Ah la forteresse … Elle se tient fièrement dans la cruelle et glaciale montagne, comme seul refuge pour les voyageurs frigorifiés. Dame de pierre aux allures froide et pourtant si chaleureuse, elle accueille bien des gens en son sein. Et aujourd’hui même, une nouvelle âme avait arpenté les hauteurs enneigées pour rejoindre la fameuse cité. Une jeune femme à la chevelure rouge pomme contrastant particulièrement avec les décors et aux iris vertes brillantes, habillée de vêtements chauds comme les fameuses chaussettes et gants du solstice, vos meilleurs amis pour affronter le froid. Un pantalon noir, des bottes marron et un grand manteau blanc, descendant jusqu’aux genoux. Il s’agit de Wendy Waltz, médecin de la garde travaillant à la capitale … Enfin, qui travaillait à la capitale ! Car, en cette belle journée, la demoiselle devenait médecin à la forteresse. Et pas n’importe quel médecin. Médecin en chef. Elle pensait encore être en plein rêve ! Il faut dire qu’elle ne s’y attendait pas du tout ! Elle souhaitait effectivement obtenir un poste ici mais ne pensait absolument pas obtenir une telle promotion ! Aujourd’hui serait un nouveau départ. Nouveau lieu de vie, nouveaux collègues, nouvelles responsabilités et nouvel environnement. Dire qu’il y a moins d’une semaine, elle n’imaginait même pas tout cela.

Mais à force de se perdre de ses pensées, Wendy n’avait même pas remarqué qu’elle était arrivée à la forteresse dont deux gardes lui ouvrirent les portes. C’est sans doute la salutation quelque peu surprise de l’un d’eux qui permit à la rousse de revenir à elle, la faisant rire et rougir de honte sur le coup. Quand elle avait relevé la tête, la jeune femme avait alors découvert l’agitation de cette cité. La surprise s’était alors lue sur son visage. Ou plutôt, de la fascination. Cet endroit était incroyable et au fond d’elle-même, Wendy sentait naître quelque chose d'excitant. Sans même s’en rendre compte, elle s’était remise en marche, un grand sourire aux lèvres, ses valises, quelque peu volumineuses en main.

La suite, fut assez rapide. Un garde guida la demoiselle jusqu’à ses nouveaux appartements pour qu’elle puisse y déposer ses valises avant de lui faire visiter les locaux de la garde, histoire d’éviter qu’elle ne se perde dans les couloirs de ceux-ci. Ce serait dommage, pas vrai . Enfin bref. Quand la petite visite se termina, le garde fit savoir à la nouvelle recrue qu’une petite fête aurait lieu pour célébrer son arrivée et pour que la nouvelle capitaine puisse prononcer un discours. Quelle bonne idée s’était-elle alors dit avant de laisser le soldat partir et la laisser ranger ses affaires. Elle ne vida qu’une valise, l’autre remplie de mélanges de plantes médicinales de sa composition. Quand pop ! La demoiselle tilta. Qui dit soirée dite tenue correcte … Mais elle n’avait pas vraiment grand-chose à mettre ! Il faut dire que ça n’avait pas été sa priorité. Là où certaines auraient cherché comment faire le tri de leur garde-robe, Wendy avait dû choisir quelles décoctions emmenées avec elle. Elle ferait donc au mieux, espérant ne pas paraître stupide dès son arrivée.

Le soleil tomba, entraînant les températures dans sa chute. La jolie rousse s’était aventuré dans les couloirs du bâtiment où auraient lieu les festivités … Et s’était perdue. Ah, elle n’avait pas retenu tout ce que lui avait dit le garde lors de la visite … Peut-être car elle était un peu trop distraite à cause de sa curiosité . Qui sait ~ Elle serait sans doute en retard de quelques longues minutes mais bonne ! On ne lui en voudra pas … L’endroit est si grand ! Cherchant donc sa route, Wendy entra plusieurs fois dans une autre pièce, surprenant même un couple … Occupé. Et finalement, elle trouva enfin le bon endroit. La nouvelle médecin en chef fit donc son entrée, vêtue d’une simple robe bleu marine aux manches longues et amples d’une teinte plus claire. Ajoutez à cela une cape courte, tenue par son insigne de garde et tadaaa. Simple mais cela ferait l’affaire. Elle portait à son cou le pendentif contenant la photo de ses deux chers parents et alors qu’elle avançait de quelques pas dans la pièce, elle le serra dans la paume de sa main, le temps d’une seconde afin de s’apaiser puis le rangea dans le col de sa robe. La rouquine espérait donc ne pas se faire trop remarquer dès le début.Il faut dire que malgré tout, Wendy n’aimait pas être le centre de l’attention. Malheureusement, une chevelure rouge comme la sienne avait tendance à attirer les regards.

- Bonsoir bonsoir …

Du regard, elle s’était alors mise à la recherche de sa supérieure, la capitaine Von Andrasil, espérant pouvoir la saluer avant que celle-ci soit trop occupée. Les deux jeunes femmes avaient tissé une certaine amitié pendant l’année écoulée. Une figure familière serait donc des plus agréables. Malgré son envie de ne pas trop attirer les regards, Wendy se tenait droite et fière, ouverte à la discussion avec n'importe qui.

:

Nehla avait reçu l'ordre de son nouveau Capitaine de se rendre à la fête donnée en son honneur. Bien que ce genre d’événements n'enchantait guère la jeune Garde, elle avait, comme à son habitude, obéis aux ordres. Une tenue de soirée était recommandée, mais ce genre de vêtements ne faisaient pas franchement partie de la garde robe de Nehla. Elle soupira en ouvrant son armoire presque vide et opta finalement pour une tenue simple, un pantalon noir, un haut à bretelle et son éternelle cape dont elle ne se séparait jamais. Elle avait laissé ses cheveux détachés pour l'occasion, et ne cessait de remettre en place les mèches qui lui tombaient dans le visage, mais cette coiffure était tout de même plus festive que sa queue de cheval faite à la va-vite. Elle tendit la main vers sa lance en arrivant près de la porte de sa chambre, et soupira à nouveau, elle n'aurait pas besoin de cette arme, ni même de son bouclier. La jeune femme posa tout de même sa main sur le bois brut de son arme de prédilection, et décida de l'apporter avec elle, la soldate déposerait sa lance à l'entrée de la salle où se tenait la fête, au cas où. La jeune femme dévala les escaliers, saluant les quelques camarades qu'elle croisait sans remarquer qu'ils la dévisageaient plus que d'habitude, et se rendit au lieu du rendez-vous. Tous les convives n'étaient pas encore arrivés, mais la salle était déjà bien remplie. Elle repéra une jeune femme aux cheveux rouges, inconnue au bataillon, et un autre jeune homme dont le visage ne lui disait rien. Nehla était à la Forteresse depuis peu, mais elle avait une bonne mémoire visuelle, et ces deux-là n'avaient pas encore croisés le chemin de la jeune femme.

Après un rapide coup d’œil dans la salle, Nehla fit un signe de tête à quelques camarades qu'elle avait côtoyé lors de son premier entraînement, et attrapa le regard du chef cuisinier, affairé à garnir les tables de mets divers et variés. Elle se dirigea vers lui avec un sourire en coin.

Ce n'est pas la cuisine habituelle, chef.

Hé petite ! Je fais ce que je peux ! Mais c'est clair que ça ne vaut pas nos petits déjeuners.

Le cuisinier attrapa un canapé et un verre de vin qu'il tendit à Nehla :

Tiens, mange un peu et bois avant que tous ces gloutons ne se jettent dessus. Tu viendras à la cuisine après la petite sauterie, je t'ai gardé quelques petites choses.

Acquiesçant, elle avala le petit four et sirota son vin, en observant la salle se remplir. Après l'arrivée de plusieurs autres convives, Nehla chercha des yeux son supérieur, elle avait pensé que le Capitaine Von Andrasil serait la première arrivée, mais elle se faisait désirer pour une fois. Elle était probablement encore au travail, à peaufiner les détails des futures missions, voire de son discours. Lorsqu'elle avait été promue, Nehla avait obtenu son grade d'Adjudant, le poste de Lieutenant était maintenant libre, et elle avait cru comprendre qu'elle était bien partie pour l'obtenir si elle faisait encore ses preuves.

Le cuisinier revint vers la jeune femme avec deux verres à la main, désignant l'inconnu du menton. Il rigola doucement, esquissa un semblant de salut militaire et lança joyeusement à Nehla :

Va donc lui offrir un verre, il m'a l'air tout à fait correct pour toi, mon Adjudant.

Le cuisinier éclata de rire en poussant Nehla en direction d'une autre table, là où l'inconnu cherchait visiblement de quoi remplir son verre. La jeune femme s'éloigna, affichant toujours son sourire en coin, en lui adressant un signe de la main. Ce chef cuisinier était décidément un sacré personnage, tout comme chacun des membres du Blizzard. Elle lui avait fait l'annonce de sa promotion autour d'un de leurs éternels petit-déjeuners aux aurores, la jeune femme avait vu une lueur de fierté dans ses yeux, bien qu'il ne la connaisse que depuis peu, le cuisinier avait pris la jeune soldate sous son aile et s'était prit d'une sorte d'affection paternelle pour elle.

Nehla se dirigea alors d'un pas décidé vers le jeune homme en question, qui semblait aussi perdu qu'assoiffé et se planta devant lui :

Vous n'êtes pas d'ici, ou bien je n'ai jamais eu l'occasion de vous rencontrer. Adjudant Theldj, Nehla, enchantée.

Elle lui tendit un verre de vin, libérant sa main droite, qu'elle présenta dans l'optique de serrer la sienne. Nehla devait bien se l'avouer, le jeune homme était plutôt charmant, mais elle devait rester prudente, il était peut-être l'un des invités d'honneur, ou un membre haut gradé de la garde. À peine avait-il eu le temps de se présenter que l'arrivée du Capitaine Von Andrasil fut annoncée. Un silence tomba sur l'assemblée alors que tous tournèrent la tête vers l'entrée, avant d'accueillir la nouvelle Capitaine dans des applaudissements et quelques cris d'encouragement de la part des plus enivrés. Nehla ne se priva pas, et afficha un franc sourire et un signe de tête vers son Capitaine, replaçant une mèche de cheveux derrière son oreille.

Cet évènement. Cet évènement...

Depuis ma dernière discussion avec Arban, je l'avais attendu au tournant. La seule chose que je désirais, à présent qu'il était si proche et qu'il ne me restait plus qu'à découvrir le hall de la Citadelle, gorgé de monde, c'était le fuir comme la peste, car ces mondanités me nouaient cruellement l'estomac.

« - Je ne sais pas si je vais y arriver, Merry. Je vais me ridiculiser...

- Voyons, voyons... » répondit la doctoresse qui ajustait mon uniforme et mes médailles qui y étaient épinglées, vérifiait bien que les épaulières ne risquaient pas de se décrocher. « La plupart de ces gens te connaissent et t'apprécient, tu as été une bonne Lieutenante. Tu feras une formidable Capitaine. »

Vêtue ainsi, je peinais à me reconnaître dans la glace qui me faisait face. La petite femme avait accepté de me prêter main forte pour m'habiller convenablement, car la tenue d'officier m'était encore étrangère jusqu'à aujourd'hui. Ses paroles me réconfortaient aussi quelque peu, et c'était une des raisons pour lesquelles je n'avais accepté que sa présence, ce soir ; depuis notre mission avec l'Ombre Écarlate, elle était devenue une véritable amie.

« - Tu sais qu'il y aura aussi ta nouvelle supérieure. C'est étrange mais, lorsque je l'ai revue récemment et que je lui ai proposé ce poste, elle m'a fait penser à toi...

- Le métier sans doute. J'ai hâte de la rencontrer ! Maintenant tourne sur toi-même. »

M'exécutant, je vis le regard satisfait de ma comparse qui me gratifia d'une petite tape sur l'épaule.

« - Tu es parfaite, maintenant allons-y. »

Je déglutis difficilement, mais pris la direction de la porte, suivie de près par la doctoresse qui ne me laisserait sûrement pas faire demi-tour. C'était un moment culminant, charnier pour moi et je souhaitais m'y dérober plus que jamais ; quelle genre de personne étais-je ? Passant dans les couloirs vides, descendant d'étage en étage, mon anxiété ne fit que s'empirer jusqu'à ce que j'entende le brouhaha qui montait depuis le hall.

Ici, l'officier subalterne me laissa et je dus me rendre de moi-même jusqu'à une porte située à l'arrière de la salle, prévue pour donner directement sur les marches qui menaient à l'estrade. À nouveau, je me retrouvais dans cette position, sauf que c'était à présent à moi de faire un discours. Et pour cela aussi, Merry m'avait considérablement aidée, mais ma patte y demeurait tout de même.

J'entrai finalement dans l'ombre, inspirant une dernière fois avant de poser un pas sur la première marche, puis un second et un troisième. Et gagner le pupitre au bout d'une dizaine, là, devant plus d'une centaine de convives ne serait-ce qu'à l'intérieur du bastion. La fête s'étendait encore à l'extérieur, où des stands avaient été prévus pour accueillir toutes sortes d'animations, plus tard dans la soirée. Jamais je ne me serais attendue que l'on donne telle fête en mon honneur.

Posant les deux mains à plat, dissimulant la feuille que j'avais préparée et posée elle aussi, je pris encore quelques instants pour admirer la foule en liesse et apprécier leurs félicitations. Malgré le bonheur qui me submergeait, le trac était encore présent, pourtant je repoussai mes limites et osai enfin me rapprocher du micro :

« - B-bonsoir à tous. »

Usant d'une discipline que je ne lui connaissais pas, les petites gens et les gardes réunis turent leurs acclamations comme un seul homme : tous attendaient de connaître les mots de la nouvelle Capitaine. Devant moi se trouvaient quelques personnalités comme le gouverneur Noname et... le Commandant Höls, la Lieutenante Alnilnam ainsi que le Capitaine Al Rakija en personne ! Mais comme mon regard dévisageait enfin ces personnes, je vis plus loin dans la foule, dissimulée mais assez visible pour que je l’aperçoive : Zahria, mon amie d'enfance, que j'avais récemment revue et invitée personnellement.

Enfin, plus en retrait encore, se trouvait la jeune Médecin en Chef, joliment vêtue bien que gênée car elle était la seule à s'être ainsi préparée, comme descendue de la Capitale.

« - Avant toute chose, merci. Merci à tous d'avoir pu venir ce soir pour célébrer ce nouveau cycle qui commence pour le Blizzard. Comme vous le savez, cela fait désormais des siècles que ce régiment perdure et se renouvelle à chaque officier qui prend sa tête. Je tenais aussi personnellement à féliciter mon prédécesseur :  le Capitaine Ulricht qui, par cause de soucis de santé, n'a pas pu être présent ce soir. »

Rugissant soudain, un tonnerre d'applaudissements émergea de la foule qui, pour certains déjà bien avinés, se ponctuait de cris et de sifflements. Nous avions la tête à la fête, dans le Nord, c'était bien vrai.

« - Comme le temps passe, me suis-je dit ce matin, lorsque mon regard parcourait à nouveau l'horizon qui s'étend devant nous, depuis ma fenêtre. Voilà seulement plus de deux ans que je suis arrivée ici et pourtant, jamais je n'aurais cru me faire tant d'amis. Au sein du Corps des Ours, j'ai rencontré tous types d'hommes et de femmes qui sont devenus mes frères et mes sœurs et je me sens honorée aujourd'hui de leur confiance qui m'a permis d'aller si loin. Vraiment, merci les gars. »

Je levai aussitôt un verre plein qui trônait sur le pupitre et reçus les réponses tant attendues par ceux qui étaient concernés. Et si l'Adjudante Theldj, visible dans la foule elle aussi, demeura silencieuse, je savais au fond de moi qu'elle pouvait s'avérer aussi bruyante que les autres pour féliciter cet accomplissement.

« - Devant vos yeux, aujourd'hui je fais donc serment de continuer à œuvrer pour le Blizzard comme pour les habitants des Montagnes. Je continuerai à prendre soin des vaillants soldats qui défendent nos villages, nos frontières et, ce faisant, je veillerai sur chaque homme et chaque femme, chaque enfant qui bénéficie de cette protection. Comme mon prédécesseur, j'achèverai ce que les autres avant moi ont commencé. Aujourd'hui d'ailleurs, nous fêtons aussi l'arrivée de notre première Médecin en Chef, qui veillera à ce que l'unité médicale du Blizzard soit bien plus correctement tenue que lorsque je la chapeautais moi-même et c'est là une réjouissance que de poursuivre dans ce but. »

Comme si chacun savait alors qui était la jeune femme en question, tous se retournèrent pour dévisager la belle rousse en robe bleue. Et moi aussi, je levais mon verre à son arrivée parmi nous.

« - Il est maintenant temps pour moi de clore ce discours, déjà beaucoup trop long, et de venir profiter de la fête avec vous ! Je vous souhaite, à tous et à toutes, une excellente soirée. »

À nouveau, les applaudissements se firent entendre, alors que je quittais l'estrade, et encore plus fort qu'avant. Certains gardes du Corps des Ours, des bonhommes que j'identifiais bien, s'abimaient véritablement les mains dans un concours de bruit ; d'autres levaient leur chope pour la descendre cul sec et je savais dans quel état je les retrouverais le lendemain. Enfin, pas moi en réalité, car je n'étais plus leur supérieure directe à présent et une légère nostalgie s'empara de moi tandis que je retrouvais la foule en contrebas. Et la jeune Wendy qui s'était rapprochée, le visage rougi par une intense timidité.

« - Fameuse robe que voilà ; elle vous va à ravir Médecin en Chef Waltz ! J'espère que vous avez fait bonne route et que l'on vous a fait bon accueil. Est-ce la première fois que vous venez à Forteresse ? » demandai-je tout en me rapprochant du buffet et en saisissant un petit four que je fis passer avec une épaisse gorgée de vin.

Ah, voilà qui était mieux.

La jeune femme, bien qu’ayant fait une entrée relativement discrète, attira les regards par sa tenue qui se trouva être en contraste avec celles de la plupart des invités. Wendy se sentit particulièrement stupide sur ce coup. Elle avait prit les habitudes de la capitale plus qu’elle ne le pensait. Soupirant, elle se tapa alors le front avec la paume de sa main, marmonnant pour elle-même.

- La honte …

Au moins, la nouvelle doctoresse de la forteresse n’eu pas l’éternité pour pleure sa dignité, partie trop tôt. Elle fut rapidement abordée par quelques soldats ou gradé qui la félicitent pour sa promotion des plus inattendues. Il faut dire que la belle ne s’attendait pas non plus à obtenir ce poste avant que le commandant Von Andrasil ne lui propose lors d’une de leurs sorties. D’ailleurs, où était la toute nouvelle dirigeante de la forteresse ? Wendy avait beau la chercher du regard, aucune trace ! Elle n’était sans doute pas encore arrivée. Après tout, c’était la reine de la soirée ! Si celle-ci était présente, alors il y aurait sans doute un rassemblement de personne, agglutinées comme des abeilles autour de leur reine.

Il faudrait donc patienter et, dans cette optique, la rousse aborda le sublime buffet, attrapant quelques fours qu’elle grignota avec appétit. Sa réaction ? Ses yeux se mirent à briller de joie. C’était juste délicieux ! Elle en reprit alors quelques uns pour les manger immédiatement et, si elle avait put, elle en aurait rapporté dans sa chambre. Wendy nota dans un coin de sa tête qu’elle devait à tout prix rencontrer le cuisinier à l’origine de ces petites merveilles gustatives. Cuisinier qui était d'ailleurs présent dans la pièce, occupé à discuter avec l'adjudante Theldj. Ils semblaient être de bons amis et la demoiselle eu un petit sourire à cette vue. Mais assez parler de nourriture car Elina Von Andrasil faisait son apparition derrière le pupitre sur l’estrade, captant l’attention des invités avec un bonsoir quelque peu timide. La rouquine prit son verre dans la main gauche et se rapprocha un peu plus afin d’être en capacités d’écouter le discours qui serait prononcé pour ouvrir officiellement la petite fête. D’ailleurs, leurs regards se croisèrent, le temps d’une seconde et la jeune femme la salua avec un petit geste de sa main libre. Dès les premières phrases prononcées, la garde de la forteresse se montra particulièrement enthousiaste, fière de sa nouvelle commandante et ça, ce n’était pas surprenant. Le discours fut des plus émouvants. On voyait les liens qui reliaient les membres de la forteresse entre eux comme la plus solide des familles. Une famille dans laquelle devrait entrer Wendy et cela était un peu stressant en réalité. Pouvait-elle vraiment se faire sa place ici ? Enfin, pas d’un point de vue professionnel. Elle avait les compétences et elle en était totalement consciente. Mais les soldats d’ici devraient confier leurs vies à la jeune femme et pour cela, il faut une relation de confiance. Plan d’action … Il lui faudrait simplement gagner cette confiance en s’imposant. Mais d’ailleurs, voilà que la jeune femme, dans son discours, présente Wendy au reste des invités. Un peu gênée de cette soudaine attention, la demoiselle rougit et les salue en levant son verre, un petit sourire aux lèvres avant de prononcer une courte phrase. Il serait idiot de ne rien dire et de juste sourire.

- Comptez sur moi à partir d’aujourd’hui … !

Le discours prend fin quelques phrases plus tard et Elina reçoit des applaudissements de toutes les personnes présentes, dont la jeune médecin. Le nouveau commandant ne fut pas tout de suite prise à part et la rousse décida d’en profiter, s’approchant avec une certaine timidité. Mais la phrase prononcée par Elina rappela à Wendy sa tenue ridicule, la faisant rire de gêne en se massant la nuque.

- Croyez moi commandant Von Andrasil, je me sens idiote ! Je ne pensais pas avoir été autant influencée par la capitale … ! Moi qui voulais éviter de paraître ridicule … ! D’ailleurs, vous êtes sublime ! Votre uniforme d’officier vous va à ravir !

Tout en parlant, les deux belles femmes s’approchèrent du buffet. Wendy était assez embarrassée mais avait décidé de prendre la situation du bon côté. Au moins, elle aura eu de la visibilité ce soir ! Du coin de l’oeil, elle observait sa supérieure et son costume qui lui donnait une véritable classe.

- L'accueil était parfait ! Et oui, c’est bien la première fois que je viens ici … Je suis habituée à aller en montagne pour cueillir des plantes mais c’est tout ! Au moins, je supporte les températures ! J'avais peur que ce soit bien pire

La rousse sembla réaliser quelque chose et rigola un peu, croisant les bras sur sa poitrine.


- Mais en fait, mes officielles félicitations pour votre promotion !

Elle porta les lèvres jusqu’à son verre, avalant une gorgée de vent avant de regarder les soldats qui buvaient avec entrain ou bien qui parlaient sans doute de leur commandante et de la nouvelle médecin en chef. L’ambiance était vraiment à la fête. Un petit sourire se dessina sur le visage de Wendy alors que sa main se faufile à nouveau vers un de ces petits fours à se damner, qui sera sans doute engloutit rapidement.

J’ai vraiment hâte de travailler ici !

L'entraînement du soir fini, ses deux stagiaires épuisés mis au lit après une petite soupe et un bisou sur le front, Zahria enfile une tenue sombre et élégante et s'apprête à faire le mur quand une petite voix s'élève dans son dos.

« Vous sortez, Ombre ?
- Bordel, Ruth ! Tu m'as fait peur ! Va te coucher.
- Le maître-espion a dit que vous deviez rester avec nous pour que rien ne nous arrive.
- Vous venez tous les deux de sortir de l'Académie, vous êtes officiellement des Gardes et vous savez vous défendre comme en attestent les bleus que j'ai un peu partout, donc je pense que ça devrait bien se passer si je vous laisse une nuit tous seuls...
- Vous allez à la fête du capitaine von Andrasil ?
- Ferisen ? Mais en fait ça servait à rien de vous mettre au lit tous les deux ?
- Laissez nous venir avec vous ! On se fera discrets, promis !
- Si vous ni moi ne sommes censés être ici, et encore moins vus à une fête avec tous les hauts gradés du royaume.
- Pourtant vous y allez quand même...
- Un point pour vous, les marmots.
- On est plus des enfants, on est des gardes, vous venez de le dire !
- Bon ok, vous me faites chier. Habillez vous, je pars dans cinq minutes, avec ou sans vous. Je vous préviens, ça va faire partie de votre entraînement: si l'un seul de vous deux se fait reconnaître, la formation d'espion est finie. »

Il n'en fallait pas plus pour faire plaisir aux deux adolescents, qui se précipitent en dehors de la chambre de la brune. Elle se passe une main sur le visage en soupirant. Elle commence à en avoir marre de faire la nounou alors des choses plus pressantes l'attendent à la Capitale, et surtout, elle voulait profiter de cette soirée sans avoir à les surveiller. C'est l'investiture de son amie d'enfance, bordel ! Ils ne l'empêcheront pas de s'amuser, pour sûr.

Quand ils arrivent dans la salle, les yeux des deux jeunes gardes s'émerveillent et Zahria doit leur jeter un regard assassin pour calmer leurs ardeurs.

« Eparpillez-vous, je ne veux pas vous voir de la soirée. Je veux que personne ne vous voie. »

Ils acquiescent, puis disparaissent. Un plateau de petits fours passe devant les yeux de Zahria, qui en attrape un au passage, ainsi que quelques noisettes caramélisées, qu'elle s'empresse d'aller grignoter dans l'ombre d'une colonne, à l'abri des regards. Il ne reste plus qu'à attendre l'arrivée d'Elina sans que les deux apprentis ne fassent de vagues. Quand elle monte enfin sur l'estrade, Zahria remarque qu'elle semble avoir le trac. Pourtant, sa prestance et les applaudissements dans l'assemblée, puis le discours enthousiaste qu'elle profère, montrent qu'elle a trouvé sa place et sa famille. La noiraude est fière de voir que son ancienne camarade de chambrée a si bien réussi, et quand leurs regards se croisent, elle lui adresse un petit clin d'oeil. Il est toujours plus agréable de retrouver ses amis d'enfance pour se rendre compte qu'ils ont atteint leur objectif pour que pour apprendre qu'ils sont devenus de dangereux criminels utilisant leurs pouvoirs pour se faire oublier de tous... Balayant d'un revers de la main ses idées noires et son obsession du moment, Zahria se décide à reprendre quelques petits fours en observant l'assistance.

La nouvelle médecin en chef de la Forteresse est fortement reconnaissable à sa chevelure de feu et ses vêtements qui dénotent de ceux des soldats autour d'elle. Elle serait curieuse d'entendre l'histoire derrière cette nomination, mais les deux femmes sont déjà en pleine discussion et il s'agirait de ne pas les déranger. Et si la nourriture est délicieuse, elle commence à donner grand soif à l'espionne, qui se motive alors pour aller chercher un verre du côté du buffet. Elle aura peut-être l'occasion d'y rencontrer quelqu'un d'autre d'intéressant, tout en laissant son amie profiter de sa soirée.

Une fois de plus, le Capitaine Von Andrasil avait brillé par sa prestance et son charisme. Nehla n'était pas peu fière de faire partie de la Forteresse et des gardes sous les ordres de cette femme si forte, elle aurait encore beaucoup à apprendre d'elle. La jeune Adjudante avait filé à la fin du discours vers ses camarades, en même temps que le soldat SteelHeart, il fallait se faire voir aussi des ordres invités. Comme tous étaient affairés à aller féliciter le Capitaine et le nouveau Médecin en Chef, Nehla se contenta de passer entre les groupes et de saluer les soldats et autres officiers présents, en attendant sagement son tour. Le chef de cuisinier tentait tant bien que mal de garnir les tables qui se vidaient bien vite, même si les carafes de vin faisaient moins long feu que les plateaux d'amuse-gueule, et il gardait un œil sur l'Adjudante, veillant à ce qu'elle retourne voir ce jeune soldat des Sentinelles, à renfort de grands gestes peu discrets.

Après avoir discuté un moment avec quelques jeunes femmes qui semblaient également vouloir mettre le grappin sur le Sentinelle, Nehla pris congé d'elles, un sourire en coin aux lèvres. Ce jeune homme était décidément assez prisé, et l'Adjudante pris ça comme un défi, bien qu'elle ne soit pas des plus douées pour ce genre de choses. Elle le chercha des yeux et tomba rapidement sur lui, en train de discuter avec le Capitaine, discussion qui fut somme toute plutôt courte. La jeune femme se dirigea alors vers son supérieur, et tomba sur le Lieutenant Alnilnam, avec laquelle elle était partie pour une mission quelques jours plus tôt.

Ravie de vous revoir, mon Lieutenant. J'espère que vous passez une bonne soirée.

Les deux jeunes femmes échangèrent quelques mots, puis Nehla s'excusa pour tenter sa chance auprès de sa cible. Elle arriva à point nommé, alors que le Capitaine finissait de vider son verre. La jeune Adjudante salua son supérieur et tendit sa main vers la jeune femme qui l'accompagnait, visiblement ravie du buffet.

Mon Capitaine. Très beau discours.

Nehla sourit à la jeune femme, elles n'avaient pas besoin d'échanger beaucoup pour se comprendre, et Elina savait très bien que Nehla était fière d'elle. La Garde s'adressa ensuite au fameux Médecin en Chef :

Adjudant Theldj, ravie de vous voir parmi nous. Vous aurez du travail ici, les soldats sont parfois bien maladroits, et certaines nuits mettent à mal la santé de certains autres. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, comptez sur moi.

J'espère que je saurais me rendre utile en tout cas ! Si vous avez des noms de quelques maladroits à me donner, alors je suis preneuse.

Nehla sourit doucement à la jeune femme, quelques noms lui venaient bien spontanément, mais autant laisser la surprise au nouveau Médecin.

Alors j'espère que vous savez y faire aussi avec les maux d'estomac... Le soldat Donte pourrait vous rendre visite régulièrement. Et puis, il va y avoir de nombreuses gueules de bois à traiter demain matin !

La jeune Médecin laissa échapper un petit rire à cette réponse, buvant une gorgée de son verre de vin avant de reprendre la parole.

Je le recevrai avec plaisir ! Pour les autres ... je doute qu'ils apprennent la leçon ... Au moins, je ferais connaissance de mes patients ! Mais, et vous alors ? Vous tenez bien l'alcool ?

Nehla rigola doucement à cette question, à vrai dire, elle n’avait jamais bu au point de se rendre malade, restant modérée dans ce domaine.

Haha, nous verrons ça ! Si vous me voyez demain matin, c'est que la réponse sera négative. Sur ce, je vous laisse à vos autres invités, il y a foule pour vous ce soir.

La jeune Adjudante salua son Capitaine et pris congé des deux jeunes femmes :

Mon Capitaine, à votre disposition, comme toujours. Mademoiselle, je vous souhaite une bonne soirée.

Laissant ainsi sa place aux nombreuses autres personnes qui attendaient leur tour pour féliciter les deux jeunes femmes, elle passa en revue les groupes qui se formaient naturellement, affichant un sourire en coin en voyant ses camarades d'entraînement jouer à celui qui descendrait le plus de verres, sachant déjà pertinemment que Donte les surpasserait sûrement. Ses yeux tombèrent à nouveau sur le jeune SteelHeart, qui semblait presque la chercher. Elle lui adressa un petit signe de tête et se dirigea vers lui, encouragée par le chef cuisinier qui passa devant elle en lui donnant un verre de vin, il lui chuchota quelques mots avant de repartir avec ses plateaux en riant :

Allez petite, essaye de lui sourire au moins !

Nehla soupira en roulant des yeux mais ne put réprimer un petit sourire sur son visage alors qu'elle replaça pour la énième fois une mèche de cheveux derrière son oreille. L'Adjudante se faufila entre les groupes, échappant à la vigilance du chef pour un moment, mais elle fut stoppée dans son élan par l'un de ses collègues, passablement ivre alors que la soirée ne faisait que commencer.

Hé Theldj !

C'est Adjudant Theldj pour toi, Donte.

Allons, allons, pas de ça avec moi. Elle prendrait bien une petite choppe avec nous, l'Adjudante ?

Nehla soupira et posa sa main sur l'épaule du fameux Donte, en pressant son pouce juste sous la clavicule.

Adjudant Theldj, Donte. Va donc voir par là-bas si j'y suis, je te mettrais ta raclée plus tard, j'ai à faire.

Le soldat ricana en se tournant vers le soldat SteelHeart, il écarquilla les yeux et éclata de rire :

Tu vas taquiner SteelHeart hein ? À ce qu'il paraît, il s'entraîne peu vêtu, on m'a même dit qu'une fois il...

L'Adjudante attrapa à nouveau l'épaule de Donte en serrant bien plus fort, ce qui le coupa net dans ses médisances.

Donte, encore un mot et je te fais avaler ta choppe par le nez, et je ne parle pas du liquide. Pour la dernière fois, va voir là-bas si j'y suis.

Nehla relâcha le soldat qui tituba légèrement jusqu'à la table la plus proche, sous les rires de ses camarades. La jeune Adjudante arriva finalement près du soldat SteelHeart qui remplissait son verre.

Avec plaisir, SteelHeart, c'est ça ? Je ne suis pas non plus coutumière de ce genre d’événements, mais les ordres sont les ordres.

La jeune femme passa sa main dans ses cheveux pour tenter de les discipliner, mais échoua à nouveau, repoussant quelques mèches de son visage. Elle avala rapidement son vin avant de se resservir aussitôt et de remplir le verre de son compagnon du soir. Elle reposa la carafe et scruta le visage du jeune homme, un sourire en coin malicieux sur le visage. Elle murmura quelques mots à son attention, ils étaient assez proches pour que seul le soldat puisse l'entendre :

Alors comme ça, on s'entraîne à moitié nu, SteelHeart ?

Les courts entretiens se succédaient. Aussitôt avais-je fini ma courte discussion avec le Médecin en Chef que j'avais été pris à parti par une recrue qui ne me disait rien. Et pour cause, il s'agissait d'un élément des Sentinelles, envoyé par Celsis pour transmettre ses compliments.

« - Eh bien, merci engagé Steelheart d'avoir fait tout ce chemin pour me présenter les hommages de votre supérieure. Ils me vont droit au cœur, évidemment. N'hésitez pas à profiter de la fête. »

Par la suite, le jeune homme s'intéressa à ma comparse rapidement et, après un bref échange à nouveau, disparut dans la foule. L'air circonspect, je le regardai partir, ne distinguant pas l'arrivée en trombes de mon Adjudante au regard bien mystérieux. Avait-elle quelque chose en tête ou bien la tête ailleurs, justement ? Toujours est-il qu'elle m'adressa à son tour ses félicitations et que je la remerciai et la saluai machinalement.

« - Je vais commencer à m'ennuyer de ce petit jeu répétitif, » glissai-je à la doctoresse avec un sourire en coin, mais celle-ci n'était plus très réceptive à présent.

L'alcool faisait son effet, peut-être un peu tardivement, et les trois coupes de champagne que la jeune femme s'était servies semblaient lui être montées à la tête à présent. Sa belle robe virevoltait tandis qu'elle se déhanchait sur le rythme de la musique, jouée à l'autre bout de la pièce. Une valse peut-être ? Puis elle s'arrêta un temps, le visage rouge, seulement pour être secourue par une énième convive venue lui prendre le bras.

D'autres regards semblaient chercher à m'interpeler, aussi pris-je mon verre et me déplaçai-je stratégiquement vers un endroit moins peuplé, plus calme et surtout plus proche d'une des sorties du Hall. La fête battait son plein et je semblais en être le centre, mais cela me fatiguait plus qu'autre chose et je n'avais aucune envie de me mettre la tête à l'envers ce soir-là. Les prochaines journées s'avéraient longues, je le savais, et je souhaitais me préserver autant que possible. Voyant d'ailleurs, du coin de l’œil, ma subalterne batifoler et tenter de séduire la jeune unité des Sentinelles, je suspectais la difficulté que j'aurais à la mobiliser le lendemain. Soit, ce soir c'étaient les règles du jeu et les nuits s'avéraient si froides, que je me prenais parfois à regretter moi-même n'avoir personne pour chauffer ma couche, à mes côtés. Mais j'avais fini par me faire à l'idée et le travail ne laissait nulle place à ce genre de fantaisies.

Remplissant mon verre d'une dernière louchée de boisson alcoolisée, je me dérobais à une ultime conversation à proximité du couloir et m'y glissais enfin, dans une solitude et un calme de plus en plus absolus. Passée la porte de ma chambre, à laquelle je m'adossai une fois close, je soufflai longuement, avisant la pièce vide qui me faisait face et le silence omniprésent. Là, j'avais les idées claires, même si je demeurais seule avec mes vieux démons. Puis je me dirigeai enfin vers mon bureau derrière lequel je pris place et, saisissant des feuilles de papier vierge et une plume, couchai le fil de mes pensées :

« Des fois, c'est au milieu de la foule que l'on se sent la plus seule. Je me demande parfois si je n'ai pas fait un mauvais choix. La Garde m'a taillée, et ce depuis mon plus jeune âge, mais m'a aussi laissée froide et esseulée. J'ai beaucoup sacrifié pour mes idéaux, pour ce que je pensais juste, et longtemps je me suis dit que personne ne pourrait me remplacer si je choisissais une autre direction. Aujourd'hui, j'ai définitivement signé la fin de cette vie que je ne pourrai jamais avoir : j'ai dédié ma vie à la Garde à tous ceux que je dois protéger, soldats et citoyens. Cela fait beaucoup d'âmes sur lesquelles veiller, mais j'y arriverai, en faisant abstraction de ce bonheur personnel.

Mais j'y crois ! Je crois que j'ai fait le bon choix. Il suffit juste que les choses cessent de m'atteindre comme elles le font ce soir. Peut-être qu'avec les bulles de champagne, les émotions remontent à la surface ? Demain tout ira mieux. »

L'écriture était parfois baveuse, car ma main manquait de dextérité à cause de l'alcool, mais j'étais satisfaite de la vérité de cette lettre. Demain, je la déchirerais.

Puis soudain, comme me tirant de ma rêverie alors que j'étais contemplative, vissée au fond de mon siège, trois coups retentirent contre ma porte. Une première série, puis une seconde car je ne donnais aucun signe de vie. Alors seulement, je soupirai assez fort :

« - Allez-y, entrez... »

Son verre à la main, Zahria déambule, tend l'oreille, échange quelques mots par ci par là et laisse son regard se balader de groupe en groupe, ne cherchant rien de spécial. Les reines de la soirée sont bien entourées, et elle préfère rester dans l'ombre, récoltant tous les petits ragots de la Forteresse qu'elle peut. Les deux stagiaires ont réussi à disparaître, et elle espère qu'ils vont continuer ainsi. Le maître-espion a très certainement envoyé des yeux et des oreilles ici, et il ne manquerait plus qu'elle se fasse remarquer par son incapacité à gérer les recrues.

Si elle a vu Calixte grimé au milieu de la pièce, elle n'en laisse rien paraître. Il a choisi de lui-même de se mettre dans le feu des projecteurs, il doit avoir une bonne raison pour ça, et elle n'ira gâcher sa couverture. Par contre, elle ne manquera pas de se moquer de lui la prochaine fois. Elle se demande si le maître-espion lui a confié à lui aussi un cristal de communication comme celui qu'il lui a fait remonter par l'intermédiaire des stagiaires. Dans le doute, elle décide de s'avancer vers lui. S'il y a bien une personne avec qui ce sera utile de relier son cristal, c'est Calixte. Passant à côté de lui, Zahria dépose son cristal dans la poche du jeune homme. Il aura largement l'occasion de lui rendre, et nul doute qu'il est la seule personne ici présente à s'être rendue compte de l'échange.

Elle s'éloigne ensuite du jeune homme, en remarquant le départ d'Elina. Zahria la suit du regard. Malgré l'excitation de tous ceux présents ici, son amie d'enfance ne semble pas pouvoir garder son sourire longtemps sur les lèvres. L'espionne reconnaît là la sérieuse jeune fille qu'elle connaît, et quand elle la voit s'escamoter loin de la foule, elle la suit silencieusement. Lui laissant un moment seule pour souffler, la jeune femme l'observe depuis l'ombre dans laquelle elle s'est cachée. Le stress que doit générer un tel poste est inconcevable pour l'Ombre avide de liberté qu'elle est. Elle n'imaginerait jamais porter toutes ces responsabilités sur les épaules, et elle peut s'empêcher d'être impressionnée par son amie et le courage dont elle fait preuve.

Aussi, quand elle frappe à la porte de sa chambre, elle n'affiche pas de faux sourire sur les lèvres, juste un regard de soutien qu'Elina saura reconnaître. Si les deux femmes se sont éloignées pendant si longtemps, nul doute qu'elles ont vite retrouvé leur complicité. Un tel lien ne peut rester brisé longtemps.

« La compagnie d'une amie vous ferait-elle un peu de bien, chère capitaine ? »

Refermant la porte derrière elle, Zahria émet un petit sifflement ironiquement impressionné en découvrant la chambre presque vide son amie. En tant que capitaine, elle pourrait avoir droit à bien mieux, mais elle a visiblement su rester humble, à moins qu'elle n'ait juste pas encore eu le temps de changer la décoration depuis sa récente promotion. Elle repense à son colocataire, capitaine de la garde royale, qui se contente d'un petit lit à la caserne alors qu'elle fout son bordel de partout dans leur chambre, comme à l'époque de l'internat d'ailleurs. C'est peut-être juste une question de caractère...

Les deux jeunes femmes, centre de la soirée, étaient abordées par différents gardes venant les féliciter pour les promotions. honnêtement, la plupart d’entre eux n’avaient même pas retenu le nom du nouveau médecin en chef. Ils étaient surtout là pour la capitaine et après tout, cela se comprenait. Elle était à la forteresse depuis longtemps et avait tissé des liens avec les soldats.

Dans tous ce lot de personne, Wendy retenu deux visages en particulier. Tout d'abord, celui du soldat Steelheart, faisant parti de l’unité des sentinelles, envoyé afin de passer les félicitations de sa supérieure, sans doute submergée de travail pour ne pas avoir eu l’occasion de venir en personne. S’adressant dans un premier temps à la nouvelle capitaine, la rousse resta silencieuse. Puis, quand il s’adressa enfin à elle, le médecin se concentra un peu plus, un petit sourire aux lèvres.

- J’étudierais ça dès demain mais je pense que ce sera possible d’envoyer un ou deux médecin sous forme de ronde ! Enfin, je dois encore voir les détails techniques …

Il prend congé et laisse les deux jeunes femmes. La deuxième personne ayant retenu l’attention de la jolie rousse avait alors prit le relais. Il s’agissait de l’adjudante Theldj avec laquelle elle échangea quelques blagues sur les effets de l’alcool avant que celle-ci reparte comme elle était venue. Et bien qu’elle en rigolait, la demoiselle avait peut-être un peu trop bu sans s’en rendre compte. Wendy pourtant tenait bien l’alcool mais … Peut-être que la fatigue accumulée avait affaiblit sa résistance ? Ecoutant la musique qui résonnait au loin, le médecin effectuait quelques pas de danse discret et minimalistes. Elle se stoppa, une petite minute absente avant de sentir un bras sous le sien. Surprise, la demoiselle leva les yeux pour découvrir … Calyxte ? En robe ? Il fallut une seconde à la jeune femme pour comprendre et … éclater joyeusement de rire en lui serrant un peu plus le bras.

- Je vois que tu m’as volé une robe … ~ Heureusement, ça te va bien ! Je ne ferais donc pas de remarque ~

Wendy aurait bien présenté son ami à sa nouvelle supérieure mais celle-ci avait profité d’une minute d'inattention de sa part pour fuir. S’inquiétant un peu pour son état, elle nota intérieurement de la voir le lendemain. Mais autant profiter de la fin de soirée ! Joyeusement, la rousse se lança donc à travers la pièce d’un pas tranquille, un verre presque vide à la main.

- Je suis contente que tu ais pu venir ! On s’était pas vu depuis un moment …! Alors, comment ça se passe au boulot ? Raconte moi tout !

La rouquine ne voulait pas entendre parler de sa promotion. Les gens en faisait toute une mascarade mais pour l’instant, aucun n’était prêt à lui confier sa vie. Elle en était bien consciente et ça la déprimait un peu … Enfin bref. Le duo avançait vers l’extérieur de la salle de fête, bras dessus bras dessous. Du coin de l’oeil et malgré l’alcool qui montait doucement à la tête, Wendy observer ce qui se passait dans la pièce et remarqua d’ailleurs l'adjudante se rapprocher du soldat sentinelle … OH OH OH ~

Ah ... Vous ne savez pas ? Wendy adooooooore regarder les petits couples se former, ça la fait rire ~

Les soldats de la Garde, gradés ou non, aimaient décidément bien discuter, chose plutôt perturbante pour Nehla qui n'y étais pas habituée. Elle avait réussi à tenir le coup lors de sa mission avec le Lieutenant Alnilnam mais n'avait pas réitéré l'exercice jusqu'à cette soirée. Elle faisait de son mieux pour faire durer la conversation avec le jeune soldat, même si la tournure de ces échanges n'allaient pour le moment pas forcément dans le sens voulu, à son grand désarroi. Elle voyait du coin de l’œil le chef cuisinier et le soldat Donte la surveiller, pas avec la même intention dans le regard, si elle devait filer il allait falloir le faire discrètement. Alors que son compagnon venait de poser son verre pour prendre congé d'elle, la jeune femme le salua, légèrement déçue sans le faire transparaître. Elle jeta un rapide coup d’œil à son ami qui garnissait encore et toujours les tables qui lui fit un signe de tête incompréhensible, et ce n'est qu'en posant à nouveau le regard sur le soldat SteelHeart que Nehla remarqua qu'il l'invitait à le suivre. Elle afficha un sourire en coin, les joues légèrement rosies par le vin ou l'hésitation du soldat à la laisser derrière elle :

Je vous accompagne, il s'agirait de ne pas se perdre dans ce labyrinthe et de finir dans les quartiers de l'une de nos membres...

Elle posa son verre sur la table et attrapa sa cape qu'elle avait détaché pendant leurs échanges, son corps s'était bien réchauffé avec le vin et l'ambiance de la fête. Le chef avait bien suivi la scène, par chance Donte était plongé dans une immense pinte et ne remarqua pas son départ. La jeune femme passa devant le soldat, frôlant légèrement son bras pour lui indiquer le chemin et lui adressa un clin d’œil :

Il va falloir se faire discrets, nous sommes surveillés. Suivez-moi, SteelHeart.

La jeune femme se faufila rapidement entre les groupes, le chef cuisinier suivait également ses mouvements et l'intercepta rapidement lui soufflant quelques mots à l'oreille en lui mettant une bouteille de vin dans les mains :

Le contact petite, il faut passer au contact maintenant.

Il jeta un œil au soldat derrière Nehla et lui adressa un sourire chaleureux, parlant cette fois plus fort :

Je t'attends pour le petit déjeuner, petite ?

Il éclata à nouveau de rire avant de poser sa main sur l'épaule dénudée de la jeune femme en la poussant vers la sortie. Nehla avait senti le regard de SteelHeart glisser dans son dos, qu'elle n'avait pas l'habitude de dévoiler, toujours caché par ses vêtements ou sa cape. Il avait probablement remarqué la cicatrice qui suivaient la courbe de ses muscles et se demandait sûrement jusqu'où elle allait. La jeune femme tourna doucement la tête vers le cuisinier qui s'échappait bien vite, en levant ses yeux au ciel puis fit un signe au soldat de la suivre vers la sortie. Elle poussa la porte et attrapa sa lance qui l'attendait bien sagement avant de filer dans les couloirs en direction de la cour, sans un regard derrière elle ni un mot pour le soldat. Elle se demandait bien comment elle allait pouvoir appliquer le conseil du chef et « passer au contact ». Elle n'avait plus l'habitude de ce genre de contact, le premier corps à corps hors combat qu'elle avait expérimenté n'avait pas été des plus mémorables, et ça avait été le dernier d'ailleurs. Elle soupira doucement en secouant la tête pour chasser ce souvenir et se concentrer sur le moment présent. Les deux jeunes Gardes arrivèrent finalement dans la cour, étrangement calme par rapport à la salle où la fête battait son plein. Nehla ferma les yeux doucement pour profiter de cet instant, se rendant soudain compte qu'elle avait probablement déjà bien trop bu aux vues des idées qui lui traversaient l'esprit. Elle compta une respiration avant d'ouvrir à nouveau les yeux, posant son regard sur le soldat à ses côtés.

C'était une très bonne idée, SteelHeart. Un peu d'air frais ne peut faire que du bien, surtout …

Nehla jeta un œil à la bouteille dans sa main en souriant.

Surtout que la soirée ne semble pas encore finie. Vous voulez marcher un peu ?

Sans attendre la réponse de son compagnon, Nehla s'avança en passant une main dans ses cheveux, les faisant tomber dans son dos avant de les faire glisser au dessus de son épaule gauche, laissant à nouveau le haut de son dos nu, mis à part les quelques mèches rebelles qui refusaient de lui obéir. Ils marchèrent lentement quelques instants en direction du poste-frontière en suivant le sentier, dans un silence confortable. Leurs souffles se mêlaient au dessus d'eux dans une brume légère, ce qui fit sourire Nehla.

Les deux jeunes gens s'étaient déjà assez éloignés du régiment, on n'entendait que le bruit de leurs pas et le sifflement de quelques oiseaux nocturnes qui déchiraient le silence de la nuit. Ils marchaient côte à côte, en ralentissant légèrement à chaque pas dans une parfaite synchronisation, leurs bras se frôlant de temps à autre. La jeune femme frissonna légèrement, la nuit était déjà bien froide, elle passa rapidement sa cape sur ses épaules avant d'ouvrir la bouteille gracieusement offerte par le chef.

Interdiction de me laisser boire seule, SteelHeart. Et le chef serait fâché si nous ne finissions pas cette bouteille.

Ils s'étaient arrêtés en même temps, Nehla avala une gorgée de vin à même la bouteille avant de la tendre au soldat. Elle passa rapidement sa langue sur ses lèvres avant de jeter un regard au soldat SteelHeart, affichant un sourire en coin sans équivoque.

Zahria ! Une heureuse surprise, dans ces heures tardives où mon cœur débordait d'émotions. Je dissimulai la lettre aussitôt qu'elle fit le premier pas dans la pièce et me retournai pour la dévisager.

« - De ce que j'ai vu, ce n'est pas d'amis dont je manque ce soir... Les foules ont tendance à m'importuner, notamment lorsque je suis le centre d'intérêt. »

Je me redressai et, tandis que la jeune femme fermait la porte et venait prendre place sur le lit, car je manquais de meubles et donc de canapés, elle le voyait bien, me rangeai près de la fenêtre.

« - Mais c'est évidemment différent pour toi, Zahria. »

Un rapide coup d'oeil à l'extérieur m'informa de la neige qui tombait et recouvrait à présenter les toitures de la Citadelle. Dans ma tour, haut, haut perchée, j'avais une vue imprenable sur les environs et particulièrement...

« - Tiens, viens voir, » fis-je tout en gardant le regard rivé sur le paysage en contrebas, la joignant à se déplacer avec un geste rapide de la main.

Ce faisant, je lui souriais, la laissant comprendre qu'il n'y avait pas matière à s'inquiéter... à présent.

« - On dirait que le prétexte de la fête donne à certains des raisons d'assouvir leurs pulsions... Je crois reconnaître les deux tourtereaux que nous avons là. »

L'Adjudant Theldj avait encore frappé fort, visiblement. Entraînant un homme à sa poursuite, elle semblait user et abuser de son charme tandis que lui donnait l'impression de lui résister, ce qui ne faisait qu'attiser les flammes de leur curieuse danse. Un flirt ? Je ne savais qu'en penser, à première vue la jeune femme ne m'avait pas parue être une tombeuse, mais je commençais à reconsidérer la question...

« - Mmh, tiens, il y a un autre couple aussi. Oh, mais c'est notre médecin, Wendy et une amie à elle, visiblement. »

Ces observations me réchauffaient un peu l'âme. Voir des hommes s’enivrer était une chose, participer au capharnaüm ambiant aussi, mais être témoin de ces scènes enfantines en était une autre bien différente.

Allégée par un tel spectacle, je rejoignais donc mon siège de bureau que je retournai pour faire face à mon invitée. Elle n'était pas venue ici pour m'entendre rire comme une sotte, à regarder les jeunes poulains s'enivrer et se chercher dans la neige...

« - Il y a quelque chose dont tu souhaitais me parler ? »

Qu’il était agréable de retrouver, le temps d’un soirée, son plus proche ami. La présence du blondinet avait immédiatement remonté le moral de Wendy. Son attitude était la même que d’habitude malgré la robe qu’il lui avait dérobé pour la fête et bien heureusement. La rousse avait senti dès son apparition la tension de ses épaules diminuer. Elle qui ne connaissait personne ici avait bien besoin d’un camarade fidèle à ses côtés. Les soldats étaient venus la saluer, par politesse mais s’étaient vite éclipsés pour profiter de l’ambiance, des plats et de l’alcool. Il était dur de tisser des liens et pour ne rien arranger, elle n’était arrivée que quelques heures avant, ne lui laissant pas réellement l’occasion de faire connaissance avec ses nouveaux collègues. Elle s’y attellera dès le lendemain mais pour ce soir, autant profiter et décompresser. Il est rare de pouvoir passer une soirée tranquille en travaillant pour la garde, surtout en tant que médecin. Se concentrant alors sur son ami et leur discussion, la demoiselle se remit à sourire, au risque de passer pour une imbécile heureuse. Celui-ci lui parla de son ennuyant travail et des défauts de celui-ci, mais aussi qu’il aurait l’occasion de passer à la forteresse pour la voir ce qui était pour lui, et pour elle, une bonne chose.

- promis, je te ferais ton thé préféré pour te remercier de venir me voir ~  

Wendy fut alors surprise d’observer le regard et la moue quelque peu râleuse de Calyxte à son encontre. Il était vexé ? Non, la prise de la main du jeune homme sur la sienne lui affirme le contraire. par contre, il était des plus sérieux quand il lui disait qu’elle allait lui manquer. Wendy échappa un petit ricanement en voyant l’expression sur le visage du blond avant de lui sourire avec tendresse. Au même moment, ils sortaient de la pièce où se déroulaient les festivités. La jeune médecin leva alors le regard vers le ciel étoilé, quelque peu gênée de ne pas l’avoir prévenu plus tôt.

- Désolée, j’aurais aimé te prévenir plus tôt mais ça s’est fait assez vite et j’ai était débordée par l’organisation de mon départ … J’ai eu à peine le temps de t’écrire ma lettre … heureusement que tu es venu …

Elle se tourna vers le coursier et lui fit alors un petit clin d’oeil en lui mettant un léger coup de coude ans les côtés, amicalement bien sûr.

- Je sais que je vais te manquer, je suis géniale après tout ! ~ C'estevident que je vais te manquer !

Wendy éclate de rire, sans doute un peu encouragée par l’alcool. Qu’est ce que ça faisait du bien de rire ! La semaine qui venait de passer avait était remplie et la détente n’avait pas fait partie du programme, encore moins que d’habitude. Sa main resserra son emprise sur celle de Calyxte alors qu’elle reprenait petit à petit son calme. Sa main qui était plus habituée au sang des patients qu’à la compagnie d’un ami. À moins qu’on puisse considérer le scalpel comme un ami ? Dans ce cas, elle y est habituée ! Enfin bref. Si elle serre cette main, c’est qu’elle aussi dois être honnête avec le blond.

- Tu vas me manquer aussi … Avec qui je vais parler des ragots pendant mes poses ? Et puis, je ne suis pas sûre que les coursiers d’ici seront d’accord pour me trouver une pâtisserie de temps à autre comme toi … ! Il faudra que tu m’en apportes à l’occasion !

Rien que de penser aux possibles petites douceurs que pourrait lui ramener Calyxte, elle salivait. Comme cette fois où il lui avait ramené ce succulent cake au citron et au thym … Bon sang, elle serait prête à arpenter la plus haute montagne du grand nord pour une part de ce petit chef d’oeuvre. Honnêtement, Calyxte pourrait lire ce qu’elle pense sur son visage. Elle se reprit après une petite minute de fantasme culinaire, rougissant quelque peu de s’être ainsi laissée absorbée par ses pensées. 

- Je suis arrivée il y a quelques heures … Autant te dire que je n’ai pas encore particulièrement trouvé mes marques ! La preuve, quand je cherchais la salle où se passait la fête, je suis accidentellement entrée dans la mauvaise pièce et j’ai dérangé un couple, si tu vois ce que je veux dire ~

Il n’y avait qu’à elle que de tels trucs arrivaient ! Franchement, tomber sur les ébats de deux soldats le jour de son affectation, il faut le faire ! Elle espérait que ce n’était pas le bataillon de la débauche … ! Elle n’était pas venue pour ça ! Mais au moins, ça lui feraient quelques histoires à raconter avec son partenaire de discussion préféré. D’ailleurs, il abordait le sujet ! Si ce n’était pas parfaitement parfait quand même ! La malice apparu dans les iris vertes et brillantes de la demoiselle qui se frotta les mains comme un être diabolique.

- Et bien je pense avoir saisi quelques brides de rumeurs ! Je …

Ah bah justement, voilà la personne dont elle voulait parler ! L’adjudente Theldj et le soldat Stealheart ! les deux guerriers avançaient comme dans une danse ou un jeu de chat et la souris. Un petit sourire en coin étira les fines lèvres de Wendy.

- Et bien oui, je les connais rapidement ! Mais je peux déjà assurer qu’ils ne vont pas s’ennuyer cette nuit, si tu veux mon avis !

La nouvelle médecin en chef repéra un balcon un peu plus loin et lâcha le bras de son ancien élève.

- Attends une minute !

 Elle se stoppa, se baissa et souleva quelque peu sa robe pour retirer ses talons et dévoiler de fines jambes. Elle commençait à avoir mal aux pieds à force de piétiner. Ses bottes lui manquaient déjà … Prenant les souliers maudits en main, la belle avança plus rapidement pour littéralement sauter sur le muret de pierre qui formait un balcon, laissant ensuite pendre ses jambes dans le vide, en proie au vent frais qui soufflait. Elle tapota bien sûr la place à ses côtés, invitant Calyxte à faire de même. Son visage se fit un peu boudeur. Les joues gonflées, les sourcils froncés … Une chose rare à voir chez Wendy qui est habituellement du genre à garder le sourire. Sans doute que l’alcool la rend plus honnête avec elle-même ? Elle reprend alors la conversation, expliquant ce qui lui trottait en tête.

- Honnêtement, j’ai pas encore fait connaissance avec les membres de la forteresse mais à cause de cette foutue robe, j’ai l’impression que ça va être dur d’être prise au sérieux ... Moi qui voulais faire bonne impression, je crois que c’est raté.

La rousse tira sur son jupon bleu, poussant un petit soupire quant à sa situation des plus ridicules. Elle observa alors ses mains. Ses mains seulement douée pour sauver des vies. Pas pour créer des liens.

- Je vais réussir à me faire une place en tant que médecin, ça s’est sûr. Je ne doute pas de mes capacités mais en dehors de ça, je crois que je vais vraiment galérer …

La jolie rousse laissa tomber sa tête sur l’épaule de Calyxte, le nez un peu rougi à cause du vent du nord.

- Qu’est ce que t’en penses toi ? Tu voyages beaucoup, tu dois bien avoir une technique pour réussir à te faire accepter par les autres, non ? 

Elle resta silencieuse avant de se redresser et de s’attraper le visage avec un peu de brutalité, faisant claquer ses mains sur sa peau déjà rendue sensible par le froid.

- Raaaah ! ça m’énerves ! C’est pas moi ça !

Elle n'aurait pas dû abuser de la boisson ... La rousse n'arrivait pas à penser de manière rationnelle et elle détestait ça pour une fois.

Assise sur le lit d'Elina, Zahria dévisage son amie. Quelle est cette émotion dépeinte sur son visage ? Difficile de deviner ce qu'elle pense à ce moment, aussi quand on l'invite avec un sourire à venir regarder la neige tomber, l'Ombre ne se fait pas prier. Déjà, ça lui permet de poser une main amicale sur l'épaule d'Elina, pour lui intimer son soutien, et de plus, ragoter comme deux enfants la ramène une fois de plus à leurs bons souvenirs de l'Académie, en essayant d'effacer les mauvais, évoqués quelques jours plus tôt lors de leur entrevue au manoir des espions.

Le premier couple n'est pas familier à Zahria, qui a dû les croiser durant la soirée mais sans leur prêter plus attention que cela. Elina par contre a les yeux rivés sur la jeune femme, qui doit être l'une de ses subordonnées. Elle est sur le point de lui poser quand la question, quand la Capitaine lui montre un deuxième couple formé, en apparence, par deux femmes, que cette fois-ci l'espionne reconnait tout de suite. L'une, parce qu'elle est avec Elina, l'une des reines de la soirée. L'autre, parce que c'est c'est Calixte grimé, et que la capitaine du Blizzard ne semble voir que du feu dans le déguisement de son protégé. Elle laisse échapper un petit rire amusé, notamment quand la tête du Médecin en chef, qui elle semble bien connaître la véritable apparence de l'espion, vient se poser sur l'épaule de ce dernier. De quoi le tourmenter des jours durant.

« Ça a l'air festif, ici... Il faut croire que les gardes du Blizzard savent parfaitement comment se réchauffer dans ces terres froides... »

Jetant un regard à Elina, elle se demande si son amie d'enfance se lâche autant que ses subalternes. Elle a l'air tellement plus responsable que l'Ombre, il semble dur de croire qu'elle soit capable de virevolter comme Zahria le fait pendant ses permissions - et même souvent pendant le service. Elle est le point de lui lancer une taquinerie à ce sujet, quand elle est rappelée à l'ordre par la question de la capitaine. C'est vrai qu'elle ne venait pas juste pour potiner sur les derniers couples formés à la Forteresse...

« Oui, effectivement, je voulais te parler... Même si j'apprécierai de pouvoir rester et assister aux élans amoureux des gardes du Blizzard, je repars demain pour la Capitale avec les recrues. J'ai une affaire en suspens qui m'attend là-bas... »

Et comme Elina semble l'inviter à en dire plus, Zahria déballe son sac sur cette affaire qui commence à l'inquiéter depuis quelques temps, prenant petit à petit de plus en plus de place dans son esprit.

« Je ne t'en ai pas parlé la dernière fois, parce que nous avions d'autres sujets de discussion, mais je suis sur une enquête en ce moment. Ça concerne un de mes amis d'enfance, Vrenn Indrani... Un gars dont le pouvoir est de se faire oublier de tous. »

Lancée dans son histoire, Zahria raconte tout ce qu'elle sait à Elina, depuis son carnet d'enfance retrouvé lors des funérailles de son père, jusqu'à la mission à Ollainbourg et toutes ses suspicions sur les activités à priori peu recommandables de Vrenn. Pourquoi se confier ainsi, alors qu'elle a pourtant l'habitude de tout garder pour elle sur les sujets qui la tourmentent ainsi que les dossiers de travail ?

Elina a cet effet sur Zahria, elle se rend compte qu'elle pourrait tout lui dire sans jamais sourciller ni attirer de jugement de sa part. C'est l'une des rares personnes à connaître sa condition d'espion maintenant, et leurs retrouvailles ont soudés leur amitié comme si les années d'absence n'avaient jamais existé. Elle a ainsi en la qualité de la Capitaine du Blizzard l'une de ses meilleures alliées, et Zahria lâcherait certainement tout pour lui venir en aide.

Quand elle finit de lui raconter l'histoire, de longues minutes sont passées, et elle a besoin de faire une petite pause pour reprendre son souffle et ses esprits. Elle bouillonne de colère comme à chaque fois qu'elle évoque l'homme oublié, sans vraiment de raison puisqu'elle n'a aucune preuve à son sujet. Si Elina a la capacité de la calmer et l'apaiser, la seule mention de Vrenn, dont pourtant elle ne se souvient pas réellement, peut attirer les foudres de Zahria.

« Voilà pourquoi je dois y retourner. Il faut que j'enquête sur lui, et que je le retrouve. Je doute que tu le croises un jour, et si c'est le cas, tu risques de ne pas t'en souvenir, mais bon, sait-on jamais, si tu as des données sur lui, pense à les noter et m'en informer. »

Elle prend le temps d'écouter la réponse d'Elina, et elle est sur le point de reprendre la parole, quand trois coups à la porte viennent les interrompre dans leur discussion. La voix grave du capitaine du Grand Port se fait entendre de l'autre côté. Si elle l'a déjà croisé, notamment quand il était en poste à la Capitale, Zahria n'a jamais eu l'occasion de se présenter auprès de lui, et n'a pas spécialement l'intention de le faire ce soir-là. Lançant un regard taquin à son amie, elle prend la parole.

« Moi qui me disait que tu étais sérieuse, contrairement à tes Gardes, je vois que tu invites des hommes dans ta chambre, finalement... Et pas n'importe qui ! Je vais vous laisser discuter, je dois me préparer pour mon départ, de toutes façons. Tu peux m'appeler sur mon cristal si tu as besoin de quoi que ce soit, je serais à la Forteresse en un clin d'oeil. »

Embrassant rapidement son amie, elle prend enfin congé, avant de se diriger vers la porte, qu'elle ouvre sur Yuduar chargé. Le gratifiant d'un sourire amusé, elle s'efface pour le laisser passer.

« Capitaine, la Capitaine vous attend. Bonne soirée à vous deux. »

Et refermant la porte sur les deux hauts gradés, Zahria disparaît.