Jin arque un sourcil pendant qu'il boit lorsqu'une jeune femme rousse arrive dans la précipitation vers le comptoir. Elle arrivait à discuter et en même temps préparer ses ustensiles de soins. Jin fait toute de suite le lien en jetant en œil sur la Garde aux cheveux dorés. Après un bref échange, le médecin s'approche de cette dernière et a ce que Jin interprète, commence un diagnostique visuel.
Cherchez pas m'dame, elle est hors service.
La curiosité gagnant du terrain, Jin pose son verre et donne un peu plus d'attention sur l'intervention. Curieux d'abord, puis légèrement admiratif sur l'altruisme de cette personne. A vrai dire, c'est quelque chose de pas très naturel chez le Chasseur de Prime, mais cela ne l’exonère pas d'un profond respect pour le Corps Médical. Il fronce les sourcils à nouveau en l'a voyant lui administrer une feuille séchée.
En quoi une feuille séchée peut estomper 10 Litres de bières? J'comprend quedalle à la médecine c'est terrible. Allez, passe à autre chose Jin.
Le Chasseur de Prime récupère sa chope puis plonge ses yeux à l'intérieur avant de boire cul-sec. La voix d'une jeune femme se connecte à ses oreilles. Reposant la chope, il réalise...Que c'était dans sa direction. Il prit quelques secondes avant de préparer sa réponse, car Jin est l'antipode du savoir être. Il regarde une dernière fois la garde, qui vraisemblablement se remet peu à peu de son état avant de se tourner de nouveau vers son interlocutrice.
- Euh, j'sais pas. Si vous aimez les fortes, j'vous conseille la Lunaire, c'que j'prend parce que c'est bien fruité. Sinon vous avez c'que j'viens de prendre, une bière brune. Un peu amer, mais pas trop forte. J'évite l'alcool d'habitude..C'est pas très bon pour...Enfin bref. Jin, Chasseur de Prime, pour la Guilde.
De la main droite, il cherche quelques malheureux cristaux suite à la proposition du Médecin se préparant à refuser son offre mais...
Bordel, j'ai plus un rond.
- Eh bien...Volontiers.
Tu n'es plus seul désormais, c'est le moment de devenir social. Et pis, y'a pire comme compagnie non?
- Garçons, deux lunaires ! Alors, vous connaissez la Donzelle qui rampait par terre avant votre arrivée ? Ça fais un p'tit moment qu'elle parle avec le parquet.
Ses lèvres se fendirent d’un large sourire renard, tandis qu’elle portait la main à sa hanche pour en extraire une bourse de cuire. Les cristaux tintèrent sur le comptoir, au grand bonheur du tavernier.
Par le plus grand miracle de la vie, le tavernier fit apparaître deux choppes pleines de dénommée Lunaire entre leurs mains. Le liquide mousseux présentait une couleur tout à fait appétissante et Luz ressentit tout à coup le besoin de se désaltérer. Ah, ces vieux fourbes de la Guilde ! Ils n’avaient pas leur pareil pour appâter de nouveaux candidats par le biais d’un charmant liquide.
Elle se retourna pour jeter un regard circonspect sur la blonde, de toute évidence en pamoison devant un autre client du bar. Elle retint un profond soupir désabusé.
Elle se tourna cette fois-ci entièrement vers Jin, sa choppe levée bien haut dans sa dextre.
Elle porta la chope à ses lèvres, savourant avec délectation le goût ambré et fort de la bière. Pas son alcool préféré ceci dit, mais elle était prête à faire une exception pour la beauté du moment. Et puisqu’elle était incapable de se limiter à une paire de questions, elle jugea bon de poursuivre sur sa lancée :
Oui, hein. Peut-être une conversation un tantinet trop philosophique pour deux buveurs attablés à un satané comptoir, Luz.
- La Guilde bosse sur un gros répertoire de mission. Et quand c'est du bonhomme qu'ils cherchent, avec du pognon sur leurs têtes, ils font appellent à moi.
Il marque un temps d'arrêt, puis affiche un sourire carnassier.
- Ouais les humains c'est mon truc, les animaux n'ont pas besoin d'être punis.
Jin tend l'un des récipients à la personne qui lui fit cet honneur d'offrir un verre, pour sa première dans cette taverne à la surprise générale. Après tout, qui approcherai un homme cicatrisé aux mèches rouges qui tire une tête dénué de sentiments ? Le médecin la saisie et jette un œil bienveillant au garde. Jin fit de même et remarque que ce n'est pas encore gagné.
- Sans nul doute, après j'peux la comprendre. Leurs métiers n'est pas évident, ça doit demander quelques sacrifices. Lâcher du lest de temps en temps, ça fait pas d'mal.
Lorsque la Rousse leva sa chope, il recule d'un pas en arrière, surpris du geste sur et ferme de sa part, comme une aventurière fêtant sa fin de mission. Un rictus aux lèvres, Jin fait de même :
- Et aux médecins qui les réparent !
Les choppes s'entrechoquent faisant déborder la mousse puis tout deux boivent quelques gorgés scellant une belle rencontre. La délectation fut telle pour Jin qu'il ferme les yeux et savoure chaque gorgée avant de poser son verre sur le comptoir.Les questions s'enchaînant, la curiosité du Médecin ne déplaît pas vraiment le Chasseur de Prime. Il reprend son sérieux les mains autour du verre, en regardant un peu tout le monde dans le bar.
- Eh bien, quand on est en roue libre, les accès aux contrats et aux primes sont plus compliqués. Il m'arrive de bosser avec la Garde pour les soulager de quelques têtes en liberté qui méritent d'être enfermé. Alors j'ai décidé de m'engager. C'était du gagnant-gagnant. Alors pourquoi pas être garde vous allez m'dire? Bah j'ai pas qu'ça à foutre de patrouiller en ville.
Il expire un petit rire et boit une gorgée avant de se tourner vers Luz.
- Et vous ? Vous avais l'air d'être une nana qui bosse sur le terrain j'me trompe? Ou alors vous avez un cabinet ? Avec une salle d'attente affreuse et une vielle secrétaire qui oublie de noter les rendez-vous ?
Dit-il d'un ton ironique, mais loin l'idée d'être piquant. Malheureusement, il est impossible pour Jin de ranger son sarcasme.
« Hé bien, Jin, vous savez, quand un Chasseur de tête abîme un peu trop la marchandise, c’est vers moi que se tourne la Garde pour la rendre suffisamment potable avant l’interrogatoire et son procès. Les vieux corps abîmés sont bien plus difficiles à trouver en pleine campagne que dans les rues mal famées de la Capitale. »
Elle lui fit un clin d’œil amical et se redressa pour s’autoriser une nouvelle rasade d’alcool. Suite à quoi un long soupir la gagna et elle haussa théâtralement les épaules en signe d’impuissance :
Elle lui jeta un coup d’œil en biais, plus si désinvolte. S’était-il rendu dans la Cité Enfouie ? L’avait-elle déjà croisé parmi les autres escouades ? Elle creusa sa mémoire. Non, elle n’était peut-être pas suffisamment médecin pour rester dignement en place dans un cabinet… Elle ne comptait plus le nombre de fois qu’elle découchait pour courir à travers tout le foutu continent. Elle n’était décidément pas la digne héritière de son nom !
Elle passa sa dextre sous les replis soyeux de son décolleté et en sortit de seul Lucy savait où une petite affichette cartonnée. Elle la déposa sur le comptoir et la fit glisser d’un doigt jusqu’au chasseur de prime, non sans un regard parfaitement malicieux :
Elle ajouta, un sourire cette fois-ci narquois sur le rouge de ses lèvres :
… Vous voyagez beaucoup, Jin ? »
- Vous avez l'air de faire du beau boulot, puisque le Juge les reconnait pendant le procès. Bravo, j'suis pourtant créatif quand il s'agit de refaire le portrait.
Jin répondit de son clin d'oeil en arquant un sourcil, agréablement intrigué, puis accompagne le médecin avec une énième gorgé.
- Ah ça, le recrutement n'est jamais évident. Laissez la sélection naturelle faire le travail.
La question sur ses cicatrices fait rebondir Jin dans ses souvenirs. Tellement qu'inconsciemment il frotte l'une d'elle sur le visage avec le regard perdu, dans sa tête, refaisant l'un de ses combats qui lui à coûté cette trace, faisant parti intégrante de son histoire désormais. Il secoue la tête brièvement avant de fixer son partenaire de comptoir.
- Ma vie n'est pas vraiment une promenade aux champignons en effet. Dans mon métiers on tombe sur pas mal de loustic, sans réellement comprendre comme ça se fait qu'on soit toujours en vie. Le talent? La chance? En tout cas ça laisse des traces, et votre œil médical doit vous dire que ce n'est pas en me coupant un bout d'fromage.
Son regard suis sa main se faufiler dans ses vêtements, puis tourne la tête, avec un léger sourire, lorsqu'il en devine la destination. La main féline de la jeune femme se glisse devant son visage, laissant une carte sur le comptoir. Il l'a saisie, puis après sa lecture regarde de nouveau cette dernière, malicieuse et intrigante.
- J'prend note, c'est pas impossible que j'passe vous voir pour un bobo non cautérisant.
La carte en question disparaît dans la poche intérieur de son manteau puis pose son coude sur le comptoir, face à elle.
- La société fait naître des criminels, et les criminels font naître des gens comme moi. Curieux équilibre, en effet...J'ai voyagé toute ma vie. Mais j'évite les contrées froides, parce que...
Après un claquement doigt, une flamme de bougie jaillit entre son pouce et l'index. Amusé, il bouge la main faisant danser la petite flamme illuminant les yeux des deux protagonistes.
- Quand j'me les gèlent, mes pouvoirs s'atténuent.
Il rapproche ses doigts, baissant en intensité la petite lumière enflammée.
- Mais quand je suis dans mon élément, lors de journées chaudes...
Il ouvre la main davantage puis le feu prend une plus grande envergure, de la taille d'un petit feu de camp.
- Je suis en pleine forme, et mes pouvoirs me fatigue beaucoup moins.
Il ferme le poing brutalement, étouffant la flamme qui disparu aussitôt, puis récupère sa chope.
- Mais lorsqu'il s'agit d'aller en mission, peu importe la météo, j'me dois d'y aller. Et puis je sais toujours me battre... Vous, en revanche, je n'ai pas besoin de poser la question. Vous êtes trop curieuse pour rester en place, j'me trompe ?
Festival du Solstice
Après feu le stand du magicien je continue ma balade lorsque je reconnais sans mal une voix qui passe par dessus les autres. Celle de ce bon Jack qui tient un stand de bons vivants. Ça lui ressemble bien ça ! Et si j’allais me boire une petite bière moi ? Après tout ça ne me fera pas de mal, et écouter l’homme raconter ses déboires me ravigotera pour sûr !
C’est qu’il y a du monde, j’ai l’impression que des chaises et des tables de fortunes ce sont rajoutées un peu partout, donnant une belle dimension au stand. Digne du Vieux Gaspard. La garde va-t-elle reprendre l’homme sur ce débordement ? Peu importe, profitons du moment !
Je m’installe dans un coin, et j’écoute ce bon Jack bien occupé jusqu’à ce qu’il me voit. Il garde l’oeil partout celui là !
- Naë ! T’es là !
- Comme tu vois.
- Ah, toujours aussi loquace toi ! Dit-il en riant.
Je ne prends même pas la peine de répondre. Avec son sourire chaleureux il attrape de quoi me réchauffer le foie.
- Un bon cru, goûte moi ça !
J’attrape la chope et bois une bonne rasade, et bon sang qu’il rigole pas ! Je sens la boisson me chauffer la langue, puis l’œsophage jusque l’estomac. L’homme voit ma mine se décomposer et rit de bon cœur, trinquant avec moi.
- Qu’est-ce que c’est que ça Jack?
- De quoi te délier la langue mon grand.
Ah ça … Après trois verres me voilà en train de papoter avec de parfaits inconnus. Je ne sais même plus de quoi nous parlons, le curling est-il un sport je crois vaguement me souvenir … Sur le coup ça semble très intéressant, on a un long débat sur le sujet, je finis par me lever, la tête me tourne bien trop. Jack revient pour me servir une bière, je refuse mais il insiste, sous prétexte que ça me fera passer le mal … J’avais oublié comme la volonté est piètre guerrière dans les moments de bourratitude comme je le suis à cet instant. Et autant vous dire que le dernier verre n’aide en rien à faire passer le reste !code ─ croquelune
Sur une petite scène un peu plus loin, quelques groupes amateurs défilaient sous l’oreille plus ou moins attentive de la foule avinée. Très clairement certaines notes avaient aussi dû boire un coup pour être aussi dissonantes, mais nul ne s’en offusquait. Et de tous les stands sur lesquels l’espion avait trainé, c’était de loin le plus populaire. On jouait presque des coudes pour passer commande au bar, et il faisait exponentiellement chaud en s’en approchant. Il semblait aussi se passer d’étranges choses audit bar. D’aucun s’amusait à faire courir la rumeur qu’un Aryonpedia trônait entre les barmen, et que les ingrédients des divers cocktails y étaient tirés aux fléchettes. Un murmure sur l’arrivage d’une caisse entière de potions d’ivresse trainait aussi. Et cela, bien au contraire de rebuter les fêtards, ne faisait qu’ajouter à leur entrain.
- Bien sûr qu’j’en ai vu une rousse, même qu’elle en avait des cooooomme ça, déclara Ben en mimant bancalement une poitrine devant lui.
Bancalement car il était vraiment en train de se casser la gueule.
- T’as r’gardé qu’ça, elle était pas rousse ! C’était la femme à Juju.
- Rousse, blonde, brune ~
- J’ai vu la Première Ministre moi.
- ‘tin t’étais déjà rond, ou bien ?!
- Nan, nan, j’te jure !
- Et elle est rousse aussi ?
- Non, ça c’est la cap’taine des montagnes.
- T’confonds pas un peu mon con ?
- … c’pas celle qu’aurait jamais vu l’loup ?
Bon, visiblement c’était pas là où il réussirait à récupérer quelques informations tangibles, et encore moins sur les hypothétiques déambulations de Luz Weiss qu’il cherchait toujours un peu désespérément à croiser. Joignant le rire communicatif de la tablée alors que Pierre derrière le comptoir leur en racontait un bien bonne, il laissa ses préoccupations dans un coin de son cerveau. Il aurait tout le loisir d’y retourner d’ici la fin des festivités, alors autant profiter de l’instant présent en drôle de compagnie.
Olive me fait un geste de la main qui me dit qu’il est sur une grosse commande et qu’il a pas deux minutes. Je le reconnais bien là. Le client en premier. Une bonne logique. Pour la peine, je me glisse derrière lui et je me sers une grande rasade de blonde que je torpille en quelques gorgées d’assoiffés. C’est que ça fait un bout que j’ai pas pu un coup, que j’ai crapahuté et que j’ai rencontré des gens. Ça assèche le gosier et c’est tout de même un sentiment bien horrible. Je pose un coude sur un tonneau derrière, regardant mon stand. Ouai, tout a l’air de bien se déroulé. Le groupe des « Fatals Capitale » sont sur leur dernière chanson, emportant une vingtaine de fidèles dans un chœur débraillée qui ferait peur à un sourd. Et le groupe suivant se prépare. Ces aventuriers ; des jeunes branches pleines de talents. Heureusement qu’il y a des examinateurs comme moi pour les guider.
-Salut Jack. Une goutte ?
Comme moi et Gégé. Mon collègue me propose une lampée d’un truc bizarre dans une bouteille sans étiquette. Si c’est Gégé, c’est validé. Je vide d’un trait sans me poser de question et je sens ma gorge s’éveillait à de nouvelle sensation. Un sourire niais s’étale sur son visage rougeau, haussant les sourcils en cadence, attendant mon analyse.
-C’est de la bonne, ça, Gégé. C’est quoi ?
-Recette secrète.
-Laquelle ?
-Numéro 5.
Gégé et ses distillations secrètes. Un monument du patrimoine culturel. Il me fait un signe discret qu’il doit aller se vidanger la vessie et il quitte son tabouret d’un pas à la fois assuré et terriblement sur le fil de la chute. Gégé tombe rarement. Et quand il tombe, c’est la faute du sol. Il y a pas idée de ne pas faire des surfaces planes. Sérieusement, les types des travaux publics, c’est pas les meilleurs. M’enfin, Olivier revient vers moi, torchon sur l’épaule et la goutte de sueur au front. Il carbure bien. Il s’est octroyé une petite mousse dans un galopin qu’il goutte juste. C’est qu’il faut rester en pleine possession de ses moyens pour assurer le service.
-T’es parti longtemps, Jack ?
-Un bon moment, ouai.
-Marrant. Je suis persuadé de t’avoir vu discuté avec des gens… Genre Naëry.
-Naë ? Je crois pas non.
-Sisi, je te jure.
-Ah ouai ? Bah, ça doit être mon don d’ubiquité.
-Le fameux ? Celui que tu contrôles pas ?
-Celui-là même. Mais n’en parle pas trop, hein.
-Bien sûr. Ça serait coton si Lou te mettait sur dix missions à la fois.
-Sûr que ça gonflerait les chiffres.
-Ah, merde, le v’là.
Il finit son galopin d’un trait et se penche pour faire genre qu’il écoute une commande d’une des victimes de Gégé effondré sur le comptoir. Derrière lui, Lou s’approche et me jette un regard indéchiffrable de mépris. Oui, c’est concept.
-Callahan. Vous avez déserté trop longtemps votre poste.
-J’ai été ralenti, monsieur. Vous savez, la fête, tout ça.
-Oui. Bien sûr. Les mêmes excuses que pour justifier votre incapacité à faire votre travail.
-Voilà. Monsieur.
-Vous allez vous mettre au travail tout de suite si vous ne voulez pas que je vous retire de ce stand officiel de la guilde.
-Bien sûr monsieur ! Tout de suite monsieur !
Me retirer du bal des Palais ? L’horreur. C’est un peu comme si on m’arracherait le cœur. Je me tourne dérèche vers le comptoir et je pousse presque Olivier pour lui piquer la prochaine commande. Douze bières ? Ça marche. Voilà une tablée qui a des besoins conséquents. Et parole de Whiskeyjack, c’est de mon devoir de satisfaire les besoins des clients. Et des amis.
Jack is back.
La moralité de toute cette affaire, je pense, c’est que j’ai pas assez bu. J’me pointe au stand de Jack, le Bal des Palais, et j’repère Gégé qui va pisser. Bon, s’il est plus là pour distiller sa cuvée spéciale, pas le choix, j’vais me servir. J’passe tranquillement derrière le bar, en confiance, dans le chaos ambiant. Jack s’est remis au boulot, d’ailleurs, après une petite pause bien méritée. Il tire une quantité astronomique de bière, qu’il entrepose juste à côté de lui sur un immense plateau. Déjà huit de posées là.
J’me baisse sous le comptoir, et j’ouvre un placard un peu planqué. C’est là que y’a les cuvées spéciales de Gégé. Il se dira sans doute qu’il a bu davantage que ce qu’il aurait cru, j’suppose. J’attrape une bouteille qu’est toute derrière, et qu’est, contrairement aux autres, pas numérotée. Y’a juste un dessin dessus, mais j’suis incapable de dire ce que c’est, pasque c’est fait d’une main tremblotante. Et si Gégé avait la gigite quand il a fait ça, c’est que ça doit bien taper. Pile ce qu’il me faut pour passer une bonne fin de soirée.
D’ailleurs, j’pense que c’est un dragon. Y’a un long trait qui fait comme un « S », avec une petite boule au bout pour la tête, et une pointe de l’autre côté qui montre la queue. Et deux p’tits traits au tiers, qui signalent les ailes. Ouais, une boisson draconique, ça n’fait aucun doute. Y’a des trucs qui flottent dedans, tout en bas, tout au fond. Sûrement des écailles ou des dents de dragon. Ça serait Gégé tout craché, d’acheter des objets d’une rareté incroyable, et s’en servir pour distiller un alcool à te réveiller les morts, puis les recoucher pour la peine.
« Besoin d’un coup d’main, Jack ?
- Oui, prends ce plateau, tu seras un amour. »
J’attrape le second plateau recouvert de bières, et j’suis mon collègue jusqu’à une table de la taverne, et on commence à les poser. La bouteille Dragon dépasse de ma poche, de façon assez voyante, mais encore faudrait-il que quelqu’un regarde. Quelqu’un qui s’appellerait Lou, par exemple.
« Qu’est-ce que vous faites là, Indrani ?
- J’rends service, Lou.
- Vous n’avez pas votre propre stand ?
- Si, mais j’rends service.
- Est-ce que vous avez fait vos heures ?
- Bien sûr, bien sûr. Mais personne s’en rappellera.
- Oui, je suis au courant de ce petit problème. »
Son regard de serpent me jauge, froid et implacable.
« Et cette bouteille dans votre poche, vous l’avez prise dans le bar ?
- Absolument pas.
- Pourtant, il semble que…
- Impossible, elle n’est pas dans l’inventaire, chef. »
En une fraction de seconde, j’le vois reparcourir l’intégralité de l’inventaire du bar, et effectivement, les bouteilles de contrebande de Gégé n’y figurent pas. Mais il doit savoir.
« Vous n’avez rien à faire derrière le bar, Indrani.
- Chef, oui, chef, j’vais me mettre à une table gentiment. »
Mais il tourne déjà le dos pour invectiver froidement et sèchement un autre examinateur qui sert deux millimètres de trop dans les verres de pinard, ce qui va occasionner une perte considérable pour la Guilde, s’il sert plus de vingt-quatre verres précisément. Une machine, ce Lou, c’en est effrayant. Mais les finances de la Guilde comptent sur lui, et sur le règne de terreur qu’il fait régner sur tous les services administratifs de la Capitale.
J’me pose avec ma bouteille, en amoureux, et j’enquille le premier verre.
Au début, je ne sens qu’une impression de chaleur, voire de brûlure. Puis voilà le bon goût.
Y’a pas de doute. Non seulement c’est bon, mais en plus ça tape sec.
« Elle a pas l'air d'aller bien, notre cartographe. Tu veux un p'tit remontant ?
- Volontiers, Jack, j'en aurais bien besoin.
- J'te ramène ça, attends, après tu pourras me raconter tes déboires. »
Il repart, et la tête de Zahria retombe entre ses bras, accompagnée d'un très long soupir. Elle ne voit pas autour d'elle, mais les sons lui parviennent quand même, et ça a l'air d'être le rush au stand. Faut pas trop qu'elle s'attarde, elle voudrait pas même Jack dans l'embarras. Même ses paroles réconfortantes seraient les bienvenues. C'est toujours sympa, de recevoir une tape dans le dos et quelques mots gentils de la part de Jack. On sent que ça vient du fond du coeur, sans aucune malice. Pas étonnant qu'il soit aussi demandé. Elle entend qu'on l'interpelle à toutes les tables, et il a toujours le bon mot pour tout le monde. Quand il vient enfin déposer une pinte devant Zahria, il prend même le temps de discuter un peu avec elle, ce bon Jack.
« Alors, qu'est-ce qui a ? Mal d'amour ?
- Euh... ouais, selon ta définition, on va dire que c'est ça.
- Je comprends... Les hommes sont insaisissables parfois. Mais faut rester optimiste ! Il finira par tomber dans tes bras, t'inquiète pas...
- D'ailleurs, tu l'aurais pas v...
- Hey Jack ! Comment ça va ? Tu me sers à boire ? »
Jack est déjà interpellé ailleurs, et Zahria s'interrompt dans sa question. Ouais, c'est vraiment pas le moment de l'embêter. Après un sourire de circonstances, elle le laisse repartir, après tout, c'est normal, il faut qu'il fasse tourner son stand. Elle boit sa bière en silence, et dès qu'elle arrive à la fin, Jack revient en poser une nouvelle, en la débarrassant de la première. Il aurait pu être barman, s'il avait voulu. Il a le goût du service et le bon contact.
« Mais t'es toute seule, Zahria ?
- J'étais avec une amie, Elina, mais elle a disparue, elle aussi...
- Oh ! Elina... Tu la connais bien ? »
Elle voit qu'une lueur d'intérêt s'est allumée dans le regard de Jack, et ne peut s'empêcher de sourire. C'est bien la première fois qu'elle le voit comme ça, et pas besoin de beaucoup d'explications pour comprendre.
« Ouais, je la connais depuis au moins vingt ans... Je lui passerai tes salutations, si tu veux.
- Oh oui, je veux bien. J'ai dansé avec elle, tout à l'heure, mais je l'ai perdue de vue...
- Les femmes aussi peuvent s'avérer insaisissables, hein Jack ?
- M'en parle pas...
- C'est l'heure de pointe, on dirait...
- Ouais, d'ailleurs, je vais devoir te laisser à nouveau, désolé...
- Pas de problèmes, Jack. De toutes façons je vais décamper après celle-ci, j'ai encore à faire.
- Attends avant de partir, je te ramène un truc pour la route. Cadeau d'ami.
- Merci Jack, t'es un chic type. »
Il lui sourit en acquiesçant, puis s'éloigne à nouveau. Imaginer Jack et Elina danser ensemble tire un rictus à Zahria. Après tout, pourquoi pas ? Ils iraient plutôt bien l'un avec l'autre. Ça sortirait un peu Elina de son quotidien, et vu l'état dans lequel elle s'est mise aujourd'hui, elle semble en avoir besoin. Et puis on ne peut espérer mieux que Jack, toujours au service des autres... Non, vraiment, si elle peut les pousser dans les bras l'un de l'autre, Zahria n'hésitera pas à le faire. Mais pour l'heure, il faut qu'elle retourne à sa chasse. Elle relève enfin la tête, et le barbu qu'elle aurait pu reconnaître n'est plus là, mais sa détermination est de retour.
Zahria commence à avoir les sens un peu engourdis par l'alcool, mais bon, deux pintes, c'est rien. Par contre la bouteille sans étiquette que vient de poser Jack devant elle, c'est autre chose. Elle l'ouvre, et rien qu'à l'odeur, elle sait qu'elle ne devrait pas boire ça. Mais c'est Jack qui lui a offert, et ça a l'air bigrement bon... La brune s'en lance une gorgée dans le gosier, et ça fait du bien. Puis elle se lève, laisse quelques cristaux sur la table pour régler son addition, et sort du stand, bouteille à la main. Mince, elle a oublié de lui demander s'il avait vu Vrenn. Tant pis. Elle continue à boire, se dirigeant vers le prochain stand, alors que l'alcool se déverse dans son sang. Après un petit regard vers le ciel, elle se rend compte qu'il commence à se faire tard, et le bal va bientôt commencer. Il faut trouver Elina... Il faudra lui parler de Jack...
Il leva la main devant son visage et en bonne élève éduquée, Luz amarra ses prunelles interrogatrices à son geste. Une flamme, mince et effilée, ne tarda guère à y apparaître. Haussant un sourcil plus que surpris, l’esprit de Luz partit immédiatement dans une course effrénée. Si elle devait en croire la parfaite tenue de sa peau qui ne brûlait pas et son calme tranquille d’habitué, ce feu magique ne mordait pas son corps. Un manipulateur d’incendie… ? Elle ne put s’empêcher de faire le rapprochement avec sa propre énergie… Les manipulateurs d’éléments n’étaient pas communs et plutôt rares à travers la cambrousse. Elle n’avait jusqu’alors encore jamais rencontré d’individu dont l’énergie tangible fut si proche de la sienne : entre feu et électricité, il n’y avait après tout qu’un chouïa de subtilité concentré ! Elle sourit intérieurement, jugeant que ses brûlures à lui devaient toutefois être beaucoup plus douloureuses que les siennes.
Elle pencha sensiblement la tête de côté, quelques mèches flammes glissant d’une épaule, trop attentive pour songer à masquer l’éblouissement qui transparaissait sur ses traits. La flamme gagna en intensité, ne gênant visiblement nullement son propriétaire. A quelques mètres de là, le tavernier leur jeta un regard désapprobateur, marmonnant quelque chose à propos de la jeunesse sans gêne qui se permettait décidément de réchauffer les bouteilles pour draguer des minettes.
Elle porta la main à sa hanche par réflexe et se souvint alors que l’absence de poches sur sa robe ne lui avait guère permis d’emporter son carnet de notes. Elle grimaça, trop habituée à jeter à la figure des gens une liste interminable de questions depuis bientôt 25 ans. Elle leva sa dextre en signe de pause et crut bon d’ajouter quelques explications à son évidente ferveur :
Elle retourna sa main, cette fois-ci paume vers le ciel. Ses prunelles vertes se zébrèrent d’un doré plus concentré, et l’énergie se mit à fourmiller sur sa peau en vrombissement ténu, l’électricité léchant sa main en vifs éclairs tantôt chaotiques tantôt continus. Joueuse dans son imitation, elle referma le poing, de légères corolles fumantes sur ses doigts.
Elle jeta un regard à la va vite sur le soleil qui déclinait paisiblement à l’horizon. Sa choppe terminée, elle revint à sa contemplation de Jin et lui proposa cette fois-ci avec un sourire engageant :
Mes tribulations m'avaient depuis emmenée sur tout un tas d'autres stands que je redécouvrais avec un œil nouveau : celui de la tête qui tourne après avoir virevolté comme une idiote. La danse, non, ça n'était pas pour moi, pas ce soir en tout cas. J'avais même été contrainte de faire un arrêt technique, seulement pour remarquer que quelqu'un avait déjà vomi avant moi sous la fenêtre de cette attraction maudite, le « PC Sécu ».
Haha, bien fait tiens.
À présent je faisais les yeux doux au barman pour avoir un cocktail, histoire de varier les plaisirs. Quelque chose avec beaucoup d'alcool, beaucoup d'alcool et beaucoup d'alcool, mais tous différents. Je devais avoir été claire car il ne peina nullement à satisfaire mes besoins naturels.
Je m'écroulai un peu plus tard sur mon arrière-train, à même le sol ou presque. À côté de moi, un homme trônait salement, endormi, le visage enfoncé dans un coussin, un pack de seize bières à moitié entamé à côté de lui. Quelle drôle d'idée, de dormir dans cette position...
Prise d'une soudaine empathie pour le bonhomme, je lui administrai une claque dans le dos sans provoquer la moindre réaction, avant de me relever et tomber nez à nez avec mon cavalier.
« - U-oh... D-chak ! Vfous izi... »
Sur la scène, le dernier groupe de musique s’installe pour des musiques douces, à limite du romantique. Parfait pour les couples qui viennent de se former au fil des discussions et des verres échangés. Ça serait parfait si Zahria et Prenn faisait un petit slow là, au milieu de la simili piste de danse. J’aurais le sentiment du devoir accompli. Moi-même, je m’en viens à penser à cette fille, là. Elina. Marrant que Zahria la connaisse. Comme quoi, le monde est petit. Il y avait un petit truc dans son regard quand on en a parlé, comme si elle se faisait des idées. M’enfin, je sais pas. Toute façon, on s’est perdu de vue. C’est du passé. Allez, un autre fond de la gnole à Gégé. Les commandes avec Olivier sont plus rares. Les fûts se vident. On est plutôt peinard. En plus, Lou est occupé à faire les comptes. Il y a de quoi l’occuper depuis un moment. C’est avec le sentiment du devoir accompli qu’on regarde nos derniers clients sur le son lent et mélodique d’un violon.
-Faudrait aller vérifier Nico. Il avait l’air mal.
-J’y vais Olive.
-Merci Jack.
Je fais le tour vers là où notre pote Nico s’est couché et c’est là que je tombe sur Elina. De juste. Mon sang ne fait qu’un tour et alors que nos regards se croisent et je sens la chaleur me monter soudainement aux joues.
-El… Elina ?
Ça c’est bien ma veine. Elle est là. Le destin l’a remis sur son chemin. Avec ses courbes. Son petit sourire. Sa tête penchée sur le côté. Adorablement. Elle a vraiment quelque chose pour elle. Un instant, je sais pas quoi dire, mais ça doit être l’alcool. Pas facile pour Jack. Gégé, il donne de l’énergie, mais il ralentie certaines fonctions.
-ça fait… longtemps, hein ?
-Zoui..
On se fixe sans savoir quoi dire. Puis du côté de la scène, j’entends les notes d’un slow bien connu. Je souris bêtement et je jette un petit regard évocateur à Elina.
-On… on danse ?
Elle semble hésiter, puis elle acquiesce lourdement. Je lui prends délicatement la main et je l’emmène par la taille sur la piste de danse. Face à face, on commence à danser, comme si l’un soutenait l’autre. Ou l’inverse. Je sens son souffle sur mon visage. Elle a sacrément abusé de la gnole de Gégé, Elina ? Je sentirais les embruns de l’alcoolisme à cinq kilomètres. Ça ne la rend que plus séduisante. Elle aime boire et ça, c’est forcément un bon signe. Contrairement à ce que disait Zahria, les femmes ne sont pas si insaisissables que ça.
Elle s'approche du comptoir et attire l'attention d'Olivier d'un signe de la main. L'homme s'approche pour prendre sa commande.
« Votre alcool le plus fort. » réclame-t-elle sans la moindre politesse.
Un autre homme s'approche alors et prend la place d'Olivier. Grand, barbu, alcoolisé, il semble très sympathique. Et il l'est. Il prend la parole.
« Salut. Ça va bien en cette belle soirée ? Vous avez besoin de quelque chose ? Quelque chose de fort ? dit Jack avec sa plus belle voix.
- C'est juste.
- Vous savez, vous me faites beaucoup penser à une amie à moi. Une chic fille. Elina, vous connaissez ?
- Non. Sinon mon verre, c'est pour quand ?
- J'vous l'apporte. Tenez, c'est la maison qui offre. Et quand je parle de maison, je parle bien évidemment de moi... »
Elle le dévisage de haut en bas, pousse légèrement le verre qu'il vient de déposer devant elle dans sa direction et s'éloigne de la même façon qu'elle est arrivée. Il a l'air très sympa, mais elle n'a pas spécialement envie de discuter avec un individu de son genre maintenant. Pourtant, ça semble être un chic type !
Une danse, encore ? Je peinais déjà à retrouver la stabilité après nos derniers pas échangés, mais le regard de mon ami se voulait insistant. Qui pouvait dire non à Jack ? Cet homme au grand cœur qui m'avait sauvée par le passé. Pas facile...
« - Eb-bje gro-ois queuh... »
En vérité je ne savais pas vraiment quoi dire. Nous valsions tranquillement et mes pieds peinaient à trouver les emplacements qui m'avaient été enseignés il y a bien longtemps, au lieu de cela je pataugeais avec un sourire hébété et une étrange impression de sécurité. Cela me faisait exprimer des sentiments étranges et avoir des images à l'esprit.
Celles...
« - Z'at-dentais deb... buis longd-temps g-guelqu'un... g-commeuh t-toi. »
Dans le fond, j'avais probablement toujours cherché cela. C'était la raison de mes premières relations et la raison pour laquelle je m'étais fourvoyée en m'intéressant aux premiers hommes de ma vie. Ô bien tristes excès qui m'avaient amenée jusqu'à ces moments de doute.
« - P... Papa.... »
Réfugiée dans les bras du beau Jack, ma tête sur son épaule, je me laissais aller et fermais les yeux. Oh non, ce n'était pas une bonne idée ça. Soudainement, je me retrouvai loin de mon cavalier, repoussé puissamment, pour trébucher maladroitement jusqu'à la zone d'ombre la plus proche. Et y rendre mes dernières consommations.
Si y’a bien un stand où il reste des gens, malgré l’heure totalement indue… on doit pas être loin de quatre heures du mat’ ? Mais donc, s’il y a bien un stand qui va pas fermer avant demain… demain midi, peut-être même, c’est bien le bal des palais. Ah ça, surtout maintenant que la fête est terminée au palais, tous les fêtards qui se respectent se sont regroupés là. Et ça fait une sacrée presse, on va pas le nier. Au point que la foule déborde sur les rues alentours, et que c’est le chaos chez les aventuriers.
Ils pourraient me cacher dans un coin ?
Nan, Jack serait foutu de laisser Zahria me trouver, pour que notre couple puisse avancer dans de bonnes conditions. Mais a priori, à moins qu’elle ne prévoit d’aller en taule avec moi, nos retrouvailles risquent d’être salement écourtées, surtout si on m’envoie me promener de l’autre côté de la frontière. Et les fenrir, c’est pas trop mon truc, à part le petit plat qu’est fait au resto juste en face des locaux de la Guilde. Un truc délicieux, au demeurant.
Donc nan, chacun pour sa gueule. En plus, le gars de la vieille continue à nous suivre, encore qu’on le sème petit à petit.
J’me faufile entre les groupes de gens qui discutent, sans hésiter à filer des coups d’épaule ou de coude s’ils mettent trop de temps à mon goût à se décaler, et c’est souvent. Ceux qui gueulent, j’leur fais un doigt, et j’trace. M’oublieront bien vite.
En passant à côté d’une table, j’attrape un verre qui semble rempi de flotte. Pile ce qu’il me faut. J’prends une gorgée. Vodka. J’crache tout, et j’attrape un pichet qui, lui, m’désaltère davantage. Bière, cela dit, mais ça fait du bien. J’recrache la moitié quand même pour m’laisser le loisir de respirer. J'm'en renverse dessus, d'ailleurs, mais aucune importance. J’avise Lou plus loin, mais j’m’esquive avant que son regard de faucon me tombe dessus.
Puis j’jaillis de la foule de corps de l’autre côté de la place. Allez, si avec ça elle me suit toujours…
Mais si, elle est toujours là.
Putain.
Avec un soupir, j’me remets à courir. Que ça s’arrête, pitié…
Oh merde, le stand de Jack. Il est là, d'ailleurs, il danse un slow avec Elina. C'est mignon. Elle l'a retrouvé, c'est bien ce qu'elle pensait. Ah, et puis là, elle se vide. Un peu moins romantique, d'un coup. Bon par contre, rester concentrée, parce que y'a du peuple. Les gens qui sont sortis du palais et qui voulaient continuer la soirée sont tous venus se réfugier chez Jack. Normal, en même temps, son stand c'est le plus sympa de tous. Déjà, on y sert de l'alcool, et puis, si c'était pas suffisant, c'est Jack qui le sert. Vrenn doit y avoir des alliés, d'ailleurs, ça sent pas bon pour elle. Il s'arrête pour boire à droite et à gauche, Zahria en fait de même. Evidemment, la moitié de la chope finit sur ses pompes, sur lesquelles le barbu a déjà craché juste avant. L'autre moitié finit sur le gars derrière, qui continue à les courser. Résultat des courses, elle boit rien.
Elle reprend une chope, pour la route. Lève un pouce encourageant vers Jack. Elijack, ça serait sympa, comme nom de couple, pour ses deux amis. Ils iraient bien ensemble. Mieux que Vrenn et elle, en tout cas. Pour une fois qu'une idée de romance de Jack peut marcher, faut le soutenir. Parce qu'avec elle et sa cible, il a tapé à côté, c'est sûr. Là, tout de suite, tout ce que Zahria veut, c'est lui mettre les menottes et le foutre dans la taule la plus proche. Et puis, le plus vite possible, parce que ça commence à devenir fatiguant, là.
Une fois vide, elle laisse échapper la chope, qui se fracasse par terre. Désolée, Jack. Mais bon, vu les dégâts qu'ils ont fait sur tout le festival, c'est pas une pauvre chope qui va changer quoi que ce soit. Derrière, le gars de la mamie s'est arrêté à une table, et il s'apprête à s'asseoir. Pas plus mal. Elle sait pas comment ça va se finir, cette histoire, mais ça serait dommage qu'il se prenne un coup de surin qui ne lui est pas destiné. C'est mieux comme ça.
Vrenn, s'éloigne, de nouveau. Elle se faufile entre la foule, il disparaît une demi-seconde. Il lui faut un effort surhumain pour ne pas oublier ce qu'elle est en train de faire, mais en se concentrant, elle y arrive. Comme quoi, c'est pas impossible, quand on le veut. Il réapparaît, elle s'élance. Elle sent que c'est presque fini. De toutes façons, ils ont fait tous les stands et détruit l'intégralité du festival, y'a plus grand chose à faire... Oh merde. Le PC sécurité.
Amusé, mais aussi déjà exaspéré par l'énergie indémontable de son compagnon de beuverie, il roule les yeux au ciel, puis soupir:
- Nope, j'ressens que-dalle de douloureux hormis une chaleur confortable. Si j'm'enerve; quelques milliers de degrés, de quoi découper du métal. Mais pas le moins énergivore cela dit. J'peux prendre entièrement feu, comprenez que je ne peux le faire ici pour des raisons évidentes. Je m'entraîne à créer des formes, c'pas gagner. Et oui, tout ce que le feu touche, brûle. Instantanément.
Son index dans ma direction, c'est son tour à elle de me montrer ce qu'elle a sous l'capot. Et bordel le hasard ramène de sacrées nouvelles. Si j'suis pas aveugle c'est bien des éclairs qui sort de sa paluche. Une Elementaire, là devant mes yeux, comme moi.
Impossible de ne pas sourire à la vu de son spectacle, Jin fait tout de suite le lien sur l'enthousiasme de la jeune femme et les questions de cette dernière; ils ont tout les deux un point commun, et Lucy sait que peu de gens peuvent comprendre leurs pouvoirs et les enjeux derrière. Jin imitant ironiquement la posture et la voix de la Rousse, il lève son pouce dans sa direction :
- Fascinant !
Incroyable, elle peut tazer n'importe qui et en temps que médecin peut réanimer une personne dont le coeur s'est arrêté. Ce pouvoir est très puissant.
- On pas l'choix. Sinon il y'aurai un feu de forêt par jour. Et des maisons entières carbonisées. Je m'entraîne aussi, je le sais au fond de moi que je peux faire encore pas mal de choses, mais qu'il me manques les axes d'entraînement requis pour passer ces paliers. J'vais y arriver. Je le sens au fond de mes tripes. Nous sommes pareil, et c'est un honneur et réel plaisir de vous rencontrer. On se sent moins seuls, nous les manipulateurs d'éléments.
Il saisit sa choppe puis lève ce dernier avec un grand sourire carnassier :
- J'serai à la guilde, hâte de voir la foudre danser autour de vous. Je vous montrerai de quoi j'suis capable à condition que je vois également votre capacité à dompter des éclairs comme vos soldats. Je m'entraîne comme un acharné, il faudra suivre le mouvement !
Il bu cul-sec et un rot alcoolisé laisse échapper une fumée noire de sa bouche.
- Oups, pardon. A la r'voyure !
-Holà, tavernier ! Comment on fait pour passer sur scène ? Vous prenez que les musiciens ?
Puis elle décide de vomir. Je ne m’attarde pas trop sur ses courbures exposés à ma vue et je m’empresse d’aller l’aider quand elle a fini son affaire. Pile au moment où Gégé apparait.
-Pas l’air bien la petite dame.
-Oui, elle a dû trop danser.
-Peut-être besoin d’un lit ? Trovnik a fait monter un lit de camp pour toi.
-Moi ?
-Ouai. Quand « tu auras finis rangé ».
-Charmant ce Lou.
‘t’aimes bien.
-Tu peux transporter Elina à la tente ? Pour qu’elle se repose.
-Bien sûr.
-T’es un chic type.
-Merci Jack.
Je passerais la voir plus tard pour… voir si elle va bien. Je retourne au comptoir parce que Lou a dû me capter à la piste de danse. J’arrive donc et je croise Olivier qui commence à sacrément accuser le coup. Heureusement que ça se bouscule pas au portillon. Les dernières notes de musique s’arrêtent. Plus grand pour danser, ou en tout cas, pas verticalement. L’ambiance se fait un poil pesant, parce que les gens veulent pas partir, mais il n’y a plus de musicien pour animer. C’est là qu’Olivier se fait intercepter par un type.
-Oui monsieur ? Vous êtes ?
-Magicien.
-Ah ouai ?
-Quelqu’un m’a parlé de vous. Il a dit qu’on pouvait faire une représentation sur votre scène.
-Je vais demander au respons…
Justement, Trovnik est apparu à ses côtés comme si l’instinct lui avait annoncé la venue du type.
-Vous voulez vous présenter sur notre scène ?
-Oui. C’est possible.
-Vous ne serez pas payé, évidemment, mais vous pouvez. J’espère que vous êtes compétent ou la guilde saura prendre les mesures adaptées.
Entendre qu’il le mettra dehors. Charmant, ce Lou Trovnik. Il s’en va. Olivier fait une grimace à Erland.
-ça veut dire oui. Installez-vous. Une autre bière, peut-être ? Je vous l’amène su scène peut-être.
Toujours serviable, Olivier.