Le soleil était éclatant et la transpiration perlait sur le visage de Tetsuko qui passait son temps à le nettoyer à l’aide d’un petit tissus jaune. Marcher dans le sable n’était vraiment pas la chose la plus aisé, celui-ci ralentissait les mouvements, se lotissait dans chaque coin des vêtements et alourdissait le pas. Le vent n’était pas non plus un meilleur ami, glissant des grains de sables un peu partout, le moins agréable étant les yeux.
Sur leur chemin elle put croiser de nouvelles espèces, des cactotos et des zangillas. Elle eut de courte discussion avec celles-ci, elle nota dans son carnet les informations ainsi recueillit. En premier lieu, elle se présentait aux plantes et posait quelques questions qui lui semblait utile. Elle sortit alors la scribouilleuse de son sac et lui dicta ses trouvailles;
Cactoto :
Cueillette, la plante préfère qu’on ne prélève que ses épines, pour récupérer l’eau, prendre des bouts entiers est douloureux pour eux (dans le sens où, ils auront beaucoup de mal à se régénérer par la suite, cela va leur coûter beaucoup trop de nutriments), ils préfèrent des entailles de 5cm maximum, l’eau coulera alors sur le tronc et pourra être récupérer. L’entaille va cicatriser assez vite et demandera beaucoup moins de nutriment.
Pousse dans les environnements sec en présence de sable, semble conserver l’eau pour s’hydrater.
Zangilaa:
Pas vraiment réussis à récupérer des informations, l’esprit de ses plantes est aussi noueux que leur apparence…
Tetsuko continua les recherches, préleva quelques branches et épines dans le respect maximum qu’elle pouvait donner à ces plantes.
- Ils souhaitent d’abord savoir si c’est comestible. Puis dans un second temps les éventuelles applications utiles. Ne prend pas trop de risques. Dans cet environnement, les plantes savent développer des systèmes de défenses ingénieux.
- C’est de l’aloe de ce que je vois. Je vais essayer de rentrer en contact pour prendre des informations et on pourra cueillir la plante si elle le veut bien… je laisserai les gouteurs faire leur travail ! Ce n’est surement pas le moment d’avoir des soucis de digestions ahah
Après une courte discussion, assise sur le sol face à la plante, Tetsuko se tourna vers Jack.
- La plante est ok pour qu’on lui prélève une grande feuille, le mieux est d’inciser à la base. Vu la taille de la feuille je pense qu’ils devraient avoir de quoi faire pour leur recherche !
La jeune femme s’exécuta et coupa la plante d’un coup net à l’aide d’un couteau. Elle remercia alors la plante.
- Tu as un sac pour mettre cette feuille, le mien est bien trop petit… il faudrait mettre la fleur vers le bas… si on veut éviter de mettre tout ce gel partout…
Jack semblait avoir ce qu’il fallait et s’occupa de la plante. Ravis, Tetsuko continua les recherches, Jack lui pointa une autre plante recherchée, ressemblant à un pommier. Celui-ci devait bien faire dans les 1m90, ce qui n’était pas si grand pour un arbre. Les fruits de l’arbre étaient atrocement tentant mais ne sachant pas si ceux-ci étaient comestibles, il valait mieux se retenir. La détective tenta un contact avec l’arbre mais celui-ci ne semblait pas vouloir de sa présence et la rejetait.
- Le pommier est pas très bavard… prenons les fruits et feuilles avec précaution et surtout avec des gants.
La détective semblait totalement dans son environnement, elle aimait prendre soin des plantes mais aussi les découvrir. Elle faisait ça depuis son enfance et cette journée lui rappelait sa jeunesse. Tetsuko se perdit à raconter ses souvenirs à Jack tout en prenant les fruits et feuilles du pommier, ainsi que quelques branches. Elle nota alors le nom sur un papier et enroula le tout afin de ne pas le mélanger avec ses autres cueillettes. Son sac sans fond regorgeait maintenant d’une mine d’information et elle était ravit.
- On devrait se reposer un peu et rentrer, je pense qu’on en a fait assez ? …. J’ai beaucoup apprécié cette journée avec toi.
Elle n’osa pas vraiment regarder Jack dans les yeux en prononçant ces paroles, habituellement avouer ce genre de chose ne lui procurait pas autant d’émotions. Son cœur battait la chamade et ses joues rougissaient à vue d’œil.
Assise sur un grand tissu qu’ils venait d’étendre en dessous de l’arbre et profitant du coin d’ombre que celui-ci leur offrait, Tetsuko sortit de son sac toutes les cueillettes. Elle voulait vérifier que tout était bien impacté et les instructions claires. Elle remit tout dans son sac, de la manière la plus ordonnée qu'elle pouvait.
La fatigue commençait à se faire ressentir, cela faisait un moment qu'elle n'avait pas autant user de son pouvoir. Après avoir prit une longue gorgée d'eau, elle s'étala sur le tissus, ce qui ne fût peut-être pas la meilleure des idées, le sommeil la gagnant petit à petit.
Je vous ai déjà dit ô combien quand on s’aperçoit que quelqu’un compte pour nous, on a bien du mal à ne pas regarder qu’elle ?
En tout cas, je vous le redirais sûrement.
Et le boulot ne va pas se faire tout seul à rester debout, les bras ballants, à baver sous le cagnard, émerveillé d’elle. Alors, on reste fort dans la tête et on bosse. Surtout que je dois davantage concentrer mon attention sur les alentours. Si Tetsuko passe de plantes en plantes, plongé dans des discussions qui dépassent mon imagination ou dans des souvenirs d’enfance, elle ne fait pas attention à ce qui peut être plus loin. Normalement, il n’y a rien de dangereux par ici. C’est ce qui est prévu en disposant des aventuriers ou des gardes à différents endroits du désert pour sécuriser les abords du camp et les principaux points d’exploration. mais on ne sait jamais. le désert est plein de secrets. Et je ne suis pas des plus concentré en ce moment. Je brise ma vigilance le plus souvent pour absorber le moindre de ses souvenirs comme une éponge asséché avide d’eau. Comme si ne pas se souvenir de ces histoires serait un crime. Un manque d’attention cruel. Une terrible trahison.
Combien de temps passe ? Je ne sais pas. Quand Tetsuko évoque le fait de se reposer, c’est comme si je sors d’une transe. Je suis en nage à cause du soleil. J’ai l’esprit troublé, mais ce n’est probablement pas le soleil. Et c’est à ce moment que tout mon corps me rappelle qu’il a fait des efforts ces derniers temps et qu’il réclame du repos. J’approuve en silence, la bouche aussi sèche qu’un bout de papier du service administratif de la Guilde des Aventuriers. C’est dire. Ces derniers mots me réchauffent la poitrine par surprise. Comme s’il ne faisait pas assez chaud ici. Je balbutie une réponse, pris au dépourvu.
-Moi aussi. Ce fut instructif.
Qu’elle n’a probablement pas entendue, elle-même visiblement gênée. N’insistons pas, hein. Chaque chose en son temps, tout ça. On se repose alors après le rangement. Dans ma tête, je calcule le temps qu’il nous faudra pour rentrer. Avec la fatigue accumulée et le temps de trajet, il faudra sûrement tabler sur une autre nuit. L’information n’est pas anodine et mon esprit vagabonde soudainement dans un imaginaire trouble dont je sors par une baffe sur la joue. On se reprend. La jeune femme a dû être surprise, mais elle s’est effondrée sur elle même, terrassé par la fatigue. Elle s’est endormie. Un instant, je le regarde, ses yeux clos, sa bouche entrouverte d'où passe une respiration lente avec un petit cri plaintif de ceux et celles qui prennent un repos bien mérité après une dure journée. Je descends sur sa poitrine, montant et descendant au rythme de sa respiration. Plus je la regarde et plus je ne peux m’en détacher le regard. De la pointe de ses cheveux jusqu’au bout de ses chaussures. Puis cette impression désagréable de faire quelque chose de mal. De ne pas être à ma place. De profiter d’un instant de faiblesse. De trahir la confiance qu’elle porte en moi.
-Allez Jacko. On se réveille.
Si on s’est installé pour se reposer un instant, ce n’était pas prévu pour dormir. Lentement, avec mille précautions, je déplace Tetsuko toujours endormi vers un endroit plus ombragé, dans coin formé par une racine apparente de l’arbre, la disposant pour que le sommeil soit plus confortable. Qu’elle idée de s’endormir sur soi-même. En peu de temps, j’installe une partie de la tente autour de nous pour la protéger du soleil sous tous les angles et le temps passant, devenant rasant. Auprès d’elle, pas suffisamment proche, comme si le fait de la toucher serait un crime, je la veille de la moindre hostilité autour de nous. Mais, toujours, mon regard revient vers elle. Moi aussi, le sommeil me guette. La fatigue est présente, mais j’essaie de tenir, comme un devoir que l’on brandit comme un étendard. J’essaie des trucs pour rester concentrer, parfois des trucs idiots, souvent des choses pas totalement intéressées, comme trouver les mots qui pourraient libérer Tetsuko de l’innocence qui l’emprisonne. Pas du tout désintéressé, j’ai dit. Parfois, j’en murmure, comme des secrets inavouables, de peur qu’elle m’entende, retournant à elle pour m’assurer qu’elle dort toujours et expirant de soulagement.
On veut aller au rythme qu’il faudra, mais on rêve forcément que ce rythme s’accélère, au fond de nous.
En tout cas, faudra pas traîner non plus pour le retour. On risque de s’inquiéter.
Jack avait tout préparé pour que la nuit se passe bien, voyant que Tetsuko avait sombré dans un sommeil profond, il avait mis entièrement en place la tente, préparé le lit et avait déposé la détective à ses côtés. Cette attention lui fit chaud au cœur, il s’était occupé d’elle malgré son impolitesse à s’être endormi aussi vite. Elle se souvient alors vaguement de quelques rêves qu’elle aurait faits cette nuit, elle se souvenait de la voix de Jack mais pas de ses paroles; celles-ci semblaient douces.
Elle se leva alors doucement et prépara le déjeuner le temps que Jack se réveille à son tour. Elle s’excuse alors de multiples fois de s’être endormi et de l’avoir laissé tout faire; elle s’en voulait profondément.
- Je ne comprends pas c’est comme si quelque chose m’avait assommé pour que je m’endorme aussi longtemps…. oh ! Ils doivent s’inquiéter dans le camp, on devait revenir hier !
Tetsuko commença à ressentir son cœur battre et l’angoisse monter en elle, c’était sa première mission et elle allait déjà arriver en retard et surement inquiéter ses collègues qu’elle ne connaissait même pas encore. Alors elle pressait tous ses gestes, comme si cela allait rattraper une nuit de retard entière. Les mains tremblantes elle mangea en quelques crocs son repas, s’habilla, aida à ranger les équipements et se tenait prête à partir pour rentrer au plus vite.
- On devrait rentrer vite avant de se faire gronder…
Le chemin fut long mais premièrement pas désagréable; le soleil se levant à peine l’air était encore agréable et il était possible de marcher sans être assoiffée. Les doux rayons faisaient briller le sable sur lequel couraient les mammifères commençant leur journée. Ils purent observer quelques chasses de loin, entre une petite souris et un chat des sables.
Mais le temps n’était pas à observer toutes les merveilles que pouvait offrir ce désert, Tetsuko pressait le pas et l’angoisse était bien trop importante pour profiter du moment. Il était impossible que Jack n’est pas remarqué la détresse qui émanait de la jeune femme sur la route, des soupirs constants, les mains tremblantes, les discussions rapides et sèches, les pas pressés. C’était une autre facette qu’elle laissait apparaître et ce n’était surement pas la meilleure.
Fatiguée de marcher aussi vite dans le sable qui alourdissait chaque pas, Tetsuko finit par demander une pause. Le soleil était maintenant déjà bien plus haut et la chaleur tapait chaque recoin du désert, ne laissant aucun répit aux êtres vivants sur ces terres.
- On devrait se poser sous ces arbres… j’espère ne pas m’endormir cette fois mais j’ai besoin d’une pause. Qu’en penses-tu ?
La sueur perlait sur son front, ses lèvres commençaient à être gercé par le manque d’eau; elle était tellement angoissée qu’elle en avait oublié de s’hydrater. Se posant contre l’arbre elle prit une longue gorgée dans sa gourde et la posa à ses côté attendant qu’elle se remplisse un peu de nouveau. Marcher aussi vite sous cette chaleur n’était vraiment pas la meilleure idée et elle commençait à en ressentir les conséquences.
La fatigue ne tarda pas à se faire ressentir et c’est alors qu’elle se laissa glisser vers Jack; sa tête se posa sur ses genoux et de nouveau elle s’assoupit. Tetsuko commençait à toucher ses limites, elle n'était pas une aventurière et n'avait pas assez de force pour marcher aussi longtemps dans un environnement aussi chaud. Elle manquait d'expérience et ne savait pas gérer son énergie.
La nuit derrière, ce n’était pas prévu. Je pensais que ça allait durer une heure et on serait reparti, mais le sommeil a fini par me rattraper aussi. On est parti ce matin et j’avais la ferme intention d’en finir avec cette mission qui commençait à prendre beaucoup trop de temps. Pas que je n’apprécie guère de passer du temps avec Tetsuko, hein, même si ce temps est dépensé majoritairement en sommeil et en marches longues et épuisantes où l’on préfère sauvegarder son énergie pour ladite marche que pour causer et encore moins pour mettre des mots sur les sentiments qui agitent les tripes. Une fois rentré, ce n’est pas les occasions qui manqueront de profiter du calme et des divertissements de la société humaine. Le soleil pour seul témoin. Le sable et l’aridité des lieux, on a connu mieux comme source de distraction. Un temps ça va, plus longtemps, on finit par s’en lasser.
Surtout que je m’inquiète. On dépasse le temps prévu initialement par le camp de base. Comme je l’ai déjà dit, les autorités locales font en sorte de quadriller les environs avec des groupes d’explorateurs expérimentés et de chasseurs pour éloigner les dangers du désert des groupes les moins capables de leur résister. Ces groupes bougent en fonction des autres groupes qu’ils doivent protéger. Et le truc qui me trotte de plus en plus dans la tête, c’est que comme on dépasse les délais prévu pour cette mission, les groupes qui se chargeaient de notre protection à distance ont probablement bouger depuis le temps, laissant à n’importe quelle monstre du désert l’occasion de faire un tout droit vers nous et de nous montrer le pourquoi de ce système complexe, mais fort utile. Je n’en dis rien à Tetsuko. Je ne veux pas lui mettre la pression.
Mais au fur et à mesure de la marche et que je vois que sa fatigue augmente plus vite que ce que j’espérais, c’est une peur croissante qui me prend aux tripes, remplaçant les sensations agréables de ces derniers jours. ça me rend paranoïaque et je guette chaque mouvement comme s’il allait révéler un carnivore du désert. Je le faisais ces derniers jours, parce qu’il faut toujours être prudent et que les chasseurs peuvent laisser passer des créatures plus inoffensives, mais pas dénuées de danger. Le plus placide des herbivores peut vous tuer s’il prend peur, vous écrasant juste de par sa masse.
Ainsi, je ne suis pas surpris quand Tetsuko s’approche de moi, elle qui commençait à sérieusement traîner la patte, pour demander une pause. Un instant, croisant son regard implorant, j’ai l’envie de lui dire non, pas par méchanceté, mais parce qu’elle met sa vie en danger ainsi. Mais comment pourrais- je lui dire non ? Et puis, si c’est pour s’écrouler trois cent mètres plus loin au milieu de nul part, ce serait encore pire. Alors, d’un hochement de tête, je concède un nouvel arrêt et la sueur qui perle mon cou tient plus de l’inquiétude grandissante que de la fatigue. A nouveau, elle s’assoupit sur moi. Je pourrais avoir le baume au cœur de me dire que je dois l’apaiser en quelque sorte. Que je l’aide à davantage se reposer, mais non, ça me passe au-dessus. Pire, je commence à envisager que sa fatigue n’est peut-être pas dû qu’à l’environnement impitoyable du désert. Il existe des parasites dans ce désert qui peuvent vous ponctionner toute votre énergie vitale. ça ne serait pas étonnant d’en trouver un, mais à moins de le fouiller et d’en trouver un à fleur de peau de Tetsuko…
Cette option est inenvisageable.
Alors, je veille. A nouveau. Tendant l’oreille au moindre bruit. Fouillant l’horizon alerte du moindre mouvement. Rien, nous sommes seuls. Encore.
En apparence.
Je finis pas me figer sur place en entendant le bruit étouffé de quelque chose posant sur le sable. Comme quand on marche, mais en plus lourd, plus massif, mais retenu, comme si on cherchait à se faire discret. ça vient de notre dos. La vision est perturbée par les quelques arbres nous servant de couverts. L’indécision me prend. Peut-être que ne nous a pas vu. Rester immobile peut nous sauver. Ou nous tuer. C’est selon. J’attends. L’attente devient insupportable alors que les bruits se rapprochent, l’allure ralentissant. Je commence à croire que j’invente ces bruits. Peut-être que pour moi aussi, la fatigue vient à bout de mon énergie, de ma santé mentale même. Jusqu’à un point de non retour. Une certitude. Une évidence au milieu de ce désert.
Nous ne sommes pas seuls.
Et notre invité sait que l’on est là.
Je décide de réagir, poussant sans douceur Tetsuko mais avec la ferme intention de la protéger en l’envoyant dans le coin formé par les arbres et je me lève aussitôt, cherchant mon surin qui n’est jamais très loin quand je veille ainsi. La créature passe à l’attaque avec de bons réflexes. Je balaie l’air de mon arme et elle recule alors que je me place entre elle et Tetsuko.
Un minocattus.
- Spoiler:
Haut de deux mètres, il darde un regard emplis d’une faim dévorante dans notre direction. Ou peut-être seulement pour Tetsuko qui paraît être la proie affaiblie facile à prendre. Ah mais non mon grand, ce ne sera pas aussi simple, il faudra me passer sur le corps. Si jusqu’à maintenant, on a réussi à passer au milieu des épreuves du désert, il fallait bien que ça arrive. Le Désert Volant est un lieu de danger et il sait le rappeler au juste moment.
La créature bondit et je tiens bon, pour l’instant incapable de vraiment reflechir au delà d’une seule et unique pensée qui m’obsède depuis ces deux dernières nuits.
La protéger.
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