Une rencontre électrique─ avec Docteur K
- Qu’y-a-t-il Loupiac ? Pourquoi voles-tu partout comme ça?
Étalé sur mon édredon je cogitais, comme tous les jours de cette dernière Lune. Je tournais en rond, et lorsque je sortais mes peines me hantais. Luz était partout dans les rues de la Capitale, les nuits me rappelaient le décès de Calia, mon studio les passages de Calixte et le futur parental qui nous attendait. Je ne voulais plus fuir mais continuer sur un nouvel élan, j’avais besoin de rédemption et quoi de mieux qu’un pèlerinage en un lieu de quiétude ?
Rejoindre le temple m’avait traversé l’esprit, mais la mésaventure au Cabaret des plaines m’enjoignit de ne pas remettre les pieds sur ces routes.
Et je devais avouer que la grande forêt et son arbre sacré était un lieu dans lequel je me sentais comme un poisson dans l’eau. Je n’avais jamais crains de me retrouver seul, tant que je la savais quelque part nos pensées tournées l’un envers l’autre. Je me souvenais à présent de notre rupture, de la folie qu’elle m’avait causé. Je digérais à présent cette trahison. Luz m'avait abandonné. Aujourd’hui la solitude me hantait.
Lucy puisses-tu guider mes pas …
Le Chantelune ne cessait de piailler, son petit chant aiguë m’annonçant télépathiquement la raison de son affolement.
Chasseurs à griffes longues devant nid ! Chasseurs dangereux !
Je me relevais aussitôt, attrapant armes et filet pour intervenir devant ce risque imminent. J’ouvrais la porte d’entrée et … je faillis m’étaler de tout mon long en trébuchant sur une boîte en carton posée devant mon palier. Trois petits chatons y logeaient, l’un miaulant, l’autre lui grimpant dessus et le dernier roulé en boule dans son coin. Aucun indice ne permettait de savoir s’ils appartenaient à quelqu’un ni d’où ils venaient.
- Comment peut-on abandonner de petits êtres aussi inoffensifs ... soufflé-je en rentrant le carton à l’intérieur du studio.
Mon oiseau paniqua de plus belle, se cachant où il put. Chasseurs de Loupiac, chasseurs manger Loupiac !
- Calme-toi Loupi’, ce sont des chatons, ils ne te feront aucun mal.
Bien que craintif le chantelune finit par sortir pour s’approcher, la confiance qu’il avait en moi était infaillible. Il se posa sur le rebord du carton, sa tête se pencha sur le plus agité des petits félins qui lança sa petite patte griffu vers mon familier avant de tomber à la renverse. Loupiac s’envola aussitôt sans oublier de me manifester sa désapprobation télépathique. Je ris devant cette scène de légèreté avant de remarquer le chaton inerte qui grelottait dans son coin. Je le pris pour le recouvrir, il respirait lentement et restait prostré.
Je compris que plus tard le signe que venait de me donner Lucy, pour le moment l’urgence de la situation me fit me précipiter pour récupérer mes affaires suivi par mes trois familiers. Le lien empathique que je partageais avec Asti, ma Tsi’Ly, lui fit comprendre la nécessité d’agir au plus vite pour soigner les petits êtres abandonnés. Et bien que la Capitale regorge de bons vétérinaires, je préférais utiliser le portail de téléportation pour rejoindre le village perché plutôt que de remettre un pied à l’Astre de l’Aube. Je connaissais bien deux vétérinaires là-bas, Elia et son jumeaux, et j’avais une entière confiance en eux.
C’est ainsi qu’à peine une heure plus tard je me retrouvais dans la forêt au milieu des habitations aériennes. Asti nous amena au parc, ce même endroit où elle fut soignée et adoptée après de mauvais traitements par son ancien maître. Malheureusement la clinique de mes amis ne s’y trouvait plus, il s’avérait qu’ils étaient repartis pour des études de la faune et la flore Aryonnienne, le village n’avait été qu’une étape éphémère de leur périple vétérinaire.
Fort heureusement on su me diriger vers la clinique d’un certain Docteur K, visiblement reconnu pour ses talents de soin animalier.
Il n’y avait plus à tergiverser, bien que deux des chatons s’agitaient, le dernier semblait faiblir d’heure en heure. A peine arrivions-nous devant le centre que je sautais de ma monture pour courir dans la clinique, carton en main, montant par trois les marches avant de me retrouver dans une salle d’attente. Une veille dame parlait à l’hôtesse d’accueil au comptoir, ma politesse habituelle s’envola et je m’interposais dans leur conversation.
- S’il-vous-plaît c’est une urgence !
Je posais la boîte contenant les petites créatures sur le bar pour en sortir le plus mal en point des chatons, enveloppé dans sa petite couverture.
- Je les ai trouvé il y a à peine une heure, celui-ci respire à peine et n’a pas bougé une seule fois. Vite ! imposé-je de ma voix impérieuse.
Une jeune femme rousse que je n’avais pas vu jusque là apparue auprès de sa collègue :
- Que se passe-t-il ?
- Chrystielle ?!
Nous nous étions rencontré au Cabaret Skellington où nous avions partagé une nuit d’horreur. Je me souvenais d’une jeune femme apeurée mais néanmoins courageuse. Pas le temps à la discussion, elle s’empara de l’animal et disparue dans la salle d’examen. Je sautais le comptoir pour la suivre sous les protestations de son assistante et de la vieille femme outrée. J’avais pris en charge ses petits félins il était hors de question que je les abandonne à leur triste sort. Et n'accordant ma confiance que difficilement je préférais garder un œil sur ce qu’elle allait faire. Je pris les deux autres chatons, ils devraient eux aussi subir une auscultation, priorité à la petite femelle que couvait la vétérinaire.
- Vous êtes le Docteur K ? demandé-je avec plus de brusquerie que je ne le souhaitais.
Je ne voulais gêner en rien la praticienne mais il m’était impossible de rester impuissant à attendre dans une salle sans nouvelle, il fallait que je sois au cœur de l’action. Sûrement un défaut professionnel, ou mon empathie exacerbée pour les boules de poils et de plumes qu’abritait Aryon.
- Laissez moi vous aider !code ─ croquelune
L’eau noire ruisselait à ses pieds avec le grondement d’une puissance aquatique désœuvrée. Pour la centième fois, Luz fit volte-face, interrompant ses incessants va et viens, un juron aux lèvres. La houle lui refusait l’entrée avec la férocité d’un animal dont on avait lâché la bride, heurtant son pouvoir en gerbes d’étincelles abrasives incontrôlables. L’orage, c’était toujours l’orage. Ces amples et lourds nuages qui s’amoncelaient à l’est, promesse de sourds tracas. Oh, elle en appréciait les circonvolutions majestueuses, jamais dociles, ces éclats marbrés de nuit qui fendaient l’espace jusqu’au sol dans un éclatement pur de roches et de racines. Sa nature n’était néanmoins pas aussi insensible qu’elle aux charmes de ces électrocutions et son énergie était trop heureuse de retrouver une part de liberté en concordance avec ce déchainement naturel. D’ordinaire, cela ne la gênait guère dans la mesure où rester sous un toit suffisait à limiter le phénomène. Aujourd’hui, sa mission pour l’Astre l’avait conduite à croiser la route d’un être esseulé qu’elle ne pouvait sauver.
Etalé sur la roche nue et détrempée, les flancs battants d’un souffle invisible qui peinait à trouver son chemin, un petit teisheba s’était échoué sur un rocher au milieu des rapides. S’y téléporter était exclu tant elle manquait de confiance en son pouvoir sous par une telle météo. Quant à son équipement quotidien… Elle avait eu le malheur de stocker le tout au Village perché à l’occasion de ce qui ne devait être de prime abord qu’une simple balade. Une tournée traditionnelle de la réserve animalière et végétale qu’elle réalisait afin de représenter l’Astre de l’Aube au Village Perché, et plus particulièrement pour soutenir les membres de la deuxième branche.
Incapable de suivre un sentier préétabli et savourant sa relative solitude, Luz n’avait pas manqué de répondre aux étranges sollicitations électriques qu’elle avait perçues dans l’air, jusqu’à déboucher sur ce décor gargantuesque… Un fleuve, quasiment, aux élans colossaux, intrépide plaie béante au cœur de la forêt. L’eau se déjetait une vingtaine de mètres plus loin dans un dénivelé, transformée en cascade bruyante dont les embruns se perdaient tout autour à la ronde. Quelle prodigieuse malchance avait poussé une créature initialement maligne à s’aventurer au cœur de cette tempête aquatique ? Etait-ce la proximité de l’orage ? On les disait prompte à se réunir à l’approche du tonnerre… Sans doute la créature avait-elle souhaité rejoindre les siens, rencontrant plutôt la griffe alerte d’un prédateur.
Luz balaya la berge d’un regard méfiant, peu désireuse de tomber sur la bestiole qui avait causé ce drame. Car il était évident que le teisheba ne parvenait plus à voler, et que tout intangible que fut son corps cela ne l’avait pas empêché d’être atteint. L’eau n’arrangeait rien à son sort, ennemi naturel de la foudre pour qui désirait en conserver le contrôle. En plissant les yeux, Luz pouvait nettement voir la traine saupoudrée d’ombres de l’animal, un fanion étiolé qui paraissait déchiré sur une bonne longueur. Il était ainsi tout étiré sur la pierre brute à laquelle il tentait encore de s’arracher par vains soubresauts teigneux, inconscient de risquer davantage sa vie par cette délicate manœuvre. La base de son crâne était effectivement matérielle et ne manquerait pas de l’envoyer par le fond s’il glissait définitivement dans la rivière…
A bien y réfléchir, sa proximité électrique avec le teisheba était probablement la cause des actions qui avaient suivi. Elle avait de fait vivement tourné les talons pour mieux sauter sur le dos d’Alraqs, s’excusant par avance des châtaignes sauvages qu’il risquait de récupérer. Sa monture avait cependant uniquement écouté le ton précipité de sa maitresse et avait rivalisé d’adresse pour franchir la forêt : ils débouchèrent en un temps record sur la clairière qui abritait le célèbre refuge du Docteur K.
Et les accents de sa voix résonnèrent quelques instants avec la familiarité d’un écho répété. C’est qu’elle ignorait, alors, qu’un homme avait prononcé ces mêmes exactes mots avant elle, porteur d’un incident félin.
Derrière elle, une très vieille femme haussa des yeux au ciel à s’en fendre l’âme en deux, un baragouinement sur l’impolitesse évidente de la jeunesse aux lèvres.
Les mots moururent dans sa gorge. S’étaient perdus contre sa langue. Seule la stupeur demeurait dans ses prunelles, à présent aimantées à la silhouette qui venait d’apparaitre dans le couloir. Il ne s’agissait nullement de la rousseur candide de Chrystielle, mais bien d’un homme dont elle pouvait retracer les contours les yeux fermés s’il le fallait, une douloureuse perception qui s’était faite lames de rasoir dans son cœur…
Une rencontre électrique─ avec Docteur K et Luz
Toute l’attention du Docteur K était portée sur son examen. Dehors le temps se gâtait. Alors que les nuages s’amoncelaient en un fond apocalyptique, sans crier gare la pluie se mit à battre de plein fouet, battant les carreaux de la salle d’examen avec violence.
Cette soudaine frénésie météorologique inquiéta les petites boules de poils qui se recroquevillèrent sur elles-mêmes. Du moins pour deux d’entre elles, car la troisième boule, auscultée entre les mains de Chrystielle, semblait inerte. Son état m’alarmait et je me surpris à prier Lucy pour sauver cette petite bête.
Pour toute réponse de la divinité la porte du cabinet s’ouvrit à la volée sur une nouvelle urgence portée par une voix qui raviva en moi l’écho d’une douleur. Voyant la doctoresse en proie à l’hésitation entre le prognostique vital maintenant engagé du chaton et la nouvelle du teisheba en danger, je décidais de me rendre dans la salle d’attente où une flamme agitée s’étrangla en me reconnaissant. Ma gorge se serra, ce lien que nous partagions jadis nous déchirait aujourd’hui dans le plus silencieux des mutismes. Lucy, que me réserves-tu ? Rédemption ou punition ?
- Je crains que le Docteur ne soit déjà sur une urgence. annoncé-je plus brutalement que je ne l’aurais souhaité.
Qu’il était dur de retrouver cet amour abandonné, tout mon corps me pousser à prendre Luz dans mes bras, caresser sa peau douce, goûter ses lèvres acidulées, jouer avec ses mèches flamboyantes collées dans son cou par la pluie, ce cou où j’aimais tant me blottir. Prenant sur moi je me concentrais sur l’animal en détresse.
- Comment est-il bloqué ? Je récupère le nécessaire pour le ramener ici!
Écoutant la fauve tout en sortant ma clé dimensionnelle amenant à l’antre de mon équipement, je listais mentalement ce qu’il fallait amener pour ramener le nuage électrique avec le plus de sûreté possible à la clinique vétérinaire, autant pour lui que pour nous.
Les yeux émeraudes lançaient des éclairs, écho aux flashs qui grondaient à l’extérieur. Je m’éclipsais en insérant ma clé dans la serrure d’une porte, l’hôtesse d’accueil voulu m’arrêter tandis que la vieille dame s’outra de plus belle. Je disparus tout bonnement aux yeux de tous, n’atteignant jamais la salle qu’ouvrait initialement la porte. Au lieu de cela je me retrouvais dans une pièce chichement éclairait par une petite fenêtre où mes affaires d’aventure étaient classées dans différents coffres et étagères. J’attrapais mon grand sac sans fond pour y glisser à la hâte tout le matériel qui serait nécessaire à la mission sauvetage.
Je revenais quelques minutes plus tard sac en main, prêt à partir.
- Je te suis.
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