Tenant mon ventre d’une main, je courbe légèrement le dos comme si une pression allait aider à faire passer la douleur. Ma respiration qui était jusque-là silencieuse devint bruyante presque haletante. Je sens l’enfant qui s’agite bien trop et la colère est rapidement remplacée par un instant de panique. Me mettre dans tous mes états n’avait eu rien de bon sur mon corps. Devon attrape ma main et je sens qu’il tente de m’apaiser, mais la douleur est telle que je lève un moment les yeux en direction et je dois faire bien des efforts pour y arriver. Devon m’intime de me calmer d’une voix inquiète. Mon premier réflexe est de serrer sa main fortement entre la mienne sans réellement ressentir la force que j’y mettais. « J’ai mal… » que je réussis à glisser entre deux halètements. Il s’agit d’un premier enfant pour tous les deux alors je ne sais pas ce qu’il se passe et lui non plus ne saura sûrement pas m’aider. Nemue vit bien trop loin pour arriver rapidement jusqu’à nous et nous n’avons aucun moyen de communiquer avec cette dernière. À ce moment, il n’y a qu’une seule chose qui me vient en tête et ça n’a rien de bien positif. Suis-je en train de perdre notre enfant? Je resserre davantage ma main sur la sienne, sans faire attention à mes griffes et je marmonne quelques paroles…
« C’est..ma faute. Le bébé va mourir et c’est ma faute… »
Si je n’étais pas restée aussi tard, si je ne m’étais pas mis en colère contre cette gamine rien de tout ceci ne se serait produit. Devon aurait réglé la situation sans que je n’en sache rien et j’aurais dormi paisiblement sur mes deux oreilles. D’ailleurs il fallut cela pour dénouer la langue de la jeune femme pour parler. Il semblerait que me voir dans cet état ne semble pas réellement lui plaire et elle m’intime donc de m’allonger. Ce qui voulait dire que je doive m’asseoir dans un premier temps. Je la regarde un moment, hésitante. Dois-je l’écouter ou écouter mon orgueil qui refuse de son aide? Je pose le regard sur Devon et secoue finalement la tête enlevant les doutes de ma tête. Je ne peux pas lui infliger cela et risquer de perdre réellement notre enfant parce que je ne veux rien avoir à faire avec cette dernière.
J’abandonne finalement la main de mon aimé pour m’asseoir sur le sol frais puis je m’allonge aider de cette dernière alors qu’elle dépose quelque chose sous ma tête. La froideur du plancher semble se répandre sur ma peau brûlante, je tente de fermer les yeux et me concentrer sur ma respiration comme elle me le conseillait. Que pouvais-je faire de plus?
Sa douleur est plus qu'évidente, même sans sa position, son visage déformé par celle-ci ou sa respiration plus bruyante, il suffit de voir comme elle serre ma main, enfonçant bien involontairement - j'en suis sûr - ses griffes dans ma chaire. Il faut bien avouer que cela n'a rien d'agréable mais ce n'est qu'un détail contrairement à ce qu'elle doit vivre présentement et je ne parle pas uniquement de la douleur physique mais bien cette crainte sans doute plus grande encore pour elle que pour moi! Elle l'a dit, elle se sent responsable et j'ignore comment elle en sortira si effectivement, cela avait des répercussions sur notre enfant - chose que je refuse d'imaginer actuellement - comme elle semble le craindre. Heureusement, nous ne sommes pas réellement seuls et, alors que je lui ai intimé de ne pas bouger, alors que jusqu'à présent elle restait dans un silence presque permanent, voici que la jeune inconnue s'approche en nous donnant des directives. Je vois l'hésitation de Saryna mais cela n'a aucune importance présentement! Même si j'ignore qui elle est, elle est plus réactive que moi ou la belle hybride alors, si elle peut aider ma conjointe, je refuse de dénigrer son aide!
Saryna se couche donc après avoir lâcher ma main alors que je prends le thé que me donne la jeune fille pour aller en faire. Il arrive que des clients demandent thé ou café, j'ai donc un bruleur pour ce genre de situation même si je ne pensais pas l'utiliser pour une telle raison je dois bien l'avouer. Je mets donc de l'eau à bouillir afin de préparer le thé et, en attendant, je reviens vers les deux jeunes femmes pour m'enquérir de l'état de ma compagne.
"Est-ce que ça va? Tu peux réellement l'aider?" Dis-je pas réellement méfiant mais plus inquiet! Il est vrai que je ne veux pas réellement laisser Saryna entre les mains de n'importe qui mais, vu l'urgence de la situation, je vais me fier aux paroles de cette demoiselle.
Je n'étais pas rassuré, je n'avais jamais traité ce genre de cas, bien que j'avais suivi une formation plus que rigoureuse avec Shechen. De par ma pudeur, je n'avais jamais essayé d'approfondir ses cours. Sans compter que je n'avais jamais eu l'occasion de les mettre en pratique pour la même raison et le fait d'avoir commencé à pratiquer il y a seulement quelques mois, mais je me devais les rassurer. Devon revenait vers nous l'air inquiet.
J'officie dans un dispensaire !
Je me devais les rassurer et ne pas montrer mes craintes. Je quittais vite le tavernier du regard pour le reposer souriant sur Saryna. Je lui pris un de ses poignets afin de prendre son pouls sanguin, tout en lui posant une main sur le front.
Vous et votre enfant allez bien, vous n'allez pas le perdre.
Je ne pouvais que l'espérer, j'étais la cause de tout ça. Si jamais elle faisait une fausse-couche jamais je ne pourrais me le pardonner.
J'espère que l'effet du thé sera suffisant pour la calmer.
Si seulement j'avais un pouvoir de soin, tout ça serait déjà terminé ou si Luz était là, elle saurait quoi faire.
Je me devais de l'apaiser et surtout ne pas céder à la panique, je fis donc la seule chose qui me vint en tête à ce moment-là. Je lui pris les mains en m'asseyant à côté d'elle.
Fermez les yeux, respirez doucement... Vous êtes au milieu d'une clairière dans la forêt, allongez dans l'herbe. Expirer... Le temps est doux et une brise tiède vous caresse la peau. Respirer... Le vent fait bruisser les feuilles et craquer les branches. Expirer... Le clapotis d'un ruisseau se fait entendre. Respirez... L'odeur de l'humus et des fleurs, le chant des oiseaux...
Je fis en même temps qu'elle cet exercice qui avait pour but de me remonter le moral ou de me détendre quand j'étais au dispensaire. J'espérais qu'il fonctionne aussi sur elle.
Pourvu qu'elle aime bien la forêt
Le visage apaisé, je rouvris les yeux, la gratifiant d'un sourire rassurant.
Je m'appelle Aube. Devon le thé ?
Alors qu’elle prit mon pouls d’une main, elle déposa une main contre mon front et je ne sais pas dire pourquoi, mais j’eus l’impression de sentir une certaine vague apaisante qui commença à se répandre dans tout mon corps. Peut-être était-ce tout simplement dû à ses paroles qui nous affirmèrent que l’enfant et moi-même allions bien. Un léger regard en direction de Devon qui avait tenté tout du long de m’aider en m’envoyant de bonnes ondes grâce à nos bracelets qui nous liait. Pour ma part, j’évitais de les utiliser de nouveau afin de ne pas lui faire part de ma douleur. Me savoir ainsi l’inquiétait déjà, je ne voulais pas partager ce genre de chose pour ne pas lui causer davantage de problèmes.
« Tu es sûre? » Après tout, elle n’avait que tâté à quelques endroits mon ventre et pris mon pouls. Dans ma situation, je pense qu’il est normal de douter, puisque la peur s’empare de notre personne et je crains de perdre une chose qui m’ait précieuse. Je ne veux pas vivre le deuil de mon enfant alors qu’il n’a pas vu le jour et je ne veux surtout pas que Devon le vive aussi. Que ferais-je dans ce genre de situation? Je ne saurais le dire…
La demoiselle s’assied finalement à mes côtés prenant mes mains dans les siennes alors qu’elle m’invita à faire comme elle. Je fermai les yeux, comme elle me l’avait suggéré et je l’écoutai en tentant de prendre de grandes inspirations. Étrangement, je n’avais aucunement de la difficulté à m’imager ses paroles. Je peux savoir, à ses dernières, que la forêt semble être un milieu de repos et de bien-être pour elle. C’était pareil pour moi et je ne peux m’empêcher de sourire paisiblement bien qu’un flot d’émotion semble m’emporter en cet instant même. La nostalgie de ne plus vivre dans la forêt, la peur qui m’avait submergé pensant que j’allais perdre mon enfant, la douleur qui semblait disparaître peu à peu, le soulagement que nos vies ne soient pas en danger. Tout cela est bien difficile à contenir et encore plus alors que je suis facilement émotive depuis plusieurs mois. Normalement, c’est plutôt ma colère que j’ai du mal à maintenir, mais là, ce fut plutôt mes larmes que j’eus du mal à contenir. Je sentis l’intérieur de mes paupières se gorger d’eau finissant par s’écouler de chaque côté. Lorsque j’ouvris les yeux, la douleur était bien plus endurable et mon visage n’était plus souffrant.
« La forêt me manque aussi, dis-je tout simplement en tournant la tête dans sa direction. Mais je ne peux pas y retourner, pour le moment... Merci, de m'y avoir fait remettre les pieds, bien qu'il ne s'agissait que d'un court moment.»
Ce n’était pas l’envie qui me manquait et si ce n’était pas de la taverne de ce dernier, cela ferait longtemps que je lui aurais suggéré d’y vivre tous les deux. Bien évidemment, nous aurions pu construire notre maison ensemble, mais ce n’était pas possible, puis la ville serait certainement plus facile pour un enfant et aussi ce dernier qui n’avait plus qu’un bras opérationnel. Je tente finalement de m’assoir. J’ai encore quelques élancements, mais le fait de me mouvoir était déjà un bon signe?
« Tu peux me ramener un linge sec en revenant avec le thé? » demandai-je à Devon, alors que je portai une main dans le bas de mon dos qui me faisait toujours mal depuis quelque temps. « J’aimerais pouvoir enlever la sueur qui couvre mon visage et ma nuque… »
Alors que la jeune fille s'installe à côté de Saryna, la voici qui tente de la relaxer - du moins je le suppose - avec des images de la forêt? J'ignore si cela la soulage elle-même mais je suis persuadé que cela va effectivement trouvé échos dans l'esprit de la belle hybride! Après tout, la jeune femme a toujours vécue en forêt et - pour être parfaitement honnête - je sais que cela lui manque! Vivre en ville n'est pas forcément son choix même si, pour des raisons évidentes, c'est plus simple pour elle comme pour moi : la présence de la taverne bien-entendu, la venue au monde de notre enfant et également mon bras inapte! Il est impossible pour moi de quitter la capitale et la sécurité, apparente tout du moins, que nous offre la ville! La forêt est certes un lieu magnifique mais bien plus dangereux qu'une ville dans laquelle on trouve trois régiments différents de la garde - même si la garde royale ne protège pas vraiment le peuple - pour nous tenir à l'abri des dangers.
Soudain, je suis sortie de ma léthargie par la jeune femme : Aube? C'est donc ainsi que nous apprenons son nom! Bien-sûr le thé! Je m'empresse d'aller le chercher alors que Saryna me demande également un linge, demande à laquelle j'acquiesce naturellement d'un hochement de tête. Je reviens donc avec la boisson en train d'infuser dans l'eau chaude et le tissu demandé par ma conjointe. Je pose le thé non loin, donne le linge à Saryna et m'installe ensuite à côté d'elle en lui souriant tendrement. Je ne peux rien faire pour l'aider mais je suis là autant que je le peux! D'un mouvement tendre du pouce, j'essuie ses larmes alors que mon regard redevient sérieux pour se reposer sur la jeune fille. Elle vient de grandement nous aider, impossible de l'ignorer.
"Bon Aube... Reprenons depuis le début si tu le veux bien... Que voulais-tu exactement en venant ici?" Je me doute de la réponse, après tout elle a affirmé ne pas vouloir dormir dehors à nouveau mais, malgré la colère de Saryna suite à un geste malheureux, je suppose que même elle sera plus ouverte suite à son aide providentielle?
Ses remerciements me firent chaud au cœur, je relevais la tête, lui souriant tristement en entendant ses mots. Je voulais moi aussi lui dire combien la forêt me manquait et ce que je ne donnerais pas pour retourner vivre avec les Eriophais, mais la sachant maintenant hors de danger, ma timidité avait déjà repris le dessus.
Monsieur Devon était revenu le thé et un linge propre, essuyant tendrement les larmes de sa compagne. Je me sentais maintenant comme une intruse, je me relevais espérant ne pas les déranger plus que ça par ma présence et me retourna pour me diriger vers la porte.
Je m'arrêtais en entendant mon prénom, j'avais espéré pouvoir sortir sans me faire remarquer. Je m'en voulais d'avoir fait souffrir Dame Saryna et n'aimerais pas que ça recommence si ma présence l'incommodait. Je me retournais les yeux encore larmoyants, allant vers le couple. Connaissant les effets du thé, j'en pris une gorgée avant de tendre le reste à la jeune femme, manquant de me brûler la langue au passage. En attendant que le thé fasse effet, je repris mon droguet oublié sur le sol.
Je sentis rapidement douce chaleur m'envahir, je savais que je n'en avais pas pris assez pour en ressentir tous les bienfaits, mais que l'effet soit réel ou psychologique ça m'aiderait beaucoup pour répondre à Monsieur Devon. Je baissais tout de même la tête contrite, pour lui répondre non sans bégayer.
Je_j'espérais vo_vous donner un co_coup de main pour pou_pouvoir dormir ici.
Je ne voulais pas, c'est de ma faute si Dame Saryna a mal!
Je me retournais d'un seul coup en me précipitant vers la porte en pleurant avant de m'asseoir sur les marches de la porte d'entrée.
Bien que l’insupportable douleur soit passée, il n’empêche que l’élancement est toujours bien présent. Mon corps épuisé me fait comprendre que j’ai très certainement abusé. C’était un avertissement qui pourrait être bien différent la prochaine fois. Je ne sais pas dire s’il s’agit de la situation actuelle ou bien le soulagement de me voir « bien », mais les larmes de la demoiselle ne passent pas inaperçues à mes yeux malgré ce que je viens de vivre. Je pousse un léger soupir alors que Devon revient vite avec le thé qu’il dépose non loin pour s’installer à mes côtés. Je sais que je ne suis pas toujours facile à vivre et que j’ai pour habitude de repousser tout le monde. Je fais bien des efforts pour ne pas être désagréable avec les clients de Devon lorsque certains se montrent déplacés. J’essaie de trouver les mots justes afin de leur clouer le bec, mais ici, c’est moi qui me suis montrée désagréable avec Aube et gratuitement. Ma condition et ma fatigue ne sont pas de bonnes excuses. J’ai réagi comme ceux que je déteste et cela ne fait pas de moi une meilleure personne, mais je suis comme ça. On m’a trop souvent blessée et je préfère m’en tenir au petit cercle de gens en qui je crois et qui se sont toujours montrés respectueux avec moi. Il s’agit de ma famille et je ne suis pas spécialement prête pour laisser d’autres personnes y entrer, surtout pas avec l’arrivé du bébé.
Je souris, bien que fatiguée, à Devon et attrape doucement sa main dans la mienne alors qu’il essuie les larmes qui avaient roulé le long de mes joues. Larmes de soulagement et à la fois mélancoliques réalisant dans un premier temps que notre enfant allait bien, mais que je ne pourrai jamais revivre dans la forêt. Ma vie de sauvageonne ne sera plus jamais. Frottant doucement ma joue contre sa paume de main, je le laisse donc parler à la jeune femme alors que je tente de reprendre un peu de constance. Je remercie simplement Aube alors qu’elle me tend le thé après en avoir bu une gorgé et je souffle dessus puisqu’il semble bien chaud. N’étant pas spécialement une amatrice de thé, il faut dire que cela me prend bien du temps avant d’en apprécier le goût. Déjà, comment faisait-on pour en apprécier le contenu alors qu’il brûlait complètement l’intérieur de notre bouche?! Un léger mouvement de recul m’éloigne suite à ma première gorgée. Non seulement je me brûle le bout de la langue, mais j’ai l’impression que cela est bien trop chaud pour ma gorge et ça me donne encore plus chaud! Pas le choix de déposer la tasse contre le sol entre mes jambes afin de m’éponger le front ainsi que le contour du visage pour retirer la sueur.
J’ai l’impression d’être dans mon petit monde, seule, malgré mon conjoint et Aube qui sont non loin. Écoutant bien évidemment d’une oreille distraite celle qui pensait être en tort et qui ne cherchait qu’à aider pour avoir droit au gît. Bien évidemment, je ne changerai pas d’avis concernant notre demeure. Je ne laisserai pas n’importe qui y entrer. Il s’agit de notre vie privée et même si elle m’a bien aidée, je ne suis lui fait pas spécialement confiance. Elle reste une inconnue à mes yeux et pour l’avoir vécu moi-même, il ne faut jamais se fier aux apparences.
Enfin, je ne suis pas prête à me lever d’un bond pour courir après la demoiselle qui semblait avoir pris la fuite, mais j’attrapai tout de même le bras de Devon, maintenant que nous n’étions que tous les deux. M’aidant à me lever, il m’aide à m’asseoir à une table et dépose mon thé devant moi. Je sais qu’il est inquiet même si je vais mieux, mais je tiens tout de même à lui dire ce que je pense de la situation.
« Tu sais que mon refus reste toujours pour la maison, mais il s’agit de ta taverne, ton commerce, alors la décision te revient de droit, Devon. Je m’y plierai et respecterai ta décision. » Je pointai alors la porte du menton tout en prenant en prenant la tasse entre mes deux mains. « Va lui parler, mais ne tarde pas trop tout de même… Je ne voudrais pas passer la nuit ici… »
Je me détourne finalement observant l’eau qui avait pris la teinte des herbes et prit à nouveau une gorgée. Un peu plus tolérable cette fois-ci et je dois dire que ce dernier m’apaisait doucement et semblait m’aider à me calmer.
Je l'écoute alors qu'elle balbutie ses explications et je soupire doucement alors qu'elle prend la fuite! Je pourrais me lancer à ses trousses mais on ne va pas se mentir, ma plus grande préoccupation reste ma compagne qui est toujours assisse sur le sol froid de la taverne. Je lui jette un regard alors qu'elle tente de se relever, me mettant sur mes deux pieds pour l'aider dans cette tâche avant de la conduire jusqu'à une table proche pour l'aider à s'installer. Je lui donne également son thé! Je n'ai pas raté la grimace qu'elle a faite lors de sa première gorgée mais je pense sincèrement que cela pourra l'aider! La valeur thérapeutique de certaines plantes étant bien connues, je me vois mal la laisser refuser de le boire... Naturellement, mon regard se porte vers la porte entrouverte, je vois bien que la dénommée Aube n'est pas totalement partie, assisse sur le perron, elle doit également avoir froid et cela me fait pousser un petit soupire. Je ne peux définitivement pas l'abandonner, je ne suis pas ce genre d'homme mais il est vrai qu'invité une inconnue chez moi? Impossible! Malgré son aide, je ne la connais pas suffisamment pour prendre un tel risque!
Soudain Saryna semble vouloir s'exprimer, je reporte donc mon attention vers elle et l'écoute attentivement... Comme je le pensais, elle est sur la même longueur d'onde que moi en ce qui concerne notre demeure! C'est chez nous et évidemment il est hors de question d'accueillir une personne dont on ignore absolument tout! Surtout avec la venu du bébé nous ne pouvons pas prendre un tel risque! J'hoche la tête, résolu, lorsqu'elle continue en parlant de ma taverne! J'ouvre les yeux assez grands il faut bien l'avouer! Il est vrai qu'excepté de l'eau il n'y a rien dans mon établissement donc, rien de valeur! Plus encore, les seuls éléments vaguement importants se trouvent dans un coffre caché et que je suis le seul à pouvoir ouvrir puisque j'y ai apposé un enchantement de serrure... Je souris doucement à ma belle hybride, venant lui voler un délicat baiser avant de me lever. "Ce sera rapide... Toi reposes toi!"
Cela dit, je rejoins la jeune demoiselle sur les marches de mon établissement, m'installant à côté d'elle et regardant doucement l'horizon. Je soupire doucement avant de poser mon regard sur elle. "Avant toute chose Aube, merci! Tu nous as été d'une grande aide et je ne pense pas que tu doives te sentir responsables! C'est un mélange de plusieurs facteurs qui ont conduit à cette situation, tu n'as pas à en prendre l'entière responsabilité!" Parce que bon, Saryna n'est pas toute blanche dans cette histoire non plus et même moi, j'ai pris trop de temps avant de véritablement tenter d'avoir des réponses ce qui a augmenté la frustration de ma conjointe! "Quoi qu'il en soit, j'peux pas réellement te proposer de t'héberger chez moi, tu comprendras que malgré tout, je ne sais rien de toi!" Parce que bon, j'vais pas inviter une parfaite inconnue dans ma demeure ce serait stupide! "Par contre... Avec la grossesse de Saryna qui avance, j'vais sans doute avoir besoin d'aide à la taverne et j'dois pouvoir t'installer un petit truc pour dormir! Ce sera pas tout confort mais ce sera à l'abri du froid et des gens... Sauf que faudra travailler ta timidité! J'ai beaucoup de clients, pas tous des braves gens en plus mais... Si tu veux me donner un coup de main, je t'offre l'hébergement et la protection pendant et après le service! T'en dis quoi?"
Il avait à peine fini de parler qu'un grand sourire se dessinait sur mon visage, malgré mes yeux encore embués de larmes, ils pétillaient de bonheurs. Toute heureuse, je lui sautais au coup, sans remarquer que je laissais tomber mon bout de tissu.
C'est vrai ! Oh merci monsieur Devon.
Confuse, je m'écartais du tavernier, baissant la tête toute penaude, repensant à ce qu'il s'était passé un instant plus tôt dans la taverne. Inquiète je passais la tête dans l'embrasure de la porte en murmurant pour moi-même
Idiote ! Tu vas faire du mal à Dame Saryna.
Je relevais la tête, regardant d'un œil neuf ce qui allait être mon nouveau logis. La bâtisse dégageais une aura chaleureuse et j'aimais la décoration intérieure que j'avais eue tout loisir d'observer durant la soirée. Oui ! J'allais bien m'y plaire.
Sans plus attendre, je décidais de rentrer toute joyeuse à l'intérieur. Me dirigeant droit vers la jeune femme pour la remercier à ma manière. Comme pour son compagnon je la pris comme je pus dans les bras en faisant bien attention à ne pas lui faire de mal.
Merci ! Dame Saryna, merci !
Je repris sans plus tarder le torchon que j'avais laissé sur une table proche et m'attelât à finir la tâche que la jeune hybride avait commencé un peu plus tôt. Ayant acquis une certaine expérience chez mon précédent logeur et par le fait que plusieurs tables avaient déjà été nettoyées avant l'incident, il ne me fallut que peu de temps pour finir le travail. Je passais derrière le bar pour nettoyer les tasses des derniers clients avant de retourner m'asseoir près de la jeune femme, attendant la suite des évènements.
Soupirant, je le regarde finalement s’éloigner de moi après avoir échangé un bref baiser me laissant ainsi seule avec ma tasse de thé. Ondulant doucement entre mes mains, il reflète un regard flamboyant et l’image de ma personne dont j’ai toujours eu horreur. Je me suis toujours demandé ce que Devon voyait en moi. Ma peau n’a rien de normal, les traits sous mes yeux n’aident pas au portrait et que dire de ses dents qui en ont fait frémir plus d’un. À quoi aurait ressemblé ma vie si je n’avais jamais eu ce pouvoir – ou du moins, si j’avais eu la possibilité de choisir d’activer mon pouvoir à ma guise.
Détournant la tête de mon reflet, je regarde finalement vers les fenêtres qui montraient la noirceur de la nuit bien que des lueurs oscillaient doucement dû à la présence de cristaux de lumière pour éclairer certaine rue. Je ne regarde pas en direction de la porte de sortie qui est légèrement entrouverte faisant ainsi entrer un courant d’air dans la grande pièce ce qui m’arracha un léger frisson. Je continuai, éventuellement, à boire de mon thé, petite gorgée par petite gorgée pour ne pas me brûler et je dois dire qu’au fur et à mesure que j’en consomme, je me sens apaiser et mes tourments semblent s’estomper – du moins, pour le moment. Après tout, bien que ma petite bête noire se soit repliée, cela ne veut pas dire qu’elle ne reviendra pas au grand galop.
J’ignore ce dont il a été discuté dehors, mais j’imagine que cela est plutôt positif pour cette jeune femme qui revient plutôt enjouée. Elle s’avance vers moi et beaucoup trop rapidement à mon goût et je dois dire que si ce n’était pas du thé que je buvais, j’aurais eu une expression tout autre que celle que j’avais maintenant. Je dirais que me toucher était très certainement pire que de la voir se blottir dans les bras de Devon, mais je semble plus amorphe et moins contrarier. Je m’efforce simplement de la repousser « gentiment » d’une main sur une épaule tout en la fixant droit dans les yeux.
« La décision lui revient. Ce n’est pas la mienne, mais ne refait plus jamais ça. D’accord? Je n’aime pas spécialement que l’on me touche sans mon consentement. »
Tantôt était une exception au vu de la situation, mais là c’était différent. Enfin, la demoiselle se met donc aussitôt en action et s’efforce de nettoyer ce que je n’avais pas pu faire alors que je continue de boire mon thé jusqu’à ce qu’il ne reste qu’un petit fond contenant quelques résidus d’herbe infusée que je ne comptais pas boire. La demoiselle revint alors s’installer à la même table que moi et je lève finalement les yeux vers elle. Devon m’avait expliqué ce qu’il avait décidé et comme je lui avais mentionné, je respectais sa décision et il est vrai que la demoiselle pourrait aider dans la taverne puisque nous avons eu la preuve formelle que ma grosse affectait grandement mes fonctions.
Je me levai donc de ma chaise, bien que je sache qu’elle attendait peut-être que je dise quelque chose. Passer une nuit blanche ne m’aurait pas posé problème si je n’avais pas eu ce petit être qui grandissait en moi, mais nous l’avons constaté depuis le début de ma grossesse, celle-ci est particulièrement éprouvante pour moi et je suis épuisée.
« Bon boulot… » que je dis simplement après avoir jeté un coup d’œil aux alentours. « Devon te montrera l’endroit où tu dormiras, suis-le. Pour ma part, je vais me préparer pour quitter la taverne. J’imagine qu’il viendra te déverrouiller les portes pour que tu puisses quitter l’établissement pendant la journée demain... »
Après tout, elle n’aura pas de clé et loin de nous l’envie de nous faire accuser de séquestration sur cette jeune femme qui ne cherchait qu’un toit où passer la nuit, il n’y avait pas de raison pour qu’elle y reste en journée alors que la taverne était fermée. Enfin, c’était un détail auquel Devon devra réfléchir, mais pas ce soir!
Je me dirige donc à l’arrière du comptoir pour y déposer à la fois ma tasse, mais aussi pour y prendre mon manteau que je mis. Je ne pourrais pas partir sans Devon et il devra m’aider pour marcher jusqu’à la maison.
Bon, je laisse les jeunes femmes ensembles alors que je prépare un coin pour la demoiselle dormir, pour l'heure je n'ai pas grand chose à lui offrir, j'pourrais sans doute trouver un système pour garder un petit matelas dans l'arrière boutique mais présentement ce n'est pas le cas... J'fouilles un peu pour voir si j'ai quelque chose pouvant servir et je retombe sur la grande nappe qu'on avait utilisé lors de la réouverture de la taverne pour mettre sur la table du buffet! J'l'avais ensuite laver et ramener à la taverne en me disant que ça pourrait toujours servir et effectivement, j'imaginais juste pas que cela pourrait servir ainsi! vu la taille du tissu, cela pourra éventuellement servir de matelas, couverture et coussin au moins pour cette nuit! Ce sera mieux à partir de la suivante mais là, on va faire ce que l'on peut avec ce que l'on a! Pour l'heure, je retourne auprès des deux demoiselles alors que ma conjointe est en train de mettre son manteau signe que nous allons bientôt partir.
"Viens avec moi Aube..."
Je l'amène ainsi dans l'arrière boutique qui se trouve derrière le comptoir, pas grand chose en réalité ici : des réserves de bouteilles d'eau, un coffre avec enchantement de serrure qui est donc impossible à ouvrir et beaucoup de place. Pour l'heure, j'ai installé la nappe que j'ai découpé à divers endroits, ainsi j'ai roulé une partie pour lui faire un oreiller, plié en trois endroit celle au sol pour faire un "matelas" et il reste une partie pour lui servir de couverture.
"Ce n'est pas parfait, mais voilà pour ce soir! Je viendrai un peu plus tôt demain pour préparer quelque chose de plus confortable. Malheureusement je n'ai pas de réserve de nourriture mais tu peux prendre de l'eau et je vais faire en sorte que tu ais de quoi manger également si tu as faim durant la nuit à partir de demain. Sur ce, je te laisse te reposer, Saryna et moi partons et on se revoit demain. Bonne nuit Aube."