Un malaise probant venait m’accabler, alors que seul, je n’avais qu’à peine osé toucher à mon verre, le regard rivé vers le sol. Je n’avais jamais été à l’aise au milieu des événements mondains, mais la sensation était encore plus terrible maintenant que j’étais coincé au milieu de la banquette comme un imbécile, incapable d’être hypnotisé par le spectacle qui se déroulait devant nous. Parfois, j’osais relever les yeux pour croiser les corps des serveurs qui ne me laissaient pas totalement de marbre. À force de renier mes préférences, j’avais complètement abandonné l’idée de faire ma vie aux côtés d’un homme qui aurait su m’apprécier tel que je me présentais. Et la pression de la famille Obelia sur mes épaules n’avait pas aidé à ce que je puisse me sentir à l’aise en tant que déchet de cette société avide d’or et de cristaux.
Même si je n’avais pas eu mon mot à dire quant au choix de mes partenaires de se rendre dans un lieu si réputé, je conservais la curiosité des rumeurs qui avaient été évoquées concernant le propriétaire des lieux. On parlait d’un éphèbe énigmatique et aussi jeune qu’il était, il avait réussi à construire un projet ambitieux. C’est cette vilaine curiosité qui m’avait également poussé à déposer un pied dans l’établissement. Mais dès à présent, je ressentis un profond regret à l’idée de me fondre dans la masse. Me rappelant les cols serrés des tenues aristocrates, et faisant monter en moi une inquiétude et une angoisse dévorante.
« Allez ! Décoince-toi, c’est pas tous les jours où t’auras les moyens de t’amuser de la sorte, éructa mon partenaire de voyage avant d’exploser d’un rire rauque.
- Oui… Bredouillai-je fastidieusement en enfonçant la tête dans mes épaules.
- Faut profiter de la vie tant que t’es encore jeune, et puceau. »
Mon visage se décora d’un rouge vif, manquant de m'étouffer dans ma propre boisson à sa tirade. J’avais l’envie soudaine de m’enterrer dans le sol pour disparaître. Les rires me rendirent d’autant plus honteux, jusqu’à ce qu’une grande main ne vienne taper dans mon dos. La surprise me fit la lâcher le verre que je tenais encore entre mes mains, il se fracassa sur le sol sans parvenir à surpasser le bruit de la musique effrénée.
« Je… Je… Bafouillai-je confus. »
Incapable de sortir la moindre excuse, je me baissai pour me mettre sous la table et ramasser les éclats de verre, et dans la précipitation, je cognai la table de mon crâne, faisant tomber le reste des consommations sur le sol. Une pluie débris à nos pieds, accompagnée des protestations de mes camarades trempés, je venais d'attirer l'attention de quelques curieux sur nous.
Toujours dissimulé sous la table, j’enfouis mon visage dans mes mains avec la soudaine envie de disparaître de ce monde.
« Putain Adam ! »
C'était un soir comme beaucoup d'autre. Rien n'était à signaler ses derniers temps à part quelques hommes bien trop bourrés pour rentrer dans les critères de l'Insomnie, qui avaient du, naturellement, être mis à la porte pour ne pas déranger l'ambiance et la sécurité des lieux. Si le propriétaire avait été tenu au courant de cette affaire, ce n'est en revanche pas lui qui s'est chargé de les mettre dehors mais les agents de sécurité qu'il avait embauché. Ils faisaient correctement leur travail et jusqu'à présent, Ash n'avait pas grand chose à leur reprocher.
Comme habituellement, après s'être occupé de la paperasse quotidienne que demandait la gestion du cabaret, le jeune homme commença sa ronde nocturne dans l'établissement. Il était encore tôt pour monter à l'étage, les clients préférant généralement se prélasser dans la grande salle avant de passer au plat principal, il s'y dirigea alors.
Lorsqu'il passa les portes, le monde de la nuit s'ouvrit à lui : une lumière tamisée et les cristaux de lumières scintillants sur scènes, de jolies silhouettes se dandinant sur les planches et une musique de fond rythmée et régulière.
Aujourd'hui il ne comptait pas s'attarder. Certains soirs il lui arrivait de s'installer au bar, commander quelques boissons et profiter des spectacles mais, si pour certains clients c'était une occasion de sortie, pour le propriétaire c'était un quotidien qui parfois était redondant. Aussi, il passa rapidement dans la grande salle, circulant entre les tables et veillant à ce que tout se passe bien.
Cherchant du regard la cheffe de salle, il ne la trouva pas mais après avoir questionné l'une des serveurs, il apprit qu'elle était simplement allée servire un client dans une salle privée. Chose qui était commune et le brun ne s'en formalisa pas. Il attendit donc son retour pour lui demander le déroulement de la soirée...
Quand un bruit sur sa droite attira son attention.
Il tourna la tête pour voir un hybride, assez gênée, des brisures de verre au sol, paniquer en comprenant qu'il était devenu le centre d'attention dans tout ce vacarme. Un certain "Adam" apparemment, si l'on en croyait les dire de ses compagnons.
Etant le plus proche et n'ayant rien à faire, c'est tout naturellement qu'il s'approcha avec assurance pour se pencher à hauteur du jeune homme :
- Tout va bien ? Vous n'êtes pas blessé ? Relevez vous nous allons nous en occuper.
Alors même qu'il énonça ses paroles, une jeune femme très légèrement vêtue s'approcha avec une pelle et balayette à la main, attendant le signal du patron pour nettoyer les dégâts.
- Permettez moi de vous offrir les boissons
Se retournant vers la serveuse :
- Tu pourras ramener les mêmes verres pour nos clients ?
Elle répondit avec un grand sourire :
- Oui bien sur Ash !
Habituellement, il n'aurait peut être pas fait un tel cadeau mais le vacarme avait attiré l'attention des gens autour et s'il pouvait profiter de cette casse de verre pour renforcer la bonne image du cabaret, ce n'était pas cher payé pour quelques boissons.
Il y avait d’abord eu les cris d’indignation, provoquant l’effroi, j’étais alors ignorant de cette scène qui se jouait au-dessus de moi. Puis, il y avait eu ses pas lents qui s’étaient arrêtés tout juste sous mes yeux. Et enfin, ce visage affable dont le sourire avait fait rater un battement de cœur. J’étais dès lors devenu sourd et aveugle du monde qui m’entourait, hypnotisé par la beauté mystérieuse de cet individu qui s’était présenté à moi.
L'homme semblait inébranlable de par son charisme énigmatique, tandis que je n’étais qu’une chose effrayée qui osait à peine sortir de son terrier pour ne pas subir tous ces regards qui s’étaient soudainement pointés dans ma direction. C’était peut-être mon imagination qui me faisait croire à une gestuelle sensuelle et inexorablement attirante, alors je secouai mon crâne avec ferveur. Je ne pouvais pas le dévisager éternellement au risque de rendre la situation encore plus gênante pour moi.
« Je… Bafouillai-je faiblement. »
Un point qui ne changeait visiblement pas, les mots coincés dans ma gorge, j’étais incapable de m’excuser convenablement. Un écervelé qui a fichu en l’air la totalité des consommations de ses partenaires. Je n’avais pas d’autres mots pour décrire ma situation, et j’avais encore plus la sensation de paraître stupide devant cet homme.
Rampant à quatre pattes pour sortir de ma cachette provisoire, je constatai que ma tenue n’avait pas été épargnée par ma maladresse, j’étais puant, laissant émaner de moi une odeur d’alcool peu attrayante, alors que des bouts de verre s’étaient coincés entre les mailles du tissu. Je jetai un regard à la jeune femme qui s’apprêtait à nettoyer mes aberrations. Je ne pus m’empêcher d’avoir une pointe de culpabilité alors que je la vis s’accroupir pour balayer les débris. Je craignais que dans cette tenue, ce soit elle qui finisse par se couper. L’irrépressible envie de me pencher pour lui apporter mon aide se faisait sentir, mais c’était un coup à ce que cette histoire termine encore plus mal qu’à son début.
Lorsqu’elle se redressa après avoir terminé son nettoyage, je me penchai en avant pour me confondre en excuses. Ce n’était jamais très agréable de passer derrière les maladresses de certains. Et dans mon cas, j’étais une véritable catastrophe ambulante lorsque je ne devais pas traquer mes proies sur le terrain. Un vague souvenir, mais je me demandais encore comment j’avais pu passer des heures en soirée mondaine sans être capable de renverser toute une table et faire crier d’indignation ma famille et les hôtes. Je me laissai croire que le dressage de la noblesse avait réussi un miracle que je m’étais évertué à oublier une fois les chaînes brisées.
Lorsque notre hôte proposa d’offrir les boissons, cette sensation de malaise me gagna, et je me précipitai à ses côtés. Sa gentillesse chaleureuse me donnait l’impression de profiter de la situation alors qu’il n’était même pas imaginable que je puisse juste laisser les choses ainsi.
« Je suis sincèrement navré… Réussis-je à dire fermement. Je suis vraiment confus pour les dégâts, j’aimerais pouvoir… »
Déstabilisé par le charme de cet homme et de son regard perçant, je ne pus m’empêcher de détourner les yeux sur le côté pour finir ma phrase. C’était un véritable challenge que je m’étais lancé seul.
« J’aimerais quand même payer pour les dommages occasionnés… »
C’était un véritable exploit, aucun bafouillage.
« Enfin… Si vous acceptez… Ne pus-je m’empêcher d’ajouter. »
Cette blague commençait à devenir récurrente. J’aurais aimé m’imposer et lui coller ma bourse de cristaux entre les mains. Inconsciemment, je remarquai que je l’avais suivi, m’éloignant de mes compagnons.
Je pus remarquer avec soulagement que tout l’intérêt que l’on m’avait porté quelques instants s’était rapidement évaporé, l’ambiance festive ayant repris son cours. Je me sentais un peu stupide de l’avoir suivi. Mais je me sentirais encore plus coupable si je ne pouvais pas lui rendre son hospitalité.
Si l’hybride avait l’air gêné, ce n’était en fin de compte qu’un quotidien pour le personnel de l’Insomnie : des verres brisés il y en avait tous les soirs. L’alcool et la fête avait tendance à faire tourner des têtes et la maladresse était vite arrivée. Fort heureusement, bien que puant l’alcool, le jeune homme n’avait pas l’air ivre mort et semblait désolé de ce fracas.
Ash écouta sans perdre de son sourire professionnel la réponse du jeune homme qui s’excusa une énième fois. Le brun répondit alors :
- Refusez-vous donc ma générosité ? M’en voilà blessé.
Devant la gêne du jeune homme, le propriétaire émit un petit rire amusé.
- Ne vous en faîtes pas, laissez-moi vous les offrir. J’espère que vous reviendrez dans mon cabaret et la prochaine fois vous aurez tout le loisir de payer vos consommations ? Cela vous conviendrait-il ?
Au même moment, la serveuse qui était partie chercher les boissons revint avec son plateau de verres pleins. Elle les posa un à un sur la table et les compagnons de l’hybride ne se firent pas prier pour remercier la jeune femme et s’emparer des différentes commandes.
Attrapant le dernier verre restant, Ash porta sensuellement le verre à ses lèvres pour en boire une gorgée. Le goût se répandit sur ses papilles et la brûlure de l’alcool descendit dans sa gorge… L’homme tenait plutôt bien l’alcool et il lui arrivait que trop souvent d’accepter un verre ou deux pendant ses rondes. Il s’approcha ensuite de l’hybride, entrant dans son cercle privé, sans pour autant le toucher ne serait-ce que d’un centimètre et tendit ce même verre avec un sourire charmeur, examinant chacune de ses réactions une par une, les trouvant toutes plus mignonnes que les autres.
- Acceptez-vous mon cadeau en cette belle soirée ? Ce n’est pas quelques débris de verre qui va ternir la fête n’est-ce pas ?
Doublement coupable, à présent, je finis par hocher la tête vigoureusement. Si notre hôte en avait décidé ainsi, je ne lui ferais pas l’affront de refuser son hospitalité, même si cela devait coûter quelques instants à ma conscience.
« Si… Je suis navré, soufflai-je doucement. »
J’inclinai alors légèrement la tête en signe de gratitude, dans un sens j’étais soulagé qu’il ne m’en tienne pas rigueur outre mesure. Je me permis de laisser mes épaules se détendre, avant de lui offrir un sourire poli, essayant d’oublier les sursauts dans ma poitrine à chaque fois que ses lèvres hypnotiques s’ourlaient diablement attirantes. Je me tassai sur moi-même lorsqu’il se présenta devant moi, pris au piège dans ses orbes d’acier, je saisis le verre d’une main.
« Oui, je vous remercie sincèrement. »
Je remerciai Lucy de m’avoir permis de m’en sortir sans me mordre la langue, et lorsqu’il s’éloigna, j’eus à nouveau la sensation de pouvoir respirer. J’avais eu l’occasion à plusieurs reprises de croiser certains nobles dont la langue écharpée semblait aussi doucereuse que dangereuse, d’autant plus lorsque le regard ne laissait rien refléter. Nombreux étaient ceux dont on pouvait lire comme dans un livre ouvert, dévoilant chaque émotion à l’encre noire, et bien à regret, je faisais également partie de cette catégorie, à l’inverse de notre hôte où ses pupilles ne vacillait d’aucune hésitation.
Je ne pouvais définitivement pas me terrer comme un animal effrayé tout le reste de la soirée, je ne ferais que gâcher celle des autres. Bien que gêné, je finis par écarteler mes lèvres d’un sourire plus franc en inclinant mon buste légèrement en avant. Je détestais me sentir aussi vulnérable, mais son souffle si chaud, imprégné par l’alcool m’empêchait d’être cohérent dans le tri de mes pensées. Je repoussai alors l’un des bras qui agissait comme la porte d’une prison.
« Je ferai attention de ne pas reproduire mon erreur la prochaine fois. »
Et je le savais, je reviendrai très sûrement pour ravir mon regard du visage qui me faisait face. Quand bien même celui-ci ne le saurait probablement jamais – du moins, il devait bien savoir la faculté de son faciès à faire tourner plus d’une tête, sinon, il ne serait pas aussi confiant dans son rôle, mais je m’arracherais très certainement la langue avec les dents avant de l’avouer. Ma répartie n’était pas aussi façonnée que celles de certains.
J’avais besoin de m’écarter pour ne pas imploser, n’osant qu’à peine effleurer le verre de mes lèvres comme si je risquais de les brûler alors qu’elles épouseraient la forme laissée par celles du propriétaire. De plus, je n’étais pas un grand friand d’alcool, c’était un risque à ce que je termine ma soirée par terre tant le monde tournait autour de moi, spectateur de ma plus grande déchéance.
M’extraire de son regard me sembla presque impossible, car moi-même, j’étais bien incapable de le lâcher du regard, comme si rompre ce contact briserait cette rencontre. Mais il faudrait pourtant bien que chacun retourne vaquer à ses propres occupations. Je n’aurais pas le courage de quérir plus de son temps en lui demandant de nous rejoindre le temps d’une ou deux boissons.
- Ne vous en faîtes pas pour cela, ce ne sont que quelques verres. Vous n’êtes ni le premier ni le dernier dans cette situation, ne soyez pas aussi désolé pour cela et profitez de votre soirée !
Esquissant un sourire, tout en observant le blond et ses compagnons il proposa :
- Vu que l’on a entamé la discussion, me permettez vous de me joindre à vous quelque temps ?
Le regard allant de l’hybride aux personnes qui l’accompagnaient, il attendit une réponse positive qui ne tarda pas. Les jeunes gens se décalèrent sur la banquette tout en discutant à propos du spectacle et de leur quotidien. Ash ignora ses jeunes gens qui ne l’intéressaient pas pour un sous et glissa un bras dans le dos de l’hybride, pour ne pas qu’il s’éloigne davantage mais sans que ce geste puisse être mal interprété non plus. Il l’invita simplement à s’asseoir à côté de lui.
- Peut-être pourrions nous discuter ?
Le brun passa son bras droit sur le dossier de la banquette, derrière les épaules de l’hybride, l’effleurant à peine afin de marquer sa présence. Le jeune homme était tout à fait à son goût : ses grands yeux bleus, son visage aux traits fin, un corps qui -contrairement à son attitude de petite proie- semblait finement musclé. Si au départ Ash n’était qu’amusé par les réactions gênée du jeune homme, il avait finalement fini par piquer sa curiosité et son attention.
- Dîtes moi un peu, vous êtes déjà venu à l’Insomnie auparavant ou s’agit-il de votre première visite ?
Ash n’avait pas souvenir de l’avoir déjà croisé, il ne s’agissait donc pas d’un client régulier, mais en dehors de cela, il y avait bien trop de passage pour qu’il puisse connaître chaque citoyen qui venaient festoyer en ces lieux.
D’un côté, je lui étais reconnaissant de s’être imposé à notre table, j’aurais peut-être l’occasion de me détendre peu à peu en apprenant à le connaître. Bien que mon regard s’entêtait à fixer bêtement le fond de mon verre à peine entamé. J’avais envie de me coller une droite pour me forcer à parler, et ne pas m’enfoncer éternellement dans le ridicule. Installé à ses côtés, j’avais la sensation d’être devenu une souris, prise au piège entre les pattes d’un chat joueur.
Je saisis mon verre d’une main pour y tremper mes lèvres, accusant le goût, de la force et du courage, ce n’était peut-être pas la meilleure des solutions, mais au moins, je pouvais me permettre de pêcher ces deux qualités à travers l’alcool. La sensation de brûlure lorsque je déglutis me fis légèrement grimacer, trop fort pour mon pauvre palais, mais je ferais avec. Me permettant alors enfin de délier mes lèvres pour prononcer autre chose que des ébauches d’excuses.
À sa question, je me permis d’acquiescer d’un léger mouvement de la tête.
« Je ne suis que de passage, j’ai quitté la Capitale il y a si longtemps, que j’avoue ne jamais avoir pris le temps d’en apprendre plus sur les commerces qui s’y étaient déployés. »
C’était également une excuse pour ne jamais y remettre les pieds, j’ai tant détesté cette ville, que j’avais l’impression d’arracher une part de moi-même dès que je la traversais. Sirotant dans ma boisson entre chaque phrase, j’avais déjà la sensation que le monde s’était mis à valser autour de moi. Mais pas encore assez désinhibé pour me permettre des folies, je tournai la tête vers mon interlocuteur afin de lui offrir un léger sourire. Mon dos s’appuya plus confortablement contre la banquette et je pouvais sentir son avant-bras contre mes épaules. Plutôt agréable comme sensation, je ne me retirai pas immédiatement, profitant de la chaleur qui se diffusant à travers nos vêtement.
« Du moins, jusqu’à il y a peu, et vous connaissez les réputations, on finit toujours par s’approcher de ce qui fait parler les rumeurs et de sa notoriété. »
Même si en réalité, j’avais été plus intrigué par la renommée du propriétaire des lieux, des intenses déblatérations de femmes qui ne juraient que par sa beauté et sa bienséance. De mon côté, j’avais été attiré par son jeune âge et de la popularité grimpante de son œuvre, ne pouvant m’empêcher de comparer nos carrières à travers nos réussites si éparses. Au final, s’affranchir de son nom avait des conséquences grotesques, mais en voyant sa réussite, je n’avais pu m’empêcher de croire à l’impossible.
« C’est un très bel endroit. »
Mon regard se perdit à travers les décors de la scène, et les spots de lumière qui donnaient la sensation d’être entré dans un autre univers.
« Il a dû vous falloir beaucoup de courage pour réussir à le construire. Ça fait longtemps que vous êtes installé à la Capitale ? »
L’alcool me rendait étrangement bavard, mais au moins, j’avais la décence de ne plus fuir son regard et de tenir une conversation qui n’était pas entrecoupée de bafouillages fastidieux. J’implémentais notre conversation autour de l’Insomnie, mais à travers ces questions innocentes et détournées, je tentais d’en apprendre d’avantage sur le maître des lieux. Et je me trouvais bien plus adroit que ce que je me supposais être. Il fallait croire que derrière toutes mes craintes, l’éducation stricte de père coulait toujours dans mes veines. Bien qu’à travers cette discussion qui me paraissait de plus en plus confuse, je ne pouvais m’empêcher de laisser échapper des éléments de ma vie sans pour autant rentrer dans les détails. Quelques informations bateau sur la position de l’armurerie dans laquelle je travaillais ou encore des informations sur la dernière quête récemment achevée. Mais si je continuais à boire autant, il n’était pas exclus que je dérive sur des événements plus personnels. Décidant que ce verre serait le dernier.
Mon verre ne me semblait jamais vide à présent, pourtant, j’avais la nette sensation que celui-ci avait rencontré mes lèvres trop de fois au cours de la soirée, mais celui-ci restait détestablement plein. Je soupçonnais l’un de mes camarades de voyage de le remplir lorsque je détournais le regard pour le tourner vers Ash. Ma tête roula, l’équilibre commençait à me manquer, et elle se retrouva contre l’épaule de notre hôte. Je clignotai des yeux, la position m’étant particulièrement confortable. Puis réalisant soudainement ce que j’étais en train de faire, je me redressai aussi vite que si j’avais été monté sur ressort, sûrement un peu trop vite, car la tête me tourna, et je ne pus que me rasseoir à ses côtés, laissant échapper un faible rire.
J’étais foutu.
Le jeune hybride était vraiment… adorable. Ash ne connaissait pas son âge mais il devait avoir la vingtaine, guère plus. Continuant la discussion, le brun n’écoutait que d’une oreille les réponses pour dévisager avec insistance son interlocuteur… Des traits fin, une chevelure brillante, des yeux adorablement timides…
- C’est un très bel endroit
Ash sourit et, toujours la main sur le dossier de la banquette, tapota doucement mais impatiemment.
- Merci, c’est ma plus belle réussite
Le blond semblait de plus en plus bavard à mesure qu’il buvait, au grand plaisir d’Ash qui poursuivait sans grand mal la discussion :
- Ce n’est pas tant avec le courage que j’ai pu construire tout ça, mais avec les efforts… Hm.. j’ai dû arriver ici il y a une dizaine d'années à peu près ? Et l’Insomnie va bientôt fêter ses sept ans…
Apportant son verre à ses lèvres pour boire quelques gorgées, invitant le blond à faire de même, il reprit.
- Mais ce n’est que le début, je l’espère bien !
En tout cas, rien n’indiquait que l’Insomnie était sur la fin. Chaque année qui s’écoulait ne marchait que de mieux en mieux. Entre le bouche à oreille et la publicité grandissante du cabaret, les nouveaux clients étaient bientôt aussi nombreux que les réguliers.
Sur la table, les bouteilles s'enchaînaient. Autant pour les compagnons à côté, qui profitaient de la présence du propriétaire des lieux à cette table, que ce dernier avec son bel invité. L’alcool a pour effet de désinhiber c’est bien connu et le petit renard polaire était encore bien trop réservé pour que cela soit amusant… Aussi, dès que son verre se vidait, il était de nouveau plein. Le but n’était bien évidemment pas de le faire tomber en coma éthylique mais bien de l’aider un peu à être plus à l’aise…
Soudain, il se redressa. Mais avait déjà visiblement bien bu pour son petit gabarit -il ne devait certainement pas tenir l’alcool aussi bien qu’Ash, qui buvait peut-être un peu trop quotidiennement par rapport à d’autres personnes… mais c’est le métier que voulez-vous ? En tout cas, le petit rire du jeune homme amusa le brun. Glissant doucement ses doigts glacés dans sa nuque, il le sentit frissonner sous le contact. N’allant pas plus loin pour l’instant, il se contenta de caresser doucement sa nuque tout en le regardant intensément.
- Oh d’ailleurs, il ne me semble pas que l’on se soit correctement présenté.
Il n’était pas difficile de deviner qu’il était le propriétaire du cabaret et la serveuse avait donné son nom un peu plus tôt, mais ce n’était pas une présentation correcte dans les formes de l’art. Aussi il reprit :
- Je m’appelle Ash, enchanté. Pourrais-je également connaître votre nom ?
Doucement, il glissa sa jambe de sorte à toucher le genoux du blond. Un contact léger et timide, mais encore un qui vient se rajouter, marquant la tentative de rapprochement du brun.
Sans être invasif, il s’immisçait peu à peu dans une zone que j’avais longtemps fermée pour ne pas que l’on continue de m’écraser. Chaque frôlement me donnait envie de m’y fondre comme un apaisement dont je ne voulais plus me soustraire.
« Adam… Soufflai-je en réponse, et après un temps de réflexion, je repris. Adam De Obelia. »
Je n’étais pas fier de porter ce nom, nombreux l’auraient sûrement été en sachant qu’elle faisait partie des familles influentes du royaume. Seulement, le porter voulait également accepter la charge qu’elle impliquait. Tant Ophelia, ma sœur – que je ne pouvais que plaindre de la vie misérable qu’elle mènerait – que moi-même, marionnette des nobles qui n’avait rien trouvé de mieux que de fuir ses propres obligations pour mener la vie paisible que je menais actuellement.
Un frisson me traversa à son contact, et je fermai les yeux lorsque sa main vint redessiner le contour de ma joue. M’abreuvant de cette douceur enivrante, je mourrais à la simple idée de venir m’installer contre lui plus confortablement, tout juste bridé par ma retenue.
Je n’étais pas assez naïf, ni assez stupide pour ne pas comprendre ses intentions, mais le courage me manquait pour répondre pleinement à ses attentions. Et l’alcool ne suffirait pas pour me libérer de mes entraves. Du moins, pas avant qu’un coude maladroit ne me heurte et que je me retrouve complètement écrasé sur le maître des lieux. Je n’entendis qu’à peine l’excuse vaguement marmonnée, complètement hypnotisé par ma main qui s’était perdue dans le col de son haut, alors que je pouvais sentir la peau chaude pulser contre la paume de ma main. Oubliant le monde, la musique, les éclats de lumière, je ne voyais qu’Ash que j’avais renversé. Un dilemme s’imposa à moi, celui de m’excuser platement pour ce qu’il venait de se passer – et apparaître pour un véritable imbécile encore une fois – ou bien explorer davantage ce qui m’avait été offert à portée de main. L’alcool avait choisi à ma place alors que je remontai délicatement mes doigts contre la mâchoire, le regard embué par l’alcool.
Comme un furieux instinct qui me hurlait que je désirais m’approprier cet homme, je me penchai au-dessus de lui, l’alcool ravageant alors complètement mes sens. Enfouissant ma tête dans son cou comme un chaton en recherche d’affection.
« Je ne pense pas que ce soit l’endroit le plus confortable. »
Je me redressai ensuite pour lui laisser le temps de reprendre sa place, tendant ma main pour l’aider. Mais lorsqu’il la saisit, je ne la relâchai pas tout de suite, le libérant en une caresse latente.
« Et c’est un peu embarrassant avec tout ce monde autour… »
Si Ash s’attendait à un mouvement de recul, ne serait-ce que dû à la gène, il n’arriva pas. Au contraire, il ferma les yeux à ce contact et le brun sourit doucement face à cette réaction. Doucement, il s’approcha dans l’espoir de goûter à ses lèvres mais le jeune homme esquiva habilement -très certainement sans s’en rendre compte- pour venir enfouir sa tête dans son cou… Ash frissonna en sentant sa respiration et si cette action le surpris, ce ne fut rien à côté de la proposition du blond. Qui aurait cru que le jeune homme timide et penaud quelques minutes auparavant pouvait se montrer si entreprenant, était-ce l’effet de l’alcool ? La boisson est un désinhibiteur fort et cela a l'air de fonctionner d’autant plus sur lui…
Ash sourit et se redressa doucement, sans repousser les avances de son invité.
- Si vous voulez bien m’accompagner, il y a bien évidemment des endroits plus confortables, ici aucunes portes ne me sont fermées.
Évidemment, il était le propriétaire. Si il souhaitait amené une compagnie à l’étage pour son propre plaisir, qui pourrait lui dire quoi que ce soit ? Et bien évidemment, c’était de cet endroit là auquel il faisait allusion…
Le brun se redressa et dans une invitation élégante à le suivre, tendit la main a Adam. Ce dernier l’attrapa et eu plus de mal à se relever, tanguant sur ses jambes, prêt à s’écrouler si Ash ne l’attrapa pas par la taille au moment où il se redressa. Laissant le jeune homme se blottir contre lui, il fit signe à une serveuse qui passait par là de s’approcher et désigna la table où ils se trouvaient ainsi que les compagnons, occupés à boire et s’amuser :
- Ces jeunes gens sont mes invités, qu’ils commandent ce qu’ils souhaitent ici.
La serveur acquiesça avec un grand sourire et reprit ses occupations. Maintenant que ce point était organisé, il allait pouvoir pleinement se concentrer sur ce qui l’intéressait : la petite tête blonde accrochée à lui.
Doucement mais sûrement, le brun sortit de la grande salle, laissant la lumière tamisée et le bruit des spectacles derrière lui pour emprunter le couloir sur la gauche. Ils longèrent les salles de représentation privée et arrivèrent au bout du couloir ou des escaliers montaient au premier étage. Avenant, tout en maintenant Adam contre lui, il le prévint :
- Attention il y a quelques marches, accroche toi à moi si tu veux..
Puis ils montèrent.
Ash avaient échangé le vouvoiement par du tutoiement, le contexte n’allait pas se prêter à tant de formule de politesse et ils se trouvaient maintenant que tous les deux. Au sommet des escaliers, une petite pièce aux lumières tamisées, recouvertes de sofa coussins et où de bonnes odeurs d’encens flottaient. Derrière le bar, un homme sobrement vêtu qui salua Ash d’un hochement de tête mais ne rajoute pas un mot. Ash amena Adam un peu loin sans s’arrêter ici, la porte d’en face donnait sur un couloir aux multitudes de portes… Le jeune homme choisit la troisième porte sur la droite : une chambre, richement décorée mais sobrement.
Il y avait au centre un grand lit aux draps bleus, les murs étaient recouverts d’une peinture noire satinée, au sol une grande moquette de poils noirs terriblement moelleuse, un lustre avec une multitude de cristaux de lumières, réglée sur une luminosité faible et une lumière chaude. Il y avait une grande baignoire dans un coin de la pièce, derrière un paravent et de l’autre côté, un mini-buffet dans lequel était stocké quelques boissons.
Ash déposa doucement Adam sur le lit, le laissant assit et se dirigea vers le petit buffet :
- Met toi à ton aise, tu veux quelque chose à boire ? Alcool… avisant l’état du jeune homme ou un peu d’eau peut-être ?
Lorsque je m’assis sur le lit, la tête me tournait durement, et je mourais d’envie de me blottir dans les draps. Tenant difficilement droit, je me laissai tomber sur le dos, déposant le dos de ma main sur mon front en fermant les yeux.
J’avais si chaud, l’alcool faisant rougir mes joues, à moins qu’il ne s’agisse de ma honte d’agir ainsi. Je n’étais pas foncièrement habitué à prendre les rênes, mais je devais bien avouer qu’il y avait quelque chose de grisant. Seulement, je ne savais plus où me mettre désormais. Incapable d’être à l’aise en sa présence, je me forçai à respirer lentement. Pourtant, lorsque je rouvris les yeux, voir sa silhouette au-dessus de moi, tenant son verre, je sentis ma nuque chauffer. Mes mains serrèrent les draps.
Je détaillai le visage un instant avant de lever ma main dans sa direction pour effleurer sa joue. Je m’étais redressé, je ne m’en étais pas rendu compte. Je ne m’étais pas non plus rendu compte que mes lèvres s’étaient pressées contre les siennes, alors que je tenais dans ma main son poignet. Je ne pouvais pas blâmer complètement l’alcool, mes sens s’étaient embrasés alors même que je venais de le rencontrer. Le contact de ses lèvres chaudes électrisa mes sens. Qu’est-ce que j’étais en train de faire… ?
Et si j’avais mal lu entre les lignes ?
Je subissais un débat intérieur sur la conséquence de mes actions, sans pour autant chercher à rompre ce doux contact. Assez novice – si ce n’est complètement – dans ce domaine, je pensais avoir été capable de discerner les signes annonciateurs.
Par Lucy, il fallait vraiment que je fasse attention lorsque je boirais la prochaine fois, ma témérité m’effrayait. J’étais ivre tant de l’alcool que de l’odeur délicate qui s’émanait d’Ash. Je ne m’aperçus que lorsque je relâchai ses lèvres que je l’avais attiré avec moi sur le lit, mon autre main serrant son col. Brutalement, je le libérai de ma prise, mon visage devenant écarlate.
« Je… Bafouillai-je faiblement, incapable de mettre des mots pour des excuses. »
Je venais de me jeter sur lui, porté par une tension qui me prenait à la gorge. Mais j’étais tout bonnement incapable de m’expliquer sur ma soudaine entreprise. Je relevai mon regard dans sa direction pour observer son profil. L’alcool pouvait désinhiber mes sens, je restai pleinement maître de mes actes. Du moins c’est ce que je croyais.
Oserai-je ?
Le tourment de sensations qui m’avait saisi m’attirait inexorablement vers cette toile. Et lui-même ne m’avait pas repoussé plus tôt…
J’hésitais mais je désirais.
Lentement, les doigts de ma main retrouvèrent le contact de la douceur de sa joue. Ils dessinèrent une ligne jusqu’à se perdre peu à peu dans le creux de cou. Mon pouce redessina lentement la courbe de sa gorge. Et cette fois, je m’approchai plus lentement pour revenir saisir ses lèvres une nouvelle fois, la paume de ma main saisissant fermement sa nuque. Puis, elle se mit à découvrir la peau chaude.
Où arrivais-je à trouver ce courage ? Une audace qui m’était complètement inconnue tant je m’étais habitué à me retirer des devants de la scène. Sauf que cette fois-ci, je voulais que les projecteurs soient braqués sur moi. J’aimais ce sentiment plaisant d’être désiré – si je ne me trompais pas.
- Je te pose le verre d’eau à côté
Et joignant le geste à la parole, posa le verre sur la petite table de chevet à côté de la tête de lit. Il tourna ensuite la même vers le jeune homme et le regarda silencieusement, ne souhaitant pas précipiter les choses mais impatient tout de même… mais sa courte attente fut récompensée par le doux contact de ses lèvres. Chaudes, sucrées et très agréables. Un baiser timide qui l’attira sur le lit. Se laissant porter par l’ivresse de son hôte, Ash le suivi sur le lit, se plaçant au-dessus de lui tout en continuant de mêler ses lèvres aux siennes.
- Je…
Le brun sourit. Alors que c’était Adam qui avait initié ce contact, c’est lui qui se trouvait le plus gêné. Ash passa doucement ses mains dans ses cheveux, faisant preuve d’une délicatesse assez rare venant de lui et l’embrassa à nouveau avant qu’il ne puisse hésiter ou se fondre en excuses.
Sans rompre le contact, Ash attrapa Adam par la taille et le serra contre lui, pour le déplacer doucement jusqu’au centre du lit, le positionnant dans la longueur. Il se plaça à califourchons au-dessus de ses jambes et continua de l’embrasser, brûlant de désirs pour ce partenaire des plus adorables. Une main commença à se glisser sous le haut du blond, ses doigts froids parcourant sa peau frissonnante… Il rompit le baiser et plongea dans son cou pour venir lui mordiller doucement la jugulaire, pas assez pour que ce soit douloureux, mais suffisant pour lui arracher un gémissement de plaisir ou surprise…
Se déplaçant doucement pour se glisser entre les jambes d’Adam, Ash vint lui coller son bassin contre lui, lui indiquant sans détours son envie et ses intentions. Il se releva doucement et lui demanda, les yeux brûlant de désirs.
- Acceptes-tu que j’utilise mon pouvoir sur toi ? Que cette expérience soit la meilleur possible…
Puis tout en attendant sa réponse, le brun continua de faire parcourir ses doigts, ses mains et ses lèvres sur sa peau, n’attendant que son feu vert pour utiliser sa zone aphrodisiaque… Même si les deux jeunes gens n’en avaient guère besoin dans l’état d’excitation dans lequel ils se trouvaient, cela ajoutait encore un élément pour leur faire tourner la tête et rendre l’expérience unique.
Si l’alcool m’avait aidé à me retrouver dans cette situation à la limite de l’embarrassement, me heurter aux orbes d’acier du propriétaire n’empêcha en rien l’empourprement de mes joues. Elles étaient devenues si brûlantes que je doutais être capable de le dissimuler désormais, mais l’effet de sa voix sur mon corps fit naître une myriade de frissons incontrôlables.
“J’imagine que o-oui... Bégayai-je en baissant les yeux sur la belle silhouette d’Ash.”
Je me rendis subitement compte que je ne le connaissais qu’à peine, mais qu’aveuglément, je lui autorisais à utiliser son pouvoir sur moi, et que s’il m’avait voulu du mal, je n’aurais sûrement pas réagi. Mon faible pour la beauté de certains hommes me rendait fébrile. Seulement, je désirais me plonger dans ses bras pour disparaître dans une étreinte réconfortante et que rien d’autre ne compte sur la nuit qui s’apprêtait à découler de nos caresses encore timides.
Je glissai une main incertaine entre ses mèches de jais afin de l’attirer de nouveau dans un doux baiser. Ainsi, j’oubliai l’existence de ma timidité pour ce soir, nous enfermant dans une bulle d’intimité où personne ne serait témoin de cette passion dévorante.
Ne sachant ce qui retournait de son pouvoir, j’attendais de pouvoir le découvrir, avant d’écarter délicatement les pans de sa chemise pour oser dévoiler davantage la peau de mon hôte, jusqu’à la lui retirer timidement. J’étais électrisé par les frictions de nos corps, et chaque nouveau baiser me faisait en désirer davantage. Ash avait ce regard hypnotique et ce sourire énigmatique dont leur exploit avait été de m’attirer dans leur filet avec une aisance presque grotesque.
Seulement, contrairement à ce que je pouvais laisser supposer, j’étais également un homme dont les désirs étaient à combler. Et seule Lucy serait prompte à me juger de ces ébats qui ne découlaient que d’un désir commun. Je ne devais plus rien à personne étouffant mes dernières réticences pour me laisser fondre sur ses lèvres de soie.
J’enroulai mes bras autour de sa nuque pour l’empêcher de s’éloigner. Puis comme un chaton je frottai ma tête dans son cou pour m’enivrer de son odeur. La courbe de ses muscles roulait sous mes paumes, et je crevais à l’idée de parcourir davantage la peau à ma disposition.
Je m’abandonnai moi-même sous ses mains pour découvrir le brasier ardent qui l’avait entraîné dans une tornade de sensations que j’appréciais apprendre à ses côtés. C’est d’un regard luisant, un peu intimité, un peu languissant que j’appelai mon hôte à ne pas s’éloigner de moi, marquant sa peau de sillons lorsque la prise de mes doigts se fit plus ferme. Une simple pression qui appelait à de nouvelles marques d’affection.
Les mimiques du jeune homme était aussi bien adorable qu’excitantes. Ash sentait son souffle dans son cou, ses doigts parcourir sa peau, le dévêtant peu à peu. Accompagnant les mains de son partenaire, Ash retira ses vêtements en premier, dévoilant sans aucune pudeur sa peau claire et immaculée de toute cicatrice ou imperfection. Dans un monde où la magie peut tout régler, Ash avait les moyens d’acquérir cette plastique presque parfaite. Laissant tomber ses habits au sol, il s’attaqua ensuite à ceux d’Adam qui rejoignirent rapidement la moquette…
Même si le pouvoir du brun n’était actif qu’une dizaine de minutes, leurs ébats durèrent bien plus longtemps. Après avoir outrepassée les premières hésitations du blond, Ash prit les devant et mena la danse. Un rythme soutenu, une respiration saccadée, quelques pauses pour se déshydrater et s’enquérir de l’état de son partenaire, avant de reprendre et profiter du plaisir charnel que lui offrait le jeune homme…
Ash se laissa tomber sur le côté. Arrangeant les coussins pour s’adosser contre la tête du lit, il ramena doucement la tête d’Adam sur son torse, son cœur battant particulièrement fort dans sa poitrine. Il lui caressa doucement les cheveux, si il n’y avait aucune affection particulière en revanche, Ash n’était pas rustre au point de mettre dehors aussitôt les ébats terminés.
Il sourit doucement en relevant une mèche de devant les yeux bleu du jeune homme :
- Tout va bien ? Tu veux boire quelque chose ?
Je fermai les yeux lorsque je sentis sa main frôler mes mèches dorées, avant de baisser la tête pour dissimuler les rougeurs qui apparaissaient sur mes joues. Mon cerveau hurlait pour ce qui venait de se passer, et sûrement que père s’en serait arraché les cheveux de savoir que j’avais passé une nuit dans les bras d’un inconnu. Mais au final, qu’en avais-je à faire ? Je garderais certainement ce secret comme un trésor bien gardé. Non pas que je puisse ressentir autre chose qu’une profonde attirance physique, mais je devais avouer que c’était une nuit qui s’était montrée agréable. Je secouai alors la tête pour répondre à sa question.
“Ça ira merci.”
Étouffant un bâillement, je fermai les yeux somnolant, sans me rendre compte que j’étais transporté dans le pays des songes dès que je fus entouré par les ténèbres de mes paupières.
~
Ce furent quelques rayons timides qui vinrent rompre la quiétude de mon sommeil. J’étais seul entre les draps, me permettant de m’étirer de tout mon long sur le matelas sans m’inquiéter de déranger mon partenaire d’une nuit. Il me fallut tout de même quelques minutes pour me remémorer les événements de la veille avant d'avoir l’impression que mon visage était devenu une fournaise tant il était rouge. Je dus l'enfouir dans le coussin pour étouffer la plainte qui m’échappa. J’étais mort de honte, et je souhaitais fondre dans le matelas pour disparaître. Prenant une longue inspiration, je finis par me retourner pour étendre les bras de chaque côté du lit et observer le plafond.
“Plus jamais je touche une goutte d’alcool...”
Je remontai mes mains sur mon visage en soupirant, je devais avouer qu’il y avait pire comme situation. Ash était un bel homme, et plutôt doué de ses dix doigts contrairement à moi.
…
Je me râclai brièvement la gorge afin de me remettre les idées en place, puis je me redressai. Je n’allais pas rester éternellement étalé au fond des draps. Mes congénères avaient déjà dû reprendre la route sans moi, cette pensée me fit lever les yeux au ciel. Je saisis les vêtements pour les enfiler en vitesse avant de remarquer l’écriture soignée du maître des lieux sur un morceau de papier. Le tout accompagné d’un verre d’eau, j’en rougis de nouveau. Celui-ci était assez attentionné pour ne pas négligé un invité. Je tirai maladroitement mon sac pour le hisser sur mon épaule avant de saisir le mot et y écrire un mot à l’arrière, de boucles élégantes - il fallait bien que mon éducation serve à quelque chose autre qu’incliner le buste comme un imbécile.
“Merci pour cette soirée. Adam.”
Simple et concis, j’aurais mieux fait de rien écrire, mais je me sentais mal à l’idée de partir comme un voleur. C’était le minimum que je puisse faire sans avoir à le confronter.
Je descendis les marches de ce couloir qui m’avait paru bien plus long la veille. J’atterris à la réception, me grattant la nuque lorsque l’hôtesse me fixa avec un sourire.
“Si vous pouviez laisser ce message à... Ash.
- Vous souhaitez que je l’appelle ?
- Non surtout pas ! Ne le dérangez pas pour moi. “
Après un vague mouvement de la tête, je repris la route à travers le royaume. Dire qu'une simple maladresse m'avait mené à une telle soirée, je ne l'aurais sûrement jamais cru avant que ça ne m'arrive.
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