bien évidemment, je jette quelques coups d’œil en direction de la demoiselle pour qu’elle ne fasse rien d’étrange. Il ne faudrait pas que Theraphosa se fasse subitement attaquer. Après tout, nous ne savons pas si elle est armée, mais je dois dire que je n’hésite pas à user de chantage pour faire entendre mon point. Il est trop gentil et si je ne lui donne pas d’ultimatum nous allons être encore ici demain…
*Petite fille bouge!* Croassa dans mon esprit mon familier qui battit vivement des ailes prêt à foncer sur la demoiselle pour qu’elle reste à sa place. Jetant un rapide coup d’œil, je lui intime de continuer à surveiller puisqu’elle ne semble que continuer ce que j’avais commencé; nettoyer la salle. *Ne lui fait pas de mal, Theraphosa…* L’oiseau semble s’apaiser et s’envole sur une poutre un peu plus haut pour continuer à regarder la jeune fille de ses yeux perçants.
Bien évidemment, Devon me demande de lui laisser cinq minutes… Je frotte doucement mon front de à l’aide du côté de main ainsi que mon pouce et regarde de nouveau en direction de la jeune femme fille avant de pousser un très gros soupir. Si au moins elle nous parlait… Dans tous les cas, son mutisme et le fait, de ne pas respecter l’horaire de fermeture ne me la faisait pas porter dans mon cœur pour le moment et il faut dire que cela prend un moment avant que mon hostilité disparaisse envers les autres. Je ne fais confiance en personne, c’est un fait. Lorsque je travaille avec Devon, je porte un masque et il le sait. Tout ce que je fais c’est pour nous et surtout pour lui. Cela fait longtemps que je ne fais plus confiance aux humains de toute façon et cette confiance ne risque pas de revenir de si tôt.
« Très bien, cinq minutes et pas plus. Dépasser le délai, je m’en vais sans toi. » dis-je finalement en détournant les yeux tout en la montrant du menton. Je prends appui sur le comptoir et me penche un peu vers l’avant étirant ainsi mon bas de dos qui m’élançait, avant de récupérer un nouveau torchon pour retourner dans la salle continuer mon travail sans jeter un seul regard à la fillette.
Je me tourne donc pour retourner vers la jeune fille, remarquant qu'elle a prit le chiffon que Saryna a laissé plus tôt pour frotter les tables? J'arque un sourcil sans réellement comprendre ce qu'elle est en train de faire! Est-ce que c'est une manière pour elle de s'occuper ou de combattre un stress dont j'ignore l'existence? Je soupire doucement, je sens que cela va être encore plus compliqué que prévu! Le souci réel c'est que je ne désire pas la brusquer! Après tout vu son silence plus que présent, si je suis trop dur avec elle cela ne va pas arranger les choses. Je pourrais essayer d'y aller en douceur mais alors les cinq minutes passeront inutilement et cela ne serait pas convenable non plus! Si Saryna décide de partir, le choix entre une inconnue qui ne dit rien et ma conjointe sera vite fait malgré ma sympathie et ma gentillesse habituelle... Pas le choix, il faut avoir une conversation avec la jeune fille qu'elle le veuille ou non! Après tout, je vais bientôt être père! Parfois, il faut savoir se montrer plus ferme avec les enfants!
Je me dirige donc vers elle et m'installe de nouveau à la table. Je la regarde un instant avant de soupirer. 'Lâches ce torchon et viens t'asseoir!" Ma voix reste calme même si cette fois, mon timbre laisse comprendre que je m'impatiente doucement. C'est surtout parce que je suis pressé par le temps. "Je vais être très clair avec toi jeune fille! Ma conjointe désire partir, elle est fatiguée et doit se reposer et moi, je vais partir avec elle. Maintenant je n'ai plus le temps d'attendre alors soit tu me dis ce que tu veux, soit je vais devoir te demander de quitter mon établissement immédiatement!" Non je ne la mets pas dehors, pas encore! Elle a une chance de s'exprimer clairement mais vu la limite de temps, ce sera la seule...
Je...
Je me rasseyais en face du tavernier, n'osant pas le regarder, honteuse de ma timidité, honteuse d'avoir pu croire qu'ils allaient m'aider et honteuse de leur avoir causé des soucis. Je relevais la tête, toute penaude vers Devon, le regardant à travers un brouillard de larmes.
Je...
M'avait-il encore appelé fillette ? Que l'on me confonde avec une gamine, avait passablement le don de m'énerver. Ce qui une fois de plus stoppa net mes pleurs. Je me tournais vers la porte, allait il m'arrêter ? Je me levais prête à partir, qu'il serait plus simple de sortir maintenant, j'avais seulement à pousser cette porte et tout serait fini plus besoin de parler, je serais enfin seule, moi et ma stupidité.
Je...
Non, je ne pouvais pas ne dormir dehors, pas après ce qui m'était arrivé, il y a quelques jours. Rien que d'y penser, j'en avais encore la chair de poule. Je me retournais vers le tavernier en sanglotant, me précipitant vers lui afin de trouver la sécurité de ses bras et de bégayer d'une voix timide entrecoupé de sanglot.
Je ne veux pas dormir dehors, je ne veux pas dormir dehors.
C’est d’ailleurs en ruminant dans mon coin et en repensant à tout cela que je continue de frotter une table sans même remarquer qu’elle brille de propreté. Secouant la tête pour me sortir de mes pensées, j’entends mon conjoint ordonné à la demoiselle de laisser tomber ce qu’elle était en train de faire lui ordonnant de venir prendre place alors qu’il s’était assied lui-même à cette même table. Enfin! Bon, c’est ce genre de discours qu’il aurait dû lui faire dès le début et non devoir attendre que je le menace de m’en aller sans lui au risque de me faire agressé dans les rues en pleine nuit, mais bon. Il n’est jamais trop tard, n’est-ce pas?
Bien, évidemment, cette dernière semble toujours avoir perdu sa langue répétant tel un perroquet les mêmes choses. Le son de la chaise frottant contre le sol me fait tourner la tête alors qu’elle semble se diriger vers la porte. Un petit sourire satisfait se dessine sur mes lèvres, mais s’efface aussitôt alors que je la vois courir en direction de Devon pour plonger contre lui et se blottir dans ses bras? J’ai la berlue ou cette gamine souhaite vraiment tester ma limite. Serrant le torchon dans ma main très fortement au poing de m’en faire blanchir les jointures, je serre fortement les dents l’une contre l’autre, alors que mon regard se charge de colère. Je sens mes poils s’hérisser alors que mes crocs semblent sortir de leurs orifices où elles reposaient lorsque je n’avais pas à me défendre. Pas que je me sente menacé, loin de là, mais ce genre de sentiment agressif avait don de les éveiller.
Ma colère se fait ressentir même auprès de mes familiers. Nephalie se glisse en dessous d’une table alors que mon corbeau s’agite et se met à voler dans l’établissement en croassant. Si j’avais pu le faire, je crois que mon regard aurait pu lancer des éclairs tout comme mon être se charger d’étincelle tellement je me sentais fébrile. Je m’approche alors de leur table et sans me soucier de lui faire mal ou pas, je l’attrape par l’épaule et le repousse sans faire attention à ce qui pouvait se trouver derrière elle.
« Sors! » dis-je dans un sifflement menaçant. « Nous ne sommes pas une auberge, il n’y a ni chambres ni cuisine. Il n’y a pas de place ici pour toi… Alors, sors et ne me fais pas répéter, car tu as franchi une limite que tu ne devais pas atteindre… »
Je pointe tout simplement la porte de sortie d’un doigt tremblant. Je fais des efforts considérables et tout mon être semble se crisper pour contenir la furie qui sommeille en moi. Mais cela m’en demande beaucoup et ce n’est pas le genre de chose qui doit être bon pour notre enfant. Le pauvre ne doit pas comprendre ce qui m’arrive et doit très certainement subir le même état de stress dans lequel je me trouve. Je le sens d’ailleurs s’agiter un peu plus que la normale et c’est d’ailleurs à ce moment qu’une vive douleur aiguë parcourt mon bas ventre m’arrachant sans que je le désire un râle de douleur. Portant aussitôt une main en dessous de ce dernier, je me penche légèrement vers l’avant comme si cela allait aider à faire passer la douleur et je m’appuie sur le dossier de Devon alors que ma respiration se fait plus bruyante.
Son déplacement, son expression, tout cela ne laisse aucun doute et - bien que je sache ce qu'il va arriver - je n'ai pas réellement le temps de réagir dans un premier temps alors que Saryna attrape la jeune fille sans ménagement pour l'écarter de moi en lui intimant de sortir! Je fronce les sourcils, c'est une réaction disproportionnée! Je ne comprends pas réellement l'énervement de ma conjointe! Ne devrais-je pas alors également m'énerver lorsque dans les premiers temps, alors qu'elle m'aidait dans la taverne, elle avait des tenues plus affriolantes? Je l'ai toujours laissé faire en me disant qu'elle pourrait gérer les situations mais voir cette réaction parce qu'une gamine en pleure et apeurée cherche une main tendue? Qu'est-ce que cela révèle de sa confiance en moi exactement? Pense-t-elle qu'il y a le moindre risquer? En plus, cela n'est visiblement pas bon pour elle ou pour l'enfant et je commence à me dire qu'il faudrait écarter Saryna de la taverne tant qu'elle est enceinte! Si elle réagit ainsi que va-t-elle faire le jour où je devrais repousser les avances d'une adulte un peu trop enivrée - chose qui arrive parfois - alors qu'elle sera là? Va-t-elle agresser toutes mes clientes?
"ÇA SUFFIT!" Je ne pense pas jamais avoir élevé la voix mais cette fois, j'ose espérer que ca saisira suffisamment les deux femmes pour que les deux s'immobilisent. Je me tourne tout d'abord vers Saryna, l'attrapant par la main pour m'assurer qu'elle aille bien. Au passage, je tente de lui faire parvenir une onde apaisante avec le bracelet jumeaux, pas sûr que cela fonctionne vu que je ne suis pas totalement apaisé mais, je pense quand même parvenir à gérer mes émotions, je ne suis pas énervé non plus. "Toi assis!" Dis-je à l'inconnue en lui désignant une chaise d'une voix qui ne souffrira d'aucune contestation je l'espère! Je reste debout pour m'assurer que Saryna aille bien, je dois avouer que j'ignore quoi faire dans ce genre de cas.. "Saryna est-ce que ça va? Calmes toi! Ça va aller..." Me tournant ensuite vers la jeune fille, sans lâcher Saryna du regard. "Et toi, je commence à perdre patience! Tu ne peux pas me foncer dans les bras en pleurant en n'espérant aucune réaction de ma conjointe! Il faut réfléchir avant d'agir..." Pour l'heure, je ne pense pas pouvoir faire grand chose. Définitivement Saryna n'est pas capable d'avoir une discussion dans cet état. Si seulement j'avais quelqu'un pouvant l'aider sous la main...
Mon instinct de soigneuse reprit de suite le dessus en entendant Saryna lâcher un râle de douleur en agrippant la chaise du tavernier. Je tendis une main vers elle prête à aller l'aider, mais suspendit mon geste devant l'ordre péremptoire de Devon. Je restais là un moment, troublée, ne sachant que faire, tiraillée entre l'envie de l'aider et le ton de l'homme.
J'avais appris à médecine pour aider tous ceux que je pouvais, je n'allais pas regarder sans réagir. Je n'avais jamais eu l'occasion de soigner de femmes enceintes, mais en repensant à mon excursion dans les montagnes, je n'avais jamais eu l'occasion de soigner un tel cas d'hypothermie.
Je fouillais dans ma sacoche quelques médicaments qui pourraient la soulager, ne trouvant rien, je me précipitais sur la femme. Je ne savais pas comment m'adresser à eux, mais c'était à mon tour de donner les ordres, aussi, j'utilisais l'étiquette que j'avais apprise pour parler à des nobles.
Tout va bien, Dame Saryna je suis là ! Allongez-vous !
Je lui appuyais doucement, mais fermement sur l'épaule pour l'obliger à s'allonger. Je sortis mon droguet afin de lui faire un coussin pour sa tête. Je remarquais au passage mes sachets de thé hivernales, ce n'était pas l'idéal, ça ne vaudrait pas un peu de weissium, mais je n'avais rien d'autres sous la main. Je tendis tout le paquet, sans même jeter un regard au tavernier, restant concentrer sur Saryna.
Monsieur Devon! Ne vous inquiétez pas je vais l'aider. Préparez-nous du thé !
Respirez doucement !
Tout en lui montrant l'exemple, j'en profitais également pour l'ausculter rapidement. Le bébé bougeait, c'était bon signe.