Cela faisait un petit moment que Calixte n’avait pas mis les pieds au Grand Port, et il avait semblé que le Maitre-Espion était d’avis qu’il fallait y remédier. La mission officieuse avait été la récolte des derniers potins de la ville, l’ordre officiel avait été de porter en main propre les dernières affectations aux gradés de la caserne locale. Le défi sous-jacent avait été de se présenter au cœur du domaine des Alkhaia de Eliëir, et de leur rappeler que la Garde leur refilait périodiquement assez de cristaux pour qu’ils lui disent « amen » en cas de besoins.

Autant dire que le jeune homme avait été d’un enchantement morose. Réaction qui risquait d’être celle de son supérieur lors de son debriefing à la Capitale.
Aller au Grand Port avait toujours été un bonheur et un supplice. Le trajet déjà, en soi, n’était pas nécessairement une partie de plaisir. Comme à son habitude, Calixte avait emprunté un des fiers destriers…. Bon, il avait emprunté une mule. Parce qu’il semblait alors que les jeunes recrues avaient eu un entraînement qui employait visiblement la totalité du corps équestre de bonne condition au moment où il avait voulu partir. Ou alors les cuisines avaient manqué de ressources et un petit turn-over des montures ne pouvait pas faire de mal… Quoi qu’il en fût, Calixte partit donc sur les routes du royaume son séant bien calé sur le dos large de sa petite mule. Autant dire que le trajet avait été un peu longuet, ce que s’étaient empressés de lui faire remarquer les gradés de la caserne du Grand Port. Bon, il était arrivé avec à peine une semaine d’avance sur les futurs affectés, mais il les avait trouvés bien injustes. Fallait-il vraiment plus de temps pour préparer une piaule spartiate pour quelques nouveaux soldats ?

Le trajet de la Capitale au Grand Port avait été calme, ce qui avait permis à Calixte de rattraper son retard dans ses lectures de Lyn Regan. Les ragots de la route n’avaient pas été très intéressants, et il s’était rapidement détourné de la rumeur des caravanes croisant son chemin. Peut-être avait-il manqué quelque « on dit » remarquables, voire capitaux, mais au moins avait-il bien avancé dans son livre. Ce qui, pour lui, était un gros plus. Peut-être pas pour le Maitre-Espion, mais il n’aurait pas à connaître ce petit détail. Quoi que vu la popularité de l’autrice parmi les membres de la Garde, peut-être l’aurait-il félicité pour son assiduité dans ses lectures, et lui aurait demandé un exemplaire du bouquin. Calixte pouvait continuer de rêver.

Donc le jeune homme avait remis sa consigne aux gradés de la caserne du Grand Port, et s’en était allé sans demander son reste. Techniquement il aurait dû se mettre à disposition de sa hiérarchie… Mais il avait prétexté d’autres missives à remettre et avait quitté le lieu pour n’y revenir qu’à la nuit tombée. Conformément au commandement de son Maitre, il était allé se faire bien voir dans la maison mère des Alkhaia de Eliëir. Enfin « bien voir », difficile lorsqu’on est Calixte et que la rumeur familiale veut que vous soyez un simplet incompétent. Calixte préférait se définir sous le terme de médiocrité maladroite, mais il n’avait pas eu voie au chapitre. Il était donc allé rappeler au sang de son sang par sa présence en tenue de militaire, médaille brillante apparente, que la Garde l’avait bien acheté et qu’elle avait aussi une main – toute relative selon le point de vue – sur la Prévoyance de la noble famille. Pour se racheter de son dévouement visiblement supérieur pour le système militaire que filial, Calixte avait proposé de récupérer les dernières échéances en cours.

Et comme visiblement les Alkhaia de Eliëir rechignaient moins à gagner des cristaux qu’à en dépenser pour une progéniture défectueuse, le jeune homme changea sa tenue du tout au tout, et partit s’enquérir des bourses taxables à travers la ville du Grand Port. De maisons et échoppes, de commerçants en nobliaux, de coffres-forts en portes-monnaies, il glana trésors pour sa famille, et rumeurs pour le Maitre-Espion. Ainsi que de précieuses informations pour préparer son retour vers la Capital. Ou du moins l’avait-il pensé.


C’est ainsi que Calixte se trouvait à présent, sous les traits de son personnage Alix, en train de marchander son retour en caravane vers le joyau du Royaume.

La silhouette négligée d’Alix lui avait permis d’éviter les douches communes de la caserne de Grand Port, où des grains de sable trainaient invariablement sur le sol carrelé et finissaient toujours dans des recoins insoupçonnés de l’anatomie. Il avait discrètement emprunté le gel de l’un de ses camarades, permettant de renforcer son état capillaire graisseux et de faire boucler ses petites mèches blondes. Il portait des affaires usagées qu’il avait récupérées dans l’une de ses nombreuses cachettes – il en avait plusieurs car plus futé que lui avait tendance à lui piquer ses déguisements de fortune – et avait récupéré un grand sac à dos que l’un de ses cousins avait voulu jeter. Calixte faisait de la récup, il était écolo dans l’âme. En plus de ce sac, il avait un baluchon plus petit, contenant visiblement un bocal d’une vingtaine de centimètres de diamètres. Lourd.

Calixte posa son baluchon sur la charrette de son interlocuteur, qui claqua contre le bois d’un bruit sourd. Tapotant machinalement le tissu du sac d’une main, il gesticula frénétiquement de l’autre pour ponctuer ses paroles et faire comprendre son impatience à la femme lui faisant face. Ou l’homme. La forte carrure face à lui aurait pu correspondre à une femme à la pilosité indomptée et à la testostérone reine, ou à un homme aux rondeurs développées et à la tonalité des cordes vocales indécise. Et certes Calixte était censé être observateur par métier, mais fichtre qu’il était pas possible de lui présenter des cas aussi insolubles que celui-ci !

- Le deal était qu’on parte au plus vite une fois que le soleil amorce sa descente, murmura-t-il férocement sur un ton impérieux qu’il n’aurait jamais employé en tant que lui-même.

Son interlocuteur/ice lui adressa un regard agacé. Au moins, quel qu’étaient ses traits, Calixte pouvait se vanter d’avoir le don d’exaspérer son entourage.

- Si le retardataire ne se pointe pas d’ici quelques minutes, ou qu’on ne part pas sans lui, je m’en vais trouver preneur plus sérieux, continua-t-il en rajustant les bretelles de son sac à dos.

En vérité, il tenait à quitter la ville en compagnie de cette caravane en particulier. Car elle était incongrue. Et possiblement dangereuse. Calixte n’aimait pas vraiment la notion de danger, mais il était intrigué par cet assemblage hétéroclite et ne voyait pas meilleur moyen de retourner à la Capitale. A coup sûr il arriverait à glaner quelques potins supplémentaires, et à se divertir l’esprit dans le même temps. Et puis, il avait repéré un énorme cageot de baies de Divinam.

Si ses informations étaient correctes – et au vu des caravanes étroites mais bien chargées rangées contre le mur d’une ruelle sombre cela semblait être le cas – il était en présence de revendeurs grossistes et d’un cirque ambulant. Les vendeurs possédaient une marchandise de basse qualité dissimulant des produits dont le commerce frôlait la légalité, et les intermittents du spectacle avaient des compétences moins honorables mais plus dissimulées que celles du jonglage. Un groupe parfait pour un trajet en bonne compagnie.

S’il ne se faisait pas démanteler avant d’avoir quitté le Grand Port. Il manquait une remorque et deux commerçants, qui auraient dû être là depuis au moins la fin de matinée.

L’esprit en ébullition, pestant intérieurement contre ses camarades militaires qui avaient peut être choisi ce moment pour se montrer efficaces et empêcher une cargaison louche de quitter la ville, Calixte ne se rendit pas compte que son baluchon avait un peu glissé sous l’une des balles de foin, ni que le cordon qui fermait celui-ci s’était un peu défait. Le dumctopus qui pataugeait tranquillement dans le bocal que contenait le baluchon s’en aperçu, lui. Et décida d’aller taper la tentacule à son voisin sous les brindilles de paille.  

Si le Maitre-Espion avait été présent, il se serait pris le visage entre les mains de désarroi. Car toujours obnubilé par son idée de faire avancer la caravane avant que la Garde ne leur tombe dessus, Calixte avait continué à assommer de propos son interlocuteur/ice afin de le/la convaincre à se bouger l’arrière-train. Et, gesticulant avec toute l’énergie impatiente de son personnage Alix, à l’affût des réactions des autres membres du groupe, il ne s’était pas du tout rendu compte que la botte de foin à ses côtés semblait soudainement s’agiter. Phénomène plutôt curieux pour ce type d’élément.

En pleine tirade, la main suspendue en l’air pour souligner son propos, il sursauta d’ailleurs lorsqu’une silhouette émergea de dessous les brindilles et lui claqua quelques sous dans sa paume.

- J’ai retrouvé vos pièces monsieur, déclara l’apparition d’une voix masculine.

Le cerveau de Calixte s’arrêta net. Avant de repartir de plus belle : quoi ? qui est cette personne ? quoi ? oh des pièces ! d’où viennent ces pièces ? quoi ? qu’a-t-il entendu de cette conversation ? il semble pressé de partir… quoi ? j’ai oublié de récupérer des pièces pour la branche mère ? c’est un tentacule qui dépasse de sous ses vêtements ? quoiquoiquoiquoiquoi ?

Hmm, fit-il intelligemment en se retournant complètement et en tendant le bras pour attraper l’individu par la cape afin de le retenir.

Mais c’était sans compter sur la maladresse habituelle de ses pieds qui se prirent dans la roue de la charrette en effectuant le demi-tour. Dans un joyeux méli-mélo de vêtements volants, de membres qui se débattent contre le vide, et d’un mix de jurons bien choisis, Calixte chut sur son séant, entraînant avec lui le/la propriétaire courroucé/e des bottes de foin qui s’était aussi élancé/e après l’étrange individu. Le baluchon posé sur la charrette fût victime d’un coup de bras, s’envola, et finit sa course contre les pavés de la rue. Un bruit sec apprit à l’espion que le bocal s’était cassé.

Il aurait pu s’en tenir là. Se dire que c’était un signe du destin, ou de Lucy, et qu’il valait mieux qu’il s’en tienne à son plan initial. Le dumctopus n’était pas une grosse perte, il trouverait d’autres souvenirs à ramener à ses colocataires à la Capitale. Et quelques mots doux bien tournés suffiraient à convaincre la caravane qu’il ne s’agissait pas d’un évènement majeur et qu’il valait mieux se mettre en route… surtout que les membres manquants étaient enfin arrivés sur ces entre-faits. Il aurait peut-être pu s’en tenir là, et il aurait probablement dû. Mais Calixte était aussi d’une curiosité à toute épreuve.

Profitant du corps massif du/de la propriétaire de la charrette, il prit appui et se releva prestement. D’un geste vif il vérifia le contenu de son baluchon : bocal cassé, tissu imbibé d’eau, dumctopus absent. C’était donc bien un de ses tentacules que Calixte avait aperçu, et pas un appendice incongru de l’étrange apparition.

- Partez sans moi, ordonna-t-il avec autorité au reste du groupe.

Profitant de leur indécision – il était vraiment plus que temps de s’éclipser – il appuya ses propos en lançant au propriétaire de la charrette les pièces qui lui avaient été remises.

- Ça devait vous appartenir. Je vais récupérer ce que ce voleur m’a pris à moi, indiqua-t-il en commençant à courir vers l’endroit où l’inconnu s’était éclipsé.  
 
Et il quitta ainsi la caravane avec laquelle il aurait très certainement obtenu nombreux commérages sur le trajet entre le Grand Port et la Capitale. Peut-être la rattraperait-il sur le chemin, s’il satisfaisait rapidement sa curiosité. En tous cas, il était certain de ne pas être trop embêté par la Garde jusque-là, car le groupe louche dont il venait de se séparer n’oserait pas interpeler les militaires même pour un véritable braquage. Ce serait l’hôpital dénonçant la charité.
Guidé par la voix de l’inconnu qu’il entendait par bribes… et l’odeur iodée qui l’avait accompagnée depuis son apparition de sous la paille – Calixte s’était bien dit que le foin avait de drôles de relents – l’espion couru jusqu’à une rue adjacente où il aperçu la silhouette de celui qu’il cherchait.

- Hey ! apostropha-t-il.  

Mais il semblait que l’inconnu… et Calixte prit quelques secondes pour l’observer : un homme paraissant un peu plus jeune que lui mais aux âges d’Alix, aux cheveux sombres et à la carrure ayant l’air fine sous des habits fonctionnels. Il semblait donc que cet inconnu, tout occupé à se débattre d’un dumctopus un peu trop collant, ne l’avait pas entendu. L’amour n’était visiblement pas bilatéral dans cette nouvelle relation.

Rajustant sur ses épaules son lourd sac-à-dos rempli d’objets de valeur qu’il comptait revendre à la Capitale, Calixte s’avança davantage vers l’inconnu en affichant l’air agacé d’Alix. Il pensait signaler sa présence physiquement, mais finalement il fût apostrophé avant d’en arriver là :

- Oui, c’est pourquoi, je suis occupé.

- Occupé à voler ce qui ne t’appartient pas visiblement, répondit sèchement Calixte/Alix en claquant de la langue avec désapprobation.

Techniquement il semblait plutôt que c’était le dumctopus qui volait le jeune homme, mais Alix n’aurait pas fait cette distinction. Intérieurement, Calixte était amusé. Evidemment, il ne fit aucun geste pour récupérer l'animal.

- Et ce ne sont pas les trois malheureux sous que tu m’as donnés – d’une bourse autre que la tienne je présume – qui vont payer pour cette merveille, continua-t-il en levant les yeux au ciel. Connais-tu seulement sa valeur ou voles-tu tout ce qui te passe sous la main ? Je parie que la Garde me donnera une compensation appréciable pour ta dénonciation ! Allez c’est quoi ton nom de scène : passe-partout, ombre, as-de-pic, rat, joker ? Quoi que ce doit plutôt être le Merlan frit, fit-il en plissant le nez à l’odeur corporelle de l’inconnu. Ça ne sera jamais suffisant pour réparer les dommages physiques et psychologiques que tu es en train de causer à ma petite merveille, mais ça indemnisera un peu cet imprévu, marmonna-t-il en jetant rapidement un coup d’œil à la ronde, faisant semblant de chercher un membre de la Garde.

Calixte n’avait aucun doute que c’était le dumctopus qui était allé se coller au jeune inconnu et pas l’inverse, mais il était amusant de prétendre le contraire. Il observait donc de l’œil critique et agacé d’Alix l’homme-poulpe se débattant et expliquant son point de vue tant bien que mal.

- Comme si un animal de ce type aimerait avoir un propriétaire de ton type, grommela-t-il tout bas en réponse à la suggestion de l’inconnu. Coup de foudre ou pas, j’vais pas te le laisser pour moins qu’un petit pactole !

Il haussa les sourcils, surpris de voir son interlocuteur réussir à chatouiller – involontairement ? – le dumctopus et ne pas finir lamentablement étouffé. Il était presque déçu.

- Un nom de scène... t'as vraiment le don de pas être fin. J'en ai pas besoin devant toi, on est pas sur les planches. Si tu veux me voir, ce n'est pas ici... non mais. Sur ce, j'ai un chemin à prendre...

… donc il avait une scène ? Calixte ne savait pas trop quoi faire de cette information, et comme à chaque fois qu’il ne comprenait pas il était intrigué, et lorsqu’il était intrigué il continuait à enfoncer les portes ouvertes pour satisfaire pleinement sa curiosité. Eh, le Maitre-Espion pouvait pas lui reprocher d’être trop zélé !

Il leva les yeux au ciel et amorça un mouvement de main pour ponctuer ses propos sarcastiques. C’était sans compter sur la soudaine bourrasque semblant venir de – avait-il bien vu ? – l’inconnu, ou peut-être plus probablement de l’allée derrière lui – quoi que par cette journée sans vent c’était étonnant –, soulevant un fin manteau de poussières. Tout à son acte, loin d’être en position de se protéger les mirettes, Calixte reçu les particules volatiles de plein fouet.

- Héééééééééé… ATCHA !  éternua-t-il partagé entre le frottement de ses yeux et celui de son nez.

- Merci encore... tu auras une place si tu viens... en compensation, fit la voix de l’inconnu quelque part dans son flou visuel.

Était-ce son imagination ou bien s’éloignait-il ?

- Qwuoin ?  gémit l’espion en essayant de donner un sens aux propos du voleur de dumctopus tout en luttant pour retrouver ses facultés. ATCHA !

Il ne savait pas qu’il pouvait postillonner des glaires aussi loin.

- Zi du cwois geu du beux ATCHA bwendre mon mumcdowus ATCHA conde un beu de fumée !!  s’exclama-t-il outré en s’essuyant les yeux avec un pan de sa veste de fortune. AAAATCHA !

Son visage lui piquait, son nez lui semblait avoir la taille d’une pastèque, et il avait l’impression que les eaux de l’océan se déversaient de ses narines irritées. Tableau un peu dégueu ; quoi qu’une partie de l’esprit de Calixte notait distraitement qu’il était intéressant de se rendre compte maintenant qu’il était un chouilla sensible à la poussière. Dans son autre manche il se moucha.

Relevant son visage qui retrouvait quelque peu son humanité avec la retombée des particules de poussières – cette brise avait été aussi brève que soudaine – il avisa la silhouette de son interlocuteur… qui se faisait la malle ! Okay, alors Calixte s’insurgeait à l’idée de finir sa quête de distractions sur un épisode lamentable de rhino-conjonctivite carabinée, il aurait certaines réponses à sa curiosité !

- Héééééé ! Une place où ?  fit-il avec l’énervement d’Alix tout en reprenant sa progression vers l’inconnu. Une place de qwATCHA !?

Il se mit à courir – à avancer gauchement – pour rattraper le nouveau propriétaire de son dumctopus. En dépit de son désavantage actuel, il était assez confiant dans la capacité du poulpe à distraire l’inconnu. D’un point de vue extérieur, cela devait être la course-poursuite la plus ridicule de l’histoire d’Aryon.

- Attends ! Si tu croATCHA que ça va compenser sa valeur, tu es bien sûr de twATCHA,  fit-il avec scepticisme en haussant la voix. De qu.. de qu… de qwAAAAATCHAAAAA ! Tu parles ?  

Le nez dégoulinant encore un peu de morve et les yeux lui offrant un champ de vision flouté, Calixte se débattait à nouveau avec ses éternuements lui faisant perdre toute contenance et tout contenu. A ce rythme et à cette force d’expulsion, il allait finir par envoyer ses poumons droit sur les pavés au détour d’une crise un peu trop vigoureuse ! Il n’entendit qu’à peine les propos de l’inconnu, quelque part plus loin dans la rue, probablement toujours attaché au dumctopus – ou plutôt le dumctopus toujours attaché à lui –.

- … sauras me retrouver, si t'es malin... passera sur l'élégance… perçu-t-il entre deux séries d’éternuement.

Calixte était à peu prêt certain que vu son état, son interlocuteur aurait pu passer, non seulement sur son élégance, mais aussi sur la possibilité qu’il soit éventuellement un chouilla malin. Personnellement, il trouvait que le visage qu’offrait actuellement Alix n’était pas vraiment ce qu’il y avait de plus brillant. Et peut-être que l’inconnu comptait en réalité dessus. Le fait qu’il soit à la fois aussi évasif et pourtant invitant, faisait marcher la curiosité de l’espion à cent à l’heure. Et, peut-être, que ce paradoxe faisait si bien écho à sa propre versatilité, qu’il ne pouvait être qu’intrigué.

- Te retrouver ? De quoi tu parles ? répéta-t-il avant d’être à nouveau pris dans une bourrasque d’éternuements.

Il ne réalisa que trop tard que l’inconnu avait saisi cette opportunité pour le distancer d’avantage et…

- A l'aide !

Comment ça à l’aide ? Avisant des reflets au coin de son champ de vision, Calixte repéra ce qui semblait être des silhouettes en armure armées. Et le temps de refixer son attention sur l’inconnu fuyant… celui-ci avait disparu.

- Toi là-bas !

Et s’il avait été pressé de se débarrasser de Calixte, ce qui semblait être des membres de la Garde paraissaient au contraire être pressés de faire sa connaissance, et plus si affinité.

- Par les royales bourses de ATCHAA ! jura entre ses dents l’espion entre deux éternuements, inconscient de l’agitation équestre un peu plus loin.

Rajustant une énième fois les bretelles de son lourd sac à dos, essayant de redonner un aspect potable à ses manches de chemise, il moucha son nez dans un bout de tissu dans un dernier essai de présentation. Un rapide regard flouté à la ronde lui apprit qu’il ne retrouverait pas de sitôt l’inconnu. Mais qu’il allait devoir user d’un peu de ruse pour ne pas finir à la Caserne, du mauvais côté de la porte.

- Enfin ! Mais qu’est-ce que vous faites ?! cria-t-il du ton agacé d’Alix à l’adresse des militaires arrivant à sa hauteur. Ce voleur est partATCHAvec une de mes marchandises !

Le duo de gardes échangea un regard.

- Regardez ce qu’il ATCHA fait de moi ! J’en ai pris plein le visage et il en AAAAAAATCHA profité pour me voler ce que j’avais dans les bras, accusa-t-il avec véhémence en agitant les bras pour ponctuer ses propos. Qu’est-ce que vous faites encore là ! J’ai besoin de cette marchandise ! Vous croyez que j’ATCHA suis en état de lui courir après ?!

Il regarda autour de lui avec insistance et, avant que les militaires n’aient eu le temps de lui répondre, hurla à la ronde :

- AU VOLEUR !!! AU VOLEUUURAAAAAAAAATCHA !

Profitant de sa nouvelle crise d’éternuements, l’un des gardes lui saisit fermement l’épaule tandis que l’autre s’éloignait un peu pour taire la rumeur naissant des quelques passants, et retrouver le second protagoniste de l’étrange scène.

- Et si vous m’accompagniez au poste pour me raconter ce qu’il s’est passé exactement ? proposa/ordonna le militaire lui tenant l’épaule.

Calixte lui adressa le regard hautain d’Alix.

- Evidemment. Et j’attends qu’il y ait des panneaux à son portrait dans toute la ville pour pouvoir récupérer ce qui m’est du ! répondit-il avec assurance en emboitant le pas au garde.

Il vit ce dernier lever les yeux au ciel et grommeler « ces commerçants », mais il sourit intérieurement. Avec quelques mots bien placés, peut-être aurait-il ces avis de recherche, et alors les choses deviendraient potentiellement amusantes. Même s’il dessinait assez mal les portraits.
Il allait aussi falloir qu’il trouve un autre souvenir pour ses collocs.