Pour la première fois depuis bien des années, elle avait fait l’effort de changer de coiffure et avait laissé ses cheveux détachés, prenant grand soin de les rendre lisse et parfaitement rangés. Côté vêtement elle n’avait pas lésiné sur les moyens et n’avait pas non plus fait l’impasse sur son code couleur arborant encore et toujours des couleurs noires et rouges. La robe bien que simple rendait parfaitement honneur au corps parfaitement sculpté de la trésorière qui fut on ne peut plus satisfaite de ce qu’elle vit dans le miroir. Elle le sentait, cette soirée commençait sous les meilleurs auspices.
Ce ne fut qu’après de longues minutes de préparation que la jeune Milan quitta enfin la villa, elle avait bien entendu laissé un mot à l’attention d’Alphonse et pria pour qu’à son retour la maison ne soit pas une nouvelle fois sans dessus dessous. Emmitouflée dans son habituelle et longue veste noire, elle leva le nez vers le ciel. D’un noir d’encre ce dernier ne laissait même pas entrevoir la lune. Cela ne présageait rien de bon parce qu’en plus de risquer une averse, elle se voyait obligée de faire le trajet dans une luminosité plus que précaire. Au-delà d’avoir peur d’une quelconques agression, ce qu’elle craignait le plus était le simple fait de faire un plongeon tête la première vers le sol.
Son trajet fut jalonné de zébrures dans le ciel qui avait le mérite de l’éclairer tout en la faisant sursauter une fois sur deux. Elle avait toujours apprécié les orages, ce genre de phénomène était aussi intéressant que le plus beau des feux d’artifices à ses yeux mais elle devait tout de même avouer que les regarder de l’intérieur de sa maison était tout de même beaucoup plus sympathique. Enfin, elle n’allait pas se plaindre et surtout pour l’instant, rien ne pouvait entacher sa bonne humeur. Du moins, jusqu’au moment où une petite bruine vint doucement s’abattre sur la capitale. Insidieuse et silencieuse, elle annonçait l’arrivée de quelques choses de beaucoup plus violent mais ça Queen ne le savait pas. La seule chose qu’elle savait c’est que sa crinière était déjà entrain de se reformer sous forme de grosses boucles indisciplinées.
Morose, elle arriva enfin sur le perron de la maison où devait avoir lieu la soirée. Ses cheveux avant si lisse et ordonnés, n’était maintenant plus qu’un amas bouclé et sauvageon. Attrapant l’une de ses mèches, elle tira doucement dessus avant de la lâcher ; cette dernière venant se reformer comme un ressort contre sa joue.
- Décidément, Lucy me refuse les plus simples plaisirs. Puis elle soupira tout en tournant les yeux vers un homme qui était arrivé quasiment en même temps qu’elle, observant sa chevelure, elle ne put s’empêcher d’ajouter. - Vous au moins vous ne semblez pas avoir ce problème. Puis une deuxième fois elle soupira. - Veuillez m’excuser. Elle le contourna alors en lui offrant simplement un vague sourire envieux et disparut derrière la porte tenu ouverte. L’intérieur de la maison était, à l’instar de ses invités, richement décoré voir même trop décoré. Le propriétaire des lieux n’avait pas fais les choses à moitié, tant et si bien que le décor semblait terriblement étouffant même pour une adepte des richesses comme Queen.
Déboutant sa veste, elle se dénuda avant de la tendre au majordome qui se tenait juste à côté d’elle. S’inclinant promptement, il se mit immédiatement à la ranger avec grand soin, alors que de son côté l’argentière laissait ses iris azurite courir sur la foule, cherchant une personne ou place qui lui conviendrait. Cette soirée allait être fort intéressante, elle en était sûre.
"Bonjour, maman."
On toqua bruyamment à la porte. Les coups lui parurent nerveux, et rentra en trombe Emilia, la gouvernante du manoir. Celle-ci était visiblement bouleversée de voir autant de flammes tout autour d'elle, et encore plus de constater du cadavre devant elle. Elle hurla dans la pièce, ce qui fit mal aux oreilles encore ensommeillées du Maître des lieux. La domestique se mit à supplier son employeur à stopper cette vision d'horreurs, les larmes presque aux yeux. Keith fit un effort de concentration et bien vite, l'odeur, les flammes et le corps retournèrent au Néant, bien caché dans les souvenirs du jeune homme.
Emilia se redressa peu à peu en reprenant des couleurs, et visiblement elle n'avait pas du tout apprécié son réveil, elle aussi. Sa tenue laissait un peu à désirer, mais comme Keith n'avait qu'un bas de pyjama, peut-être était-il mal placé pour lui faire la remarque. Alors qu'elle allait prendre la parole, Keith la prit de court en lui offrant des paroles perdues d'un homme meurtri. Ou tout simplement faisait-il semblant car il ne voulait pas attendre de mots réprobateurs à son réveil.
"Je m'excuse de la frayeur Emilia. Encore... Une mauvaise nuit. Dites bien au personnel que je suis navré d'avoir encore dû montrer cela à tout le monde. Mais heureusement, Mère était avec moi, aujourd'hui."
Encore tremblante, la gouvernante ne se voyait pas sermonner son employeur. Déjà pour leurs rangs hiérarchiques respectifs, mais aussi car il devait être le plus à plaindre dans cette situation. Elle s'empara de la robe de chambre de Keith et l'aida à l'enfiler, gênée de le voir aussi peu vêtu. Il la remercia avant de la congédier.
Plus tard, alors que Keith s'était bien reposé, caféiné, lavé, habillé, il relu un papier avec intérêt. Une invitation officielle par un autre Noble, qui ne voulait convier que le gratin de la Capitale. Une sorte d'élite des Nobles, où il fallait être. Socialement, Keith ne pouvait manquer cela, et fut enjoué de voir ses efforts récompensés. On le reconnaissait comme une personne à connaître parmi ses pairs. Ce n'est qu'un premier pas. Pensa-t-il avec le regard dévoré par l'ambition.
Le soir venu, alors que le temps semblait se gâter, Keith descendit de son étude. Dans le hall de sa demeure se trouvait son cocher qui l'attendait, disposé à l'emmener à la fête. Veriano laissa la maison à ses domestiques de confiance, et prit la route. La calèche était bien obligatoire pour lui qui habitait en périphérie, proche des champs et des ranchs. Il aimait garder un oeil sur tout, et il construisit son fief avec son manoir en son centre. Pendant le voyage, il ferma les yeux, se reposant quelque peu avant d'arriver.
La voiture arrêtée une rue plus loin, le cocher vint doucement aidé son employeur à se redresser. Keith s'étira longuement dans la cabine, profitant de l'intimité de l'endroit pour se réveiller et échauffer un peu sa voix. Il ne voulait tout de même pas arrivé avec les yeux fermés et la gorge serrée. Une fois bien conscient de son environnement et son élocution doucereuse de retour, il fit signe au cocher de le déposer devant l'entrée. Lorsqu'il descendit, il vit une femme arriver. Très belle, certes, mais avec quelques problèmes capillaires. Veriano approcha de l'entrée et donc de la Dame, et l'entendit se parler à elle-même, avant qu'elle ne lui adresse la parole. Il eu un rire innocent précédant le second soupire qu'elle laissa échapper.
"N'ayez crainte, Ma Dame. Passez une excellente soirée."
Il la laissa passer avant de lui emboîter le pas. Une fois à l'intérieur, Keith qui était un de ces entrepreneurs excentriques attira vite l'attention, et parla rapidement à moult Nobles qu'il connaissait peu ou que de réputation. Les conversations s'enchaînèrent, tantôt il était le centre d'intérêt, tantôt il écoutait patiemment les autres, collectant leurs anecdotes, potins et avis pour son propre compte. Toute information est essentielle à prendre. Quelques instants plus tard, alors que la soirée se poursuivait, il vit plus loin la Dame avec laquelle il était arrivé. Il demanda poliment de qui il s'agissait, et on lui répondit.
"_ Vous ignorez qui est Queen Milan ? C'est elle enfin ! Lui répondit une vieille Noble.
_ Cette charmante petite Dame ? Vous vous moquer, allons !
_ Mais pas du tout, c'est bien elle ! Je suis d'ailleurs surprise de ne pas voir son frère, Primus Milan. Il a, paraît-il, beaucoup d'affection pour sa petite soeur. Commenta la même Noble
_ Ahah ! Merci de partager votre savoir."
Keith la fixa avec insistance pendant quelques instants tandis qu'elle regardait ailleurs. Les Milan... Il était de notoriété publique qu'ils étaient l'une des familles les plus influentes du royaume. Réussir à les approcher serait un tour de force ! Veriano s'excusa auprès de son groupe et se rapprocha de la jeune blonde. Il esquiva des serveurs en se saisissant de deux coupes de champagne, et aborda la Dame avec sa douceur habituelle. Captant son attention, il lui tendit une coupe à elle qui avait les mains vides.
"Vous semblez manquer de compagnie, Ma Dame. Puis-je vous accaparer un moment de votre soirée ?" Dit-il avec son sourire radieux, mais surtout avec les yeux animés d'un fort amusement. Comme s'il jouait le quitte ou double. "Je me présente, Keith Veriano, de la compagnie du même nom. Et auriez-vous la clémence de me donner votre nom ?"
Finalement, elle décida à son tour de se jeter dans la marée humaine qui lui faisait face. Rapidement plusieurs nobles, sans aucun doute des entrepreneurs, lui mirent le grappin dessus. Votre frère par ci, votre frère par là. Non son frère n’était pas là et c’était une chose qu’elle regrettait tout autant qu’eux. Elle aimait beaucoup Primus mais il était une personne bien trop jovial et gentille, ce n’était pas chose rare que ses associés fassent l’erreur de penser que sa chère petite sœur était dotée du même sens de la sympathie. Malheureusement pour elle, elle ne pouvait pas les envoyer paître comme elle le faisait avec les plébéiens, il en allait du prestige du Pristus ainsi que du nom de Primus. Alors elle revêtit un autre de ses nombreux masques. Un sourire mécanique, qui, pour ceux qui ne la connaissait pas pouvait sembler on ne peut plus sincère.
- Pardonnez l’absence de mon frère, il croule actuellement sous le travail et n’a pas pu se rendre à cette soirée. Il m’a d’ailleurs chargé de vous transmettre ses plus plates excuses. En vérité elle ne savait absolument pas pourquoi Primus ne s’était pas rendu à cette soirée et dans le fond, elle n’était pas sûre de vouloir le savoir. Si les deux Milan étaient liés comme les deux faces d’une même pièce, ils tenaient l’un comme l’autre à leur intimité. - Oui bien sur, vous pouvez faire parvenir vos demandes au Pristus via cette adresse. Dit-elle en hochant la tête à un autre homme qui lui tendait un petit morceau de papier avec une écriture en patte de mouche qu’elle ne prit même pas la peine de décrypter. - Maintenant Messieurs, si vous voulez bien m’excusez… Je ne suis pas la secrétaire de Primus, aussi, je vous laisserez voir cela avec lui après cette délicieuse soirée. Un nouveau sourire forcé et elle s’échappa dans la foule.
Un verre. C’est tout ce qu’elle voulait. Faire bonne figure lui demandait une énergie considérable et un sens du contrôle d’elle même qu’elle ne possédait quasiment pas. Ses yeux se mirent à parcourir les alentours dans l’espoir de trouver un serveur qui aurait encore un verre de disponible. A défaut d’avoir laissé ses cheveux ordonné, Lucy semblait avoir entendu sa requête puisqu’un jeune homme semblait vouloir engager la conversation, deux verres a la main. Doucement elle enroula ses longs doigts fins autour du verre avant de sourire.
- Vous lisez dans mes pensées, merci. Puis pendant qu’il parlait, elle but une gorgée. - Bien entendu, mon cher, joignez vous donc à moi. D’un signe de main, elle l’invita à prendre place à ses côtés. - Allons, ne faites pas comme si vous ne saviez pas qui je suis. Mon frère et moi sommes connu comme le loup blanc. Je pense qu’il n’y a pas un seul noble dans cette soirée qui ne connaisse pas le nom que je porte. Son regard se fit plus aiguisé et à la fois moqueur. - Queen Milan. Enchantée. Et si vous vous posez la question, oui je suis bien le monstre que tout le monde dépeint. Son sourire s’élargit et elle porta un toast avant d’avaler avec une élégance qui était propre à la femme qu’elle était, une grande gorgée de champagne. - Mais vous Keith, dites moi, quelle genre de compagnie tenez vous ? Je passe le plus clair de mon temps le nez dans les comptes alors ne le prenez pas mal, mais je ne suis pas vraiment au fait sur ce genre de sujet.
Son regard caressa alors la chevelure du jeune homme et son sourire se fit plus grand et plus sincère.
- C’est donc vous que j’ai croisé a l’entrée. Vous savez que cette crinière en ferait sans doute pâlir plus d’une ? Moi la première.
Keith jeta un regard circulaire à la pièce, avant d'accorder à la Dame tous ses égards. Il posa son verre sur son genou, à lui bien sûr, et avec le même sourire qu'il avait en l'abordant, il répondit aux interrogations qu'on lui posa en commençant par un léger rire à peine retenu.
"Allons, évidemment que je sais qui vous êtes, mais c'est votre nom après tout. Qui d'autre que vous serez aussi bien placé pour le prononcer ?" Il marqua un temps, laissant le temps à la réflexion suite à ses propos. Mais surtout qu'il ne connaissait pas vraiment les rumeurs sur les Milan et voulait trouver quelque chose à dire à ce sujet... Il se mit alors à parler plus bas en se penchant très légèrement vers Queen. "Et je ne doute pas d'être sagement assis en face d'un monstre, nous sommes une nuit sans lune, entouré de tous les êtres les plus dangereux d'Aryon, ici !"
Keith se redressa, en même temps que son coude pour boire une autre gorgée. Décidément trop doux. Il regardait la Dame, attentif à ses réactions, à ses moues, à son regard et ses sourires. S'il était plus renseigné sur les rumeurs des Milan, il aurait peut-être pu faire un commentaire plus constructif, mais il avait déjà tant à gérer lui-même, il ne pouvait se concentrer sur une seule famille. Même si visiblement, il remédiait en cet instant à cet état de fait. Veriano reprit la parole d'une voix plus audible, mais pas moins douce pour autant.
"Ma compagnie s'affaire autour de plusieurs secteurs, comme la logistique, l'élevage de bétails et chevaux de courses. Peut-être avez-vous entendu parler d'un hippodrome qui a été bâti il y a quelques années en périphérie de la Capitale ? J'en suis le propriétaire. Un lieu de détente, d'amusement et de paris pour les Nobles et le reste du peuple." Suite à son commentaire sur ses cheveux, il s'amusa sans se retenir pour cette fois, et fit un mouvement de tête exagéré, faisant doucement voler sa chevelure. "Croyez-le, Madame Milan, vous n'êtes pas la seule à me jalouser cette douce chevelure. Mais si je puis me permettre, c'est votre teint de peau qui rendrait envieux beaucoup d'entre nous, le saviez-vous ?"
Keith posa un instant son verre avant de réajuster rapidement ses cheveux qui venaient de voler dans un geste grandiloquent et inutile. La coupe regagnant sa main, il se laissa aller à une question.
"Et vous Madame Milan, à quoi peuvent ressembler les journées d'une Trésorière de votre acabit ?"
Le regard de Veriano ne se détacha pas de Queen, intrigué par les potentielles réponses. Ce n'est pas tout le monde qui vous accueillait en se qualifiant soi-même de monstre ! Keith eut un petit regret, s'il avait été mieux informé, peut-être aurait-il mieux gérer cette situation. Comme il était, il devait uniquement s'en remettre à de l'improvisation et son charisme. Autant dire à l'aléatoire.
Une rire franc mais retenu lui échappa par mégarde lorsqu’il baissa le ton. Définitivement, elle n’avait jamais rencontré quelqu’un comme lui. Plantant doucement une main sur ses lèvres, elle lui lança un regard rieur sans l’interrompre lorsqu’il poursuivit. D’un même mouvement, elle but une nouvelle fois en même temps que lui. A ce rythme, plus que deux gorgées et son verre serait complètement vide.
Plus Keith parlait et plus il éveillait l’intérêt de la jeune femme. En plus d’avoir un physique a se damner il semblait être une personne à garder dans son camps, ses affaires semblaient parfaitement prospères et propices au développement. Queen n’était certainement pas la plus au fait en matière de commerce mais elle savait reconnaître un bon cheval quand elle en voyait un et le jeune homme qui lui faisait face avait toutes les cartes en main pour réussir. Une personne à avoir dans sa poche, assurément.
Un nouveau sourire lui fut arraché lorsqu’il évoqua ses propre cheveux et son grain de peau, puis, ce fût à son tour de prendre la parole.
- Les gens se sentent tous bien placés pour prononcer le nom d’un autre. C’est ainsi que fonctionne la noblesse, mais j’apprécie votre sollicitude. C’est une jolie pirouette. Et par là, elle n’entendait clairement pas parler de la figure acrobatique mais bien de la capacité de Keith à retomber sur ses pattes. Une prouesse dont peu de gens était capable, du moins pas avec cette nonchalance. A son tour elle se pencha et chuchota à son intention. - En quoi croyez vous donc que cette vielle harpie, la Dame d’Ainval se transforme-t-elle les nuits sans lune ? Doucement elle pouffa avant de se redresser, avalant la dernière gorgée de son verre. - Oh voilà donc une regrettable situation. Se levant elle posa son verre dans un plateau qui passait à sa hauteur. - Veuillez m’excuser une petite seconde. Une nouvelle fois, elle disparut dans la foule et revint rapidement avec deux nouveaux verres, remplit de ce qui pouvait plus ou moins s’apparenter à du punch. Elle reprit finalement place après avoir posé le verre destiné à son vis-a-vis sur l’accoudoir.
- Je préfère toujours discuter avec un verre à la main, j’espère que ça ne vous gêne pas. En soit cela aurait bien pu le gêner que ça ne lui aurait fait ni chaud ni froid. Déjà que ces soirées étaient terriblement guindées, si en plus elle devait maintenant se refuser de petits plaisir de la sorte, elle ni survivrait pas. - Bien reprenons. Un hippodrome vous me disiez. Je vois plutôt bien oui. C’est donc vous propriétaire ! Je ne vous aurait pas cru aussi jeune. La plus part des propriétaire de lieu de jeux comme le votre son souvent des personnes beaucoup plus… Elle glissa un regard dans sa direction. - Âgé. Cependant, je dois avouer que je m’y suis jamais rendu. Encore une fois, ne le prenez pas pour vous mais je n’ai que peu d’affection pour les jeux d’argents. Sans doute les manies qui incombe à une argentière. Ses lèvres s’entrouvrirent doucement pour laisser le nectar passer, venant chatouiller doucement son palais. Il avait au moins le mérite d’avoir un goût beaucoup plus sucré et prononcé que le champagne qu’elle avait bu juste avant et cela lui plu immédiatement. - Mais je suis curieuse, mon cher Keith. Qu’est ce qui a décidé un homme comme vous à ouvrir un hippodrome ?
Une nouvelle fois elle croisa les jambes. Cet hippodrome était un véritable pain bénit aux yeux de la jeune femme.
- Un verre de champagne et maintenant un compliment, je vois que vous savez parler aux femmes monsieur Veriano. Puis minaudant quelques instant, elle reprit son sérieux avant de poursuivre. - Vous dire que mon travail est intéressant pour quelqu’un d’autre que moi serait mentir. Ma vie se résume à mon travail et aux chiffres. Les journées sont éreintantes et la reconnaissance inexistante. Mais allez savoir pourquoi, j’apprécie sincèrement mon poste. Contrairement à bien des gens, fixer l’impôt est aussi une de mes qualifications et je peux vous dire que peu de gens sont contents lorsque cela arrive !
Queen se leva soudainement, son verre semblait vide et... Le sien aussi. Misère, cela partait décidément trop vite pour lui ! Elle s'éclipsa un instant, où le jeune homme remit en place ses cheveux avec un peu plus d'adresse, et elle revint avec du réconfort liquide. Il ignorait quelles rumeurs ou racontars sévissaient à son sujet, mais au moins, elle s'était levée d'elle-même pour aller chercher des rafraîchissements et non pas commander un domestique. Ou même attendu. Je ne suis pas le seul porté sur la bouteille, à ce que je vois. Sa main empoigna le verre qu'on lui tendit et il remercia à demi-mot la Dame, pour ne pas l'interrompre vulgairement. Une part de lui était déçu de voir du punch, il espérait une boisson forte non diluée, pas quelque chose qui pouvait vous prendre en traître et vous rendre ivre sans que vous ne le voyiez venir. Il devrait faire attention à partir de maintenant. Certes, il tenait bien l'alcool, que ce soit par sa physiologie ou son habitude, mais il ne voulait pas prendre de risque inutile. De l'eau, si je ne compense pas avec de l'eau, je vais mal finir. Et ce n'est vraiment pas la soirée pour ça...
"Je vous comprends, c'est plus agréable d'avoir une main occupée et un coude levé." Il fit glisser une main sur sa propre joue avec un sourire volontairement anrquois. "Oui, j'ai encore quelques belles années devant moi..."
Keith remarqua qu'elle ne rebondit pas sur les chevaux, mais sur ses motivations à lui pour avoir érigé pareil bâtiment. Cela le ravit et sûrement que cela se verrait. Pour une fois que la personne face à lui posait une question qui le ferait réfléchir au lieu de répondre machinalement les mêmes inepties ! Les méninges de Keith se mirent en route, et son sourire joyeux reprit place bien vite. Queen montrait un naturel tout à fait charmant, et cela avait le don de faire plaisir à Keith, qui avait l'habitude des faux-semblants ou encore des naturels ennuyeux.
"Je vous remercie de vos paroles, cela me touche. Pour mon hippodrome, j'ai décidé de créer cet édifice en fonction de mes partenaires acquis et éventuels. J'avais des éleveurs de chevaux et des entrepreneurs immobiliers, je n'ai plus eu qu'à chercher des fournisseurs de matières premières et un terrain !" Il se tut un instant, faisant tourner son doigt autour du rebord du verre, puis reposa son regard noisette dans les yeux d'agate de Queen. "Je cherchais un lieu de divertissement qui pourrait plaire à tout le monde, un sport qui serait à même d'être apprécié par toute la population. Mais aussi de non-violent pour limiter le nombre d'accidents et la mauvaise publicité. Dans une arène, un gladiateur peut très vite se retrouver estropié sur un faux mouvement, et alors là, adieu à votre champion. Dans une course, les risques de ce côté sont minimes ! J'ai donc lancé ce projet grâce à nombreux investisseurs qui croyaient en mes idées."
Il relaissa volontiers la parole à la Dame, et il ne pu s'empêcher d'avoir un mouvement de tête entendu lorsqu'elle parla de l'impôt. Fléau des commerçants, mais pourtant indispensable à la nation. Levant enfin son verre, il prit un peu de punch, et regarda par la fenêtre les nuages noirs, l'espace d'un instant.
"Je suis certain que vous vous débrouillez bien à ce poste. Vous avez l'attitude qui va de pair avec les métiers à responsabilités. Même si ce n'est que mon ressenti, pour être parfaitement sûr de ce que je dis, je devrais vous voir plus à l'oeuvre. Mais il est vrai que vous regardez gribouiller des chiffres ne doit pas être passionnant à faire." Il ponctua sur un rire léger, qui se voulait complice. "Que faites-vous alors, pour vous amuser lors de votre temps libre ? C'est que votre activité professionnelle semble vous prendre beaucoup de votre temps !"
Alors c’est dans un silence religieux qu’elle le laissa poursuivre, hochant la tête par moment, buvant quelques petites gorgées à d’autres. Elle notait aussi tous les petits détails qu’il lui offrait sans s’en rendre compte. Comme le fait que son hippodrome accueillait toutes les classes de personne. Ce qui signifiait que les rentrées d’argent devaient être faramineuses et aussi qu’il était aisé d’y croiser de gros poissons. Elle nota aussi qu’il était un homme prudent, qui ne pariait pas sur l’inconnu malgré les services que proposait les lieux qu’il tenait. Un sourire vint décorer son visage. Atypique et intelligent. Voilà deux qualités qui plaisait beaucoup à la Milan mais qu’elle se garda bien de le lui révéler. Un trop plein de compliments ne serait pas forcément bon.
Il enchaîna ensuite sur le travail de la jeune femme. Et sa question la mura un peu plus dans le silence. Que faisait-elle lorsqu’elle ne travaillait pas ? Elle travaillait. En vérité, rare étaient les moments où elle faisait une pause. Et lorsque c’était le cas c’était uniquement pour passer une soirée en compagnie d’Owain ou de Morgan à l’époque. Ce qu’elle ne pouvait décemment pas lui révéler. Son regard morne se raviva lorsqu’elle remarqua que Keith s’était interrompu pour lui laisser l’occasion de parler. Toussotant, elle ne se fit pas prier.
- Vous êtes une personne prévoyante. Les hommes sont d’habitude peu réfléchit. Du moins, ils ont un amour de la guerre et des affrontement que j’ai parfois du mal à saisir. Un hippodrome est une très bonne idée. Cela vous permet à la fois d’accueillir des personnes de haut rangs, comme des familles venu la pour profiter d’un spectacle tout ce qu’il y a de plus anodin. Si vous me permettez d’employer ce terme. Sa main libre monta doucement jusqu’à son propre menton, qu’elle caressa du bout des doigts. - De plus c’est le genre de lieux dont nous manquions cruellement a Aryon. Les temps ne sont pas toujours facile et les gens ont besoin de se changer les idées. Quoi de mieux qu’un lieu d’amusement et de détente pour cela.
Si Queen avait bien retenue une chose suite à ses années en tant que trésorière, c’est que pour que le peuple ne se rebelle pas, il fallait lui donner de quoi s’occuper. Que cela soit de l’amusement, du travail où tout autre chose. Les plonger dans une sensation de contrôle et de confort était la meilleure stratégie qu’elle pouvait s’offrir.
- Sans compter que lier chacun de vos partenaires sur un même lieu est véritablement une très bonne idée. L’air pensif, elle avala une longue gorgée et changea de sujet. - Malheureusement mon âge ne va pas de pair avec les métiers a responsabilité. Oh bien entendu, je mesure la chance que j’ai d’être trésorière royale à un si jeune âge mais si j’avais eut quelques années de plus, mon ascension aurait sans doute était un peu plus… Fulgurante. Du moins c’est qu’elle croyait dur comme fer. Si elle avait eut une année de plus, elle aurait pu prétendre à la place de conseillère, ce qui lui aurait permit d’approcher la couronne d’un peu plus près et si elle avait eut seulement six ans de plus elle aurait sans aucun doute pu spolier sa place de première ministre à sa maudite cousine tout droit sortie de cuisse bâtarde de Jupiter.
- Enfin passons… Son regard passa par dessus l’épaule de Keith et elle adressa un regard foudroyant à toutes les langues de vipères qu’elle savait déjà bien pendu sur leur compte. - Ne vous attendez à rien d’extraordinaire. Comme vous l’avez dit vous même mon travail me prend beaucoup de temps et j’ai la mauvaise manie d’en ramener chez ou pire encore de proposer mes services à certaines familles qui m’en font la demande. Même si sa réputation n’était pas des meilleures, il était de notoriété publique que la jeune femme faisait un travail d’excellente qualité. Aussi, il n’était pas rare que de grandes familles ou grosses entreprises ne fassent appel à elle afin de remettre leur compte à neuf. Bien entendu elle leur prélevait une coquette somme mais cela le valait bien. - Sinon il m’arrive de passer quelques soirées en bonne compagnie ou autour d’un bon verre. Je suis aussi quelqu’un qui aime le sport, sans vouloir me vanter, on ne façonne pas un corps comme le mien en restant uniquement derrière un bureau à enchaîner les devis. En vérité, c’était mère qui lui avait imposée cette routine sportive depuis son plus jeune âge. « Un beau corps attire toujours les faveurs » lui avait-elle un jour dit lorsque la jeune héritière entrait tout juste dans l’adolescence. Avec le temps, elle s’était aperçue que c’était une triste vérité et elle n’avait donc jamais cessée. Terminant sa phrase elle l’a ponctua par un dernier trait de nectar. - Et vous alors ? Qu’est ce que le jeune Keith Veriano fait donc de ses temps de repos. Après tout, votre travail doit être aussi éreintant que le miens, si se n’est plus.
La Dame prit la parole, commentant tout ce qu'elle venait d'entendre. C'était très agréable. Pas seulement parce qu'elle lui démontra une certaine approbation de ses choix, et venant d'une trésorière royale, c'était à ses yeux un éloge significatif ! Mais aussi car elle rebondissait sur ce qu'il lui disait. Combien de Nobles n'écoutaient que leurs propres histoires et pensées, réduisant ainsi à néant les capacités oratoires de Keith...? Bien trop, et c'était d'un ennui. Que la jeune Milan ne soit pas ainsi rendit l'expression bienveillante du jeune homme des plus naturelles.
"Je suis honoré d'entendre des paroles aussi sages et clémentes envers ma personne et mon entreprise. Je serai enchanté d'avoir un jour l'occasion de vous faire faire le tour du propriétaire. Voire même d'espérer vous voir vous y amuser."
Puis, elle enchaîna sur la question qu'il lui avait posé. Et ce qui frappa Keith, était son ambition. Elle semblait savoir ce qu'elle valait, et pour une raison d'âge, elle n'avait pas tout ce qu'elle méritait. Sans être à sa place, Veriano pu comprendre ce sentiment. Malgré son sourire et son faciès joyeux, ses yeux s'assombrirent bien vite. Toujours devoir faire ses preuves auprès de gens inférieurs, plus stupides. Des parvenus gâtés qui ont des responsabilités factices, ou qu'ils gèrent piètrement. Il en avait vu tellement au cours de sa jeune vie, à commencer par son propre père...
Et l'espace d'un instant, le regard de Queen était aussi malveillant que le sien. Pourquoi ? Il se ressaisit pour reprendre un air délicat, et jeta un oeil en direction de ce qui avait attiré l'attention de la Dame. D'autres Nobles qu'il avait déjà croisé, et dont l'intérêt ne restait que purement professionnel, à ses yeux. Sans perdre un instant de plus, il reporta toute son attention sur la Milan, l'écoutant avec une politesse absolue. Quand elle parla de son corps, Keith était assez fier de lui, et bloqua son regard dans ceux de Queen, sans cligner. Il résista à la pulsion de jeter un regard à son corps, ce qu'il aurait considéré comme impoli. Certes Humain, mais impoli. Il savait déjà que la Dame était radieuse et il la croyait sur parole quand elle parla de la beauté de ses lignes. Inutile de lui lancer un regard lascif involontaire. Il prit quelques gorgées, comme pour se féliciter lui-même. Une part de lui-même se disait qu'il devait tout de même lui faire quelques louanges pour répondre à son affirmation. Qu'est-ce que je peux dire de juste et de poli...?
"D'aussi belle que soit votre apparence, chère Dame, c'est votre force de personnalité qui la rend si ineffable à nos yeux." Il eut un sourire pour la jeune Queen qu'il trouvait sincèrement agréable à côtoyer, et continua. "Pour vous répondre, je dois admettre être dans un cas similaire au vôtre. Je travaille plus que de raison, et il m'est difficile de trouver des moments de loisirs. Fort heureusement, j'apprécie l'équitation, la lecture, la philosophie, et plus que tout..." Il fit exprès de s'interrompre à cet instant, buvant un peu de son punch. "Les rencontres mondaines comme celle-ci, où je peux découvrir de nouvelles personnalités, laisser libre cours à mon caractère social ! Bien sûr, il m'arrive de parler avec les gens du peuple. Ils ont moins de manière ou de richesses, mais ils n'en demeurent pas moins intéressant, lorsque l'on sait chercher."
Keith posa ensuite son verre non fini sur la table à côté de lui, se souvenant de ses propres pensées : breuvage traître. Un domestique croisa son regard, et il lui fit signe d'approcher, afin de lui demander de l'eau. Il comptait bien profiter de cette soirée, et être sobre semblait important pour cet objectif. Le domestique s'exécuta, il reviendrait sûrement d'ici quelques instants. De nouveau libre de pensée, Keith regarda Queen.
"Je ne vous connais pas encore très bien, Madame Milan, mais je suis certain que vous êtes une personne assidue et dévouée à la tâche. Ce sont des qualités rares, j'en ai bien peur, mais vous pouvez vous vanter de posséder les deux. Je pense que d'ici quelques années et un peu plus de connaissances et d'alliés, vous pourriez viser des postes plus importants qui pourront satisfaire toutes vos convoitises. Du moins, c'est tout le mal que je vous souhaite."
Keith semblait être de la même trempe qu’elle mais lui avait tout de même beaucoup plus d’activités externe. Peut-être même trop aux yeux de la blonde. Comment était-il capable de tout gérer de front ? Où trouvait-il le temps de s’adonner à ses passes temps et à son travail alors même qu’elle peinait à aligner plus de quatre heures de sommeil. A la fois curieuse et envieuse, elle le fixa avec un peu plus d’attention et ouvrit la bouche en forme de o lorsqu’il évoqua les soirées mondaine. Il avait raison, c’était véritablement des moments intéressant mais clairement pas pour les mêmes raisons. Keith était apparemment aussi sociable que Queen associable, aussi même si elle adorait se montrer à ce genre d’événements, il y avait toujours ce point noir qui était le siens, la diplomatie. Heureusement, bien souvent, elle venait au bras de son frère et laissait se dernier gérer les gens qui venaient à leur rencontre.
En parlant de Primus, voilà que le jeune Veriano venait de le lui rappeler. Le peuple, toujours le peuple. Les paroles que venait de prononcer le brun auraient parfaitement pu sortir de la bouche de l’aîné des Milan en personne et cela la renfrogna très légèrement. Dans un sens, elle pouvait les comprendre. Le commerce n’aurait certainement pas de beaux jours devant lui si il se contentait de ne côtoyer que les nobles. Mais cet intérêt et cette affection que les deux hommes portaient à la plèbe lui était parfaitement incompréhensible et lui donnait des hauts le cœur à leur simple pensée.
Toujours silencieuse, son regard suivit le domestique qui s’approcha du jeune Veriano pour prendre sa commande, puis elle esquissa un léger sourire à ses paroles. Il ne savait pas à quel point, ses dires étaient vraies. Une fois qu’elle serait en âge, qu’elle aurait construit de ses mains un réseau de contact inébranlable, elle prendrait la place qui lui revenait de droit. Mais l’heure n’était pas aux complot et à la mesquinerie. Pas encore.
- Ce serait un véritable plaisir pour moi que de venir vous rendre visite la-bas. Dit-elle simplement. Et pour le coup, elle était sincère. En plus de passer à nouveau un moment en agréable compagnie, elle pourrait véritablement voir à quoi ressemblait cet établissement ce qui n’était pas pour lui déplaire. - Vous me flattez ! Mais je pense que votre personne est tout aussi appréciable, je puis vous l’assurer. Ses lèvres se posèrent doucement sur le rebord du verre, moment où elle laissa à nouveau son regard divaguer. - Je suis jalouse. Comment diable avez-vous le temps de vous adonner à autant d’activité ? Je suis vraiment curieuse de le savoir. Je m’échine à organiser de monstrueux plannings et même de cette façon cela m’est impossible. Même si elle ne souriait pas vraiment, ses yeux étaient rieurs eux.
- Aaaah… Cette façon de parler. Vous me faites penser à mon frère. L’amour qu’il porte au peuple est certainement l’une de ses faiblesses. Sans pouvoir s’en empêcher elle grimaça et changea de sujet. - Lorsque cela arrivera… Dit-elle tout en plantant son regard limpide dans le siens. - Je n’oublierais pas cette conversation. Ensuite, avant qu’elle n’ait le temps de poursuivre, un homme, l’hôte de cette sauterie, tapotait un verre à l’aide d’un couvert.
- Mes dames, Messieurs ! Cette soirée va enfin pouvoir commencer, tous les convives sont enfin réunis… Il s’interrompit et la foule applaudit avec entrain, Queen tapotant vaguement le dessus de sa main plus par politesse que réel intérêt. - Je vous enjoindrai donc de trouver un ou une partenaire et d’ouvrir la première danse de cette soirée ! Au moment où il se tue, les chuchotis fusèrent de part et d’autres de la pièce. Les dames lançaient des regards équivoque à leur comparses masculins et ses derniers n’hésitaient pas à les lorgner ouvertement.
- Diantre. Murmura Queen tout en se levant finalement du canapé où ils étaient tout deux installés. - Bien nous n’avons plus beaucoup d’options. Dit-elle alors que ses iris continuaient de passer la foule au crible, gratifiant plusieurs hommes d’un signe négatif de la tête. - Préférez vous danser ou fuir cette cacophonie et poursuivre cette conversation dans les jardins ? Pour une fois elle laisserait le choix à la personne qui l’accompagnait, principalement parce qu’elle n’avait absolument pas de préférence. Danser était fort agréable, tout comme se promener à l’air libre sous un ciel nuageux. - Oh et appelez moi Queen, s’il vous plaît. Enfin, elle se tourna vers lui et attendit sa réponse.
Queen lui répondit, et ce qui lui parvint aux oreilles lui fit plaisir. Entendre des gens curieux, voire enthousiastes à l'idée de venir voir d'eux-mêmes tout ce qu'il avait bâti en quelques années était toujours un moment de fête pour lui et son égo. Il inclina poliment la tête en recevant les louanges de la Milan, et elle enchaîna sur leurs loisirs. Ah, elle s'acharne au travail, mais rêve de plus de temps pour elle-même ? Quelle dévotion à la tâche. Le sourire de Keith devint plus doucereux en pensant cela. Son intérêt semblait s'accroître alors que la Dame réaffirmait une nouvelle fois qu'elle méritait son statut par le travail qu'elle fournissait. Si le principe de méritocratie avait le moindre sens en Aryon, nul doute que l'avenir de Queen était assuré. Et cela avait l'honneur de faire scintiller les yeux de Keith comme rien d'autre... Une opportunité s'offrait à lui, et jamais il ne laisserait cela passer !
"De la jalousie, comme vous y allez ! Déjà, je m'appuie sur des collaborateurs de confiance, j'ai des domestiques zélés aptes à m'aider au quotidien et me retirer une part de stress. Voyons voir, j'ai également tout à proximité, que ce soit ma bibliothèque ou mes écuries, je ne perds donc pas de temps sur le trajet. Quant aux soirées mondaines, je les considère à la fois comme du travail et un plaisir. Ce qui me permet d'être toujours enjoué en y allant !"
Sa phrase se ponctua d'un léger rire, et il s'abstint de dire qu'il manquait lui aussi de sommeil. Il aurait été mal avisé de lui parler de ses troubles ! Elle prolongea ensuite, parlant de son frère. Elle le comparait à lui ? L'un à l'autre ? Il n'avait jamais rencontré de membres de la royauté en privé, ou même les ministres. Ce serait comme se jeter dans la gueule du loup, la puissance des Veriano était encore timide en comparaison à d'autres familles, et si pareille rencontre devait avoir lieu, ce serait selon les conditions de Keith. Hors de question de perdre l'avantage et de se retrouver en position de faiblesse avant même de commencer à parler ! Toujours en écoutant Queen, celle-ci réitéra son aversion au peuple. C'était bien ça, alors. Mais la suite l'intrigua bien plus. Elle se souviendrait de cette conversation ? Comme si lui allait l'oublier... Les enjeux et le plaisir étaient tels qu'il n'aurait aucun mal à s'en rappeler !
Il n'eut pas le temps de lui répondre, qu'un homme richement vêtu interrompit les convives pour annoncer le temps fort pour les danseurs. Pendant son monologue, le serveur déposa de l'eau proche de Keith qui pu en boire pendant ce temps. À la fin du discours, Keith joignit son applaudissement aux autres, et son regard se porta sur Queen sans une once d'hésitation. Elle se leva et elle fit plusieurs refus à des hommes qui croisèrent le bleu de ses yeux. Cela l'amusa, encore plus avec ce qu'elle déclara par la suite. Refusant autrui, mais acceptant une danse avec Veriano. Il se leva alors et fit mine de réfléchir. Comme s'il allait manquer une occasion pareille ? S'afficher publiquement avec la famille Milan, alors que la Dame avait repoussée d'autres familles, était une aubaine qu'il ne manquerait pas. Keith était à l'aise avec tout ce qui avait trait aux soirées, et la danse de salon en faisait évidemment parti. Il se pencha lentement sur la Dame pour lui murmurer à l'oreille, malgré la musique qui avait reprit.
"Je suis tout à fait enchanté à l'idée de continuer cette conversation avec vous, Queen. Mais je dois admettre que je ne me sens pas capable de laisser la situation telle quelle est. Regardez notre hôte accaparer toute l'attention pour lui. Je n'ai qu'une envie, c'est de lui ravir cela et de faire porter tous les regards sur nous." Elle ne pouvait certainement pas le voir ainsi, mais le ton de la voix de Keith était bien trop joyeuse. Il avait ce timbre de voix qui révélait une certaine sournoiserie. Après quoi, il recula d'un pas et se courba respectueusement, offrant une main à la Dame. "Me feriez vous l'honneur d'être ma partenaire de danse, ma chère ? Et de grâce, appelez-moi aussi par mon prénom !"
L'arrogance de Keith transparaissait dans ses mots, et son amusement ne semblait que croître. Il avait cet air confiant à la hauteur de ses envies, et il attendit patiemment la réponse de la jeune Milan. Nul doute que si elle acceptait, qu'il donnerait son maximum pour être à la hauteur de ses affirmations, et qu'il lui ferait passer un délicieux moment sur la piste.
Sortant enfin de sa torpeur, Queen tourna le regard en direction de Keith, attendant toujours sa réponse. Réponse à laquelle elle ne s’attendait pas. Par bienséance nombreux étaient les hommes qui acceptaient de danser. Pourtant quand elle observait son visage il semblait au contraire bien content. Un peu trop peut-être. Peu importe, cela lui ferait du bien de se dégourdir les jambes, même de cette façon. Elle ne faisait pas partie des meilleures danseuses c’était indéniable mais elle connaissait sur le bout des doigts toutes les danses qui incombé à ce genre de soirée. De plus elle avait toujours cette aura princière qui lui permettait de cacher les quelques défaut de ses pas de danse. Alors, lorsque le jeune Vériano se pencha a son oreille en chuchotant elle ne put que sourire. Et ses yeux suivirent son visage lorsqu’il courba l’échine face à elle. D’un mouvement délicat et aristocratique elle fit une révérence avant de poser avec douceur la main sur la sienne.
A l’instant même où son geste d’acceptation fût perçu par les autres convives, des chuchotis s’élevèrent. Arrachant un petit rire à la jeune trésorière qui plaqua élégamment une main sur sa bouche après avoir abandonné son verre à un domestique. Son regard se détourna de la foule et se concentra sur Keith, le laissant la guider vers la piste sans résistance aucune, le dos droit et l'air plus fier que jamais.
- Je crois que ravir l’attention de nos pairs n’a pas été une chose compliquée. Vous déchaînez les foules, Keith. Dit-elle sur un ton à la fois taquin et moqueur. Une fois que tous les couples furent positionnés sur la piste, la musique s’interrompit, signe que le morceau de danse allait enfin commencer. - Je ne m’attendais aucunement à ce que vous acceptiez de danser, je vous voyais plutôt flâner dans les jardins. Les premières notes parvinrent alors aux oreilles de la blonde et elle se mit face au jeune homme se penchant ensuite en avant pour murmurer à son oreille comme lui l’avait aussi fait quelques minutes auparavant. - Bien je crois que c’est a notre tour d’éblouir cette assemblée, amusons nous. Puis elle se recula et lui sourit avec un air mutin.
"_ Queen Milan va danser ?
_ Mais qui est cet homme ?
_ L'héritier Veriano, il me semble.
_ Elle a véritablement accepté une danse avec cet homme ?
_ Je les envie."
Et ils continuèrent ainsi jusqu'à ce que la musique se calma quelques instants, où les deux protagonistes se firent face.
"Je pense que votre charme n'est pas étranger à cet élan de curiosité, Queen. Mais soyez sans crainte, je serai plus que ravi de prendre l'air en votre compagnie après quelques danses. Cela fait une éternité que je n'ai eue la joie d'une valse."
Il se pencha un peu sur elle également, pour lui prêter l'oreille alors que la musique reprit. Keith ne lui répondit que par un sourire tout aussi malicieux, avant de saluer sa cavalière.
Esquiva un pas vers la charmante blonde.
Au centre de cette marée où tout bouge,
Leurs sourires narquois égayèrent le monde.
Il fit glisser la main de sa cavalière
Au creux de la sienne, l'attrapant avec chaleur.
Leurs fines ondulations étaient hautes en couleur
Tandis que la musique s'élevait dans l'air.
Main sur la hanche, le Noble la conduisit,
Dans un tourbillon de plaisir, de fantaisie,
Dansant jusqu'à avoir le minois cramoisies.
Après quelques autres danses, le duo des Nobles les plus outrecuidants de la soirée fit place sur la piste. Keith proposa une pause à Queen, et l'accompagna aux bords de la salle afin de leur permettre de rependre leur souffle. Encore debout, et toujours avec une assurance dans ses mouvements, Keith invita sa partenaire à s'asseoir sur un canapé à ses côtés.
"Vous avez une connaissance remarquable de nos danses traditionnelles. Je me suis beaucoup amusé ! Je vous remercie d'avoir accepté cette danse."
Veriano souriait jusqu'aux oreilles, croisant parfois le regard d'autres Nobles qui le fixaient comme une curiosité. Cela l'amusa, car il se disait qu'il serait bientôt connu de tous dans ces soirées. Content de sa soirée, il reporta son attention sur celle qui lui avait permis de tant se divertir avec son regard empli de bienveillance.
- Croyez vous donc que vos charmes ne font pas d’effet Keith ? Lui répondit-elle juste après qu’il l’eut lui aussi complimenté. Il était vrai et parfaitement indéniable de dire qu’elle n’était pas belle, mais lui aussi avait tout autant de charme. A eux deux, ils formaient une paire délicieusement enivrante. - Nous aurons tout le temps de prendre l’air ensuite, j’en suis certaine. Souffla-t-elle avant de le saluer en retour.
Puis ils dansèrent. Le jeune homme n’avait pas menti, il était bon danseur, très bon même. Peut-être plus doué qu’elle mais elle serait bien incapable d’avouer être moins brillante. La main au chaud dans la sienne, elle se laissa guider avec grand plaisir sur toute la piste, sur tous les rythme, qu’ils fussent des valses ou des danses plus tumultueuses. Sa main sur son épaule, la sienne sur sa hanche leurs danse était harmonieuse bien qu’elle n’ait en rien besoin de se forcer. Cela dura un moment, moment qui passa comme un éclair. Ce ne fut que lorsque son partenaire lui proposa une pause qu’elle se rendit compte que cela ne lui ferait pas de mal, ses joues étaient en feu et il ne faisait aucun doute quant au fait que ces dernières étaient rouges sans avoir besoin d’aucun fard.
Queen le suivit donc avec plaisir jusqu’au abord de la piste, prenant place à ses côtés sur le canapé. Levant la main d’un geste élégant pour intercepter un serveur, lui commandant deux verres d’eau. La trésorière se mit alors à rire en réponse aux paroles de Keith avant de poser avec douceur une main sur sa propre poitrine.
- Peut-être, mais vous vous m’avez caché votre endurance. Par Lucy ! Vous êtes né pour danser ! Puis elle éclata de rire, attrapant les breuvages que lui avait rapidement tendu le domestique, en offrant un à son interlocuteur. - Après avoir vu ça, vous pouvez être sûre que toutes les demoiselles d’Aryon voudront se tenir à vos côtés dans les prochaines soirées. Enfin, elle bu, peut-être un peu trop précipitamment puisqu’elle manqua de renverser quelques gouttes sur sa robe. - Merci à vous d’avoir choisit de danser, cela faisait longtemps que je n’avais pas eut un partenaire tel que vous. A vrai dire son partenaire habituel était son frère, elle avait dansé avec d’autres personnes bien entendu mais cela remontait à il y a bien des années et c’était aussi des moments qu’elle préférait oublier. Des moments révolu. Son regard se ternit un instant et elle reprit contenance.
- Bien ! Elle toussota comme si cela pouvait chasser les idées noires qui avaient traversées son esprit. - J’ai un peu chaud, j’aimerais sortir un instant. Si cela ne vous dérange pas.
De retour sur un canapé, Queen lui tendit bien vite un verre d'eau qui fut le bienvenu. Keith l'attrapa en le vidant doucement entre deux souffles. Son regard en coin se perdait parfois dans la foule, observant les personnes qui avaient vu leurs efforts sur la piste. Il acquiesça aux paroles de Queen avec un sourire bien léger, et répondit calmement.
"Peut-être que ces demoiselles souhaiteraient m'avoir en tant que cavalier, mais je ne puis me permettre de danser avec n'importe qui. Et vos louanges me réchauffent le coeur, sans parler de mes joues en feu !"
S'en suivant il prononça un petit rire, et fit l'acquisition d'un nouveau verre d'eau. La soirée se passait très bien. Mieux encore. Rencontrer des gens, attiser les convoitises, danser avec une excellente partenaire. Un moment de détente tel qu'il les aimait et il soupira un instant de contentement. Comme s'il avait accumulé un peu trop de joie et qu'il devait en laisser ressortir. En revanche, en regardant Queen un brin perdue dans ses pensées, elle afficha un air bien sombre. Cela ne dura pas bien longtemps, et elle proposa de sortir. Avec sa formulation, Keith hésita si elle proposait à celui-ci de sortir avec elle ou si elle avait besoin d'un peu d'isolement, s'en retrouvant perplexe. Cela ne dura pas et il prit la décision de l'accompagner. Il se leva et tandis poliment la main à Milan pour l'aider à se lever.
"Certes, cela nous fera beaucoup de bien. Je ne serais pas contre un bon bol d'air frais."
Son sourire était revenu à lui aussi, et sur le chemin les séparant d'une porte vitrée, Keith déroba avec un malin plaisir une bouteille de la table. Se sachant observé, il adressa une certaine candeur sur son visage, laissant flotter ses cheveux dans un mouvement de tête exagéré, quant à son geste. De son autre main, il attrapa deux verres et ils purent se faufiler dans les jardins.
Il faisait très sombre. L'air était un peu chaud et la lune ne perçait pas entre les nuages, ce qui restait agréable après avoir dansé comme ils ont pu le faire. Avec les lueurs qui lui parvenaient depuis l'intérieur, il lu ce qui été marqué sur la bouteille, se demandant bien ce qu'il avait prit. Cognac. Il haussa les épaules, espérant surtout que la jeune Milan apprécierait. Les femmes appréciaient des alcools moins fort d'ordinaire, ou bien plus raffinés, comme le vin, mais Keith ne voulait pas faire de généralités et imposer des clichés à la Dame qui l'accompagnait. Invitant Queen à s'éloigner un peu pour éviter de n'être que des attractions pour les curieux qui regarderaient depuis le coeur de la fête, Keith la mena près d'une fontaine au coeur de la roseraie. Il y faisait un peu noir, ce qui ne sembla pas déranger le jeune homme dans ses mouvements, très habitué à s'orienter de nuit. Et au pire, il pourrait faire un peu de lumière si cela se faisait sentir, il ne s'en inquiéta donc pas.
"L'air vous fait du bien, Queen ? Vous avez eu l'air d'avoir quelques vertiges sur le canapé."
Il ne proposa pas plus son aide. Pas qu'il la refuserait, au contraire, mais en face de lui, il s'agissait de Queen Milan. Keith avait suffisamment discuté avec cette femme pour la croire capable de s'occuper d'elle toute seule, et il ne voulait pas l'insulter en sous-entendant par étourderie qu'elle était fragile. Il considéra donc qu'il était inutile de trop s'inquiéter ou de faire des ronds de jambes qui ne feraient que rendre la situation déplaisante.
Dehors, la nuit était complètement tombée depuis bien longtemps maintenant. Une nuit sans lune et sans étoile où seules quelques zébrures marquaient le ciel leur permettaient de voir leur route. En temps normal, Queen aurait sans doute trouvé l’air trop moite mais vu les danses endiablées qu’ils avaient effectués un peu plus tôt, cela ne la dérangea pas, au contraire. Sans piper mot elle accepta l’invitation du jeune Veriano à s’éloigner des regards et oreilles indiscrètes. Un peu plus lente que lui, elle se fiait principalement au contour de la silhouette du jeune homme pour se diriger et priait pour ne pas buter sur quelconques imperfection du sol. Ils débouchèrent finalement aux abords d’une fontaine et la blonde relâcha enfin un soupire d’aise. Les fêtes étaient une chose agréable a n’en point douter. Mais diantre que cela pouvait être bruyant et étouffant. Cette petite échappée ne pourrait sans aucun doute, pas lui faire de mal.
- Un bien fou ! S’exclama-t-elle en souriant s’approchant de la fontaine pour y caresser l’eau du bout des doigts. - Je n’avais pas de vertige. Dit-elle simplement tout en appréciant intérieurement que Keith ne se sente pas obligé de venir à son secours comme un chevalier servant. Pas que cela la dérange, mais lorsqu’elle ne connaissait pas ou peu une personne, elle n’était pas du genre à laisser entrevoir une once de faiblesse et ce n’était pas un homme, pourtant aussi agréable que lui, qui arriverait a faire changer ça. - Simplement que ces danses ont fait resurgir quelques souvenirs. Tout en regardant l’eau elle se mit a sourire. - De bons souvenirs rassurez vous. Mais ancien. Lorsque je n’étais encore qu’adolescente. Puis elle haussa les épaules et se retourna vers lui avec un léger sourire. - Enfin, il n’est jamais bon de ressasser le passé n’est ce pas ! En quelques enjambées elle réduisit la distance qui les séparaient et s’empara avec douceur de la bouteille. - Bon qu’avez vous donc dérobé d’intéressant mon cher. Elle dû malgré elle, plisser un peu les yeux afin de lire correctement ce qui y était inscrit. - Oh… Je vois. C’est un très bon choix. Je crois que quelques choses de fort ne pourrait pas me faire de mal ! Ensuite, elle lui remit a bouteille entre les mains et attrapa les deux verres afin qu’il puisse les servirent correctement.
Une fois que ce fut fait, elle bu une petite lampée.
- Je n’aurais jamais imaginée que cette soirée puisse prendre cette tournure. Lâcha-t-elle. - J’espère que vous ne m’en voulait pas de vous avoir arraché aux autres convives de cette façon. Son regard azurite se tourna en direction de Keith et elle sourit simplement.
"Ne parlons plus du passé alors." Répondit simplement Keith, qui ne voulait pas la questionner sur ce dont elle ne voulait parler. Il alla ensuite s'asseoir sur le rebord de la fontaine. "Je vous avouerais que je ne m'attendais pas non plus à cela, mais c'est loin de me déplaire ! Et ne vous sentez pas fautive. J'avais le choix entre discuter avec vous, ou de rester avec les autres invités. Comme vous pouvez le constater, l'hésitation n'a pas durée longtemps."
Keith avait bien marqué un mot, appuyant sur l'ironie. Il n'y avait aucun doute qu'il profiterait davantage de la soirée en étant sorti avec la Dame Milan, que s'il était resté à se faire aborder par des Nobles curieux, non pas de lui, mais de comment il avait approché ladite Dame. Des questions lui vinrent, et c'était bien normal, sur quelles étaient les rumeurs sur Queen pour qu'elle puisse elle-même finir par se qualifier de monstre à leur première rencontre. Keith n'avait pas du tout cette impression, mais cela ne faisait que peu de temps qu'ils parlaient. La soirée était aussi agréable grâce à elle à ses côtés, à ses talents de danseuse et l'arrogance qu'ils semblaient partager. Mais encore une fois, qu'elles sont les rumeurs sur les Milan...? Sans doute qu'il serait impoli et même déplacé de mettre cela sur le tapis, surtout de manière aussi impromptue, alors qu'il pourrait avoir les réponses autrement.
Reprenant une petite gorgée, son regard toujours posé sur la silhouette de Queen, il détendit un peu ses épaules après tous ces efforts. Il réfléchissait à comment reprendre habilement la conversation, laissant du temps s'écouler pour que chacun reprenne un peu ses esprits. Leurs prouesses sur la piste l'avait véritablement enjoué, et même s'il était très curieux d'en savoir plus sur le passé de Queen, ou d'encore sur les souvenirs qui avaient bien pu refaire surface, il s'en abstint. Sûrement, pensait-il, qu'il aurait d'autres occasions plus judicieuses de poser pareilles interrogations. Et alors qu'il cherchait un sujet, se remémorant tout ce qui venait de se passer, il eut un léger rire.
"Quand je pense que vos premiers mots à mon égard fut un commentaire sur mes cheveux. Vous sembliez vraiment abattue en début de soirée, lorsque vous vous battiez avec les vôtres." Son ton était joyeux, peut-être moqueur, peut-être complice. "Et depuis cet instant, je passe une agréable soirée. Aucun regret à l'idée d'abandonner nos pairs pour profiter d'un spiritueux en charmante compagnie." Puis, clairement taquin, il se permit une question rhétorique. "Vous ne faites pas ça souvent, j'imagine ?"
De cette façon elle pouvait faire le tri dans ses pensées, calmer son esprit et le laisser se faire enivrer par l’alcool. Elle pouvait aussi se permettre de savourer sa boisson et même de s’amuser à en deviner les arômes. Un moment silencieux mais agréable, il ne lui fallait rien de plus afin de se remettre d’aplombs. Puis Keith reprit la parole et son regard chercha à nouveau le sien malgré la noirceur, par réflexe. Pour la énième fois, il l’a fit sourire. A ce rythme le jeune Veriano pourrait bientôt entrer dans un livre des records, peu nombreux étaient les gens pouvant se vanter d’avoir vu sourire la jeune héritière autant de fois en une soirée. Alors elle lui répondit avec le même ton taquin.
- Vous ririez moins si il s’agissait là de vos cheveux ! Il me faut des heures pour les coiffer convenablement et moins d’une minute pour les voir boucler comme un boucton. Je vous promets, c’est intenable ! Prenant place à côté de lui, elle tendit la main et attrapa une de ses mèches de cheveux. - Quel est donc votre secret par Lucy ! Puis dans un soupire faussement triste elle bu et relâcha la mèche. - Je passe également un bon moment. Auquel cas je vous aurez déjà faussé compagnie. Si la trésorière savait parfaitement se tenir en société, elle savait aussi quel était le meilleur moyen pour échapper à quelqu’un et n’hésitait pas à le faire lorsque cela était nécessaire et cela sans aucun remord. Bien entendu. - Vous voyez juste. Je viens souvent accompagnée de Primus et je ne peut me permettre de lui fausser compagnie. Vous connaissez les obligations d’un homme d’affaire, d’un ministre et d’un héritier n’est-ce pas ? Puis elle s’arrêta et sourit, un sourire doux et simple. - Mais je l’ai eut fait quand j’étais enfant. Je me suis souviens d’un soir où j’avais fuit une soirée mondaine. J’avais peut-être treize ou quatorze ans. Vous n’imaginez pas comme mère avait pu me punir. Et elle rit, d’un rire tout aussi doux et tourna la tête vers le brun. - Comment étiez vous, lorsque vous étiez enfant Keith ? Vous aussi vous quittiez les soirées en douce ? Ses yeux tournés dans sa direction, étaient toujours aussi rieurs bien qu’un peu nostalgique. Elle imaginait bien le petit Keith être un enfant docile mais il semblait être un homme plein de surprise, alors elle attendit sa réponse en se désaltérant à nouveau.
"Voià où passe donc votre précieux temps, vous passez des heures à vous coiffer, Queen ! Si vous vous peigniez moins, vous aurez plus de temps pour vous reposer, travailler ou pour vos loisirs !" Reprenant une petite gorgée, il poursuivit. "Je n'ai toujours aucun secret, j'en suis navré. Je l'aurais commercialisé sinon. Combien de personnes à travers le royaume aurait payé pour percer une telle énigme ?! J'en frémis en songeant aux bénéfices !"
Il rit de bon coeur avant de constater que son verre était vide. Ce fut le plus naturellement du vide qu'il se resservit, en étant prêt à faire de même avec le verre de Queen si elle le demandait. Il proposa d'ailleurs dans la même spontanéité.
"Mais je vais peut-être me montrer cavalier, ou même déplacé, mais vous êtes une personne magnifique, et je suis certain que vous le savez déjà. Vous m'avez bien confié plus tôt votre satisfaction quant à votre physique après tout. Et ça, c'est sans prendre en compte que vous ayez les cheveux qui bouclent ou non. Alors où est le problème à les apprécier tels qu'ils sont ?"
Sans doute une parole d'homme insensible qui ne comprenait pas bien les problèmes coquets des Demoiselles, mais cela échappait à Keith. Il ne voulait pas mal faire, ou peut-être était-ce l'alcool qui le faisait parler de manière plus irréfléchie, mais ce fut toujours un mystère pour lui que de voir de belles personnes nier ce qu'elles avaient par la grâce de la Nature. Mais il continua d'écouter Queen qui parlait de son passé. Etrangement, ce passage, il l'enregistra comme si l'éthanol n'avait pas d'effet sur lui. Attentif, comme depuis le début de la soirée, il la laissa parler jusqu'au bout. Elle reparlait de Primus Milan ou bien vaguement de sa mère. Il était curieux de ce qu'elle lui racontait, et une question lui vint en tête, même s'il partagea son rire. Veriano la retourna plusieurs fois dans sa tête avant de se demander s'il devait la poser. Finalement, il décida de la questionner sur le ton de la simple conversation, ce ton qui n'engageait à aucune réponse si cela lui déplaisait.
"Pourquoi avoir fuit cette soirée-là, Queen ?" Et se tournant un peu plus vers elle sur le rebord de la fontaine, et après avoir entendu sa question, il reprit. "Quant à mon enfance... Je ne sais quoi vous dire. Elle était seule. Je travaillais pour faire honneur à ma famille, et je voyais plus de domestiques et de précepteurs que de nobles. Je crois que l'on peut dire que j'ai appris à sourire en grandissant."
Son timbre de voix s'était fait plus doux, plus calme. Plus d'espièglerie, juste un moment détendu, où Keith appréciait la compagnie, le cognac et le petit bruit de l'eau de la fontaine. Il n'ajouta rien, restant sensible aux interventions de Queen.
La complimenter était certainement la meilleure façon d’obtenir une réponse de la part de la jeune femme et il semblait que Keith savait y faire. Même lorsqu’il la prenait avec des pincettes, cela était fait tellement adroitement qu’elle n’y aurait vu que du feu si elle n’était pas elle même coutumière du fait. Sans compter qu’à ce rythme, elle partirait avec un ego regonflé à son maximum. Le jeune Veriano était sans aucun doute la meilleure compagnie qu’elle pourrait se procurer en dehors de celle de son frère, elle en était certaine. De plus ils partageaient tout deux un monde similaire et ils semblaient se comprendre sur bien des points, ce qu’elle appréciait particulièrement.
La question qu'il lui posa ensuite la coupa dans son élan. Pas parce qu’elle était déplacée ou incongrue. Simplement parce qu’elle s’était surprise à en connaître la réponse immédiatement. Une réponse évidente qu’elle avait toujours connu même lorsqu’elle s’était demandée un nombre incalculable de fois pourquoi. Incapable de s’en empêcher elle sourit de nouveau, un sourire doux sans aucun artifice, qui s’effaça rapidement en entendant la réponse de Keith concernant son enfance. Ils se ressemblaient sur bien plus de point qu’elle le pensait.
- Sachez mon cher, qu’il n’y a qu’en de rares occasions que je laisse mes cheveux libre ! Si un jour, il vous prenez l’envie de me visiter au palais vous pourrez constater qu’ils ne ressemblent en rien à ce que vous avez sous les yeux ! Lui dit-elle sur un ton rieur et taquin. - Vous m’en voyez grandement déçu ! Moi qui espérait arborer à notre prochaine rencontre une crinière aussi lisse et brillante que la votre… Elle pouffa discrètement et bu une nouvelle fois.
- A force de flatter mon ego, je ne pourrais plus passer le pas de la porte. Poursuivit-elle toujours sur le même ton. - J’aime mes cheveux sans aucun doute, malheureusement, leur incapacité a rester sagement en place peut parfois passer pour un manque de coquetterie. Les cheveux de cette texture ne sont pas des plus courant au royaume et encore moins à la cour, il est parfois mal vu de se montrer avec une crinière semblant sortir du lit alors que j’ai passé plus d’une heure à me battre avec eux. Enfin se n’est rien de bien grave, je m’en accommode très bien ! Mais les discipliner est un véritable calvaire que je ne m’inflige qu’en de rare occasion !
Queen se radoucit ensuite ; les deux sujets évoqués semblaient avoir eut un effet tranquillisant sur Keith.
- Parce que je le devais. C’était… Comment dire… Elle passa une main sur ses lèvres, cherchant à trouver le meilleur terme qui définirait ce qu’elle avait ressentit ce soir là. - Instinctif. Finit-elle par trancher. - Il fallait que je suive cette personne et je l’ai fais. Un soupire passa ensuite la barrière de ses lèvres, ainsi qu’un peu de cognac, puis elle posa son verre et se mit à tracer des dessins dans l’eau avec son doigt. - La noblesse n’apporte pas toujours son lot de gaieté. Rarement d’ailleurs. Avec douceur elle vint poser sa main sur son avant bras à lui. - Et je peux vous dire, que vous avez parfaitement apprit. Pour une rare fois, elle compatissait parce qu’elle comprenait partiellement ce qu’il voulait dire. Même si, elle, avait prit le chemin inverse. On lui avait apprit, à ne plus sourire.
Mais les paroles de Queen lui fit plaisir. Elle parlait de venir lui rendre visite ou encore de prochaine rencontre. Keith avait tout d'abord était intrigué par l'illustre famille Milan, et c'est ce qui l'avait poussé à engager la conversation avec la Dame qui lui tenait compagnie. Mais jamais il n'aurait suspecté que cela puisse tourner ainsi. Il était profondément ravi d'avoir peut-être plus trouvé une amie qu'une collaboratrice. Enfin, s'il ne parlait pas du bas peuple devant elle et qu'il évitait également de la traitait comme une poupée de porcelaine ! Ce sont deux choses qu'il avait apprit relativement vite au cours de cette soirée. D'un autre côté, Queen ne semblait pas quelqu'un qui cachait son désintéressement, et il y voyait une bulle d'air dans ce milieu mondain, où l'hypocrisie rimait avec ennemi. Montrant qu'un sujet l'ennuyait ou non était plaisant pour les interlocuteurs qui avaient divers sujets de conversations, et cela lui rappela qu'il fut comparé à plusieurs reprises à Primus Milan. Keith était curieux de rencontrer une telle personne alors... Mais en se recentrant sur les mots qui s'échappaient des lèvres de Queen, il pu sourire à nouveau.
"C'est ainsi, vous voilà condamner avec vos beaux cheveux blonds, malgré leur côté rebelle. Au moins, ils ont de qui tenir !"
Keith ne s'attendait pas à la réponse "Instinctif" de la Dame. Elle qui semblait si méticuleuse et appliquée, voilà quelque chose qui suscitait son intérêt. Mais même avec l'alcool qui lui parcourait les veines, le jeune homme ne voulait pas approfondir le sujet, car le silence et le ton de Queen lui firent penser qu'il s'agissait d'un sujet épineux. Inutile d'alourdir une conversation joviale avec des passés houleux. Que ce soit celui de l'homme ou de la femme. Néanmoins, Keith fut surpris en sentant la main de la Milan sur son bras. Il ne s'y attendait pas du tout, et il remercia la pénombre de caché son étonnement. Après la grosse seconde de surprise, il vint avec la même gentillesse placer ses doigts sur ceux de Queen.
"Je vois que nous pouvons nous comprendre. Merci Queen. Votre bienveillance me fait chaud au cœur. J'ignore qui a bien pu lancer des rumeurs sur vous, mais ces gens ne devaient certainement pas être capable d'appréhender quelqu'un tel que vous." Il eut un petit rire et fit glisser sa main vers le rebord de la fontaine. "Vous pourrez m'accuser sans crainte si votre égo est sur dimensionné, mais je trouve que vous êtes une personne radieuse Queen."
Ses doigts se laissèrent aller dans l'eau, bien plus fraîche que l'air, et il soupira à son tour. De bien-être. Une agréable rencontre, dans un beau parc nocturne, avec de l'alcool. Il fallait peu de choses pour faire plaisir à une personne telle que Keith. Reprenant la parole, son ton était à nouveau apaisé.
"Vous semblez avoir eu votre lot de problème également. Je ne veux pas m'immiscer éhontément dans votre vie privée, mais ce soir, j'ai pu faire votre connaissance grâce à nos parcours de Nobles respectifs. Alors je vais profiter de ce que j'obtiens sur le trajet. L'opportunisme ne met pas inconnu !"
Dit-il avec amusement sur la fin. Se saisissant de son verre, il le leva vers Queen, l'invitant à trinquer, avant de reprendre une généreuse gorgée.
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