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    Un monde plein de mystères,
    plein de magie et surtout plein d'aventures...

    Il est peuplé de créatures fantastiques. Certaines d'une beauté incomparable, d'autres aussi hideuses qu'inimaginables, beaucoup sont extrêmement dangereuses alors que quelques unes sont tout simplement adorables. La magie est omniprésente sur ces terres : des animaux pouvant contrôler la météo, des fleurs qui se téléportent, des humains contrôlant les éléments, des objets magiques permettant de flotter dans les airs...

    Dans ce monde, il y a le royaume d'Aryon. Situé à l’extrémité sud du continent, c'est un royaume prospère, coupé du monde. Il est peuplé d'hommes et de femmes possédant tous un gros potentiel magique, chacun vivant leurs propres aventures pour le meilleur comme pour le pire.

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    Red et Bridget se transforment en instructeurs de la Garde de la Forteresse pour une journée, en compagnie d'une véritable instructrice...

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    A une journée de cheval de la Capitale, aux abords d'une petit village quelconque, un véritable massacre a eu lieu. Dans les décombres, on trouve pas moins d'une demi douzaine de corps, morts avant l'arrivée du feu. Que s'est-il passé exactement ? Qui a fait tout cela ? Personne n'en sait rien mais chose encore plus étrange : de longues heures après l'événement, un mist blanc à la crinière bleu y a été vu avant d'en repartir aussi vite. Autant dire que cet événement peu commun soulève bien des mystères...En savoir plus...
    Une maison supposément abandonnée a pris feu en pleine nuit, dans un village aux abords de la Capitale. Certains témoins racontent qu'un combat sanglant s'y est déroulé avant l'incendie. Plusieurs corps calcinés y ont été retrouvés.En savoir plus...
    La Couronne a annoncé la démission officielle d'Arban Höls au poste de Commandant du Royaume ! Si la fête et le discours donnés en l'honneur de son départ ont été dignes de ses nombreux services rendus à la Garde, la liste des invités s'est révélée étonnement courte et fermée. Il se raconte dans certains couloirs que la date de ce départ a été plusieurs fois avancée sous couvert du secret, et que cette démission ne serait pas aussi volontaire qu'elle le semblerait... On lui prête notamment des atomes crochus avec un écoterroriste tristement célèbre dans nos contrées. La Couronne a du moins assuré qu'Arban Höls pourrait désormais profiter pleinement de sa demeure fermière située au nord du Grand-Port, tel qu'il l'a toujours souhaité. Quelques Gardes seront également dépêchés sur place afin d'assurer sa sécurité. ... Ou serait-ce pour le surveiller ? Le poste de Commandant sera du moins provisoirement occupé par notre souverain, Grimvor Renmyrth, qui a réaffirmé sa volonté de protéger le peuple en ces temps incertains ! Il se murmure qu'une potentielle refonte de la Garde serait à prévoir, et qu'un successeur serait trouvé dans les prochains mois. A bon entendeur !En savoir plus...
    L’Astre de l’Aube au marché noir ? Ce matin, une rumeur des plus sombres se répandait dans les salons de la Capital. La célèbre Luz Weiss aurait été aperçue en train d’acheter des objets illégaux au marché noir ? Simple rumeur, tentative de décrédibilisation ou simple mensonge de couloir ? Impossible de le dire ! L’Astre de l’Aube dément officiellement que sa directrice puisse avoir de telles relations avec la pègre. Une mauvaise pub qui pourrait éclabousser l’organisation médicale si elle s’avérait vraie, mais pour l’instant ce ne sont que des rumeurs. Des rousses, il y en a beaucoup dans Aryon et ce ne sont pas toujours la célèbre Médecin à la chevelure flamboyante. Affaire à suivre.En savoir plus...
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    Une œuvre d'art s'arrache à prix d'or au profit d'un orphelinat ! La semaine dernière, la célèbre créatrice C. Cordoula, de la maison éponyme, a une fois de plus créé l'évènement en mettant aux enchères sa toute dernière pièce de collection : une paire de tongs de plage à l'effigie de la mascotte Wougy le woggo. De nombreuses personnalités s'étaient rassemblées en ce jour pour participer à la vente et l'engouement généré a dépassé toutes les attentes, surprenant même leurs organisateurs ! De nombreux noms ont tenté de faire inscrire leur patronyme dans l'histoire de cette transaction, dont une partie des bénéfices a été reversée à l’œuvre caritative l'Arche de l'Espoir et aurait été remportée par une des éminences de la Guilde après un incident impliquant une attaque de dinde.En savoir plus...
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    A la poursuite d'un souvenir
    Le royaume d'Aryon  » Le royaume d'Aryon » La capitale
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    Zahria AhlyshOmbre
    Zahria Ahlysh
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    A la poursuite d'un souvenir
    Jeu 26 Déc 2019 - 16:21 #
    Caserne - Quartiers du maître-espion ~ Deuxième lune de la saison fraiche 999

    « Installez-vous, Ombre.
    - Oui Maître.
    - J'ai lu votre rapport sur la mission à Ollainbourg... C'est pas fameux. Cette histoire de menottage intempestif de civils c'est pas très sérieux. Je me demande si je ne vais pas vous retirer ce privilège.
    - J'avais pas vraiment d'autres choix.
    - La potion de doux rêves, ça vous dit rien... ?
    - Les notes de frais...
    - ... ou tout simplement, ne pas embarquer d'aventuriers dans votre mission ? C'est pas la première fois, je commence à me demander si vous êtes vraiment capable d'agir seule.
    - Je vous assure que c'est le cas.
    - Votre gueule, Ombre. Heureusement que ça s'est bien fini et que je connais et ferme les yeux sur vos méthodes. Je vous ai pas fait venir pour vous punir, même si je devrais. Parlez-moi des aventuriers.
    - Les deux, Maître, ou il n'y en a qu'un qui vous intéresse ?
    - Parlez-moi de lui. Je sais que vous avez mené votre enquête à votre retour de mission.
    - Vous avez encore mis quelqu'un sur mon dos ?
    - Je me répète: je connais vos méthodes.
    - On peut pas vraiment appeler ça une enquête. Entre la petite excursion à la Cité Enfouie et les missions que vous n'arrêtez pas de m'assigner, j'ai pas trop de temps libre. Je suis retournée dans le quartier de notre enfance, j'ai posé des questions. Le père Indrani soutient qu'il n'a pas de garçon. Il a vaguement le souvenir d'avoir logé le fils d'un ami lointain, à un moment donné, mais il n'arrive pas à donner son nom. Personne ne se souvient vraiment de lui, évidemment, mais en cherchant un peu, j'ai noté des incohérences. Il y a un groupe de petites frappes qui se faisait appeler Cinq Doigts, en référence à leur nombre, mais tout le monde dit qu'ils étaient quatre, pas cinq.
    - C'est tout ? C'est un peu maigre ce que vous me sortez, là.
    - Ils auraient été chopés par la garde pour un cambriolage, et relâchés assez rapidement parce qu'ils étaient trop jeunes pour qu'on retienne des charges contre eux. Mais si c'est le cas, la garde doit avoir des documents à ce sujet, avec les noms des enfants. Je sais que c'est pas vraiment une piste, mais ça reste une intuition.
    - Et sinon, quoi d'autre ?
    - Je pourrais aller à la Guilde des Aventuriers, s'il est vraiment examinateur là-bas, ils sauront comment le contacter. Et puis il y a Whiskeyjack Callahan. Même s'il était incapable de se souvenir correctement de son prénom, c'était visiblement pas la première fois qu'il bossait avec lui. Avec un peu de chance, il pourra m'en dire plus.
    - Vous vous souvenez au moins à quoi il ressemble notre homme ?
    - Je... euh... non. J'ai un cadre magique qui date de quand j'étais gosse, mais je ne sais pas s'il ressemble encore à ça. Il pourrait parfaitement changer d'apparence, voire boire une potion définitive.
    - Vous êtes bien remise de la Cité Enfouie, visiblement.
    - Fallait bien que je m'occupe l'esprit, Maître. Sinon, je fais des cauchemars.
    - Est-ce votre ami ?
    - Non, plus depuis longtemps.
    - Bon, c'est pas très compromettant tout ça. Vos intuitions, j'en ai pas grand chose à foutre, pour tout vous dire. Et pour prouver que ce gars est un criminel, vous allez avoir du mal, s'il se fait si bien oublier que ça. Vous pouvez continuer votre petite enquête, si vous voulez, ça reste intéressant, si ça se trouve vous allez élucider un ou deux vols à la tire au passage. Par contre, je ne peux pas faire de cette mission votre assignation principale, vous êtes l'un de mes agents les plus expérimentés et j'ai besoin de vous sur d'autres fronts.
    - Je... Oui d'accord, je comprends...
    - Hauts les coeurs, Ombre, vous partez en mission à la Forteresse, avec Calixte. »


    Lettre du maître espion ~ Mi-deuxième lune saison fraiche 999

    "Ombre.

    Restez à la Forteresse, je vous envoie deux jeunes recrues pour entraînement au manoir. Votre mission de fond attendra.
    "


    Capitale ~ Troisième lune saison fraiche 999

    Zahria est enfin de retour à la capitale, ressourcée. Une mission avec Calixte, et des retrouvailles avec Elina, sa confidente et complice du temps de l'Académie, l'ont bien requinquée. Et elle est plus décidée que jamais à mettre le grappin sur Vrenn. Petite vengeance personnelle, diront certains - le mec qui se fait oublier a tout le même eu le culot de l'oublier elle quand ils étaient gosses. Orgueil, pour d'autres - elle l'a laissé s'échapper une fois, ça ne se reproduira pas. Sens du devoir, peut-être - elle pourrait bien être la seule, au vu de ses compétences, ressources et passé commun avec la cible, à être capable de le retrouver. Désir de justice, certainement - ce gars-là a certainement plus de crimes à son actif qu'on le pense. Acharnement, pour sûr - c'est sa mission, elle l'a choisie, elle ne lâchera pas l'affaire, c'en est devenu personnel.

    Direction le quartier où elle a grandi, en espérant que la garde a toujours les documents qu'elle cherche. C'est une affaire vieille de plus de vingt ans, impliquant des enfants, Zahria sait que ça ne va pas être simple de dégoter quoi que ce soit, mais il faut au moins qu'elle essaye. Elle sillonne ces ruelles crasseuses en se remémorant des souvenirs. Aucun d'entre eux ne concerne Vrenn, mais elle sait qu'il y était pourtant. Qui sait ce qu'il serait advenu s'il n'avait pas ce pouvoir ? Seraient-ils toujours amis, aujourd'hui ? Il aurait pu la suivre à la garde. Les gens dans la rue la reconnaissent, la saluent. Peu de chances qu'ils se souviennent de la gamine qui a fugué à douze ans, mais la garde qui est passée poser quelques questions il y a pas si longtemps leur semble déjà plus familière. Elle relit ses notes prises lors de la mission à Ollainbourg. Elle n'en a pas le moindre souvenir, mais apparemment le gars sait se servir d'un couteau, il est vif. Elle écrit même qu'il pourrait lui être sympathique. Comment a-t-elle pu oublier un gars qu'elle a croisé il y a à peine quelques lunes, alors que l'idée de sa capture l'obsède autant ?

    Quand Zahria arrive enfin au poste de garde du quartier, elle est en ébullition. Elle a réussi à s'énerver toute seule. Volant la source des deux bougies qui flanquent la porte du poste de garde, elle les concentre dans son poing avant de le balancer violemment contre le mur, laissant une belle fissure dans la pierre. Les deux gardes la mettent en joue avec leurs armes, suite à quoi elle relâche la lumière et présente sa plaque. Suspicieux, ils la laissent tout de même rentrer, alors qu'elle demande à rencontrer l'officier responsable de l'endroit. Ça peut durer un moment, alors elle s'installe, fixant son poing. Aucune blessure, pas la moindre égratignure, pourtant cette pierre dehors est brisée. Est-on vraiment ce que notre pouvoir nous dicte ? Vrenn se sert du sien pour se faire oublier après ses crimes. Sa mission est-elle de mettre la lumière sur cette affaire ? Son intuition lui dicte qu'il y a beaucoup plus que les deux ou trois affaires non élucidées que le maître espion veut bien penser être de son fait. Le gars est trop présent dans son entourage pour que ce soit une coïncidence. Comme s'ils marchaient sur le même fil entre ombre et lumière, lui devant et elle derrière, sans cesse à le poursuivre sans même le savoir. Si elle arrivait à faire ne serait-ce qu'un pas de plus que lui, elle pourrait le rattraper, mais sans voir devant elle, l'idée semble impossible.

    Tirant Zahria de ses pensées, un homme en uniforme vient enfin la chercher. Il est temps de passer aux choses sérieuses.
    Vrenn IndraniSbire
    Vrenn Indrani
    Informations
    Re: A la poursuite d'un souvenir
    Jeu 26 Déc 2019 - 18:20 #

    La plupart du temps, j’bosse ponctuellement pour des gens, j’rends service à droite à gauche, un p’tit coup de main, de couteau, un peu de nettoyage dans les chambres ou dans les successions, puis j’tire ma révérence, et j’laisse mes clients se débrouiller avec les conséquences, ce qu’ils peuvent en tirer, et comment ils vont orienter les choses pour favoriser la fin qu’ils voulaient depuis le début. D’ailleurs, ça devient une affaire à suivre, pour moi, de savoir s’ils vont s’en sortir ou non.

    C’est mon côté proche de la clientèle, à aimer le service après-vente, parce que s’ils sont satisfaits du premier petit boulot, rien ne les empêche de revenir pour un deuxième, voire plus si affinité.

    Et parfois, justement, ça paye. Enfin, ça paye tout le temps, mais parfois, ça se produit réellement comme ça.

    Andrew de Terranglae, c’est un peu l’exemple parfait. Y’a quelques mois, au début de la saison fraîche, il est parvenu à entrer en contact avec moi. C’est pas facile pour un noble, il leur manque généralement les bonnes connexions pour le faire, mais visiblement, il avait assez trempé dans des saloperies pour ça. Dettes de jeu, pas de quoi payer, de ce dont j’ai pu me rendre compte quand j’ai creusé suffisamment fort.

    Son père est déjà malade, mais tient les rênes de la famille, assez riche d’ailleurs, d’une main de fer dans un gant de fer. La mère est le genre de dame noble un peu évanescente, évaporée, insipide et absente. Elle a d’ailleurs refilé ses gamins aux gouvernantes et autres nourrices dès qu’elle a pu. Un choix logique, quand on voit les têtes de demeurés d’Andrew, de son grand frère William, et de la sœur du milieu, Anne. William représente plus ou moins la seule chance de la famille de réussir à rester quelque chose, encore qu’Andrew a ce côté vicelard et sans scrupule qu’a dû les aider à se faire apprécier des rois précédents.

    J’ai pas poussé la curiosité jusqu’à regarder ce qui leur avait valu le titre de noblesse. C’est généralement assez barbant, puis toujours édulcoré. On a jamais droit à ‘’il a éliminé illégalement tous ces concurrents dans le commerce du charbon, quelques-uns ont été retrouvés morts dans leurs mines, au point que le roi l’a anobli’’. J’suis persuadé que la réalité se rapproche davantage de ça, en plus.

    J’arrive devant une porte un peu lambda d’un quartier sans histoire, dans le calme tout relatif du début de soirée. J’toque une séquence spécifique, jusqu’à ce que le judas s’ouvre sur le regard soupçonneux du videur. Signe de tête, il m’ouvre, et j’rentre en soufflant de la buée et en comptant bien me réchauffer. Après un vestibule qui serait tout à fait banal si y’avait pas deux autres gorilles armés de couteaux, de nerfs de bœufs et de masses en train d’attendre dedans, j’pénètre dans un de ces tripots clandestins qui font tout le charme de la Capitale.

    Avant, ça appartenait à quelqu’un d’autre, quelqu’un envers qui Andrew de Terranglae avait des dettes, justement. Puis, par un malheureux concours de circonstances, et un ou deux achats judicieux, l’ancien propriétaire des lieux a été retrouvé pendu dans sa chambre, avec trois coups de couteau dans le dos. Suicide tragique, évidemment, comme en atteste la lettre retrouvée sur sa table de chevet.

    Il avait été coriace, mais j’avais su trouver les mots et les maux pour le convaincre.

    A la grande table, c’est Andrew qui trône. Ça doit lui faire tout drôle, lui qu’a toujours été le raté de sa fratrie. Il est en charmante compagnie, une de chaque côté, avec des larbins dociles qui lui cirent métaphoriquement les pompes. J’me laisse tomber au point de m’affaler dans un fauteuil, et j’attrape le verre qui s’trouve à ma droite. J’renifle. Alcool fort, j’prends, et j’le descends cul sec. Mouvement d’énervement, mais Andrew regarde la feuille de papier posée devant lui et m’adresse un sourire complice avant de faire signe à son ami de rester calme. Bon.

    « Vrenn, c’est ça ?
    - En personne, comme la dernière fois.
    - Je ne me rappelle pas.
    - Normal, j’croyais qu’on en avait déjà parlé. Pour Jeffrey.
    - C’est fascinant, d’avoir un tel trou dans sa mémoire. J’ai du mal à me faire à cette impression. »

    J’réponds pas. Il doit avoir envie de discuter, de se la péter, mais ça me passionne pas outre-mesure. J’suis là pour le boulot, pour le moment.

    « Nouveau p’tit boulot ?
    - Pas si petit. »

    Il serre les dents, le poing, déglutit et avale une olive.

    « Mon père continue de mal me traiter. Il ne se rend pas compte que William le manipule. Qu’il n’arrivera à rien, même s’il hérite. »

    Nettoyage dans la succession, je sens venir gros comme une maison.

    « Ce matin encore, il s’est moqué de moi, m’a insulté devant tout le petit personnel ! M’a traité de drogué, de dilapideur, de… »

    Ouais, bobo à l’ego. J’me contente de l’écouter d’un air impénétrable, pour pas montrer le désintérêt croissant que son monologue m’inspire. C’est comme les gens qui vont acheter deux baguettes au lieu d’une et qui se sentent obligés de raconter à la boulangère, ainsi qu’à tous les clients de la boutique, qu’ils vont avoir de la compagnie à déjeuner, que ce soit des amis, de la famille, ou un putain de fenrir. Ça m’donne juste envie de les bousculer jusqu’à chez eux. J’l’ai déjà fait d’ailleurs. La vieille m’oubliait à chaque fois que je passais le coin de la rue, donc j’pouvais recommencer. Ça m’avait bien défoulé.

    « Donc il doit payer ! »

    J’manque de lui répondre que c’est lui qui va me payer, mais ça serait de mauvais goût. Faut jamais rappeler au client qu’il est simple client, c’est pas bon pour la relation commercial. Ça fait un peu hypocrite, mais on vend comme on peut, hé.

    « Philip de Terranglea, donc ? Et tu veux quoi ? Je lui vole un objet précieux et tu le retrouves ?
    - Non, non. Il doit périr ! »

    Ah ben okay, y’a pas de souci. Faut dire, des années à se faire répéter qu’on est un mange-merde, ça finit par faire mal, j’suppose. Donc maintenant qu’il a un milligramme de pouvoir ici, il se sent plus, ne supporte plus le statut quo. Et veut y faire quelque chose, le renverser. C’est tellement tristement commun, mais j’crache pas sur les bonnes affaires.

    « Ca coûtera cher. Et il me faut les informations minimales. Sécurité, fenêtres, éventuellement une clé pour me permettre de rentrer dans le manoir, et savoir quels sont ses horaires, où est sa chambre. Et ta mère, elle pionce pas avec ?
    - Non, non, ils font chambre à part depuis des années.
    - Et le reste ?
    - Tu l’auras. »

    J’ai un sourire carnassier.

    Les affaires humaines ne s’arrêtent jamais.
    Zahria AhlyshOmbre
    Zahria Ahlysh
    Informations
    Re: A la poursuite d'un souvenir
    Ven 27 Déc 2019 - 18:33 #
    « Je suis désolé, mademoiselle Ahlysh, j'aurais vraiment voulu vous aider, mais votre cas date d'il y a trop longtemps. On ne garde pas ici les documents d'affaires aussi vieilles. Je ne peux même pas vous assurer qu'aux archives ils auront encore les documents, si c'est une arrestation aussi anodine que celle que vous me décrivez.
    - Je vais quand même aller voir. Merci pour votre coopération.
    - Courage pour votre enquête.
    - Mmh. »

    Elle claque la porte et soupire. C'est pas gagné.

    ~~~

    Les Archives se trouvent dans le centre de la Capitale, près du conservatoire, et ça fait une petite trotte de là où se trouve Zahria. Mais il en faut un peu plus que ça pour la décourager, et la jeune femme se met en route. Si elle est consciente qu'aller à la Guilde serait certainement plus profitable pour obtenir des informations sur Vrenn, elle veut s'assurer que la piste sur laquelle elle est mène quelque part avant de passer à autre chose. Son gars ne semble pas être stupide, elle se doute bien qu'elle aura du mal à trouver quoi que ce soit d'incriminant dans les registres de la Guilde. Cela lui servira surtout à trouver des adresses de gens ayant été en contact avec lui, voire se rendre sur des lieux sur lesquels il a été en mission. Mais cela viendra dans un second temps. Elle finit par arriver aux Archives, et après avoir expliqué sa raison dans les lieux et avoir signé plusieurs décharges, on la mène à une grande pièce flanquée d'étagères remplies à craquer de dossiers de la Garde, à peine classés, couverts de poussière.

    « Bonne chance pour trouver ce que vous cherchez, cet endroit n'a pas été rangé depuis des lustres. Ils viennent entreposer leurs dossiers en vrac ici et personne les consulte jamais. Y'a eu un semblant d'organisation à un moment donné, mais courage pour en retrouver la logique, surtout qu'elle n'est plus respecté depuis longtemps.
    - Hum. Super.
    - Vous pouvez rester aussi longtemps que vous voulez. Essayez juste d'éviter les bougies... Y'a des lampes magiques un peu partout, si vous avez besoin.
    - J'ai la mienne, ça ira. »

    Allez, au boulot.

    ~~~

    Il a fallu trois heures à Zahria pour comprendre la fameuse "logique" de classification des documents, en ne faisant attention qu'aux dossiers les plus anciens, et heureusement pour elle, les affaires sont classées par quartiers. Ça devait effectivement être plus simple que les petites casernes de proximité viennent toujours déposer leurs classeurs au même endroit, et ça l'arrange. Il lui faut encore une bonne demie-heure pour trouver la section qui l'intéresse, et trente secondes de dépit pour comprendre qu'il s'agit d'une rangée complète d'étagères. Après une profonde respiration, la jeune femme s'attache les cheveux en deux tresses, l'une des seules façons de tenir vaguement ses cheveux en place sans qu'ils viennent se mettre dans ses yeux pendant un temps limité, et commence à fouiller.

    Sa lampe magique s'est épuisée depuis longtemps, et elle a dû emprunter l'une de celles des Archives pour continuer, vu que la nuit est tombée, quand elle trouve enfin le dossier qui l'intéresse. Les tresses sont défaites, tout comme le visage de Zahria, qui aurait bien besoin d'une bonne dose de caféine pour continuer à travailler, mais seule l'adrénaline la tient encore debout. Elle parcourt le document avidement. Il mentionne l'arrestation du gang des Cinq Doigts, cinq enfants dont les noms sont consignés. Quand elle arrive au dernier, son coeur manque un battement. Vrenn Indrani. Le voilà. Il doit avoir treize ou quatorze ans au moment des faits, c'est le plus jeune de sa bande. Ça correspond à ce qu'elle a écrit dans son journal, enfant. Un sourire satisfait sur les lèvres, la brune sort le dossier complet de son classeur, avant de ranger tout le bazar qu'elle a mis. Elle se dirige ensuite vers la sortie, triomphante, quand elle se fait arrêter par un petit clerc.

    « Madame, vous ne pouvez pas sortir de documents des Archives.
    - Je vais me gêner.
    - C'est la règle, je suis désolé.
    - Ecoutez-moi bien, je ne vais pas le répéter. Ce dossier est maintenant à moi. Vous allez me signer un document qui certifie que je l'ai sorti d'ici, et que je le reposerai quand mon enquête sera finie.
    - Madame, s'il s'agit d'une preuve dans le cas d'un procès, vous pouvez demander un certificat au juge pour le sortir et le présenter le jour-même du procès.
    - Mais y'a pas de procès, j'ai pas encore chopé le mec !
    - Alors vous allez devoir le laisser ici.
    - Et risquer qu'un autre vienne tout faire cramer et fasse voler ma première preuve en fumée ? Certainement pas.
    - Les bougies sont proscrites ici, madame.
    - Oui, je suis au courant. Pas votre connerie, par contre.
    - Reposez le dossier, ou j'appelle la Garde. »

    Expliquer au clerc qu'elle fait partie de la Garde, des forces d'élites des Espions, prendrait certainement trop de temps et elle n'en a plus l'énergie. Il ne lui laisse que peu de choix, et le maître-espion va encore devoir faire le ménage derrière elle, semblerait-il... Les lumières s'éteignent toutes quand Zahria les absorbe dans sa main, qui commence à luire. Il lui a semblé voir une lueur de peur dans le regard du clerc avant qu'il ne disparaisse dans l'obscurité qu'elle vient de créer. Enfilant ses lunettes de jour, elle peut carrément le voir paniquer. Il s'avance vers elle, elle recule. C'est le moment de disparaître.

    ~~~

    « Ombre bordel, j'en ai marre de vos conneries ! Cette fois, c'est fini, je vais demander au commandant de vous mettre à l'arrêt, définitivement cette fois.
    - Comme vous voulez, mais je vais pas arrêter mon enquête pour autant. Vous allez juste me compliquer la tâche si vous faites ça.
    - Vous êtes une horrible tête de mule, incapable de respecter les ordres. J'écris tout de suite à Höls.
    - Faites comme vous voulez, gardez juste ce document dans votre coffre magique. Je vous enverrai les autres par courrier, au pire.
    - Y'a quoi, sur votre feuille de chou ?
    - La preuve que Vrenn Indrani a bien fait partie d'un gang. Il y a presque vingt ans.
    - Mais ça n'a aucun poids votre truc ! Vous avez fait tirer les alarmes des Archives pour ça ?! Vous devenez complètement cinglée, ma parole !
    - Pour la première preuve de mon dossier, qui devra être sacrément solide si je veux avoir l'autorisation de coffrer un mec capable de se faire oublier.
    - Y'aura pas de dossier, je viens de vous dire que vous êtes arrêtée.
    - Le votre alors. Ce sera peut-être l'occasion de prendre votre retraite en beauté, vous commencez à vieillir, Maître.
    - Je vais peut-être vous tuer de mes mains, ça me fera une belle retraite de l'autre côté de la Frontière, mais au moins j'aurais la satisfaction d'avoir réussi à me débarrasser de vous avant de mourir.
    - Décidez-vous. Si vous ne me tuez pas tout de suite, je prends congé, mon enquête est loin d'être finie.
    - Zahria, vous recevrez votre lettre de mise à pied dans les prochains jours. Commencez à faire vos valises et dites au revoir à votre cher Capitaine Hekmatyar, vous allez devoir vous trouver un appartement et quitter la caserne.
    - Pas de problèmes. Je viendrai vous poser ma plaque ce jour-là. En attendant, elle me servira encore à rentrer dans quelques endroits, merci. Et me demandez pas de vous la rendre tout de suite, je les respecte pas, mais je connais les règles: vous n'avez pas le droit de me l'enlever avant l'officialisation de la mise à pied. »

    Sortant de la pièce, Zahria entend le maître-espion jurer et des objets se briser contre le sol ou le mur. Elle n'en a que faire. Il était temps, de toutes façons, qu'elle quitte son service. Ce vieux schnoque commençait très sérieusement à la rendre folle et à la priver de sa liberté chérie. Au moins, elle a réussi à mettre le document en sécurité, elle sait qu'il l'y gardera. S'il la déteste, il est conscient de ses compétences. Il n'a jamais cessé de lui faire confiance sur des missions de la plus haute importance, malgré son aversion pour elle et son anti-conformisme. C'est sûr que Calixte est un bien meilleur pion. Il faut qu'elle le mette au courant, d'ailleurs... Il lui manquera quand elle aura quitté la Garde. Mais pour l'instant, elle a une mission à accomplir, et rien ne l'arrêtera. Ni le petit clerc suffisant des Archives, ni le maître-espion, ni le Commandant, même la reine en personne ne pourrait la stopper dans sa mission. Alors il faudra faire avec.
    Vrenn IndraniSbire
    Vrenn Indrani
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    Re: A la poursuite d'un souvenir
    Lun 30 Déc 2019 - 19:13 #

    J’ai un soupir silencieux quand le vieux pousse enfin son dernier. J’maintiens encore le lacet soigneusement serré une trentaine de secondes, mais le relâchement dont il fait preuve serait soit celui induit par le sommeil magique, soit par la mort. Et là, y’a pas photo, il est canné, le vioque. Comme quoi, même malade et au bout du rouleau, il s’est bien accroché. J’essuie une goutte de sueur qui perle dans mon coup, et j’tends une nouvelle fois l’oreille.

    Pas un son dans le gigantesque manoir.

    L’éclairage qui vient par la fenêtre aux rideaux entrouverts suffit à se déplacer dans la chambre, et le lit à baldaquin est dans une partie plus sombre. Il est tellement grand qu’on doit pouvoir y dormir à quatre, et y faire d’autres choses aussi. M’étonnerait pas que ça ait eu lieu, il doit avoir plusieurs générations, à voir la patine du bois. Y’aurait bien des trucs à faucher dans la pièce, comme toutes les babioles en or ou serties qui traînent du côté du grand bureau, mais ça serait contre-productif.

    J’laisse le cadavre encore chaud en robe de nuit, et j’m’attèle à la suite : la corde est sortie de mon sac sans fond, le nœud déjà préparé. J’la passe par-dessus la partie haute du baldaquin, et j’attends avant de nouer solidement au pied du lit. Puis j’soulève ma dernière victime, j’lui passe le nœud coulant autour du cou, et j’pose un tabouret renversé à portée de coup de pied. Je hisse le macchabée et j’fais le dernier nœud, puis je recule de quelques pas pour contempler le tableau que ça représente.

    Ouais, ça passera comme une lettre à la poste.

    Entre la clé qu’il m’a fournie, et la corde qui vient de leurs propres locaux, l’hypothèse d’un assassin devrait être assez peu crédible. Surtout qu’il souffrait, apparemment, le daron. P’tet même que ça suffira pour envoyer la mère dans la tombe aussi, vu qu’elle a la réputation d’avoir une santé fragile. J’hésite quelques instants à repartir par la fenêtre, mais c’est le deuxième étage, et ça laisserait des traces dans la pelouse, possiblement. J’vais refaire par l’intérieur, avec mon anneau d’invisibilité, peu de chances de croiser qui que ce soit. Il est bien trop tard pour ça.

    J’entrouvre la porte de la chambre pour voir le long couloir qui mène au grand escalier. Personne. J’referme doucement, et j’marche le long des murs, respiration basse, sans faire craquer les planches du parquet outre-mesure.

    Puis, alors que j’dépasse un vase posé sur un piédestal, la porte juste en face de moi s’ouvre. Put… Le sort d’invisibilité me recouvre, et j’ralentis ma respiration à un minimum, prêt à jouer du poignet pour éjecter une aiguille qui devrait me sortir d’affaire si la personne se rapproche un peu trop ou donne l’impression d’avoir conscience de ma présence.

    Mais c’est justement la mère qui jette un regard fatigué autour d’elle et, pieds nus, se décide à marcher vers l’autre bout du couloir. Impression de soulagement. Elle va pas voir le vieux pour lui remonter le moral au milieu de la nuit. J’cale le rythme de mes pas sur les siens, avant de bifurquer dans l’escalier, puis de prendre la porte. De là, il ne reste qu’à escalader la grille, tellement ouvragée que ça en devient débile, et partir se promener dans les rues de la Capitale de nuit.

    J’suis déjà écarté de quelques rues quand le sort d’invisibilité se coupe et me fait réapparaître sous un porche sombre. P’tet que j’ai toujours été là, ou pas, mais les seuls passants sont trop bourrés pour distinguer quoi que ce soit, et à mon avis, j’vais pas imprimer leur mémoire plus de quelques secondes vu leur état. Avec tout ça, j’regagne mes pénates pour prendre un repos bien mérité. En plus, demain, y’a congé.

    Elle est pas belle, la vie ?

    ***

    J’toque à la porte, et j’gomme l’air blasé que j’porte sur le visage pour afficher un grand sourire ravi. Quand mon paternel ouvre, j’le salue gaiement et on se serre virilement la main. Il a ce regard un petit vague qui revient rapidement en focus quand il me remet, ou croit me remettre en tout cas. Ça va que y’a des impressions mémorielles plus profondes que les autres.

    « B’jour, m’sieur Indrani, vous allez bien ?
    - Allons, Vrenn, je t’ai déjà dit que tu pouvais me tutoyer et m’appeler Grenn. »

    Oui, papa.

    « Vous savez, j’ai toujours du mal avec ça, moi. »

    On entre dans notre salon, et il me fait signe de m’asseoir.

    « Café, c’est ça ?
    - Oui, s’il vous plaît. Votre femme va bien ?
    - Oh, toujours en train de vadrouiller par monts et par vaux. Elle devrait revenir d’ici une semaine ou deux, normalement.
    - Vous vous habituez aux absences ?
    - On s’habitue à tout. Ton père va bien ? »

    J’le jauge, il doit être avancé dans la cinquantaine, mais toujours fringuant avec une grosse masse de cheveux bruns dans lesquels on distingue de plus en plus de fils gris. Il a les bras noueux, à cause de son travail, et des cals au bout des doigts. Légère claudication, depuis quelques années, quand il s’est ouvert avec un outil, mais rien de bien méchant. Les rides aux coins de sa bouche, ses yeux, sont davantage prononcées, et la peau peut-être un peu moins ferme qu’auparavant, mais il a toute l’apparence de la bonne santé. Je hoche la tête.

    « Oui, il est même plutôt en forme. Ça fait longtemps que je l’ai pas vu, mais j’ai reçu une lettre y’a pas longtemps. »

    On papotte comme ça pendant encore une petite heure, et j’promets de repasser quand maman, enfin, sa femme sera là.

    ***

    J’suis d’assez méchante humeur quand j’frappe, peut-être un peu fort, à la porte du Godet Doré. Même gorille que l’autre fois, même ambiance, mais la clientèle a un peu changé. Même table pour Andrew, mais il a l’air un peu différent. Irrité, irritable, il râle et tourne toujours la tête de côté, sûrement à la recherche de la nana qu’était à sa gauche l’autre fois. Pas de signe d’elle pour le moment.

    Au bout de quelques secondes, il m’avise et me fait signe d’approcher. Bon.

    J’tire une chaise et j’m’asseois dessus à l’envers, avant-bras posés sur le dossier.

    « Alors, Andrew, satisfait du suicide de ton père ? C’est bon, tout le monde y a cru ?
    - Oui, oui, pas de problème sur ça… tu peux me rappeler ?
    - Vrenn. Le paiement ? »

    Sa tête se tourne brusquement vers la bourse de cristaux à l’autre bout de la table. Je la saisis, jette un œil dedans, agite le contenu. Ça semble être le compte juste, j’vais pas les compter un par un avant d’être chez moi. Mais il a toujours l’air un peu nerveux.

    « Un souci, Andrew ? »

    Il maugrée, grogne.

    « Il a tout légué à William, le salaud ! »

    J’manque de dire qu’il aurait dû s’en douter : c’est clairement le meilleur élément de la fratrie dégénérée.

    « Ouais, ben, c’est l’aîné, en même temps. T’as le Godet Doré, toi, maintenant. »

    La fille revient, la même que l’autre fois, avec une bouteille d’alcool sombre et un petit sachet qu’elle verse dans un verre. A l’odeur, un genre de cognac qu’Andrew descend cul sec.

    « Oui, j’ai le Godet, c’est vrai. J’ai le Godet…
    - Bon, sur ce. Si y’a besoin, tu sauras m’contacter, hé, Andrew ? »

    Il lève pas les yeux du fond de son verre, et j’me tire avec le poids réconfortant des cristaux dans ma chemise. Un travail qui paye, quand même, ça fait plaisir.
    Zahria AhlyshOmbre
    Zahria Ahlysh
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    Re: A la poursuite d'un souvenir
    Dim 5 Jan 2020 - 1:25 #
    Une fois arrivée dans sa chambre, Zahria se rend enfin compte qu'elle tremble. Elle n'a pas spécialement froid, pourtant. Les températures sont étonnamment bonnes dans la Capitale en cette troisième lune fraîche, que lui arrive-t-il alors ? Elle repense à toutes ces années passées parmi les espions, de sa formation à celle de la nouvelle génération, ses missions, l'esprit de famille régnant avec les autres, ses multiples engueulades avec le maître-espion...

    Tout ça est maintenant derrière elle, et pour la première fois, elle s'aperçoit qu'elle y tenait. Retenant un sanglot au fond de sa gorge, elle enfonce son poing dans son ventre pour s'empêcher de flancher. Sa mission est plus importante que tout ça. Et si elle devra des explications à deux ou trois personnes, ils comprendront parfaitement. Normalement, un poste d'examinateur de la Guilde devrait bientôt être libéré... Peut-être qu'ils recrutent. Elle pourra se trouver un petit appartement en ville et continuer à vadrouiller. Oui, ce n'est pas si mal que ça, finalement... Le lit vide de Boucles d'Or la nargue, comme pour lui dire qu'elle s'est foutue toute seule dans ce merdier.

    Reprenant son souffle, Zahria s'assoit à la petite table qui lui sert de bureau pour encore quelques jours et sort une feuille et une plume. Il faut qu'elle écrive à Calixte pour lui expliquer, et surtout, lui demander un service. Son protégé comprendra-t-il ? Osera-t-il s'opposer au maître-espion si celui-ci lui ordonne de couper tout contact avec elle ? Il y a d'autres moyens de continuer à recevoir des informations, elle pourrait passer par Vaelin ou Nox, mais elle préférerait encore que ce soit Calixte.

    Aussi, elle lui explique toute l'histoire le plus clairement possible, tout en lui demandant simplement de la tenir au courant si des affaires étranges pouvant correspondre au profil de Vrenn font surface. Elle pourrait utiliser les cristaux de communication, mais elle ne sait pas du tout où Calixte se trouve, et elle ne veut pas risquer de le mettre en danger. Après avoir fini sa lettre, elle prend le temps de la coder avant de brûler l'original. Elle la déposera le lendemain dans la boîte aux lettres de sa chambre. Pour l'heure, il faut qu'elle se repose, et se prépare à passer à la vitesse supérieure.

    ~~~

    Le lendemain, c'est avec d'énormes poches sous les yeux que Zahria sort de la caserne, en uniforme de garde comme ça ne lui arrive que très peu souvent. Elle n'a pas réussi à fermer l'oeil de la nuit, établissant une liste des choses qu'elle devait accomplir tant qu'elle a encore sa plaque. Et la première, sans hésiter, c'est de retirer auprès de la Guilde toutes les informations possibles sur Vrenn, en espérant qu'ils soient moins difficiles que les Archives.

    Elle a tout un discours de prêt pour expliquer les raisons qui la poussent à enquêter sur l'un de leurs examinateurs, mais elle se rend rapidement compte que son uniforme et sa plaque de garde sont suffisants pour qu'on l'amène consulter le registre de la Guilde. Il est courant que des citoyens se fassent passer pour membres de la Guilde pour expliquer certains de leurs délits, et que les Gardes viennent faire des vérifications sur leurs identités, aussi la laisse-t-on chercher librement les informations qui l'intéressent.

    C'est quand elle demande à retirer tous les documents portant le nom de Vrenn Indrani que les choses se compliquent. Tout comme la veille, on lui explique qu'elle ne peut retirer ces documents librement, et qu'il faut un document officiel. Si le maître-espion n'était pas un vieillard complètement borné qui l'avait prise en grippe, elle aurait certainement pu lui demander un cachet de mandat, mais dans sa situation, cela semble compromis.

    Si on refuse de lui laisser sortir l'intégralité des comptes-rendus de ses missions, elle parvient tout de même à obtenir un document assez long, récapitulatif des missions sur lesquelles il a été envoyé. Celui-ci, s'il est censé comporter les dates et lieux de ses missions, ainsi que les éventuels partenaires, est incomplet, certaines cases n'étant pas toujours remplies, certaines lignes parfois laissées vides. Néanmoins, il permet déjà d'avoir une bonne idée des pérégrinations de Vrenn sur les dernières années, ainsi que plusieurs noms de collègues avec qui il a pu travailler. Celui de Whiskeyjack, notamment, revient à plusieurs reprises. Zahria note les adresses connues des autres aventuriers avec qui Vrenn a travaillé, ce qui pourra lui permettre de les interroger. On lui donne même une adresse pour sa cible, et les yeux de la jeune femme se mettent à pétiller.

    Néanmoins, elle est consciente qu'elle ne peut pas se pointer chez lui la fleur au fusil pour l'arrêter maintenant, puisqu'elle n'a toujours rien de concret sur lui, et qu'elle n'aura certainement qu'une seule chance. Ça ne coûte rien cependant de le faire surveiller. Enfin, si, quelques cristaux noirs filés à un gamin habitant dans la même rue pour qu'il note toutes les allées et venues du gars qui habite à cette adresse-là...

    ~~~

    Avant de se diriger à l'adresse qu'on lui a donné pour le domicile de Vrenn, Zahria fait un détour par un enchanteur avec qui elle a l'habitude de travailler. Elle a pris le temps d'enlever son armure afin de ne pas attirer l'attention.

    « T'as des cadres magiques ?
    - Ouais il m'en reste un, regarde, magnifiques, ces dorures, ces détails !
    - Tu peux supprimer les dorures, le rendre plus solide et assez petit pour rentrer dans une poche ?
    - Tu ne comprends rien à l'art.
    - Tant mieux, j'y perdrai mon temps. Tu peux ou pas ?
    - Laisse moi un instant, je m'en charge... »

    Pendant que l'enchanteur s'affaire dans son arrière-boutique, Zahria fait le tour des lieux, réfléchissant à la suite des événements. Quand il revient quelques minutes plus tard, son cadre rapetissé et défait de toute dorure inutile, l'espionne lui tend un autre objet magique à rajouter sur sa note.

    « Encore une boîte de couleurs ? Ça doit être la troisième que tu m'achètes ! »

    Comment lui expliquer ce qu'ont subi les deux premières sans rien révéler sur ses activités ? Zahria se contente de sourire en haussant des épaules.

    « Roh, c'est bon, je te l'offre, t'es une bonne cliente.
    - T'es un chic type. Dis, tu fais pas ces tatouages magiques qui permettent d'accroître les capacités des gens, toi ?
    - Nan, mais je peux te conseiller quelqu'un, si tu veux. Par contre, faut avoir une idée bien précise de ce que tu veux en tête, le gars peut pas décider pour toi. Et une bourse bien pleine, aussi.
    - Ouais, vas-y, file moi son contact, on sait jamais. »

    Quand elle ressort de la boutique, Zahria se demande comment elle va faire, sans sa solde de garde, pour se payer tout ça. Mais ça en vaut le coup, si ça sert à mettre Vrenn derrière les barreaux. Elle se dirige enfin vers la maison du bandit, et chope un gamin travaillant pour ses parents à la taverne en face de sa porte. Il a l'air plutôt dégourdi, et écoute les consignes sagement.

    « J'insiste petit. Dès que tu vois quelqu'un entrer ou sortir de cet endroit, tu le note dans ce carnet, avec la description du type en question. N'attends pas de rentrer chez toi, n'attends pas de répondre à ton copain qui t'interpelle dans la rue, tu le notes immédiatement, sur ta main s'il le faut. Je te paye au nombre d'infos que tu me ramènes, avec un super supplément si t'arrives à prendre un cliché du mec qui m'intéresse sur ce cadre magique.
    - Ouaaaaah !
    - Pas de conneries par contre, faut me rendre le cadre, après. Mais vu la bourse de cristaux que je vais te lâcher, tu pourras t'en acheter dix, des cadres, si tu veux.
    - Trop bien !!! Mes copains ils vont être trop jaloux.
    - Pas un mot à tes copains, faut que tu me le promettes.
    - Ok, promis.
    - T'as croisé les doigts dans ton dos.
    - Nan, pas vrai.
    - Bon, tant pis. Allez, tope là, marché conclu. Je reviens dans une semaine avec tes cristaux, si t'as mes infos. Et mes images.
    - Merci m'dame ! »

    Un bon p'tit.

    ~~~

    Sur le chemin du retour à la caserne, Zahria est pensive. Que faire, si sa lettre de suspension est arrivée ? Elle devra rendre sa plaque, ainsi que ses menottes anti-magie, ce qui va grandement compliquer son enquête. Et si elle ne rendrait pas à la caserne ? La lettre ne pourrait pas lui parvenir, et elle se servir de ses ressources encore quelques temps. Elle se doute que la lettre ne peut être déjà arrivée, mais elle a peur que ce soit le cas. Il lui faudrait alors trouver un endroit où se cacher, quelque part où on ne lui poserait pas de questions. Une auberge ? C'est une possibilité, mais il va falloir qu'elle fasse des économies. Elle ne peut pas non plus utiliser les caches des espions, c'est le premier endroit où on va la chercher... N'a-t-elle pas un ami chez qui crécher à la Capitale ? Soudain, une voix reconnaissable se fait entendre à travers une fenêtre ouverte, comme un don de Lucy...

    « Au suivant ! »

    Zahria s'arrête devant le bâtiment et lit la plaque devant la porte. "Luz Weiss, médecin". Si les deux femmes ne se sont pas vues depuis longtemps, elles ont partagé des moments très agréables, et elle n'a que de bons souvenirs d'elle. Elle ne la connait pas assez pour que Luz puisse la dénoncer, et ça n'a pas non plus l'air d'être le genre de la demoiselle. Peut-être peut-elle lui demander l'asile... Ce serait un bon endroit où étudier le document confié par la Guilde, et un magnifique camp de base pour l'enquête de Zahria. Entrant dans la salle d'attente, l'espionne s'assoit sur une chaise, jambes croisées. En espérant que le médecin pourra la recevoir rapidement.
    Luz WeissCroc de foudre
    Luz Weiss
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    Re: A la poursuite d'un souvenir
    Dim 5 Jan 2020 - 19:09 #
    Elle lui avait ouvert sa porte, une interrogation muette sur le visage. Depuis combien de temps… ? Des souvenirs lointains lui revenaient en mémoire, celui d’un corps chaud contre le sien et la langueur de soirées embrumées. Si ce n’était que son autrefois joviale amie s’était désormais parée d’un voile beaucoup plus inquiétant. Oh, son sourire était bien là, mais les ombres qui dansaient sous ses yeux et ses traits creusés n’eurent guère de peine à convaincre Luz que quelque chose n’allait pas. Elle jeta rapidement un regard sur la salle d’attente par-dessus son épaule et s’effaça finalement pour l’inviter à entrer. Elle ferma la porte sur elles deux, d’une part parce qu’il était important de respecter le secret professionnel de ses patients, d’autre part pour l’enlacer d’un étreinte ravie sans recevoir en retour le regard circonspect des autres malades. L’être humain n’avait que peu de tolérance lorsqu’une visible rivale menaçait de retarder leur accès à des soins… Qu’ils rôtissent sur leur chaise s’il le fallait – Zahria avait sa pleine et entière attention et aucun pestiféré en ce monde ne l’empêcherait de s’enquérir de ses nouvelles.

    Il fut rapidement évident qu’elle ne venait pas pour une auscultation médicale. Il était question d’une délicate affaire d’enquête sur un individu dangereux, de recherches qui se devaient d’aboutir et de tout ce que Zahria tâchait de ne pas dire à haute voix. Elle arborait la mine d’une jeune femme préoccupée et le comportement agité d’une âme en proie à une forte effervescence. Il y avait là, dans la fatigue de ses gestes et dans la détermination de ses yeux, bien plus qu’une explication verbale. Si Luz se sentit curieuse, elle n’en traduit rien. Les missions de la Garde étaient délicates, bien plus encore pour les espions. Elle se contentait de ce fait volontiers d’une explication vague et se tint coite sur le sujet pour ne pas prendre le risque de bouleverser Zahria sur ses bases. Elle lui offrit un sourire et fit signe qu’elle comprenait entièrement la situation ambiguë dans laquelle son amie s’était fourrée.

    « Tu aurais été plus à l’aise dans ma demeure familiale, mais je crains que sa localisation ne soit trop excentrée de la Capitale pour t’être utile… Je dispose d’un petit bureau à l’étage ainsi que d’un appartement pour les nuits où je suis trop envahie de travail. »

    En l’occurrence, le « travail » était grand, brun et portait le nom de « Naëry » ces temps derniers.

    « Tu n’auras qu’à loger ici. Je te passerai un double des clés. L’accès est de l’autre côté de la salle d’attente, derrière un rideau. Sens-toi libre d’utiliser l’endroit à ta guise ! »

    Elles convinrent de se donner rendez-vous plus tard dans la journée afin d’achever les quelques affaires qui les occupaient encore toutes deux pour l’après-midi. Luz la guida dans les escaliers étroits et lui confia la lourde clé en métal qui lui servait à clore son cabinet. Une deuxième porte verrouillée menait à un appartement au premier étage, certainement pas d’un confort optimal mais tout à fait suffisant pour y vivoter sans contraintes. Elle n’aurait su dire pourquoi Zahria lui inspirait autant de sympathie. Il lui semblait la connaitre depuis bien trop longtemps pour se soucier de sa droiture. Après tout, elles avaient déjà techniquement partagé tout ce qui était à partager… Si un visage pouvait mentir, une paire de fesses était bien assez suffisante pour déterminer la véritable nature de son possesseur. Et celle de Zahria était, ma foi, absolument irréprochable… !

    ►◄

    Un roulement somme toute assez spontané s’était établi entre les deux colocataires. Luz s’abstenait de poser des questions d’ordre professionnel à Zahria en échange d’un court temps de discussion qui lui était réservé. En réalité, Luz avait dû négocier ferme pour contraindre la jeune femme à s’octroyer un temps de détente et de repos qui n’était guère corrélé à son enquête – la négociation se révéla plus ferme encore lorsqu’il fallut la convaincre de boire une tisane médicale de son cru pour dormir convenablement la nuit. Les règles de la praticienne étaient néanmoins inébranlables : nul ne se surmènerait jusqu’à l’exténuation sous son propre toit. Elle l’inonda donc chaque soir d’une petite heure de potins parfaitement civils, légers et anodins. Elle ne put de toute façon longtemps cacher la présence régulière d’un homme en ces lieux à une enquêtrice aussi chevronnée que l’ombre espionne… Si elle ne fit pas part du nom de l’heureux élu, elle eut au moins l’occasion grâce à cela d’échanger quelques nouvelles avec sa sibylline amie.

    Ce soir-là, Luz avait rejoint Zahria dans le silence de la pièce pour traiter d’un sujet bien différent. Elle s’était installée sur la table basse du petit salon, désormais recouverte d’une couche de documents épars. Ses longs cheveux flammes relevés sur sa nuque afin de dégager sa vue, elle tâchait d’assembler des chiffres et des factures sans se laisser divertir par la tasse de thé fumante qui trônait à ses côtés. Elle fit la moue, tapotant le vélin du papier de la pointe de sa plume, une tâche d’encre florissant négligemment sans qu’elle n’y prête attention. Les sourcils froncés sur un pli consciencieux, elle releva brièvement les prunelles vers Zahria, assise à l’autre bout de la pièce et plongée dans ses propres affaires.

    Elle se mordit la lèvre inférieure, incertaine de vouloir la déranger pour une aussi piètre histoire de comptabilité. Des mois qu’elle n’avait pas fait le ménage dans ses comptes professionnels et que les factures s’accumulaient… Il avait été temps de mettre un terme à ses escapades à travers Aryon pour consacrer un brin de son énergie à la gestion quotidienne de son cabinet médical. Mais voilà qu’elle tombait droit sur un os, incapable de trouver les souvenirs adéquats dans sa mémoire… Un juron silencieusement marmonné dans sa barbe, elle finit par se redresser vivement et par amorcer quelques allers retours à pas préoccupés dans la pièce, une liasse de papiers dans les mains. Les factures, opaques, ne consentaient pas à lui délivrer leur secret.

    Elle se dirigea vers le bureau où siégeait Zahria et vint piquer avec irritation l’un des chocolats du solstice offerts un peu plus tôt par l’espionne à titre de remerciement pour son hospitalité. Le sucre la rasséréna un tantinet tandis qu’elle relisait pour la dixième fois ses documents.

    « Je ne comprends pas, dit-elle à haute voix aussi bien pour Zahria que pour elle-même, il y a quelque chose d’illogique dans ces factures… »

    Elle releva les yeux vers sa colocataire provisoire et esquissa un rapide sourire d’excuse.

    « Est-ce que tu disposerais de compétences comptables quelque part dans ton vaste panel professionnel ? Un détail m’échappe. En relisant mes factures, je découvre qu’un patient serait revenu de nombreuses fois en plusieurs semaines il y a quelque temps, pour des blessures assez graves qui plus est. Tu vas me prendre pour une folle, mais je n’arrive bizarrement pas à m’en souvenir… Et j’ai pourtant habituellement une excellente mémoire ! »

    Elle leva les bras au ciel en un geste théâtral d’impuissance, puis agita ses papiers pour trouver l’information qui l’intéressait :

    « Comme je ne m’en souvenais plus, je n’avais bien sûr pas intégré ces factures à mon budget prévisionnel et cela fausse à présent mes chiffres… Tout est à refaire. Formidable. Le nom du type est en plus pas si banal, je ne comprends pas pourquoi cela n’a pas marqué ma foutue mémoire.

    Un Vrenn Indrani. Ça sonne un peu comme Vrai Ingrat, non ?
    »
    Zahria AhlyshOmbre
    Zahria Ahlysh
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    Re: A la poursuite d'un souvenir
    Lun 6 Jan 2020 - 22:38 #
    Elle doit vraiment avoir l'air d'une déterrée, pour que Luz la regarde avec autant d'inquiétude dans les yeux. L'étreinte qui suit ramène Zahria sur terre, loin de ses démons et de son enquête qui l'a tellement métamorphosée ces derniers temps. Elle revient à ces nuits passées près de la belle rousse, à ces désirs perdus. Cet homme dont elle ne peut imprimer le visage dans sa mémoire l'a fait oublier tout ce qui la caractérisait, sa joie de vivre et son insouciance. Il ne reste chez elle qu'une rage grondante et sa détermination à toute épreuve. Quand il faut expliquer au médecin la raison de sa présence ici, l'espionne reste le plus vague possible, sans être aveugle au regard plein de questions de son amie. Cette dernière a néanmoins le tact de ne pas les exprimer, et elle comprend rapidement en quoi elle peut aider l'Ombre.

    Une fois laissée seule dans le petit appartement, Zahria s'assoit sur le lit et prend sa tête dans ses mains. Où est-ce que tout ceci va la mener ? Elle sent le glas de sa propre déchéance arriver alors que son obsession de la capture de Vrenn se fait de plus intense. Manquant de sommeil et mal nourrie, elle peine à se reconnaître quand elle lève enfin le visage et croise son regard orangé dans un miroir. Mais elle doit continuer, il le faut. Elle ne s'arrêtera pas avant de l'avoir mis derrière les barreaux.

    ~~~

    Les jours se passent, les uns après les autres, et la cohabitation avec Luz s'est installée beaucoup trop facilement. Si leur relation charnelle est loin derrière elles, la confiance qu'elles développent est bien plus précieuse, et le ton maternel que commence à prendre la rousse fait le plus grand bien à Zahria, même si elle ne lui avouera pas. Un homme fait des allées et venues dans l'appartement, mais elle n'a pas eu l'occasion de le rencontrer, et elle préfère leur laisser leur intimité.

    Whiskeyjack étant actuellement en mission hors de la Capitale, Zahria passe ces quelques jours à interroger les autres aventuriers disponibles. Si la majorité des entretiens n'a rien apporté à son dossier, quelques uns ont tout de même amené un peu de grain à moudre à l'Ombre, en associant les dates et lieux de leurs missions avec ceux de faits divers sordides. Assassinats jamais élucidés, suicides étranges, cambriolages dans le feutré... Sans rapports entre eux au premier abord, mais Zahria semble voir un fil rouge relier toutes ces affaires.

    Elle a pris aussi le temps de contacter Elina par cristal, lui expliquant rapidement qu'elle ne se trouve plus à la caserne, et que si elle a des nouvelles de Vrenn, dont Zahria lui a parlé lors de leurs retrouvailles à la Forteresse, et au sujet duquel son amie lui a promis de l'aider, elle lui communiquera par cette voie-là la meilleure façon de la contacter. Elle n'a pas eu de nouvelles de Calixte pour l'instant, mais elle sait qu'il saura la trouver s'il doit le faire.

    Chaque jour, elle envoit un rapport de ses découvertes au maître-espion, s'assurant de rester anonyme pour qu'il ne puisse la retrouver trop facilement, même si elle se doute que ce n'était qu'une question de temps. Et chaque soir, Luz s'assure qu'elle reste en vie. Si leurs petites discussions semblent tout à fait anodines, elles sont pour la brune comme un baume réparateur, bien plus que les tisanes et les repas que son amie la force à avaler.

    Alors ce soir-là, quand Luz lui demande de l'aider dans ses comptes, même si Zahria n'a aucune connaissance sur le sujet, elle s'efforce de l'accompagner dans cette épreuve difficile. Ce n'est que quand la belle commence à parler d'un client mystère dont elle ne parvient à se souvenir qu'une cloche semble résonner dans le crâne de l'espionne. Serait-il possible que... ?

    Elle se penche sur l'épaule de son amie, et découvre le nom en même temps qu'il est prononcé par la rousse. Ecarquillant les yeux alors que sa bouche s'entrouvre sans rien laisser sortir, l'Ombre ne comprend pas ce qui vient de se passer. C'est bien le dernier endroit où elle pensait trouver une information sur sa cible. Reprenant progressivement sa respiration, elle arrache presque les documents des mains du médecin, prenant conscience de l'ampleur de ce qu'elle vient de découvrir. Alors que Luz se relève pour s'assurer que tout va bien, Zahria l'enlace avec enthousiasme avant de l'embrasser. Se détachant aussitôt de Luz, sa peau mâte laisse apparaître une certaine rougeur.

    « Désolée, je sais que tu vois quelqu'un, ne vois pas une invitation dans ce geste, c'était instinctif... Mais tu ne te rends pas compte à quel point tu me fais plaisir ! »

    Devant l'incompréhension du docteur, Zahria entreprend donc de lui expliquer que ce Vrai Ingrat est l'homme qu'elle cherche, et que si elle parvient à démontrer que son activité d'aventurier n'est pas suffisante pour expliquer ces multiples blessures qu'il est venu soigner chez elle, elle tient là une preuve substantielle. Elle révèle enfin à Luz le pouvoir de Vrenn, et finit par lui raconter toute l'histoire, depuis le début.

    « S'il revient ici, je veux que tu m'appelles immédiatement sur mon cristal de communication. Je ne pense pas qu'il ait d'intentions belliqueuses à ton égard, mais ce gars est dangereux. Tu sais tout de moi, maintenant, et j'espère que tu pourras garder tout ça pour toi. Te révéler ma véritable identité est ce que je peux faire de mieux pour te témoigner la confiance absolue que j'ai pour toi. »

    Et dans une dernière accolade, leur contrat est signé.

    ~~~

    Le lendemain, Zahria se rend à nouveau chez Whiskeyjack, qui paraîtrait-il, serait de retour à la Capitale. Elle toque trois fois à sa porte, et il vient lui ouvrir avec un sourire amical. C'est toujours un plaisir de voir Jack, et si elle n'était pas aussi préoccupée par son enquête, elle pourrait certainement passer un très bon moment avec l'examinateur. Il l'invite à entrer et la fait asseoir, en sortant une bouteille de bière qu'il verse dans deux verres.

    « Je l'ai achetée chez un brasseur du coin, un bon pote, tu m'en diras des nouvelles !
    - Merci Jack, c'est vrai qu'elle est bonne.
    - Parfaitement houblonnée, regarde moi cette couleur ! Le gars qui me l'a vendu s'est pas moqué de moi, pour sûr. Il la brasse dans sa cave, tu sais, à deux pas d'ici ! C'est incroyable ce qu'on peut faire, de nos jours.
    - Presque aussi bonne que celle d'Ollainbourg !
    - Ah mais la bière d'Edo a une saveur toute particulière, tu sais. Surtout après un bon voyage avec des amis.
    - Oui, d'ailleurs, Jack, en parlant de ces amis...
    - Vas-y, Zahria, je vois bien que quelque chose te tracasse. Tu peux tout me dire, tu sais, je ferais ce que je peux pour t'aider.
    - On peut toujours compter sur toi Jack, c'est vivifiant.
    - Allez, raconte moi tout, je t'écoute.
    - C'est au sujet de Vrenn, tu sais, Vrenn Indrani, qui était avec nous à Ollainbourg... »
    Vrenn IndraniSbire
    Vrenn Indrani
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    Re: A la poursuite d'un souvenir
    Lun 6 Jan 2020 - 22:41 #

    Le travail, ça s’arrête jamais. Comme disait mon père, on s’reposera quand on sera mort. Résultat, des jours plus tard, j’me trouve à nouveau à pousser la porte du Godet sur le videur et un public avachi parce que l’heure est tardive. J’ai eu la nouvelle que ma présence était souhaitée assez tard, mais j’pionçais pas encore. Un des musiciens manque de s’endormir dans sa flûte, et la danceuse principale, principalement dénudée au demeurant, a laissé tomber toutes ces conneries. Elle a le nez sans sa flûte, elle aussi, mais d’un autre genre, et elle rejette la tête en arrière d’un coup sec pour achever le contenu du verre.

    Elle lève les yeux vers moi, mais j’suis pas habillé assez richement pour valoir qu’elle fasse des efforts. Donc elle se dandine vaguement sur place pour justifier son salaire en attendant la fermeture.

    Andrew est à la même table que d’habitude, mais il a troqué les deux nanas contre une seule. Et elle est plus jolie que les deux autres réunies. J’dirais même un peu trop, mais elle est blottie contre lui, et il en faut pas beaucoup plus. Faut dire, il a de l’argent, du pouvoir, de la noblesse… S’il était un peu moins laid, ça irait mieux, mais après tout, ça change pas grand-chose à ce stade, si ? Après tout, elle est là, et bien là, même.

    J’tire la chaise la plus proche, j’me laisse tomber dessus. Tard.

    « Ouais, Andrew ?
    - Bienvenue dans mon humble chez-moi.
    - T’en as pas un autre, de chez toi ? »

    Il me louche dessus, me replace pas totalement. Trop de verres vides devant lui, la bouteille est renversée mais n’a visiblement pas goutté des masses. Il a dû tout boire avec sa nouvelle amie, et les gens qui sont passés dans le coin au cours de la nuit. Elle a un air chafouin, quand même, la rouquine, même si j’cracherais pas dessus. Andrew se redresse un peu, cherche autour de lui avec un air conspirateur.

    D’une petite bourse à sa taille, Poil-de-Carotte sort une poudre que j’identifie pas, et en saupoudre son autre main. Andrew aspire tout ça d’une narine, et un éclat nouveau vient allumer ses prunelles. Allons donc, on en est donc là. J’aime pas bosser pour des drogués, ça finit rarement mal. Les types perdent tout contrôle, ça devient le grand n’importe quoi. Il renifle une dernière fois, essuie une larme qui coule au coin de son œil.

    « J’ai encore besoin de tes services.
    - M’doutais.
    - Tu seras richement payé.
    - Encore heureux. Il s’est passé quoi, encore, Andrew ? »

    Il me répond pas tout de suite, il pointe plutôt les deux bourses présentes de son côté de la table. Du bout du doigt, il ouvre la première, qui dégorge ses cristaux sur la table. On dirait le même format que la dernière fois, ce qui en fait une affaire plutôt alléchante, il faut bien le dire. La fille a l’air déçu, et l’éclat des cristaux est passé inaperçu dans la salle. Faut croire que j’avais de la concurrence pour la coquette somme.

    « Ma sœur.
    - Ouais, j’en fais quoi ? Je la passe à tabac dans la rue ? Je lui vole un bijou auquel elle tient ?
    - Non. Elle doit mourir.
    - Oh. »

    J’ai envie de demander pourquoi, mais j’me retiens. J’admets volontiers éprouver une forme de fascination pour Andrew. J’me demande à quel moment il va craquer. Des comme lui, y’en a pleins. Il a attrapé une brindille de pouvoir, donc il s’y cramponne de toutes ses forces, essaie de l’utiliser autant que possible pour se venger de tout ce qu’il a pu subir injustement. Enfin, dans sa tête, quoi. Parfois, ils deviennent plus malins, et survivent. La plupart du temps, la brindille casse quand ils tirent trop dessus, et c’est la chute.

    Et quand on tombe, c’est la chute. Quand on chute, c’est la tombe.

    Les dents serrées, il préfère quand même me parler. Sa copine roule des yeux quand il commence. J’pense qu’il a dû raconter tout ça au moins vingt fois au cours de la soirée. Elle regarde la bouteille, malheureusement vide, puis s’contente de fermer les yeux et d’attendre que le temps passe. Ce qui est probablement son métier, d’ailleurs.

    « Elle critique ce qu’elle appelle mes escapades, alors que je gère maintenant mon propre établissement pour gagner mon propre argent, qu’il fait. »

    J’réponds d’un son inarticulé.

    « Elle dit que j’devrais aider mon frère à mettre de l’ordre, alors même que lui me dit de pas lui traîner dans les pattes et de le laisser faire plutôt que l’emmerder alors que je ne comprends rien.
    - Ahin.
    - Elle m’a giflé ! Devant les serviteurs ! »

    Ah, ouais, ça c’est un peu plus sale. Ça peut valoir un meurtre, pour peu qu’on soit suffisamment hargneux.

    « ‘Sûr. J’veux la clé, comme l’autre fois. »

    J’le jauge, j’essaie de voir si c’est un traquenard. Mais vu comme il éructe, ça signifierait qu’il est extrêmement bon acteur, et vu le profil de petit merdeux qu’il a, ça m’étonnerait vachement.

    « Et pour le paiement ? Moitié maintenant ?
    - Oui. Quand ?
    - J’sais pas, dépend de mes disponibilités. D’ici la fin du mois, j’dirais, pour être sûr de mon coup. »

    J’attrape la bourse, et j’me casse en adressant un signe de la tête à la jeune femme.

    ***

    J’ai des putains de cernes le lendemain en milieu de matinée, quand j’me pointe à la Guilde. Pas assez de sommeil, ces derniers temps, j’commence à le sentir. Faudrait quasiment que je m’absente quelques jours. J’vais commencer par faire une sieste à mon bureau à midi, ça me remettra les idées en place. Puis une le soir, aussi, quand j’aurai fini de trier la paperasse qui s’accumule inévitablement dans les locaux des examinateurs. Moi qui pensais que ce serait la vie douce de la bureaucratie, c’est vachement variable. Et là, les autres sont majoritairement en vacances.

    J’passe devant l’accueil.

    « Salut, Mirella.
    - Bonjour. Vous êtes un nouvel aventurier ? Dans cette direction, c’est les examinateurs, vous cherchez peut-être plutôt le tableau des quêtes, ou des coéquipiers ? »

    Elle me dit ça d’un air surpris, comme si ça faisait pas quinze ans que je lui disais bonjour tous les jours en entrant. Avec un soupir, j’lui montre ma plaque d’examinateur, avec mon nom. J’pense que c’est parce qu’elle est particulièrement conne qu’elle se souvient encore moins que les autres. Mais au moins, elle est assez gentille. Là, elle est de très bonne humeur, parce que d’habitude, c’est davantage laconique, voire franchement désagréable.

    Les autres se souviennent un peu mieux de moi, et j’m’installe à mon bureau avec un soupir d’aise. Puis j’attrape ma plume, un pot d’encre, et j’commence ma lecture.

    ***

    Le sommeil, même fractionné, m’a fait du bien.

    Comme l’autre fois, aucune difficulté à rentrer dans ce manoir de merde. La sécurité laisse toujours à désirer, surtout quand on a les clés. J’me souviens de la sœur, j’l’avais vue plusieurs fois pendant que j’faisais mes répérages. Du coup, ce sera qu’une formalité. En plus, j’ai le choix de la méthode. J’hésite à faire un nouveau suicide, mais ça risquerait d’attirer l’attention sur le meurtre du vioque, et là ça deviendra vachement pénible, encore qu’il serait possible de faire accuser l’aîné…

    Mais j’suis pas payé pour réfléchir, j’suis juste le couteau manié par d’autres.

    Du coup, tapi dans l’ombre, j’regarde sa forme qui dort sous ses couettes. Elle est vachement moins bien foutue que ses tenues le laisseraient à penser. Mais quand t’enlèves le corset, y’a plus de seins ni de taille de guêpe, et j’le sais, j’étais là pour le voir. Rester immobile aussi longtemps, c’est vraiment chiant, par contre. Enfin, il va être temps de s’en occuper, puis d’aller écraser un coup.
    Whiskeyjack CallahanLe glooby de toutes les femmes et la femme de tous les glooby
    Whiskeyjack Callahan
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    Re: A la poursuite d'un souvenir
    Mar 7 Jan 2020 - 16:38 #
    Tiens, salut ! Vous avez vu ? On m’invite dans les histoires des autres, c’est quand même la classe, ça, non ? Et puis, vous avez le droit à quelque chose dont j’ai jamais causé, c’est mon chez moi. C’est sûr que c’est pas vraiment le lieu où l’on me croise souvent, je suis plutôt bourreau de travail, comme vous vous en doutez bien, et je suis bien souvent sur les routes pour la guilde, au bureau pour la guilde et dans les tavernes pour la guilde. Pas une minute à moi, c’est que j’aime mon travail. Et tous les petits à-côtés, bien évidemment. Bref, mon chez moi, c’est dans le quartier de mon enfance parce que c’est important de rester proche de ses racines et puis, surtout, ça permet de rester pas loin de papa et maman qui me font de temps en temps des bons petits plats ou qui me font ma lessive ; bah oui, quand on travaille trop, on a pas le temps forcément de faire toutes les petites corvées de tous les jours. Et c’est pour ça que c’est important d’avoir ses parents proches, sauf quand ils deviennent un poil insistant sur mon avenir matrimonial, mais on ne refait pas les parents, hein. Mon chez, moi, donc, c’est un petit appartement sympa. Il y a plein de babioles que j’ai récupérées çà et là au cours de mes voyages. Parfois, je trouve ça dans mon sac sans que comprenne d’où ça vient, comme ce « Sucre Oh oh » qui change la voix. Un truc bizarre. Ou alors, cette potion d’ivresse qui sert à être ivre sans boire. Quelle idée saugrenue, non ? L’intérêt de boire, c’est de dégusté le bon alcool, pas d’être déchiré. Encore un produit en réponse à une demande de la jeunesse décadente, c’est moi qui vous le dis.

    Evidemment, l’appartement est plus fonctionnel que vivant. Il n’y a que dans la cuisine où c’est haut en couleur. Mes armoires sont pleines de bons petits produits sympathiques autant liquides que solides. Car il est très important de savoir recevoir comme l’en atteste la réception de Zahria qu’est resté une bonne amie depuis Ollainbourg, même si je la vois pas souvent. C’est que ça demande de bourlinguer pas mal quand t’es cartographe. Et moi aussi je bourlingue donc ça va pas forcément en s’arrangeant, mais on s’en accommode, c’est l’important. On cause. Vrenn ? Elle veut plutôt parler de Ghrec ? Où ça serait peut-être bien Lerenn… ? C’est un peu mon secret honteux. Je me souviens jamais vraiment de mon pote examinateur, mais il est sympathique, parce qu’il ne m’a jamais repris quand je faisais une erreur. En tout cas, pas souvenir qu’il m’est repris un jour. Je me remémore Ollainbourg avec un petit sourire heureux. Vrai que c’était sympathique comme excursion. On s’est bien amusé.

    -Oui, je resitue bien. Sacré Yrenn. Tu l’as vu récemment ?
    -Non… Bientôt, j’espère.
    -Un moment que je l’ai pas croisé, mais la vie, c’est un peu des rencontres que le destin décide de faire, n’est-ce pas ?
    -Oui, c’est sûr. Pour en revenir à ce qui me tracasse.
    -vas y.
    -A Ollainbourg, tu te souviens de ce qu’il a fait ?
    -Oui. On a trouvé les caisses ensembles, non ?
    -Oui, mais pas que ça. Tu te souviens quand on a attaqué la maison aux abords d’Ollainbourg ? Avec l’affrontement qu’il y a eu.
    -Ah oui ! Je crois me rappeler même qu’on est arrivé à la bourre parce qu’il devait refaire son lacet. Il en a pas l’air, mais il fait très attention à tous les petits détails, Brel, c’est ce qui fait de lui un examinateur talentueux.
    -D’accord… mais tu te souviens… qu’il a tué de gens ?
    -Ah oui, complètement. En même temps, ils n’étaient pas très commodes de souvenir. Ils avaient beaucoup trop d’objets qui blessent dans les mains pour proposer une partie de Mölkky, plutôt un Tueur, si tu vois le jeu. Bref, on s’est quand même bien foutu sur la tête. Je crois pas que j’ai tué de gens, mais j’ai eu de la chance, tout peut arriver dans ce genre de petites batailles de masse. Et puis Vrenn, il a le couteau facile. C’est pour se défendre, hein, mais il est précis. Peut-être trop. Il doit être dans un club pour s’entrainer comme ça. M’enfin, je vois bien que tous ces morts, ça te perturbe, même après tout ce temps. Faut se dire que c’est la rue du destin, Zahria. Toi-même tu t’es battu et plutôt bien pour une cartographe. T’en as eu combien déjà ? Un ? Deux ? On sait plus compter au bout d’un moment, hein ? Parce que c’est le premier le plus important. Les autres, c’est juste un chiffre. Si t’arrives à surmonter le fantôme de cette pauvre âme, tu t’en sortiras.
    -Merci Jack, pour ton aide. Vous avez souvent bossé ensemble, avec Vrenn ?
    -Tu veux dire … non. Oublie. Oui, on a bossé ensemble. Souvent, je sais pas, on a fait pas mal de missions et on a bien sympathisé. Après, on est dans un secteur de métier qui demande souvent de bosser en solo.
    -Tiens, si je te donne cette liste de date, c’est toutes vos missions, non ?
    -Mmmh. T’es bien renseigné, dites donc. Tu serais pas espionne ? Ahah Je rigole. Ouai, c’est des trucs qu’on a fait ensemble. Des missions classiques. Je me souviens encore d’avoir fait les rapports pour ces missions. Ah, l’administration, c’est quelque chose ! Drell aime pas trop ça. Il préfère le terrain. On a plus souvent bossé ensemble sur des trucs de terrains, un peu obscur. De la recherche d’informations dans des rades que je connaissais pas, avec plein de types aux mines patibulaires. Bizarre que t’aies pas les dates. C’est plus Tyrenn qui s’occupait des rapports de celles-là. Parce que les infos venaient de lui. Ça doit être dans un autre dossier. M’enfin, je vais pas t’embêter avec ça.
    -Si ! Sisi ! Vas y ! Ça m’a l’air intéressant. Tu permets que je prenne des notes ?

    -Oui, bien sûr ! C’est pour briller en société avec des anecdotes d’aventuriers, j’imagine ? Tu vas avoir un succès fou, je te le garantie. Bref, où j’en étais ? Ah oui. Querenn avait l’air d’en connaitre des gus bizarres, mais moi, tu sais, je suis pas du genre à remettre en cause les amis de mes amis. Des fois c’était pour récupérer des informations sur des gens, sur des objets importants. Alors, c’est vrai que parfois, Grell tapait dur, mais faut dire qu’en face, c’était pas des rigolos. Il y en a pas mal qui nous chercher des noises alors qu’on était sympathiques, tranquilles. Tu nous connais ? Comme quoi, faut bien choisir les endroits où on va, on tombe plus souvent sur des cons qu’on pourrait le croire. Alors, certes, on en a mis certains au tapis et ils ont dû y perdre des dents, mais légitime défense hein, c’est la vie. Quand on sort un couteau pour suriner quelqu’un, faut savoir accepter que celui en face va pas se laisser faire. Bien un truc que Prenn dit régulièrement, ça. Bref, on avait ce genre de petites missions. C’était sympa. Et puis, il me faisait une fleur en s’occupant lui-même des rapports. Et c’est quand même là qu’on voit que Vrenn. Ah oui… Vrenn. Bref. C’est un mec sympa. Le cœur sur la main. On en fait peu des amis comme lui. Il parle quand il faut, il agit quand il faut.

    Et je me rappelle de deux trucs. C’est que d’une, à force de parler, la gorge s’assèche, alors je bois. Et je pense à un autre truc. D’Ollainbourg et j’ai un petit sourire entendu.

    -Ah oui, je comprends mieux ces questions. C’est vrai que vous vous tourniez pas mal autour à Ollainbourg. Je juge pas. Je suis content pour vous.
    -C’est pas du tout ce que tu crois.
    -Allons. On ne la fait pas à ce bon vieux Whiskeyjack. Mais ne t’inquiètes pas, ton secret est bien gardé. Tu verras, il a un grand cœur. Et vraiment pas du genre à abandonner les gens qui comptent pour lui.
    -… Mouai.
    -Tu veux savoir autre chose ? Je te laisse la surprise sur certains points. Parce que Frell, c’est comme un spectacle. Il est divertissant à regarder, mais l’important, c’est qu’il soit bien monté. Ahahahahah.

    Je suis quand même un sacré blagouilleur. Zahria regarde de côté, visiblement gênée. Je pousse pas plus loin. Je pousse jamais trop loin, sauf peut-être quand Jreen est là. Et encore.

    Bref.

    -Tu n’aurais pas des contacts concernant… ces amis ?
    -Je dois bien avoir quelques noms en tête. Difficile à me dire. Mais gaffe, ils sont un peu soupe au lait ces amis. Attends, file mois un bout de papier. Merci. V’là… les … noms. Et les Adresses. Ah. Je vais écrire un petit mot pour dire que tu viens de ma part. Ils seront plus enclins à te parler, vu comment on a pactisé. Mais bonne stratégie de voir ses amis pour se faire une idée.
    -Jack… arrête.
    -Ok, ok. Ahah. Sacré lui. Tiens. J’espère que tu as tout ce que tu voulais.
    -Plus que tu ne le crois.
    Zahria AhlyshOmbre
    Zahria Ahlysh
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    Re: A la poursuite d'un souvenir
    Dim 12 Jan 2020 - 17:39 #
    Zahria pousse un soupir en sortant de chez Jack. Elle ne peut s'empêcher de l'apprécier, mais cet homme est trop gentil pour son propre bien. Il faut qu'il arrête de sympathiser avec tout le monde et de voir le bien en tout. Il ne semble pas se rendre compte de la pourriture qu'est Vrenn, et que sont certainement ses amis dont il lui a donné les contacts. Sa positivité pourrait néanmoins être contagieuse, si elle n'était pas aussi épuisée et focalisée sur sa tâche. Jack reste un bon pote, à qui elle n'a rien à reprocher, si ce n'est ses fréquentations, mais on ne peut pas l'accuser de ne pas être ouvert d'esprit au moins. Il est complètement à côté de la plaque au sujet de la raison qui la pousse à chercher Vrenn, mais visiblement, elle ne le fera pas changer d'avis, malgré ses efforts.

    Sans attendre, l'espionne à la retraite se dirige vers la première adresse indiquée par Jack. Le coin est mal famé, les rues sales, et on croise plus de rats que de gardes en patrouille dans le coin. Un coin parfait pour rencontrer des sales types dans la veine de Vrenn. Elle a l'habitude de ce genre d'endroits, ses missions d'infiltration s'étant plus souvent déroulées dans ce genre de décor que dans des beaux palais. Fille des quartiers pauvres, elle est même plus à l'aise ici. Au moins, on sait qu'il faut toujours se méfier des ombres, alors que un manoir de noble, on finit par oublier que les gens y sont tout autant des ordures, parfois même pires. Etouffant prématurément un bâillement dans sa gorge, elle frappe à la porte indiquée par Jack, et un petit homme fébrile vient entrouvrir, ne laissant dépasser que l'espace nécessaire pour apercevoir son oeil globuleux.

    « Oui c'est pour quoi ?
    - Je viens de la part de Jack, Whiskeyjack Callahan.
    - Qui ?
    - Regardez, j'ai sa carte.
    - Oh ! Ce bon vieux Jack ! Bien sûr, entrez, entrez ! »

    Le changement de ton et d'atmosphère est palpable à partir du moment où elle a sorti sa carte. Jack laisse vraiment une bonne impression chez tout le monde, c'est incroyable. Et elle se rend vite compte que c'est le cas à chaque adresse à laquelle elle se rend. On l'accueille toujours les bras ouverts à partir du moment où elle parle de Jack, et elle prend même trois repas ce jour-là, sans compter la quantité d'alcool de contrebande qu'on lui sert, même si elle refuse religieusement. Avec la fatigue, une goutte de trop et elle risquerait de se laisser aller, et il faut qu'elle reste lucide pour écouter les histoires des uns et des autres.

    Si elle ne prend aucune note pendant qu'elle est chez les camarades de Vrenn, de peur qu'ils se rendent compte qu'elle n'est pas là pour faire affaire avec eux comme il le souhaite, mais bien pour enquêter sur les crimes de son ami d'enfance, elle détaille le tout en sortant de chaque rendez-vous. Et tandis que son carnet se noircit, elle finit par retracer, histoire après histoire, un semblant de cohérence dans tout ça. On lui confirme que Vrenn faisait partie d'une petite bande quand il était enfant, bande vite avalée par un gang plus grand, qui a finit par fusionner avec un autre, et ainsi de suite. Et plus elle y repense, plus Zahria se dit que leurs parcours se font miroirs l'un de l'autre. Elle aurait pu finir comme lui, tout comme l'inverse est vraie. Ce qui lui prouve d'autant plus qu'elle doit l'arrêter. Elle ne peut laisser celui qui était son ami il y a si longtemps s'enfoncer sur cette voie, elle ne peut le laisser faire plus de victimes.

    Tâtant un peu le terrain, elle essaye de voir si l'un de ces hommes serait prêt à témoigner contre Vrenn en échange d'une quantité suffisante de cristaux, mais leurs souvenirs de lui sont tellement flous qu'elle se dit que ça n'apporterait aucun poids à son dossier. Il lui aura fallu faire toute la liste de Jack, et encore d'autres contacts qu'eux-mêmes lui ont fourni, pour établir une ligne directrice dans tout ça, et elle ne peut en aucun cas faire arrêter toute la rue pour un seul homme. Ce sera son témoignage, ses suppositions, ses conclusions, qui devront être suffisamment concluants pour un tribunal.

    ~~~

    Il fait presque nuit quand Zahria quitte le quartier, pour se diriger vers celui de Vrenn, une bourse bien remplie à la main. Elle ne peine pas trop à retrouver l'enfant à qui elle a confié sa mission une semaine plus tôt, et celui file chercher son carnet et son cadre magique dans sa chambre, un peu trop enthousiaste. Mais il a des raison de l'être, car la promesse de richesse a été alléchante pour qu'il noircisse son carnet d'informations, et au milieu des clichés flous ou de chiens errants, il y a une bonne image de ce qui pourrait être Vrenn. En tout cas, il ressemble à l'enfant de son cadre récupéré chez son père, et correspond à toutes les descriptions qu'on lui a faites. Le fait qu'il soit en train de sortir de la porte de sa maison confirme très certainement qu'il s'agit de lui.

    « T'as réussi à faire tout ça sans qu'il s'en rende compte ?
    - Euh... pas vraiment, mais bon...
    - Il t'a posé des questions ?
    - J'ai rien dit sur vous ! »

    Peut-on faire confiance à un gamin apeuré et avide de cristaux ? Il le faudra bien. De toutes façons, tôt ou tard, Vrenn finira par se rendre compte qu'elle est à sa recherche, c'est sûr. Et maintenant, elle sait à quoi il ressemble. L'échange du carnet et du cadre contre la bourse rend l'enfant heureux et l'Ombre satisfaite, c'est l'essentiel.

    ~~~

    Sur le chemin du retour, Zahria repasse en mémoire tous les éléments qu'elle a contre Vrenn. Même si ce système de justice l'oblige à convaincre par tous les moyens possibles les juges, c'est finalement une bonne façon de ne pas mettre n'importe qui derrière des barreaux pour la vie. Elle aurait bien voulu mettre son ami d'enfance en prison sans plus de sommation, mais il fallu qu'elle assure, même pour elle, qu'elle avait raison de le faire. Et là, elle sent qu'elle touche le bout de son enquête.

    Evidemment, à cause du pouvoir de Vrenn, la majorité des documents ne sont que des suppositions qu'elle a liées entre elles, et ça ne pourrait ne pas passer. Le mieux serait encore de le prendre la main dans le sac, mais difficile de savoir ce qu'il complote en ce moment. Même ses connaissances de la pègre n'ont rien pu lui dire à ce sujet. Il lui faudrait une dernière piste, un dernier élément pour savoir où le chercher...

    Elle est en plein dans ses pensées quand soudain, pour la première fois, son cristal de communication se met à teinter dans sa poche. Son cristal n'est relié qu'à ceux d'Elina, Luz et Calixte pour l'instant, donc il s'agit forcément de l'une de ces trois personnes, et dans tous les cas, c'est certainement pour lui parler de Vrenn. C'est donc avec un peu d'appréhension qu'elle décroche, sans savoir à quoi s'attendre...
    Vrenn IndraniSbire
    Vrenn Indrani
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    Re: A la poursuite d'un souvenir
    Lun 13 Jan 2020 - 18:42 #

    Il se fait tard, et le manoir est totalement calme. Il fait pas beau, et il caille, en plus. Avec ses trois couvertures, j’pense que la noble est plutôt confortable, en plus elle avait une bouillotte laissée là par une domestique, alors que moi j’me les gèle dans un coin de la pièce. Y’a même plus de feu dans la cheminée, ils l’ont laissé s’éteindre, probablement pour économiser du bois. D’une main, j’dégaine un couteau, dont j’ai soigneusement aiguisé la lame un peu plus tôt.

    Bon, tous mes surins sont aiguisés, cela dit.

    J’ai eu le temps de faire un repérage de la pièce, et j’sais où sont la majeure partie des trucs à faucher. C’est la meilleure idée que j’ai eu, de faire passer ça pour un cambriolage qu’aura mal tourné. J’verrai bien ce que j’vais foutre de ce que je vais ramasser, probablement l’enterrer quelques mois le temps que l’affaire se tasse, puis revendre au compte-goutte, comme d’habitude. Et Anne se sera réveillée au mauvais moment, puis tout aura mal tourné de là. C’est assez potable comme explication, donc ça devrait pas poser plus de problème que ça, tant que j’arrive à faire ça proprement et qu’on laisse le tout mourir en paix.

    J’m’approche en catimini de l’immense plumard, avec ses beaux baldaquins, ses tentures, ses fourrures la connasse qui dort au milieu. Elle a la bouche ouverte et le nez un peu bouché, mais elle bave pas encore, heureusement. Allez, Anne, on t’aimait pas beaucoup, et ton p’tit frère est vraiment une belle saloperie, pas d’bol.

    Le couteau s’abat stratégiquement, adroitement glissé entre les côtes pour percer le coeur. J’crois qu’elle se réveille même pas, ou juste une fraction de seconde. Pas le temps de traîner, par contre. J’choppe le corps en laissant l’arme enfoncée, puis j’la hisse hors du lit avec un léger ahanement. Elle pourrait bouffer moins, bordel, c’te conne. J’la traîne jusqu’au tapis qu’est devant la fenêtre, assez vite pour pas qu’elle foute du sang plein les draps. Ça serait mauvais de pas assez prémâcher le travail pour la Garde, après tout.

    Puis j’plante le couteau cinq fois de plus, un peu partout dans le torse, et j’fais des coupures sur les avant-bras. Le sang devrait couler encore un peu pour parachever le tableau, et m’permettre de…

    J’tiens Anne en position debout par les cheveux, et l’autre pogne retire le surin après le dernier coup, quand j’entends la porte de la chambre s’ouvrir. Pourtant, j’ai pas entendu de pas dans le couloir. L’explication est fournie d’elle-même quand j’vois une gamine de cinq ou six ans devant moi, la bouche grande ouverte. Pas un son ne sort pour le moment. Même pas le temps de penser la fin de ‘’Putain’’ que j’laisse tomber le cadavre et, que d’un mouvement entraîné du poignet, j’envoie une aiguille dans sa direction. Le gantelet de la Cité Enfouie qui se rend utile, ça.

    Les heures que j’ai passées à cribler des troncs sont pas en vain, ça se plante droit dans son œil. Merde, elle a dû faire un cauchemar et décidé d’aller voir tata ou quoi. Merde, merde, putain. Elle tombe au sol avec un bruit sourd, mais elle a pas poussé un cri, en plus. Trop choquée sans doute. J’rationalise. J’pouvais pas la laisser en vie, les souvenirs s’impriment beaucoup mieux dans les situations traumatiques.

    En trois pas, j’suis à son niveau, j’la pousse délicatement, et j’ferme la porte le plus doucement possible. J’entends que le son de ma respiration et des battements de mon cœur, assourdissants, mais c’est qu’une illusion, j’sais. Pas un bruit autour. J’souffle calmement. J’me penche sur elle, et j’regarde si j’peux retirer l’aiguille. Du bout des doigts, j’la choppe, j’la sors, et j’enfonce un de mes surins non-identifiables dans le trou, pour bien saloper la plaie. Chiasserie.

    Vais pas traîner, quelqu’un pourrait vouloir venir. J’fous pêle-mêle dans mon sac sans fond le contenu de la coiffeuse, quelques bijoux qui traînent sur la table de nuit, et j’ouvre la fenêtre pour tirer ma réverence. Pas question de passer par l’intérieur, surtout que j’laisse tout ouvert derrière moi. Mon anneau d’invisibilité s’active, et j’compte mentalement le temps d’utilisation qu’il me reste. J’suis large, normalement. En plus, d’ici quelques heures, faut que j’retourne au boulot, et j’ai d’autres trucs de prévus.

    ***

    Quand j’rentre au Godet, j’me dis que, putain, j’y passe beaucoup trop de temps, récemment. C’est pas bon pour mon pouvoir, ça, de trop tracer les mêmes pistes. Y’a la même chanteuse-danseuse sur l’estrade, mais elle a l’air moins fatiguée que moi, aujourd’hui. Mal dormi. J’aurais dû goupiller les choses différemment. Mais c’était pas possible. La gamine se serait forcément rappelé, vu les circonstances.

    J’me laisse tomber sur une chaise en face d’Andrew, et lui aussi a l’air de mal le vivre. Y’a deux bouteilles vides au lieu d’une, cette fois, mais c’est toujours la rouquine qu’est avec lui. Elle a l’air salement éméchée aussi, cela dit. Il a le regard fiévreux, et encore un peu et il tremblerait partout.

    « Pourquoi ? Qu’il m’demande direct.
    - Pas eu le choix. Elle a débarqué en plein milieu, putain.
    - Ce n’était pas le contrat !
    - Ouais, c’était pas prévu, j’ai fait ce que j’ai pu.
    - C’est horrible, horrible… »

    Oh, ça va, c’était que ta nièce, et de tes propres mots, tu pouvais pas la blairer. C’est un peu tard, de sortir le numéro sur les remords après avoir fait tuer ton père et ta sœur, tu crois pas ? Surtout pour une raison aussi futile que le fait qu’ils te parlent mal.

    « J’veux ma thune.
    - Pourquoi ?
    - Le contrat a été rempli. J’veux ma thune. »

    Il tremble, tapotte la table de ses doigts. Beaucoup trop agité. Il a l’air au bord de la rupture nerveuse. Mais il bouge pas, me donne pas mon dû. J’suis pas là pour régler ses états d’âme, et il aurait dû y penser avant, bordel !

    J’tape fort la paume de ma main contre le plateau de la table, faisant trembler les bouteilles et les verres. Puis j’le choppe au col d’un main, et derrière la tête de l’autre. J’rapproche nos visages jusqu’à ce que nos fronts s’entrechoquent, yeux dans les yeux.

    « Réveille-toi, Andrew ! C’est ce qui arrive, ce qui peut s’passer, comme partout ailleurs !
    - Elle avait six ans, merde…
    - T’as buté ton vieux et ta sœur, Andrew de Terranglae. »

    J’choppe le contenu d’une coupole pleine de poudre, et j’le verse dans une coupe que j’arrose généreusement d’alcool. J’prends une gorgée avant de la lui tendre, sans rompre le contact visuel. Il hésite au début, mais j’pense que ma tronche pas franchement amusée achève de le convaincre. Il boit à peine au début, mais j’l’aide à incliner le verre jusqu’à ce qu’il déverse tout dans son gosier.

    Il se laisse tomber en arrière la mine défaite, et m’jette la bourse qu’il avait accrochée à sa ceinture. J’la prends sans vérifier le contenu, et j’sors. Puis j’me fais vomir dans la ruelle derrière le Godet Doré. Toujours s’méfier de ces saloperies. Andrew devrait filer doux maintenant, encore quelques jours.

    ***

    « Allez, Vrenn, tu reprendras bien un peu de poulet.
    - D’accord, Grenn, je me laisse tenter.
    - Prends un peu de sauce avec, c’est tout sec, sinon.
    - Oui, Varia, surtout qu’elle est délicieuse. »

    J’suis épuisé. J’pense que ça se voit, pasque mon père et ma mère m’ont tout de suite demandé si ça allait, dans ma vie, quand ils m’ont fait entrer chez eux. Varia, ma génitrice, et la première personne à m’oublier d’ailleurs, est revenue de sa mission pour la Guilde y’a quelques jours seulement, mais ça lui a déjà fait beaucoup de bien, le repos. Grenn est aux petits soins, faut dire, et le poulet est aux petits oignons.

    « Alors, le travail, Vrenn ? Et ton… commence ma mère.
    - Ton père, précise le mien.
    - Oh, il se porte bien. J’ai eu des nouvelles il y a peu. Il pense pouvoir passer à la Capitale pour me voir et faire le tour de ses amis d’ici quelques semaines.
    - Vraiment ? Ce serait génial. »

    J’sens leur manque d’entrain d’ici. Faut dire, ils arrivent pas du tout à le remettre, alors qu’ils le connaissent plutôt bien : il est en train de sortir la tarte du four à trois mètres de distance.

    « Ca lui permettrait de revoir ses vieilles connaissances et vous remercier de toujours m’inviter à déjeuner.
    - Oh, c’est tout naturel. Nous avons une forme de lien fort, et nous nous entendons très bien. »

    Tu crois pas si bien dire, maman.

    « Tiens, Varia, d’ailleurs, et Vrenn, aussi. La petite Ahlysh est passée l’autre jour. Tu la connais, Vrenn ? »

    J’m’accorde le temps de la réflexion en mâchant soigneusement mon morceau de cuisse, mais mes yeux se fixent sur Grenn. Il a un grand sourire ravi.

    « Une adorable jeune femme. Vous devriez faire connaissance, je pense que vous vous entendriez bien. Bref, elle est passée prendre des nouvelles. Ça faisait longtemps que nous ne nous étions pas vus. Elle a promis d’essayer de repasser rapidement, mais qu’elle est très occupée en ce moment.
    - Tragique, ce qui est arrivé à son père après qu’elle soit partie à la Garde.
    - Elle a fait la Garde ? Que j’demande.
    - Oui, son père voulait qu’elle reprenne l’affaire familiale, mais elle a préféré travailler pour le Royaume.
    - C’est tout à fait respectable, et on le fait tous, à notre manière, dit maman.
    - Oui, on essaye tous de faire en sorte que tout se passe bien. »

    Moi aussi, à ma façon, hé ? Mais y’a plus important.

    « Et donc, après la Garde ?
    - Ah, à ma connaissance, elle y est toujours. Pourquoi, tu as peur que la Garde vienne te chercher ? Demande mon père en rigolant.
    - Ouais, enfin surtout que si elle est charmante, j’aurais peur de me faire taper dessus à la moindre incartade. »

    On a un beau rire de circonstance, dominé par la voix de ma mère, plus cristaline, une voix de femme qui pourrait avoir la vingtaine. Ma bonne humeur est plutôt feinte, cela dit. Et on liquide le reste du repas avant que j’réussisse à tirer ma révérence.

    « Repose-toi bien, surtout, Vrenn, tu as l’air fatigué, achève Varia. »

    J’marmonne une réponse inintelligible pour pas avoir à mentir davantage aujourd’hui. J’sens que les prochains jours vont pas être de tout repos.
    Luz WeissCroc de foudre
    Luz Weiss
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    Re: A la poursuite d'un souvenir
    Jeu 16 Jan 2020 - 20:24 #
    Elle ne sut réellement ce qui l’alerta. Peut-être que le fait de ne pas voir rentrer Zahria à une heure aussi tardive, d’avoir connaissance de ses hantises et de son propre croquemitaine, l’entrainait sur la pente doucereuse de l’inquiétude. Luz ne pouvait le nier –elle était aux aguets. Il lui semblait attendre à longueur de journée que son visage apparaisse à chaque nouveau patient, que sa silhouette se dessine dans l’encadrement de la salle d’attente comme s’il se fut agi de la visite la plus naturelle du monde. Oui, la perspective d’oublier jetait une ombre sur le visage de la praticienne, ses sens presque tendus à la manière d’un chat perpétuellement surpris. Elle craignait peu de choses en ce monde, et les griffes de l’oubli en était une.

    Quoi de plus abominable et terrifiant pour une scientifique dont l’amour unique résidait dans la recherche quotidienne de savoirs enfouis ? Elle frissonnait, dans la pâleur de la nuit. La sensation d’avoir oublié les multiples visites de ce Vrenn lui faisait un bien sale effet. Une sensation similaire à celle de rentrer à son domicile pour découvrir qu’un autre venait de fouiller dans votre lingerie. De quoi avaient-ils parlé… ? S’était-il montré charmant, désagréable, distant… ? L’avait-elle soigné, s’étaient-ils disputés ? A la manière d’une donnée si profondément inconnue qu’elle vous dénuait de vos repères, le pouvoir de ce Vrenn commençait à prendre des proportions inquiétantes dans l’esprit de Luz. Qui lui disait qu’elle ne l’oublierait pas instantanément et qu’il ne serait pas libre de procéder comme il l’entendait ?

    Ce fut peut-être pour toutes ces raisons à la fois qu’elle passa ce soir-là plusieurs fois devant les fenêtres de son appartement, un vif coup d’œil nerveux jeté au-devant de la rue. Alors, elle le vit. Son croquemitaine. L’ombre d’un homme figé en bas de la petite maison, immobile devant la lourde porte de son cabinet. Les lueurs de la rue allumaient des étincelles faiblardes sur sa silhouette, trop plongée dans l’obscurité pour laisser pleinement discerner ses traits.

    Luz tâcha de rester rationnelle malgré le plongeon vertigineux opéré par son palpitant. Allons. Peut-être un patient qui n’avait guère vu l’heure… ? Insidieusement, sa conscience refusa l’argument. Nul ne restait planté devant une porte de cette manière sans être animé d’intentions douteuses. Presque comme s’il… Guettait la rue… ? Elle se mordit la lèvre inférieure, et recula quelques instants pour retrouver son souffle. Zut zut zut zut.

    Ses prunelles glissèrent sur le cristal de communication qui trônait sur le comptoir de la cuisine. Prudemment, à demi incarnée dans son propre corps, elle s’en rapprocha et son esprit se tendit vers le cristal de Zahria bien avant qu’elle ne l’ait réellement conceptualisé. Au moment précis où le déclic caractéristique se produisit, que l’esprit de Zahria caressa celui de son cristal pour manifester la prise de l’appel, Luz sentit les mots se précipiter dans sa gorge avec la tension d’une corde d’arc :

    « Il-est-ici-Zahria-il-est-ici ! Vrenn est là ! Dépêche-toi ! »

    A cet instant, la porte d’entrée claqua dans le silence de la maisonnée. La communication se rompit tout en même temps que sa concentration. Une bille de plomb plongea dans ses entrailles et elle se tourna en direction des escaliers avec toute la lenteur d’un paraplégique mourant. Elle dut faire un effort pour décrisper ses doigts de son cristal et le poser le plus silencieusement possible sur la table du salon. Réfléchis, bon sang… Elle regretta de n’être qu’une affligeante gourdasse. Qui d’autre aurait laissé la porte d’entrée méticuleusement ouverte dans l’attente du retour de Zahria… ?

    Elle fouilla la pièce des yeux, revivant quelques moments peu agréables de la Cité souterraine. Sa main vint saisir la première chose à sa portée : une lampe à huile en fer forgé dont elle agrippa la longue hampe à la manière d’une lance. Les pas s’étaient désormais engagés dans l’escalier et approchaient drastiquement de la porte.

    Peu désireuse de perdre l’avantage de la surprise, elle ouvrit vivement celle-ci et le bois partit s'écraser avec violence contre le mur avoisinant. Elle bondit en arrière, brandissant son arme de fortune au visage de l’imprudent, un grondement sauvage au bord des lèvres.

    « Ne bouge plus ! »

    De l’huile dégoutta sur le parquet, et la flamme vacillante s’éteignit dans un dernier sursaut de vie. Ses prunelles prirent une teinte mordorée et sa peau crépita, embrasée de l’adrénaline qui la saisissait.

    « Contre le mur ! Les mains en évidence ! »
    Calixte Alkh'eirDamoiseau
    Calixte Alkh'eir
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    Re: A la poursuite d'un souvenir
    Sam 18 Jan 2020 - 16:58 #
    L’invitation – l’ordre – était arrivée moins rapidement que ce à quoi il s’attendait, mais cela ne changea pas l’étrange sensation de pesanteur lui écrasant les tripes depuis quelques jours. Depuis qu’il avait intercepté la lettre codée de Zahria qui lui était destinée. Une petite voix lui avait soufflé qu’il n’y avait finalement rien d’étonnant à cette évolution des choses, qu’il aurait pu s’en douter, voire même prendre les paris concernant le délai de progression de sa mentore vers la porte de sortie qu’elle semblait viser avec plus ou moins d’acharnement ces derniers temps. Car pour tous les secrets gardés entre les murs de l’office du Maître-Espion, il en était un qui avait des allures de polichinelle : la relation tendue entre celui-ci et Zahria. Calixte était à peu près certain que tous ses camarades savaient, tout comme lui, qu’il valait mieux avoir son entretien avec le Maître-Espion avant celui de la jeune femme. Elle avait fâcheuse tendance à le laisser dans de délicates dispositions, augmentant drastiquement le risque de se voir attribuer une mission type espionnage-des-derniers-potins-de-la-ville-via-les-latrines-publiques si l’on passait après elle. Et Calixte était entièrement dévoué à sa cause comme à son supérieur, mais son odorat mis un peu trop régulièrement à l’épreuve évoluait vers une loyauté propre à lui-même.

    Et c’était peut-être ça, le fond du problème – ou de ses sentiments actuels lui dérangeant le transit– la question de la fidélité. Calixte avait trouvé dans la Garde, et encore plus parmi les espions, l’esprit de famille qu’il n’avait jamais eu avec la sienne, et il avait développé au cours des années un amour inconditionnel pour l’institution. Et tout particulièrement le Maître-Espion. Un amour filial, entendons-nous bien. Même si les entraînements et les douches communes pouvaient réveiller quelques tentations incestueuses… mais c’est une autre histoire. Or donc, faisant fi de sa tendresse fraternelle et sa dévotion inébranlable pour l’unité des espions, Zahria avait balayé d’un revers de missive ses certitudes. Car avec sa mise à pied, Calixte était certain que leur relation allait devoir arriver à son terme. De ce qu’il avait perçu du message de sa mentore, la mission personnelle dans laquelle elle s’était embarquée n’avait reçu l’aval du Maître-Espion, pire l’avait mise dans son collimateur. Et à la rue. Attendrait-on de lui qu’il surveille ses agissements pour le compte de la Garde ? Ou aurait-il intérêt à aider son amie pour lui permettre d’avancer dans sa quête ? Soupirant, il prit ses affaires usuelles de travail, et partit en direction des quartiers du Maître-Espion. Au moins ne pouvait-il pas se plaindre de s’ennuyer.

    ~

    Le bureau sentait le renfermé, les herbes aromatiques, l’alcool, le brûlé, le musc et la sueur. Une pile de documents jonchait la table habituellement proprement organisée, et des cadavres de parchemins, de crayons, et de contenants en tous genres – et ce qui ressemblait à un reste de couscous – jonchaient toute surface à peu près plane. Calixte n’avait jamais vu l’endroit dans un tel désordre, et il prit place avec inquiétude face à son supérieur. Qui n’avait pas meilleure mine que son bureau. De lourdes valises pendaient à ses yeux, son haleine chargée tout comme sa fragrance cocottant n’invitaient pas l’approcher de trop près, ses habits froissés et collants démentaient une utilisation peut-être un peu trop prolongée. Le renvoi d’un de ses éléments, et la lourde paperasse l’accompagnant, ne paraissait pas réussir au Maître-Espion. Calixte ne savait pas à quel point l’homme s’était attaché à Zahria, ne fut-ce que comme pion de choix, mais il était à peu près certain qu’il ne s’agissait pas d’un licenciement standard, même pour un espion. Sur l’échiquier des espions toujours posé sur la table annexe, il pouvait encore y apercevoir le pion de sa mentore. Tout comme il avait été peiné de découvrir par les mots de celle-ci qu’elle avait été virée, il l’était à présent pour son supérieur.

    L’entretien fut peut-être un peu plus court qu’usuellement, ou plus long, ou peut-être fut-il d’une durée tout à fait standard ; mais occupé à observer attentivement le Maître-Espion alors qu’il lui donnait ses consignes concernant Zahria, et distrait pas la valse de ses sentiments, la notion du temps lui échappa. Le discours de son supérieur était las, amer, dépourvu du sarcasme dont il aimait user pour critiquer ses espions, mais rempli de fiel, et d’une froideur laconique. Le contenu en lui-même des directives n’étonna pas Calixte. La procédure était relativement normalisée, et même s’il n’accueillait pas ces ordres d’une gaieté de cœur, il savait qu’il n’y manquerait pas. Enfin… le nœud ayant récemment pris conscience dans ses entrailles, et s’amusant à explorer un maximum de figures possibles, le ferait peut-être tout de même hésiter. Car hormis la force de sa loyauté pour le Maître-Espion et celle à l’égard de Zahria, il n’était plus sûr de rien. Comment trouver un équilibre satisfaisant entre ces chemins qui s’écartaient soudain ?

    Acquiesçant à l’injonction de ne pas chercher à s’approcher de la dissidente, voire à rompre tout contact avec elle, Calixte écouta son supérieur lui donner les consignes pour sa mission suivante.

    ~

    Comme sourde au drame personnel se jouant dans le cœur de Calixte, la vie continuait inexorablement son bonhomme de chemin. Et si le sien semblait décidé à le tenir sagement éloigné de Zahria, il s’obstinait en revanche à le ramener dans le bureau chaotique du Maître-Espion. Il y avait quelque chose de nouveau, d’intangible et d’un peu douteux dans leur nouvelle relation. Comme si le départ de Zahria avait fracturé au passage les liens entre le Maître-Espion et ses subordonnés. Calixte savait que son supérieur ne faisait pas aussi régulièrement appel à lui pour ses compétences, ou pour le plaisir de sa présence. Même à l’époque où sa maladresse ruinait quasi systématiquement ses assignations, il n’avait pas été autant convoqué chez le chef des espions. A présent, il pouvait presque retrouver d’un entretien à l’autre la trace de son derrière sur l’assise de la chaise faisant face au bureau, tant il était souvent invité dans les quartiers de son supérieur. Ce dernier savait la proximité entre Zahria et Calixte, et il paraissait dubitatif quant à l’exécution de ses consignes de la part de ce dernier. A quel point doutait-il de la loyauté du jeune homme ?

    De jour en jour, de mission en mission, d’entretien en entretien, il semblât néanmoins que les deux personnages trouvèrent un nouvel équilibre. Calixte se faisait peu à peu à l’idée que l’unité d’espionnage ne comprenait plus sa mentore, et qu’il ne partagerait plus cet univers avec elle. Mais il gardait espoir de pouvoir nouer avec elle une relation autre, n’empiétant pas sur les plates-bandes des secrets de la Garde. Il y avait, après tout, tellement d’autres choses à découvrir ensemble, et autour desquelles tisser du lien. Et tant que les agissements de la jeune femme ne nuisaient pas à l’institution militaire, il pourrait peut-être même l’aider un peu dans sa quête. D’ailleurs, pour toute sa hargne envers Zahria, le Maître-Espion paraissait tout de même intéressé par les résultats de son enquête personnelle. Bien que les nouvelles arrivassent dans l’anonymat, il n’était pas difficile d’étiqueter leur provenance au vu du contexte. Au fur et à mesure des jours s’écoulant, les tensions de l’unité s’apaisèrent, et celle-ci retrouva une certaine stablilité. Même si son supérieur gardait un œil prudent sur lui, Calixte n’avait pu que constater l’amélioration progressive de l’état du bureau de ce dernier. Accompagnée d’un retour à une organisation propre et efficace. Et pour toute sa fatigue visible – Calixte se rendait de plus en plus compte de l’âge avançant du Maître-Espion – son supérieur avait retrouvé une silhouette distinguée.

    Le pion de Zahria, entouré de ceux de Calixte et Vaelin sur les cases de la Capitale, n’avait pas bougé de l’échiquier des espions.

    ~

    L’ordre vint aussi sans surprise. Calixte avait passé suffisamment de temps dans le bureau de son chef pour avoir une vague idée de l’évolution de « l’affaire Zahria », et il s’était douté que c’était vers lui que le Maître-Espion se tournerait. Par commodité, par prudence, par spéculation. Ou peut-être pour toute autre raison, mais il avait depuis longtemps abandonné l’idée de titiller son supérieur sur ses motivations. D’abord parce qu’il avait une confiance absolue – et ridicule – envers l’homme, et ensuite parce qu’il ne tenait pas à recevoir une assignation punitive type espionnage-des-collectivités-en-période-de-gastro. Son acquiescement franc et serein sembla satisfaire le Maître-Espion. Zahria n’appartenait plus à leur unité, il y avait certains liens qu’il allait falloir dénouer, et Calixte était prêt à le faire. Ce qui ne l’empêcherait pas de profiter de l’occasion pour en renouer d’autres avec elle, et de lui glisser quelques mots sur son enquête personnelle. Et peut-être que son supérieur avait aussi de la suite dans les idées, au-delà de régler des questions administratives, car il lui tendit Apolline.

    Calixte n’était jamais contre un cadeau, mais Apolline tenait un peu du cadeau empoisonné. C’était une petite trousse en cuir, sphérique d’environ cinq centimètres de diamètre, avec une petite boucle permettant de l’accrocher au besoin, dotée d’une âme artificielle. Elle traînait dans le bureau du Maître-Espion depuis des années, et ne semblait pas avoir de fonction autre que d’insulter quiconque ouvrait le tiroir dans lequel elle était rangée. Ou chanter des chansons paillardes. Enfin, peut-être avait-elle tout de même le mérite de savoir garder les secrets, tout comme ce qu’on plaçait en son cœur. Elle avait une sacrée vitesse de rotation lorsqu’elle tenait à échapper aux mains inquisitrices. Calixte récupéra l’objet avec un mélange de curiosité et de réserve. Le Maître-Espion se débarrassait-il simplement d’un objet devenu pénible et encombrant – et était-ce l’imagination de Calixte où son supérieur commençait à faire le vide dans ses affaires – ou aurait-il une quelconque utilité pour la suite des opérations ? Probablement un peu des deux. Accrochant Apolline à sa ceinture alors qu’elle fredonnait doucement quelques paroles obscènes, il quitta le bureau de son supérieur.

    Le pion de Zahria avait disparu de l’échiquier.

    ~

    Comment retrouver une ombre ? Comment repérer l’absence ? Comment relever le vide ? Heureusement l’unité d’espionnage de la Garde était pleine de ressources, et relativement dépouillée de scrupules. Le dossier de sa mentore n’était pas dénudé d’informations, et si la fiche « relations » était succincte, elle restait indicative. Utilisant régulièrement sa boule de vision, Calixte put aussi se faire une idée de son activité actuelle... tout comme de son point de chute régulier. Profitant aussi de ce qu’il avait perçu de la mission personnelle de la jeune femme, il tenta de retracer le chemin d’enquête qu’elle avait pu emprunter. Et elle n’avait probablement pas chômé, à en croire ses propres déambulations à force d’investigation. Ses pas le menèrent notamment à la Guilde, dans un quartier d’habitations, puis dans un coin où il faillit perdre à la fois sa bourse de cristaux et celles de son entre-jambe, et devant une clinique. Il ne s’était pas trop attardé aux différents endroits. Il ne tenait pas à mettre en lumière les activités de la jeune femme, il cherchait juste à retrouver une esquisse de son parcours, et de ses points d’intérêt. Recoupant les diverses informations qu’il avait obtenues de ses sources variées, il finit par conclure que c’était finalement vers la clinique qu’il aurait le plus de chance d’appréhender Zahria. Depuis qu’il avait été mis sur les rails, il ne l’avait pas croisée une seule fois malgré un chemin qui avait dû emprunter le sien.

    La nuit avait enlacé de ses bras sombres la Capitale depuis quelques temps déjà, et la silhouette de Zahria ne semblait pas se décider à se profiler dans son champ de vision. A moins que l’activité à l’intérieur de la clinique, se découpant sur le fond lumineux des lampes allumées, un poil hypnotique, ne lui ait fait manquer l’apparition de la jeune femme. Il pouvait entendre le soupir exaspéré du Maître-Espion de là où il était. La plaque accrochée au bâtiment lui indiquant « Luz Weiss, médecin » semblait le narguer. Accrochée à sa hanche, Apolline ronflait doucement. Bon. Avait-il à ce point fait une erreur dans ses estimations ? Peut-être aurait-il intérêt à utiliser le cristal de communication pour contacter son ancienne mentore, mais il préférait se laisser cette option en dernier recours. Elle ne lui paraissait pas forcément la plus adaptée dans l’état actuel des choses. Il risquerait de la distraire dans une position délicate, ou de décider la jeune femme de s’éclipser davantage. Et comme il avait eu la bonne idée d’oublier sa boule de vision…

    Les lumières s’éteignirent progressivement de bâtisse en bâtisse, et celles, plus tardives, de la clinique finirent aussi par être soufflées. Ne restèrent que les lueurs faiblardes de la rue. Un silence végétatif s’insinua dans les ruelles, et Calixte se dit qu’il avait vraiment dû louper quelque chose. Ou alors, avec sa chance, que c’était le soir où Zahria avait choisi de découcher. Après quelques longues minutes d’observation et d’attente supplémentaires, il finit par quitter le coin dissimulé dans lequel il s’était faxé depuis l’après-midi. S’étirant pour refaire circuler son sang stagnant et assouplir ses articulations engourdies, il s’approcha avec prudence du bâtiment cible. L’activité y avait cessé depuis un petit moment, et il ne distinguait rien de particulier à travers les vitres donnant sur les pièces obscurcies par la nuit. Bon, que faire ?

    Sa main se posa sur la poignée de la porte d’entrée plus par dépit qu’autre chose, et il fut surpris de constater qu’elle s’ouvrait sans résistance devant lui. La médecin permettait-elle à ses patients de venir à toute heure ? Ne craignait-elle pas d’intrusion ? Ou attendait-elle, elle aussi, le retour d’une certaine personne ? Dans un murmure, Calixte pénétra dans le bâtiment. La porte ne fut pas aussi discrète, et il grimaça à son claquement. Attendant un peu, immobile, que ses yeux se fussent habitués à la pénombre et que l’on vienne à sa rencontre si quelqu’un était encore debout, il avisa lentement ce qui l’entourait. Comme il était dans la salle d’attente de la clinique, les portes attenantes devaient mener sur des pièces en rapport avec l’activité médicale du lieu. Il avait probablement plus intérêt à reporter ses investigations sur l’étage supérieur. Où il espérait croiser Zahria. Au pire, que pouvait-il se passer ? Empruntant l’escalier, les sens aux abois, il s’aventura davantage dans la demeure.

    La porte devant lui s’ouvrit brutalement, et il grimaça, surpris, au bruit du bois craquant violemment contre la pierre et à la lumière soudaine, aveuglante, devant ses yeux. Autant pour la discrétion.

    - Ne bouge plus ! lui intima dans un grondement une voix féminine.

    Et Calixte était assez d’accord avec cette proposition – cet ordre – car de toute façon, avec sa maladresse de coutume, s’il tentait quoi que ce soit alors que ses yeux se réhabituaient lentement à la lumière vive, il finirait certainement avec un traumatisme crânien au bas de l’escalier. Il fut un peu soulagé que la lampe s’éteigne finalement, même si cela ne parut pas décourager son assaillante bien déterminée à le maîtriser. Bon, peut-être n’avait-il pas été très fin sur ce coup-là. Levant les mains en l’air comme demandé – ordonné – par la rouquine lui faisant face, il avisa avec prudence la lampe qu’elle tenait comme une lance entre leurs deux corps. Il ne tenait pas particulièrement à finir embroché sur cet ersatz d’arme par la médecin du coin. Ça leur donnerait mauvaise réputation à tous les deux.

    Après avoir passé tout l’après-midi à observer l’activité de la clinique, Calixte pouvait affirmer qu’il se trouvait en présence de Luz Weiss. Et s’il était franc, il devait avouer qu’elle n’était pas inconnue à ses tours de ronde, qu’ils fussent incités par le Maître-Espion ou non. Même si la célébrité remontait dans les générations, la Garde gardait un œil sur les éléments en découlant. Et puis, à titre personnel, il y avait un certain aventurier avec lequel il avait une relation actuellement un peu… complexe, et sur lequel il avait un peu investigué. La chevelure écarlate de la jeune femme ne passait pas inaperçue. D’ailleurs, était-ce un prérequis parmi les médecins compétents, songea-t-il en repensant à la tignasse vermeille de Wendy.

    - Heuum, bonsoir, je… commença-t-il avant d’aviser le crépitement parcourant la silhouette de Luz Weiss.

    Et sa curiosité ne put s’empêcher de reprendre le dessus. Quelle était cette espèce de tension palpable, presque électrique qu’il percevait ? Certes, la jeune femme avait de quoi être tendue, mais au-delà du stress provoqué par la situation, il semblait à Calixte que quelque chose de plus tangible, et de puissant, s’accumulait en vrombissant doucement contre la silhouette de la médecin. Dans la pénombre, celle-ci se découpait comme si sa peau s’embrasait. Était-ce un pouvoir en action ? Intrigué, misant plus sur la bienveillance possiblement viscérale de Lus Weiss du fait de son statut que sur une once de prudence qui aurait pourtant eu raison d’être, l’espion fit un pas en avant pour mieux appréhender le profil crépitant.

    - C’est votre pouvoir ?! Qu’est-ce…

    Son pied glissa sur l’huile qui avait dû goutter sur le parquet suite au mouvement brutal de la lampe tenue par la médecin, et son corps bascula en arrière avant qu’il n’ait eu le temps de passer de la curiosité à la surprise. L’escalier l’accueillit aussi chaleureusement que la propriétaire des lieux, et il perçut les jurons d’Apolline juste avant que sa tête ne heurte le sol de la salle d’attente.

    ~

    Il reprit connaissance allongé sur une table d’examen, sous le regard à la fois étonné et inquiet de Zahria. Il était ankylosé de partout, sa tête lui donnait l’impression d’abriter une famille de Béhémot, et il avait la désagréable sensation que ses membres avaient été liés pendant un petit bout de temps. Agitant ses mains et ses pieds pour y refaire circuler efficacement son sang, il refit lentement le récapitulatif de sa situation.

    - Ah, conclut-il intelligemment en clignant des yeux tout en attrapant la boisson que lui tendait affectueusement Zahria.

    Probablement un antidouleur. Peut-être du poison. Il l’avala sans se poser de question. Un goût métallique diffusa sur son palais, et il réalisa qu’il s’était aussi mordu la langue en tombant. Pas mal comme bilan des courses chez le médecin. Enfin, quelqu’un avait visiblement pansé ses plaies dues à la chute, et que ce fut Luz Weiss ou Zahria, il en était reconnaissant.

    - Il faut que je récupère ta plaque et tes menottes de garde, soupira-t-il à l’adresse de sa mentore.

    Autant se débarrasser tout de suite de la partie déplaisante, il ne servait à rien de tourner autour du pot. Si ça n’était pour entretenir un quelconque malaise. Le soupir de la jeune femme fit écho au sien, et elle parut un peu déçue de sa demande. S’était-elle attendue à pouvoir continuer à jouir de ses attributs militaires impunément ? Calixte en doutait, alors pourquoi cette désillusion évidente ? S’était-elle attachée à ce que ces objets représentaient ? Ou s’était-elle imaginée qu’il lui rendait visite pour une toute autre raison ? Finalement, simplement la contacter via son cristal de communication aurait pu être une bonne idée.

    - Zahria… débuta-t-il avant de réfléchir à comment adoucir sa requête.
    - Je t’aime trop pour te mettre en porte à faux avec le Maître-Espion, le coupa-t-elle avec conviction en lui tendant les objets en question.

    Récupérant les biens avec un mélange de soulagement et de gratitude, il prit le temps d’aviser le reste de la pièce. Ils étaient de toute évidence encore chez Luz Weiss, probablement dans une salle de consultation. De ce côté, pas de fenêtre, et la porte présente était fermée.

    - Les murs ont-ils des oreilles ? demanda-t-il à Zahria en fronçant les sourcils.

    Maintenant que le plus pénible avait été fait, il avait quelques informations qui pouvaient intéresser sa mentore. Mais elles étaient encore sensibles, et il ne tenait pas à annoncer à tous les voisins les projets de la Garde.

    - A priori personne ne m’a suivie jusqu’ici… à part toi, réfléchit la jeune femme. Luz a toute ma confiance, ajouta-t-elle.

    Opinant du chef à ses affirmations, il tapota distraitement sa cuisse en mettant un peu d’ordre dans ses pensées. Au rythme de ses doigts, Apolline se mit à nouveau à fredonner un air grivois.

    - Dans ta lettre concernant ton… départ de la Garde, tu mentionnais un certain Vrenn, qui aurait la capacité de se faire oublier…

    Du mouvement attira son attention, mais ça n’était que Zahria qui semblait subitement très intéressée par ses propos et s’était redressée. Perchée à l’affut sur sa chaise, elle le fixait d’un regard attentif et curieux.

    - Il y a eu du grabuge, ces derniers temps, dans la famille des « de Terranglae ». Des nobles. Un peu trop de décès dernièrement. Le patriarche Philip, d’abord, suicide par pendaison. Puis sa fille, Anne, et sa jeune nièce, de cinq ou six ans, dans ce qui aurait pu être un cambriolage qui a mal tourné.

    Il tendit son verre à Zahria qui lui reversa un peu d’eau. Vigilante, les méninges qui carburaient visiblement pour faire le lien entre sa quête personnelle et ce drame familial sortit de derrière les buissons. Il prit une gorgée avant de poursuivre.

    - Evidemment il en fallait pas plus pour inciter le grand patron à y mettre son nez. Entre de possibles cambrioleurs à la lame un peu zélée sévissant dans la Capitale, une éventuelle vendetta contre les de Terranglae, ou des guerres intestines dans la famille… Bref, du coup les filatures ont débuté. Pour les membres encore vivants. Je ne suis pas sur cette mission, ajouta-t-il sciemment.

    Il choisit de ne pas s’étendre davantage sur le plan d’action du Maître-Espion, car Zahria ne faisait plus partie de l’unité. Et surtout, elle était tout à fait capable de se l’imaginer assez justement. Ça n’était pas de la créativité que l’on demandait à leur supérieur, mais des résultats. Et le parcours menant à ceux-ci, pour un type de mission donnée, variait très peu de l’une à l’autre.

    - Rien de bien croustillant, une famille noble somme toute assez clichée dans son fonctionnement et ses relations. Néanmoins… Il y a un endroit où se rendrait régulièrement Andrew, le fils cadet de feu Philip de Terranglae, qui attire son attention : le Godet Doré. Un bar ou un tripot ou un truc de ce style, réfléchit Calixte en fronçant les sourcils.

    Comment savoir que l’on a oublié ? Comment prouver l’existence de ce qui s’efface ? L’espion comprenait que l’enquête passionnait et captivait Zahria. Rien que de contempler l’étendu du possible donnait le vertige. Il espérait seulement qu’elle ne se perdrait pas dans l’abime de cette mission qu’elle avait rendue personnelle.

    - Ce n’est pas tant ce qu’il y a là-bas, que ce qu’il semble y manquer. Le milieu est assez fermé, exclusif, et pourtant il semblerait qu’un courant d’air, un songe, une impression y laisse parfois une discrète empreinte. Ou plutôt un vide, après sa disparition.

    Il y avait une certaine tension dans la silhouette de Zahria. A mi-chemin entre l’excitation et le tourment. Une obsession viscérale mise à nue devant de médiocres informations concernant éventuellement sa quête personnelle. Entre ses traits tirés par la fatigue, et la lueur fervente animant ses prunelles, se dégageait de l’ancienne espionne une douce aura de passion démentielle.

    - Les premiers témoignages semblent aller dans le même sens, mais il n’y a rien de concret, ça n’est qu’une piste. Mais peut-être vaut-elle la peine d’être suivie.

    A l’enthousiasme évident de Zahria, Calixte doutait que sa propre réserve concernant ces données ne puisse tarir l’excitation de la jeune femme. Même si ces quelques informations semblaient coller à l’image que lui avait dépeint sa mentore de sa cible, elles comportaient encore suffisamment de points flous pour qu’il ne s’agisse, finalement, que d’une voie sans issue. Mais Calixte ne savait pas quand est-ce qu’il pourrait à nouveau communiquer librement avec Zahria, et il préférait lui livrer ce qu’il savait actuellement plutôt que d’attendre les investigations définitives de ses camarades espions. Même s’il espérait que ce regain d’excitation ne serait pas confronté à la déception. En parlant d’excitation… C’était lui où elle semblait prête à lui sauter dessus ?

    - Donc voilà, finit-il abruptement en paniquant légèrement. Et par Lucy, Zahria, sois prudente. Tu sais comment me joindre au besoin. Et ne te mets pas en travers du chemin de la Garde, ou du sien ; je ne choisirai jamais de te blesser sciemment, mais j’obéirai toujours à ses ordres.

    Cela sembla refroidir suffisamment Zahria pour lui éviter un assaut de tendresse inconfortable. Pas que Calixte était contre le contact physique, mais sa mentore pouvait être un peu trop expansive sur ce terrain. La main de la jeune femme se posa sur la sienne :

    - Je comprends. J’espère que ça n’arrivera pas.

    Il savait objectivement qu’ils se recroiseraient. Zahria pouvait se dérober à lui si elle le voulait, mais il aurait été bien en peine de se dissimuler à elle. Et il ne le souhaitait pas. Alors pourquoi ce goût d’au revoir ? De page qui se tournait ? Basculant pour s’assoir au bord de la table d’examen et se rapprocher de la jeune femme, il la prit dans ses bras. Elle était la grande sœur dont il ne s’était pas aperçu qu’il manquait, jusqu’à ce qu’il la rencontre. Elle avait été un de ses points d’ancrage au sein de la Garde. Son inspiration, son soutien. Mais la vie était ainsi faite ; illogiquement sinueuse. Exigeant l’adaptation, ou la souffrance. Contre sa hanche, Apolline poussa un juron bien senti et lui rota un petit objet qu’il rattrapa de justesse. Ah. Il se retira de l’étreinte et posa le pion d’échiquier représentant Zahria dans la main de celle-ci. Il ne savait pas s’il s’agissait d’un message particulier de la part du Maître-Espion, et si la pièce pouvait en comprendre un physique ; il ne savait pas non plus s’il s’agissait d’une procédure standard, ou juste d’un caprice de son supérieur. Haussant les épaules, il soupira et déposa un chaste baiser sur la joue de Zahria. Il était temps de mettre les voiles.

    - Tu sais comment me contacter.

    Une invitation, une promesse. Après un dernier regard à sa mentore, il prit la direction de la sortie. Chaque minute de sommeil allait compter à ce train-là cette nuit.

    Zahria AhlyshOmbre
    Zahria Ahlysh
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    Re: A la poursuite d'un souvenir
    Jeu 23 Jan 2020 - 13:57 #
    La pièce en main, Zahria referme la porte sur Calixte. Assise sur les marches de l'escalier en face, Luz la dévisage de cet air inquiet qu'elle lui adresse désormais. Répondant par un sourire fatigué et un geste de main se voulant rassurant, l'Ombre marche jusqu'à elle, dépose ses lèvres sur le front de son amie, puis monte à l'étage dans la chambre qui lui est allouée. S'asseyant sur son lit, elle saisit son carnet de notes et le noircit de toute la conversation avec Calixte, avant de le reposer près de son oreiller.

    La pièce d'échiquier, qu'elle a posé sur la table de chevet en rentrant, la nargue, comme pour lui transmettre un message qu'elle n'est pas prête à recevoir. Elle la prend doucement, la tournant entre ses doigts fourbus, cherchant un sens à ce cadeau. Ce vieil imbécile de maître-espion la déteste peut-être, mais il ne fait jamais rien gratuitement, et cette action doit avoir une signification cachée. A plusieurs reprises au cours des dernières années, Zahria a vu des pièces de l'échiquier disparaître avec les décès ou les départs de ses collègues. La pièce de Rhis, le chouchou du maître, avait même été mise en vitrine quand il avait pris sa retraite anticipée. Mais on ne lui avait pas confié sa pièce lors de sa précédente mise à pied, elle était simplement réapparue après son retour, comme si on l'avait simplement stockée en l'attendant. Alors le fait que le maître s'en débarrasse veut-il dire qu'il ne lui laisse aucune chance de retourner dans les rangs, ou y-a-t il quelque chose d'autre derrière cet étrange cadeau ?

    La pièce est toujours dans sa main quand les premiers rayons du soleil la réveillent le lendemain, l'impression d'avoir fait des cauchemars toute la courte nuit. La laissant chuter sur le sol, elle se saisit de son carnet, à peu près certaine d'oublier quelque chose d'important. En relisant pour la première fois de la journée le prénom de Vrenn, sa colère revient au galop, ne faisant que croître au fur et à mesure de la lecture, comme tous les matins. Si elle pouvait s'empêcher de dormir pour ne plus jamais l'oublier, elle le ferait sans l'ombre d'un doute. Mais même une potion d'insomnie ne serait pas suffisante, et surtout, elle commence à ne plus en avoir les moyens.

    ~~~

    Entrer chez les Terranglae, sans sa plaque de garde, n'a pas été une mince affaire, et il a fallu qu'elle le fasse en toute illégalité. Les scènes ont été nettoyées et balisées, mais ce n'est pas assez pour affronter l'oeil averti de l'Ombre. Et la certitude que tout ceci est trop bien orchestré pour n'être qu'une série de coïncidences. Est-ce sa paranoïa qui parle, ou a-t-elle encore suffisamment de raison pour sentir qu'il y a anguille sous roche ? Et même si tout ceci n'était qu'un vaste complot, rien ne dit qu'il s'agit de l'oeuvre de Vrenn. Sûr, l'assassin sait ce qu'il fait, mais un objet d'invisibilité suffirait à rendre la chose possible. C'est plus les témoignages auprès des gens au Godet Doré qui l'aide à penser qu'il s'agit bien de son homme. Ceux-ci se recoupent avec tous les précédents interrogatoires au sujet de sa cible, et à moins qu'une deuxième personne ait le pouvoir de se faire mystérieusement oublier, il s'agit forcément de lui.

    Si elle ne peut fournir aucune preuve tangible, tous ces éléments seront suffisants pour pousser un juge à le faire passer à la potion de vérité. Et sous les effets de celle-ci, il avouera tous ses crimes, et l'enquête sera enfin close. Mais alors, pourquoi cette sensation de tristesse ? Parce qu'elle vient à bout de cette enquête si importante ? Ou à cause du vide sidéral qui l'attend après qu'elle ait mis Vrenn derrière les barreaux ?

    La tête dans ces pensées, Zahria avance vers la maison de Vrenn, sans que l'agitation des rues ne l'atteigne. Le festival du Solstice est dans trois jours, et l'euphorie qui vient avec l'arrivée du nouveau millénaire a pris toute la Capitale, sauf elle. Elle se demande comment elle va faire pour appréhender son homme, sans menottes ni plan extraordinaire. L'attendre chez lui est une solution, mais elle se doute qu'il ne se laissera pas embarquer si facilement. Elle n'a toujours pas trouvé de réponse quand elle arrive devant la taverne en face de chez Vrenn, où le même gamin que les dernières fois est en train de faire le service. Il l'a vue, mais évite soigneusement son regard. Elle attend qu'il la rejoigne dans leur ruelle pour entendre ce qu'il a à dire.

    « Ça fait une semaine que je ne le vois plus, madame.
    - Tu es sûr que tu ne l'as pas juste oublié ?
    - Non, je regarde tout le temps la porte, et avant quand quelqu'un s'approchait, je le notais, mais là y'a plus personne.
    - Et il est venu te parler ?
    - Je... sais pas. Peut-être, oui... Je me souviens pas très bien.
    - Ok, laisse tomber. Ta mission est finie, merci gamin. Reste en dehors de ça maintenant. »

    Elle attend la nuit, malgré tout, pour s'introduire chez Vrenn. Mais ce que dit le gosse est vrai. Personne n'a été ici depuis au moins une semaine, au vu de la poussière accumulée. Il sait qu'elle le suit. Et elle ne sait pas où le trouver. Retour à la case départ.

    ~~~

    Elle tourne en rond dans sa chambre, sous l'oeil intrigué de son Lumios. Dhim a bien grandi depuis son éclosion à la Forteresse, mais il reste petit, et elle l'a consigné chez Luz, refusant de le mettre en danger pour son enquête. Le faible lien qui les unit pour l'instant ne demande qu'à se renforcer, et il profite des rares moments où sa maîtresse est là pour demander des caresses ou des jeux. Aussi court-il autour des cents pas de Zahria, essayant de la convaincre de lui accorder un peu d'attention.

    Il ne reste que le Godet pour appréhender Vrenn, mais s'il se doute qu'elle le suit, il sera sur ses gardes, et le combat à Ollainbourg l'a montré, il sait se servir d'un couteau, peut-être même encore mieux qu'elle. Sans ses menottes, elle n'a aucune chance contre lui, et même avec, elle manque de matériel et de ressources. Saisissant le petit Lumios entre ses mains, Zahria se demande pourquoi elle a fait tout ça, si c'est pour se retrouver face à un mur, maintenant. A moins qu'elle ne voit des obstacles là où il n'y en a pas, juste pour faire durer la chose... N'apprécie-t-elle pas, finalement, de courir après un objectif impossible ? Si elle mets les fers à Vrenn, que lui restera-t-il ?

    Encore cette sempiternelle question, et encore une fois, elle n'en a pas la réponse. Heureusement, son cristal se met à tinter. Cette fois-ci, pas de doute, elle sait de qui il s'agit. La Capitaine du Blizzard doit être à la Capitale pour le festival, et elles devaient convenir d'un rendez-vous avant le festival pour parler de l'affaire. Aussi ne met-elle pas les formes quand elle entend la voix de son amie résonner dans la pièce. Elina comprendra. Elles conviennent d'un rendez-vous, puis raccrochent. Zahria se laisse tomber dans son lit, pensive. Dhim se réfugie dessous, et ressort aussitôt, jouant avec un petit objet qu'il a dû trouver dans son exploration. Fronçant les sourcils, la noiraude le lui enlève, de peur qu'il se blesse. Et dans sa main, la pièce d'échiquier baveuse et mâchouillée la nargue.
    Vrenn IndraniSbire
    Vrenn Indrani
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    Re: A la poursuite d'un souvenir
    Lun 27 Jan 2020 - 20:01 #

    Bordel, c’est Zahria Ahlysh qui m’suit. Ça explique cette sensation désagréable que j’ai depuis quelques jours. Normalement, j’repère bien les filatures, pourtant. Nan, c’était pas ça, du coup. Putain, mais elle aurait dû m’oublier. Elle a pas de pouvoir lié à la résistance au mien… si ? Ou elle fait différemment. J’sais bien que c’est possible mais, vraiment, qui y penserait, qui le ferait, qui arriverait à y attacher assez d’importance ? Prendre les cadres magiques, les notes, en permanence, pour que j’reste davantage d’un simple écho de souvenir, puis une absence…

    J’ai le cœur qui bat à toute pompe, et la respiration haletante, alors que j’marche juste dans les rues de la Capitale.

    D’abord, se calmer. J’m’engouffre dans une plus petite ruelle perpendiculaire et j’m’appuie contre le mur. Et j’calme mon souffle pendant une minute.

    Méthodique. Faut que j’sois méthodique. Comme elle a forcément dû l’être. La source, c’est depuis la mission de disparition de cargaison d’armes. Elle avait les menottes magiques. Garde, évidemment. Ils ont le droit de se balader sans les uniformes et tout ? Aucune importance. Donc elle s’est démerdé pour se rappeler de moi malgré mon pouvoir, que ce soit en écrivant dans un carnet ou quoi. P’tet qu’elle a un objet qui lui permet de tout graver quelque part, ça s’est vu aussi.

    J’reprends ma marche pour rentrer chez moi, un peu plus calme. La question, c’est de savoir où elle en est ensuite. Elle a rien fait suite aux meurtres des brigands, mais y’avait rien à tirer : personne n’avait rien vu, pas de quoi me faire boire la potion de vérité. Et avec le temps qui passe, il doit pas rester grand-monde qui se souvient de mes forfaits précédents, ce qui a toujours été ma plus grande force. J’ai le contrat avec les Terranglae, les p’tits boulots pour Krasarc, et des broutilles à côté. Rien de suffisamment majeur pour alerter qui que ce soit autre que les gardes habituels, ceux qui m’ont pas choppés depuis bien vingt-cinq ans.

    P’tet que Jack a raison et que j’ai juste une touche.

    J’crache par terre et j’bouscule exprès le gars qu’arrive d’en face, pour me défouler. Il s’retourne avec un air outré, dit un mot que j’écoute pas alors que j’trace ma route.

    J’suis pas dur à trouver : j’ai un vrai boulot à la Guilde, et j’apparais dans les registres. Y’a le déroulé des missions que j’ai effectuées, et si quelqu’un a vraiment beaucoup de temps libre, ça doit être possible de retrouver tous les dossiers que j’ai paraphés. Est-ce qu’on peut remonter par les rapports de la garde ? La moitié est analphabète et alcoolique, peu probable. Pas négliger cette possibilité. J’foutrais bien le feu aux archives, mais ça serait salement suspect, j’sais pas où elles sont, et j’suis vraiment pas certain d’y arriver.

    Quand j’arrive devant chez moi, j’ouvre ma porte et j’en profite pour jeter un regard autour. Merde, le gamin, évidemment. Un petit traîne-savate avec un cadre magique un peu caché derrière ses bras maigrelets, qui a ses yeux plantés droit dans les miens, écarquillés. Comme l’autre gamine, tiens, des Terranglae. J’me mets à courir vers lui. Il se retourne, pour s’enfuir, mais hé… J’fais deux fois sa taille, j’ai de l’avance…

    Tout ce qu’il réussit à faire, c’est s’arranger, et m’arranger, pour que j’le choppe dans un endroit moins fréquenté. J’lui attrape violemment le bras, et j’le plaque contre le mur. De là où j’le surplombe, j’dois être sacrément intimidant, si j’me souviens de quand ça m’arrivait à son âge.

    « Alors, p’tit gars, on fait des images ? »

    Il bafouille une dénégation vague, alors je lui arrache le cadre magique des mains. Avec un doigt, j’fais défiler, et j’ai le grand plaisir de voir ma trogne apparaître systématiquement, aux moments où je rentre ou sors de chez moi.

    « Qui t’as dit de faire ça ?
    - P… personne.
    - Plutôt grande, mate de peau, cheveux qui font n’importe quoi ? »

    Il me regarde d’un air interdit, avec un pli buté aux lèvres. J’lui colle une baffe qui lui fait se mordre la bouche, et un peu de sang perle.

    « Elle t’a pas dit d’être gentil si tu devais te faire chopper ?
    - Non… mais… »

    Taloche sur le coin de la tête, qui s’entrechoque contre le mur derrière. Il geint. J’vais pas le buter, ça ferait trop désordre, et trop de preuves pour Zahria. Il doit être payé, par contre. Des fifrelins, probablement, mais pas de raison qu’il s’en sorte sans rien. J’le fouille sans ménagement pour sortir une bourse maigrelette que j’prends avec moi, alors qu’il a les larmes qui coulent sur ses joues. J’le choppe à la gorge.

    « Recommence pas, sinon personne te retrouvera jamais. »

    J’attends qu’il hoche la tête pour signifier qu’il a compris avant de le jeter sur le côté, et retourner à mes appartements.

    Il m’a fallu à peine un petit quart d’heure pour récupérer tout ce qui est nécessaire, à savoir surtout de la thune, et vider les lieux. J’ferme la porte pour ce qui sera probablement la dernière fois. La première étape, celle de supprimer les traces que j’peux, est en cours. J’vais prendre une piaule dans les bas-fonds, un truc un peu miteux pour lequel personne posera de questions. J’ai quelques idées, déjà. J’vais déjà m’absenter de la Guilde aussi.

    Assis sur un lit qui contient heureusement pas de vermine mais qu’est dur comme de la pierre, j’cogite. J’ai pas l’habitude de cette situation, alors j’retourne les scénarii dans ma tête, inlassablement, à la recherche du bon, du meilleur, celui dans lequel les gens continuent poliment de m’oublier, et que j’peux reprendre le cours de ma vie.

    Pendant des jours et des nuits.

    ***

    Le Godet Doré, encore. J’passe mon temps à prendre des détours, à m’arrêter aux coins des rues pour vérifier que personne me suit, à rentrer dans des tavernes puis à prendre les sorties arrières. J’me lève, j’regarde par les fenêtres, aussi. Personne. Jamais personne. Toujours à cran, sur les nerfs. Putain, la paranoïa, en fait, ça me réussit pas.

    Toujours la même troupe à l’intérieur, à l’exception de… de la pute d’Andrew, comme il se doit. J’me sers un verre. Il a la mine aussi défaite que moi, creusée, avec des cernes, et un tic nerveux au coin de l’œil. J’le fixe, en buvant l’alcool fort. Rhum, cette nuit. Il fait un geste, dit à sa copine d’aller voir ailleurs s’il y est. Elle s’exécute de bonne grâce, et il mate son cul. Bof, il est pas fameux.

    « Ouais, Andrew ? J’suis assez occupé, là.
    - J’ai compris ce qu’était le problème. Enfin, qui, était le problème, plutôt. »

    Il va me dire qu’il regrette ce qu’il a fait et qu’il compte rentrer dans les ordres ? Si c’est le cas, j’le plante direct.

    « C’est mon frère. C’est lui qui a tout hérité, c’est lui qui m’empêche de montrer à ma famille ce que je vaux, ce que j’ai toujours valu ! »

    Quelle famille ? J’les ai tous butés pour toi, sombre connard.

    J’ai même pas besoin de l’inciter, cette fois, pour qu’il pioche dans une large bourse ouverte à côté de lui. Il en verse pas mal dans le verre qui lui fait face, s’en dépose un peu sur la langue, et aspire le reste après l’avoir placé sur sa tabatière anatomique. Hé bah.

    « J’prends pas trop de contrat, en ce moment, Andrew.
    - Pourtant, nous formons une bonne équipe.
    - Ca va, ça vient.
    - Je suis sûr que je peux te convaincre. Tiens, sers-toi, dit-il en pointant sa came.
    - C’est quoi ?
    - Quelque chose pour les nerfs. »

    J’regarde la drogue, sceptique. Mais j’sens toujours mon palpitant affolé, et le manque de sommeil, le manque de sommeil, qui m’tue à petit feu… J’prends une pincée, la met dans ma bouche, et j’fais passer avec le rhum.

    « Un peu de poudre suffira pas à me convaincre. »

    Andrew cligne des yeux, puis a un large sourire. J’crois que ses dents sont en train de se gâter. Vie trop dissolue, surtout depuis quelques mois, qui le rattrape. Pas retoucher à sa drogue. De sous la table, il attrape ce que j’peux pas définir autrement qu’un petit sac. Il le jette négligemment sur la table, et me fait signe de regarder à l’intérieur. Au poids, c’est à peu près ce qu’il payait les fois d’avant, alors j’secoue la tête pour signifier que c’est non.

    « Ouvre, ordonne-t-il. »

    J’le fais, et au lieu des cristaux sombres dont j’ai l’habitude, j’suis presqu’ébloui par une couleur bien plus claire et lumineuse. Putain. Si avec ça, j’arrive pas à disparaître… ça règlerait un paquet de mes problèmes… Andrew a l’air d’un gamin, tout heureux de la surprise qu’il vient de faire.

    « Sa jumelle sera là quand tu auras accompli le contrat. »

    Il voit pas comment je pourrais refuser, maintenant. Moi non plus. Putain.

    « Considère que c’est fait. Et prépare la suite. »

    Il a un petit rire satisfait, j’empoche, et j’me casse. J’sais pas si j’ai déjà vu autant d’argent.

    ***

    Manoir des Terranglae. Ça pourrait être ma baraque, à ce stade. J’y passe trop de temps. J’aurais pas dû prendre cette suite de contrats. Nan. J’suis à l’abri maintenant, surtout avec l’autre sac de cristaux. J’ai une clé. J’ai ma bague. Et j’ai utilisé mon avance de frais pour me préparer une petite assurance, une autre bague, mais de téléportation. J’devrais sortir des souvenirs de tout le monde avec ça. Facilement.

    J’ai une autre sécurité, pour le meurtre. Bon, sale séquence pour la famille, tu m’diras. Entre le suicide, le vol qu’a mal tourné, et la mère en train de canner de maladie, sans même que j’ai besoin d’y toucher, ça doit faire les gorges chaudes des soirées dans les manoirs. C’est bien, ça les occupe, ces sangsues. J’vois le majordome fermer la porte et se diriger vers ses quartiers, une bougie à la main pour s’éclairer dans la nuit.

    J’attends quelques minutes, dans l’ombre, dans un fourré.

    Puis j’entre, l’invisibilité parée, et j’me dirige vers les appartements du maître de maison. Depuis le temps, il a repris la chambre de son vieux, et foutu ses meubles dedans. Sa femme est morte en couche y’a des années, il s’est pas remarié, mais il va devoir, là, pour maintenant sa branche de la famille. Sinon, tout va tomber chez son petit frère totalement dégénéré, et ça, il le voudra jamais. Dommage qu’il réagisse trop tard, qu’il ait pas vu les signes.

    J’plaque mon oreille sur le battant de la porte. Pas un son. Y’a un peu de lumière qui filtre, par contre. Il fait vraiment des nuits blanches, ce con. Va pas me faciliter la tâche. J’entrebaille la porte, invisible. Les gonds sont bien huilés, elle grince pas, mais le courant d’air l’alerte, et fait danser la flamme de la bougie. Il se retourne brusquement, voit rien. D’une pensée, j’me téléporte derrière lui. J’sens qu’il est méfiant, tous les sens aux aguets.

    P’tet qu’il se doute de quelque chose, finalement.

    J’enlève l’invisibilité, et j’envoie mon coup de couteau. A côté de moi, sur la table, l’encrier tremble, en réaction à son pouvoir. Manipuler les petites céramiques, d’après Andrew. J’crains rien. Trop tard pour lui. Le surin se plante dans son foie, sort, et s’enfonce dans le cœur en passant par le cou. Il lâche un gargouillis inintelligible et inintéressant. Pendant qu’il fout du sang partout, j’me précipite vers la porte pour la fermer doucement.

    C’est maintenant que le sale boulot commence, quelque part.

    J’trempe un chiffon dans son sang, et j’commence à écrire sur les murs. Des messages tremblants, flous, à base d’anathème sur la magie, de Mange-Rouille, avec des formes géométriques un peu aléatoires. J’pose un masque rouillé à côté du cadavre, et j’regarde la scène que j’viens de créer. Bon, si avec ça, on vient m’chier dans les bottes pour les meurtres, franchement…

    Alors que j’me tire, j’pense à mes cristaux.

    Après, j’disparais.
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    Re: A la poursuite d'un souvenir
    Lun 27 Jan 2020 - 20:09 #
    « - Pas de doute, c'est bien ici. »

    Tout à fait à l'image de l'amie qu'elle avait quitté jadis, à vrai dire, ce lieu de rendez-vous aurait clairement pu être un repère d'une petite bande de casse-cous. En périphérie de la Capitale, la petite clairière jouxtait une auberge où Elina avait laissée sa monture. Elle passerait sûrement la nuit ici, ferait étape avant de descendre jusqu'en ville pour se trouver quelque chose de plus standard, plus proche de la fête qui se déroulerait bientôt.

    En cours de route, la plupart de ses pensées étaient dirigées vers ses officiers laissés derrière ; pour l'instant du moins. La garnison du Corps des Ours et son fidèle Adjudant, seule au commandes pour le moment avec toute la panoplie de larrons en foire sous ses ordres. Le corps du Génie qui s'était monté, qui avait vu la nomination d'un Ingénieur en Chef selon les vœux du précédent Capitaine et la jeune Waltz, brillante Médecin en Chef opérant sur tous les fronts. Elle était à la tête de tout cela désormais et c'était difficile de s'en rendre compte, mais la Forteresse était une incroyable machine qu'il fallait manœuvrer chaque jour, une responsabilité dont elle n'avait eu qu'un avant-goût avant sa nomination.

    Dans tous les cas, le soleil flirtait avec l'horizon à présent, le ciel se teintait de nuances d'orange et de violet, dans un cocktail digne des couleurs fraiches de l'hiver. Le lieu et l'heure ne l'étonnèrent pas plus, lorsqu'elle découvrit non loin un noyer avec une solide cabane construite entre ses hautes branches. Un goût de nostalgie, lorsque des souvenirs longtemps perdus lui revinrent en mémoire : cet endroit qui lui était si familier était celui de leurs lointaines vacances d'été à tous les trois. Mais les arbres étaient bien morts, leurs feuillages perdus durant cette saison, et le vallon ne résonnait pas des cris de la vie sauvage. La cabane n'avait pas été entretenue et semblait en ruines, mais une échelle installée contre le tronc permettait toujours d'y accéder.

    Comme aucune Zahria Ahlysh ne semblait faire irruption dans le paysage, de près ou de loin, le Capitaine saisit les premiers barreaux et en découvrit bien vite le sommet, escaladant aisément les étapes gringalettes prévues pour des poids plume. Tandis qu'elle faisait face à la trappe oblitérant l'entrée, son pied glissa sur l'une des marches trop peu épaisses, faisant manquer un battement à son cœur déjà bien sensibilisé par les derniers évènements. Elle se surprit à hoqueter, alors que la hauteur même de l'habitation précaire ne permettait aucune prise de risque ; au mieux, elle se serait faite mal en tombant sur le parterre d'herbe en contrebas.

    La planche roula difficilement sur ses gonds toutefois, usée par le temps, mais céda sous la force du soldat pour s'ouvrir péniblement, dévoilant une forte odeur d'humidité et de bois mûr. Le parquet, crasseux, était recouvert d'une lourde pellicule de poussière et pourtant aucune trace de pas figurait ; était-elle la première ou bien était-ce une déformation professionnelle de son amie qu'elle devinait douée pour effacer ses traces ?

    « - Zahria ? » appela donc simplement celle qui tendit une main au-dessus d'elle pour éclairer la pénombre intérieure.

    Personne, pourtant le Capitaine aurait juré sentir une présence. Des idées farfelues lui vinrent à l'esprit, elle qui pouvait facilement être perturbée par le surnaturel, mais elle les surmonta sans peine en se hissant sur le plancher.

    Une voix lui répondit cependant, comme un murmure venu du ciel. Ce n'est alors qu'elle était pratiquement levée, recourbée en vérité car le plafond était bas, qu'elle perçut l'existence d'une seconde échelle. Comment avait-elle pu oublier ce second étage qu'ils n'avaient jamais pu terminer ? Celui-là même qu'ils avaient promis de construire ensemble au prochain été...

    Elle s'y rendit en faisant attention à ne pas marcher à des endroits trop vermoulus, car le temps avait fait son œuvre et toutes les planches ne reposaient pas sur des branches ; certaines branches elles-mêmes avaient perdu de leur robustesse et elle le sentait par moment, lorsque le tout grinçait sous son poids.

    Finalement, une nouvelle série de marches l'amenèrent jusqu'à une nouvelle trappe, laissée ouverte cette fois-ci. Là, elle remarqua celle qui n'avait rien oublié de cet endroit et lui avait donné rendez-vous ici pour une raison précise. Allongée sur le dos, elle contemplait les astres naissant dans le ciel faiblement illuminé.

    « - Te voilà. »

    L'espionne adressa un regard à l'arrivante, celle-ci lui répondit avec un sourire, retira son sac à dos et s'assit en tailleur à ses côtés pour observer l'horizon.

    « - Je ne suis donc pas la seule. Tout ces souvenirs...

    - ...Remontent à la surface. Je me suis dit que ce serait bien de retourner ici, au moins une fois.

    - C'était son lieu favori. Il en parlait tout le temps, hein ? »

    Thomas. La garde passa sa main sur son visage et dans ses cheveux blonds par réflexe, retirant une fine pellicule presque invisible de poussière qui se déversa autour d'elle.

    « - On devait se voir pour le festival mais... je suppose que si tu m'as donné rendez-vous ici, c'est pour une toute autre raison.

    - Toujours aussi observatrice à ce que je vois. Oui, j'ai une affaire à traiter avant de t'accompagner au bal et j'aurais besoin de ton aide. On en avait déjà parlé rapidement... »

    Le Capitaine fronça les sourcils un instant, se rappelant en détail de leurs derniers échanges. C'était il y a une semaine encore, peut-être un peu plus, à Forteresse. Oui, elle avait parlé de cet homme...

    « - Vrenn Indrani ? J'ai noté son nom cette fois-ci, relu mes notes... C'est bien ton homme, pas de doute. Tout est là. »

    Des preuves. Des preuves incriminantes, pour lui comme pour elle, mais elle pouvait prendre ce risque avec son amie. Elle savait que c'était important pour elle ; tant que cela ne faisait pas sortir sa pourriture de père de prison... Énumérant les faits et gestes page après page, le soldat décrivait à son amie le contenu des lettres :

    « - Comment on a soudoyé un informateur pour obtenir le nom de l'assassin... Comment on l'a retrouvé et interrogé... Comment il a obtenu les preuves de la culpabilité de mon père dans d'autres affaires... Ah, il m'a même laissée croire qu'il se serait passé quelque chose entre nous, ce salaud. Évidemment, impossible de m'en souvenir, je suppose qu'il mentait. »

    Elle ressentit un léger malaise ; elle espérait sans pouvoir être sûre, mais se fiait à son instinct. Pourtant, une note écrivait bien comment le criminel avait profité de son pouvoir pour berner à multiples reprises un aubergiste du sud-est de la Capitale. Une pensée suffisante pour la faire frissonner.

    « - Je suppose aussi, je connais bien l'énergumène... et puis je sais que tu ne te laisserais pas à aller à ça avec ce genre d'individus. Cela va contre tes principes.

    - Tout ce que j'ai fait avec lui va contre mes principes, ceci dit. Mais toutefois je ne peux lui retirer un certain... professionnalisme. Même si cela me fait mal de le reconnaître, cet homme m'a rendu un grand service.  Avais-tu besoin de quelque chose d'autre ? »

    Elina sentait son amie hésitante, d'autant plus que ces informations, elle les lui avait déjà communiquées par cristal peu après la fête à la Citadelle. Finalement, après un court silence contemplatif, l'espionne se dévoila :

    « - Tu as tes menottes anti-pouvoir ?

    - Dans la sacoche derrière ma selle, comme toujours, pourquoi ?

    - Je n'ai plus les miennes. Le Maître a jugé que cette enquête sur Vrenn n'allait pas dans le sens de mes responsabilités. J'ai été mise à pied. Toutefois, sans menottes...

    - Je comprends. Tu peux les avoir. » conclut la blonde en posant sa main sur l'épaule de sa confidente. « Juste, tu me les rendras une fois ton enquête terminée. Je ne peux pas juste prétexter les avoir perdues.

    - Promis. »

    La nuit tombait à présent, il était temps pour les deux jeunes femmes de redescendre, faire leurs adieux à la cabane où elles avaient partagé tant de souvenirs, pour la plupart oubliés, et rebrousser chemin. Le Capitaine apprécierait assurément que sa camarade reste lui raconter ses dernières mésaventures, car elle voyait bien la fatigue creuser les orbites de son amie, mais elle ne pouvait la forcer à user de son temps pour du blabla qu'elle saurait lui raconter plus tard.

    Arrivant à proximité de l'écurie, les deux femmes bifurquèrent discrètement vers le boxe où paissait Warren, le fier canasson qui avait valu à l'officier sa fausse identité lors de ses précédentes enquêtes. Enfin, elle saisit l'une de ses sacoches, la plus lourde à l'arrière, la dégrafa prestement et après avoir fouillé à l'intérieur un temps, en retira une paire de menottes d'apparence classique.

    « - Voilà, » fit la grande, tout en les remettant entre les mains de sa comparse, un temps circonspecte, avant d'ajouter : « Et, si tu as besoin de quoi que ce soit pour ton enquête, je suis là. Je comptais faire étape ici ce soir, si jamais tu veux tout me raconter...

    - Pourquoi pas ? J'imagine que ça ne te dérangera si l'on dort dans la même chambre, comme au bon vieux temps.

    - Peut-être... si tu refuses d'admettre ma toute puissance en bataille de polochons ? » sourit l'officier de Forteresse en refermant sa trousse en cuir.
    Zahria AhlyshOmbre
    Zahria Ahlysh
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    Re: A la poursuite d'un souvenir
    Jeu 30 Jan 2020 - 17:50 #
    La dernière plume retombe au sol, alors que les deux femmes sont affalées sur l'un des deux lits, le dernier éclat de rire transformé en soupir. Zahria s'est encore fait battre à la bataille de polochons, Elina légèrement plus grande et beaucoup plus musclée que la brune fatiguée, a rapidement pris l'ascendant, et en a profité pour l'achever en la chatouillant comme quand elles étaient enfants. L'euphorie du moment a presque réussi à faire oublier à l'Ombre sa mission et ses soucis, mais ceux-ci reviennent bien vite, alors que son amie se relève pour se préparer à se coucher. Avant de faire de même, l'ancienne espionne consulte une dernière fois son carnet le remplissant des événements de la journée, avant d'oublier, comme tous les soirs.

    ***

    Le lendemain matin, réveillée à l'aube par ses cauchemars, après avoir relu son carnet pour se souvenir de Vrenn, s'être débarbouillée et avoir quitté la chambre sans bruit pour laisser la capitaine dormir, Zahria se rend au comptoir pour régler la chambre, espérant faire plaisir à son amie, quand on lui apprend qu'Elina a déjà payé la veille. Si ça fait du bien à ses finances, elle se promet de lui rendre la pareille, dès qu'elle le pourra. Elle quitte l'auberge et rentre à pied à la Capitale, passant par chez Luz pour lui dire que tout va bien, malgré le fait qu'elle ait découché, et gratifier Dhim d'une rapide caresse.

    Durant la courte nuit, une certitude s'est montrée à la femme: Vrenn sera au festival. Un homme comme lui ne saurait rater une occasion comme celle-ci, même en se sachant suivi. Il aura trop confiance en son pouvoir et en la foule environnante pour se croire en danger. Et, maintenant armée de menottes et avec une chance de lui mettre la main dessus, sa motivation est revenue. Il lui faut faire quelques derniers préparatifs d'abord, néanmoins. Notamment, aller voir ce tatoueur dont lui a parlé son enchanteur...

    Se rendant à une cache où elle stocke depuis des années ses économies, elle en sort la dernière bourse de cristaux qui lui reste. Après ça, c'est fini. Elle n'aura même plus de quoi se payer à manger. Mais Vrenn est quasiment là, elle le sent, son arrestation est toute proche. Le festival est son nouvel objectif, elle ne pourra pas le rater. Hors de question de laisser distraire par quoi que ce soit. Elina a promis de l'aider, et même de l'accompagner au bal au cas où son homme y soit entré d'une façon ou d'une autre. Zahria aurait préféré ne pas l'impliquer là-dedans et la laisser profiter de sa journée de repos bien méritée, mais elle a insisté. Soit. Mais ce n'est pas l'Ombre qui l'empêchera d'aller boire quelques pintes ou s'amuser dans quelques stands. Vrenn est sa mission, elle a déjà trop embêté les gens autour d'elle. Il faut maintenant que ça cesse.

    La bourse bien au chaud dans le grand sac sans fond qu'elle a retrouvé dans sa cache - et dire que ça fait des lunes qu'elle se plaint d'avoir cassé le dernier, elle avait oublié en avoir un ici - Zahria se dirige vers l'adresse indiquée par son enchanteur et rencontre le tatoueur magique. L'homme lui pose d'abord quelques questions pour cerner son pouvoir, puis l'amélioration qu'elle envisage. Le cas est plutôt classique, et une fois qu'ils se sont accordés sur un prix qui va bien contribuer à vider la dernière bourse de la noiraude, il lui demande quel endroit ou motif elle préfère, elle hausse les épaules, se fichant pas mal de la chose. Il décide de prendre les choses en main, et se place dans son dos, commençant à dessiner des arabesques sur son épaules. La douleur est supportable, la maintenant concentrée sur son objectif et son plan. Deux jours avant le festival. Exactement ce qu'il lui faut pour cerner ses nouvelles capacités. Elle l'aura.

    ***

    Maison des Terranglae ~ Jour Trois de la Première Lune de la Saison Froide 1000

    Quand Zahria entre dans la chambre de William, en catamini encore une fois, elle comprend tout de suite ce dont Calixte lui a parlé par cristal interposé. Les écritures sur le mur ont été en partie effacées, mais on arrive encore à lire ce que le sang séché imbibé sur la peinture transcrivait. Et effectivement, ça ne ressemble pas à Vrenn. Mais elle devait s'en assurer. Se convaincre que son échec cuisant au festival était le seul, qu'elle n'avait pas mal fait de ne pas se proposer comme garde du corps à William pour choper son homme directement. Dire qu'il était là, en face d'elle, dans la cellule, et qu'elle est passée sans savoir qui c'était... Satané pouvoir !

    Elle est sur le point de ressortir, quand un détail la chiffonne et elle revient sur ses pas. Ces écritures, ce sang, ça pue la violence, la folie, le meurtre sans aucune forme de logique. La famille Terranglae est définitivement maudite, entre les trois premiers meurtres très certainement perpétrés par Vrenn, et ce quatrième de l'oeuvre d'un fou assoiffé de sang. Mais... par où est-il entré, et pourquoi la porte n'est pas en mille morceaux, s'il s'agit bien d'un homme de la violence que les messages laissent à porter croire qu'il est ? C'est une mascarade. Encore une. Et elle a encore fait une erreur. Mais c'est la dernière. Elle sait où elle va le trouver. Il n'aurait pas dû accepter cette dernière mission, c'est celle qui a signé l'arrêt de sa carrière.

    ***

    Se faire recruter au Godet n'a pas été compliqué, il suffisait de se laisser tripoter par cet imbécile d'Andrew. Y faire rentrer son sac sans fond avec ses armes et sa nouvelle arbalète-grappin prise à crédit chez son enchanteur, un peu plus. Mais elle y est parvenue, et ça fait deux jours qu'elle travaille ici. Ça lui fait un salaire, maigre mais appréciable, et elle sait, elle est sûre, il va venir. Andrew est drogué et complètement stupide, mais il n'aurait pas payé en une fois. Et Vrenn n'est pas encore revenu, il a dû essayer de brouiller les pistes avant de se rendre au Godet.

    Mais il va revenir, l'appât du gain sera trop fort, c'est certain. Sa position derrière le bar est idéale. Déjà, la tenue de barmaid est plus habillée que celle des danseuses et autres filles de joie assises sur les genoux d'Andrew, lui permettant de vêtir son armure de cuir dessous. De plus, les rayonnages du bar lui ont permis de mettre toutes ses armes à disposition, prêtes à jaillir. Le cadre magique avec l'image de Vrenn est visible, lui aussi. Elle ne le ratera pas, c'est sûr.

    Néanmoins, si la position est parfaite, elle doit aussi accomplir le travail qui va avec si elle ne veut pas la perdre. Et quitter son poste, quelques minutes par jour, pour aller ravitailler le bar à la cave, en espérant que ce ne soit pas pendant ces minutes qu'il arrive. Et pourtant, quand elle remonte ce jour-là, des caisses plein les bras, un barbu vient d'entrer et se dirige vers Andrew. Il ne l'a pas vue. Est-ce lui ? Elle lâche plus qu'elle ne pose sa caisse, et se précipite derrière le bar pour regarder l'image, alors qu'il est déjà à la hauteur du patron du Godet. C'est lui. C'est Vrenn. Il est là. Elle se saisit de sa lame retour, sa fiole dague et son arbalète, mais elle n'est pas assez rapide...
    Vrenn IndraniSbire
    Vrenn Indrani
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    Re: A la poursuite d'un souvenir
    Sam 1 Fév 2020 - 10:33 #

    Putain, j’suis trop con. Le truc des Terranglae a p’tet pas attiré une attention folle, pasque j’pense que j’m’en suis quand même super bien sorti pour maquiller les meurtres… D’ailleurs, les seules rumeurs qui courent sont sur une sorte de malédiction, l’enchaînement du pas de chance, les hyènes qui sentent l’affaiblissement de leur proie… mais il en reste un qui me connaît probablement beaucoup trop bien. J’ai passé trop de temps avec lui sur une période trop rapprochée, après tout.

    Même avec tout ce qu’il s’engouffre par des moyens ou d’autres, il a dû se ménager des moyens. Un cadre magique, de la prise de notes… Bref, tout ce que Zahria utilise probablement pour me traquer. Puis il est con, il serait foutu de se vanter lors de la prochaine soirée au palais. Enfin, non, il a quand même cette intelligence un peu vicelarde, animale. De toute façon, faut que j’y retourne pour récupérer la suite de mon paiement. Rien que de penser à ces cristaux, ma bouche s’assèche un peu.

    J’les prends, et j’quitte la Capitale quelques années. J’ai qu’à aller dans une des stations balnéaires de la côte, et me faire discret. Changer de coupe de cheveux, raser la barbe, peut-être. Ça me rajeunira bien de six ou huit ans. Pas besoin de compter sur des passeurs, pas la peine. Faut juste que j’termine tout ça proprement. Dans les flammes ?

    Et, ironiquement, j’me retrouve à faire le même travail que d’habitude.

    Au moins, j’suis pas dépaysé.

    Quand j’entre au Godet Doré quelques jours plus tard, le vigile à l’entrée me contrôle à peine. Mauvais, ça. Il a p’tet eu des instructions d’Andrew pour faire gaffe à ma venue, cela dit. Après tout, on n’a pas dû échanger plus de trois mots pendant les quelques semaines qu’ont duré mes passages réguliers ici. J’lance un rapide regard sur la salle, pour voir la majorité des mêmes têtes qui ont toutes le même air fatigué du milieu de la nuit. A vue de nez, trois, quatre heures du matin.

    J’ai l’air claqué aussi, faut dire. J’aime vachement moins me sentir la proie que le chasseur. J’aurais pu la chasser, d’ailleurs, mais c’est une pelote sur laquelle j’ai pas envie de tirer : hors de question de me foutre toute la Garde à dos. J’ai tenu jusque-là en sachant me faire discret et oubliable, j’vais pas me mettre à faire l’inverse dès que ça commence à chauffer.

    Ma chaise est déjà prête à la table du patron, pour une fois. J’la pousse, et j’en prends une autre. Paranoïa pure. Pas envie de lui laisser des acquis. Ça me donne probablement juste l’air bêtement fantasque. Putain. En tout cas, lui, il va bien. Il a l’air heureux, jouasse, joyeux. La mort de sa famille, sur ses ordres, a pas l’air de lui faire des nœuds au cerveau. Ou n’a plus l’air, en tout cas. Il saupoudre allègrement le morceau de viande qu’il est en train de manger de poudre blanche, et c’est pas du sel, puis mange avec appétit pendant que je le regarde.

    Du coin de l’œil, j’observe la salle, et rien n’a bougé dans mes souvenirs. La serveuse derrière le bar revient à son poste, sert les habitués et les clients qui restent. Le gorille est à moitié entre l’entrée et la pièce, à surveiller régulièrement que y’a pas de grabuge. Mais depuis qu’Andrew a repris la main, le coin est calme, y’a moins de bagarres, de coups de couteau, d’insultes. P’tet qu’il a réussi à élever la clientèle à des nobliaux désœuvrés comme lui ?

    Il finit sa gamelle avec un soupir de contentement et se tapote élégamment la bouche avec une serviette en soie. J’vois que monsieur garde des principes.

    « Bonsoir.
    - Salut, Andrew.
    - Monsieur de Terranglae, maintenant, héritier de… de l’héritage.
    - Ouais, sûr, Andrew. Le paiement ?
    - Il arrive, il arrive, ne t’inquiète pas. Tiens, sers-toi, fait-il en me tendant sa came.
    - Nan, pas maintenant.
    - Tu devrais, tu as une petite mine, observe-t-il. »

    J’le laisse pousser la bourse au milieu de la table, entre nous, sans faire un geste. Machinalement, j’me gratte le poignet, à la jonction entre le gantelet et la peau. Et j’attends. Il a jamais su supporter le silence, Andrew, j’l’ai vu assez vite, et ce type de gens en disent toujours trop dans ces cas-là. Moi, j’veux juste ma thune et m’barrer, j’ai un bateau qui part au petit-matin.

    « C’était une excellente idée, de baser le meurtre sur le Mange-Rouille, je dois dire. Ou alors tu as délégué ?
    - Pas tes oignons. Et moins fort.
    - Oui, oui, tu fais comme tu veux tant que c’est fait. Et ne t’inquiète pas, ce sont mes gens, ici. »

    Mes couilles.

    « La Garde n’y a vu que du feu : ils sont persuadés que les tueurs du Mange-Rouille sont venus car ils savaient le manoir à moitié vide de ses occupants après la série de morts. Et également que ce serait une preuve de force, de s’en prendre à une famille noble. Les écritures en sang sur les murs et les formes géométriques étaient très inspirées, d’ailleurs, j’ai trouvé. Ça faisait plus vrai que nature. »

    Tu m’étonnes, c’est moi qu’ai lancé le truc sur les ordres du Mange-Rouille en personne, alors si j’avais fait moins vrai que moi-même, ç’aurait été inquiétant. Mais ça, il a pas besoin de le savoir. Il soupire devant mon mutisme.

    « J’ai apprécié collaborer avec toi. J’espère que nous aurons d’autres occasions à l’avenir, si de nouveaux obstacles se dressent sur ma route.
    - Route vers quoi ?
    - Quoi d’autre que la grandeur ? Répond-il en écartant les bras. »

    Grandiloquence, à la rigueur. Mais il est prêt à continuer à tuer sur son chemin vers les sommets, c’est marrant. Il a bien changé, du moment où je l’ai connu jusqu’à maintenant.

    « Oh, on sait jamais, on pourrait effectivement se recroiser à l’occaz. Mais là, j’vais me faire discret, un p’tit peu, et profiter de mon paiement. Et d’ailleurs… »

    Il a l’air un peu agacé que je partage pas ses rêves de richesses, de pouvoir. Encore un peu et il nous voyait ami, lui le cerveau du binôme, et moi les mains, prêtes à faire tout ce qu’il faut pour nous permettre d’avancer. Ha.

    De sous la table, à côté de lui, il sort une bourse de cristaux qui luisent d’un bel éclat clair. Parfait, c’est le moment d’être adroit. J’tends la main pour attraper la lourde poche, et d’un mouvement du poignet, j’déclenche mon gantelet d’assassinat. L’aiguille va se planter en plein dans son œil, le même que sa nièce en plus. Ironie dramatique. En tout cas, elle traverse le cerveau, et la boîte crânienne derrière, et le cloue effectivement à son siège. Dans le même geste, j’attrape les cristaux avant qu’ils se répandent sur la table.

    Personne a encore capté que leur patron vient de connaître le sort qu’il a réservé à sa famille.

    De l’autre pogne, j’sors une fumerolle que j’craque et que j’envoie rouler en plein milieu de la salle. Un épais nuage en sort immédiatement. Mes anneaux sont prêts, j’ai l’invisibilité et la téléportation. Plus qu’à disparaître suffisamment vite. J’aurais voulu le planter ailleurs, mais j’ai pas le temps. Le gorille va me ralentir dans la porte, j’le vois dans ce que j’ai distingué de son regard, de sa surprise.

    Les musiciens et la danseuse se planquent dans un coin, derrière leurs instruments, pour pas se retrouver mêlés à tout ça. Les autres clients se sont précipités derrière leurs tables, armes et pouvoirs brandis, mais aucun n’interviendra.

    La serveuse du bar est probablement en train de se baisser derrière pour se… J’croise une tignasse noire, et des yeux bleus et mordorés.

    Zahria.

    Putain.
    Zahria AhlyshOmbre
    Zahria Ahlysh
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    Re: A la poursuite d'un souvenir
    Dim 2 Fév 2020 - 18:54 #
    Tout s'est passé si vite, elle n'a pas compris. Si elle a vu l'aiguille traverser Andrew de part en part et se planter dans sa chaise, elle n'a pas pu voir d'où elle sortait, il ne l'avait certainement pas dans la main en entrant... et une seconde plus tard, la fumerolle est craquée. Comme une impression de déjà vu... Menottes accrochées à sa ceinture à côté de la fiole, arbalète main droite et lame retour main gauche, elle capture toutes les lumières à sa portée et se prépare à sauter par dessus le comptoir quand son regard croise celui de Vrenn.

    L'espace d'un instant, les deux anciens amis se dévisagent et se reconnaissent. Il sait, elle sait. Il n'y a personne en ce moment capable de mieux se comprendre que ces deux-là, si proches et si éloignés, unis pendant ce battement. C'est pourquoi ils savent tous les deux parfaitement ce qu'ils doivent faire. Un clignement d'yeux plus tard, Vrenn a disparu. Un objet d'invisibilité. Elle l'avait déjà deviné en suivant sa piste au manoir des Terranglae. Le bras droit de Zahria s'élève et vise l'encadrement de la porte, à plusieurs mètres de là où se trouvait Vrenn un peu plus tôt.

    C'est le chaos dans la salle, on entend des cris, les gens se terrent sous les tables, et le garde à l'entrée cherche la même personne que l'Ombre, mais sans comprendre comment l'homme qu'il fixait pourtant du regard depuis son arrivée a pu disparaître aussi facilement. Et quand il voit l'arbalète de Zahria pointée sur lui, c'est un mélange de surprise et de colère qu'elle peut voir dans son regard, qui l'immobilise pendant une demi-seconde, juste ce qu'il lui faut pour qu'elle appuie sur la gâchette.

    Le grappin part à toute vitesse, s'ouvrant en cours de trajet, pour se refermer sur un bras invisible juste devant le videur qui peine à réaliser ce qui est en train de se passer sous ses yeux. Au moment où Zahria appuie sur le mécanisme qui fait revenir la corde à elle, Vrenn réapparaît devant le vigile, se débarrassant du grappin, si bien que la corde revient sans le précieux prix qu'elle espérait obtenir.

    Mais ç'aurait été trop simple si elle l'avait attrapé aussi facilement, et il se précipite déjà vers la porte après avoir renversé le pauvre garde d'Andrew, qui d'hébété passe à réellement confus. Propageant la lumière dans tout son corps, Zahria active son nouveau pouvoir, se sentant tout à coup capable d'exploits inimaginables auparavant pour elle. Quand elle saute par dessus le comptoir, elle se retrouve ainsi beaucoup plus loin que prévu, beaucoup plus proche de Vrenn. La lame retour part vers l'assassin en même temps que le grappin, mais les deux reviennent à vide alors qu'il franchit la porte et disparaît une nouvelle fois.

    Passant la porte à son tour deux secondes plus tard, Zahria le voit courir, à plus de cent mètres de là. Il a ajouté de nouveaux objets enchantés à sa panoplie... Soit. Mais cette fois-ci, il ne lui échappera pas. Laissant son agilité activée, elle fait partir le grappin vers la corniche d'un toit voisin, et se laisse tracter à toute allure vers celui-ci. Elle se réceptionne félinement aux tuiles et se remet à courir tout de suite, sautant avec une facilité déconcertante de toit en toit, s'aidant quand elle le peut de son grappin, de sorte à rattraper son retard. Vrenn, en contrebas, est gêné par la foule et le dessin des rues tortueuses de la Capitale, si bien qu'il devient évident pour les deux combattants que Zahria va forcément finir par le rattraper.

    Le corps de la jeune femme luit légèrement à cause du surplus d'énergie lumineuse dans ses muscles, mais elle peut encore endurer ça pendant de longues minutes. Reste à savoir quand Vrenn pourra réutiliser ses objets magiques, et quels autres tours il a encore dans son sac...
    Vrenn IndraniSbire
    Vrenn Indrani
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    Re: A la poursuite d'un souvenir
    Lun 3 Fév 2020 - 13:48 #
    Putain, mais c’est qu’elle court vite, en plus.

    Alors que j’me précipite entre les rares badauds qui peuplent encore les rues pas très bien famées du quartier, j’lève régulièrement la tête pour distinguer la trace lumineuse de Zahria qui court le long des toits. Elle a pas à esquiver les gens, et son grappin lui permet de sauter tous les trous qui se dressent devant elle sans anicroche. J’ai essayé, au début, pour la semer, de tourner dans des directions qu’elle pourrait pas sauter, sans succès.

    Elle m’a fait le coup du grappin dans le bar en plus. J’réfléchis pas clairement.

    J’recentre ma concentration sur comment m’échapper. J’ai récupéré mon anneau de téléportation mineure, et il me reste pas mal d’invisibilité. Normalement, avec ça, j’suis suffisamment outillé pour me faire la malle. Et là, on oublie d’attendre le bateau qui part à l’aube, j’me carapate direct avant qu’elle boucle la ville, ou je sais pas quoi d’autre. Mais, d’abord, la semer.

    J’m’engouffre dans une ruelle vite, pour caler une bonne accélération. Mon souffle commence à se faire court, pas bon. Trop de fatigue accumulée, malgré l’adrénaline. J’regarde devant moi, les endroits où j’pourrais me téléporter pour brouiller la piste. Y’a un toit en face, en invisibilité, elle devrait pas pouvoir me mettre la main dessus. J’aurai qu’à attendre qu’elle aille voir ailleurs si j’y suis.

    J’commence à vouloir que ma magie s’exécute quand j’sens un choc dans mon dos. Bordel, mais elle était au moins à vingt mètres encore ! La corde de son grappin est plantée dans le mur à droite, mais Zahria a dû sauter ou quoi…

    J’accompagne l’attaque d’une roulade au sol, et quand j’me relève, elle me bloque le chemin. Elle a pas dû tomber correctement non plus, à la façon dont elle se redresse, mais là comme ça, j’suis pas capable de dire où est-ce qu’elle a mal. Par contre, j’suis capable de voir que j’ai un truc bizarre au poignet, et que ma magie répond plus très bien.

    Menotte anti-magie, comme l’autre fois.

    J’étouffe un juron dans ma barbe, et j’reprends ma respiration, en jaugeant les possibilités.

    J’peux essayer de la maraver. Pas dit que j’y arrive, elle a son épée, c’est une garde, et son corps continue à luire d’une lueur mauvaise. Si j’me souviens bien, ça la rendait plus forte, à l’époque, plus solide. Mais uniquement aux endroits brillants ? De toute façon, j’ai pas de recharge dans mon gantelet d’assassinat, pas eu le temps de remettre une aiguille. Dommage, dans l’obscurité, c’est une bonne option, quasi-imperceptible.

    Il me reste une fumerolle, mais ça n’a pas marché dans le bar…

    Mes objets de pouvoir ne répondent pas très bien, j’sens que la téléportation sera pas aussi précise, et impossible d’aller aussi loin. L’invisibilité sera pas aussi parfaite. Et, évidemment, elle m’oubliera pas aussi vite. Pas que la menotte m’inquiète, avec le rossignol noir que j’ai pu me procurer. Chiasserie. A l’ancienne, alors.

    J’fais tomber un couteau de ma manche, j’en sors un autre de mon petit sac sans fond. Elle a rangé son arbalète-grappin, dégainé son épée courte et une dague. J’m’approche brusquement, en garde basse, et j’lance d’un mouvement du poignet l’arme qui se trouve dans ma main gauche, immédiatement remplacée une autre. D’un geste maîtrisé de l’épée, elle écarte la pointe, qui part tinter contre un mur avant de tomber au sol.

    Dans le même mouvement, sa dague décrit un arc de cercle pour m’empêcher de m’approcher alors que l’épée courte revient en position. J’tape de toutes mes forces dans la dague, lame contre lame. Normalement, j’ai l’avantage dans ce domaine. Et si l’épée a une meilleure allonge, j’suis plus grand, ce qui compense en partie.

    Mais d’un mouvement souple, le poignard de Zahria esquive le mien, et elle s’approche d’un demi-pas. Vite, trop vite pour que j’puisse faire autre chose qu’encaisser le coup de pommeau de l’épée dans les côtes. J’ramène mon autre surin, mais il ne fait que frôler ses vêtements alors qu’elle virevolte légèrement hors de ma portée. Bon, plus rapide, va falloir être créatif.

    J’ai l’habitude de me battre contre des gens plus forts, plus rapides, meilleurs que moi, cela dit.

    J’affiche une mine circonspecte, alors qu’on se jauge du regard.

    « Pourquoi tu t’entêtes autant ? »

    Elle répond pas, concentrée sur mes yeux, mes mouvements.

    « J’t’ai tellement manqué, à ton huitième annivers… »

    J’finis pas la phrase que j’avance en plein dans sa garde, et que mon surin de droite écarte à peine la pointe de son épée. Puis j’me baisse brusquement pour passer dessous. Mon poignard bloque le sien au niveau de mon épaule, puis j’essaie de glisser ma dextre jusqu’à la main qui tient l’épée, pour l’entailler ou lui couper un doigt ou deux. Mais elle est à nouveau suffisamment rapide et commence à lever un genou pour me le foutre en plein dans la gueule.

    D’un coup de volonté, j’me téléporte juste derrière elle, à un mètre du sol, et j’abats mes armes verticalement. Elle a dû le sentir venir, parce qu’elle commence à se retourner avec une balayette, mais j’suis encore en l’air. Mes lames s’abattent toutes deux sur son épée courte alors qu’elle a laissé tomber son poignard, et j’ressens pas la même chose au moment du choc. Beaucoup plus de solidité. Avec un grognement, elle repousse mon poids sur le côté, et j’en profite pour m’écarter de deux mètres alors qu’elle se redresse.

    Une lame retour file vers mes yeux avant que j’aie le temps de réfléchir, suivi d’un coup de taille qui passe tout juste dans la ruelle. J’me jette en arrière pour éviter les deux attaques, puis j’me tourne de profil pour éviter le retour. Les deux couteaux bloquent à leur tour l’épée, et l’attaque est beaucoup plus puissante que précédemment. Une des lames se fissure légèrement. Putain, mauvaise qualité, ou alors elle tape comme une sourde.

    Deux aspects, peut-être, à son pouvoir ?

    J’jette mon couteau abîmé en le faisant tournoyer vers son visage, sans avoir le temps d’en dégainer un autre. Mais pendant que ses yeux sont ailleurs, j’deviens invisible, et j’me penche en avant, le long de l’épée, pour ficher mon planteur dans ses côtes. J’loupe mon coup, je gratte, je traverse pas bien la protection en cuir qui semble être dessous, et j’récolte pour mon audace une vilaine estafilade sur le côté de l’épaule. Ça pisse le sang, mais c’est rien de grave. Elle a juste une petite coupure, elle.

    J’relâche l’invisibilité partielle, peu efficace, qu’est la mienne. Encore quarante secondes pour la téléportation. J’peux pas rester, j’vais pas gagner.

    Temporiser, puis fuir.
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    Re: A la poursuite d'un souvenir
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