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Le soleil est bien haut quand Zahria et son compagnon retombent chacun de leur côté du lit, haletants. Les yeux rivés vers le plafond, elle lui tend la main en lançant un: "Enchantée, Zahria." Il se présente comme Naë, donnant enfin un nom à ce regard doré, tout en serrant sa main, un sourire en coin. Une fois sa respiration calmée, l'espionne se tourne vers l'homme, lui rendant son sourire. Un fumet de poisson grillé parvient à leurs narines, provenant certainement de la taverne en contrebas, puisqu'ils y ont pris cette chambre la veille au soir. Réagissant à cette douce odeur, le ventre de la jeune femme se met à gargouiller, ce qui provoque un petit rire chez elle.
« Je suis démasquée, j'ai une faim de smilodon. On descend voir s'il reste du poisson ? »
Joignant le geste à la parole, Zahria se relève et commence à s'habiller. Elle retrouve sa plaque au milieu de ses affaires, et se dit que Naëry n'a pas dû la voir dans la précipitation. Elle la cache donc dans une de ses poches. Inutile de révéler son identité au delà de son nom, il n'a pas à savoir qu'elle est là en mission. C'était quoi, d'ailleurs sa mission ?
Il faut plusieurs longues minutes à l'espionne pour que ça lui revienne, et ils sont déjà en bas, une chope de bière devant eux, en attendant que le poisson qui grille doucement en cuisine leur soit servi. Elle est là pour enquêter sur des mouvements suspects de marchandises non présentes dans les registres du port. Des pirates, quoi. La veille, elle a réussi à obtenir quelques informations, et a de toutes façons jusqu'au soir avant de pouvoir agir plus que ça, puisque leur bateau ne devrait revenir qu'au coucher du soleil, ce qui lui laisse un temps à passer avec son nouvel ami. Le tavernier passe à côté d'eux pour aller servir une autre table, et au retour, glisse malencontreusement sur une flaque, pour atterrir à quatre pattes à côté de Zahria, offrant une vue magnifique sur sa calvitie naissante et les pellicules sur les cheveux qui lui restent. Ah non, ce ne sont pas des pellicules, constate la brune avec un air de dégoût alors qu'il se relève.
« Vous avez des poux.
- Nan je crois pas.
- Ça vous gratte, là ?
- Ouais.
- Et là ?
- Aussi.
- Et ça, c'est pas un pou ?
- Ah. Si.
- Lavez vous les cheveux au vinaigre de Vezenta pendant une semaine, ça devrait aller.
- Merci m'dame. J'vous prierai de rester discrète au sujet, c'est pas bon pour la clientèle... Je vous offre le repas à vous et votre fiancé, en retour. »
Heureusement que l'une des identités de Zahria est herboriste et qu'elle s'y connait un peu, ça lui fait faire des économies, ainsi qu'à son "fiancé", à qui elle fait un énorme sourire en amenant sa chope à sa bouche pour s'enfiler une grande rasade. C'est globalement une bonne journée, il faut dire.
Une bonne journée qui commence─ avec Zahria
Une main douce glisse sur mon torse me sortant de ma lourde torpeur, le soleil est déjà au rendez-vous, preuve que la veille fut chargée, moi qui ai pour habitude de me lever aux aurores. J’ouvre un œil, puis deux, observant longuement le visage au dessus de moi qui me sourit malicieusement. Oui, je me rappelle de ces yeux vifs, je me souviens de ses airs de défis, et de la nuit qui s’en est suivie … Apparemment la demoiselle en redemande, quoi de mieux pour lutter contre la gueule de bois ? Mes mains repartent à la découverte de ce corps damné …
Un certain laps de temps plus tard, là voilà qui se présente. Zahria, un bien joli prénom.
- Naë dis-je avec le sourire de ces présentations retardataires.
Son ventre gargouille, sa bonne humeur achève de me requinquer.
- Allons-y!
Nous nous rhabillons chacun de notre côté, je vérifie que j’ai bien toutes mes affaires avant de descendre. Sans demander le reste je commande une nouvelle chope de bière, rien de mieux pour accompagner du poisson, pour tout accompagner en fait. Décidément, j’ai bien fait de rester une nuit de plus ici. Je venais de finir ma mission la veille même. J’ai passé quelques jours en mer à veiller sur une cargaison afin qu’elle arrive à bon port, ici même donc. D’étranges attaques ont coulé plusieurs navires ces derniers temps, le notre n’en fit pas partie, seules quelques mouettes ont osé s’aventurer près de nos voiles.
J’ai ainsi découvert que mon pied marin n’est pas des plus développés, retrouver la terre ferme a été une véritable bénédiction. Et j’ai plutôt bien été accueilli. Je roule un regard vers la jeune femme, sa peau hâlée faisant ressortir le bleu gris de ses malicieux yeux. Comment en suis-je arrivé à trop boire moi ? J’ai du mal à me souvenir de toute la soirée, toujours est-il qu’elle s’est plutôt bien finie.
C’est qu’elle a réussi à nous avoir un repas gratuit ! Je trinque avec elle avant de faire plus ample connaissance.
- Tu vis ici depuis longtemps ? Peut-être pourrais tu me faire visiter le coin avant que je ne reparte.
Les assiettes arrivent, l’odeur fumée du poisson me fait saliver. Sans demander mon reste je coupe la chaire pour l’amener à ma bouche, le morceau fond sur ma langue. Quelques herbes relèvent le goût, et l’accompagnement de petits légumes apporte une note sucré salé impromptu. Comme dirait l’autre, manger, c’est le début du bonheur, et pour moi il est important de savourer chaque met cuisiné. Après tout, c’est une sorte dommage à la vie perdu de ce poisson que de le déguster.
- Tu sembles t’y connaître en soin, une passion pour les vertus de nos chères plantes?
Je m’y connais un peu en plantes, les plus basiques, j’adore les utiliser lors de camping sauvage pour agrémenter un repas improvisé, ou encore utiliser leurs propriétés pour la fabrication de quelques onguents. Peut-être Zahria pourrait me révéler quelques astuces.
Soudain un type entre en trombe dans l’auberge, il passe en crible la salle avant de fixer son regard sur moi. Pas très grand, les cheveux hirsute poivre et sel, une barbe mal taillée de quelques jours, je reconnais sans mal le marchand marin que j’ai accompagné pendant ma mission. Il s’avance sur moi, l’air grave.
- Bonjour, je suis ravi de vous voir encore ici ! Écoutez, la marchandise a été volée cette nuit, on a besoin de vous pour la retrouver, je ne sais pas quoi faire …
Je l’observe quelques secondes, attendant qu’il reprenne son calme. Malheureusement ma quête est terminée, et le vol n’est pas la spécialité des aventuriers hors requête spéciale.
- En avez-vous informer la Garde ? Ils seront plus à même d’enquêter, c’est leur travail.
Il se tortille, regardant la jeune femme qui m’accompagne. Par un signe de tête il me fait comprendre la confidentialité des paroles qu’il va me dire. Je ne bouge cependant pas, visage fermé et regard fixe, attendant la suite avec une certaine nonchalance. Comprenant que je ne bougerais pas il finit par céder.
- Disons que, ahum, ben cette marchandise là n’est pas vraiment … légale.
Je lève le sourcil, très bien …
- Et vous vous dites qu’un agent de la guilde est le plus compétent pour une enquête illégale ... lui glissé-je avec calme.
L’inquiétude se lit sur son regard, il ne sait plus comment se comporter. Je bois une gorgée de ma bière avant de poursuivre.
- Retrouvez moi dans une demi-heure, vous allez m’expliquer tout ça en détail.
Il acquiesce en silence avant de repartir, les épaules voûtées. Il devait se demander à quelle sauce il allait être cuisiné.
Oserait-il revenir ?
- Excuse moi pour cette interlude …
Je reprends une bouchée d’un air détaché, pourtant mes méninges se remémorent le voyage à la recherche d’indices sur la fameuse marchandise pas si légale …code ─ croquelune
« J'habite à la Capitale en fait, mais je voyage souvent pour mon commerce. Je connais donc un peu la ville, ça me ferait très plaisir de te guider ! Et toi, c'est quoi ton point de chute ? »
Heureusement que le plat est enfin servi, ça fait une distraction à Naë, qui semble prendre un plaisir très similaire à celui qu'elle lui a connu un peu plus tôt dans la chambre. Zahria ne fait pas prier non plus pour s'attaquer goulûment à son poisson, grillé à point. C'est pas à la Capitale qu'on peut en manger d'aussi bon, et c'est un régal. Sous une fine couche croustillante, la chair est tendre à souhait, glissant sur sa langue comme du miel. Et puis voilà les questions qui reprennent. Heureusement, le jeune homme l'emmène vers là où elle voulait, et Zahria a de nouveau le contrôle sur sa situation. Celle qu'elle présente quand elle est à découverte de cette façon, et qui lui permet de circuler sans problème.
« Je suis marchande itinérante, et je fais notamment la liaison entre le Grand Port et une herboristerie de la Capitale. Ça sert toujours d'avoir des connaissances un peu partout, ça sauve des coups ! »
Elle est sur le point de lui demander ce qu'il fait de son côté quand la réponse se présente d'elle-même sous la forme d'un type un trop pressé pour cette journée qui avait pourtant commencé paisiblement. Zahria ne sourcille pas quand Naë fait mention de la Garde, mais reste très attentive, car cette histoire de vol de marchandise peut avoir un lien avec l'affaire qui l'a menée ici. Et elle a raison, car la suite s'avère toute aussi croustillante que la peau du poisson dont il ne reste plus que les arêtes dans son assiette. Une fois le gars renvoyé, les méninges de l'espionne se mettent en route en même temps que ceux de son amant d'une nuit. Hors de question qu'il lui fausse compagnie alors que son histoire semble être liée de si près à la sienne.
« Laisse moi t'aider avec ton affaire. Je connais un peu les gens du coin, je pourrais te servir. Promis, je resterai discrète. »
Et pour cause.
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Deux heures plus tard, voilà le petit couple en pleine balade dans la ville. On pourrait les prendre pour des tourtereaux en promenade romantique, marchant ainsi main dans la main en discutant à voix basse, se faisant de grands sourires complices, mais les apparences sont trompeuses. Ils s'arrêtent auprès d'un marchand ambulant qui vend des cacahuètes et des pistaches grillées en échangeant un petit rire. Le marchand pourtant semble reconnaître Zahria, et la salue d'un signe de tête.
« Salut Henri.
- 'Jour m'dame.
- Des vols de marchandises sur le port, ça te parle ?
- P'tête bien. 'Voulez des cacahuètes ?
- P'tête bien.
- J'peux juste vous dire que y'a des gens très informés dans le coin. Et l'information, en général, ça passe par la guérite du douanier. Y sait tout sur tout c'qui arrive, et tout c'qui part.
- Combien, tes cacahuètes ? »
Après avoir versé une somme exorbitante pour un simple sachet de cacahuètes, les deux jeunes gens s'éloignent en grignotant le petit encas sucré. Histoire de ne pas trop donner l'impression d'être en confiance, Zahria se tourne vers Naë avec un petit sourire.
« C'est excitant, de mener l'enquête comme ça. On dirait des détectives, c'est marrant. Tu fais ça souvent ? »
A traduire par "tu t'occupes souvent d'affaires illégales sans passer par la Garde ?". Tant qu'il n'est pas dangereux, elle estime qu'elle n'a pas à faire de rapport, mais c'est toujours bon à savoir avec qui elle traîne. Elle préfère en général les truands qui ont la main sur le coeur aux paladins prêts à tout pour faire régner la loi, et la réponse de Naë n'influera aucunement sur la vision qu'elle a de lui. Encore une chose qu'il serait préférable que le maître espion ignore... Même s'il a des yeux de partout, malheureusement.
Une bonne journée qui commence─ avec Zahria
Suite à l’intervention de notre marin, Zahria me propose son aide. Je la regarde longuement, sondant son regard à la recherche de ses intentions. Soit cette demoiselle est à la recherche d’aventures pour pimenter son quotidien d’herboriste, ce qui arrive plus souvent qu’on ne le croit, soit cette affaire l’intéresse de quelque manière que ce soit.
J’acquiesce sans un mot, nous pouvons au moins dénouer ce qui se trame pour ensuite en faire part à la garde. Leur mâcher le travail en quelque sorte. Et je dois avouer que l’intérêt de la brune a éveillé ma propre curiosité.
Nous continuons le repas, je réponds à ses questions. Aventurier venant de la Capitale, peut-être nous y croiserons nous dans le futur ?
Je rejoins ensuite mon marchand la demi-heure plus tard, seul. Question qu’il puisse me parler en toute confidence, et histoire de filtrer les informations que je pourrais donner à Zahria. Nous nous installons sur une petite table dans un coin, avec un jeu de dés. Nous entamons une partie de Yam’s comme couverture de notre petit échange. Les cinq dés volent, certains restent sur le plateau tandis que j’en relance d’autres. Je note des résultats fictifs sur mon carnet, en réalité on y lira les indices que me dicte le type encore mal à l’aise de la situation.
- Si vous voulez que je vous aide, il va falloir me dire ce que contient vos caisses mystérieuses.
Il se racle la gorge, secouant longuement les dés dans sa main avant de répondre la voix étranglée.
- J’aimerais bien, mais j’sais pas moi-même ce que c’est … J’ai … à la Capitale on m’a donné une p’tite bourse pour que j’ramène quelques colis en plus sur mon navire.
Pile sur le navire où je devais surveiller la flotte. Cela ne me semble pas être une coïncidence. Je fais le lien avec ma mission, des bateaux sont pillés en pleine mer. Peut-être pas pour la marchandise qu’on leur connaît … Serait-ce un véritable trafic ? Il me faudra en informer ma hiérarchie.
- Et les caisses d’intérêt ont-elles été subtilisées à l’entrepôt où nous les avons déposées?
Le bruit des dés roulant sur le plateau rythme notre discussion, le gars hésite.
- Je vous rappelle que vous m’avez demander mon aide, si vous ne me dites rien je vous laisse vous démerder.
Je commence à me lever pour lui mettre la pression.
- Non, non attendez ! Dit-il entre ses dents. Je … Après votre départ, nous avons chargé trois caisses dans la cours arrière d’une p’tite maison. Et c’matin, fallait qu’on les déplace encore, sauf que c’matin, elles y étaient plus. C’est comme une rupture de contrat voyez ? Et si je les r’trouve pas, ben c’est mon p’tit commerce qui va toucher l’fond …
Je lis l’inquiétude dans son regard. Lui tendant mon carnet pour qu’il me note les adresses et de la maisonnette et du lieu où il devait encore déplacer la marchandise, je conclus à notre entretien.
- Cette partie de dés fut intéressante, on refait la même demain, même heure. Il va falloir revoir vos stratégies, peut-être vous y gagnerais plus sans tenter de tricher, ça ne vous va visiblement pas.
Je vois sa mine se décomposer, il comprend amplement mes sous entendus. Je retourne à la chambre pour récupérer mon sac sans fond avec toutes mes affaires et après un rapide débriefing auprès de ma partenaire de nuit suivi de quelques lascives caresses, nous voilà dans les rues du port à la recherche d’indic’. Et je suis très étonné de voir la belle échanger avec un vendeur à la sauvette, avec une aisance presque … habituelle.
- C'est excitant, de mener l'enquête comme ça. On dirait des détectives, c'est marrant. Tu fais ça souvent ?
Je souris sagement avant de prononcer chaque mot avec intérêt.
- Cela semble te plaire oui, je pourrais presque croire que ce n’est pas la première fois que tu croises cet Henri, je me trompe?
Sous-entendu : tu as déjà fait ce genre de chose avant, mais pour quelle raison ?
- J’ai plus l’habitude de traquer des wargs ou dragons, combattre des centipèdes même, que de mener une enquête de la sorte. Il nous faudra en informer la garde lorsque nous en saurons davantage.
J’observe sa réaction à mes derniers mots mais la brune ne laisse rien paraître à part sa joie pour ce qui semble être pour elle un jeu. Nous arrivons à la guérite du dit douanier, je dois avouer ne pas savoir comment m’y prendre. J’y vais donc de la manière la plus direct possible, laissant apparaître ma plaque d’aventurier autour de mon cou.
- Bonjour Monsieur, je suis arrivé hier à bord de « l’Art rions », un navire de marchandises. Je voulais savoir ce qui a été enregistré, en quelle quantité et où cela a été stocké?
Je sors mon ordre de mission signée par la Guilde pour appuyer mes paroles, en espérant qu’il ne lise pas en détail son contenu, il verrait que cela n’a rien à voir avec mes questions.
L’homme ne prend même pas la peine d’y jeter un regard et me répond le plus sérieusement du monde que ces informations sont à la discrétions de la douane et seul son chef a pour autorisation de les divulguer.
- Et qui est votre chef ?
Un certain Lance Eirford, très occupé par sa fonction. J’acquiesce avant d’entraîner Zahria un peu plus loin, lui faisant part de mes observations pendant la petite entrevue avec notre agent. Mon regard n’avait pas failli et j’ai pu enregistré quelques informations intéressantes.
- De ce que j’ai vu les registres sont archivés dans une bibliothèque fermée dans la guérite, et la clé est attachée autour du poignet du douanier. Je suppose qu’il l’emporte avec lui lorsqu’il quitte son poste …
Je réfléchis tout en marchant, toujours bras dessus bras dessous avec la belle.
- Madame la détective aurait-elle une idée ?code ─ croquelune
Elle a ensuite pris le temps de vérifier avec l'un de ses indics que le bateau des pirates reviendrait au port dans la soirée. Elle a donc jusqu'à ce soir pour jouer aux détectives avec Naë, récupérer ses informations, puis passer à l'action pour vérifier que le bateau qu'elle cherche est bien celui qu'on lui a indiqué. La garde fera ensuite le travail officiel d'arrestation, et elle sera déjà bien loin. Un jeu d'enfant. Si seulement...
« Quoi, Henri ? Oui, je le connais bien ! Je le fournis en graines de tournesol, qu'il fait sécher et saler pour les vendre dans des cornets comme ces cacahuètes. Ça se décortique avec les dents en laissant un petit arrière-goût salé, c'est très bon ! Je te ferai goûter, si tu veux. »
De la ressource, toujours de la ressource. Naë, quant à lui, révèle être plutôt un chasseur de gros gibier. Un métier intéressant. Elle aurait certainement fait ça si elle n'était pas rentrée dans la garde. Les sensations fortes, y'a que ça de vrai. Ça doit être moins marrant de faire des missions d'escorte comme là, mais au moins, ça fait voyager. Le jeune homme fait mention de la garde, et Zahria est on ne peut plus d'accord avec lui.
« Oui, c'est sûr que c'est à eux de s'occuper de ce genre de cas. De toutes façons, nous n'avons pas l'autorité pour agir ! Mais si on peut leur mâcher le travail, en bons citoyens, c'est toujours ça de fait. »
Et leur indiquer très exactement qui sont les méchants à mettre au cachot, où les trouver, ce qu'ils ont volé et dans quelle quantité... Son boulot, quoi. Et puis si Naë doit récupérer une cargaison pour son commanditaire, à condition que ce ne soit rien d'illégal, elle pourrait bien fermer les yeux et omettre d'en faire mention dans son rapport au maître-espion... Le jeune homme ne pourra jamais la remercier pour ça, mais ce sera sa petite satisfaction personnelle. La suite est assez logique. Ils n'ont pas l'autorité pour poser des questions au douanier, qui ne lâche rien. Si elle est agréablement surprise par l'esprit d'observation de son amant - il ferait presque un bon espion ! - elle ne laisse rien paraître. Pour la première fois depuis le début de la journée, elle regrette d'être avec lui. Seule, elle aurait pu passer par derrière discrètement et crocheter la porte, ou bien voler la clé, ou tout simplement utiliser sa plaque pour faire valoir son grade de garde. Là, elle en est tenue à des méthodes plus conventionnelles pour ne rien laisser paraître à Naë. Pour autant, il ne semble pas être du genre à s'arrêter en si bon chemin, et on dirait presque qu'il la teste avec sa question.
« On devrait peut-être attendre de demander à son chef ? »
Le ton est innocent, mais Zahria scrute son compagnon. Il cache encore de la ressource, elle peut le sentir. Un petit sourire félin apparaît sur le bord des lèvres de la brune, et elle reprend sur un ton tout aussi enjoué.
« Ou alors... je fais diversion et tu en profites pour lui prendre la clé et aller voir ! »
Va-t-il se prendre au jeu, ou rester réglo ? Dans les deux cas, l'espionne y trouvera son compte, et son amusement, pour sûr.
Une bonne journée qui commence─ avec Zahria
- On devrait peut-être attendre de demander à son chef ?
J’entends la réponse, distrait. Je cherche déjà une autre solution, même si ce n’est pas raisonnable. Rha saleté de curiosité ! Moi qui aspirais juste à remplir ma mission et me barrer … Bon okay, je suis resté pour une raison tout à fait discutable, et tellement agréable.
Comment récupérer la clé …
- Ou alors... je fais diversion et tu en profites pour lui prendre la clé et aller voir !
Ah cette fois ça m’intéresse. Je tourne le visage vers Zahria, l’expression plus que malicieuse. Plus que jamais je fais preuve de réserve, bien qu’en réalité l’idée m’émoustille.
- Tu sais que ce n’est pas légal, même si je ne jetterais qu’un œil sur le registre. Si on se fait choper tu risques d’avoir des soucis avec ton commerce …
Bon en vrai je ne pense pas que les conséquences soient si élevées juste pour regarder un document dans le dos d’un douanier, mais je préférais que la brune se rende bien compte de ce qu’elle propose. Non sans se défaire de son engouement, elle acquiesce, me fixant de plus belle.
- Il serait plus judicieux d’aller voir ce Lance ..., je laisse un petit temps de pause avant de reprendre sur un ton plus bas.
- Mais sincèrement nous allons perdre du temps pour, je suis quasiment sûr, un refus. Okay, allons chercher cette info par nous même !
Cette fois je m’emballe, je mène Zahria sur un banc pour que nous peaufinions notre stratégie.
- Comment comptes-tu t’y prendre pour faire diversion ? La clé est à son poignet, il faut d’abord la lui retirer. Sauf … Sauf s’il ouvre de lui même le meuble des archives ! Il faut avoir quelque chose à faire enregistrer ! Pas nous … T’as pas un autre Henri qui traîne sur le port qui pourrait se faire passer pour un marin ?
Je continue à réfléchir tout en écoutant la jeune femme.
- Oui voilà, lui répondis-je. Il fait enregistrer je ne sais quoi, et toi tu interviens à ce moment là, faudrait que tu arrives à le faire sortir prestement de sa guérite. Comme ça j’entre et je farfouille le temps qu’il s’occupe de toi. Une demoiselle en détresse devrait arriver à faire ça non? lui dis-je avec un clin d’œil.
Finalement nous avons échafauder notre plan en peu de temps, tant mieux. Nous le mettons en place dans les plus bref délais, juste le temps de trouver notre premier protagoniste qui fera vœu de silence pour les quelques cristaux que nous lui laissons. Je me cache derrière la petite annexe de commandement avant de laisser faire mes deux complices. Quand Zahria entre en piste, je suis bluffé par son talent de comédienne. Elle due redoubler d’effort pour que l’autre pantouflard de garde daigne sortir lui prêter secours. C’est maintenant que je fais mon apparition. J’entre dans la guérite, me stoppe quelques secondes pour visualiser le placard, et j’attrape le premier cahier. Je le feuillette rapidement me rendant compte que ce n’est pas le bon. J’ai bien plus de succès avec le second, je vois noter le nom de L’Art rions et je lis les annotations concernant le navire, sa marchandise et ses hommes. Intéressant tout ça … Je me répète les informations importantes dans un murmure avant de refermer le registre et me retirer.
Je fais mine alors d’arriver surpris, en courant, vers l’agent et Zahria.
- Que sait-il passé ? Ma chérie tu vas bien ?
Je prends la femme dans mes bras, la portant pour la ramener avec moi. Je ne manque pas de gratifier le douanier pour sa réaction exemplaire et son héroïsme ! Quel homme, accourir comme ça pour aider ainsi une âme en détresse. Lucy le lui rendra ! Merci, merci encore mon brave homme !
J’attends d’avoir mis de la distance avec le port pour reposer la dulcinée et lui faire part de mes découvertes.
- Quelle actrice ! Tu m’as impressionnée. je lui fais un clin d’œil. Toujours est-il qu’il n’y a d’enregistrer que la marchandise officiel sur ce registre. Cependant, j’ai remarqué un marquage discret sur certains arrivages, dont l’Art Rions. Et je me demande si celui-ci ne correspond pas aux navires transportant aussi des caisses officieuses …
Je marque un petit temps de pause pour laisser à ma complice le temps d’intégrer tout ce que je dis.
- Cela nous donne un indice : la Douane est complice du trafic qui se fait ici ! Et deuxième chose … Un navire est inscrit pour arriver dans la soirée, et lui aussi à ce même marquage. Peut-être que la garde pourrait intervenir si nous les prévenons assez tôt … Malheureusement tout ceci est une déduction et nous avons de bien maigre réelles informations. Sauront-ils nous écouter et nous croire?
Je sors mon carnet et montre une des adresses inscrites un peu plus tôt par le marchand illégal.
- Nous avons encore un peu de temps, ça te dit qu’on poursuive nos fouilles ?code ─ croquelune
« Sans avoir un deuxième Henri qui traîne, ça ne doit pas être difficile de trouver quelqu'un voulant se faire quelques cristaux facilement et sans trop prendre de risque... Il suffit de prendre un matelot qui vient enregistrer un colis retrouvé sur son bateau, les marins ont toujours besoin d'un peu d'argent de poche ! »
Naë enchaîne, très excité. Il a l'air de s'amuser presque autant que Zahria qui est à peu près dans le même état que lui. L'espionne n'est pas en reste niveau idées farfelues, et ça fuse dans tous les sens.
« Je pourrais prétendre faire un malaise à cause du soleil, ça doit arriver tous les jours ici, non ? Quoi que, justement, si ça arrive tous les jours, ça ne va pas le faire bouger... Et puis avec ma peau mâte, il va se foutre de ma gueule si je dis que je supporte pas le soleil... Ou non, attends, j'ai une meilleure idée ! »
Elle éclate de rire par avance en imaginant la scène, avant de la décrire à Naë, qui semble emballé par l'idée. Après peaufinage du plan, ils trouvent facilement un matelot correspondant à leurs critères, et Zahria attend que le meuble contenant les archives soit ouvert, à grands renforts de bougonnements du douanier, qui ne semble que moyennement content d'être forcé à retrouver l'inventaire du bateau où leur complice assure avoir retrouvé une cargaison non enregistrée, pour entrer en scène.
« Au voleur ! Au voleur ! »
Très à l'aise dans son rôle de demoiselle en détresse, elle pointe le ciel du doigt tout en s'époumonant. Quelques marins tournent la tête, mais ils semblent avoir autre chose à faire que s'occuper d'elle, et c'est leur jeune complice de matelot qui finit par avoir raison de la pitié du douanier.
« On devrait peut-être l'aider, non ?
- Hein, oh, oui bon, d'accord, allons voir. Que vous arrive-t-il, madame !
- On m'a volé mon sac ! Mon sac avec toutes mes affaires ! Il y avait ma bourse de cristaux et mes cacahuètes grillées dedans !
- Hein, et il est parti où le voleur ?
- Là-haut !
- Quoi, il vole, votre voleur ?
- Mais pourquoi est-ce que vous ne m'écoutez pas ! Puisque je vous dis que je me suis fait voler mes affaires !
- Oui, j'ai bien compris, mais vous me montrez le ciel...
- Evidemment que je vous montre ciel ! C'est là qu'il est parti !
- Madame, il va falloir être un peu plus précise, parce que vous commencez à me perdre, là.
- Le voleur ! Il s'est envolé !
- Envolé, genre, avec des ailes ?
- Evidemment qu'il avait des ailes ! Comment se serait-il envolé sinon ?!
- Vous vous payez ma tronche ? Vous commencez à me taper sur le système, j'ai du boulot moi madame, si vous avez un voleur volant à arrêter, demander à la garde, ils seront plus qualifiés que moi ! »
Naë n'a pas fini, et le douanier est sur le point de retourner vers sa cabane. Il faut réussir à garder son attention encore quelques secondes, le temps que son amant puisse ranger les cahiers qu'il a sorti...
« Vous n'allez tout de même pas abandonner une jeune femme aussi malheureuse que moi !
- Mais vous n'étiez pas accompagnée, tout à l'heure ?
- En tout cas, je ne le suis plus, et il n'y a personne pour m'aider à résoudre mon problème ! Je connais le gouverneur, monsieur, pensez-vous qu'il sera content d'apprendre que les douaniers ici ne se préoccupent même pas des pauvres citoyens qui se font voler leurs affaires ?
- Je... euh... non... Bon... Allez, il ressemble à quoi, votre voleur ?
- Alors, il était plutôt grand, les yeux jaunes, le port altier, comme ça, vous voyez... et puis il avait du gris à ce niveau-là, et la queue noire, et le reste de ses plumes étaient blanches...
- Mais, attendez... C'est un goéland, que vous me décrivez ?!
- Vous pensiez à quoi d'autre, quand je vous ai dit qu'il s'était envolé !! Vous êtes sourd ou vous le faites exprès ?! »
Heureusement, car la conversation commençait à s'essouffler, c'est le moment que choisit Naë pour venir secourir sa belle. La portant dans ses bras comme si elle était blessée, il remercie le douanier comme s'il avait servi à quelque chose, et les amants disparaissent aussitôt. Ce n'est pas désagréable, de se faire ainsi trimbaler, se dit Zahria, elle pourrait s'habituer à ce moyen de locomotion... Taquine, elle fait une remarque à ce sujet à Naë sur le trajet.
« Tu sais, si tu voulais me sentir à nouveau près de toi, tu pouvais juste le dire, pas besoin de chercher des excuses ! »
Après un clin d'oeil suggestif, elle lui adresse un sourire de chat, avant de reprendre son sérieux quand il la pose enfin et lui explique ce qu'il a vu dans les registres. Le cerveau de Zahria se met à nouveau en ébullition. La douane serait donc complice du réseau de piraterie ? C'est plus grave que ce qu'elle pensait. Ils doivent avoir bien plus d'influence qu'on ne pourrait croire. Naë veut continuer à enquêter, mais est-ce bien raisonnable ? En même temps, il n'a pas tort, ils n'en savent pas assez pour établir un plan convenable. Même si la garde arrêtait le navire qui arrive ce soir, sans en savoir plus sur ce réseau et les personnes qui le dirigent, ils ne feraient que ralentir leur trafic sans l'arrêter complètement. Aussi acquiesce-t-elle quand il lui propose de continuer l'enquête à l'une des adresses qu'il a réussi à récupérer, apparemment un lieu de transit pour le matériel volé.
Arrivant sur place, près des entrepôts à quelques pâtés du port, ils identifient sans mal celui qui les intéresse: il est gardé par six hommes, deux devant chaque entrée, et deux faisant des rondes. En posant quelques questions par ci par là, ils apprennent que le lieu appartient à Beril Elfaer, un commerçant ayant fait fortune de façon fulgurante au cours des deux dernières années. Trouvant un endroit discret pour discuter avec Naë, Zahria lui fait part de ses suppositions.
« Quelque chose me dit que ce Beril Elfaer est mouillé dans cette affaire. Il faudrait pouvoir trouver un truc qui le prouve, si la garde a des raisons de l'arrêter ils arriveront peut-être à lui faire cracher toute l'histoire et dénoncer tout son réseau. »
En lui faisant boire une potion de vérité, par exemple...
« En plus, la cargaison que tu cherches a de fortes chances de se trouver dans cet entrepôt, non ? Qu'en dis-tu, on essaye de rentrer ? »
On passe là à un tout autre niveau dans l'enquête, et encore une fois, Zahria ne sait pas très bien jusqu'à quel point elle peut impliquer son amant. S'il a démontré qu'elle pouvait lui faire confiance, elle ne peut pas se permettre de lui faire faire des choses dangereuses ou illégales qu'elle ferait en toute impunité si elle était seule... Mais en même temps, il s'est avéré très utile jusqu'à maintenant, et il n'y a pas de raison de le laisser de côté... Peut-être aura-t-il une meilleure idée qu'elle, après tout.
Une bonne journée qui commence─ avec Zahria
Mon amante est terriblement douée pur obtenir des informations. En même temps, avec un minois comme le sien elle doit avoir l’habitude d’obtenir ce qu’elle veut. Après tout n’avait elle pas fait ce qu’elle voulait de moi la veille au soir ?
Je souris à ces quelques souvenirs avant de reprendre un air grave face à la proposition de l’herboriste. Rentrer dans l’entrepôt avec autant de gardes ? Risqué, peut-être trop risqué. Cela me rappelle la mission Martha avec ce bon Jack. Et mon effraction dans la maison des ventes illégales. Et comment j’ai failli finir en pâtée pour chiens.
- Et bien … je ne sais pas quel statut officiel a cet entrepôt, mais y rentrer illégalement pourrait nous coûter cher …
Je pointe du menton les gros bras.
- En soit moi la cargaison je m’en contrefiche, le marchand n’a qu’à pas traîner dans des affaires louches.
Je marque un petit temps de pause avant de reprendre.
- Cependant ...
Cependant ma curiosité prend le dessus oui ! Bigre, pourquoi est-ce que je me fourre dans de telles histoires, qui ne me concernent pas qui plus est. Ma mission est finie, dûment remplie. Et j’ose en plus impliquer une civile ! Il faut qu’on s’arrête là.
- Cependant j’ai une idée qui me vient, et je vais encore avoir besoin de tes talents d’actrice si vraiment tu veux qu’on continue.
Je me mets face à la jeune femme, le regard grave.
- Zahria, en vérité il faudrait que nous nous arrêtions là. Ni toi ni moi sommes qualifiés pour faire ça. Et il y a des gens dont c’est le métier. Je ne peux te faire courir ce risque.
C’est vraiment dommage car mon idée pourrait fonctionner. Bon allez, je lui expose quand même on avisera après.
- Mon plan est bancal en plus, il est basé sur beaucoup de suppositions. Si l’une est fausse, c’est le faux pas assuré.
Je tourne un peu du pot avant de dire ce qu’il en est.
- Parce que tu vois, les gros bras là, tu penses qu’ils ont déjà vu ce ou cette Beril ? Qu’on se le dise, ceux qui tirent les ficelles sont rarement sur le terrain …
Enfin j’espère …
- Du coup je me disais, si CETTE Beril vient à vérifier son dépôt accompagné par son garde du corps, ça pourrait fonctionner. Faudrait juste trouver le moyen de convaincre les gardes que tu es Beril …
Je caresse les poils de ma joues au menton, réfléchissant au comment de la chose, essayant de me remémorer les informations recueillies jusque là.
- On est d’accord que c’est bien trop risqué. Allez vient nous ferions mieux de prévenir des gardes royaux …
Je m’apprête à faire demi-tour lorsque du mouvement anime l’entrepôt que nous surveillons. Des caisses sont déplacées aussi subtilement que leur encombrement le permet, nous laissant entrevoir l’intérieur du bâtiment. Évidemment à cette distance je n’y vois pas grand-chose. Je m’empresse de sortir ma longue vue aigle fin de mon sac pour zoomer avant qu’il ne soit trop tard.
- Mmh … Intéressant … lâché-je distraitement.
La jeune femme me transperce de son regard azur, je finis par lui tendre l’objet pour qu’elle observe par elle-même.
- Je crois qu’il y a déjà un Baril dans le coin, ou un de ses sbires hauts placés en tout cas. Observe bien ses mains.
Ses doigts portent de riches bagues, la facture même de ses vêtements montrent leur pompeuse provenance. L’homme donne ses derniers ordres avant de sortir du bâtiments, évidemment accompagné par deux copains au faciès pas très jovial.
- Autre solution … on peut aussi aller interroger ce type, mais pareil, les brutus qui l’entourent n’ont pas l’air très sympathique. Il nous faut une excuse pour l’aborder, une idée?
Dans ma tête je fais l’inventaire de mon sac, gardant en tête ce qui pourrait nous aider. Fumeroles, carreaux foudres pour paralyser les types, et soudain le souvenir d’une potion bien utile !
- Au fait, j’ai une potion d’invisibilité …
Je lâche ça avec détachement, un petit oubli qui aurait pu nous être utile quelques instants plus tôt …code ─ croquelune
Elle sait qu'elle ne devrait pas l'impliquer plus que ça, mais quelque chose la pousse à continuer. Et puis, après tout, il ne semble demander que ça. Elle se voit bien justifier ça au maître-espion... "Mais il était enthousiaste, je vous assure !". N'empêche, son histoire de potion d'invisibilité, c'est pas con. Ça peut permettre de l'impliquer sans le mettre en danger, et d'avoir un renfort au cas où ça se passe mal. Et puis l'idée, c'est surtout de rentrer dedans, faire le tour des lieux pour faciliter le travail de la garde, et cassos. Ça peut marcher. Elle fouille dans sa sacoche et finit par en sortir avec un grand sourire une fiole, récupérée un peu plus tôt dans la cache des espions.
« Potion de changement d'apparence ! »
Elle lui reprend rapidement la longue vue des mains, pour voir tourner au coin de la rue le gros ponte qui était là deux minutes plus tôt. Elle le détaille le plus possible avant qu'il ne disparaisse. Bien, ça devrait suffire.
« T'as raison, y'a moyen de rentrer inaperçus et faire un bon gros repérage préalable pour la Garde. On boit chacun notre potion, moi je prends l'apparence de ce gars-là qui vient de partir et je fais diversion, et toi tu quadrilles la zone pour repérer tout ce qu'il y a à repérer, le nombres de gars à l'intérieur, les emplacements des marchandises, enfin tout ce que tu peux quoi ! »
Naë acquiesce, et Zahria dépose un rapide baiser sur ses lèvres avant d'avaler sa potion, en pensant à l'homme qui vient de partir et à tous les détails qu'elle a noté sur lui. Rapidement l'illusion fait effet et Zahria se sent grandir de quelques centimètres vers le haut, et de beaucoup sur les côtés. La potion est assez efficace pour la transformer dans les moindres détails, bagues incluses.
« Alors, de quoi j'ai l'air ? »
Assistant à la disparition de son amant, Zahria laisse échapper un soupir censé lui donner du courage. Allez, c'est parti.
« Bon, je te fais rentrer, tu fais le tour. Et quand t'as fini, tu viens poser ta main sur mon épaule et je nous fais ressortir. On rentre, on sort, c'est simple. Pas de vagues ! »
Elle fait un détour pour arriver à la porte, afin qu'on la voit arriver du même endroit où l'autre est parti. Les gardes la reconnaissent immédiatement quand ils la voient et ont l'air surpris.
« Vous avez oublié un truc, patron ? Et où sont vos gardes ?
- De quoi je me mêle, les sbires ? Faites moi entrer. »
L'ordre est lancé sèchement, et Zahria se dit qu'elle a bien dû capter le personnage, car les deux hommes s'excusent platement et font ouvrir la porte immédiatement. Elle sent Naë à ses côtés qui disparaît pour aller fureter un peu plus loin, alors qu'une femme s'approche d'elle, celle à qui parlait le bonhomme dont elle a pris l'apparence, certainement la responsable du lieu.
« Déjà de retour ? Je croyais que vous ne vouliez pas être vu ici, Beril ? »
Ouh. Ils ont touché le gros lot. Il s'agissait bien de Beril. Il faudra féliciter Naë pour son intuition.
« J'avais quelque chose à vérifier avant. Refaites moi le déroulé de la soirée à venir, quelque chose me tracasse...
- Vous voulez qu'on aille dans le bureau ?
- Oui, allons-y. Je dois jeter un coup d'oeil aux documents... euh...
- Le carnet des transactions ?
- Oui, voilà. Désolé, c'est le soleil, ça m'a un peu tapé sur le crâne.
- Oui, c'est vrai que vous ne supportez pas bien la lumière... »
Ironique.
Zahria se laisse guider par la femme, en souhaitant intérieurement bonne chance à Naë. De son côté, il va vite falloir qu'elle devine le prénom de la jeune femme qui l'accompagne, parce que dès qu'ils sont seuls dans le bureau, elle lui saute dessus et commence à l'embrasser.
« Toi non plus, tu ne pouvais pas attendre ce soir ? », demande-t-elle en s'acharnant sur la boucle de ceinture du pantalon de Beril/Zahria. « C'est tellement dur de se contenir devant les autres... Et ta femme qui se refuse à partir chez sa mère, c'est insupportable... J'avais tellement envie de toi... »
Oula. Cela avait effectivement paru bien facile d'arriver dans le bureau et se rapprocher des documents confidentiels, mais là ça prend une toute autre tournure... Zahria a déjà testé les potions de changement d'apparence, parfois même pour jouer de la cornemuse dans le cadre d'infiltrations, mais là il faut vite qu'elle se débarrasse de la sangsue qui, faute de réussir à enlever son pantalon, est en train d'arracher son propre corsage. Zahria la freine, posant sa main sur la poitrine déjà nue de la jeune femme, ce qui lui donne encore plus de courage, vu qu'elle se remet à l'embrasser de plus belle, la faisant tomber dans un fauteuil tout proche.
Essayant de se raccrocher à tout ce qui passe à sa portée, Zahria agrippe une pierre polie, servant certainement de décoration, et dans un élan de désespoir, la fracasse sur le crâne de la jeune femme qui s'effondre immédiatement. Oh merde. Reposant l'arme du crime, Zahria se jette sur la femme et passe son doigt sous son nez. Il y a un souffle, elle est juste évanouie. Après un nouveau soupir de soulagement, elle entreprend de la poser sur le fauteuil, et la rhabille tant bien que mal. Les choses viennent de prendre un tournant compliqué, il va falloir que Naë fasse vite. Elle jette rapidement un coup d'oeil sur les documents posés sur le bureau, prenant un maximum de notes... Mais il va bientôt falloir écourter l'enquête, car elle entend des pas dans le couloir... Qu'est-ce que ça va être, cette fois ?
Une bonne journée qui commence─ avec Zahria
- Alors de quoi j’ai l’air ?
- Il faut vraiment que je réponde ? répondis-je avec un air faussement dégoûté.
Heureusement qu’elle m’a embrassé avant sa transformation, je ne suis pas sûr d’apprécier les lèvres de … lui. Je fouille mon sac, sors la potion et l’avale à mon tour. Une légère sensation de froid m’envahit, je vois mes mains disparaître et je dois avouer que c’est très étrange. Nous allons vers l’entrepôt où « Baril » nous fait entrer sans mal. Je la laisse se diriger vers le bureau tandis que je fouille la pièce de réserve. Ils ne lésinent pas sur les moyens. Deux hommes font la ronde et deux autres restent fixes sur une mezzanine. Ils ont l’air de s’ennuyer à mourir …
Je me fais discret, passant près d’un des gardes. Sauf que voilà, je manque de me ramasser en loupant une petite marche. Ridicule n’est-ce pas ? J’aimerais bien vous y voir moi ! Vous savez que sans la vision de mes membres la perspective n’est plus la même ? Moins pratique d’appréhender quoi que ce soit, et de poser un pied invisible correctement sur un obstacle, aussi léger soit-il. Bref … Pour me rattraper ben … J’ai bousculer le type. Et bien je pensais pas qu’on pouvait être aussi vif avec cette carrure de gorille ! Il se retourne en deux secondes pour mettre une énorme baffe au vide. En réalité le bout de ses doigts à frôler ma peau, par un réflexe in-extremis j’ai évité la catastrophe. Je me rabats aussi vite et discrètement que possible vers un mur.
- C’était quoi ça ! Hurle l’armoire à glace.
Les autres redeviennent alertes, observant la salle. Rien.
- Qu’est-ce t’as Hed’ ?
- Y a un truc qui m’as bousculé là !
Dit-il en se retournant dans tous les sens. Il va finir par avoir le mal de mer à faire la girouette comme ça.
- T’es sûr ? Y a rien mec.
Assure son collègue perché.
- Ça fait combien de temps que t’as pas dormi ?
- Je sais c’que j’dis là ! Y a quelque chose !
Un autre se met à ricaner.
- Encore tes histoires de troisième dimension c’est ça ?
« Hed’ » se vexe et file vers son comparse à l’opposé.
- Tu m’cherches c’est ça ?
Ah la testostérone … Je laisse les gars s’embrouiller, je profite de la diversion pour observer un peu plus rigoureusement les colis. L’un d’eux attire mon attention, intéressant … Le sceau de la douane maritime est apposé sur celui-ci, prouvant la complicité d'un des officiers dans l'affaire. Qu'est-ce qu'il peut bien se trouver dedans ? Pourquoi cette caisse en particulière ? Un autre détail s'accroche à mon regard, je n'ai pas le temps de me pencher sur les questions, on toque de nouveau à la porte. J’entends des voix et …
- Patron ? Mais … V’s êtes pas avec Linda là ?
Oh non, Zarhia ! On est dans la mouise totale là ! Diversion vite ! Je sors mon arbalète pour lancer une flèche foudre sur l’un des gardes en hauteur. Celui-ci s’écroule et tombe au sol. Et vu le bruit sourd du craquement qui résonne dans la pièce, je crois qu ça va faire mal au réveil ... Les autres se mettent alors à l’abri à la recherche du tireur. Le vrai Baril qui, à peine le pied dedans, se voit évacuer par ses vigiles personnels. Je pars chercher la jeune femme d’urgence. J’ouvre une porte, manque de chance elle n’est pas là. Deuxième porte, bingo !
- Zahria, c’est moi! chuchoté-je assez fort pour qu’elle m’entende.
Je lui pose la main sur le bras.
- Il faut qu’on parte maintenant ! Baril est réellement revenu !
Je le/la traîne avec moi, ouais sauf que les gardiens se sont réveillés pour courir ici. Okay, solution bis.
- Retiens ta respiration … Maintenant!
Ça y est, les garde sont là. Je casse un fumerolle et une épaisse fumée se libère. J’attrape la main de … l’homme, et me mets à courir vers la sortie. On entend les gars tousser, l’un d’eux se précipite à notre suite, je laisse ma coéquipière prendre de l’avance, faisant un croche pied au bonhomme qui s’étale lamentablement. Sortant enfin de l’entrepôt je ferme la porte sur le nez du suivant. Je bloque la porte de l’extérieur en cassant la poignet d’un bon coup de dague. Le coup résonne dans mon bras, outch !
Arf c’est pas fini ! Maintenant faut se débarrasser du vrai Baril qui observe son double maléfique d’un peu plus loin, éberlué, tandis que c’est sbire hésite sur la conduite à tenir avant de se diriger vers le jumeau … M*rde Zahria ! J’enclenche une nouvelle flèche foudre dans l’arbalète ...code ─ croquelune
Zahria se redresse, copiant la posture de l'homme en face d'elle, essayant de calmer le jeu par sa droiture et sa confiance. Le Baril en face est paniqué, ça risque d'aider. Elle s'adresse alors au sbire, tout simplement.
« Qu'est-ce que vous attendez ? Arrêtez cet imposteur.
- Quoi ! Mais c'est lui, l'imposteur !
- Evidemment que tu dis ça, bandit. Je ne sais pas ce que tu cherchais à obtenir ici, mais tu ferais mieux de déguerpir. Tu ne mérites pas ma clémence après ce tour de passe-passe banal. Ta transformation n'est même pas réussie, tu ne me ressembles finalement que très peu. »
Voilà, c'est parfait. Le pauvre homme armé ne sait plus qui il doit croire entre l'homme avec qui il vient d'arriver sur place et celui qui tient un discours beaucoup plus cohérent. Sa tête fait des allers-retours entre les deux, comme s'il suivait un match de pelote des montagnes. Baril, en face, commence à l'insulter à fort renfort de jurons disgracieux, ce qui fait tiquer son sbire, qui semble être habitué à tel comportement. Bon, elle ne gagnera pas à ce jeu-là, clairement. Se saisissant d'une deuxième fumerolle dans son sac, elle la craque et embarque Naë, courant à toute vitesse pour trouver un recoin où ils seront tranquille. Elle ne sait pas si c'est parce qu'il a fait quelque chose pour le retarder ou si c'est son discours qui l'a fait douter, mais le sbire ne les suit pas.
Cachés derrière des caisses, les deux amants reprennent leur souffle. Puis, toujours sous leurs formes alternatives, font le point. Zahria partage ses découvertes, en faisant lire ses notes à un Naë toujours invisible. Puis réfléchit.
« Je pense qu'on a suffisamment de données, là. Qu'est-ce que tu en penses ? Par contre, dans nos apparences actuelles, ça va être compliqué d'être crédibles... Enfin, ça pourrait passer, mais on va être un peu ridicules. Mais on ne peut pas vraiment attendre que les effets s'estompent, sinon il sera trop tard pour la transaction de ce soir... »
Ils n'ont pas vraiment réfléchi à ça en se transformant, tous les deux. C'est vrai que ça pourrait s'avérer problématique. Mais bon, elle avécu pire. Encore une fois, seule elle n'aurait aucun souci à se présenter devant la Garde et expliquer la situation, le fait même d'être dans une apparence différente lui aurait servi. Mais avec Naë, tout est plus compliqué. Elle préfère attendre d'avoir sa réponse pour aviser. Ce serait dommage de casser sa couverture face à lui.
« On fait quoi ? »
Une bonne journée qui commence─ avec Zahria
Zahria a raison, ne perdons pas de temps au risque de faire louper la transaction à la garde. j’acquiesce de la tête, notant l’absence de réaction de ma comparse je réalise qu’elle n’a pu voir mon mouvement. Bigre qu’est-ce que je peux être idiot parfois.
J’approuve donc sa proposition oralement et nous nous dirigeons vers le centre ville à la recherche d’autorité compétente. Sa démarche est lourde et peu gracieuse, vivement que l’effet de nos potions se dissipent que je profite d’un spectacle plus agréable …
Nous croisons un duo militaire, Zahria, sous sa forme masculine, les aborde. Je vois un sourire s’étendre sur leur visage quand elle leur raconte son problème d’apparence. De mon côté, restant silencieux, les gardes peinent à croire leur plaidant qui commence, je l’entends au son de sa voix, à perdre patiente.
- Vous ne devriez pas prendre ses paroles à la légère.
Finis-je par intervenir, faisant sursauter les deux hommes. J’enlève ma chaîne à laquelle est suspendue mon médaillon d’aventurier pour la tendre à l’herboriste. Elle la montre aux officiers afin d’appuyer notre récit et la véracité de nos propos. Ils finissent enfin par nous prendre au sérieux, et nous amène au poste de la ville. Nous sommes alors interrogés séparément, et très vite Zahria me rejoint, un air satisfait sur le visage grassouillet qui la masque.
- Ils veulent nous garder jusqu’à ce qu’on retrouve notre apparence, m’informe-t-elle.
- J’espère qu’ils ont de quoi nous occuper … lâché-je blasé.
Le type qui m’interrogeait quelques minutes plus tôt s’en va, nous laissant seuls. Zahria regarde les deux autres chaises à tour de rôle.
- Je suis sur celle de gauche si tu veux t’asseoir sur l’autre.
Elle ne le voit pas mais un large sourire narquois étire mes lèvre.
- Il va peut-être te falloir les deux pour t’asseoir vu ta corpulence …
- M’en parle pas, vivement que je retrouve ma silhouette.
Et nous attendons, une bonne demi-heure plus tard je retrouve les yeux ambrés de la belle et ma peau réapparaît aux yeux de tous. Nous quittons les lieux, la garde nous remerciant chaleureusement, plus particulièrement Zahria. Ses courbes féminines ont-elles retrouvées grâce à leurs yeux ? Dehors le soir s’installe, la fraîcheur de la saison chaude avec. Cette petite baisse de température n’est pas désagréable. Ma main glisse les hanches de la brune :
- Je ne sais pas pour toi, mais il se fait un peu tard pour que je retourne à la Capitale.
Je l’arrête en plein milieu d’un passage, fixant mon regard dans le sien, une lueur de malice se partage nos pupilles.
- Et si nous terminions cette journée comme elle a commencé ?
Son sourire espiègle en dit long sur sa réponse et non pas sans une petite raillerie de sa part, nous retrouvons l’auberge de notre réveil. Autant allier l’utile à l’agréable, encore une fois.code ─ croquelune