n’entre pas dans la forêt. -
2e lune de la saison douce de l'an 1001
La chasseuse repéra Liory. Elle alla à sa rencontre, bien contente de le voir en un seul morceau. Elle l’aida à se relever, s’il tenait sur ses jambes, et s’assura qu’il n’avait pas été blessé. Elle lui donna ensuite une petite tape sur une épaule, laissant au passage un peu de boue sur cette dite épaule, et lui affirma : - Ça c’est plutôt bien passé. Son saut rapide dans cet environnement marécageux, pour éviter la bile du crapaureau, avait quelque peu, pas entièrement, recouverte la chasseuse d'une superbe substance brune. – J’ai cru pendant un instant que la bête allait vous dévorer, mais vous vous êtes bien débrouillé, ajouta-t-elle.
Elle se tourna ensuite vers la carcasse de la créature. Elle se disait qu’elle ne pourrait pas en récupérer grand-chose, vu comment ils l’avaient criblée de flèches, surtout les flèches de Liory qui avait certainement touché des organes à éviter. – Envie de garder un souvenir?, lui demanda-t-elle avec sérieux; les gens avaient parfois de drôle de lubie, c’était peut-être le cas de l’homme, Evelyn ne le jugerait pas. – On peut peut-être trouver des œufs dans les parages, l’informa-t-elle en tournant la tête dans sa direction. S’il était intéressé, parfais, sinon elle chercherait seule.
Il fallut un petit moment au noble pour reprendre ses esprits, et ce ne fut que le touché d'Evelyn qui le fit retourner sur le plancher des gloots. Clignant plusieurs fois des yeux, il n'en remarqua même pas la tache de boue, qui n'aurait été de toute façon pas un problème au vu de ce qu'il avait traversé aujourd'hui.
Sa main toujours serrée autour du mince fil d'acier qui avait tué la bête, il le tira légèrement pour vérifier que l'animal était bien mort.
Sortit du cadavre une centaine de petits filaments métalliques qui goutaient de sang et d'autres matières organiques et que le noble prit le temps de reformer en une flèche correcte, sans autre but que de s'éclaircir les idée.
La chasseresse semblait de plutôt bonne humeur, même si elle avait été face à plus de danger que le noble.
-Plutôt, même si sans vous, je serais réduis à une flaque informe, merci Evelyn...
Et de tout cela, il n'y avait nulle faux semblant, l'argenté se sentant profondément reconnaissant envers elle.
Faisant quelques pas jusqu'au cadavre, il secoua la tête à la négative, peu enclin à revenir sur sa parole.
-Non merci, je ne saurais pas quoi prendre et je ne vois pas de raisons d'afficher cela aux yeux de tous, si cela permet à d'autre de chasser dans ces bois et d'en revenir, je m'en contenterai amplement
Cela dit, l'idée de trouver les œufs de la créature avait de quoi séduire, ces derniers étaient un régal si bien préparés, et se négociaient à prix d'or.
Sans doute la demoiselle en profiterait-elle pour les vendre et tirer de cette chasse un bénéfice que Liory lui avait ruiné en détruisant le monstre de l'intérieur.
-S'il m'est permis de vous accompagner encore, je vous suivrais avec grand plaisir
Dit il en affichant un léger sourire, bien trop heureux d'avoir un modèle comme Evelyn à suivre. Peut être serait-il le moment d'apprendre encore un peu
Se remettant sur la piste de la bête, il tacha de lire le trajet suivit, conduisant le binôme avec un peu de difficulté près d'un marécage. Evidement, le chemin fut bien plus salissant vu que chaque pas se faisait en luttant contre une épaisse boue. Mais à la décharge du noble, suivre les traces d'un animal de deux mètres de haut n'avait rien de bien compliqué.
-Vous pensez qu'il à pondu récemment ?
Le lieux aurait été plutôt bien choisi pour des petits têtards, et mis à part quelques Moblins au loin, rien ne pourrait perturber les petits du monstre
Restait encore à trouver la cachette
n’entre pas dans la forêt. -
2e lune de la saison douce de l'an 1001
-Plutôt, même si sans vous, je serais réduis à une flaque informe, merci Evelyn...
Oui. Et on pouvait également dire que, sans Evelyn, l’homme n’aurait pas été confronté à un crapaureau. Alors, les remerciements étaient totalement superflus de l’avis de la chasseuse. Elle chassa de la main les remerciements; simplement contente, était-elle, de ne pas devoir porter le poids de la mort de l’homme sur ses épaules.
Le novice secoua négativement la tête, à la proposition de rapporter un souvenir chez lui. Évidemment, la bête n’avait pas de superbe corne sur la tête, mais certains auraient pu désirer rapporter la peau. La chasseuse avait soupçonné l’homme de vouloir un trophée à mettre au-dessus de la cheminée, dans sa certainement-luxueuse chambre; c’était ironique, puisque c’était elle qui, maintenant, lui en donnait l’opportunité et qu’il refusait.
-S'il m'est permis de vous accompagner encore, je vous suivrais avec grand plaisir.
Evelyn hocha la tête, lâcha un : - Parfait. Elle récupéra avant tout trois flèches intactes du corps de la créature. L’idée de la chasse aux œufs devait plaire à Liory, qui affichait désormais un léger sourire. Evelyn lui retourna son sourire, puis lui fit signe de la tête de les guider.
Les pieds d’Evelyn s’enfonçaient de plus en plus dans une boue épaisse, mais Evelyn étant en excellente forme physique, cela ne représentait pas un exercice si éreintant que cela. Liory n’eut aucune difficulté à suivre les traces au sol. Evelyn ne pourrait cependant pas féliciter l’homme pour un exploit qui n’en était pas un.
-Vous pensez qu'il a pondu récemment ?
- Ils pondent au courant de la première lune de la saison douce, mais les œufs peuvent prendre jusqu’à trois semaines pour éclore. Donc oui, nous pourrions trouver des œufs – si les prédateurs téméraires ne les ont pas déjà tous dévorés.
Avec espoir, ils longèrent ainsi un grand étang nauséabond, pour découvrir au bout d’intense recherche, six œufs. Evelyn s’approcha du rebord de l'étang, glissa avec précaution dans l’eau jusqu’à la mi-cuisse et ramena à la rive trois œufs, les autres étant en état de décomposition. Elle sortit de l’eau, et elle devait être belle à voir Evelyn, le haut du corps tâché de boue, le bas mouillé. Elle décida de prendre deux œufs pour elle, qu’elle mit en sécurité dans son sac – elle ne vivait pas d’amour et d’eau fraîche – et tendit le troisième à l’homme, avec ses mots : - Vous l’avez mérité.
Plongeant à moitié dans la boue, la chasseresse revint avec trois trophées. Non pas une paire de corne à afficher au coin d'un mur, mais trois gros œufs, et si Liory en croyait son côté marchand, cela valait une véritable fortune. De quoi assurer une vie confortable à la chasseresse pendant quelques lunes.
Observant avec d'avantage de curiosité que d'envie les sphères gluantes, il eut un mouvement de recul quand cette dernière lui en tendit un.
-Je ne pense pas que...
Mais il s'arrêta net. Il était vrai qu'il n'avait nulle besoin d'un moyen de gagner de l'argent, et sans être pauvre, la demoiselle en aurait sans doute besoin plus que lui. Mais c'était d'avantage le symbole de cette récompense qui venait remuer quelque chose jusque là enfouie profondément dans le noble.
De la fierté ? Probable, car jamais encore il n'avait eu à en faire autant pour obtenir quelque chose.
Même un œuf gluant était une première.
-Vous en auriez plus besoin que moi...
Et c'était bien le premier problème d'ailleurs. Car il se voyait mal profiter de quelque chose qui pourrait servir à Evelyne. Mais le choix ne lui était pas vraiment laissé, et... cette nouvelle sensation tenait à prendre ce cadeau inespéré.
Saisissant l'objet avec soin, il le plaça délicatement dans son sac, il hocha la tête, les joues rendues quelques peu rouges par la fierté un peu puérile d'avoir survécu à sa première journée.
-Mais j'imagine qu'il serait impoli de refuser
Et commença un long chemin du retour, qui se fit plus agréable alors que le sol se faisait plus dur. L'esprit de Liory était d'ailleurs bien trop concentré sur l'orientation, à tel point qu'il en oublia en partit de prêter attention aux alentours et ce fut au final la demoiselle qui dut l'arrêter à l'entrée du virage, de peur qu'il ne finisse par percuter un arbre.
Là, l'argenté resta encore songeur avant de finalement plonger son regard dans celui de la chasseresse.
-Vous êtes sans doute celle qui m'aura le plus appris en bien peu de temps, alors...
Il commença à se défaire de l'armure neuve qu'il portait jusqu'alors, un ensemble de cuir très léger, dont la finition, d'avantage que la décoration, laissaient deviner un prix exhorbitant.
-Je vous pris d'accepter au moins cela en guise de remerciement
Dit il en tendant le plastron à la demoiselle, inclinant la tête avant d'ajouter.
-Il vous sera sans doute plus utile qu'à moi, et si votre équipement est parfait jusque là, peut être que ce petit ajout pourra vous permettre de vous sortir de quelques fâcheuses situation.
De plus au vu de mon équipement, il ne me sera pas très utile avant longtemps, alors autant que cela puisse servir à quelqu'un !
En effet, le tueur de dragon s'adaptait mal avec cette petite et légère protection, alors que la jeune femme aurait sans doute appréciée une telle tenue. Rien de bien particulier en soit, mais si elle usait tout ses vêtements à l'identique de sa dague, un nouveau plastron pourrait s'avérer utile
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2e lune de la saison douce de l'an 1001
Ils quittèrent donc la zone marécageuse, sous le regard de quelques moblins. Passèrent à côté du corps du crapaureau, lequel était déjà la proie de corbeaux à trois yeux. Sur le chemin du retour, la chasseuse aperçut du mouvement sur la branche d’un arbre, une forme au pelage brun, pas très grand, et un bout d’aile, possiblement un kuri-kuri, ces bêtes peureuses.
Ils ne croisèrent pas sur leur route de créatures dangereuses pour les freiner; un mignon vermilis leva la tête pour les regarder et un feupagnol apparut puis disparut aussitôt. Le seul danger était le manque de concentration de Liory, qui manqua de percuter un arbre, sauvé in extremis par la vigilante Evelyn.
Immobilisée non loin du village, Evelyn leva la tête vers un arbre, où elle aperçut un pinplume. Elle descendit le regard et croisa celui de l’homme qui, sans doute, était reconnaissant pour cette journée d’apprentissage, comme il le lui annonça :
-Vous êtes sans doute celle qui m'aura le plus appris en bien peu de temps, alors...
Alors…? Cela lui donnait envie de se dénuder? Désirait-il récompenser Evelyn par un paiement en nature? …Non, il se contenta d’enlever son plastron pour le lui tendre, avec ces mots :
-Je vous pris d'accepter au moins cela en guise de remerciement.
Cela prit Evelyn par surprise. En réalité, l’homme l’avait déjà payé, en réparant sa dague endommagée. Evelyn ne demandait aucun paiement supplémentaire. Mais comment refuser un plastron en cuir? Cela pourrait effectivement lui être très utile et lui offrirait une meilleure protection que la peau d’animal exotique qu’elle portait présentement.
Suite aux paroles de l’homme, Evelyn prit le plastron et, reconnaissante, s’inclina légèrement. – Soyez certain que j’en ferai bon usage. Elle tendit sa main libre à Liory, pour serrer la sienne en guise de salutations. – Eh bien, j’ignore si vous venez souvent au Village Perché, mais la prochaine fois que vous serez de passage dans l’coin, pensez à venir me saluer.
Pendant un instant, Liory crut que la demoiselle allait refuser son cadeau. Ce qui ne manquerai pas de le faire passer pour un idiot les bras ainsi tendu.
Mais finalement la chasseresse l'accepta, ce qui lui permit de respirer un peu. Lui même aurait fort à faire pour trouver une protection adaptée à son style de chasse
-Je n'en doute pas une seconde ! De plus, elle vous sierra mieux qu'à moi
Finit t-il par avouer avec un petit rire, resserrant ensuite son sac autour de son torse maintenant moins encombré. Cela faisait un léger poids en moins, mais il ne comptait pas abandonner toute idée de trouver une protection adaptée, bien au contraire
S'inclinant légèrement, il comprit que l'heure était venue de se dire au revoir, mais à fortiori pas de manière définitives
-Je le ferai avec très grand plaisir Evelyn, et pareillement pour vous, si d'aventure vous veniez à vous perdre dans le sud, ou dans la capitale, n'hésitez pas à vous annoncer et je me ferais une joie de me recevoir
Et il lui serra chaleureusement la main avant de s'arrêter net.
-D'ailleurs j'en viens à me dire...
Si un jour l'envie vous prenait de partir à l'aventure avec la guilde, je serais plus que ravi de franchir le volet administratif de cette épreuve avec vous.
Avec qui mieux démarrer une nouvelle série de péripéties qu'avec celle qui l'avait sauvé ?
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2e lune de la saison douce de l'an 1001
Puis, ils tracèrent chacun leur chemin. Au marché, la chasseuse trouva preneur pour ses deux œufs. Elle marchanda férocement; son air peu aimable, son accoutrement et l’odeur de vase devaient avoir joué en sa faveur. Elle alla prendre un bon bain, suite à cela. Profita d’un moment de détente après cette journée riche en développement. Elle avait tendance à fermer la porte trop rapidement aux inconnus, et elle en vain à penser que ce pouvait être agréable, tout compte fait, de faire de nouvelle rencontre.
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