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    Un monde plein de mystères,
    plein de magie et surtout plein d'aventures...

    Il est peuplé de créatures fantastiques. Certaines d'une beauté incomparable, d'autres aussi hideuses qu'inimaginables, beaucoup sont extrêmement dangereuses alors que quelques unes sont tout simplement adorables. La magie est omniprésente sur ces terres : des animaux pouvant contrôler la météo, des fleurs qui se téléportent, des humains contrôlant les éléments, des objets magiques permettant de flotter dans les airs...

    Dans ce monde, il y a le royaume d'Aryon. Situé à l’extrémité sud du continent, c'est un royaume prospère, coupé du monde. Il est peuplé d'hommes et de femmes possédant tous un gros potentiel magique, chacun vivant leurs propres aventures pour le meilleur comme pour le pire.

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    [QA] Je préfère les monstres à ce que la nuit me montre (ft. Soredamor)
    Vivi ArundelAventurière
    Vivi Arundel
    Informations
    [QA] Je préfère les monstres à ce que la nuit me montre (ft. Soredamor)
    Dim 26 Juin 2022 - 1:49 #
    ”Détail de la quête”:

    Cet entretien laissait Vivi perplexe.
    Le dénommé Septimus leur avait servi une infusion thérapeutique à base d’écorce de saule et un plateau de viennoiseries au miel de pin (que produisait une excellente apicultrice de sa connaissance). Confortablement installées dans un divan garni de coussins douillets, Soso et Vivi avaient écouté leur hôte tandis qu’il leur confiait les détails de leur mission.
    Le vieux Septimus était un orateur agréable. Il parlait d’une voix affable, ses yeux noisette – encadrés de lorgnons magiques – brillaient d’un éclat doux et rieur, et il était pourvu d’une petite barbiche blanche qu’il se plaisait parfois à entortiller entre ses doigts crochus.  

    …mais pour une raison inconnue (et pas seulement parce qu’on lui avait servi une infusion sans sucre), Vivi l’avait regardé en chien de faïence pendant tout l’entretien. Les sourcils froncés avec méfiance et les lèvres pincées, la jeune chevaleresse avait laissé à sa partenaire le soin de lui poser les questions utiles.

    Il est vrai que les aventuriers n’étaient pas nécessairement mal accueillis par leurs clients, néanmoins…
    On faisait appel à un aventurier pour régler un problème. Autrement dit : pour ne pas se prendre la tête.
    Aussi, aux yeux de la jeune chevaleresse, le comportement de l’apothicaire – qui veillait à leur mâcher au maximum le travail – paraissait incroyablement suspect.
    Septimus leur avait composé une liste de plantes et d’essences sur lesquelles il désirait des détails. Ses indications étaient claires. L’herbier qu’il leur avait fourni était complet. Il leur prêtait même un Cadre Magique doté de dix utilisations, afin de permettre une étude plus précise des spécimens qui l’intéressaient le plus.
    En somme, il avait pratiquement tout présupposé, tout prévu et tout préparé à l’avance, et s’il n’y avait eu la possible présence de monstres dans les parages, il se serait chargé lui-même de cette quête en deux temps trois mouvements…

    …tandis que la plupart des clients habituels de Vivi lui demandaient plutôt de se débrouiller avec les moyens du bord. D’accomplir la mission, envers et contre tout ! De faire des merveilles avec trois bouts de ficelle, c’était pour ça qu’on les payait !
    L’apothicaire Septimus avait manifestement une autre philosophie du rapport qui unissait les prestataires et les clients.
    Néanmoins, en fixant son visage ridé et avenant… Vivi continuait de lui trouver un air insondable et mystérieux. Quelque chose d’hermétique et d’inquiétant.
    Et pour cause : l’apothicaire Septimus ne portait pas de moustache*.
    Nan, vraiment : j’le sens pas, ce vieux, confia-t-elle à Soredamor en quittant le comptoir de l’apothicaire.

    ”Aparté - Les Arcanes de la Moustachologie*:

    Cheminant ensemble sur les sentiers boisés et passerelles suspendues du Village Perché, Vivi conservait un air pincé. Le vieux Septimus leur avait fourni toutes les informations, et tous les moyens dont elles pourraient avoir besoin pour accomplir leurs objectifs.
    Il n’y avait donc aucune raison valable de s’attarder davantage au village.
    Et pourtant…

    Attrape.
    Vivi se retourna pour lancer sa bourse de cristaux à sa partenaire. Ladite bourse était terriblement légère… et montrait à quel point il leur devenait nécessaire d'accomplir quelques quêtes.
    Soso, s’il faut déterminer à quel point le coin est dangereux pour la cueillette, ce serait pas mal de passer quelques nuits sur place. Tu veux bien aller acheter l’nécessaire ?
    La petite aventurière faisait la moue, comme souvent, quand elle demandait à sa camarade de se charger des corvées. Il faut dire que Vivi était suffisamment sans-gêne pour ne jamais hésiter à lui demander d’agir selon ses caprices… mais jamais assez présomptueuse pour manquer de s’en rendre compte quand elle menait son monde à la baguette.

    En attendant…
    La jeune femme se gratta le cuir chevelu d’un air perplexe. Maintenue en place par un humble ruban de soie rouge, sa crinière paraissait toujours sur le point de se libérer dans une grande explosion d’or hirsute.
    Vivi avait probablement besoin d’une bonne coupe de cheveux (et d’un bon shampouinage).
    J’voudrais bien prendre le temps de dire deux mots aux gens du cru.
    Voilà qui n’était pas une tâche que Soredamor lui envierait. Son amie avait tendance à se faire discrète quand il s’agissait de tailler le bout de gras avec la populace. Ce qui n’était pas le cas quand on parvenait à piquer son intérêt : un peu plus tôt, le verbiage alambiqué du vieux Septimus n’avait pas manqué de la faire sortir de sa réserve...  

    Si j’traîne trop, tu m’attends à la bibliothèque, d’accord ?
    Après une réponse posée de la part de Soredamor, Vivi fit un clin d'œil à sa camarade, puis disparut dans une bourrasque d’acier. Les planches grincèrent sous ses solerets, et nombreux furent les habitants à se retourner sur le passage de cette petite chevaleresse en armure qui s’élançait à travers le Village Perché dans un petit trot cacophonique.

    ***


    Fallait-il se fier aux instincts de Vivi ?
    Probablement pas.


    La jeune chevaleresse commença par un passage à la caserne des Belluaires.
    Beaucoup d’aventuriers ne prenaient jamais ce réflexe, mais Vivi savait d’expérience que sans coordination, on n’arrivait jamais qu’à gâcher les efforts de ses troupes.
    Ces notions tactiques étaient comme gravées au fer rouge dans sa mémoire.
    En aval du fleuve ? Ça me dit vaguement quelque chose, marmonna le garde en lissant son épaisse moustache en fer à cheval.
    S’estimant chanceuse (c’est moustachologique, pas vrai ?) de lui avoir mis la main dessus, Vivi le pressa pour en savoir davantage. Comme à son habitude lorsqu’elle collectait des informations, la jeune chevaleresse tenait un grand livre ouvert devant elle, tandis qu’une Scribouilleuse s’occupait de consigner les témoignages de ses interlocuteurs.
    Je pense que ton client est d’abord venu nous voir, mais nos effectifs forment actuellement un cordon de sécurité pour nous isoler de l’amont du fleuve, justement, où on a rapporté la présence de Marchebrumes. Un seul, j’espère… mais c’est pas confirmé.
    Le grattement discret se poursuivit à travers l'alcôve végétale, seulement troublé du bruissement des feuilles secouées par le vent. Pour éviter de surcharger les pages de son grimoire de ses commentaires, Vivi se faisait beaucoup plus discrète en ces occasions.
    Comme la menace n’était pas concrète, et qu’il ne pouvait pas attendre qu’on ait les moyens de s’en charger, on lui a suggéré de contacter la guilde.
    S’quoi, un Marchebrume ?
    Attends, j’ai le Livre de Mémoire d’un de nos éclaireurs, ici. Je vais te montrer.

    ”Image des Belluaires - La menace en amont du fleuve”:

    Yeurk… on dirait qu’il s’promène avec toute sa viandoche à l’air libre.
    Il s’agit de l’organe avec lequel il diffuse sa brume et piège ses proies. Reste méfiante sur place.
    Vivi acquiesça en faisant la grimace.

    Avant de s’en aller, elle demanda au Belluaire de lui indiquer l’herboristerie la plus proche.
    Ses traits juvéniles, d’ordinaire insouciants, demeuraient pensifs.


    Et pourtant…
    Sainte Lucy sait qu’il existe une espèce misérable de personnes :
    …qu’on a tant jouées, tant flouées et tant manipulées…


    Trois des herboristes locaux qu’elle prit le temps d’interroger avaient également entendu parler du problème par l'apothicaire, et choisi de se tenir à distance. Quitte à visiter des zones de cueillette moins profitables. L’un d’eux, toutefois, lui fit une suggestion intéressante.
    Si le coin vous intéresse, pourquoi ne pas en parler à Tomas ? Il habite un cabanon en bordure du fleuve, et vient nous voir de temps à autre pour revendre le fruit de sa chasse. Je lui demande parfois de m’accompagner quand je fais ma cueillette dans les parages.
    Merci, chuchota la petite aventurière, pas trop fort, pour que sa plume magique achève sa prise de notes sans interruption.

    Une fois avisée de l’endroit où vivait le dénommé Tomas, Vivi songea qu’il était temps de retrouver Soredamor.
    Ses pas commencèrent à la mener en direction de la bibliothèque, mais…


    Qu’elles savent désormais reconnaître la discrète traction sur le fil du marionnettiste.
    Les influences subtiles, les inférences secrètes…
    …ce moment où l’on n’est plus maître de son destin.


    ...le regard rivé sur les notes prises par sa Scribouilleuse, elle s’immobilisa.
    Désolée, Soso… j’vais être carrément en retard, je crois.
    Refermant le grand livre et le rangeant dans son sac sans fond, Vivi décida de se renseigner sur un tout dernier individu. Elle avait pleinement conscience qu'elle était ridicule d'agir ainsi, sur la base de suspicions infondées... mais si cela pouvait apaiser ce sentiment de malaise qu'elle ressentait depuis qu'elle avait rencontré cette personne, alors elle désirait en avoir le cœur net. Ses questions la menèrent progressivement en direction d’un bosquet de vieux pinèdes, qui s’étirait sur le versant est du village. L’endroit était peu à peu déserté, en raison de sa fragilité grandissante.
    C’est inutile d’aller par-là, ma p’tite dame ! l’avertit un ouvrier de rénovation, qui remplaçait les planches et vérifiait la solidité des palissades.
    Y’a pas une apicultrice qui vit dans le coin ? On m’a dit qu’on pouvait acheter du miel ?
    Nan, plus maintenant ! Plus personne n’habite plus loin. Elle a déménagé, comme tous les autres.
    Y’a rien de bizarre là-dedans, si ?
    Il était probablement inutile de vouloir jeter un œil au reliquat des installations de la miellerie.
    Pourtant, elle lui demanda malgré tout :
    Vous savez où ?
    Pas du tout.
    Je dois me faire des idées…

    Son regard se perdit à travers l’étroit corridor de pinèdes.
    Elle contempla le spectacle de leurs écorces grises et tortueuses, entremêlées.
    Mais ça m’embête.
    Le sol qu’on distinguait à travers les interstices de verdure, presque quinze mètres en contrebas…
    …lui donnait comme un curieux sentiment de vertige.
    C’est comme si…

    Avec un grognement de frustration, Vivi tourna talons.
    Incapable d’identifier la graine de ce doute infime qui s’enracinait dans sa poitrine.


    Ou peut-être ces instincts sont-ils simplement les séquelles d'une âme trop fébrile.
    Au courage seulement illusoire, elle tâtonne craintivement dans les ombres...
    ...à la recherche des liens qui font d'elle un pantin.


    ***


    En retard, elle se tenait sur le perron de la bibliothèque du Village Perché.
    Sans oser entrer, Vivi fit discrètement signe à son amie depuis l’extérieur.
    On lui avait déjà fait la remarque que les cliquetis de son armure importunaient les lecteurs (le fait qu’elle ait débarqué en hurlant, la toute première fois, n’avait pas contribué à la rendre populaire auprès de l’archiviste).

    Pardon, j’ai fait quelques détours en route ! s’excusa-t-elle tout bas, après être enfin parvenue à capter l’attention de sa camarade.
    La petite aventurière semblait pimpante. Souriante, le front humecté de transpiration et le visage légèrement rosé après avoir couru par cette chaleur : il fallait connaître Vivi Arundel pour se douter qu’elle était encore bien loin d’avoir dépensé toute son énergie. Au contraire, la jeune chevaleresse commençait tout juste à s’échauffer.
    Je vais t’faire le topo de tout ce qu’on m’a raconté en chemin, proposa-t-elle, toujours à mi-voix, de peur de s’attirer les foudres de l’archiviste.

    Cheminant son grimoire ouvert devant elle, Vivi lui rapporta les témoignages du Belluaire, des herboristes, et l’informa de la présence du cabanon de Tomas, sur la rive du Grand Fleuve, où vivait un trappeur susceptible de leur donner des nouvelles fraîches.
    Si ça te va, j’voudrais bien qu’on passe le voir, marmonna-t-elle, un pli soucieux lui creusant le front.

    Dans le ciel, le soleil poursuivait sa course vers l’horizon.
    Elles avaient encore du temps. Il restait au moins cinq bonnes heures de jour, et il n’en faudrait pas autant pour atteindre la zone de cueillette en aval du fleuve. De quoi rendre visite au chasseur solitaire, puis procéder à un repérage sur place avant que la nuit ne tombe.

    Récapitulatif:
    Soredamor SchirmAventurière
    Soredamor Schirm
    Informations
    Re: [QA] Je préfère les monstres à ce que la nuit me montre (ft. Soredamor)
    Mer 29 Juin 2022 - 12:26 #
    Elle n'aurait jamais cru voir une Vivi aussi taiseuse, sa bouche d'ordinaire si loquace scellée dans un pli dubitatif. Curiosité pour le tandem d’être aussi bien reçu, sucreries et informations servies sur un plateau. Au moins, les palabres de l'aïeul sont assez techniques pour que la conversation seille à Soredamor, et l'aventurière s'est pressée de l'orienter vers les détails des plantes, des fleurs et autres herbacées. D'ordinaire, elle aurait laissé l'héritière Arundel rompue aux mondanités mener l'échange. Son amie aurait ponctué son phrasé piquant de traits d'esprit et de plaisanteries, quitte à la faire rougir d'embarras — et à la faire sourire un peu, aussi. À la place, la voilà soudainement peu bavarde devant l'apparente sympathie de leur commanditaire, laissant Soredamor se charger des pourparlers. Cette dernière n'aura pas longtemps fait la fine bouche devant les en-cas gratuits et, surtout, un herbier complet qui a fini par ponctionner toute son attention ; elle a passé son temps à effleurer du bout de ses doigts couverts de sucre les pétales séchés sur les pages, tandis que Septimus leur offrait les détails de leur mission.

    En sortant, le verrou sur les lèvres de Vivi se brise. Et lui confirme l'impression d'hostilité qu'elle a ressentie tout au long de l'entretien. Soredamor se contente de hausser les épaules.

    « Au pire, il n'ira pas bien loin s'il nous entourloupe. »

    Sa comparse lui lance sa bourse et son poids dans ses mains lui tord le visage en une grimace moribonde. De quoi leur offrir à peine quelques jours de survie. Douteuse ou non, la requête du vieil apothicaire se doit d'être accomplie.

    Elle opine du chef lorsque Vivi suggère de camper quelques nuits, réfléchissant déjà aux choix qu'elle devra faire pour leur éviter de mourir de froid. Plutôt contente de devoir s’occuper des trivialités au lieu de faire le tour du voisinage.

    « Je m’en occupe. »

    Et l’enthousiasme de briller dans ses yeux, flocons sur ciel d’hiver, quand la fameuse bibliothèque du Village Perché se fait une place dans la conversation. Le rêve de n’importe quel mangeur de livres aryonnais. Enfant, elle a imaginé maintes fois ses contours et ses rainures. S’est faite à l’idée que ses rayonnages ne seraient qu’un lointain mirage, sans savoir qu’un jour, elle pourrait y piocher un savoir inconnu. À se demander si elle ne voudrait pas que sa flamboyante camarade ne traîne pas davantage.

    « D’accord. À tout à l’heure, Vivi. », sourit-elle, d’autant plus lorsque cette dernière lui fait un clin d’œil.

    ***
    « Alors, vous bivouaquez ? »

    Soredamor soulève ses dernières trouvailles pour les poser sur le comptoir en bois : deux couvertures, deux petits couteaux, une corde en chanvre, une petite canne à pêche avec des appâts. Le strict nécessaire. Elle adresse un petit sourire à la tenancière, qui note d’une main scrupuleuse leurs noms sur son livre de comptes.

    « On peut dire ça, oui., fait l’aventurière en hochant la tête. Il paraît que l’aval du fleuve est devenu risqué pour les cueilleurs, donc on va aller voir.
    — Oh, d’accord. Si c’est en aval, au moins…
    L’hésitation mâche les derniers mots de la marchande. Soredamor arque un sourcil.
    — Je vous demande pardon ?
    — Non, c’est… Les Belluaires patrouillent davantage en amont, en ce moment, c’est tout. Je pensais que vous étiez venues pour les épauler.
    — Ah ? Soredamor cligne des yeux, ne trouvant pas trace dans sa mémoire d’un avertissement que leur aurait donné leur vénérable commanditaire. Les Belluaires vous ont-ils dit ce qu’il se passait ?
    — Non, j’imagine qu’ils ne veulent pas nous effrayer. Mais ils nous demandent d’éviter d’aller là-bas, et ça vaut aussi pour vous, j’imagine. Je vous conseillerais d’éviter la forêt de pins, tant qu’à faire. Le sol est fragile et raide, de quoi vous rompre le cou.
    L’aventurière bascule d’un pied sur l’autre, ne sachant quelle posture adopter face à l’avertissement à peine voilé. Elle choisit de rester affable. Après tout, elles sont là pour les aider, n’est-ce pas ?
    — On ne va pas les déranger, je pense., glisse-t-elle dans un petit sourire. Merci pour l’avertissement.
    — Pas de problèmes. Ça fera 25 cristaux sombres. »
    Le sourire de Soredamor s’ancre avec force dans ses joues, tandis qu’elle extirpe de sa bourse une petite poignée de cristaux pour la poser sur l’étal en bois de pin. Rangeant ce qu’elle peut dans son petit sac sans fond, elle salue poliment la vendeuse, avant de sortir de son office.


    ***

    Son regard bleu se fige sur l’horloge de la grande bibliothèque, accroché par le mouvement de balancier de son pendule. Son cœur se serre de stupeur ; le temps l’a dépassée, alors que son attention s’est retrouvée aspirée par L’Histoire de la fondation du Village Perché, vol. 1 – après une lecture approfondie de l’herbier, posé avec délicatesse en haut de sa pile de livres empruntés. Elle se mord la lèvre inférieure ; cela fait tout autant de temps que Vivi n’est pas reparue. Ses doigts parcourent le bois de la table dans un pianotement anxieux, avant qu’elle ne suspende le geste, se sentant transpercée par des regards désapprobateurs. Mâchoires serrées, elle courbe un peu le dos, ses yeux fixant les pages de son livre sans vraiment les lire. Que faire ? Attendre encore ? Pointer museau dehors, dans l’espoir de discerner une tête blonde au sortir d’une maison suspendue ? Grimper en haut de la tour d’astronomie pour crier son nom au vent ? Soredamor se mord l’intérieur de la joue ; elle sait le courage et la ressource de sa partenaire, et pourtant ses entrailles se serrent dès qu’elle disparaît trop longtemps de son champ de vision. Elle se tapote les joues avec énervement, avant de souffler. Ses mains se plaquent en masque opaque sur son visage défait.

    Idiote.  


    ***

    Elle se redresse quand le cliquetis caractéristique de cette armure si pesante parvient à ses tympans. Sa tête se tourne vers l’entrée de la bibliothèque, où l’attend une Vivi à peine essoufflée. Soredamor aurait pu être heurtée par le rayonnement de son sourire, mais seul le soulagement vient libérer son échine. Ses épaules s’affaissent.

    « Ah, enfin ! », laisse-t-elle échapper, inspirant un « Sssshhhhhh ! » menaçant à son voisinage.

    Visage crispé dans un sourire gêné, l’aventurière enjambe son banc avec précaution, récupère son paquetage et rejoint son amie à grands pas.

    « Pardon, j’ai fait quelques détours en route !
    — Je me suis inquiétée…, soupire-t-elle. Mais bon, t’es là, c’est le principal.
    — Je vais t’faire le topo de tout ce qu’on m’a raconté en chemin. »

    Soredamor lui emboîte le pas, écoutant les propos rapportés avec attention, faisant écho à ce que lui avait dit la tenancière quelques heures plus tôt. L’évocation du Marchebrume lui inspire une moue timorée ; elle a déjà lu au sujet de ces carcasses brumeuses, et ose espérer qu’il ne lui viendra pas à l’idée de chasser de leur côté du fleuve. Peut-être que ledit Tomas pourra lever les derniers nuages de mystère pesant sur leur enquête.

    « Oui, allons-y. Je te suis, détective en armure ! »

    Remarquant l’expression fermée de son amie, elle lui adresse un sourire radieux, espérant que sa boutade la détende quelque peu. Son retard atteste de son acharnement et, surtout, de la difficulté qui s’annonce.
    Sa main se resserre sur la bandoulière en cuir de son sac.

    Résumé:

    Vivi ArundelAventurière
    Vivi Arundel
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    Re: [QA] Je préfère les monstres à ce que la nuit me montre (ft. Soredamor)
    Ven 1 Juil 2022 - 0:25 #
    Oui, allons-y. Je te suis, détective en armure !
    Fufufu, on dit qu’la vérité est plus affûtée qu’un poignard, pérora la petite chevaleresse, mais tant qu’elle s’ramène pas avec un bon gros marteau d’guerre, je suis sûre que j’peux l’encaisser !
    Concluant cette déclaration optimiste en se donnant un petit coup de poing sur le plastron, Vivi prit les devants.

    Les deux amies quittèrent les passerelles suspendues sous les frondaisons du Village Perché, en discutant des témoignages et des avertissements qu’elles avaient pu y glaner : “...apparemment, leurs boyaux font d’la brume ET d’la lumière. Sérieusement, c’est pas banal comme digestion…
    Au fil de leurs échanges, la jeune chevaleresse parut retrouver un peu de son allant. De cette énergie vive qui donnait l’impression que son armure intégrait un compartiment à charbon dans le dos (et que la petite Vivi était le dernier modèle d’un tout nouveau genre de poêlon).
    Dans ces conditions, même la grande Soredamor devait songer à allonger le pas pour suivre le rythme, car toute cliquetante dans sa panoplie d’acier : la bouillotte qui lui servait de partenaire s'élançait avec une vigueur et détermination renouvelées.

    Revenues sur le plancher des vaches, les deux aventurières prirent le chemin du sud.
    Ce sentier populaire jouxtait une frênaie bien entretenue qui faisait le bonheur des menuisiers locaux. Plus loin, il rejoindrait l’axe principal, qui menait tout droit à la capitale. Pour cette raison, Soso et Vivi cheminèrent d’abord en compagnie de groupes épars, souvent de jeunes adultes ou d’humbles colporteurs en quête d’opportunités, mais bientôt, leurs routes se séparèrent et les deux amies s’engagèrent sur des sentes plus sauvages.

    Elles s’enfoncèrent profondément dans la forêt.
    La terre, molle sous leurs pas, exhalait encore les parfums de pluie de la nuit passée.
    Dans s’cas-là, on dit que c’est une odeur de…
    ...pé-tri-chor, annonça Vivi en jetant une oeillade malicieuse à sa camarade, pas peu fière de s’être rappelée d’un mot que Soredamor lui avait appris à peine deux semaines plus tôt.
    Elle esquissa un sourire satisfait. Son vocabulaire s’était considérablement enrichi depuis le début de leur partenariat.
    (Et son répertoire d’invectives comptait désormais un grand nombre de détails – très graphiques – sur la faune et la flore, dont la rigueur biologique vous ferait froid dans le dos*.)
    Aparté sur les miracles de la nature*:
    Les deux amies arpentaient la pénombre.
    Cheminer au cœur de la Grande Forêt pouvait se révéler complexe. L’épaisse canopée y dérobait à la fois lumière et chaleur. Ces grands feuillus qui peuplaient le bois de leurs ombres frissonnantes faisaient mentir le reste du Royaume d’Aryon, qui, à l’approche du solstice, préparait son entrée dans la saison chaude.
    Les sentiers, eux, étaient difficilement praticables (surtout quand on portait une armure). Des sentinelles d’écorce voûtées, à l’allure inhospitalière, se prêtaient l’épaule pour obstruer le chemin du voyageur. Ronces et racines se dressaient en barrières effilées, et ces détours incessants sapaient les forces des imprudents... pour mieux fournir aux prédateurs une occasion de frapper.
    Mieux valait rester sur ses gardes : la forêt tout entière grouillait d’une vie invisible, pour laquelle vous n’étiez rien moins qu’un intrus.
    ’fin, ça n’concerne pas le glooby moyen, j’imagine… songea Vivi en avisant une petite chenille violette qui se laissait mollement pendouiller le long d’une branche, les regardant passer avec un air profondément ahuri.

    Deux secondes, demanda la petite aventurière en faisant signe à Soredamor, avant d’extirper une lanterne de son grand sac sans fond, qu’elle attacha soigneusement à sa ceinture.

    Se fiant à leurs cartes, ainsi qu’aux indications qu’elles avaient glanées au village, Soso et Vivi longeaient la zone surveillée par les Belluaires. Elles progressaient en direction de l’affluent, et plus précisément : d’un bras où le lit du Grand Fleuve formait des tresses, faisant émerger trois petites îles à la surface de ses eaux. Des ponts reliaient ces morceaux de terre et permettaient l’accès à la rive sud, sur laquelle vivait le dénommé Tomas.

    La route était encore longue, mais déjà…
    Soso… je crève la dalle.
    Le halo orangé de sa lanterne rendait d’autant plus évidente la mine dépitée de la petite aventurière. Tournant un regard suppliant vers sa camarade, elle lui proposa.
    On mange, dis ?

    Il n’était peut-être pas bien sage de faire une pause – au beau milieu de nulle part – pour se restaurer, mais de l’opinion de Vivi : même s'il fallait manger froid, et sans s’arrêter, eh bien ça restait carrément mieux que de ne pas manger du tout.
    Cependant (pour des raisons évidentes), les questions logistiques relevaient principalement de la responsabilité de Soredamor. Depuis que celle-ci s’occupait de la gestion de leur inventaire, Vivi se retrouvait beaucoup moins souvent affublée d’une lanterne sans son huile, d’une Scribouilleuse sans son encre, ou d’une outre sans son vin.
    (Bon, pour le vin, ça arrivait encore… mais il aurait été très déplacé d’en blâmer Soredamor.)
    Soredamor SchirmAventurière
    Soredamor Schirm
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    Re: [QA] Je préfère les monstres à ce que la nuit me montre (ft. Soredamor)
    Ven 15 Juil 2022 - 19:41 #
    Elle s’enfonce dans la sylve qui lui entrave le chemin. Femme-liane aux nervures noueuses, Soredamor se meut pourtant plus aisément que sa comparse cuirassée, prenant parfois les devants pour lui ouvrir la voie du fil de l’épée. Parfois une brindille au bout d’une branche lui érafle la joue, le lierre se déchire quand elle s’y agrippe, le lichen glisse sous leurs pas rendus irréguliers par les racines et les pierres ; autant d’avertissements marquent le derme rougi par l’effort. Alors que les branchages découpent la lumière du crépuscule, leurs ombres se déroulent en rangée de poignards sur leur peau.

    Elle s’y sent bien, pourtant ; mieux que dans le brouhaha d’une taverne, ou à l’abri de l’étal d’un apothicaire. C’est l’un des moments qu’elle préfère en mission : la marche. Les voix de la forêt supplantant la sienne. Les entrelacs de racines sous ses bottes terreuses. La fraîcheur qui s’invite à l’approche de l’eau. La végétation bruissant de vie. Les murmures du vent entre les arbres pour seuls palabres et sa respiration haletante pour seule réponse. Les cliquetis de l’armure de Vivi battent le tempo de leur marche, difficile, mais déterminée.

    La nuit tombe et seule la lueur diffuse de la lanterne leur permet de ne pas trébucher. Soredamor craint le creux qui se forme dans son estomac. Elle appréhende surtout celui qu’elle a laissé dans son sac sans fond, se fiant à l’optimisme de son amie quant à leur temps de trajet. Elle avait tendance à tout prévoir – tout – mais surtout le strict nécessaire pour le voyage. Mais pas ce soir. Pas même une tranche de viande séchée pour tromper la faim. La cabane de Tomas ne devrait pas être très loin, mais…

    « Soso… je crève la dalle. »

    Soredamor manque de marquer un arrêt et de buter contre sa partenaire. Son corps se tend un peu – d’autant plus quand elle se retourne pour découvrir, les traits découpés par le clair-obscur, l’expression morose de Vivi.

    « On mange, dis ? »

    La nervosité lui injecte une sensation glacée dans la nuque. Elle se demande s’il n’y aurait pas quelque racine magique pour lui enserrer la taille et l’enfoncer dans la terre. Ou bien une créature maligne qui s’emparerait d’elle pour l’échanger avec quelqu’un de meilleur. À la place, Soredamor arbore un sourire crispé. Et finit par articuler :

    « Ça tombe bien, parce que… J’ai emmené de quoi pêcher notre repas ! »

    L’aventurière ponctue ses derniers mots en extirpant vivement sa canne à pêche toute neuve de son sac. Son enthousiasme factice s’affadit à mesure que les secondes passent.

    « Ça nous fera une pause avant l’interrogatoire et… Le gros morceau… »

    La commissure de ses lèvres tressaille. Son regard semble crier à quel point elle est désolée.

    « Je m’occupe d’attraper notre dîner. Ça te laisse le temps d’allumer un feu pour qu’on le fasse griller, si tu veux. On fait comme ça ? »

    Sans vraiment attendre la réponse, Soredamor se saisit de sa propre lanterne et tourne les talons, dissimulant autant que possible sa mine défaite.

    ***
    Résultats du dé :
    Coup critique : Soredamor pêche un poisson particulièrement croustifondant. Bon appétit !
    Presque : Soredamor attrape le poisson au bout de la ligne, mais il lui échappe des mains...
    Échec critique : Soredamor lance la ligne mais n'entend pas son hameçon plonger dans l'eau. En fait, il s'est fiché dans une branche d'arbre et il faut aller le récupérer. #oopsie

    La carcasse de la prise claque contre la cuisse de sa prédatrice dans un bruit moite. L’œil torve et la lippe tombante, il dodeline mollement de la tête lorsque Soredamor l’agite devant le visage de la chevaleresse.

    « Et voilà ! Il est magnifique, pas vrai ? », fait-elle d’une voix essoufflée.

    Du revers de sa main libre, elle essuie la sueur perlant sur son front jusqu’à goutter dans ses cheveux. Elle a appris à pêcher il y a longtemps, comme tout rejeton du Grand Port. Pas assez dégourdie ou courageuse pour se faufiler dans le ventre d’un navire et y extirper sa pitance, Soredamor a opté pour la chasse : plus gratifiante, malgré les trésors de patience qu’il lui faut déployer. Elle se souvient de ses petits doigts menus agripper le bois taillé, de ses larmes brûlantes quand un hameçon s’est planté sous sa peau. Sa satisfaction quand elle a vu Mère sourire après sa première prise. Ses sœurs et son frère n’y ont guère échappé – bien qu’elle se souvienne avoir vu Viktor récupérer ses proies du bec de sa mouette fétiche.

    Ainsi, elle ne s’est pas attendue à ce que sa deuxième prise lui glisse des mains, et qu’au lancer suivant sa ligne finisse emmêlée autour d’une branche d’arbre, l’hameçon fiché dans l’écorce. À la lueur de la lanterne, Vivi peut discerner de nouvelles brèches écarlates dans son derme pâle, et un nuage d’ombre passer dans l’azur de ses yeux. Quelques brindilles et feuilles solitaires coincées en ersatz de nid dans ses mèches corbeau. Pourtant, me visage de Soredamor ne cesse d’être fêlé d’un sourire.  
    Au moins, elles pourront se sustenter et repartir.

    Vivi ArundelAventurière
    Vivi Arundel
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    Re: [QA] Je préfère les monstres à ce que la nuit me montre (ft. Soredamor)
    Jeu 21 Juil 2022 - 9:13 #
    La scène se déroulait comme au ralenti.
    Ça tombe bien, parce que… J’ai emmené de quoi pêcher notre repas !
    Mmmh ? Battant ingénument des cils, Vivi considérait la canne à pêche de Soredamor avec de petits yeux ronds. …de petits yeux qui semblaient dire : “j’ai faim”. (S’attendait-elle à ce que son amie commence à éplucher la canne à pêche pour la lui proposer comme en-cas…?)
    Ça nous fera une pause avant l’interrogatoire et… Le gros morceau…
    Pas de réponse.
    Le fleuve joignit sa voix au babil de la forêt.
    Petit moment de solitude pour Soredamor, que sa camarade contemplait d’un regard un peu bovin. Sans bien comprendre ce qui était en train de se passer, la jeune chevaleresse s’était figée dans un silence famélique et dégoulinant (...oui, vous avez bien lu).
    Cependant, Vivi faisait partie de ces gens simples qui se laissaient porter par le courant. Aussi, dès lors que Soredamor lui exposa quel était leur plan, ses réflexes conditionnés de petit soldat prirent la relève aussitôt.
    Je m’occupe d’attraper notre dîner. Ça te laisse le temps d’allumer un feu pour qu’on le fasse griller, si tu veux. On fait comme ça ?
    D’acc ! (Elle essuya énergiquement le filet de salive à la commissure de ses lèvres.)

    Sans poser davantage de questions, Vivi accompagna son amie jusqu’à la berge de son petit trot sautillant. Elle prit position à quelque distance de Soredamor : suffisamment près pour ne pas la perdre de vue, suffisamment loin pour que le moindre bruit n’effraie pas les poissons.
    Sa tâche était donc de préparer le feu. Cherchant un coin qui n’était ni trop pentu, ni trop encombré par les racines… la petite chevaleresse réalisa à retardement : ...mais en fait, on a rien à manger ? Du tout…?

    La petite bedaine qu’elle dissimulait sous sa cuirasse lança un appel digne d’une damoiselle en détresse, et l’air très inquiet, Vivi posa son sac magique à même le sol, afin d’en explorer les infinies profondeurs. Elle vérifia ses provisions : une fouille qui tenait presque de l’archéologie, et qui lui permit d’excaver un total de trois biscuits militaires.
    La petite aventurière fit la grimace. Les rations avaient au moins deux ans, et il y avait une très bonne raison si ces gâteaux secs étaient restés là aussi longtemps… c’est à peine si on pouvait les mâcher sans se casser une dent. Habituellement, les soldats de la frontière nord les laissaient tremper dans de la soupe, ou de l’eau chaude, pour les ramollir un peu. D’une texture semblable aux pavés dont on colmate les murs d’enceinte du manoir Arundel, ils étaient sacrément consistants (c’était le moins qu’on puisse dire…), mais mieux valait ne pas parler du goût. Comme le répétait le vieux Freindhor au cours de leurs entraînements : “Ouais bah, j’ai déjà rongé des pieds d’chaise plus savoureux.”
    Avec un air sinistre, la petite chevaleresse rangea les biscuits dans la bourse à sa ceinture.
    Le cas échéant, les deux aventurières ne mourraient pas de faim… mais elles risquaient de belles crampes d’estomac.

    Continuant sur sa lancée, Vivi extirpa de son sac le nécessaire.
    Une pelle pour enterrer le foyer, sa pierre à feu fétiche, ainsi que du combustible (tout aventurier valable transportait un peu de bois dans ses paquetages : il devenait parfois vital d’allumer très rapidement un feu, et en situation de crise, on ne pouvait pas perdre son temps à chercher du bois sec dans les parages, les forêts étant souvent humides, il fallait bien compter deux jours pour sécher proprement une bûche).
    Au total, elle disposait de trois bûchettes, d’un petit fagot de bois et d’un précieux toupet d’amadou. Avec hésitation, elle fourragea également aux alentours, et dénicha une brassée de feuilles mortes qui lui faciliterait les choses, mais n’osa pas trop s’éloigner du fleuve.
    …ce n’était pas dans sa nature d’être si timorée, mais les événements de la matinée continuaient à la turlupiner. En attendant d’y voir plus clair, elle préférait rester auprès de Soredamor, sur laquelle elle coulait ponctuellement un regard craintif. Incertaine d’où lui venait ce sentiment diffus de danger.

    Le feu, donc, se rappela-t-elle distraitement.
    Du bout de ses doigts caparaçonnés d’acier, Vivi fit cracher une gerbe d’étincelles à son silex, lesquelles embrasèrent instantanément l’amadou. D’un souffle prudent, la petite aventurière propagea l’embryon de flammes au tapis de feuilles mortes, dont les douces langues orangées vinrent ensuite pourlécher les brindilles. L’écorce craqua. Ajoutant du petit bois, la jeune femme songea qu’elle était tranquille pour un moment.
    Le feu demanderait encore un peu d’entretien mais ne risquait plus de s’éteindre à tout instant.

    Pendant ce temps, c’est toute fière de son succès que Soredamor venait de la rejoindre pour lui agiter son poisson sous le nez.
    Et voilà ! Il est magnifique, pas vrai ?
    Vivi pouffa de rire devant cet enthousiasme soudain.
    Très beau ! lui confirma-t-elle avec un grand sourire.

    La petite aventurière récupéra le poisson dans un récipient.
    Aux yeux de Vivi, un poisson : c’était un poisson. Son opinion sur la question s’arrêtait au fait que ça se mangeait et que c’était très bon… elle n’aurait donc pas su vous dire qu’il s’agissait d’une splendide truite tachetée, aux écailles fauves et constellées de points noirs. C’était effectivement un très beau morceau, ces couleurs vibrantes indiquaient qu’il respirait la santé.
    Toutefois, le poisson était sans doute un peu léger pour sustenter deux aventurières (dont un estomac-sur-pattes), mais étant donné que Soredamor relançait d’ores et déjà son appât à l’eau, il n’y avait pas lieu de s’inquiéter (n’est-ce pas ?).

    Ayant opté pour une rapide collation, Vivi envisagea de préparer la truite simplement.
    La griller sur un bâton ferait très bien l’affaire (pour cela, il fallait d’abord l’éviscérer dans le sens de la longueur, harponner les flancs du poisson d’une première branche – de manière à présenter toute la peau au feu – puis finalement enfiler la truite à la verticale sur un bâton bien enfoncé dans le sol). Cette méthode de cuisson prenait un peu moins de vingt minutes. Dans l’éventualité où Soredamor cherchait à en attraper un ou deux de plus, Vivi avait donc encore un peu de temps devant elle.

    C’était l’occasion de s’activer.
    La petite chevaleresse défit les fixations de ses épais gantelets, sentant l’énergie de son pouvoir (qui se fondait dans les jointures de l’armure) s’évanouir avec un chuintement à la limite de l’audible. Les mains libérées, elle piocha plusieurs bourses dans son sac sans fond, lesquelles contenaient les matériaux nécessaires à son travail d’armurière. Ces bourses contenaient surtout de fins rouleaux de cuir souple, qu’elle découpa en de longues lanières de la pointe de son couteau.
    Ses doigts libérés de l’acier dansèrent adroitement à la surface de ces cordelettes de peaux tannées, y pratiquant des nœuds habiles qui se refermeraient tout seul sur la patte du gibier imprudent.

    Elle prépara une demi-douzaine de ces collets, qu’elle prévoyait d’installer autour de leur campement une fois qu’elles s’arrêteraient enfin pour la nuit. Si les aventurières devaient rester deux ou trois jours pour procéder à l’état des lieux et jauger de la dangerosité de la zone de cueillette du vieux Septimus, les chances étaient globalement élevées qu’un de ces pièges lève un petit lapin ou une créature au gabarit similaire.
    Fredonnant tout bas en tressant les fines lanières de cuir, Vivi prenait du plaisir à ces quelques travaux d’appoint (...elle ne remarqua même pas l’hameçon qui fit un passage fulgurant au-dessus de sa tête, à un moment).

    Soso revint bredouille, mais la petite chevaleresse ne manqua pas de l’accueillir avec le sourire.
    Tandis qu’elles s’installaient toutes deux auprès du feu, et piquaient leur seul poisson sur une brochette,  la petite aventurière déclara sur un ton satisfait.
    Bon ben, on a fait ce qu’on a pu.
    Elle faisait tout autant référence au poisson pêché par sa camarade qu’aux pièges artisanaux qu’elle avait préparés pendant ce temps.
    Si jamais c’est vraiment la cata’, poursuivit-elle, j’ai un vieux reste de rations militaires qui sent même pas trop le moisi… mais bon, c’est pas pour rien que je les ai pas mangées. Si on doit en arriver là, on ferait presque mieux d’jeter nos semelles en cuir au bouillon ! ...non, sans rire, c’est probablement meilleur.

    Vivi ricana, et puis, en avisant les écailles de la truite qui ruisselaient de graisse, fit pivoter la brochette pour que l’autre côté cuise également un peu. Le regard plongé dans les flammes, la voix de la petite chevaleresse se fit étonnamment timide et étouffée, lorsqu’elle demanda enfin.
    Dis Soso… tu vas pas hésiter à m’le dire si, franchement, tu trouves que j’abuse, hein ?
    Dodelinant de la tête, elle observa son amie par en-dessous.
    De son point de vue, la situation était davantage de son fait que de celui de sa partenaire. Non seulement Vivi avait mésestimé le temps que leur prendrait le voyage, mais en plus, elle ne s’était inquiétée d’absolument rien : laissant sa camarade se débrouiller avec un budget très insuffisant. La petite chevaleresse fit la moue, et des ombres mouvantes vinrent jouer avec le relief – nouvellement érigé – du pli soucieux de ses lèvres.

    Pêche & Temporalité:
    Soredamor SchirmAventurière
    Soredamor Schirm
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    Re: [QA] Je préfère les monstres à ce que la nuit me montre (ft. Soredamor)
    Lun 25 Juil 2022 - 2:08 #
    Soredamor passe une main dans ses cheveux humides, se débarrassant au passage d’une feuille accrochée, alors que les mots de Vivi pointent tout haut sa déconvenue. Elle hausse les épaules, sourire aux lèvres, le sourire de celle qui se contente bon gré mal gré de son maigre butin. Son regard curieux et admiratif détaille les pièges fabriqués par sa camarade pendant son absence. Son forgeron de père ne lui a jamais transmis son talent pour les travaux manuels – en témoignent les petites cicatrices qui serpentent sur ses longs doigts. Elle n’aurait jamais pu réaliser tel ouvrage avec si peu de moyens.  
    Au moins, Vivi semble à peu près satisfaite de sa prise. Bien davantage que de ce qui traîne dans son sac depuis… Combien de temps ?
    Il lui semble l’avoir entendue se plaindre de ces rations dès leur première escapade.

    « On va essayer de ne pas en arriver là. Ce serait une sacrée tuile. », glisse-t-elle.

    Elle pince les lèvres, regrettant un peu son bon mot. Il lui semble entendre les notes rocailleuses du rire de son paternel l’approuver ; à mesure que leurs semaines de cohabitation ont passé, elle l’a entendu de plus en plus retentir pour s’échouer sur les vieilles pierres de sa forge, emplir l’espace jusqu’à s’incruster dans chaque faille. Vivi s’entendrait bien avec Meliorn. Sans doute mieux que sa progéniture à peine retrouvée.  Bien que nantie, l’héritière Arundel a cette sincérité rustre que Soredamor n’a pas. Une éclatante franchise qui semble rayonner sur tout, semblable à celle de son géniteur. Et la vagabonde se prend à penser qu’elle a trouvé un certain confort dans sa petite ombre. Qu’elle a ce désir égoïste de s’y complaire quelques temps. Elle a toujours été plus à l’aise en étant la fille d’à côté, la simple comparse.

    La voix de sa camarade cuirassée survient à nouveau. Plus grave, cette fois-ci, ponctuée d’une inquiétude qui s’injecte en liquide froid dans sa nuque. Un poison dont la culpabilité est l’ingrédient principal.  

    « Bien sûr que oui. », lâche-t-elle tout sourire, mur de mots contre le silence douteux qui menace.

    Vivi ne sait pas.  
    Vivi ne sait pas que celle qui marche à ses côtés a contribué à précipiter sa chute. Que traîner ses semelles dans la boue pour gagner sa pitance est la faute de Soredamor. Sa faute si le patriarche cupide des Arundel macère dans une geôle. Sa faute si la chevaleresse doit marcher des heures pour se remplir l’estomac. Sa faute si elle doit regagner l’honneur de sa lignée par de basses besognes.
    Alors, ça n’est pas grave si elle doit supporter pour deux le chant des sirènes. Ça n’est pas grave si elle doit veiller sur leurs moyens de subsistance. Ça n’est pas grave si ses jambes doivent encaisser plus de kilomètres que prévu. Aucune corvée ne sera de trop, et aucune ne pourra vraiment réparer ses méfaits.

    Alors, Soredamor ment comme une Schirm. Elle tente de couper net toute inquiétude et tout soupçon. Pour Vivi, Soredamor est Soredamor ; la compagne d’aventure fidèle et enthousiaste, celle qui fait contre mauvaise fortune bon cœur. Celle qui obstrue tout accès à son passé – et quel aventurier ne l’a jamais fait ? – derrière un sourire affable.  
    Cela doit rester ainsi, pour le moment.

    Son regard se pose sur les écailles luisantes de sa proie, fixant les reflets irisés des flammes. Le fumet qui s’en échappe inspire à son estomac un borborygme caverneux, qu’elle contient tant bien que mal en posant une main sur son ventre. Un creux qui ne demande qu’à être rempli.

    « Urh… On a bien fait de s’arrêter. »

    Une fois le poisson servi et les arêtes ôtées de sa chair, Soredamor saisit une petite portion entre ses doigts pour l’enfourner dans sa bouche. Cuisson à point. Elle émet un grognement de satisfaction et hoche la tête, lançant une œillade satisfaite à Vivi. S’essuyant la bouche, elle extirpe un fragment osseux et gratte avec ses ongles les dernières squames du morceau suivant. Se tourne un peu vers sa camarade à l’armure clinquante.

    « Ça doit te faire un sacré changement, de devoir chasser pour manger. Tu tiens le coup ? Ça te plaît, cette vie ? »

    Après quelques semaines passées ensemble, Soredamor a du mal à l’imaginer en infante caparaçonnée de velours ou de soie. Ses mèches blondes domptées en couronne de tresses autour du crâne. Le dos droit et le menton haut, sans un regard pour les gens de basse extraction – les gens comme elle. Corsetée par les normes étriquées que lui a décrites sa mère. Ses manières bravaches affadies, étouffées par l’étiquette sage et feutrée des puissants. Cela ne ressemble pas à la Vivi qu’elle côtoie tous les jours. Mais peut-être que sa comparse se cache aussi bien qu’elle. Même si elle n’a jamais exprimé de regrets, peut-être que ses rêves la replongent dans sa vie d’avant. Avant que le dard des Schirm ne frappe son nom.  
    Vivi ArundelAventurière
    Vivi Arundel
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    Re: [QA] Je préfère les monstres à ce que la nuit me montre (ft. Soredamor)
    Mar 2 Aoû 2022 - 17:39 #
    On va essayer de ne pas en arriver là. Ce serait une sacrée tuile.
    Gnéhé, ricana la petite aventurière.
    Assise sur une racine qui mettait son postérieur à mal, le regard de Vivi s’éclaira en surprenant le jeu de mots de sa camarade. Et s'éclaira plus encore tandis que cette dernière semblait regretter son intervention… il n’en fallait pas davantage pour que le sourire de la jeune chevaleresse ne se fasse carnassier, se régalant de l’embarras de Soredamor.

    Soso, tu devrais pas tirer cette tête-là.
    J'ai bien envie de t'asticoter un peu...


    Néanmoins, il y avait du poisson en train de griller, et il était hors de question d’en rater la cuisson.
    Résistant à la tentation de taquiner sa comparse, Vivi se concentra sur sa cuisine.
    Une fois la truite croustifondante à souhait, elle fit le service.
    Bon app’ !

    Sa portion soigneusement enfilée sur un bâton, elle mordit joyeusement dans la chair croustillante.
    Douloureusement consciente de l’état de leurs réserves, la petite morfale prit son temps, savourant son repas à petites bouchées régulières, en se forçant à mâcher lentement. En dépit des apparences, la jeune chevaleresse avait suffisamment l’habitude de se rationner pour vouloir faire compter ce maigre casse-croûte.
    Vu le temps que leur prenait finalement le trajet, rien ne promettait qu’elles seraient capables d’atteindre la cabane de Tomas avant que la fatigue ne vienne interrompre le voyage. Il était fort possible que les deux amies se couchent ce soir avec seulement une demi-truite dans l’estomac.

    L'œil toujours aux aguets, même tandis qu’elle se restaurait, Vivi discerna bientôt une petite forme qui les épiait sous le couvert de l’obscurité. Elle haussa le sourcil : le glooby violet de tantôt, toujours le même (sa face d’ahuri était assez reconnaissable), ne semblait pas se lasser de les observer.
    C’est pas le couteau l’plus affûté du tiroir, celui-là… se dit la petite aventurière.
    Elle songea qu’en dernier recours, il leur faudrait peut-être bien se résoudre à le passer à la broche, ce pauvre limaçon. Mais à cette idée, une petite grimace de dépit lui tirait la lèvre vers le bas.

    Ça doit te faire un sacré changement, de devoir chasser pour manger, énonça soudain sa partenaire, distrayant une Vivi dont les pensées s’égaraient dangereusement en regardant le malheureux petit glooby.

    En tranches épaisses, marinées dans du beurre citronné ?
    A l’étouffée avec des herbes aromatiques ? Recto-verso à la pierrade ?
    Qu'est-ce qu'y faudrait pour que ça ait moins le goût d'limace ?


    Tu tiens le coup ? Ça te plaît, cette vie ?
    De retour à la réalité, la petite chevaleresse reporta son regard sur son amie, non sans arborer un sourire qu’on qualifierait aisément “d’un peu crâneur”. Elle bomba le torse (ayant tendance à interpréter les mots de sa camarade à sa convenance, il ne lui avait pas fallu pas grand chose pour se persuader que Soredamor était admirative de la découvrir si adroite de ses mains... c'était donc l'occasion de frimer).
    Haha, tu m’avais jamais vu faire ? dit-elle en faisant tournoyer une lanière de cuir entre ses doigts. Avant de dev’nir aventurière, j’ai vécu pendant presque un an dans des petits villages de montagne. Ils m’ont un peu appris leurs trucs. Comme lever des lapins, n’pas toucher aux champignons rigolos, ou se cuiter à l’alcool de patate.

    En dépit de ces commentaires facétieux que Vivi partageait sur le ton de la confidence, une étincelle de surprise s’était nichée dans l’écrin de son regard émeraude.
    Elle ne s’était pas attendue à pareille question de la part de Soredamor.

    A dire vrai, le statut de la jeune chevaleresse était un simple secret de polichinelle.
    Nombreux étaient les aventuriers à avoir fait le rapprochement : quand ce n’était pas son nom de famille, c’était son armure et son épée – toutes deux damasquinées de métaux précieux – qui trahissaient ses origines aristocratiques.
    Il était même déjà arrivé qu’un courrier se présente à la guilde pour demander une certaine “Vivienne Suzalie Javotte d’Arundel”, et ce jour-là, la petite aventurière avait paru si dévastée en s'entendant désignée sous son nom complet qu’on avait rapidement compris qu’il y avait anguille sous roche. Une roche que la plupart de ses camarades avaient choisi de ne pas bousculer.
    Quoi que Vivi ait laissé derrière elle en choisissant de s’inscrire à la guilde, la mention de son ancien foyer semblait la rendre malheureuse comme les pierres : et personne ne souhaitait la voir comme ça.

    Rapidement devenue la petite coqueluche de la guilde des aventuriers, que ça soit en raison des leçons de combat gratuites qu’elle donnait aux novices, ou de sa tendance à ripailler dans la salle commune jusqu’au point du jour, Vivi jouissait d’une petite cote de popularité auprès de ses pairs.
    Aussi, après la première fois, ses camarades n’avaient jamais laissé un autre de ces agents de la noblesse l’approcher de nouveau, et s’étaient même fait un jeu de les éconduire aussi irrévérencieusement que possible dès que l’un d’eux pointait le bout de son nez.
    Ces manières rudes avaient fini par faire passer le message : il n’y avait pas de “Vivienne d’Arundel” à la guilde des aventuriers, seulement une petite “Vivi” (qui se découvrait chaque jour tout un tas de nouveaux grands-frères d'adoption, tous terriblement protecteurs), et bien que tous sachent qu’elle était de haute-naissance, personne n’avait jamais trouvé pertinent d’aborder le sujet avec elle.
    Jusqu’à aujourd’hui.

    Ce qui rendait la situation d’autant plus étonnante.
    Ce n’était pas dans les habitudes de Soredamor – toujours si discrète et si courtoise – que de remuer la boue du passé.

    Tenait-elle le coup ?
    La vie d’aventurière lui plaisait-elle ?


    Ayant digéré ces questions, la petite chevaleresse fit la moue.
    …herm, j’sais pas trop ce que tu t’imagines, Soso, reprit-elle en se grattant la joue d’un air vaguement gêné, mais j’fais exactement ce que je veux faire.
    Après une brève seconde de réflexion, elle rectifia.
    M'enfin, l'aventure serait franch'ment plus pépère avec un sac de victuailles bien garni et zéro problèmes de pognon… mais on est justement en route pour arranger ça !

    Essuyant ses doigts dégoulinant sur son armure (y laissant des traces de gras similaires à celles qui maculaient déjà sa joue), Vivi couvrit le feu de camp et enterra les braises de quelques coups de pied bien placés. Elle rangea leurs affaires dans le sac sans fond, ajusta la lanterne à sa ceinture, puis fit signe à sa partenaire qu’elle était prête à se remettre en route.
    Ses gantelets revinrent couvrir ses avant-bras dans un chuintement possessif. Presque courroucé.
    La froideur réprobatrice du métal, qu’elle sentait se répandre dans ses doigts, semblait presque lui rappeler que ses mains n’étaient pas destinées à l’artisanat.
    Mais seulement au combat.

    Comme pour se distraire des sensations despotiques que l’armure faisait courir ses veines, Vivi relança la conversation.
    Pourquoi tu m’demandes ça ? s’enquit-elle en se faufilant dans l’ombre de son amie, qui – pleine de considération – prenait soin de lui ouvrir un passage à travers la végétation. C’est à cause de notre petit interlude façon “chasse, pêche et traditions” que tu t'mets la rate au court-bouillon ? Tu t’es demandée si ta truite était digne du palais raffiné de “la très noble moi-même d’Arundel” ?
    Ses mots étaient auréolés d’un humour un peu forcé.
    Peut-être était-ce qu’aborder le sujet avait touché un point sensible.
    Peut-être était-ce qu’à cette heure indue, Vivi ne voulait rien plus que se défausser de sa lourde armure d’acier, dont elle souffrait de la présence étouffante à longueur de journée, et que cette escapade nocturne lui coûtait un moment de précieuse liberté.
    Quoi qu’il en fût, elle éprouvait le besoin de rompre le silence. Ne serait-ce que pour tenir à l’écart ces inquiétudes informes qu’elle sentait planer à la lisière de son esprit. Se servant de l’humour comme d’une béquille, elle dissimulait sa vulnérabilité derrière un sourire, une remarque potache ou un trait d’esprit.

    Temporalité:
    Soredamor SchirmAventurière
    Soredamor Schirm
    Informations
    Re: [QA] Je préfère les monstres à ce que la nuit me montre (ft. Soredamor)
    Sam 13 Aoû 2022 - 0:21 #
    Le regard de Soredamor suit les va-et-vient du lambeau de cuir entre les doigts de sa comparse. Bravache, comme toujours, elle a saisi son allusion, l’a retournée pour en faire une force solaire. Cela a dû être plus facile qu’elle ne s’y serait attendue, de s’intégrer dans ces petits villages frontaliers. Un détail qui lui titille l’esprit, pourtant ; est-il bien courant qu’une fille de noble soit envoyée dans une zone aussi reculée, où les honneurs chéris par sa carapace trouvent si peu d’échos à la capitale ? A-t-elle eu l’idée toute seule, et dans ce cas, pourquoi s’éloigner ainsi de son propre sang ?

    Alors que ses interrogations mijotent, Soredamor mastique silencieusement ses derniers morceaux de poisson, après en avoir extirpé les arêtes avec précaution. Quelque part, l’idée d’une Vivi abandonnant sciemment luxe et oripeaux la soulage, un peu. De quoi arracher quelques crochets à ses remords. Sa famille n’est peut-être pas la seule responsable de son déclin social. Peut-être… Peut-être que Vivi s’en accommode bien, peu importe la raison – Soredamor ne l’a jamais vue s’offusquer qu’on ne lui tire pas la révérence, ou qu’on ne lui donne pas du « Dame » à n’en plus finir. Elle semble s’être accoutumée – non sans enthousiasme – aux mœurs bien plus rustres de ses nouveaux compagnons d’armes.

    Pourtant, le sourire canaille de son amie s’efface et le cœur de la vagabonde se serre. Vivi se douterait-elle de quelque chose ? Aurait-elle été trop indiscrète ?

    « … herm, j’sais pas trop ce que tu t’imagines, Soso, mais j’fais exactement ce que je veux faire.
    Elle retient très fort le soupir soulagé qui tente de s’échapper de sa gorge.
    — Heh… C’est bien. Tant mieux., fait-elle d’un timbre placide.
    — M'enfin, l'aventure serait franch'ment plus pépère avec un sac de victuailles bien garni et zéro problèmes de pognon… mais on est justement en route pour arranger ça !
    — Oui. », sourit-elle.

    Après avoir terminé sa pitance, Soredamor déplie sa silhouette de phasme pour se relever, alors que Vivi s’active pour couvrir leur passage. Elle suçote ses doigts un par un, les mordille pour retirer des petits bouts de poisson de sous ses ongles, et se frotte les mains pour se débarrasser des squames qui se sont accrochés à sa peau, avant de remettre ses propres gants – moins lourds et plus discrets que ceux qui emprisonnent les mains de Vivi. Leurs affaires empaquetées, elle se faufile comme un chat sauvage devant celle qui a remis son collet. À l’horizon, le crépuscule se barbouille de nuit. Elle pince les lèvres. Le chasseur ne devrait plus être très loin, elle l’espère. De quoi ramener la conversation – et leur périple – en un terrain moins escarpé. Comme celui que Vivi persiste à creuser – et Soredamor ne saurait lui en vouloir.

    « Pourquoi tu m’demandes ça ? C’est à cause de notre petit interlude façon “chasse, pêche et traditions” que tu t'mets la rate au court-bouillon ? Tu t’es demandée si ta truite était digne du palais raffiné de “la très noble moi-même d’Arundel” ?
    L’éclaireuse manque de s’arrêter, quitte à ce que celle qui la suit bute contre son dos. Déglutit, le regard concentré sur ses pas. Elle perçoit le voile sombre qui s’est posé sur la voix de sa partenaire, celui-là même qui vient lui caresser l’échine, comme un avertissement. Attention à toi, Schirm. Il te faut être agile, tisser tes mots en une toile discrète et opaque.
    — Eh bien… C’est assez rare de voir des nobles devenir aventuriers, je crois. Beaucoup nous considèrent comme des larbins, et non comme des potentiels compagnons d’armes. Attention, y a un trou là.
    Ses jambes évitent les vieilles racines qui serpentent et s’enfouissent dans la terre. Bientôt, les racines s’arrêteront, laissant place aux roseaux et au sable. Elle reprend, pour polir son demi-mensonge :
    — Du coup, pour les gens comme moi, c’est surprenant. Mais, tu es toujours surprenante, Vivi. Dans le bon sens du terme. »

    Ses derniers mots, eux, sont d’une pure sincérité, dans un sourire léger qui a naturellement étiré ses lèvres. Leur douceur dilue quelque peu l’amertume de ses autres palabres – des sottises, des demi-vérités sous un masque bienveillant.
    Vivi est surprenante. Mais pas au point de pardonner à Soredamor si l’entière honnêteté avait ponctué ses mots dès leurs premières passes d’armes. Il n’y a pourtant pas un seul jour durant lequel l’idée ne lui traverse pas l’esprit, lente, ophidienne, prête à mordre. Même fugace, même subtile. Et il lui faut toujours cet effort pour la balayer, comme l’on éloigne un insecte venu virevolter de trop près et qui revient toujours à la charge. Sans le savoir, Vivi fait partie de ceux qui lui permettent de saisir enfin sa vie, de vivre sa vérité. Vivi est surprenante. Mais si elle apprenait ce qui les lie vraiment, brutalement, alors elle emprunterait la voie la plus attendue, la moins surprenante : elle partirait, sans doute. Rien ne pourrait la retenir.

    Un toit de planches de bois se découpe dans la nuit.
    C’est une cabane modeste, mais solide. De loin, elle semble s’élever à moitié sur la rive, à moitié dans l’eau. Les pilotis de son ponton semblent l’ancrer dans le Grand Fleuve comme un rafiot biscornu ; une petite barque amarrée vacille au gré des petites vagues qui effleurent sa coque. La masure se trouve non loin de la Grande Forêt, solitaire sur la rive. Comme le chasseur qui doit s’y être abrité. Soredamor montre son repaire du doigt.

    « Je crois qu’on est arrivées., articule-t-elle. Espérons qu’il répondra gentiment à nos questions… »

    Elle se mordille l’intérieur de la joue. Il reste tant de zones d’ombre, et la nuit risque de tout recouvrir.  

    Vivi ArundelAventurière
    Vivi Arundel
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    Re: [QA] Je préfère les monstres à ce que la nuit me montre (ft. Soredamor)
    Mar 16 Aoû 2022 - 13:53 #
    Plus soucieuse de leurs échanges que de vérifier où elle mettait les pieds, la jeune aventurière marchait dans les pas de Soredamor.
    Eh bien… C’est assez rare de voir des nobles devenir aventuriers, je crois. Beaucoup nous considèrent comme des larbins, et non comme des potentiels compagnons d’armes. Attention, y a un trou là.
    J’ai vu. Chui dedans.
    Vivi tira doucement sur la manche de sa camarade pour que celle-ci l’aide à dégager sa jambe. L’acier accrocha les racines à plusieurs reprises, jusqu'à ce que les deux amies parviennent enfin à déterrer le soleret de la petite chevaleresse.
    Merci, cher larbin, dit-elle en lui tirant la langue. Tu peux continuer, la “très noble moi-même” est toute ouïe.

    Ce fragile masque aristocratique dont elle habillait sa plaisanterie ne résista cependant pas bien longtemps. Comme chatouillée par les compliments de sa partenaire, la petite aventurière eut une réaction explosive, et immédiate.
    Du coup, pour les gens comme moi, c’est surprenant. Mais, tu es toujours surprenante, Vivi. Dans le bon sens du terme.
    Booon, m’passe pas trop de crème, quand même ! contra-t-elle avec une bourrade enthousiaste pour sa comparse, qui manqua de peu de l’envoyer valdinguer dans les orties. Oh… pardon.
    En dépit de son embarras, un sourire rayonnant continuait de lui creuser les fossettes.

    Ayant percé ses défenses immatures, le compliment de Soredamor avait fait mouche, et mettait un terme à la conversation sur une note satisfaisante. Il faut dire que ces tactiques et ces manœuvres locutoires n’étaient pas le fort de l’héritière de la maison Arundel. Sur le terrain des joutes de l’esprit, Vivi était complètement désarmée… et à la merci de ses opposants.

    Laissant derrière-elles la canopée, les deux amies longèrent la berge jusqu’au pont.
    Le ciel s’y découvrait, comme une tranchée de ténèbres au-dessus des eaux du fleuve.
    Des passerelles tirées en travers des flots s’esquissèrent dans un jeu d’ombres tremblantes.
    Le pas des aventurières se fit plus hésitant. Liquides et solides, la rive n’était qu’obscurités opaques. Soredamor et Vivi se dirigèrent au jugé, avec pour seule lumière les lanternes accrochées à leurs ceintures, dont le halo doré semblait presque incongru par une nuit si sombre. Incongru et déplacé.
    Le silence était lourd. Les étoiles s’étaient recroquevillées dans leurs lourdes pelisses nuageuses, et perçant à travers ces couvertures célestes, l'œil d’albâtre de la lune se réduisait à une fente austère et méfiante.
    La nuit, prudente, retenait son souffle en attendant leur passage.

    Elles s’engagèrent sur le pont, un ouvrage en rondins sinueux, qui serpentait au milieu de l’onde. Le passage était étroit. Le bois léché par l’eau-vive grinçait sous leurs bottes. Fréquemment, des éclaboussures vinrent leur mouiller les chevilles. Le murmure de l’eau semblait si proche… et le fleuve sifflait comme une vipère courroucée, à chacun de leurs pas.
    Avec une moue crispée, Vivi agrippa machinalement le poignet de Soredamor.
    …non pas que sa camarade lui serait réellement d’un grand secours, si elle devait trébucher. En cas d’accident, les trente kilos d’acier que lui rajoutait son armure la précipiterait tout au fond des eaux noires. La petite aventurière s’y raccrocha malgré tout.

    Mais cette épreuve ne fut pas bien longue à surmonter.
    Le pont traversé, il ne leur restait plus qu’à longer la berge sur une petite distance (plutôt que de partir directement vers la zone de cueillette, plus au sud) pour se rendre à la cabane du chasseur. Peut-être ce détour dissiperait-il un peu du voile de brume qui s’était posé sur cette aventure…
    Je crois qu’on est arrivées, la prévint Soredamor. Espérons qu’il répondra gentiment à nos questions…
    S’étant laissée guider sur les derniers pas, Vivi rouvrit les yeux.
    Siégeant sur le coude du grand fleuve, la cabane paraissait à moitié avalée par les flots. La petite chevaleresse émit un grognement peu amène. Quel genre d’olibrius construisait sa maison ainsi ?
    …mais qui fabricote sa piaule comme ça ? Ce bruit d’eau qui coule, c’est un coup à s’relever sept fois dans la nuit pour faire pipi.

    Quelques pas les rapprochèrent de la bâtisse.
    Et ces quelques pas suffirent pour que toute cette impatience nerveuse que la jeune guerrière contenait jusqu’alors… explose d’un seul coup. Quelque chose n’allait pas. Un seul regard au “rafiot biscornu” avait suffi à l’en convaincre, et si l’antre du chasseur était habitée… alors c’était seulement par l’obscurité.
    D’un geste nerveux, irréfléchi, et peut-être même impertinent, Vivi tira sur le poignet de sa comparse (qu’elle n’avait jamais lâché), stoppant Soredamor sur place.

    Certains réflexes ont la vie dure, et Vivi est ainsi faite : alors que ses sens s’affinent à l’approche du danger, son conditionnement lui commande de prendre les devants, de se dresser tel un bouclier devant ses alliés.
    Dans l’attitude de la petite chevaleresse, il est parfois difficile de démêler ce qui relève de la bienveillance… et ce qui relève de l’arrogance.

    Mécanique et autoritaire, la jeune guerrière vérifia que sa claymore coulissait bien dans son fourreau, et en fit de même pour le couteau à sa ceinture. Elle s’immobilisa face à la porte, et ses phallanges caparaçonnées d’acier laissèrent un impact sur le panneau de cèdre noir.
    Tomas, z’êtes là ?
    Son appel parut presque sacrilège dans le calme sinistre de la forêt.
    Farouche et blessé, le silence se referma prestement sur sa voix.

    …pas de réponses.
    Vivi tiqua. A la faible lueur de sa lanterne, qui enflammait le damasquinage écarlate de son plastron, les traits juvéniles de la petite chevaleresse semblaient également d’acier. L’irritation de tantôt était revenue, et s’était muée en colère.
    Ouvre l'œil au cas où, Soso, mais y’a probablement personne.
    Elle n’aurait pas su expliquer pourquoi elle s’en était persuadée, mais ce n’était certainement pas le moment de lui poser la question. C’est une bonne chose que la porte s’ouvrit sans faire d’histoires quand elle en actionna agressivement la poignée, sans quoi l’aurait-elle sûrement défoncée à coups de pied.
    La clenche s’abaissa, les gonds soigneusement huilés pivotèrent sans un bruit.
    Lanterne et couteau décrochés de sa ceinture, Vivi s’engagea dans le logis du chasseur.

    L’absence de serrure n’était pas inhabituelle.
    Le dénommé Tomas ne vivait probablement pas dans cette cabane en permanence, et un éventuel égaré de la Grande Forêt serait bien heureux d’y trouver refuge au besoin. Une solide barre horizontale servait toutefois à verrouiller la porte de l’intérieur, un signe que le propriétaire des lieux restait conscient des dangers qui sommeillaient au cœur des bois.

    Marchant à travers le capharnaüm, la jeune chevaleresse chercha bougies et flambeaux, propageant sa lumière, comme si elle prenait cette obscurité pour un affront personnel. Ses gestes étaient hâtifs, imprégnés par la colère.
    Étudiant le décor qui se révélait à elle, ses yeux verts lançaient des éclairs.
    Personne, gronda-t-elle.

    Apparemment sans gêne, la petite chevaleresse s’élança vers le placard à provisions.
    A l’intérieur : aucune denrée périssable. A priori, le local contenait seulement de la farine, du grain et quelques larges bocaux de légumes en saumure. Une fine couche de poussière recouvrait le mobilier.
    L’idée de s’emparer de ces maigres provisions la traversa, mais à peine fit-elle un geste qu’une tension douloureuse – semblable à une crampe – s’éveilla dans son poignet.
    Soso, tu veux bien lui piquer des trucs à bouffer ? dit-elle entre ses dents serrées, en se massant péniblement à travers le canon d’avant-bras. Laisse-lui juste deux-trois bricoles en échange.
    Certains relais de voyageurs fonctionnaient ainsi. Les visiteurs y avaient simplement coutume d’utiliser ce qu’ils trouvaient sur place, puis de rembourser le propriétaire en abandonnant du matériel ou un peu de monnaie. Néanmoins, rien n’indiquait que ce fut le cas dans le logis du chasseur, d’où la réaction réprobatrice de son armure.

    Petite boule de nerfs, Vivi se détourna pour continuer à fouiner.
    Un pressentiment mauvais lui faisait se ronger les sangs.
    Depuis le début, elle n’avait jamais trouvé personne d’autre que l’apothicaire pour la renseigner sur la situation au sud du fleuve. Était-ce normal de ne trouver aucun autre témoin ? Que Septimus soit le seul qui sache quoi que ce soit sur le sujet ? Même les belluaires et herboristes avaient été informés de la situation par le vieil apothicaire.
    Et avec la présence macabre d’un Marchebrume au nord du fleuve, tout le monde était bien trop occupé pour s’en soucier.

    Bien sûr, cela ne voulait rien dire. Leur client était peut-être particulièrement méticuleux, et prédisposé à regarder plus loin que leurs problèmes immédiats. On pouvait trouver tout un tas d’explications raisonnables à ce qu’il soit le seul à avoir fait preuve d’initiative.
    …mais quelqu’un qui voudrait manipuler l’information ne s’y serait pas pris différemment.
    C’était ce qui taraudait Vivi, sans même savoir comment formuler ce pressentiment.

    La petite chevaleresse poursuivit sa fouille erratique.
    Il restait des bûches, près du foyer, ainsi qu’une hachette.
    Pas d’arc… mais sur l’atelier, des fûts et des empennages prouvaient que le chasseur confectionnait ses propres flèches. La plupart des effets qu’on rassemble avant de partir en voyage manquait également à l’appel. En définitive, l’intérieur de la cabane semblait très impersonnel : un lit encaissé contre une paroi inégale, probablement à l’endroit où le mur épousait le cours du fleuve. Un bureau qui servait à fabriquer des pièges et à travailler les cuirs. Une fourrure qui avait vu de meilleurs jours, près d’un poêle à bois qu’on utilisait autant pour se chauffer que pour cuisiner. Et finalement, le placard, suffisamment large pour qu’on y stocke du gibier.

    Raaaah… qu’il me gonfle, ce vieil anarchiste de la moustache, râla la petite aventurière. J’ai cravaché dans tout l’village perché à la recherche d’un autre gus qui pourrait nous renseigner, mais au final, j’ai fait chou blanc…

    Le seul interlocuteur susceptible d’en savoir plus sur la situation, Tomas, manquait à l’appel. Vu l’état du cabanon, le chasseur avait bien préparé son départ, et serait peut-être absent longtemps. Vivi se gratta furieusement le cuir chevelu. Son crin semblait si épais qu’elle pouvait y enfoncer les phalanges aiguisées de ses gantelets, sans même se faire de mal.

    J’suis sûrement juste une pauv’gourde, soupira-t-elle en se dirigeant vers la porte, et not’client est sûrement juste un gentil pépé… qui prend son pied en distribuant aux jolies filles des viennoiseries sucrées à la gerbe de pucerons.

    L’air blasé, Vivi ouvrit mollement la porte.
    Sans réaliser tout de suite que son geste invita comme un fin voile de brume à l’intérieur de la cabane.
    En dépit de la nuit noire, une lueur blanche pulsait à l’orée du bois.

    Son sang ne fit qu’un tour.
    HAH ! JE L’SAVAIS QUE C'ÉTAIT UN POURRI, CE VIEIL APOTHICAIRE DE SES GRANDES MORTS ! éructa-t-elle en refermant la porte d’un coup de pied si sauvage qu'il en ébranla le chambranle.

    Se retournant vers sa partenaire, en rougissant soudain de son langage ordurier, la petite chevaleresse toussota dans son poing.
    Soso, y’a un pète-la-brume, dehors.


    ”Ce que vit Vivi ?”:
    Soredamor SchirmAventurière
    Soredamor Schirm
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    Re: [QA] Je préfère les monstres à ce que la nuit me montre (ft. Soredamor)
    Mar 6 Sep 2022 - 2:08 #
    Vivi l’empoigne et elle manque de se figer.
    Dès que la main cuirassée se referme sur son poignet, son allure se ralentit. Un petit frisson se niche en bas de sa colonne vertébrale ; une fois encore la spontanéité de Vivi la surprend. Le geste est doux pourtant, malgré le potentiel délétère de ses phalanges enferrées. Comme un oiseau de proie attrapant son rejeton entre ses serres pour le mener vers un autre nid.

    Elle manque de basculer quand sa comparse prend les devants sans jamais soulager sa prise. La maison se rapproche, grinçante ; elle se dresse en étrange animal de bois, sentinelle du fleuve qui lui gicle sur les pattes. Soredamor se laisse glisser comme l’onde sur cette eau dormante, où le reflet de la nuit vient se noyer. Alors qu’elle est emportée par la tornade blonde, son regard part à la dérive, à la recherche d’une silhouette humaine à laquelle se rattraper. Mais il n’y a rien d’autre sur le rivage que leur curieux tandem. Et un malaise qui s’égoutte. Qui s’épaissit quand la porte s’ouvre sur une pièce vide, dans laquelle Vivi s’engouffre toutes dents dehors. La lumière éclabousse les murs et ne leur offre que néant.

    Un pli soucieux lui creuse le front. Le chasseur aurait dû se trouver là depuis des heures, à l’abri de la sorgue et de ses eaux trop calmes. Assis auprès de l’âtre, à empenner ses flèches. Soredamor s’accroupit auprès du foyer, observant les bûches empilées sur un promontoire en fer. Un léger fumet cendreux lui rappelle que la cabane est – censée être – habitée.

    « C’est bizarre pour un chasseur de partir aussi tard... », murmure-t-elle pour elle-même. Comme si verbaliser son inquiétude pouvait l’éloigner.

    Moins démonstrative que Vivi, sa propre nervosité se terre dans le fourmillement de ses doigts, dans la sécheresse de sa gorge, et dans l’impression glacée qui s’écoule le long de son échine. Elle surveille davantage ses gestes, même lorsqu’elle vient attraper des bocaux de fruits séchés et des conserves de légumes à la place de sa comparse maintenue par l’honneur, de peur que sa maladresse revienne. Quoi qu’elle se demande ce qu’il y a d’honorable à se laisser dépérir pour éviter de picorer dans un autre garde-manger. Les cadavres n’ont d’honneurs que ceux que les vivants leur donnent. Elle secoue un peu la tête en considérant sa trouvaille. La première fois qu’elle a été confrontée à l’armure de Vivi, à son pouvoir aussi aliénant que gigantesque, son ventre s’est serré. Héritière forgée dans le fatum des héros de guerre. Au moins, elle porte désormais sa cuirasse pour suivre sa propre voie.

    « Raaaah… qu’il me gonfle, ce vieil anarchiste de la moustache. J’ai cravaché dans tout l’village perché à la recherche d’un autre gus qui pourrait nous renseigner, mais au final, j’ai fait chou blanc… »

    La formulation prête à sourire, et pourtant la remarque soulève un peu plus la boue moribonde qui lui remue les entrailles. Ses propres déambulations n’ont pas non plus éclairci les questionnements qui l’ont poursuivie.

    « Pareil… On m’a aussi dit, faites attention à la forêt de pins. ‘Paraît que c’est devenu un vrai guet-apens. Mais bon, c’était cryptique. », lâche-t-elle en haussant les épaules.

    La pinède s’est effacée dans le paysage derrière elles, à leur départ, avalée par leur voyage. Et, pour le moment, Soredamor voit peu de liens entre ce qui menace en aval du Grand Fleuve et les bois interdits. Sa main enfonce ses victuailles dans son sac sans fond, dans lequel elle fouille dans l’espoir d’y trouver de quoi donner le change. Son attention se déporte sur les grognements de Vivi. Et bute sur deux mots, en particulier.
    Jolie fille.
    L’aventurière manque de s’étrangler, camoufle sa gêne en toussant dans son coude. Sa main empressée poursuit sa recherche, et même son regard s’y met, évitant tout contact. Elle ne sait pas quoi faire de ce jolie fille jeté au détour d’une diatribe. Comme un bijou trop cher pour ses mains. Une étoffe trop délicate pour ses épaules. Quelque chose qu’elle ne peut – ne devrait – pas toucher. Ses lèvres se pincent dans un sourire plissé. Elle se sent bien idiote de se concentrer ainsi là-dessus. Idiote et futi-

    « HAH ! JE L’SAVAIS QUE C'ÉTAIT UN POURRI, CE VIEIL APOTHICAIRE DE SES GRANDES MORTS ! »

    Ébranlée, elle se retourne avec lenteur pour faire face à sa camarade, un voile sur les yeux. Une vague incompréhension fait miroiter son regard, qui fixe la fenêtre jusqu’à trébucher sur la lueur vacillant dans la brume.
    La réflexion se fait toute seule, automatique : il ne fait pas temps à faire se lever le brouillard. Alors…
    Il ne reste que la voix de sa camarade pour lever le doute.

    « Soso, y’a un pète-la-brume, dehors. »

    L’urgence lui paraît lointaine, coincée à l’orée de la forêt. Son corps fond pourtant vers la fenêtre comme un automate ; elle discerne un peu mieux la poche lumineuse éclairer la carcasse décharnée qui lui sert de nid. Le Marchebrume tangue vers leur refuge d’une démarche étrangement tranquille, comme assuré déjà de cueillir ses proies. Trop loin pour qu’elle distingue son visage ; trop près pour ne pas les avoir déjà repérées. La mâchoire de la jeune femme pointe à travers sa joue. Sa lèvre inférieure tremble, tandis qu’elle recule en portant une main à sa poitrine. Comme pour compresser encore son souffle qui menace de saccader.

    « Et merde. », souffle-t-elle, la bouche pâteuse.

    Ne devrait-il pas se trouver sur l’autre rive, comme les Belluaires le leur ont conté ? N’y avait-il pas une autre lueur à éteindre ? Elle pense à l’apothicaire. Fouille dans ses souvenirs pour déceler quelque trouble dessein dans leur discussion. Le tout se présente à elle en une bouillie infâme régurgitée par son anxiété. Tout la ramène à l’instant présent.
    Septimus ne compte plus.
    Ses intentions douteuses, non plus.
    Ne reste qu’elle et son angoisse ; Vivi et sa colère ; et la cabane étouffant dans la brume qui s’épaissit. Un frisson lui pourlèche la colonne vertébrale. Sa main se crispe sur le pommeau de son épée, comme pour se rassurer de sa présence. Elle se tourne vers celle qui compte vraiment.

    « On va devoir se défendre. », articule-t-elle.

    Ses mains se glissent dans ses cheveux, alors qu’elle commence à faire les cent pas devant la chevaleresse. Mécanique. Pas vraiment là. Elle scrute le parquet grinçant à la recherche d’une idée à extraire d’entre les planches. À bien y réfléchir, elle trouve à cette cabane des airs de cercueil. Le brouillard pour linceul.

    « Si on sort… Il faut qu’on puisse se voir. Quoi qu’il arrive. »

    L’une de ses mains s’enfonce dans son sac et en retire la corde achetée quelque heures plus tôt. Laissant glisser les mètres de chanvre entre ses doigts, elle la présente à Vivi. Sa voix paraît presque trop calme pour la situation. L’eau imperturbable même si l’on y plonge un couteau. Soredamor ne sait pas comment son corps bouge encore, comment sa tête fait jaillir une idée. Elle a cette même sensation que lorsqu’elle s’est retrouvée devant son chez-elle, sans argent, sans avenir, sans passé, prête à fuir. Cette envie primitive de ne pas se laisser mourir.

    « Si on attache cette corde à nos ceintures, il ne pourra pas nous isoler vraiment l’une de l’autre, poursuit-elle. C’est pas très confortable, mais… On aura peut-être plus de chance comme ça. »

    Elle baisse un peu la tête. Ses cheveux à elle sont plus fins, et vivotent devant ses yeux comme des plumes de corbeau. Ébouriffées à la moindre contrariété. Son regard croise à nouveau celui de Vivi ; d’un vert puissant, irisé par la lueur des bougies. À côté, le flamboiement qui s’approche a des airs de parhélie.  

    Vivi ArundelAventurière
    Vivi Arundel
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    Re: [QA] Je préfère les monstres à ce que la nuit me montre (ft. Soredamor)
    Jeu 15 Sep 2022 - 22:55 #
    Et merde.
    C’est aussi c’que je me disais.

    Vivi fit coulisser le mécanisme rudimentaire servant à barricader la porte.
    La barre était robuste, et large comme le poing… mais serait-ce suffisant ? A l’approche du danger, la petite chevaleresse sentait la force de son armure lui infuser lentement les muscles. D’ici quelques instants, cette porte barrée ne représenterait plus un obstacle pour elle. Et si elle se sentait capable de la défoncer, alors il était présomptueux de penser que la chose qui guettait dehors en était incapable.

    Elle se coiffa de son heaume. Une ligne d’énergie pourpre crépita brièvement sur sa gorge, signe que l’armure assimilait la pièce d’équipement manquante.

    On va devoir se défendre.
    Ouais, répondit laconiquement l'aventurière en tirant de son fourreau la lame qu’elle portait dans le dos, mais j’peux pas faire grand chose ici.
    D’un regard équivoque, elle désigna le plafond, et l'exiguïté générale du cabanon.
    Impossible de brandir une claymore à l’intérieur. Et le marchebrume n’était pas particulièrement un adversaire qu’elle escomptait affronter au couteau. Piégées dans la cabane, les deux escrimeuses seraient restreintes dans leurs mouvements et incapables de porter des coups de grande envergure, mais le marchebrume n’aurait pas ce problème.

    En faisant les cent pas, Soredamor s’engageait sur une piste de réflexion similaire.

    Si on sort… Il faut qu’on puisse se voir. Quoi qu’il arrive.
    Vivi acquiesça à nouveau.
    Tout dépendait de la créature. Se sentait-elle suffisamment agressive pour forcer l’entrée et les débusquer à l’intérieur ? Si l’affrontement était inéluctable, il serait préférable de combattre sur la berge, entre le cabanon et la lisière du bois, où il y aurait suffisamment d’espace pour manoeuvrer à l’épée.

    Si on attache cette corde à nos ceintures, poursuivit Soredamor, il ne pourra pas nous isoler vraiment l’une de l’autre.
    La voix de son amie était calme et dense, pareille à une mer d’huile. C’était le bon état d’esprit.
    C’était ainsi qu’on appréhendait une bataille. Du côté de la petite chevaleresse, la colère était partie en fumée. Comme on trempe l’acier encore rougeoyant pour en durcir le cœur, la présence d’une menace tangible avait effacé toute trace d’émoi, et toute hésitation.
    La plupart des escarmouches se remportent en amont, avant même que l’épée ne soit tirée du fourreau. On ne s’élance pas à la rencontre d’un danger inconnu sans d’abord peser ses options.
    Intuitivement, en se forçant à conserver son sang-froid, c’était précisément ce que faisait sa partenaire.
    C’est pas très confortable, mais… On aura peut-être plus de chance comme ça.

    Elle voulut répondre, quand un impact puissant ébranla la porte.
    Vivi fit volte-face, lame brandie, prête à voir le battant s’effondrer… mais ce ne fut pas le cas. La créature n’avait mis qu’un seul coup. Voulait-elle vérifier s’il lui était possible d’enfoncer la porte ? Était-elle suffisamment intelligente pour ça ?
    La barre avait tenu bon… mais le vantail s’était tordu. Des lézardes creusaient maintenant le panneau de cèdre noir, laissant filtrer la lumière diaphane qui provenait du corps du monstre, et les filaments de brume qu’il injectait à l’intérieur du cabanon.
    Voilà qui simplifiait la situation : l’affrontement était inévitable et la porte ne leur offrirait aucune protection valable. Si elles attendaient davantage, elles risquaient simplement de se retrouver coincées à l’intérieur.
    Attache-nous, Soso, dit-elle en lui mettant une petite tape sur l’épaule.

    S’interposant entre la porte et sa camarade, la petite chevaleresse assuma sa position de combat. Ajustant son centre de gravité, de trois-quart tournée vers sa cible, lame brandie au niveau des tempes.
    Dressée entre une menace potentielle et sa partenaire, l’armure baignait son corps d’un baume de chaleur approbateur.
    Un feu qu’elle sentait se concentrer dans ses bras. Sa claymore empoignée des deux mains, parfaitement à l’horizontale, elle était prête à délivrer l’estocade.
    Si l’occasion se présente, on tente une percée.

    Silence. Immobilité.
    Les secondes s’égrenèrent, emportées par le ruissellement plaintif du Grand Fleuve. Toute entière concentrée pour ne pas rater l’instant où le monstre frapperait à nouveau, Vivi maintint sa position. Lame inclinée, prête à prendre son essor.
    Allez, sale bête.
    Guettant le moment décisif. Comme un faucon.
    R’mets un coup, pour voir.

    La porte encaissa un autre choc. Elle s’élança aussitôt.
    Ses muscles gavés de force la projetèrent littéralement sur sa cible. Elle frappa en plein vol, dans un éclair d’acier rouge qui fulgura à travers le bois pour s’abattre sur la créature à l’extérieur.
    Touché.
    D’un mouvement d’épaules, elle dégagea sa lame dans une giclée de sang noir.

    A ce stade, ses décisions n’étaient plus mues que par l’instinct. Une succession de pensées à peine esquissées, jamais complètement formées, capturant l’état de son champ de bataille à chaque battement de cœur, puis agissant en conséquence.
    La porte…
    …ne résisterait pas à un prochain assaut : autant empêcher la créature de l’enfoncer puis de s’en servir comme bouclier. Levant une jambe, la petite chevaleresse termina de travail.
    La barre explosa. Le panneau crevassé s’arracha de ses gonds et fusa dans la nuit.

    La silhouette auréolée de brume et de lumière se découpa dans l'obscurité
    Vivi s’élança, prête à la faucher sur place, ou au minimum à frapper pour leur ménager un espace : la tenir en respect jusqu’à ce que Soredamor soit sortie à son tour.
    Elle n’en eut pas le temps.

    La créature disparut aussitôt.
    Avalée par la brume. Torrents de blancheur qui noyèrent les ténèbres.
    La nuit s’effaça. La berge obscure. La cabane enténébrée.
    En l’espace d’une seconde, Vivi se retrouva esseulée dans un horizon immaculé.
    Merde.
    Elle pila net, accrochant les griffes de son gantelet dans l’encadrement de la porte. Seul point de repère qu’il lui restait.
    L'avertissement qu'elle lança à sa camarade fut phagocyté par la brume. Ses pensées se bousculèrent toutes à la fois…
    Complètement aveugle, il lui était impossible de choisir une position adéquate pour ouvrir le combat sur la berge. Impossible de savoir d’où la créature allait frapper, ou si elle n’allait pas tout simplement l’ignorer pour poursuivre Soredamor à l’intérieur du cabanon.
    Mais tant qu’elle ne franchissait pas le seuil, le marchebrume ne pourrait l’attaquer que de face. Ni elle, ni sa camarade n’étaient vulnérables.
    …du moins le croyait-elle.
    Vivi se remettait à peine en garde qu’une force invisible lui fracassa le heaume contre le chambranle.
    Le fil de ses pensées rompit. La petite chevaleresse s’affaissa sur elle-même. Ses jambes flanchèrent, perdant momentanément tout équilibre.
    Sans que ne s’écoule plus d’une seconde, un deuxième horion lui enfonça plus encore le crâne contre la paroi de la cabane. Arrachant une large section du bois de construction. L’acier froissé de son heaume ruisselait de sang.

    La créature attrapa entre ses griffes la lame qu’un réflexe combattif dirigeait vers son estomac. Et tira sa proie vers l’arrière. L’escarmouche n’avait pas duré plus de trois battements de cœur. Le corps de la petite aventurière heurta le sol avec un bruit mat. Un bruit étouffé par les propriétés surnaturelles de la brume.
    Les flammes qui couvaient dans les orbites du marchebrume étincelèrent brièvement de plaisir. Sa proie était plus petite et plus légère qu’il ne s’y était attendu. Facile à manipuler. Lui écrasant le casque à terre d’un dernier coup, pour mettre fin aux spasmes qui l’agitaient, elle commença à rapatrier le corps en direction de son antre. Vers la forêt.
    Soredamor put sentir la corde se dérouler à toute vitesse.
    Soredamor SchirmAventurière
    Soredamor Schirm
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    Re: [QA] Je préfère les monstres à ce que la nuit me montre (ft. Soredamor)
    Sam 1 Oct 2022 - 1:24 #
    Les lèvres asséchées, Soredamor s’agenouille au côté de sa comparse pour attacher solidement un bout de la corde à sa ceinture, avant de faire de même sur elle-même. Alors qu’elle enroule le nœud, l’image de Meliorn lui vient à l’esprit, sans qu’elle ne sache pourquoi ; il aurait sans doute saisi l’occasion de sortir un trait d’esprit de mauvais goût. Cela l’aurait fait rire, malgré tout. Elle s’accroche à l’image du sourire perdu dans sa barbe, à l’étincelle qui fait miroiter ses prunelles d’acier. Peut-être qu’elles pourraient faire un crochet par chez lui, en rentrant. Elle pourrait lui présenter Vivi. Lui montrer ce que l’enfant efflanqué qui s’est ratatiné devant sa cheminée est devenu.

    Dehors, la lumière de la bête pulse à travers le bois. L’écorce étouffe encore ses grognements rauques, sa frustration de ne pouvoir lacérer ses proies. Un souffle glacé lui pourlèche la colonne vertébrale. Alors que Vivi se campe sur ses jambes, préparée au combat, l’aventurière se met en retrait, la main prête à capturer le pommeau de son épée. Dans cette position, la chevaleresse semble plus grande, plus mature. Légitime, portée par l’héroïsme qui fait crépiter sa cuirasse. À côté, Soredamor a l’air d’une vassale, drapée de noir pour mieux se fondre dans son ombre. Cela lui convient.

    Le bois craque à nouveau, déchiré cette fois par un éclair d’acier. Soredamor se tend, bouche entrouverte devant la force qui soudain pousse la combattante à enfoncer la porte d’elle-même.  Elle serre les mâchoires, les yeux rivés sur la carcasse grognant de douleur, prête à fuser à ses côtés.
    Et ils disparaissent.
    La brume envahit tout ; son étreinte froide et moite étouffe les silhouettes de Vivi et de la créature, et Soredamor ne peut plus compter que sur les borborygmes du Marchebrume, sur le choc aigu de ses griffes contre l’alliage. Le souffle court, elle se colle au mur de la cabane. Piégées. Elles sont piégées depuis le début. Depuis quand a-t-il flairé leur trace ? Depuis quand attend-il de brouiller leur piste ?
    Une sueur froide colle des mèches de cheveux sombres sur ses paupières. Elle ne les dégage pas encore pourtant, son attention happée par l’écho de la joute et les battements vigoureux de son cœur à ses tempes. Le cri qu’elle essaie de pousser reste coincé dans sa gorge, envahie elle aussi par la présence cotonneuse.

    Le premier coup fait trembler l’écorce du cabanon. Un tremblement secoue les épaules de Soredamor : ce ne peut être le corps rachitique du monstre. Un second coup fait voler le bois en éclats. Elle se plaque les mains sur les oreilles, le souffle coupé. Ferme les yeux, plongeant dans la noirceur que la brume lui interdit. Dehors, il n’y a plus que silence. Le bruit étouffé d’une armure s’écroulant dans la terre humide.

    Le frottement de la corde contre sa ceinture lui ouvre les paupières. Passant la main sous le chanvre, Soredamor ne peut que confirmer son impression. Vivi est tombée, ou pire. Elle essuie l’humidité qui point à ses prunelles et se glace au contact du brouillard. La lèvre inférieure tressaillant, Soredamor se glisse en dehors de la cabane, guidée par la brûlure de la corde contre son gant. À en juger par la tension et la vitesse à laquelle leur lien s’est déroulé, le Marchebrume traîne sans s’efforcer le corps inerte de la chevaleresse. Son pied bute sur la claymore écarlate qui gît au sol, abandonnée par sa porteuse ; elle s’arrête un instant pour enrouler la corde autour de son bras et la soulever des deux mains par le pommeau. Ses pas se glissent dans les empreintes fraîches du prédateur, à moitié dissimulées par la trace épaisse de l’armure. Ses poings se crispent sur la poignée de l’épée longue. Pourvu que le casque ait encaissé le choc. Pourvu que Vivi n’ait été que sonnée par sa joute. En son for intérieur, elle se met à appeler Vivi, à la prier de se réveiller.

    La sylve les accueille à nouveau. Sa moiteur oppressante la rend méconnaissable, fantôme dans la sorgue. Elle ressent une légère brûlure dans ses épaules, peu habituées au poids de la noble lame. Les feuilles mortes et les brindilles craquent sous ses bottes. Sa mâchoire point à travers sa joue. Il lui est interdit de renoncer, même s’il faudra du temps à la créature pour éventrer la cuirasse et y dénicher sa proie.  
    La pression s’amenuise soudain.
    Soredamor se fige en même temps que le Marchebrume. Ses grognements percent le voile qu’il a tissé autour de sa carcasse ; sa poursuivante s’avance avec légèreté, genoux pliés, jusqu’à entendre plus nettement les borborygmes à travers la surface, les grattements sinistres des griffes contre l’acier. Adossant la claymore à un arbre, elle déroule la corde et extirpe sa propre épée de son fourreau. Sous son plastron de cuir, sa poitrine se soulève dans une profonde inspiration. Elle doit le distraire. Laisser le temps à Vivi de s’éveiller. Vivi doit s’éveiller. Un frisson électrise tout son épiderme, sans la faire flancher. De sa main libre, elle fait clignoter la lanterne qui pend à sa ceinture. Sa lumière poussiéreuse imite celle des entrailles monstrueuses. Soredamor fait jouer plusieurs fois le pivot sous ses doigts, frottant la terre avec ses semelles. Devient le monstre, pendant un instant.
    Les grattements s’arrêtent.
    Ses jambes s’ancrent dans le sol, et ses phalanges se resserrent autour de la poignée de son épée.
    Dans un râle caverneux, la brume se jette sur elle toutes griffes dehors.

    Résultat du dé : 14 – Soredamor blesse modérément le Marchebrume mais se fait toucher en retour (lien du lancer)

    Sa lame fend la carne marbrée d’une cuisse rachitique ; Soredamor perçoit l’entaille profonde. Pas assez pour déstabiliser son adversaire, qui dans sa fuite plante ses griffes dans l’épaule de son assaillante. Une douleur chaude et vive court dans son bras et lui arrache un cri. De sa main valide, elle attrape de nouveau la claymore et la traîne avec elle pour rejoindre le corps étendu de sa comparse. Gémissant, des larmes chaudes roulant sur ses joues, l’aventurière éprouvée pose une main sur son gant cuirassé. Des gouttes de sang rouge mêlé de noir s'y écrasent, roulant sur l'acier comme de l'eau de pluie. Elle s’accroche à ses doigts comme à son dernier souffle. Son regard suppliant cherche celui de l’héritière, derrière son casque fendu.

    « Vivi… Réveille-toi… », murmure-t-elle d’une voix brisée.

    La douleur vibre à ses tympans, pulsant dans son bras jusqu’à la base de son cou. Elle étouffe un gémissement, se recroquevillant sur elle-même. Elle n’y arrivera pas. Sans l’autre moitié de son tandem, elle n’y arrivera pas.

    « Vivi… »

    La sécheresse dans sa gorge découpe ses mots à la serpe. Sa main se resserre sur celle de son amie, tandis qu’elle y place le pommeau de la claymore.

    « Aide-moi. »

    Autour d’elles, la brume se fait coquille d’un blanc opaque.


    Vivi ArundelAventurière
    Vivi Arundel
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    Re: [QA] Je préfère les monstres à ce que la nuit me montre (ft. Soredamor)
    Dim 16 Oct 2022 - 0:56 #
    Aléatoire:

    Son escouade se fondait dans l’obscurité.
    Dans un silence chuintant, ils naviguaient la mer d’arbres avec l’aisance née d’une longue habitude. L’armure souple des Belluaires épousait leurs mouvements agiles. Leur percée au travers du dédale forestier les amènerait bientôt sur la rive du Grand Fleuve.
    La lieutenante glissa un coup d'œil à ses deux subordonnés.
    Ça n’ressemble pas à Hector, ce genre d’expéditions au petit bonheur, maugréa la soldate en tête de file.
    Sa jeune éclaireuse, Feena, était vive comme l’éclair. Sa peau – d’une note de bleu subtile, pareille au chatoiement discret d’une luciole-de-mer – dessinait comme un trait de lumière pastelle sur les ténèbres.
    Voilà déjà quatre ans qu’elles servaient ensemble, et la lieutenante peinait toujours à suivre le rythme de sa cadette.
    Elle jalousait sa vigueur.
    Il a une bonne intuition, ce sacré moustachu… lui répondit-elle en haletant, c’est pour ça que c’est lui qui commande.
    Sa voix hachée ne porta pas bien loin, et elle ne voulait pas gaspiller son souffle à se répéter.
    L’officière était à bout, mais refusait que ses subordonnés ralentissent pour voyager à son allure.
    Peut-être voyaient-ils dans son attitude une forme d’orgueil puéril…
    …mais elle voulait simplement arriver sur place le plus rapidement possible.

    Courant en silence, à ses côtés, Lars ne fit pas de commentaires.
    Une de ses mains reposait sur la corne de brume, à sa ceinture.
    Un objet de pouvoir qu’on leur avait confié avant de les détacher du régiment.
    Lui, semblait tendu et concentré. Il avait conscience du genre de créature qu’ils traquaient.
    En cas de rencontre, sa réaction serait déterminante.
    Tout va bien se passer… voulut-elle le rassurer, mais au moment où elle ouvrit la bouche, la lieutenante manqua de gober un insecte… et ses encouragements s’achevèrent sur une quinte de toux dégoûtée.
    Haha ! Force pas trop, cheffe. Tu veux qu’on ralentisse ?
    Tais-toi et cours, marmonna-t-elle en se frottant la langue.
    De petites larmes d’humiliation perlaient aux coins de ses yeux.

    L’escouade quitta le couvert de la forêt, et le chant du fleuve vint emplir la nuit.
    Sous leurs yeux, le pont s’esquissait dans un théâtre d’ombres nébuleuses. L’humidité se fit soudain étouffante. La lueur des lanternes parut se ternir. Feena s’agenouilla, pour balayer l'espace d’un geste circulaire de sa lumière, dévoilant ce qu’ils soupçonnaient déjà.
    Grouillant à la manière d’un nid de vipères blanches, des filaments de brume rampaient sur le pont.
    La créature chassait en aval du fleuve.  
    Lars… commença-t-elle d’une voix grave.
    Le soldat acquiesça, et porta le cor à ses lèvres.


    ***


    Sa carcasse d’acier gisait dans un linceul de brume.
    Le heaume enfoncé, barbouillé de sang et de boue. Le gorgerin déchiqueté, là où la bête s’était acharnée afin d’extirper son gibier de la carapace métallique. La chair pâle qu’on y avait extraite était saignée de toute part, et tapissée d’un lacis de lacérations cramoisies.
    La chevaleresse était défaite. Meurtrie.

    Inerte, jusqu’alors.
    Sa main se referma brutalement sur l’épée.
    Aide-moi.
    Ces mots la traversaient comme une décharge de foudre.
    Sa carcasse métallique s’ébranla ; l’acier prenant le contrôle de la chair.
    La petite aventurière, elle, n’avait plus de forces. Le fil de sa conscience s’était étiolé. Les chocs répétés qu’elle avait reçus au crâne la laissait commotionnée et hagarde. Pourtant, elle entendait : perdue dans les brumes de sa conscience, la petite voix qui lui suppliait de ne pas renoncer.
    De ne pas l’abandonner.

    Son armure se nourrissait de pareilles supplications.
    Car tant qu’il resterait une cause derrière laquelle se rallier, tant qu’il demeurerait des innocents à défendre…

    Alors, elle aurait la force.

    Un râle s’échappa du heaume fracassé.
    Une respiration sifflante, garrottée et déchirée se fit entendre, tandis que la carcasse d’acier se redressait dans une série de saccades lancinantes. Ramenée de force parmi les vivants, Vivi ouvrit les yeux.
    Les souffrances parurent éclore tous azimuts sous sa carapace de métal.
    Les parties froissées et déchiquetées de son gorgerin lui écrasaient la trachée. Même chose pour son visage, l’acier du casque lui rentrait dans le crâne. Ses côtes étaient douloureuses, mais pas cassées. Et ses phalanges étaient pleines de feu, le monstre lui avait piétiné la main, à répétition, et avec sauvagerie : sans quoi, elle n’aurait jamais lâché son épée.

    L’éclat d’un regard d’émeraude brûlant perçait à travers les crevasses de son casque.

    Ses yeux trouvèrent ceux de sa partenaire, à travers le voile de brume.
    Parler lui était trop difficile, mais…
    Arrête de chouiner, Soso.
    …on avait rarement vu un regard plus parlant.

    C’est d’une main d’acier qu’elle les releva toutes les deux.
    Debout. Et bats-toi.
    D’un pas en arrière, chancelante, elle appuya sa petite silhouette contre l’épaule de sa partenaire.
    Autant pour s’empêcher de tomber que pour protéger ses arrières.

    Pas l’temps pour les sensibleries…
    Ses pensées étaient encore lourdes et cotonneuses, mais déjà, elle épluchait le maelström de brume d’un œil fiévreux. A l’affût. Même dans cet état, l'esprit tactique que la maison Arundel avait forgé, crise après crise, fonctionnait encore. Même simplement par instinct, il décortiquait la situation, et cherchait désespérément le moyen de les tirer de cet enfer blanc.

    Du talon de ses solerets, la petite chevaleresse se familiarisa avec l’amoncellement de racines sous ses pieds, et ajusta sa posture.
    D’un geste vif, elle balaya l’air dans un arc-de-cercle, notant les deux endroits où sa lame d’acier avait heurté l’écorce. Pour délimiter ses possibilités d’attaques, elle devait savoir où et comment frapper.
    Devant elle, la brume demeurait un mur opaque.
    Vivi n’entendait rien de plus que le bruit sourd et humide de sa propre respiration bouillonnante.
    Et ne voyait rien au-delà de ce voile de blancheur.
    Occasionnellement, un orbe de lumière bondissant se réfléchissait à sa surface.

    Où est-il ? Concentre-toi.
    Un bref chatoiement éclairait le banc de brume, oscillant de droite à gauche, comme pour singer les déplacements de la créature.
    Ne regarde pas la lumière, c’est comme ça qu’elle t’a eue la première fois.
    La petite chevaleresse détendit sa prise sur le pommeau de son épée, ramenant un peu de flexibilité dans son bras. Assumant une posture plus basse pour solidifier ses appuis, et éviter d’être mise à terre, sa force concentrée dans ses cuisses.
    C’est un leurre. Cette foutue bestiole n’aurait pas une loupiotte dans l’bide si ça risquait de trahir sa présence.
    Incapable de bouger seule ses bras, l’armure semblait soutenir son corps. Mais pas seulement, les fragments d’acier déchiquetés, plantés dans sa chair, semblaient déverser en elle comme des torrents de force et de feu.
    Cherche le mouvement dans la brume. Et frappe.

    La forêt s’illumina sur sa droite. Réverbération de lumière brûlante.
    Vivi fit volte-face aussitôt. Trop tard. S’animant dans un sursaut de fureur, la brume la lacéra de ses griffes.
    La douleur explosa contre son arcade sourcilière, tandis que le heaume prenait un nouveau coup.
    La violence du choc manqua de la jeter au sol, mais conservant une posture basse, elle s’appuya sur son amie pour encaisser l’impact.
    Cette fois encore, son épée ne trouva que du vide.

    T’as pas mal, t’as pas mal.
    Un pieux mensonge.
    Elle pouvait sentir l’acier de son casque qui s'encastrait dans ses os.

    Alors reste calme.
    La bestiole a ralenti d’puis tout à l’heure…

    …elle a probablement pris un coup dans les guibolles.

    Le maelström s’agita autour d’elles, signe que la créature se déplaçait pour préparer son prochain assaut. Rapide, mais pas invisible. Des lambeaux de brume déchiquetée tourbillonnaient mollement sur son passage, dans un lent mouvement hypnotique. Même blessée, ses déplacements erratiques la rendaient difficile à suivre.
    Dans cette situation, le Marchebrume pourrait profiter d’une occasion pour les contourner.
    Et frapper Soredamor par derrière.
    Un coup pareil lui briserait sans doute le crâne.
    Arrête ça.
    Pas de sensibleries.

    C’était son rôle de la protéger.
    Mais sa partenaire était à découvert, sans aucune protection.
    Et elle ne pouvait rien y faire.
    La ferme, imbécile. Tu tiens ta position.
    Tu surveilles ton côté.

    Elle pressa plus encore sa petite silhouette contre le dos de Soredamor.
    Presque avec agressivité.
    Aie confiance.
    C’est ta meilleure élève, nan ?

    La tempête blanche s’intensifia.
    Les bourrasques surnaturelles se rassemblèrent dans un souffle conquérant, qui dérobait les sons, faisait pression sur les tympans de ses proies et leur pénétrait le crâne de son silence glacé.
    Vivi entendit mourir les battements de son cœur.
    S'éteindre le bruit acharné et sifflant de sa respiration.
    Elle était déjà morte aux yeux du monde lorsque la brume prit corps, prête à les faucher toutes les deux.
    Voilà… regarde bien.
    Et si tu veux pas qu’il pose ses sales pattes sur ta disciple.
    Vivi se jeta à la rencontre du maelström.
    Les griffes se matérialisèrent dans la brume.
    Alors pète-lui la main.

    Un hurlement surnaturel vint briser le silence. La brume convulsa de douleur.
    Dans une explosion d’ivoire, la lame d’acier poursuivit sa course à travers les phalanges de la bête. Furieuse et implacable.
    A travers les filets de sang noir qui s’écoulèrent lourdement sur l’humus… seul le monstre put voir le sourire féroce de la petite chevaleresse, sous son casque fracturé. Sa fièvre et sa jouissance.  
    L’excitation que ce défi lui procurait.  

    Avant que le Marchebrume ne puisse dégager son membre, c’est d’une torsion sauvage sur son arme – les yeux dans les yeux – que sa petite adversaire lui déchira la chair et les os.
    La créature se replia avec un cri lancinant, dont l’écho se répercuta dans les bois immaculés.
    Un cri qui sonnait comme un avertissement pour la faune environnante.

    Il y avait plus d'un monstre sous la brume.

    Reprenant position, dos à sa camarade, la petite aventurière savoura la sensation qui lui restait imprimée sur les paumes.
    Sa bouche s'était tordue dans un rictus sordide.
    Tu l’as senti passé, c’lui-là… pas vrai, dufion ?

    Un bruit sourd émana de la berge. Le chant d’une corne de brume, étonnamment clair dans l’air nocturne.
    Vivi ne montra aucune réaction.
    Elle avait cessé d’entendre, dès le premier coup.
    Insensible à tout appel qui n’était pas celui – suppliant – de son amie.
    Soredamor SchirmAventurière
    Soredamor Schirm
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    Re: [QA] Je préfère les monstres à ce que la nuit me montre (ft. Soredamor)
    Sam 24 Déc 2022 - 23:08 #
    Le réceptacle se lève, plates après plates, comme sous le coup d’un sortilège. Dans un chuintement, l’armure s’accroche à la forme humaine qui la maintient. Soredamor ne dit plus un mot ; de sa détresse, il reste les larmes qui lui rougissent les yeux et lui creusent les joues. À travers l’eau et le linceul moite, à travers le puits qui s’est creusé dans le heaume, elle cherche l’âme qui revient à la vie. Sa gorge se noue face à la crevasse où repose son amie. Un frisson l’ébranle – son souffle meurt un instant.
    L’armure peut-elle bouger sans sa porteuse… ?

    Soudain, une expiration s’échappe de la cavité. Soredamor entend la vie geindre et lutter sous la carcasse. Perçant la noirceur de l’entrave métallique, une lueur émerge et happe son regard. Son propre sourire lui fait l’effet d’une coupure dans le visage, alors que sa douleur pulse à son bras. Elle serre les dents et grogne un coup lorsque Vivi la force à se relever.  Ses semelles s’enfoncent à nouveau dans la terre humide, d’où jaillissent les racines des arbres centenaires.

    Soredamor ravale ses larmes. Sa main valide saisit son épée. Il lui faut à nouveau s’apprêter au combat.
    Dans son dos, elle sent la cuirasse s’appuyer. Sa conscience s’accroche au contact glacial contre son échine, tandis que la chaleur de son hémoglobine dégringole le long de son bras. Vivi est revenue. Elle inspire. Quand tout sera terminé, elle appuiera le corps endolori de sa comparse contre son épaule. Elle la mènera en boîtant s’il le faut dans la cabane au bord de l’eau. Elle l’aidera à se sortir de son fardeau et à se bander la tête. Puis, elle l’allongera sur la paillasse, et veillera au coin du feu, au milieu des senteurs de brûlé, d’aromates en conserve et de viande séchée.
    Quand tout sera terminé et que la charogne qui les poursuit pourrira au soleil.

    Le danger scintille en luciole floue à leurs côtés. Soredamor resserre sa prise. Nimbé de blancheur vaporeuse, le Marchebrume étouffe tous ses sens de sa malédiction ; elle sent qu’il grogne autour du tandem, prêt à frapper – mais impossible de saisir sa présence avant qu’il ne déverse sur elles une pluie de griffes. Sous ses mèches noires humides de poisse, son regard d’acier s’agite.

    Vivi n’aura connu qu’une courte pause ; c’est encore sur elle que la carne hurlante porte son premier coup. Tendue, Soredamor plie encore les genoux pour se planter dans le sol, rattrapant la chute. Ses canines se plantent dans sa lèvre inférieure, tandis qu’elle étouffe un gémissement ; le moindre geste ravive la brûlure de son épaule. Sa respiration siffle à travers ses dents.

    « Ça va aller… On va l’avoir… », qu’elle grince, fébrile.

    Ses épaules roulent sous le corsage de cuir qui lui colle à la peau. Inutiles pour déceler son adversaire, ses yeux se ferment un instant. L’aventurière n’est plus que sensations, assemblage de nervures tendues, perclus de douleurs. Elle ressent la présence métallique de Vivi, les craquements des branchages sous leurs pas, la froideur suintante de la forêt embrumée. Si elle avait davantage exercé son ouïe, peut-être aurait-elle pu discerner dans la cacophonie le boitement de la carne acculée. Encore un point à améliorer avec son enseignante.

    Laquelle se détache soudain du socle de son dos. Soredamor se retourne pour voir Vivi se jeter dans la brume. Le hurlement de douleur du Marchebrume se mêle au sifflement du fer qui le mutile à nouveau et à l’exclamation satisfaite de l’aventurière. Encore quelques coups de hachoir dans sa viande pourrie, et elles pourraient sortir victorieuses.  

    Gémissant sa souffrance, l’ennemi se retire en son voile blanc. Les deux combattantes reprennent leur position, et Soredamor ne peut s’empêcher de pousser un soupir soulagé. Elle ne sait par quel miracle la chevaleresse tient encore sur ses deux jambes, ni quelle force la pousse à dépasser les fêlures dans sa cuirasse et les contusions sur son corps. Elle aimerait lui emprunter ce secret.

    La voix de la corne de brume déchire le silence.
    Soredamor se tourne vers sa source, sans pouvoir en déceler la silhouette. Un frisson lui parcourt la colonne vertébrale et se creuse un nid dans sa poitrine.

    « Vivi… Je crois qu’on a des renforts., murmure-t-elle. Faut juste qu’on tienn- »

    La brume ne l’aura pas laissée finir. Son émissaire revient à l’assaut, sa gueule tordue de rage dévoilant des rangées de crocs. Toutes griffes tendues et prêtes à lui lacérer le visage.

    Lancer de dé sur random.org:

    Plongeant en-dessous des bras décharnés dans un cri de peur mêlé de rage, Soredamor frappe la jambe jusque-là indemne. Sa lame s’enfonce en profondeur dans la carne rêche, éclaboussant la créature hurlante d’une bouillie noirâtre. Elle dégage son arme avec autant de force, pour essayer d’atteindre le nœud de viscères luisantes nichées dans son abdomen. Imprudence ; la bête en profite pour lui lacérer à nouveau le bras déjà infirme, dans son mouvement de recul. Alors que le Marchebrume se recroqueville de nouveau dans son âtre, l’aventurière grogne de douleur, ruisselante de sueur, d’humidité et de larmes salées. Au moins, tout ce vacarme aura le mérite de guider les Belluaires vers elles, au risque de demeurer visibles auprès du prédateur. Haletante, Soredamor décide de partager l’idée :

    « Faut qu’on fasse… urgh… un maximum de bruit. Si t’as envie de gueuler un bon coup, c’est maintenant. »

    Sa lèvre inférieure tremble. De nouvelles vannes s’ouvrent pour laisser son sang couler le long de son bras pour s’égoutter sur le sol. Une pensée ne cesse de tambouriner à ses tempes. Un réflexe qu’elle n’aurait pas cru avoir un jour.
    Si nous voulons survivre, ils doivent nous trouver. Vite.

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    Re: [QA] Je préfère les monstres à ce que la nuit me montre (ft. Soredamor)
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