La femme n'avait pas l'air commode. L'espace d'un instant, Kasha eut peur pour sa partenaire, qu'elle trouvait bien trop irrévérencieuse pour la situation dans laquelle elle se trouvaient. Mais elle finit par se raviser: en effet, même s'il était vrai qu'elle-même n'aurait jamais osé avoir un tel comportement, car elle respectait bien trop la Garde pour cela (les mauvaises langues diraient même qu'elle la craignait), il était évident qu'elles avaient besoin d'aide. Leur quête d'informations avait toutes les chances de patiner si elles n'obtenaient pas l'aide demandée. Alors, Neva avait certainement l'applomb qui manquait à Kasha... Qui, à son tour, devrait faire preuve de diplomatie et de tempérence, pour contrebalancer le fait que... Quoi ? Elle avait réussi à obtenir la coopération ?

Toute à ses pensées, Kasha n'avait pas vraiment fait attention à la conversation, mais c'était maintenant visiblement à son tour de parler... Elle devrait donc analyser tous les indices donnés par le langage non-verbal de ses vis-à-vis pour essayer de deviner ce qu'elle avait manqué, tout en ne laissant rien paraître. Le moment n'était en effet pas vraiment bien choisi pour manquer de professionnalisme.

Contrastant avec son attitude absente précédente, Kasha écouta avec attention les dernières explications données par sa partenaire, avant de compléter :

- En effet. Et il se trouve que la seule personne qui nous a donné des informations à peu près utilisables faisait partie de la Garde, c'est pourquoi nous avons pensé que vous pourriez compléter ce que nous savons.

Après un temps, elle ajouta :

- Je peux vous aider à les retrouver, sans les inquiéter, mais je n'aime pas partir sans préparation.

À ce moment, elle aurait adoré glisser un regard éloquent à Neva, à qui elle en voulait encore pour sa précipitation précédente, mais elle ne prendrait pas le risque de montrer à la Garde le moindre indice ouvrant la possibilité d'une mésentente. Personne ne voulait travailler avec une équipe non harmonieuse... D'autant plus que Kasha était persuadée qu'elles pourraient passer outre cette divergence d'opinions quant à leurs méthodologies de travail. Inutile donc d'inquiéter leur potentielle future collaboratrice.

- Auriez-vous des informations à nous communiquer au sujet de cette affaire ?

La femme les jaugea pendant un moment. Un long moment. Peut-être cherchait-elle à tester leur patience ? Ou alors, peut-être soupesait-elle simplement le pour et le contre ? Dans tous les cas, le silence devint vite pesant. Si Kasha savait être patiente, elle ne savait pas ce qu'il en était de sa partenaire, à qui elle jeta un bref coup d'oeil pour jauger de sa capacité de gestion du stress qui, Kasha en était sûre, était généré intentionnellement.

Lorsqu'enfin la garde parla, ce fut bien loin de ce que la demoiselle attendait :

- J'espère que vous avez conscience que vous me demandez des informations confidentielles.

Sans se démonter, Kasha argumenta un peu plus :

- Je ne vous demande pas de me donner vos informations confidentielles. Mais si nous coopérons, il est normal que nous partagions des informations. De plus, je suis spécialiste de l'infiltration, comme vous l'a dit ma camarade, et elle a raison. Mais je ne pense pas vous surprendre en vous disant que plus on en sait sur la cible et son mode de vie, plus il est facile de s'introduire à ses côtés sans éveiller ses soupçons. Et je vous assure que c'est encore plus vrai lorsqu'il y a plusieurs cibles. Plus elles sont nombreuses, moins on a le droit à l'erreur.

Une fois de plus, elle se retrouva jaugée du regard, presque jugée, cette fois. Et, cette fois, elle se sentit mal à l'aise. Plus le temps passait, plus elle se disait qu'elle avait fait une erreur qui allait mettre tous leurs efforts à la poubelle...
Mais la garde finit par soupirer et récupérer un dossier sur son bureau. C'était visiblement le dossier concernant le sujet qui les occupait. Elle l'ouvrit à une certaine page, puis le fit glisser vers elle :

- Sur cette double page, vous trouverez ce que nous savons d'eux, ainsi que des annotations au sujet de leur possible localisation. Vous êtes libre d'étudier ces pages autant que vous voulez, mais merci de ne pas en consulter d'autres.

Kasha chercha le regard de Neva, afin de sonder son avis à ce sujet. La garde en savait bien plus qu'elle n'en partageait, et ne prenait même pas la peine de le cacher. Que Neva ait répondu à son regard ou non, Kasha se contenta ensuite d'observer les pages fournies. Certes, les informations étaient minces, mais elles lui seraient utiles, si non à sa partenaire, qui était libre de continuer à négocier si elle s'en sentait la force.